Notes italiennes d\`histoire de France

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Notes italiennes d\`histoire de France
UNE LETTRE INÉDITE
DE BLAISE DE MONLUC
-: (SIENNE, 22AOÛT 1557).
—p
Les lettres écrites tant en italien qu'en français par Biaise de
Moulue, relatWeinnt à Sienne, sont fort rares, surtout pour la
période de son second séjour dans le territoire siennois, depuis la
fin d'octobre '1656 jusqu'à la fin de novembre s 557. Dans sa belle
édition des commentaires et lettres de iiontue ('), M. de Ruble n'a pu
en réunir que seize, tirées de la Bibliothèque nationale (fondsfrançais ou collection Caignières) ou des archives de Toscane (drchioio
Medicco à Florence, Arc/aivio di Srato à Sienne)( 2 ). Aussi peut-il ne
pas être indifférent de publier ici une lettre italienne (le Biaise de
Moulue, consen'ée à Sienne même et encore inédite(3).
Biaise de Monluc a raconté lui-mémo dans ses Commentaires (4)
quelles circonstances déterminèrent le roi de Fiance Henri 1.1 ?s le
charger pour la seconde fois de ses affaires de Sienne, que la capitulation du 17 avril t555 avait fait passer sous la domination impériale. Monluc, investi des fonctions de gouverneur du Siennois,
devait résider habituellement à Montatcino (5) où s'élaienl pressées
O) Commentaires et lettre, de Biaise de Moir?uc, ,rrarécb,rl de Fronce. Édition
revue sur les manuscrits et publiée avec les vermines par M. Alphonse de (lubie
pour la Société de l'histoire de France, 5 volumes in-8', Paris, fleiiouard.
(1) p roviennent des archives de Florence, fiiza A 7 54 , les lettres publiées sous les
numéros 3o,36,37, 39; - des Archives de Sienne, Provrisiani Xi, 11" 27, âo;
dela Bibliothèque uaÉionalen"95,aG,s8,9g,3r,32,33,3A,35,38,fil.
Les lettres provenant fins archives d'Italie oui été recueillies par M. Eugène lleuoist.
(') Elle est conservée, ainsi que l'acte de Monluc ci-dessous publié, A la .Riblioteca
civka, où il est assez étonnant que M. Eugène Benoist n'ait pas dirigé ses rochercites. Ces deux pièces sont irrdiqrrées dan l'inventaire alphabitique manuscrit qui
est mis à la disposition ' les travailleurs à la Riblioteca cistre.
(5) Cf. B. ne. 1\toNt.uc, Cormneatairrs, éd. À. de ilubte, 11 162:
1
() Il avait été norrjnié gouverneur de Montalcirjo au commencement de 1556
(éf. ibid, III, p. i63; note A). Il y était en inspection le 20 octobre 1556 et
déclarait que M. de Soubise (qu'il allait remplacer dans soir gorivernenseat et dans
Document -
liii Il II II III 11111 lIIlIIIItl
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autour de Pierre Strozzi deux cenls familles décidées à lutter encore
pour le rétablissement de la liberté siennoise, et où, disait-il non
sans fierté, toute Sienne était retirée z Tinte '1 dominio e rEcto de la
Bepubblica &nese retirnia Il ne tarda pas à prendre ses fonctions
en dégoût, en grippe ses administrés italiens, et, tout en présidant
ponctuellement à leur défense et, — dans la mesure du possible, à la surveillance et à l'organisation de leur bien_étrèt), è demander à
grands cris sou rappel en France, et à faire sentir aux Siennois
qu'il les méprisait complètement. Dès le commencement de juin
1557 il demandait au duc de Guise l'autorisation de rentrer en
France pour guérir son caterre, en disant qu'il se sentait ne pouvoir
parier les travau.x que requiert le service de Sa Majesté, qu'il porte en
ladite Tuscane (3), Au milieu de novembre, il déclarait que les
Siennois lui donnent plus de petons à les entretenir que tout le reste,
et il ajoutait avec franchise comment il essayait de les mener,
traiclant las uns gracieusement, les autres rudement , et paissant les autres
d'espérance ().
le coininanjemerit de sa compagnie (le chevau-légers) avait h tout donné si bon
ordre que, quand je ne [crois sinon ensuivre ce qu'il u _faict , j'aurais opinion qu'ut
n'en advirnd,'oie point d'inconvdnient. Au mois de novembre suivant il organisait
les serrices de h défense â Monlalcino. C'est à cette organisation qu'est relatif
l'ordre suivant conservé on original 'â la Bibliothèque de Sienne (rad. D. V, â,
fol. 11)M) .4 également inédit: cfliasio di Monluc, cavaglier (lei ondine di Sua
MaesIà chrislianissiina e suD luogotenente generale in Italia. Per più respect1 et
nitre l,00rie considerai]oni , voglianio che ta casa de tresser Giovanni Baplista
liandi in quesla eut0 de tan talcizio. nellaquale à a]logiato monsignor de Serre.,
co'nmissario generale dette mLur]](iouui et viveri di Sua prorata Moestâ in lialia sin
e,ente dalingiare nessuu, oltro, sià senese o soldato, de qunlunque qnalit o condilione
si vop,lia.
liera romnmnctiasao o luit i governatori cappul ani o aitri siipendiali da
sua predetia Mnesiè , stondo sotte la caries nostra in qoesto douninio cire noir
d.inno inipedimento allume al diito Bondi per routa di delta casa, et nsservino
quesia nosira palentea. Sono peau de la dis:;racia castra e dol grave nrl,itrio a noi
,'iservalo. Fallo in Montalcino al]i xiiii di novembre o556. Blaise du Moulue,.
Sceau, ii e) droite z Giou[iinil Mariineau sec{i'ciariuis].
Celte expressiu 'n (le Monliuc, dans une ordonnance donnée à Crosselt(, le
i8 octobre 255 7 (publiée par A. de Diable, .a. cil., t. IV, p. 94), est dictée par
le mime sentiment d'héroïsme pu fait dire au Sertorius de Corneille le fameux
morceau z Je n'appelle )ui Hino un enclos de maroilles, etcni Voir nolamment le mémoire adressé au duc de Guise an commencement de
juisu 1557 (publié par A. de (lubh, op. cil., t. IV, p..73).
Expressions de Moulue dans ce milite mémoire (toc. cil., p. 8u).
(41 Expressions de Monluc dans une lettre an maretchat de Brissoc, (ievte,ua,ut
géuohal pave te roi en Pird'no,or ( Casiplioti , uS novembre s
• La lettre suivante, datée du nn août 1557, fut sans doute écrit
un jour que Monluc était d'humeur à traiter son monde r rude
mente. La nouvelle que la seigneurie de Sienne envoyait une ambassade au duc de Guise pour lui demander du secours était tout à
fait de nature à mettre hors des gonds le vieux capitaine (1) , et il
était indigné de se voir accusé d'être la propre cause de la ruine
de Sienne. Toutefois, après sa virulente déclaration erqu'iI ne voulait plus se mêler de rien», et son ironique prière à Dieu en faveur de la république, il redevient politique et donne de salutaires
avis à la Seigneurie sur cette ambassade même adressée à M. de
Guise.
Voici le texte de celte lettre
Illustrissimi signori corne fratelli
Ho inteso quanto quelle mi scrivano circa gli av"isi delle taise delta
guerra e motivi t') dii duca de Fiorence e di più corne havete mandala
un ambasciodor al illnstrissinio monsignor di Ghisa , aceio vblga g11 bccln
al soccorso vosLro e ci mondi quello die rneglio paria a Sua Excellentia
circa le cose dit stato; del plaie se io non lui voglio impacelare per bora
la cagione è questa elle pare al detto signer di Gliisa e crotte rincera
essend9li cosi statu rcferto per if signai- de Mesmes ) e MIro particolar di
voi altri t', clic ero causa delta ruina di taRo cotesto domirtio. II che, se
gli è vero Bio e viii ne siale honni te.stimoni, e per questo e per non Yi
ruinar di pfft di quel clic ho Ïalto in6nu n bora, ho risuluto noai inipacciarmene di più in conto alcuno e solamente prego lddio clic per l'amicizia chio
porto ad voi cd aile coso vosire, elle quello clic ci verra do1rn la min partita
ci habla cosi bnono animal e coi-e, corne ho bavuto.Io sana de opinione clic, non essendo il signore duca di Ghisa in Rorna,
D'auiant plus qu'à l'en croire il était délesté par le duc d0 Cuise; il lui
altniIjirail le refi,ç constant que la cour opposait ô ses demandes répétées de cetraite rCela, écrit-il le 15 novembre 1557, procède de la liayiie que me porte
molsieuir de Guise, lequel vouidroit que cecy se perdit- cotre rues mains
) Motivi ne doit pas s'eniendre ici dans le sens de motifs, raisons (de faire la
S
guerre), mais dans le sens de mouvements.
(3) Klonitic traduit niai Florence ou Fiorenzo.
(4) fleuri de Mescue, seigneur de Malassise et de Boissy (cf. illonfac, C'om rnentairas, éd. de noble, Il, 2 iii, noie s); il est cité dans une lettre de Mooluc â
G&sc (si - juin '557 ; op. rit., IV, p. 8(i) comme écrivant au duc de Guise
les questions financières.
(s) Il y n ici une allusion à une ambassade ou lettre antérieurement envoyée
par la signeurie de Sienne an duc de Guise. Je ne puis en préciser l'époque.
-6—
'le Siguorie vostre gliniandasseno di nuovo otto foi , maudato t, elle sera
sen pocaspesa, e se egli verra qui dovesono, scrivero per lui a certi
miei amici, inforniandoli di quello che vi è pUa necessario, .aecio dette
signer Ghisa sia più pronto ad accetarvi.
C'est probablement â cette ambassade ai ' due de Cuise que se rapporte une
lettre assezcurieuse-adressée par un citoyen de Prato qui signe cr6abrielSymeoneii
et qui se recommande du colonel Chiararnonte û Sienne, Û d'ambassadeur sienunis», pour lui développer un plan de politique anIiespagiiole Suivre pour assurer
la liberté de Sienne et l'avertir de faire peu de fonds sur les promesses des Franais. La lettre n'est pas datée, mais die semble bleu se rapporter A cette suprême
période de la liberté siennoise. Elle est, du reste, conservée dans le même volume
que l'arrêté de Monluc cité ci-dessus (cod. D. V. â, fol. 51 1). En voici le texte;
intéressant pour l'histoire des idées contemporaines sur la politique franco-espagno]e en Italie au xvi' siècle
,.AI mollo maguifico 1 signera auabasciador f Sanese.
rSignor mie, hiersera cenando meco il maestro della posta mi disse elle V. S.
veneado de Siena se n'andava alla coi-Le per soltecitare, corne io credo che altro
non mi disse egli , il lie ai soccorso di Siena). Salle Die se io ho' pianto e piango
l'infortunio di quella pavera citta usa n vivere liliera e dove nascono t.anti huoni
e begli ingegni con l'escarpin della coin laquate assediata l'auno 1529 à Papa
Clemente e da limperatore si perse salle merlesinia speransa cella rpiale s'appoggia
quella de la virera. Ma e lien vert, rho i teinpi d hoggi , clic i i-ispelti sono mollo
diirerenti diqueili giàpsssati (della ratura de Re non parle, cioè padre e figiiuolo)
per farmi crrdere clic le rose di Siena sumo per bavure iniglior esito elle quelle
di F',orenza Sono xiv anui cIme. io pralico la nature de i Francesi e desidere
tante la bru grandezza corne ta liherta di Lutta Italia.. Et se, egli l 'avcssino volute
credere aile mie letton e parole nuque mcli sono, (corne mettouo i rniei corrsigii
in executione, Dievogua o clic arrivino a tempo i ioro soccorsi o la stagia i re contraria non gli latin patire mille pem'iculi et disagi rosi in mare corne in terra I) ne
10 Strozzi sarelibe statu colle ne Sie]]a lmarebbe faute traite e Firenze sarehhe de
Frauzesi. Concitidendo clic xu mita huornini di più colt le loro vettovaglin irntiaréati il Morsilia e sliarcate a Vioregiii (sic) dngenlo homini d'arme et altret.tanti
cavalli legieri per tenera suggetto tuto il Parsie piano S à Fiorenza n Pisa , Partigleria di Ferrare, le vellova 1lie de Lucehesi, l'auiidtia del ducha dïlrhino per
mezzo del cardinale Formose , i danari delta nostra natione e lu slringere Fiorenzo
da due lad l'harebhono gi\ presa , liberata Siena , e l'alto il tic signera de mezza- Italia. Tulteqneste consideratinni sono stalle do rue scritte cinque mesi sono (solide
inalato in (Inesta terra) al coneslaliile, in Francese (laquais lingua m'e commune
coule e la Toscans, ma lia volute rare i 1 nando gli place per dire elle egti é lu9). Et
io per amure del prose non lie vuluto mancaro di replicare quieste poche parole
il V. S., ancien chu sappia o r.ongiettura dal Brada di quels clic sus Mii,crraas
docet. E le barjo le manu. Di \'ostra Signoria servitome, Gabriel Sn,r.osx.
- «Sa per sorte ripaIs ondo di qua V. S., io sono partito, le piacera salutare il
colonelle Cliiaraoaonte o Sinon il qmialé megho la ragguagliera del fatlumio anchnra
abc la bIlera manifesti assai -l'tissomo.a ' .- .....
- / Ne occorendo altro, prego Bio Nostro Signore clic le conserva entiremente (sic).
Bel (sic) abbadia n San Salvador, questo di xxii d'Agosta 1557
Scrivete al detto monsignor de Chisa che vi mandi il governator vostro
o un aura in suo luogo, perchè, in quanto a me, non voglio l'are detta
carica.
Perche il capitanio Manno 'ni suisse che li soldati di Montalcino sendo
tanto gravati di guardie non possiino più resistere, mi parebhe buono che
le Signorie Vostre mandassino per. la compagnia dii capitonjo Calloccio e
Fado venire in Montaicino dove fi darete chef modo di vivere che fatte in
Seggiano M.
Se intenderete motivo alcuno delli Spagnuoli, advertitemene, che non
,nancharo subhitamente anciarmerie in Montalcino per riparare al tulle.
Di Vostre Signorie illustrissime Buono amico,
BLASES DE M0NLUc
(î) Cette dote permet de rectiRer l'identification proposée par M. de Ruhie pour
icLahbadyea d'où Monluc n écrit au duc de Guise le sS août 1557. Cette ,vLabbadyen n'est pas Badia Tedulda, mais la Bodin di San Salvador.
(5) Ces détails sur ],a des diverses compagnies et leurs mouvements ne
se trouvent pas ailleurs. Ce qui est dit ici de l'épuisement de Monlalcino est
notable.
(3) C'est sous cette forme que le scribe italien a reproduil le nota du maréchal.
— Celle importante lettre est conservée en copie dans le manuscrit K, IV, 36,
fol. 67, de la llib/iole6i civko de Sienne.
-
IMPulamIItE Nsrioa&z.c.
- Août 1895.
NOTES ITALIENNES D'HISTOIRE DE FRANCE
XI'
UNE LETTRE INÉDITE
DE BLAISE DE MONLUC
(SIENNE. 22 AOÛT 1557)
PAR
M. L.-G. PÉLISSIER
Extrait du Bulletin hi3torique et philologique, 0894
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