consulter le mémoire de V. Veschinski
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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN Faculté de philosophie, arts et lettres Département d’études romanes Retour à Montechiarro de Vincent Engel : un roman métafictionnel ? Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master 120 en langues et littératures françaises et romanes sous la direction du Professeur Costantino Maeder par Vanessa Veschinski Année académique 2010-2011 UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN Faculté de philosophie, arts et lettres Département d’études romanes Retour à Montechiarro de Vincent Engel : un roman métafictionnel ? Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master 120 en langues et littératures françaises et romanes sous la direction du Professeur Costantino Maeder par Vanessa Veschinski Année académique 2010-2011 1 À mes parents, pour leur amour inconditionnel, À Anouchka et Manon, pour leur humanité… 2 Retour à Montechiarro de Vincent Engel, un roman métafictionnel ? 1. Vers la définition d’une hypothèse de recherche Vincent Engel est aujourd’hui une personnalité belge incontournable. Il est romancier, nouvelliste, dramaturge, scénariste, chroniqueur littéraire au Soir, professeur de littérature contemporaine à l’Université catholique de Louvain et professeur d’histoire contemporaine à l’IHECS. Ses nombreux ouvrages sont accueillis par delà nos frontières belges en France et au Canada. Plusieurs d’entre eux sont même traduits en russe et en allemand. 1 Si son œuvre ne trouve pas encore sa place dans les principales anthologies de littérature belge 2 , elle bénéficie d’un intérêt considérable de la part du public et des médias. L’avis de ces derniers doit être pris en compte dans la mesure où de ceux-ci dépend la reconnaissance de l’écrivain et de son œuvre : 1 ENGEL Vincent, « Présentation bio-bibliographique complète », http://www.edern.be/vincent_engel/observateur_observe.html (Page consultée le 5 mai 2009). 2 On se base sur : BERG Christian et HALEN Pierre, Littératures belges de langue française (1830-2000). Histoires et perspectives, Bruxelles, Le Cri, 2000 (Le Cri, Histoire). BERTRAND Jean-Pierre, Histoire de la littérature belge francophone. 1830-2000, Paris, Fayard, 2003. On ne trouve effectivement aucune mention de Vincent Engel dans ces ouvrages alors que notre écrivain avait publié plusieurs œuvres primées et traduites dans différentes langues : Légendes en attente (1993/ Prix Franz de Wever), La vie malgré tout (1994/ Prix Renaissance de la nouvelle), Un jour, ce sera l’aube (1994), Raphaël et Laetitia (1996), La guerre est quotidienne (1999/ traduit en russe). Informations concernant ces ouvrages : http://www.edern.be/vincent_engel/mes_livres.html (Page consultée le 29 mars 2010). À l’inverse, on peut y trouver des auteurs tels que Frank Andriat et Amélie Nothomb. 3 Déjà, l’accueil fait à l’œuvre par ses premiers lecteurs implique un jugement de valeur esthétique, porté par d’autres œuvres lues antérieurement. Cette première appréhension de l’œuvre peut ensuite se développer et s’enrichir de génération en génération, et va constituer à travers l’histoire une “ chaîne de réceptions ” qui décidera de l’importance historique de l’œuvre et manifestera son rang dans la hiérarchie esthétique. 3 On s’est intéressé à deux grandes séries d’articles. La première porte sur Vincent Engel et son œuvre en général. À la lumière de ces articles, on peut définir les thèmes les plus récurrents de son œuvre. Il s’agit de la mémoire, de l’histoire, de l’Italie, des liens entre la révolte 4 et la révolution, et enfin, du judaïsme. 5 La deuxième série concerne uniquement le roman sur lequel porte notre analyse, Retour à Montechiarro. 6 À l’exception du judaïsme 7 , on y retrouve 3 JAUSS Hans Robert, Pour une esthétique de la réception. Préface de Jean Starobinski, traduit de l'allemand par Claude Maillard, Paris, Gallimard, 1978, p. 45 (Bibliothèque des idées). 4 Par « révolte » on entend : « Résistance, opposition violente et indignée ; attitude de refus et d’hostilité devant une autorité, une contrainte ». Parmi les exemples cités dans la définition, on reprend une citation de Camus. Ce dernier sera en effet évoqué dans le cadre de ce travail : « […]mouvement par lequel un homme se dresse contre sa condition et la création tout entière ». REY-DEBOVE Josette et REY Alain (éd.), Le nouveau Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert. Texte remanié et amplifié. Paris, Le Robert, 2003, p. 2297. 5 On se base sur les articles qui suivent, consultés en ligne sur, http://www.edern.be/vincent_engel/observateur_observe/DP_GENERAL_CPLT.pdf (Page consultée le 8 février 2010) : JOWA Emmanuelle, « La révolte et la mémoire », dans Le Vif/ L’Express, n.n.p.(numéro d’exemplaire non précisé), 15/02/2002, pp. 74-75. LAPLANTE Laurent, « Vincent Engel. Entre devoir de mémoire et mémoire indicible », dans Nuit blanche, n°84, automne 2001, pp.16-20. MICHAUX Clarisse, « La vie selon Vincent Engel », dans Capital, n.n.p., d.n.p.(date non précisée), pp. 6-8. PETIT Cédric, « Vincent Engel. D’envie avant tout », dans La Libre Belgique, 29/05/2001, p.n.p. (page non précisée) POLLET M.-J., « La mémoire silencieuse de Vincent Engel », r.n.p. ID, « Petit-déjeuner lecture. Rencontre avec Vincent Engel », r.n.p. On se base aussi sur : LISON Christelle, « Vincent Engel. Un auteur belge à découvrir ou à redécouvrir », http://www.lecollectif.ca/2010/09/20/vincent-engel-un-auteur-belge-a-decouvrir-ou-a-redecouvrir/ (Page consultée le 18 octobre 2010). 6 On se base sur les articles qui suivent, consultés en ligne sur http://www.edern.be/vincent_engel/mes_livres/ddp/DP_MONTECHIARRO_CPLT.pdf (Page consultée le 12 février 2010) : BASTIA France, « Le monde des livres », dans Nos Lettres, n.n.p, août 2001, pp. 23-24. 4 ces différents thèmes. On observe, en outre, l’apparition d’une nouvelle thématique, celle de la place de la femme dans une société patriarcale. Plus précisément, Retour à Montechiarro est perçu comme un roman dont le récit s’articule autour de la révolte des femmes. Si quelques-uns de ces différents thèmes seront abordés dans notre travail, ils ne constituent pas pour autant le fil conducteur de notre réflexion. En effet, on souhaite mettre l’accent sur une problématique qui n’a pas été relevée par la critique, celle de la création. Plus particulièrement, dans ce mémoire, on veut démontrer que Vincent Engel utilise la fiction pour faire état de la fiction. Autrement dit, on pose l’hypothèse selon laquelle Retour à Montechiarro est un roman métafictionnel. Avant d’informer le lecteur des raisons qui nous poussent à envisager Retour à Montechiarro comme un roman métafictionnel, il convient de proposer une définition de ce concept. Dans son essai Metafiction. The Theory and Practice of Self-Conscious Fiction, Patricia Waught définit de cette manière le roman de métafiction: The metafictionals novel tend to be constructed on the principle of a fundamental and sustained opposition: the construction of a fictional illusion (as in traditional realism) and the laying bare of that illusion. In other words, the lowest common denominator of metafiction is simultaneously to create a BEGUIN Jean-Marc, « Une saga sentimentale et politique », dans Le Temps, n.n.p., 11 août 2001, p.n.p. CATINCHI Philippe Jean, « Il n’est rien d’autre au monde que le jeu », r.n.p. CROM Nathalie, « Vincent Engel. Peintre des femmes », dans La Croix, n.n.p, 21 juin 2001, p.n.p. DE DECKER Jacques, « Suite italienne. Un siècle et demi d’histoire », dans Le Soir, 9 mai 2001, p. 41. HALOCHE Laurence, « La mélodie du malheur », dans Le Figaro, d.n.p., n.n.p., p.n.p. NANDRIN Paulette, « Symphonie toscane », dans Télé Moustique, 27 juin 2001, n.n.p., p.n.p. PARADOMS Jacques, « Retour à Montechiarro », article copié du site http://jacqualu.canalblog.com/archives/2007/09/05/6339833.html VIDAL Laurence, « Les belles et le facho », dans Gala, 27 juin 2001, n.n.p., p.n.p. 7 Le thème du judaïsme ne sera pas abordé dans ce mémoire. On insiste cependant sur son importance dans le travail de Vincent Engel. Il est généralement évoqué en parallèle des réflexions sur la mémoire du mal et le devoir de mémoire. À ce propos, Cf. : ENGEL Vincent, Fiction : l’impossible nécessité. Sur les récifs des sirènes naissent les récits des silènes, 4e édition revue, corrigée et augmentée, Ohain, Asmodée Edern, 2007. ID, Pourquoi parler d’Auschwitz ? Préface de Claude Javeau, Bruxelles, Les Éperonniers, 1992. On retrouve aussi le judaïsme dans les deux essais suivants : Fou de Dieu ou Dieu des fous. L’œuvre tragique d’Élie Wiesel ainsi que dans Au nom du père, de Dieu et d’Auschwitz. Dans les œuvres de fiction de Vincent Engel, on peut citer Oubliez Adam Weinberger, La guerre est quotidienne, Légendes en attente, Mon voisin c’est quelqu’un ou encore Le don de Mala-Léa, une œuvre qui se situe au carrefour entre le roman et la biographie. Vincent Engel y propose en effet le portrait de David Susskind, une figure emblématique de la communauté juive de Belgique. 5 fiction and to make a statement about fiction. The two processes are held together in a formal tension wich breaks down the distinctions between creation and criticism and merges them into the concepts of interpretation and deconstruction. 8 Le phénomène métafictionnel se fonde ainsi sur l’interaction entre le processus de création et celui de la critique. Dès lors qu’est envisagé le statut de Vincent Engel, l’écriture d’un roman métafictionnel n’a rien de surprenant. En effet, la poursuite d’une carrière académique démontre un intérêt de sa part pour le discours scientifique ayant trait à la fiction. En atteste son essai, Fiction : l’impossible nécessité. Sur les récifs des sirènes naissent les récits des silènes, dans lequel Vincent Engel cherche à redéfinir la notion de fiction. Il n’est pas vain d’envisager une interaction entre le travail scientifique de l’auteur belge et son travail artistique. Une précision s’avère indispensable par rapport à la notion de métafiction et corollairement, par rapport à la fonction de l’auteur dans Retour à Montechiarro. D’emblée, pour éviter toute confusion, il faut différencier la métafiction de la métanarration. La métafiction se distingue de la métanarration par sa volonté d’éliminer les frontières entre la fiction et la réalité. La métanarration, quant à elle, ne cesse de rappeler au lecteur qu’il est confronté à une fiction : [Nous]précisons une distinction entre métafiction et métanarration : le premier terme se limite aux techniques narratives qui permettent au roman de dévoiler les mécanismes de sa propre narration, ainsi que les artifices de son écriture. Ces procédés narratifs, étroitement liés aux phénomènes de l’hypertextualité, ont pour effet de rappeler constamment au lecteur qu’il est en train de lire une œuvre littéraire, l’empêchant ainsi de succomber dans l’illusion de la réalité. […]La métafiction utilise les procédés métanarratifs afin de questionner ou effacer les limites entre réalité et fiction[…]. 9 8 WAUGH Patricia, Metafiction. The Theory and Practice of Self-Conscious Fiction, London and New York, Routledge, 2002, p. 6 (coll. New Accents). 9 CICHOCKA Marta, Entre la nouvelle histoire et le nouveau roman historique. Réinventions. Relectures. Écritures, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 33 (Littératures comparées). 6 Retour à Montechiarro comporte de nombreux points de jonction avec la réalité à l’exemple du cadre socio-historique dans lequel est plongé le lecteur. Ainsi, les personnages – parmi lesquels on trouve des noms célèbres comme Maria Taglioni, John Ruskin, le Tintoret, Liszt, etc. 10 – évoluent à travers les trois grandes périodes de l’histoire italienne : le Risorgimento, le fascisme et les années de Plomb. La confusion entre la réalité et la fiction peut être transposée sur le plan de l’énonciation. Le lecteur fidèle à l’écrivain belge soupçonne la présence de points de contact entre l’auteur en chair et en os, Vincent Engel, et le roman analysé, Retour à Montechiarro. Ainsi, dans le cadre de ce travail, on recourt à trois termes distincts pour lever toute ambiguïté à propos de l’énonciation : - par auteur implicite, on entend « celui qui écrit et qu’il ne faut en aucun cas confondre avec la personne de l’auteur, en chair et en os : seul le premier est présent dans le livre lui-même ». 11 L’auteur implicite est l’image de l’auteur telle qu’elle peut être reconstruite à partir du texte littéraire, Retour à Montechiarro. - par auteur social, on considère Vincent Engel en tant qu’être en chair et en os. Sous ce terme, on envisage aussi Vincent Engel dans les fonctions suivantes : bloggeur, personne interviewée et internaute. Il s’agit donc de l’écrivain tel qu’il se présente dans la vie publique. - par auteur-théoricien, on évoque Vincent Engel en tant que théoricien de la fiction et professeur d’université. 12 10 Les indications nécessaires les concernant seront données au cours de ce travail. DUCROT Oswald et SCHAEFFER Jean-Marie (éd.), Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1995, pp. 411-412. 12 Dans la partie italienne on parlera d’autore implicito, d’autore sociale et d’autore-teorico. 11 7 2. Parcours de lecture énigmatique, stratégie communicative sélective : trois indices au service du sens L’interprétation du roman Retour à Montechiarro se révèle être une entreprise complexe. Moult récits s’additionnent les uns aux autres et, par là même, démultiplient les pistes potentielles de lecture. Pour simplifier notre démarche, il convient de connaître les intentions communicatives de l’auteur. 13 Pour ce faire, le recours aux théories gricéennes est judicieux. Dans son ouvrage Studies in the Way of Words, H. Paul Grice affirme que l’intelligibilité d’un message est basée sur le principe de coopération entre les locuteurs. Autrement dit, la compréhension d’un échange conversationnel se fonde sur le respect de la part des participants de règles communes (alias maximes conversationnelles) réparties parmi les quatre catégories suivantes : quantité, qualité, relation et modalité. 14 Grice soutient que le non-respect de l’une de ces règles n’annihile pas pour autant le principe de coopération. Si le locuteur bafoue ouvertement une règle sans en violer une autre et sans essayer d’induire le destinataire en erreur, le principe de coopération est respecté « au niveau de ce qui est implicité dans le texte ». 15 On parle alors d’ « implicature ». Ce cas de figure est particulièrement intéressant dans la mesure où il s’apparente à une stratégie de communication du locuteur visant à mettre en exergue les éléments susceptibles de passer inaperçus dans le flux d’informations. L’application de ce raisonnement au présent roman permet d’entrevoir les possibles intentions auctoriales. L’auteur implicite déroge à la règle de quantité dans le sens où il représente de manière répétitive de semblables situations de création. S’il heurte le principe d’informativité lié à cette règle, l’écrivain fait preuve d’une pertinence énonciative incontestable. Il enjoint le lecteur à envisager sa lecture selon le thème de la création. Au phénomène de la répétition s’ajoute un deuxième élément pour soutenir la présence d’une réflexion sur la création dans l’œuvre : l’épigraphe. Aux yeux du lecteur, l’épigraphe fait office de guide de lecture au texte qu’elle introduit. 13 L’analyse qui suit tient compte des intentions de l’auteur social et implicite. GRICE Paul, Studies in the Way of Word, Cambridge, Harvard University Press, 1989, pp. 4-5. 15 Ibid. 14 8 Comme le souligne Antoine Compagnon, « [elle]représente le livre – elle se donne pour son sens, parfois pour son contresens – elle l’induit, elle le résume ». 16 D’emblée elle pose les assises de l’interprétation qui sera donnée du livre. Ici, l’écrivain a opté pour une citation d’Albert Camus, ce qui ne lui messied pas dès lors qu’il a toujours exprimé son admiration à l’égard de l’écrivain français. 17 Pour éluder le lecteur, l’auteur passe sous silence le lieu de provenance de la citation. Ainsi, à première vue, l’accent est mis sur le contexte géographique dans lequel s’enracine en grande partie le récit, l’Italie : « Quand je serai vieux, je voudrais qu'il me soit donné de revenir sur cette route de Sienne que rien n'égale au monde, et d'y mourir dans un fossé, entouré de la seule bonté de ces Italiens inconnus que j'aime ». 18 Mais de fait, ces mots trouvent leur place dans les Carnets de Camus. 19 Il s’agit d’un indice intéressant dans la mesure où ces Carnets révèlent le fonds de la pensée camusienne en matière de création artistique. La fonction indicielle de l’épigraphe étant admise, il convient d’appréhender Retour à Montechiarro selon la même logique de construction que cette dernière. Ainsi, aux multiples récits ancrés au sein d’une Italie mythique 20 , se greffe une réflexion parallèle sur la création. Si l’on peut arguer de ces deux faits pour conforter notre première piste de réflexion, on ne peut faire fi d’une tierce donnée : le titre. Retour à Montechiarro constitue ce que Gérard Genette a qualifié de titre thématique.21 Celui-ci ne renvoie pas à proprement parler au thème de la diégèse mais à des éléments qui lui sont inhérents et auxquels est conférée une importance particulière. 22 Dans le cas présent, le titre se rapporte au projet d’un des personnages du roman, le photographe belge Sébastien Morgan. Après avoir quitté Montechiarro, il y 16 COMPAGNON Antoine, La seconde main ou le travail de la citation, Paris, Seuil, 1979, p. 337. LAPLANTE Laurent, op.cit. 18 ENGEL Vincent, Retour à Montechiarro, Paris, Fayard, 2003, p. 5 (Livre de Poche). Les références de page précédées de R.M., renvoient systématiquement à cette édition du roman. 19 CAMUS Albert, Carnets III. Mars 1951- décembre 1959, Paris, Gallimard, 1989, p. 180. 20 Vincent Engel joue avec les stéréotypes traditionnels de l’Italie. Il présente l’Italie comme une terre de violences en pointant essentiellement les épisodes noirs de l’histoire italienne comme l’assassinat de Matteotti, l’arrivée au pouvoir de Mussolini, l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, etc. Au niveau social, il exploite les relations entre l’aristocratie et la bourgeoisie. De même, il se plaît à enfermer les femmes dans le carcan de la soumission par opposition aux hommes qui sont en quête de pouvoir et de conquêtes féminines. 21 GENETTE Gérard, Seuils, Paris, Seuil, 1987, p. 78. 22 Ibid. 17 9 retourne pour permettre à Agnese Della Rocca, une connaissance à laquelle il s’est attaché, de filer des jours d’or et de soie. Mais sur place, il apprend le décès de la dame. S’ensuit la mise en œuvre par le photographe d’un projet qui vise à recomposer par images interposées les traits de la défunte. Derechef, on constate la relation entre cet élément du paratexte et le thème de la création. De concert, stratégie scripturale, épigraphe et titre livrent au lecteur les indices suffisants pour affirmer que la création et ses fonctions sont un thème dominant dans Retour à Montechiarro. 3. Méthode et outils de travail Le présent travail s’articule autour de deux chapitres. Dans le premier, on s’attachera à présenter les grandes caractéristiques de la création essentiellement selon le point de vue de l’auteur implicite. 23 Pour ce faire, on proposera les analyses narratologiques des mises en abyme qui se rapportent à la création dans ce roman. Parmi les nombreuses scènes de création, on a choisi de se concentrer sur celles ayant trait à l’image. 24 Loin d’être arbitraire, ce choix résulte de deux constats. D’une part, le titre du roman renvoie directement au projet photographique de Sébastien Morgan. D’autre part, les seules situations de création qui transcendent le roman dans son intégralité sont affiliées à ce médium. La philosophie, l’histoire de l’art, la linguistique, la psychanalyse et la psychothérapie nous permettront d’appréhender les différentes facettes de la création telle que celle-ci est perçue par l’auteur implicite. En outre, on confrontera le point de vue de notre écrivain à celui d’Albert Camus en raison de la présence de ce dernier dans l’exergue du roman analysé. Pour ce faire, on 23 On verra qu’à de très nombreuses reprises les choix opérés par l’auteur implicite se justifient pour l’auteur social ou l’auteur-théoricien. 24 Le terme « image » est à comprendre dans son assertion la plus large : « 1. Reproduction inversée qu’une surface polie donne d’un objet qui s’y réfléchit [...] Æ image photographique. [...] 2. Représentation d’un objet par les arts (graphiques ou) plastiques ». REY-DEBOVE Josette et REY Alain (éd.), op.cit., pp. 1308-1309. 10 recourra non seulement aux œuvres majeures de l’écrivain français 25 mais aussi aux différentes études menées par Maurice Weyemberg 26 et Marcel Mélançon. 27 Dans le second chapitre, on s’intéressera à ce qu’Umberto Eco nomme la fabula, c’est-à-dire, « le schéma fondamental de la narration, la logique des actions et la syntaxe des personnages, le cours des événements ordonné temporellement ». 28 Le point de départ de l’analyse sera la thématique souvent relevée dans Retour à Montechiarro par la critique et le public, à savoir, la femme. On verra que même en se centrant sur cette thématique, le roman constitue toujours une réflexion sur la création. Effectivement, l’auteur implicite, par le brouillage des voix, par l’intertextualité et par l’intratextualité29 , pousse le lecteur à s’interroger sur les relations qu’entretient la fiction avec la réalité. Dans cette partie du travail on s’intéressera particulièrement à un phénomène proprement métafictionnel, l’implication de l’auteur dans le récit à travers ses personnages de fiction. 30 Pour mener à bien notre réflexion, on exploitera de nombreuses études de linguistique ainsi que le fonds littéraire dont s’inspire l’auteur implicite pour ses stratégies d’énonciation. À la fin de ce chapitre, on remontera jusqu’à ce qui est potentiellement à l’origine du geste créateur de Vincent Engel. La psychanalyse, les références littéraires et musicales nous aideront dans notre démarche. 25 CAMUS Albert, Le mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard, 1942 (Folio). L’homme révolté, Paris, Gallimard, 1985 (Folio Essais, 15). Carnets III., op cit. 26 WEYEMBERG Maurice, Albert Camus ou la mémoire des origines, Bruxelles, De Boeck, 1998. 27 MELANÇON Marcel, Albert Camus. Analyse de sa pensée, Fribourg, Éditions universitaires, 1976. 28 ECO Umberto, Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, trad. de l’italien par Myriem Bouzaher, Paris, Grasset, 1985, p. 133. 29 On utilise le terme « intratextualité » dans le même sens que celui proposé par Limat-Letellier pour qui l’intratextualité est une forme particulière de l’intertextualité. Il y a intratextualité quand un écrivain « réutilise un motif, un fragment du texte qu’il rédige ou quand son projet rédactionnel est mis en rapport avec une ou plusieurs œuvres antérieures. (Limat-Letellier, 1998 : 27) ». MARTEL Kareen, « Les notions d'intertextualité et d'intratextualité dans les théories de la réception », dans OUELLET François (éd.), Protée : revue internationale de théories et de pratiques sémiotiques, vol. 33, n°1, printemps 2005, p. 93. 30 ORLOWSKI Victoria, « The Postmodern Novel », http://www.nvcc.edu/home/ataormina/novels/history/metafiction.htm (Page consultée le 23 février 2011). ID, ID, 11 12 Analyse de Retour à Montechiarro Chapitre I Qu’est-ce que la création ? Proposition de réponse au cœur de la production romanesque Pour Linda Hutcheon, la métafiction est une forme d’expression du mouvement postmoderne en littérature.31 Or, d’après Vincent Engel, l’auteurthéoricien, le postmodernisme 32 est né de l’idée qu’aujourd’hui il n’est plus possible de créer. Tout a été inventé et, dès lors, créer ne peut se faire que de « manière référentielle, citationnelle et ironique ». 33 Dans ce chapitre, on verra comment est résolue cette tension créatrice grâce à une conception de la création originale et pourtant au creuset d’influences multiples, à commencer par celle d’Albert Camus. 31 HUTCHEON Linda, A Poetic of Postmodernism. History. Theory. Fiction, New York, Routledge, 1990, p. 48 (University paperbacks, 986). 32 Le postmodernisme est un mouvement littéraire qui commence aux alentours de 1960 : « Globalement, on peut caractériser la pratique littéraire postmoderne par le jeu, le goût du fragment et de la citation, le pastiche, l’ironie, la déconstruction, l’autoréférentialité et la métafiction. Face à une image du monde en éclats et à une expérience de vie chaotique, l’auteur postmoderne n’édifie pas un texte cohérent et hiérarchiquement structuré : il juxtapose des fragments ou différents points de vue non dominés par un principe régulateur comme par exemple un narrateur omniscient […] Convaincu que tout est déjà écrit, l’auteur postmoderne ne peut plus prétendre à l’originalité […], il ne lui reste plus qu’à copier les textes antérieurs, à les citer, à les faire dialoguer entre eux (Eco, Borges) ». Eco parle de « littérature de l’épuisement ». VAN GORP Hendrik (éd.), Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Champion, 2001, pp. 384-385. 33 ENGEL Vincent, Fiction, op. cit., p. 137. 13 1. Et si on laissait l’artiste refaire le monde ? De l’illusion du pouvoir au pouvoir de l’illusion Pour investir la question des relations entre la création et la révolte, il convient de prendre appui sur la pensée d’Albert Camus, dont on rappelle la mise à l’honneur par le biais de l’épigraphe. 34 Ce discours théorique est indispensable dans la mesure où l’on pose d’emblée l’hypothèse d’une illustration pratique de la pensée camusienne en matière de création artistique au sein même de Retour à Montechiarro. Pour saisir les propos camusiens, un détour par la notion d’absurde s’avère avant tout nécessaire. Albert Camus fait de l’absurde une réalité intrinsèque à la condition de l’homme. L’absurde est défini comme « la confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ». 35 En d’autres termes, l’homme évolue dans un monde dont il ne comprend rien, même pas l’essence de sa propre existence. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la condition absurde de l’homme. Face à cette situation, l’homme peut opter pour l’une de ces trois solutions : l’espoir (Dieu), le désespoir (le suicide) ou ni l’une ni l’autre. Dans ce cas alors, l’homme choisit de maintenir cette tension absurde. Pour y parvenir, l’art est le moyen idéal. Même s’il se sait dans l’incapacité de comprendre sa condition et celle du monde qui l’entoure, l’homme exprime par le truchement de l’art son refus de renoncer. Il se révolte contre sa condition humaine. 36 Une première relation entre la création et la révolte est illustrée dans Retour à Montechiarro à travers une œuvre du Tintoret. Elle est évoquée dès les premières pages du roman quand Bonifacio Della Rocca quitte Montechiarro pour se rendre à Venise où l’a convoqué un certain Asmodée Edern dans le but d’honorer une dette jadis contractée par son père. Arrivé dans la cité des Doges, Bonifacio fait la rencontre de son hôte, un individu pour le moins singulier. 37 34 Dans ce cas on est donc amené à envisager la conception de la création selon le point de vue de l’auteur implicite et selon celui de l’auteur social puisque le choix de Camus est justifié par le goût de Vincent Engel pour cet écrivain. 35 CAMUS Albert, Le mythe de Sisyphe, op.cit., p. 46 (Folio). On parle alors de l’homme absurde que l’on retrouve sous la forme d’un de ces archétypes : le séducteur, le comédien ou l’aventurier. 36 MELANÇON Marcel, op.cit., pp. 31-50. 37 « L’homme parlait avec rapidité, d’une voix grave et modulée, avec un très léger accent, indéfinissable au demeurant, qui renforçait l’étrangeté de son nom et de son aspect ». R.M., p. 32. 14 Malgré ses réticences, il a accepté de dîner dans son palais, lequel abrite de magnifiques toiles. Parmi celles-ci, se trouve la Dernière Cène 38 du Tintoret. Bonifacio Della Rocca est outré par le chef-d’œuvre qui montre les actes à caractère peccamineux posés par le Christ : De loin, au bas de l’escalier, il lui était apparu qu’elle [la toile] représentait une Dernière Cène, sans doute audacieuse dans sa composition mais digne de figurer dans l’une ou l’autre église. Il lui sembla même pouvoir l’attribuer au Tintoret. - Oui, il carissimo Tintoretto… Vous avez un beau coup d’œil, mon cher. Parce qu’il s’agit d’un Tintoret, certes, mais d’un Tintoret unique en son genre, qui lui aurait valu des ennuis au maître si, […] il n’avait eu la sagesse de la [la toile] dissimuler et de la confier à l’un de mes ancêtres […] L’étonnement suscité par ces paroles laissa rapidement la place à la stupeur que provoqua chez le Toscan la découverte plus détaillée de la peinture. Au fur et à mesure que l’on s’en approchait, la scène se révélait tenir davantage du cabaret que du lieu saint, de saturnales que d’un repas d’apôtres. […] Et, trônant au milieu de cette scène absurde, un Christ hiératique, serré par deux jeunes femmes que l’on n’aurait osé soupçonner vierges et qui ne désespéraient pas de plier la volonté du maître de céans. Son sourire, mystérieux et ironique, les encourageait et ne laissait guère de doute sur son désir de rejeter le calice paternel afin d’opter pour une boisson plus sucrée et une vie dense et délicieuse, à défaut d’être éternelle et divine -Surprenant, n’est-ce pas ? […] Qu’en pensez-vous ? Bonifacio demeurait médusé (R.M., pp. 39-40) L’intensité de la charge émotionnelle suscitée par l’œuvre provoque l’aphonie du personnage. Ses pensées sont dévoilées au lecteur grâce à l’instance hétérodiégétique. Jamais Bonifacio n’accède à la parole dans cette scène d’énonciation. Les tentatives d’Asmodée Edern de construire un dialogue avec son interlocuteur restent vaines. Pour reprendre le vocable employé dans l’extrait, Della Rocca apparaît « médusé ». L’étrange attitude adoptée par Bonifacio suscite l’interrogation. En effet, il n’a fait montre de nulle contrariété à la vue d’autres peintures où s’affichait un semblable mélange de déduit et de pudeur. Les scènes licencieuses où pâtres, bergères, satyres et autres se livrent à la ribote n’outragent guère Bonifacio (RM., pp. 38-39). Seule la représentation 38 À plusieurs reprises, le lecteur sera confronté à des œuvres attitrées Dernière Cène. Afin d’éviter toute confusion, la Dernière Cène et la Cène renvoient aux œuvres picturales évoquées, en l’occurrence, celles du Tintoret et de Véronèse. La « cène » et la « dernière cène » renvoient aux œuvres photographiques de Sébastien Morgan. 15 blasphématoire du Christ le déstabilise. Le discours d’Asmodée portant sur la création controversée de Véronèse, sans doute inspirée du Tintoret, Repas chez Lévi 39 , jette la lumière sur ce qui est à l’origine du tourment de Bonifacio : Je n’ai pu établir ni quand ni comment ni pourquoi, mais je suis sûr que mon aïeul a laissé voir cette toile à Véronèse, et que celui-ci s’en est inspiré pour son Repas chez Lévi. Mais si Véronèse fut plus prudent dans sa composition, il ne le fut pas assez en la dévoilant ; et ce n’est que par l’astuce d’un changement de titre qu’il sauva la toile de la condamnation des inquisiteurs ! (R.M., pp. 39-40) Effectivement, en mil cinq cent septante-trois, Véronèse fut contraint de s’expliquer devant le tribunal du Saint-Office. Il fut accusé d’impiété en raison de l’approche particulière du thème de la Dernière Cène. Véronèse avait situé la Cène dans un lieu profane rassemblant des hommes de race noire, des nains, des buveurs et des animaux. Il se vit dans l’obligation de modifier le titre de son tableau pour apaiser les inquisiteurs. La Cène s’est ainsi transformée en Repas chez Lévi. 40 A l’instar des inquisiteurs vis-à-vis du travail de Véronèse, Bonifacio Della Rocca est choqué par la Dernière Cène transformée en priapée. Pour en revenir aux prémices de notre réflexion et comprendre le lien entre la création et la révolte, il faut s’intéresser aux raisons qui ont poussé le Tintoret à proposer une approche aussi originale de la Dernière Cène. 41 Lionel Dax a opéré un travail d’analyse sur les différentes Cènes qui ont jalonné le parcours artistique du 39 Le Repas chez Lévi de Véronèse se trouve en annexe (Annexe I). Conformément à ce qui a été demandé par la faculté, les annexes sont envoyées au promoteur et au lecteur en version électronique. 40 ARASSE Daniel, Symboles de la Renaissance, Paris, vol. 3, Rue d’Ulm, 1990, p. 187 (Arts et langage). 41 La description dispensée de la Cène passe par le filtre de l’interprétation qu’en font Asmodée et Bonifacio. Toutefois, on trouve l’accréditation de leurs dires dans une étude menée par Lionel Dax, historien d’art et rédacteur en chef du magazine Ironie. Dax y mentionne l’attrait particulier du Tintoret pour la thématique du « dernier repas ». Il signale l’existence d’une dizaine de Cènes, attribuées au célèbre peintre, dont certaines présentent un caractère débridé. La présence du vin engendrerait, selon Dax, l’amalgame entre le dernier repas du Christ et les banquets de Dionysos, tel qu’il se retrouve dans la production artistique du Tintoret : « Les Cènes du Tintoret ont parfois un air païen. Des servantes presque nues, des mendiants qui ressemblent à des satyres (Cène de San Rocco). Le vin est l'élément commun du Christ et de Dionysos. La circulation du païen et du chrétien est présente dans ces Cènes, plus particulièrement dans les Cènes de San Trovaso et de San Simeone e Profeta où nous voyons, témoin de la scène, un personnage féminin tenant une quenouille, une Parque, la plus jeune, Clotho, celle qui file la quenouille en attendant qu'Atropos, l'inflexible, coupe le fil de la vie ». DAX Lionel, « Les secrets du Tintoret. III. Invitations à l’ivresse », dans Ironie, n°27, mai 2004, article en ligne, http://ironie.free.fr/iro_97.html (Page consultée le 8 juin 2010). Les Cènes du Tintoret (Annexe II). 16 Tintoret. Son objectif était de mettre en lumière la béance entre les préjugés portant sur le peintre et sa véritable personnalité. 42 Selon lui, à travers l’association singulière de lubricité et de pudeur représentée dans son œuvre, le Tintoret exprime l’amertume qui le poigne. Au fil du temps, un mythe s’était créé autour de sa personnalité. Il relayait l’idée d’un homme reclus du monde, sobre, sage, profondément croyant et opposé à toutes les formes de mondanités. Pourtant, contrairement à ce qu’en pensaient Sartre et certains auteurs romantiques, le Tintoret n’était guère un homme inhibé et l’analyse des diverses Cènes a permis à la critique de mettre au jour un aspect méconnu de la personnalité du peintre. Ainsi, au départ du processus créatif, on trouve la propension du peintre à vouloir se révolter contre les préjugés formulés à son sujet. L’auteur implicite insiste sur le lien entre la révolte et la création par le biais de la répétition. En effet, une « dernière cène » apparaît dans l’ultime partie du roman et suscite une semblable réaction émotive. Laetitia Delpierre, arrièrepetite-fille de Bonifacio Della Rocca, se rend en Toscane afin de réaliser une série de séances photos avec le célèbre photographe Sébastien Morgan. À cette occasion, son manager lui a offert un des albums de Sébastien, dont la première de couverture est ornée d’une re-création de la « dernière cène ». À la vue de cette illustration, Laetitia est troublée : Sur la couverture, une femme nue, de profil, assise par terre, une jambe repliée contre son ventre et sa poitrine, une autre sur le sol, légèrement incurvée. On ne distingue presque pas les traits du visage fondu dans l’obscurité. Au-dessus de cette image, un nom : Sébastien Morgan, et un titre : Dernière cène. Une étrange émotion l’[Laetitia] envahit (R.M., p. 630). Dans ce cas, la connotation religieuse du titre de la peinture n’est pas relevée par Laetitia et n’est pas à l’origine de son trouble. L’émotion de Laetitia peut être comprise grâce à une réflexion de portée plus générale proposée par le philosophe Jean Baudrillard. Il explique l’émotion que peut ressentir une personne face à une image en introduisant le concept de poéticité de l’image. Pour expliciter sa 42 DAX Lionel, op.cit. 17 théorie, il opère une comparaison de l’image avec le langage linguistique. Ce dernier, exempt de sa dimension sémantique, continue à être porteur d’un message de par sa matérialité elle-même. L’image, selon Baudrillard, fonctionne de façon identique. Elle s’exprime d’elle-même indépendamment de la vision imposée par le sujet-créateur grâce à sa maîtrise technique. 43 Face à la photographie, Laetitia subodore la dissimulation d’une réalité tragique. De fait, lors de deviser sur cette production artistique, Sébastien lui confesse la mission dont Élisabeth, le modèle, l’avait chargé. Par le truchement de la photographie, il devait camoufler l’état valétudinaire de la femme et la métamorphoser en objet de désir. L’album photos était distribué essentiellement à un groupe restreint d’hommes auxquels, on suppose, elle s’était refusée. De cette manière, il s’agissait de se venger des infidélités de son mari : la photographie constituait le simulacre du corps dont elle faisait offrande. Dans le cadre d’une réflexion sur la création, ce deuxième exemple mérite de retenir notre attention dans la mesure où il pointe les limites de la création. Afin d’éclairer notre réflexion, un retour aux théories camusiennes est nécessaire. Lorsque Albert Camus appréhende la révolte dans sa relation avec l’art, il concède à l’art la faculté de corriger le réel. 44 Le rôle de l’artiste est de recréer « le monde à son compte ». 45 Toutefois, si l’artiste crée pour échapper au réel, il est obligé de puiser dans le réel pour produire son œuvre. Il y a de la part de l’artiste une recherche de l’unité là où elle ne se trouve pas, pour reprendre les termes de Camus, soit dans le réel, soit dans le monde imaginaire. 46 Le monde réel et le monde imaginaire ne peuvent pourtant pas être isolés l’un de l’autre dans la mesure où le réel constitue la matière première de la création. Cette incapacité pour l’art de se dérober au réel 47 est parfaitement illustrée dans le cas d’Élisabeth. En effet, sur le plan du réel, Élisabeth est une femme malade trompée par son mari. Sébastien, avec l’aide d’Élisabeth, exploite les éléments du réel pour les 43 LOEHR Susan, « Baudrillard. La Disparition du Monde Réel », http://www.youtube.com/watch?v=kiHpGAjA33E (Page consultée le 20 octobre 2010). Il s’agit d’une copie d’un reportage réalisé par Susan Loehr sur Jean Baudrillard. Ce reportage a été diffusé le 20/01/2004 sur ARTE. 44 CAMUS Albert, l’Homme révolté, op.cit., p. 336. « Réel » à comprendre dans le sens de « ce qui est ». REY-DEBOVE Josette et REY Alain (éd.), op.cit., p. 2207. 45 CAMUS Albert, l’Homme révolté, op.cit., p.320. 46 Ibid., p.336. 47 Ibid., p.323. 18 transposer sur le plan artistique au moyen de la photographie. Symboliquement, les rôles sont inversés : Élisabeth « trompe » son mari. Mais, la transformation que Sébastien réalise par le biais de l’art n’est pas effective dans le réel : les souffrances de la moribonde ne seront jamais apaisées. Ainsi, l’acte créateur, fruit de la révolte de l’artiste, n’a pas de véritable prise sur le réel. C’est cet aspect de la théorie camusienne que l’auteur implicite a choisi de mettre en relief en recourant à la méthode des passages parallèles. Un dernier parallélisme surgit et concerne l’aspect thérapeutique de la création. Pour autant, l’écrivain belge ne s’écarte pas de la conception de l’art de son maître. Au contraire, comme en témoigne Maurice Weyemberg, Camus a luimême écrit La Chute dans un mouvement d’abréaction. 48 La description d’une troisième « cène » rappelle celle dont Élisabeth est le modèle. On a évoqué le projet de Sébastien Morgan (p. 10) 49 : recréer Agnese Della Rocca par l’entremise des photographies. Laetitia Delpierre, sa petite-fille, est choisie comme modèle. Au terme de cette entreprise, Laetitia, pour signifier la fin de l’album, prend une pause semblable à celle d’Élisabeth. 50 La lecture de ce passage cependant ne rend pas compte de ce même sentiment d’échec. Pour comprendre, on propose d’observer les deux nouveaux passages. Les reprises lexicales, les éléments cités selon le même ordre soulignent encore le caractère répétitif du roman. Description de la photo mettant en scène Élisabeth : […] elle repose sur un lit, gisante effacée par le drap dont la houle vient battre son flanc ; la poitrine menue disparaît dans l’étirement du buste ; une jambe se replie, le pied posé contre le genou de l’autre jambe étendue ; une main pend dans le vide, l’autre semble flotter en dessous du sein droit ; le visage, tourné vers l’ombre, est celui-là même de la nuit qui apaise. 48 WEYEMBERG Maurice, op.cit., p. 209. Les numéros de pages placés entre parenthèses sans autre indication renvoient au présent travail. 50 La prise de ce cliché résulte d’une entreprise menée par Laetitia elle-même. Sébastien se soumet à cette initiative. La domination de Laetitia est rendue au niveau textuel. Laetitia est le seul personnage à prendre la parole dans cet extrait. Le même procédé est utilisé pour marquer la « supériorité » d’Asmodée Edern sur Bonifacio Della Rocca (pp. 23-24). Aussi, dans la gestuelle même du personnage, on remarque que la plupart des verbes d’action ont pour sujet Laetitia. Cela corrobore l’hypothèse de la prise en charge par Laetitia de cette mise en scène : « […] il se lève et se laisse entraîner par la jeune fille qui le guide vers le salon. […] Elle le conduit de pièce en pièce […] Elle marche, vestale légère qui conduit le rituel de l’ultime dépouillement. […] Et Sébastien suit, la vue trouble, se fiant à ses mains, à son cœur ». R.M., p. 700. 49 19 Laetitia referme l’album. Son pouls palpite, son ventre brûle (R.M., p. 631. On met en évidence). Description de la photo mettant en scène Laetitia : Ils montent l’escalier, parviennent dans la chambre de Laetitia, celle d’Agnese. Le lit n’est pas défait. Elle rejette les draps, orchestre un désordre de fleurs, puis s’étend, s’efface dans le drap dont les vagues battent contre son flanc. Sa poitrine s’estompe dans l’étirement du buste ; une jambe se replie, le pied posé contre le genou de l’autre jambe étendue ; une main pend dans le vide, l’autre semble flotter en dessous du sein droit ; le visage, tourné vers l’ombre, est celui-là même de l’aube qui apaise. Sébastien hésite. Les yeux noyés, il ne peut plus cadrer qu’au jugé. Au-delà des battements précipités de son cœur, Laetitia devine l’imperceptible déclic (R.M., p. 700. On met en évidence). À travers l’opposition sémantique aube-nuit illustrée par les deux personnifications qui mettent fin à la description, le narrateur dissocie symboliquement la destinée des deux jeunes femmes. Le terme de l’ « aube » associé à l’expression du visage de Laetitia renvoie à l’idée d’une vie qui commence pour elle. L’onomastique elle-même accorde une note de gaieté à la destinée de Laetitia. 51 La nuit, quant à elle, fait écho à la mort imminente d’Élisabeth. En reproduisant la « cène », Laetitia confronte le photographe à deux instants traumatisants de son existence : les morts respectives d’Agnese et d’Élisabeth. On observe d’ailleurs chez Sébastien une émotion certaine corroborée par le syntagme « yeux noyés » et son hésitation à prendre le cliché. La vision positive du narrateur à l’égard de la deuxième photographie démontre que la répétition de l’expérience douloureuse (ici par le biais de l’art) a des vertus curatives. La répétition participe à l’entreprise thérapeutique ainsi que l’a attesté Sigmund Freud dans son essai Au-delà du principe de plaisir. Freud opère un rapprochement entre les névrosés de guerre, victimes de cauchemars à répétition qui contreviennent au principe de plaisir, et le jeu de la bobine chez l’enfant. 52 Ses recherches le conduisent à postuler l’existence d’un mode de 51 « Laetitia : étymologie latine : liesse, allégresse ». BARBE Jean-Maurice, Tous les prénoms, Paris, Jean-Paul Guisserot, 1994, p. 277 (Les Guides Guisserot). 52 Le rapprochement entre le rêve et le jeu de la bobine chez l’enfant a permis au neurologue et médecin autrichien de faire la lumière sur le phénomène qui touche les personnes traumatisées. Freud observe un enfant avec une bobine : « L'enfant avait une bobine de bois, entourée d'une 20 défense nécessaire à l’établissement du principe de plaisir : la compulsion de répétition. En répétant à l’envi l’événement douloureux dans son imaginaire, la personne traumatisée en acquiert la maîtrise qui lui a fait défaut lors de sa première expérience. Pour en revenir à notre thématique inaugurale, la création, on relève de la part de l’auteur implicite la volonté d’illustrer l’abolition des frontières entre l’art et les sciences humaines et médicales. 53 On se rapproche d’une forme de psychothérapie, l’art-thérapie. Est accordée à la création la capacité de colmater un réel labile. En effet, l’art-thérapie fait usage de la création en vue d’entrer en relation avec un événement de la vie intérieure du patient-créateur. La production artistique est le point de départ de la démarche thérapeutique qui doit mener le créateur à dépasser son expérience douloureuse. 54 On devance d’emblée la question que peut se poser notre lecteur au moment de prendre connaissance de la réflexion : pourquoi postule-t-on l’impact positif de l’acte créateur sur l’artiste (art-thérapie) alors que le passage proposé (R.M., p. 700) concerne en l’occurrence la destinée favorable de Laetitia et non celle de Sébastien ? Effectivement, dans ce cas, même si Laetitia mène la danse, le créateur reste Sébastien. Le fait est que le bonheur de Laetitia est une forme de revanche pour Sébastien qui n’a pu contribuer à celui d’Agnese. Le processus d’imitation dans lequel s’est inscrite Laetitia accentue cette idée de revanche dès lors qu’ « imiter est l’action de modeler son désir sur celui d’un autre individu ». 55 Laetitia synthétise à elle seule le désir d’Agnese et Élisabeth : s’affranchir de ce ficelle. [...] tout en maintenant le fil, il lançait la bobine avec beaucoup d'adresse pardessus le bord de son lit entouré d'un rideau, où elle disparaissait. Il prononçait alors son invariable “o-o-o-o”, retirait la bobine du lit et la saluait cette fois par un joyeux “Da !” (“Voilà !”). Tel était le jeu complet, comportant une disparition et une réapparition, mais dont on ne voyait généralement que le premier acte, lequel était répété inlassablement, bien qu'il fût évident que c'est le deuxième acte qui procurait à l'enfant le plus de plaisir » (FREUD Sigmund, Au-delà du principe du plaisir, trad. de l’allemand par S. Jankélévitch, Paris, Payot, 1968, p. 13 (Petite bibliothèque Payot, 44). Selon Freud, l’enfant effectue un parallélisme entre la disparition de la bobine et le départ de sa mère. Symboliquement, il multiplie l’épisode douloureux du départ de sa maman par l’entremise du jeu pour s’adapte plus facilement au moment de son absence. Ibid., p.15. 53 Ce détail est d’une importance considérable : Retour à Montechiarro est effectivement un roman qui se trouve à la croisée de la fiction et de la thérapie. On y reviendra dans la deuxième partie de ce travail. 54 KLEIN Jean-Pierre, L'art-thérapie, Paris, PUF, 1997, p. 16. 55 JEFFREY Denis et GAGNON René-François, Rompre avec la vengeance. Lecture de René Girard, Québec, Presses Université Laval, 2000, p. 137 (Lectures). 21 destin de femme soumise. Sa mise en « cène » favorable donne lieu de croire en l’efficacité de l’acte créateur dans le processus de guérison de l’artiste. 2. La création : entre mémoire et engagement Il y a chez tout créateur cette propension à exploiter certaines thématiques plus que d’autres. Pour Albert Camus et l’auteur social, on retrouve une même fascination pour le thème de la mémoire.56 On aura l’opportunité d’étudier plus en profondeur les liens paradoxaux qu’entretient Engel avec la mémoire. Il s’avère effectivement que, dans les exemples mis en exergue ici, la création n’apparaisse que comme un support sur lequel se fige une réalité vouée à disparaître. Ils ne rendent pas compte du traitement complexe que l’écrivain réserve à ce thème dans son œuvre. 57 Un premier exemple atteste, dans Retour à Montechiarro, d’une relation entre la création et la mémoire. Comme il avait fait pour illustrer le lien entre la création et la révolte, l’auteur implicite puise dans les vraies références culturelles pour donner corps à son texte. Il opte cette fois pour John Ruskin. Il est question du projet de l’artiste britannique concernant la ville de Venise. Il s’agit de réaliser des gravures, des aquarelles et des daguerréotypes de chaque pierre de Venise afin de permettre au moment voulu une restauration de la ville en plus parfaite conformité avec son passé. De cette manière, Ruskin brave les urbanistes et les architectes aux seules visées mercantilistes qui entreprennent de restaurer les villes au détriment de la tradition. 58 Son projet est exposé dans The Stones of Venice (1853), ouvrage fondateur du mouvement Arts and Crafts (1860-1910) qui est une réponse aux craintes des artistes face au progrès. À l’époque, l’Angleterre victorienne s’impose dans le monde entier grâce à ses avancées technologiques et 56 En effet, ainsi que le précise Maurice Weyemberg, la mémoire est la clef de toute l’œuvre d’Albert Camus. WEYEMBERG Maurice, op.cit., p. 8. 57 LAPLANTE Laurent, « Vincent Engel. Entre devoir de mémoire et mémoire indicible », dans Nuit Blanche, n°84, p. 17. 58 John Ruskin (1819-1900), écrivain, peintre, poète et critique d’art britannique. Note réalisée sur base de : GEORGEL Pierre et JACQUET Claude, « John Ruskin », http://www.universalisedu.com.www.sipr.ucl.ac.be:888/encyclopedie/john-ruskin/# (Page consultée le 22 novembre 2009) et VIALE Elodie, Le Bauhaus de Weimar. 1919-1925, Liège, Mardaga, 1989, pp. 12-14 (Architecture + documents). 22 à sa puissance maritime. Mais elle le fait au détriment d’une partie de la population qui mène une vie de misère. En outre, la prolifération des usines à charbon a un impact considérable sur l’environnement à Londres ainsi que dans les grandes villes industrialisées du pays. John Ruskin (et William Morris) prend conscience de ce danger et fonde le mouvement. Plus encore qu’une entreprise de sauvegarde du passé, l’œuvre de Ruskin est aussi la marque de son engagement 59 en faveur du social et de l’environnement. Cette approche spécifique de la fonction créatrice n’est pas sans rappeler la position d’Albert Camus à propos de la nécessité de l’artiste d’être défenseur de valeurs universelles. 60 On sait avec quelle véhémence Camus critiqua l’art pur, hermétique à toutes formes de contingences sociales. « Créer aujourd’hui, c’est créer dangereusement » 61 , il appert des propos de l’écrivain français toute l’importance concédée à l’entreprise artistique. John Ruskin s’inscrit doublement dans la perspective camusienne de la création, à la fois engagée et garante d’une mémoire. Le traitement réservé à l’artiste britannique dans le présent roman témoigne du respect que lui voue l’auteur implicite. Ce dernier donne effectivement pour mission à Asmodée Edern de prendre la défense de John Ruskin. 62 La première stratégie défensive d’Asmodée est de réduire à quia le premier opposant de Ruskin et de son projet photographique, Bonifacio Della Rocca, comme l’illustre le passage suivant. Bonifacio et Asmodée, attablés dans le café Chez Florian, aperçoivent le photographe anglais : A cet instant, dans un recoin face à eux vinrent s’installer deux hommes chargés d’une de ces boîtes encombrantes, telle que celle que Bonifacio avait 59 « Engagement » défini comme « acte ou attitude de l’intellectuel, de l’artiste qui, prenant conscience de son appartenance à la société et au monde de son temps, renonce à une position de simple spectateur et met sa pensée ou son art au service d’une cause. » REY-DEBOVE Josette et REY Alain (éd.), op.cit., p. 888. 60 DENIS Benoît, Littérature et engagement. De Pascal à Sartre, Paris, Seuils, 2000, p. 17 (coll. Essais/ Point). 61 CAMUS Albert, Essais, Paris, Gallimard, 1965, p. 1076 (Bibliothèque de la Pléiade). 62 On aura l’occasion de consacrer une partie du chapitre suivant à Asmodée Edern, cependant on peut déjà souligner son importance dans l’intégralité des écrits engeliens. Effectivement, Asmodée hante l’imaginaire créatif de l’auteur belge et trouve sa place dans pléthore de ses romans : Les Absentes, Requiem vénitien, Retour à Montechiarro, Les Angéliques, etc. En outre, un critique, Jacques De Decker, conjecture sur la possibilité de voir en Edern le double de Vincent Engel luimême : DE DECKER Jacques, op.cit. : « En cet Asmodée Edern qui tire les fils, le romancier s'est trouvé un double ironique: ce clin d'oeil bienvenu nous indique qu'il n'est lui-même pas dupe de ses ruses ». 23 remarquée la veille. Le plus élégant des deux, apercevant Edern, eut un signe de tête amical, mais se retint de venir saluer de plus près. À voix basse, et tout en rendant le salut, Edern expliqua à Della Rocca : - Mister Ruskin, dont je vous entretenais hier. Bonifacio dévisagea les Anglais qui avaient repris leur discussion et ne semblaient plus les connaître. - Celui qui entend sauver Venise grâce aux photographies… - Les Anglais sont des gens remarquables […] (R.M., p. 52). Bonifacio n’accède même pas au statut de « second rôle » dans la conversation. Il fait office de simple figurant. Sa seule réplique témoigne, si pas de son opposition, au moins de sa vigilance quant à John Ruskin et à son ambition de sauver Venise par le biais de la photographie. Sans doute l’abstinence de ce dernier de venir les saluer, lui et Asmodée, en est une des raisons. Le lecteur peut tout au plus conjecturer sur la nature exacte de sa retenue. En effet, Bonifacio n’a pas l’opportunité d’exprimer sa pensée, comme l’indiquent les points de suspension. La présence de ces derniers peut être interprétée de deux manières différentes. Dans le premier cas, ils marquent la volonté de Bonifacio de garder le silence. Ils suggèreraient dès lors la désapprobation du personnage vis-à-vis de Ruskin et de son projet. Une certaine forme de respect, ou de crainte à l’égard d’Edern qui, au contraire, se rallie pleinement à la proposition du critique d’art est aussi envisageable. Dans le second cas, ils pourraient signaler la prise de parole d’Asmodée alors que Bonifacio n’avait pas achevé sa phrase. Il s’agirait alors pour Asmodée de contrer les oppositions susceptibles d’être exprimées par Della Rocca. En tout état de cause, le lecteur n’aura aucunement accès à l’énonciation de quelque contre-argument. Une coalition se tisse discrètement entre Asmodée Edern et l’auteur implicite. La seconde stratégie consiste pour Asmodée à ridiculiser l’adversaire. Maria Taglioni, la célèbre danseuse italienne du dix-neuvième siècle 63 , en est la victime. Dans la scène qui suit Asmodée dresse à Bonifacio le portrait de celle qu’il qualifie d’amie : 63 Maria Taglioni (1804-1884) est une danseuse italienne considérée comme la première grande ballerine romantique. PATRIE Jane, « Marie Taglioni », in Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis-edu.com.www.sipr.ucl.ac.be:888/encyclopedie/marie-taglioni/ (Page consultée le 20 mai 2010). 24 - Maria a fait ses adieux à la scène londonienne à peu près au moment où les Vénitiens croyaient pouvoir faire les leurs aux Autrichiens. Elle est donc venue s’installer dans ce palais et a voulu y orchestrer des aménagements d’une disgrâce effrayante. C’est un drame courant que de croire qu’un talent confirmé dispense à la clé tous les dons. Elle est, de plus, à un âge où une femme peut avoir l’envie, si elle en a les moyens, de se venger sur les pierres dont la beauté vient, elle, avec l’âge. - Vous êtes sévère pour elle. - Mais non ! J’aime tendrement cette pauvre Maria ! La danse lui a offert l’illusion qu’elle était un oiseau, et les princes, qu’elle le serait éternellement. Et la voilà pigeonne, à l’image des pigeons vénitiens qui enfientent la ville d’un croupion inconscient. Della Rocca laissa échapper un rire (R.M., p. 57). On observe que la danseuse italienne est animalisée par Asmodée. Sur le plan de la communication, ce constat est important. Effectivement, même si les animaux sont en mesure de communiquer, ils n’ont pas la faculté de s’exprimer comme les humains. 64 Grâce au processus d’animalisation, Asmodée ne doit pas réduire Maria au silence pour conjurer l’impact de ses propos. Le discours de la danseuse est d’emblée discrédité. Ainsi, au moment de la rencontre entre les trois personnages, Asmodée concède à Maria Taglioni le plein pouvoir des mots sans crainte : Monsieur Edern ! s’écria en français une femme resplendissante, coiffée d’une incroyable perruque rouge piquée de brillants. Quelle joie de vous revoir, après tous les drames que nous avons vécus dans cette pauvre ville ! […] Votre palais a été endommagé, m’a-t-on rapporté… Moins que d’autres, moins que d’autres, répondit Edern avec un sourire qui faillit faire pouffer Bonifacio. Ces bombes ! Quelle horreur ! Il faut être autrichien pour oser bombarder une œuvre d’art ! Ce ne sont malheureusement pas les obus qui causent les pires ravages…, insinua Asmodée. […] 64 À ce propos on peut notamment se référer à Benveniste: « Appliquée au monde de l’animal, la notion de langage n’a cours que par un abus de termes. On sait qu’il a été impossible jusqu’ici d’établir que des animaux disposent, même sous une forme rudimentaire, d’un mode d’expression qui ait les caractères et les fonctions du langage humain. [...] Les conditions fondamentales d’une communication proprement linguistique semblent faire défaut dans le monde des animaux même supérieurs ». BENVENISTE Émile, Problèmes de linguistique générale I, Paris, Gallimard, 1966, p. 56 (Tel). 25 Mon Dieu, que c’est vrai ! Si tout le monde à Venise prenait soin de ses murs comme moi, nous n’en serions pas là… - Je ne vous le fais pas dire. - J’ai décidé de faire abattre ce ridicule escalier, dans la cour, de même que l’horrible portail d’entrée qui donne sur la rue. Quelle idée, d’ailleurs, de rentrer dans un palais pareil par la rue, alors qu’il y a le canal ! Certains ont crié au scandale, vous vous rendez compte ? - J’imagine…Mais laissez-moi vous présenter l’ami dont je vous ai parlé : le comte Bonifacio Della Rocca […] Bonifacio dissimula son rire en s’inclinant à son tour profondément pour effleurer des lèvres les doigts longs et délicats de Maria (R.M., p. 58). L’entrée dans cette scène commence avec l’intervention de Maria mais aussi et surtout avec sa brève description prise en charge par le narrateur hétérodiégétique. Le détail caricatural de l’ « incroyable perruque rouge piquée de brillants » ouvre davantage la porte au ridicule. Jean-Charles Chabanne précise que la dimension verbale de la communication ne suffit pas pour transformer un énoncé quelconque en énoncé humoristique. Le recours au matériel non-verbal, comme le vêtement, la parure, s’avère une solution idoine. 65 Asmodée Edern, soutenu par le narrateur hétérodiégétique, met en place une machination qui dépasse de loin la simple intention comique. Il condamne toute forme de considération en faveur de Maria. Le dialogue proposé est remarquable et donne à voir de la part d’Edern une éclatante démonstration d’ironie. Pour marquer son soutien à cette perspective de création (engagée et garante d’une mémoire), l’auteur implicite établit derechef un parallélisme. Il crée un personnage qui s’inscrit dans le sillage de John Ruskin, Sébastien Morgan. La volonté de sauvegarde de la mémoire est patente dans le projet artistique entrepris par le photographe belge (pp. 10 et 18). Le caractère engagé de Sébastien s’exprime aussi par le truchement de la photographie 66 comme en témoigne le passage qui suit. Laetitia vient d’acquérir quelques albums publiés de Sébastien : 65 CHABANNE Jean-Charles, « Verbal, paraverbal et non-verbal dans l’interaction verbale humoristique » dans DEFAYS Jean-Marc et ROSIER Laurence (éd.), Approches du discours comique, Wavre, Editions Mardaga, 1999, p. 45 (Philosophie et langage). 66 On insiste ici sur le fait que l’engagement de Sébastien dépasse les limites de son travail artistique. On aura l’occasion d’y revenir dans la suite de ce mémoire. 26 Un consacré à New York : les murs et les gens dans un étonnant contraste de vitalité et de minéralité où les rôles, bien souvent, sont intervertis. Un deuxième compte rendu en images d’une semaine passée dans les couloirs des Urgences d’un hôpital parisien. Essentiellement des gros plans exprimant la souffrance des malades, l’impuissance des médecins. […]Le troisième est le plus impressionnant : Morgan y a collectionné des clichés des différents conflits auxquels il a participé en tant que photographe, de la guerre d’Espagne à celle du Vietnam, achevée trois ans plus tôt (R.M., p. 487). A deux reprises, l’auteur implicite met à l’honneur la photographie comme signe d’engagement. En n’assignant pas cette fonction à la seule littérature, il s’oppose avec flagrance au discours sartrien. Effectivement, dans son essai Qu’est-ce que la littérature ?, l’écrivain français pose la question de l’engagement et d’emblée réfute l’idée selon laquelle la peinture et la musique peuvent être des arts engagés. L’exemple de la peinture nous intéresse particulièrement en raison du primat accordé à l’image dans cette partie. Sartre nous dit : Mais le peintre, direz-vous, s’il fait des maisons ? […]il en fait, c’est-àdire qu’il crée une maison imaginaire sur la toile et non un signe de maison. Et la maison ainsi apparue conserve toute l’ambiguïté des maisons réelles. L’écrivain peut vous guider et s’il vous décrit un taudis, y fait voir le symbole des injustices sociales […]Le peintre est muet. 67 Ainsi, selon lui, le peintre présente des choses que l’observateur appréhende à sa manière cependant que l’écrivain peut guider son lecteur. Ouvrir les possibilités d’engagement aux autres domaines de la création est diantrement proche de la pensée camusienne, comme nous le précise Benoît Denis dans son ouvrage consacré à la littérature et l’engament. Il rappelle comment Albert Camus dans son Discours de Suède, où est développée sa conception de la littérature engagée, a discrètement substitué au terme « écrivain » celui d’« artiste » pour marquer son désaccord vis-à-vis de Sartre et de la primauté qu’il accorde à la littérature seule d’être engagée. 68 67 68 SARTRE Jean-Paul, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard, 1948, p. 16 (Folio /Essai). DENIS Benoît, op. cit., p. 65. 27 3. Dis-moi ce que tu lis, je te dirai ce que tu écris : quand le créateur se veut re-créateur. Peu à peu, se profile une certaine vision de l’acte créateur au sein de Retour à Montechiarro. Il reste à envisager la question des influences. Faut-il le rappeler, Vincent Engel a la particularité d’être aussi un théoricien de la création littéraire. À l’Université catholique de Louvain, il a dispensé durant deux années un cours de création littéraire. Dans un entretien accordé à Isabelle Franchimont, il explique que le projet envisagé pour ses étudiants était centré sur la réappropriation culturelle. Les étudiants devaient proposer la réécriture d’un mythe ou d’une figure littéraire afin d’ « éviter le texte nombriliste qui est très souvent inintéressant ». 69 Est aussi induite l’idée d’un travail créateur qui soit en partie basé sur le processus d’imitation. Pour le philosophe et professeur Serge Carfantan, l’imitation de ses prédécesseurs est le point de départ de tout cheminement artistique. Il s’agit d’un procédé permettant l’acquisition par le novice des règles de l’art. Carfantan prend, parmi d’autres exemples, celui de la peinture : En peinture, la formation par le plagiat est flagrante. Il suffit de regarder les premières toiles d’un peintre pour les comparer à ceux des maîtres de son époque. C’est un défi que le peintre tente de relever que d’essayer de « faire aussi bien que », Monet, Corot, Le Nain, etc. Les premiers Picasso sont encore très figuratifs. Ce n’est que peu à peu que Picasso se trouve luimême. Avant de trouver son style, un artiste doit assimiler la manière de ses prédécesseurs. 70 Et pourtant, le domaine pictural justement est le premier à avoir ressenti les signes avant-coureurs d’un mouvement qui s’attribue un rôle transformateur sur le plan de la pensée créatrice : le futurisme. Après une brève introduction à ce mouvement, on verra comment, par l’entremise de son personnage Salvatore Coniglio, l’auteur implicite marque sa désapprobation vis-à-vis du futurisme. 69 FRANCHIMONT Isabelle, « Vincent Engel. Une filière en création littéraire très accaparante », article en ligne sur http://www.rtbf.be/culture/litterature/vincent-engel-une-filiere-en-creationlitteraire-tres-accaparante/ (Page consultée le 10 octobre 2010). 70 CARFANTAN Serge, « Art et imitation », http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/art7.htm (Page consultée le 18 janvier 2011). 28 Le mouvement futuriste manifeste son exécration pour tout ce qui est lié au passé et à la tradition : « Il dogma ricorrente, alla base di tutti gli altri, è il rifiuto del passato, come freno all’attività dello spirito e all’esaltazione di un certo tipo di modernità, quella della civiltà delle macchine e della velocità ». 71 À partir de mil neuf cent dix, les manifestes se multiplient et les peintres futuristes ne manquent pas d’y ajouter le leur. 72 Ainsi, les peintres Carrà, Boccioni, Russolo, Balla, Severini rédigent ensemble Il Manifesto dei pittori futuristi. 73 Bien sûr, toute chose se référant au passé y est exécrée. Les peintres rejettent toutes les formes d’art ancien, ils méprisent les toiles dont la thématique est classique, ou encore, s’indignent face au « disdegno per tutto ciò che è giovane, nuovo e palpitante di vita ». 74 Fustiger de la sorte toutes les allusions au passé condamne à terme l’ensemble du patrimoine artistique de l’Italie. 75 Et c’est bien là l’objectif soustendu par les futuristes. La création devient seule une forme d’expression du devenir. Pour ruiner les théories futuristes, l’auteur implicite prend appui sur la stupidité d’un de ses personnages, Salvatore Coniglio, et de la passion de celui-ci pour le peintre Carlo Carrà qui a participé à l’élaboration des règles de la peinture futuriste. En effet, Salvatore est séduit par les idées du mouvement futuriste. Sa volonté absolue de faire table rase du passé et d’établir un nouvel ordre s’exprime par ailleurs à travers le meurtre de son père qu’il a lui-même commandité (R.M., p. 280). Pour marquer son ralliement au mouvement, il trouve opportun de 71 MARINETTI Filippo Tommaso, Manifesto del Futurismo, cité par GALLOT Muriel, NARDONE Jean-Luc et ORSINO Margherita (éd.), Anthologie de la littérature italienne. XIXe et XXe siècles, Vol. 3, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2005, p. 144. 72 GALLOT Muriel, NARDONE Jean-Luc et ORSINO Margherita (éd.), op.cit., p. 143. 73 DE MICHELI Mario, Le avanguardie artistiche del Novecento, Milano, Feltrinelli, 1988, p. 378 (Universale economica. Saggi). 74 Leurs idées les ont conduits à formuler une série de règles de la peinture futuriste : 1. Distruggere il culto del passato, l'ossessione dell'antico, il pedantismo e il formalismo accademico. 2. Disprezzare profondamente ogni forma d'imitazione. 3. Esaltare ogni forma di originalità anche se temeraria, anche se violentissima. 4. Trarre coraggio ed orgoglio dalla facile taccia di pazzia con cui si sferzano e s'imbavagliano gl'innovatori. 5. Considerare i critici d'arte come inutili e dannosi. 6. Ribellarci contro la tirannia delle parole : armonia e buon gusto, espressioni troppo elastiche, con le quali si potrebbe facilmente demolire l'opera di Rembrandt, quella di Goya e quella di Rodin.7. Spazzar via dal campo ideale dell'arte tutti i motivi, tutti i soggetti già sfruttati.8. Rendere e magnificare la vita odierna, incessantemente e tumultuosamente trasformata dalla scienza vittoriosa. Siano sepolti i morti nelle più profonde viscere della terra! Sia sgombra di mummie la soglia del futuro! Largo ai giovani, ai violenti, ai temerarii. BOCCIONI Umberto, CARRÀ Carlo Dalmazzo, RUSSOLO Luigi, e.a., Manifesto dei pittori futuristi, cités par DE MICHELI Mario, op.cit., pp. 380-381. 75 GALLOT Muriel, NARDONE Jean-Luc et ORSINO Margherita (éd.), op. cit., p. 142. 29 procéder à l’achat de quelques œuvres d’art dont deux de Carlo Carrà. La première toile dont il fait l’acquisition est Martyre et héroïsme : Salvatore enterra son père en grande tenue d’officier et s’installa le soir même dans son bureau. Il modifia la décoration du palais et y accrocha des toiles futuristes achetées à Rome et à Milan. Il était particulièrement fier de l’une d’elles, qu’il avait payée très cher, signée Carlo Carrà. On y devinait, découpé en lamelles fauves, le corps d’un jeune homme criblé de traits brûlants. Le titre de cette étonnante composition plaisait autant à Salvatore que la toile elle-même : Martyre et héroïsme. Il la suspendit dans son bureau, au-dessus de son fauteuil, espérant que cela impressionnerait ses visiteurs (R.M., p. 281. On met en évidence). « [L]e corps d’un jeune homme criblé de traits brûlants » rappelle à l’esprit du lecteur l’œuvre du Tintoret présentée par Asmodée Edern à Bonifacio Della Rocca au cours de sa visite à Venise, le saint Sébastien : Une seule peinture rompait cette sécurisante harmonie : [...] elle représentait un somptueux éphèbe vêtu d’un simple pagne, le corps convulsé, les mains liées dans le dos par un épais cordage ; dans ces muscles longs et puissants, dans cette peau fine et douce étaient fichées des dizaines de flèches qui transperçaient ici un bras, là une cuisse ou le buste, faisant ruisseler des larmes rouges sur cette beauté trop parfaite (R.M., p. 41. On met en évidence.) La peinture choisie par Salvatore représente le saint Sébastien, le saint martyr romain. La conception futuriste de la création est d’emblée desservie par l’auteur implicite. Cette scène est aussi investie d’une tonalité ironique parce que le saint Sébastien est une référence oblique à l’homosexualité. Asmodée Edern a par ailleurs fait part de sa propre interprétation de l’œuvre originelle à Bonifacio Della Rocca. Selon lui, les peintres étaient tombés amoureux de leur modèle. Les flèches symbolisent les pinceaux que les peintres retournent contre eux pour se punir de leur penchant coupable. Elles leur permettent en outre de meurtrir le corps objet de leur désir (R.M., p. 42). Or, l’aversion de Salvatore Coniglio envers les homosexuels n’est un secret pour personne. Les diverses insultes et maltraitances à l’égard d’Ulisse Lungo, l’ami homosexuel de sa femme, en sont autant de 30 preuves. 76 La portée ironique de l’énoncé est renforcée par le champ lexical 77 qui participe à la démonstration de fierté de Salvatore au moment d’installer l’œuvre dans le bureau de son père. Par évidence, l’auteur implicite ne déroge pas à la règle de la répétition et double cette scène en proposant une seconde œuvre de Carlo Carrà. Le lecteur la découvre au moment où Salvatore Coniglio décide d’organiser une soirée à laquelle sont conviés tous ses amis fascistes. C’est l’occasion rêvée pour lui de présenter sa collection d’œuvres d’art et surtout d’exhiber sa dernière acquisition dont le titre reste inconnu : Il ne manqua pas d’amener chacun de ses hôtes devant la dernière toile qu’il avait acquise, toujours de Carrà, qui représentait une longue table autour de laquelle étaient assises des figures composites, étranges assemblages de volumes en bois ou en métal, semblables à des mannequins désarticulés puis mélangés qu’un fou aurait reconstitués sans le moindre souci de cohérence. Il émanait de cette toile une impression de fixité qui contrastait étonnamment avec les autres peintures futuristes que Salvatore avait accrochées de part et d’autre (R.M., p. 294). La discussion faisant suite à ce passage présente un intérêt particulier : - Carrà, non ? Il a trahi le futurisme. Ces métaphysiques m’emmerdent. Lourdeur, immobilisme… Je ne comprends pas que tu puisses apprécier ici cette religiosité pesante, et, là, ces élans de vitalité et de puissance. Ce disant, il montrait du doigt les tableaux voisins. Salvatore était blême. - Cette religiosité ? Je… je ne comprends pas… - Enfin, Coniglio, ne me dis pas que tu ignores le vrai sujet de cette toile, ni de celle que, paraît-il, tu caches dans ton bureau ! Tu ferais mieux d’accrocher à la place une photo du Duce ! (R.M., pp. 294-295). Ce passage met en scène Salvatore et le fasciste le plus haut gradé de la soirée, le préfet Colucci. La discussion portant sur l’interprétation de la peinture fait écho à celle opposant Asmodée Edern et Bonifacio Della Rocca (pp. 15-17). On se rappelle à quel point Bonifacio fut outré à la vue de cette œuvre et comment 76 R.M., p. 291 « communiste pédéraste »; R.M., p. 297 « pédéraste »; R.M., p. 323 « sale pédé » ainsi qu’une agression physique ; R.M., p. 340 « ennemi de l’Etat » ; etc. 77 « Grande tenue d’officier », « fier », « plaisait », « héroïsme », « espérant », « impressionnerait ». 31 Asmodée avait tenté de l’ « apaiser » en lui disant de modifier le titre de la représentation licencieuse pour évacuer l’image du Christ de son esprit (R.M., p. 40). Dans ce cas, Salvatore se montre stupéfait au moment où Colucci mentionne la religiosité de la toile. La similitude de la scène d’énonciation avec celle présentée au début du roman permet au lecteur de saisir la thématique de la peinture achetée par Coniglio : la Dernière Cène. Une nouvelle fois, Carrà s’est inspiré d’un modèle passé pour la réalisation de sa peinture. En outre, alors que Coniglio croit épater la galerie avec son nouvel achat, il se fait chambrer par Colucci et ses comparses. La raillerie procède de son ignorance concernant la thématique de l’œuvre qu’il montre avec fierté. Choix de thèmes classiques et immobilisme, le contraste entre les postulats de l’esthétique futuriste et les deux œuvres de Carrà est saisissant. Le lecteur prend la pleine mesure des propos de Colucci lorsque celui-ci prétend à la trahison de Carrà vis-à-vis du futurisme (R.M., pp. 294-295. Extrait proposé). Le choix de cet artiste n’est pas un hasard. Le peintre a en effet pris ses distances par rapport au Manifesto de Marinetti. Il a témoigné d’un intérêt croissant pour les grands modèles italiens du passé comme Giotto ou Pierro della Francesca. 78 Carrà incarne la remise en question d’une conception de la création affranchie de toutes connotations passées, de toutes dettes à la tradition. Si d’aventure, son opposition aux préceptes futuristes n’est pas saisie, l’auteur implicite met en place d’autres stratégies. On en revient ainsi au phénomène de l’ « implicature » évoqué dans l’introduction du travail (p. 8). Pour ne pas transmettre explicitement le message souhaité et tomber dans une démarche communicationnelle trop didactique, l’auteur implicite procède de la répétition pour souligner son opposition au futurisme. Il s’atèle à décrédibiliser le discours de celui qui incarne ce mouvement, Salvatore, comme Asmodée Edern l’a fait avec Maria Taglioni. Pour illustrer nos propos, il convient de s’arrêter sur 78 « L’élan des futuristes, dont la fatale nécessité est désormais indiscutable, ne donna pourtant aucune œuvre définitive. Le futurisme aujourd’hui agonise, lâché par les quelques artistes de talent qui, forts de leur personnalité, ne demandent qu’à construire en silence et à l’écart. Un de ceux-ci est le peintre Carlo Carrà… Déjà au temps où il appartenait au futurisme militant, ses peintures se détachaient sur l’ensemble homogène de la production futuriste par une puissante personnalité qui, sous l’aspect tout à fait superficiel de la révolte, révélait un fond imprégné de mélancolie profondément italienne… » LISTA Giovanni, De Chirico et l’avant-garde, Lausanne, L’Age d’Homme, 1983, p. 62 (Avant-gardes). 32 l’attitude adoptée par Salvatore Coniglio lors de la cérémonie d’enterrement de son beau-père, Domenico Della Rocca. Un enterrement est un événement qui suspend le temps. Cet instant doit faire place à la réflexion et à la prise de conscience de la perte de l’être cher. Pourtant, le lecteur est surpris par l’impression de recommencement immédiat qui se ressent. Cette impression résulte de la volonté de Salvatore de quitter le cimetière en voiture avec Agnese et le Père Rosetti. En apparence anodin, ce détail marque l’entrée brutale des personnages dans le mouvement futuriste : - J’ai horreur de ces voitures, lança Agnese à l’adresse du prêtre assis en face d’elle. Qu’en pensez-vous, mon père ? C’est bruyant et ça pue… - Mais quelle vitesse ! répliqua Salvatore avec emphase. - A quoi cela sert-il ? Nous devrons quand même attendre ceux qui feront la route à pied ou à cheval. [...] - Regardez comme Montechiarro est belle, vue d’ici ! interrompit Rosetti en pointant le doigt vers la bourgade qui se dévoilait sous un ciel gris au détour du chemin. Mais déjà la vue s’effaçait, emportée par un lacet de la route. - Cela va trop vite, regretta le prêtre. On n’a plus le temps de rien contempler. - Le temps de la contemplation est révolu, mon père ! rétorqua Salvatore. [...] Et il entreprit de déclamer : - « Nous voulons chanter l’homme qui tient le volant dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite ! » Voilà le credo que nous devons tous adopter ! (R.M., p. 244). Les propos scandés par Salvatore – « Nous voulons chanter l’homme qui tient le volant dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite ! » – sortent en droite ligne du Manifesto del Futurismo écrit par Marinetti. 79 Ils expliquent la transition violente de ces moments de recueillement à une discussion apologétique de la vitesse. La vitesse est au centre de la discussion et imprègne pleinement le plan de la narration. On quitte les descriptions, les moments d’introspection des personnages pour passer au mode dialogué qui accélère inévitablement le rythme de lecture. Le lecteur ne « voit » pas la beauté du paysage toscan évoquée par le père Rosetti. Il est lui-même 79 « Noi vogliamo inneggiare all’uomo che tiene il volante, la cui asta ideale attraversa la Terra, lanciata a corsa, essa pure, sul circuito della sua orbita ». GALLOT Muriel, NARDONE Jean-Luc et ORSINO Margherita (éd.), op.cit., p. 144 (Amphi 7- Langues). 33 emporté par l’animation qui agite la scène. Les personnages sont transportés par cette même vague de vitesse. En Italie, comme ailleurs, le mouvement futuriste a été préparé par une salve de progrès techniques 80 dont Salvatore vante les mérites au terme de la cérémonie funèbre. Son discours est particulièrement irrévérencieux à un moment aussi tragique d’autant que le lecteur connaît l’exécration du passé par ce mouvement. En outre, le passé est, ici, associé à la figure du père aimant d’Agnese que l’on vient de mettre en terre. Pour signifier explicitement ce parallélisme, l’écrivain place dans la bouche de Salvatore cette personnification malheureuse du passé qui fait double-sens : - Si le futur doit ressembler aux délires de ces guignols excités, l’Italie n’aura plus que son passé pour être fière, renchérit Andrea. - Son passé, nous venons de l’enterrer ! bondit Salvatore. Tous trois le dévisagèrent, consternés et méprisants. Il se pencha précipitamment vers Agnese : - Je te prie de m’excuser, mon amour. Je ne …je ne parlais pas de… Je pensais à la guerre, à ce traité humiliant, à… Agnese détourna la tête et serra les mâchoires [...] (R.M., p. 244-245. On met en évidence). Engel procède de l’ironie pour nuire davantage à Salvatore. Au cours de la cérémonie d’enterrement, ce dernier décide de prendre la parole : Nos enfants – il tourna la tête vers Agnese, mais celle-ci gardait les yeux baissés –, nos enfants seront de cette étoffe. Agnese, comme disait je ne sais plus qui, tu as aujourd’hui en moi un mari et un père… (R.M., p. 238. On met en évidence). Le trait d’ironie décelable ici et attribuable à l’auteur social tient à cette phrase que l’on a mise en exergue. La réplique de Salvatore est celle de Don Ottavio dans l’opéra Don Giovanni de Mozart dans des circonstances plus ou moins similaires. 81 L’action se passe à Séville au dix-septième siècle, le gentilhomme 80 GALLOT Muriel, NARDONE Jean-Luc et ORSINO Margherita (éd.), op.cit., p. 139. Cette référence intertextuelle n’est pas surprenante. Dans les Carnets III de Camus, dont on rappelle la reprise d’une citation en exergue du roman, on retrouve une évocation à cette œuvre particulière de Mozart : « Don Giovanni. Au sommet de tous les arts. Quand on a fini de l’entendre, on a fait le tour du monde et des êtres ». CAMUS Albert, Carnets III, op.cit, p. 86. Cela conforte une de nos hypothèses : l’incursion de l’auteur social au sein même du texte. 81 34 Don Giovanni s’introduit dans la maison de Donna Anna dans le but de la séduire. Il est surpris par le père de celle-ci, le « Commendatore », qui le provoque en duel. Le gentilhomme le blesse mortellement et prend la fuite. À ce moment, arrive Don Ottavio, le fiancé de la jeune fille. Il lui promet de venger la mort de son père – ce qu’il ne fera jamais – et lui conseille de laisser là ce « souvenir amer » : Donn’Anna Tu sei... Perdon, mio bene... l'affanno mio... le pene... ah! il padre mio dov'è? Don Ottavio Il padre... Lascia, o cara, la rimembranza amara: hai sposo e padre in me. 82 Le parallélisme entre Don Ottavio et Salvatore Coniglio manifeste le mépris de l’écrivain pour ce personnage. Preuve en est, lors d’une interview réalisée dans le cadre de l’émission Appassionato, Vincent Engel parle de son dédain pour le personnage de Don Ottavio. Il lui reproche, entre autres choses, cette réplique « plagiée » par Salvatore au moment de conclure son discours : 83 Don Ottavio est certainement le personnage le plus détestable de l’opéra. C’est un veule. Son beau-père n’est même pas encore froid qu’il est déjà en train de dire à Anna : tu as en moi un père et un mari [...] Donna Anna se rend compte que Don Ottavio est un pâle individu, est un type veule, lâche. Et celui qu’elle aime, c’est Don Juan. Elle passe son temps à repousser Don Ottavio. [...] Je déteste Don Ottavio. 84 82 Corsivo nostro. FISHER Burton D. (éd.), Wolfgang Amadeus Mozart. Don Giovanni. Complete Libretto with Music Highlight examples, USA, Opera Journeys Publishing, 2002, p.10 (Opera Journeys Publishing). 83 Cette interview est intéressante pour plus d’une raison. En effet, l’écrivain évoque le personnage du Don Juan. Il le présente, non pas comme un personnage licencieux, mais comme un être qui permet aux autres de se révéler à eux-mêmes. Dans son interprétation du Don Giovanni, Vincent Engel nous dit que le Don Giovanni permet à Donna Anna de comprendre qu’elle n’aime pas son fiancé Don Ottavio. Elle aime Don Giovanni. On peut transposer ce triangle amoureux au niveau de ce roman. 84 Un portrait diffusé le 6 février 2010 dans l'émission Appassionato, interview consultable en ligne, http://www.edern.be/vincent_engel/observateur_observe.html (Page consultée le 10 juillet 2010). Il s’agit d’une retranscription d’un extrait de l’interview. On met en évidence. Un détour par une autre œuvre de Vincent Engel permet de montrer une nouvelle fois le peu de considération que l’écrivain voue à Don Ottavio. Dans une de ses pièces de théâtre, Don Ottavio devient Monsieur 35 Il suit clairement de là que Vincent Engel n’adhère pas à la conception futuriste de la création. En creusant davantage, on comprend qu’il ne s’attaque pas uniquement au mouvement futuriste mais aussi au mythe associé à l’univers artistique, celui de l’originalité absolue. L’artiste est ainsi perçu comme un ermite hermétique à toutes les influences. Il se doit d’être d’une « singularité irréductible ». 85 Il y a quelques mois l’écrivain belge réagissait à une accusation d’auto-plagiat formulée par un membre du Collectif (journal des étudiants de Sherbrook). Cette accusation a donné lieu à une entrevue pour le moins intéressante entre Vincent Engel et Christelle Lison. 86 L’écrivain se confie sur sa pratique d’écriture et affirme, ce qui conforte l’hypothèse selon laquelle il s’oppose au mythe de l’originalité, reprendre consciemment les éléments de textes antérieurs qu’ils soient ou non de lui. Pour Engel, les artistes ont toujours repris des éléments pour les réinvestir dans leurs propres productions. La réintégration induit un processus de transformation et donc de re-création. 87 La reprise tient de l’hommage rendu aux Anciens. 88 En tant qu’écrivain, Engel s’inscrit lui aussi dans une filiation littéraire qui est celle de ceux dont il admire le travail : Camus, Cohen, Gary, Mann, Hesse, etc. 89 4. Vincent Engel et Oscar Wilde. Le Portrait en miroir Au moment de conclure notre réflexion sur la création, on comprend l’ingéniosité de la stratégie d’écriture mise en place dans ce roman. D’emblée, l’attention du lecteur est attirée sur des éléments textuels qui renvoient à la fois à la création et à l’image. De cette manière, le lecteur peut déceler la présence implicite de l’œuvre d’Oscar Wilde, The Picture of Dorian Gray. La création s’inscrit dans le même processus de répétition qui caractérise le style du roman. Effectivement, les éléments saillants du récit engelien trouvent leur double dans Octave. Tout comme Salvatore, il endosse le rôle de minable petit despote. ENGEL Vincent, Monsieur Octave. Pièce en quatre actes, Ohain, Asmodée Edern, 2006. 85 CARFANTAN Serge, op.cit. LISON Christelle, op.cit. 87 Ibid. 88 CARFANTAN Serge, op.cit. 89 LISON Christelle, op.cit. 86 36 celui d’Oscar Wilde. Les différentes approches de la création telles qu’elles furent envisagées par Camus et les différentes instances énonciatrices (auteur implicite, social et théoricien) se dégagent : 1) La création comme forme d’expression de la révolte On se souvient de l’interprétation singulière prodiguée par Asmodée Edern au sujet de la représentation picturale du saint Sébastien (pp. 30-31). Il affirmait que les peintres exprimaient leurs désirs homosexuels par le biais de leur production. Dans The Picture of Dorian Gray, on trouve une scène semblable. Un peintre anglais, Basil Hallward, réalise le portrait d’un jeune homme Dorian Gray. Son ami, le lord Henry Wotton, à la vue d’une telle réussite artistique, lui conseille de l’envoyer à Grosvenor. Basil refuse parce qu’il dit avoir confié les secrets de son âme dans son tableau: “Harry”, said Basil Hallward, looking him straight in the face, “every portrait that is painted with feeling is a portrait of the artist, not of the sitter. The sitter is merely the accident, the occasion. It is not he who is revealed by the painter; it is rather the painter who, on the coloured canvas, reveals himself. The reason I will not exhibit this picture is that I am afraid that I have shown in it the secret of my own soul. 90 Au fur et à mesure, le lecteur comprend les sentiments amoureux qui animent le peintre pour son modèle. La peinture est un moyen pour le peintre de se révolter contre la société qui n’accepte pas l’homosexualité et l’empêche de vivre selon ses propres désirs. L’acte créateur est donc l’expression d’une révolte (contre la société, contre sa condition humaine, contre les préjugés, etc.) comme l’ont précisé Camus ainsi que l’auteur social et l’auteur implicite (pp. 22-27). 90 WILDE Oscar, The Picture of Dorian Gray, Leipzig, Tauchnitz, 1908, p. 14. Traduction: « Harry, dit Basil Hallward en dévisageant son compagnon, tout portrait peint avec émotion est un portrait non du modèle mais de l’artiste. Le modèle n’est que l’accident, l’occasion. Ce n’est pas lui que le peintre donne à voir, c’est bien plutôt le peintre qui, sur la toile colorée, se donne à voir lui-même. La raison pour laquelle je n’exposerai pas ce tableau, c’est que je crains d’y avoir livré le secret de mon âme ». ID., Le Portrait de Dorian Gray, trad. de l’anglais par Richard Crevier, Paris, Flammarion, 1995, p. 8 (Garnier-Flammarion). 37 2) La création comme garantie de la mémoire Un deuxième parallélisme entre les œuvres concerne la relation entre la création et la mémoire. Dans The Picture, une discussion entre le Lord Henry et Dorian Gray précède de peu la découverte du portrait par le jeune homme. Wotton lui conseillait de profiter pleinement de sa jeunesse et de sa beauté, ces dernières n’étant pas immarcescibles. Dorian est troublé par les propos du lord et lorsqu’il découvre sa beauté en peinture, il déplore sa seule préservation sur toile :« “How sad it is!” murmured Dorian Gray with his eyes still fixed upon his own portrait. “How sad it is! I shall grow old, and horrible, and dreadful. But this picture will remain always young. It will never be older than this particular day of June [...]”». 91 Bien sûr ce passage fait écho à la farouche volonté de Ruskin et Morgan de conserver la trace immuable des beautés respectives de Venise et d’Agnese (pp. 22-24). Est aussi concédé à la création ce pouvoir de figer le temps et les êtres. 3) La re-création comme forme d’engagement On évoquait préalablement la volonté de Camus d’inscrire l’acte créateur dans un projet éthique (p. 23). Ci gît la pomme de la discorde entre Wilde et l’écrivain français. Dans la préface de The Picture of Dorian Gray, Wilde avance une série de critiques à l’égard de ceux qui, comme Ruskin, accordent à l’art une finalité autre que celle de nature esthétique : The artist is the creator of beautiful things. To reveal art and conceal the artist is art’s aim. [...] There is no such thing as a moral or immoral book. Books are well written, or badly written. That is all. [...] No artist has ethical sympathies. An ethical sympathy in an artist is an unpardonable mannerism of style. [...] It is the spectator, and not life, that art really mirrors. [...] All art is quite useless. 92 91 WILDE Oscar, The Picture of Dorian Gray, op. cit., p. 56. Traduction: « Que c’est triste ! murmura Dorian Gray, les yeux toujours rivés sur son portrait. Que c’est triste ! Je vais devenir vieux, horrible et épouvantable. Mais ce portrait, lui, demeurera toujours jeune. Il gardera à jamais l’âge de cette journée-ci de juin… » ID., Le Portrait de Dorian Gray, op. cit., p. 24. 92 ID., The Picture of Dorian Gray, op. cit., pp. 3- 4. Traduction: « L’artiste est créateur de belles choses. L’art a pour but de rendre l’art manifeste et de cacher l’artiste. [...] Il n’existe pas de livre 38 Dans une étude dirigée par Topia, Brugière et Lemardeley, on apprend en outre que le personnage de Basil se construit en partie à partir de John Ruskin. Basil a opéré un travail d’interprétation de son œuvre, tout comme Ruskin l’avait fait avec l’Annonciation du Tintoret 93 , d’où le rapprochement entre les deux personnages : « [...], l’artiste vénitien est associé à Ruskin en ce que celui-ci avait fait une – célèbre – analyse de l’Annonciation, qui montrait en quoi les détails réalistes les moins manifestes sont prégnants de vérité symbolique. Tuer le peintre revient à annuler certes la lecture ruskinienne mais surtout l’homme lui-même et son rapport à l’objet d’art ». 94 En assassinant son personnage, Oscar Wilde marque sa prise de distance vis-à-vis de John Ruskin et sa conception de l’art. À l’opposite, Albert Camus refuse de concevoir l’art comme une finalité sans fin. 95 Et c’est justement dans ses Carnets que l’écrivain français fustige la manière dont Wilde a longtemps conçu l’art, c’est-à-dire, parfaitement hermétique au monde: « Wilde. Il a voulu mettre l’art au-dessus de tout. Mais la grandeur de l’art n’est pas de planer au-dessus de tout. Elle est au contraire d’être mêlée à tout. Wilde a fini par comprendre cela grâce à la douleur. Mais c’est la culpabilité de ce temps qu’il lui faille toujours la douleur et la servitude pour entrevoir une vérité qui se trouve aussi dans le bonheur quand le cœur en est digne. Siècle servile ». 96 En note infrapaginale des Carnets III, se présente une référence à la préface écrite par Camus à la Ballade de la geôle Reading. Il y précise que Wilde a pu trouver les véritables assises de son imagination créatrice au moment de connaître moral ou immoral. Les livres sont bien ou mal écrits. Voilà tout. [...] Un artiste n’a pas de préférences éthiques. Chez un artiste, une préférence éthique est un maniérisme impardonnable. [...] L’art est en réalité un miroir non de la vie mais du spectateur. [...] Tout art est parfaitement inutile ». WILDE Oscar, Le Portrait de Dorian Gray, op. cit., pp. 3- 4. 93 Cf. Annexe III 94 BRUGIERE Bernard, LEMARDELEY Marie-Christine et TOPIA André (éd.), L’art dans l’art. Littérature. Musique et arts visuels dans la littérature anglo-saxonne, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2000, p. 31. 95 Ces écrivains soutiennent la présence d’un projet éthique au sein même de l’œuvre : « [...] la littérature engagée pose en permanence la question de l’éthique, en l’appliquant au fait littéraire lui-même. Et c’est bien là que réside le “ scandale ” de l’engagement : découvrir au cœur de l’intention esthétique un impératif éthique, c’est refuser de concevoir l’œuvre comme une “ finalité sans fin ” à elle-même son propre principe et sa propre fin. [...] il [l’écrivain engagé] la pense traversée par un projet de nature éthique, qui comporte une certaine vision de l’homme et du monde, et il conçoit de ce fait la littérature comme une “entreprise”, qui s’annonce et se définit par les fins qu’elle poursuit dans le monde ». DENIS Benoît, op.cit., pp. 33-34 (Points Essais). 96 CAMUS Albert, Carnets III, op. cit., p. 20. 39 l’expérience de la souffrance lors de son incarcération à Reading. 97 Véronique Wilkin, historienne et archéologue de formation, passionnée par l’œuvre de Wilde, affirme même que Camus ne considérait pas l’auteur du Portrait comme un écrivain avant que ce dernier ne passe un séjour en prison : Camus est accueillant avec Oscar Wilde, l’homme, et hostile envers l’écrivain qu’il fut avant son emprisonnement. Sa présentation est exemplaire : Oscar Wilde n’était pas un écrivain, au sens où il n’avait pas réalisé qu’il n’existait pas de différence entre le monde des hommes et le monde de l’Art. Le culte qu’il vouait au monde de l’Art, faux dieu et bulle d’insincérité, lui faisait manquer ses tentatives de réussir une œuvre qui soit véritablement artistique. Dorian Gray et Salomé sont des coques vides, les contes sont des suites de phrases ornées où la vie ne palpite pas. 98 L’auteur implicite fait d’une pierre deux coups grâce à l’usage d’une référence intertexuelle implicite. 99 L’exploitation de manière détournée du roman de Wilde atteste du travail de re-création opéré par notre écrivain. Mais plus encore, tout comme Wilde l’a fait avec Basil, l’auteur implicite crée un parallélisme entre John Ruskin et son personnage, le photographe Sébastien Morgan. Il lui réserve cependant un sort tout autre puisque Sébastien a la vie sauve jusqu’à la fin du récit. Il signale ainsi son adhésion à la conception d’une création qui ne soit pas sans finalité à l’instar de ce que préconise Albert Camus. 97 Il faut savoir qu’Oscar Wilde fut condamné à deux ans de travaux forcés à la prison de Reading en raison de son homosexualité. Durant son incarcération, il écrivit la Ballade. MARGERIE Diane de, « Oscar Wilde », dans Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalis edu.com.proxy.bib.ucl.ac.be:888/encyclopedie/oscar-wilde/# (Page consultée le 26 mai 2010). 98 WILKIN Véronique, « Oscar Wilde et Sisyphe. Faux jumeaux en enfer », dans Rue des Beauxarts, n°27, juillet/ août 2010, article en ligne, http://www.oscholars.com/RBA/twentyseven/27.10/Sisyphe.htm (Page consultée le 26 juillet 2010). 99 André Lamontagne propose une approche intéressante de la notion d’ « intertextualité implicite ». Dans un ouvrage consacré aux œuvres romanesques d’Hubert Aquin, il propose sa propre interprétation des théories de l’intertextualité. Selon lui, l’intertextualité implicite peut être intégrée à ce que Michael Riffaterre appelle l’intertextualité « aléatoire » : « L’intertextualité aléatoire doit son nom au fait qu’elle est fonction de la compétence du lecteur, de son degré de culture qui lui permet de reconnaître dans un texte une allusion à un autre texte, une citation non précisée, un passage plagié ou tout type de rapprochement qu’un texte établit avec un ou plusieurs autres ». LAMONTAGNE André, Les mots des autres. La poétique intertextuelle des œuvres romanesques de Hubert Aquin, Québec, Presses Université Laval, 1992, p. 26. Dans son article « La trace de l’intertexte », Michael Riffaterre distingue l’intertextualité aléatoire de l’intertextualité obligatoire dans la mesure où la première « n’affecte pas le sens, ou en tout cas ne suspend pas la compréhension du lecteur ». RIFFATERRE Michael, « La trace de l’intertexte », La Pensée, n° 215, octobre 1980, p. 5. 40 5. Vers la définition d’une stratégie analytique Les extraits analysés dans ce chapitre ont permis de définir les aspects de la création telle que celle-ci se présente dans Retour à Montechiarro : - la création est une forme de révolte, - la création est garante de la mémoire, - la création est une re-création, - la création est une forme d’engagement. L’hypothèse de notre travail étant que Retour à Montechiarro est un roman métafictionnel, on peut conjecturer sur le fait que les extraits étudiés soient en réalité des mises en abyme textuelles, c’est-à-dire, des mises en abyme qui « mime[nt] le fonctionnement du texte auquel elle[s] se rapporte[nt] ». 100 Ainsi, dans la suite de notre réflexion, on mettra à l’épreuve ces quatre caractéristiques de la création. Pour autant, on ne procèdera pas de manière déductive en les appliquant au texte littéraire. On adoptera la même logique analytique que celle adoptée jusqu’à présent, la répétition. Ainsi, face aux multiples objets d’étude que nous offre la fabula, on s’intéressera à une figure dont la présence est récurrente, celle de la mère. 100 DÄLLENBACH Lucien, Le récit spéculaire. Essai sur la mise en abyme, Paris, Seuil, 1977, p. 127 (coll. Poétique). Il ne faut pas confondre la mise en abyme textuelle avec la mise en abyme métatextuelle. La seconde ne porte que sur le fonctionnement du récit (le code). La mise en abyme textuelle, quant à elle, est toujours une mise en abyme métatextuelle dans la mesure où elle dévoile le fonctionnement du texte dans lequel elle se trouve : « En rendant intelligible le mode de fonctionnement du récit, la réflexion textuelle est toujours aussi une mise en abyme du code, alors que cette dernière a pour caractéristique de révéler ce principe de fonctionnement – mais sans pour autant mimer le texte qui s’y conforme ». Ibid. 41 42 Capitolo II Retour à Montechiarro, un romanzo alla frontiera di due mondi Ora, si lasciano le mise en abyme disseminate nel testo e legate all’atto creatore per interessarsi a quello che Umberto Eco chiama la fabula. 1. La raffigurazione del femminile: predominanza della figura materna In base ai numerosi articoli dedicati allo scrittore ed al suo lavoro, si nota la propensione di Vincent Engel a sviluppare certi temi (pp. 4-5). Tra questi, quello della donna domina nelle impressioni di lettura per Retour à Montechiarro. 101 Ci si ricollega anche a questo punto di vista; tuttavia si desidera aggiungere una precisazione. Di tutte le figure femminili, l’autore implicito ha incontestabilmente privilegiato quella della madre in questo romanzo. Tranne Laetitia Delpierre, la nipote di Agnese Della Rocca, tutte le donne presenti nel racconto sono delle madri. Il modo di considerare questa figura femminile è particolare nel senso che esiste un’incompatibilità tra le donne del romanzo ed il loro ruolo di madre. Le figure femminili si dividono in tre gruppi: 102 101 Ci si riferisce agli articoli seguenti consultati il 12 febbraio 2010 su : http://www.edern.be/vincent_engel/mes_livres/ddp/DP_MONTECHIARRO_CPLT.pdf BEGUIN Jean-Marc, « Une saga sentimentale et politique », dans Le Temps, n.n.p., 11 août 2001, p.n.p. CATINCHI Philippe Jean, « Il n’est rien d’autre au monde que le jeu », r.n.p CROM Nathalie, « Vincent Engel. Peintre des femmes », dans La Croix, n.n.p, 21 juin 2001, p.n.p. DE DECKER Jacques, op.cit. HALOCHE Laurence, « La mélodie du malheur », dans Le Figaro, d.n.p., n.n.p., p.n.p. NANDRIN Paulette, « Symphonie toscane », dans Télé Moustique, 27 juin 2001, n.n.p., p.n.p. VIDAL Laurence, « Les belles et le facho », dans Gala, 27 juin 2001, n.n.p., p.n.p. 102 La genealogia dei personaggi di Retour à Montechiarro : Allegato IV 43 - le madri assenti: tra le quali si trova la madre di Adriano Lungo deceduta mentre questo era giovane (R.M., p. 11) 103 ; la madre di Domenico Della Rocca, Laetitia Malcessati, la quale è fuggita in America con il suo amante (R.M., p. 201.) 104 ; la madre di Giovanni Carlo, la quale si è chiusa nel mutismo più completo dopo la morte di suo marito (R.M., pp. 590-591). - le madri possessive ed autoritarie: la madre di Laetitia Malcessati che l’ha costretta ad abbandonare il suo ragazzo (R.M., p. 89) e Michaella Coniglio che, per proteggere sua figlia, Laetitia Delpierre, le impedisce di fare l’attrice (R.M., p. 483). - infine, la Mater Dolorosa: si tratta di Agnese Della Rocca. Questa figura materna si distingue da quelle precitate e sarà studiata con attenzione nel seguito del lavoro. 105 103 Dalle prime pagine di Retour à Montechiarro, la figura della madre appare. Il trattamento di questa prima madre è interessante nel senso che esso rappresenta perfettamente la condizione tragica delle madri nel racconto di Vincent Engel. Il lettore assiste al funerale dei genitori di Adriano Lungo (R.M., p. 11). La figura materna è messa in rilievo grazie all’uso dell’acqua da parte diAdriano. Al ritorno del funerale, il padre Baldassare si fa carico del ragazzino e decide di inviarlo dal conte Bonifacio Della Rocca perché egli l’educhi. Durante il viaggio, il padre Baldassare dà ad Adriano un’otre affinché si disseti (R.M., p. 13). L’acqua procura una sensazione di dolcezza alla persona che ha sete. Secondo Bachelard, l’acqua è dolce come il latte e, dunque, è simbolicamente legata alla madre. Così, scrive nel suo saggio L’eau et les rêves, « toute boisson heureuse est un lait maternel » (BACHELARD Gaston, L’Eau et les Rêves, Paris, José Corti, 1942, p. 157). Il brano che segue attesta la sensazione di benessere che procura l’acqua ad Adriano: « L’enfant se retourna tout en faisant couler de l’eau sur son visage et dans sa bouche; c’est alors qu’il découvrit son pays, somptueux dans son indifférence aux désarrois des hommes, qui portait le soleil comme une parure de fête ; et, au loin, couronne de pierres sur sa colline, tenue à la plaine par des rubans de cyprès, Montechiarro, comme jamais encore Adriano ne l’avait contemplée, qui semblait n’attendre que les hommes pour être enfin heureuse […] » (R.M., p. 13). L’acqua rinvia alla madre, ma segnala anche la facilità con la quale la madre è sostituita dal padre Baldassare. Inoltre, la morte è presentata come una liberazione per la madre di Adriano: « le visage rasséréné de sa mère qui semblait avoir trouvé dans la mort le repos que lui avait refusé la vie » (R.M., p. 19). Anche per Adriano, la morte di sua madre gli permette di allontanarsi dalle sue condizioni economiche e sociali miserabili, di accedere al sapere e di diventare il primo maestro elementare di Montechiarro (R.M., p. 193). Così, la morte della madre è paradossalmente percepita come un fatto le cui conseguenze sono positive. 104 Lo scrittore ha dedicato una novella alla storia di Laetitia Malcessati e Raphaël von Rüwick; Cf. ENGEL Vincent, Raphaël et Laetitia: romansonge, Neuvy-le-Roi, Amfil Editions, 1995 (Mille et une nuits). Questa novella ha un’importanza particolare nel senso che segna l’inizio dell’avventura italiana di Vincent Engel. 105 Agnese Della Rocca è effettivamente chiamata Mater Dolorosa da un personaggio del racconto : Sébastien Morgan (R.M., p. 391). Il termine Mater Dolorosa si riferisce direttamente alla Vergine Maria e viene utilizzato per esprimere il dolore estremo sentito da una madre che ha perso 44 Nessuna di loro può essere paragonata ad un’eroina. Le madri del romanzo non danno prova di un coraggio eccezionale. Eppure, la loro presenza dominante dimostra la volontà dello scrittore di attirare l’attenzione del lettore su di loro e, più particolarmente, su Agnese Della Rocca. 2. Agnese Della Rocca, un personaggio cardine tra realtà e finzione Tre elementi spingono a considerare Agnese Della Rocca come il personaggio principale di Retour à Montechiarro: il suo rapporto allo spazio, il processo di zoomorfizzazione di cui lei ed il suo entourage sono oggetto e la presenza dei brani del suo diario. 106 Si vedrà che questi elementi si combinano per presentare Agnese come una vittima agli occhi del lettore. In un primo tempo, conviene analizzare il rapporto tra Agnese ed il suo spazio. Come specificato (p. 10), il progetto di Sébastien Morgan è di ricostituire la fisionomia di Agnese grazie alle fotografie di sua nipote. In realtà, Sébastien ha cominciato il suo lavoro a partire dallo spazio. Poiché Agnese non desiderava essere fotografata, Sébastien si è servito dei paesaggi italiani per sostituirla (R.M, p. 391). Questa prima tappa è importante perché la commistione tra Agnese e lo spazio ha dato adito ad un discorso a connotazione femminista 107 fatto da Sébastien e dalle altre voci del romanzo. Agnese viene paragonata con le quattro declinazioni seguenti dello spazio: il paese (Italia), la regione (Toscana), l’habitat (villa Bosca) e la città (Montechiarro). 108 Prima di tutto, il personaggio femminile è paragonato con l’Italia. Agnese e Sébastien parlano della bellezza del paese : il suo bambino. LEPICIER Augustin-Marie, Mater dolorosa. Notes d'histoire. De liturgie et d'iconographie sur le culte de Notre-Dame des douleurs, Spa, Servites, 1948, pp. 24-25. 106 Due personaggi del romanzo scrivono in un diario: Agnese Della Rocca ed Ulisse Lungo. Però Agnese è il solo di cui il diario è mostrato al lettore. 107 È un discorso favorevole alle donne – ad una donna - ma relativamente moderato. 108 Montechiarro con due “R” non esiste. Si tratta di una città inventata dallo scrittore. 45 - Ce pays est tellement féminin… On dirait une déesse antique qui se serait endormie, charmée par quelque esprit adorable, et se serait métamorphosée en terre…Que peuvent des charlatans comme votre mari et ce bouffon ? - Tout. Ils peuvent tout, Sébastien ! Il revint près d’elle et souleva son chapeau. - Je vous prie de m’excuser, Agnese. Vous avez raison, je suis un gosse : je m’emballe et oublie l’essentiel… (R.M., p. 390). Il paese è associato ad una dea antica e questa rinvia ad Agnese che viene sacralizzata. Effettivamente, a più riprese, Agnese è chiamata « santa Agnese » (R.M., pp. 345, pp. 376-377). 109 L’allusione permette al lettore di capire la triste condizione di Agnese. Infatti, santa Agnese (290-303) aveva deciso di dedicare la propria vita al Cristo. Nonostante le violenze di cui lei fu oggetto, si è rifiutata di acconsentire alle avances del figlio del prefetto di Roma e ad abbandonare la propria fede. Successivamente è condannata a morte. Questa leggenda della santa Agnese è raccontata dagli stupratori di Anna e Michaella, figlie di Agnese : - Pas du tout ! Tu connais la légende de sainte Agnese – le même prénom que sa mère, tiens, qui a l’air de se soucier de ses filles comme d’une guigne et qui ne quitte plus sa chambre ? - Encore une qui a largué les amarres… Et cette légende ? Luigi raconta l’histoire de la jeune vierge qui refusait l’amour du fils d’un prince et qui, puisqu’on ne pouvait supplicier une vierge, fut d’abord déshabillée et conduite au bordel (R.M., p. 445). L’allusione alla santa romana ricorda al lettore il sacrificio di Agnese: il suo matrimonio con Salvatore Coniglio per salvare la proprietà familiare, cioè la villa Bosca. 110 In effetti, l’unione Agnese-Salvatore non trova origine nell’amore. La 109 Ulisse, l’amico di Agnese Della Rocca ed il figlio di Adriano Lungo, chiama Agnese santa Agnese nelle sue lettere. Ulisse Lungo è stato mandato a Lipari. È un avversario del fascismo. Non ha esitato a distribuire dei volantini a sostegno del partito comunista. Nella realtà storica, i fascisti hanno organizzato delle numerose spedizioni punitive contro degli oppositori del regime di Mussolini. Tra queste, si può notare la bastonata, condanna al domicilio coatto, deportazione nei confini (ad esempio, Lipari). BOUILLON Jacques, SORLIN Pierre et RUDEL Jean, Le Monde contemporain. Histoire. Civilisations, Paris, Bordas, 1968, pp. 73-74 (Collection d’histoire). Anche Ulisse usa l’espressione sainte Agnese du train en feu. Alla fine del lavoro, si spiegherà quest’espressione. 110 La madre di Agnese si è anche sacrificata per suo padre, Gioacchino Bruchola. Questo aveva assassinato Bonifacio Della Rocca. Molto pia, Alicia voleva salvare l’anima di suo padre: « Un jour, Alicia partirait sauver l’âme de son père, racheter les fautes qu’il avait commises malgré lui, 46 visione della sessualità, come si presenta nella coppia, dimostra il carattere malsano della loro relazione. Le parole « conquérants » e « chefs » fanno luce sul contesto che ha presieduto alla loro unione: « Quant à Agnese, elle avait épousé Salvatore. N’était-ce pas le vœu de tous les conquérants : exterminer les chefs adverses et engrosser leurs filles (R.M., p. 239) »? La carica drammatica di questi termini è evidente grazie all’idea che essi connotano: lo stupro di guerra, il quale contribuisce all’umiliazione dell’avversario ed alla pulizia. 111 Quest’idea di stupro è corroborata dalla violenza del gesto dell’amante, dall’assenza di piacere da parte di Agnese, dal silenzio pesante che si instaura dopo l’atto sessuale: Elle résista encore, puis abandonna. La tendresse de Salvatore la projeta sur le lit et, en quelques gestes brusques, se déchargea. Ils restèrent allongés côte à côte sans rien dire. Puis, alors que les larmes s’amassaient à nouveau dans sa gorge, elle l’entendit murmurer : - Si nous avons un garçon, nous lui donnerons comme prénom celui de ton père, si tu veux… Benito Salvatore Domenico Coniglio. En enfouissant sa tête dans l’oreiller, elle laissa éclater rire et larmes confondus tandis que Salvatore lui tapotait distraitement l’épaule en s’endormant. (R.M., pp. 254-255) Il ricorso alla sessualità per raffigurare i rapporti di potere nella coppia è una scelta opportuna da parte dello scrittore. La sessualità esprime, in se stessa, il dominio maschile: Le rôle sexuel masculin se concentre sur l’intrusion agressive à l’encontre de ceux qui ont moins de pouvoir. (…) Ce qui est compris comme une infraction, c’est-à-dire conventionnellement la pénétration et le rapport sexuel, définit le paradigme de l’interaction sexuelle […] Tout ceci suggère que ce qu’on appelle sexualité est la dynamique de contrôle par laquelle la parce que le siècle n’était plus à l’honneur, à la prouesse, à l’épique. Alicia s’était renseignée ; près du Castello où leur père était né et dont il avait été banni par l’action de deux félons, le chevalier Gioacchino Bruchola était mort, et avec lui son frère, zio Guglielmo, et depuis ces deux âmes pleuraient dans les limbes [...]. Les félons avaient été punis par Gioacchino, mais c’était la faute principale qu’Alicia devait racheter. [...] Gioacchino avait fait des orphelins ». ENGEL Vincent, Les Absentes, Paris, LGF, 2008, p. 357 (Livre de Poche). Alicia ha deciso di sposare Domenico, il figlio di Bonifacio assassinato da Gioacchino. Ella va in Toscana dove si trova Domenico ed afferma chiamarsi Agnese come la santa. Lei muore dando alla luce la loro figlia Agnese Della Rocca. Ibid, p. 372. 111 VIGARELLO Georges, Histoire du viol XVI-XX ème siècle, Paris, Seuil, 1998, p. 22. 47 domination masculine […] érotise et donc définit l’homme et la femme, l’identité de genre et le plaisir sexuel. 112 L’autore implicito presenta Agnese come garante dei valori familiari tramite il sacrificio della propria persona. 113 Ne fa l’incarnazione della bontà. Agnese è una persona virtuosa, una « santa » come la chiama Ulisse. Questa denominazione rinforza il carattere malefico di Salvatore che insudicia Agnese. Permette anche di accentuare ancora il processo di vittimizzazione nel quale lei si trova. Inoltre, in questa lotta territoriale, Agnese non esce vittoriosa. Salvatore vende la sua proprietà. La strategia usata è simile al sadismo, non come un atto sessuale, ma come piacere perverso nel danneggiare gli altri. Salvatore abbandona la villa Bosca che, con il passare del tempo, si deteriora rapidamente. Questa immagine della casa è insopportabile agli occhi di Agnese che supplica Salvatore di vendere la sua proprietà: - Tu m’avais promis de tenir compte de mon avis pour l’avenir du domaine. Tu n’en as rien fait. Je souhaite à présent que tu vendes la villa au plus vite pour qu’elle ne se dégrade pas davantage. Fais-moi seulement une 112 MACKINNON Catherine, citée par BERENI Laure e.a., Introduction aux gender studies. Manuel des études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, 2008, p. 53. 113 Agnese non esita a salvare l'onore del padre a costo della sua vita. Da parte sua, Salvatore ordina l'assassinio di suo padre, Andrea, per soddisfare il suo desiderio di potere. Dopo la prima guerra mondiale, una grave crisi economica sconvolge l’Italia. I contadini, che hanno raggiunto le truppe durante la guerra, si sentono abbandonati. I proprietari di grandi fondi agricoli non danno il consenso alla spartizione della terra, la quale era stata promessa durante la guerra. In risposta, i contadini attaccano i proprietari. L’Italia conosce l’anarchia ed il caos (Cf. GUICHONNET Paul, « L’Italie fasciste. Les succès du fascisme », http://www.universalis-edu.com.www.sipr.ucl.ac.be:888/encyclopedie/italie-histoire/#70, (Consultato il 12 febbraio 2009). In Retour à Montechiarro, Andrea vuole parlare con i contadini. Al momento dell'incontro, un gruppo di squadristi arriva. Andrea è assassinato (R.M., p. 278). Ulisse spiega ad Agnese il ruolo di Salvatore nell’attentato: Effondrée, Agnese se prit la tête entre les mains. - Salvatore est fou… Ulisse s’approcha d’elle et posa un bras sur ses épaules. - Il faut que je te dise encore…Les squadristes ne venaient qu’accessoirement pour les paysans. - Comment ? - Ils cherchaient Andrea et Giancarlo. - Salvatore aurait … ? - Commandité ce double assassinat, oui [...] - [...]Salvatore a maintenant les mains libres et les poches pleines (R.M., pp. 280-281). 48 promesse formelle : si un jour nous en avons les moyens, tu la rachèteras. […] - Mia cara ! Si tu savais comme tu me soulages ! Je sais que je t’avais promis…c’est pour cette raison que je n’osais pas t’en parler… […](R.M., p. 285) La vendita del fondo agricolo (ad un fascista) è come un ulteriore stupro subito da Agnese, dato il legame che l’unisce alla villa. Quando il fotografo Sébastien Morgan si riferisce alla casa dell’infanzia di Agnese per evocare la sua condizione, il processo di vittimizzazione viene rinforzato: Il arriva dans son dos, sans qu’elle l’eût entendu, plongée dans la contemplation désespérée de ce qu’étaient devenus la villa et le jardin. - C’est vrai qu’elle vous ressemble…Une beauté parfaite laissée à l’abandon par un propriétaire grossier et ignare. Si pleine de vie, déçue et pourtant toujours prête à repartir, à ouvrir ses portes et ses fenêtres pour que retentissent des cris d’enfants, des mots d’amour … (R.M., p. 413) Il brano ricorda la dura realtà sopportata dalla donna. Paragonandola con la casa, Sébastien modifica anche lo statuto di Agnese: non è più una donna ma un oggetto abbandonato dal suo proprietario. Come specificato precedentemente, altre voci denunciano la condizione di Agnese tramite lo spazio: si tratta dell’autore implicito e di Adriano Lungo. L’autore propone un discorso manicheo. Accusa tutti gli uomini del male causato ad Agnese ed alla regione alla quale è associata, la Toscana: « De son côté, Sébastien était fou d’elle, fou de ce pays. Elle était la Toscane et la Toscane était Agnese. Il écumait de rage contre ces hommes qui l’avaient réduite en esclavage, l’avaient amputée de son corps, de sa vie » (R.M., p. 420. Corsivo nostro). Si nota un riferimento implicito ad un romanzo famoso della letteratura belga, Bruges-la-Morte. In effetti, il brano in corsivo ricorda quello del romanzo di Rodenbach: « La ville, elle aussi, aimée et belle jadis, incarnait de la sorte ses regrets. Bruges était sa morte. Et sa morte était Bruges ». 114 In quest’opera, una 114 Corsivo nostro. RODENBACH Georges, Bruges-la-Morte. Préface de Gaston Compère, Bruxelles, Jacques Antoine, 1986, p. 24 (Passé Présent). Più avanti nella storia questa ipotesi è confermata tramite un riferimento intertestuale: « Le photographe n’est pas dupe : même si elle lui ressemble, Laetitia n’est pas et ne sera jamais Agnese. Il n’est pas ce personnage romantique et fou 49 donna deceduta è assimilata alla città di Bruges. Così, l’uso di un riferimento intertestuale permette all’autore implicito di paragonare Agnese ad una morta e di sottolineare il carattere tragico della sua situazione. Adriano, quanto a lui, utilizza la personificazione per partecipare al progetto di vittimizzazione di Agnese. Redige dei Carnets che rievocano la storia di Montechiarro. Un brano è messo in evidenza nel romanzo: Comme la plupart des cités toscanes, Montechiarro se tient haut perchée sur des siècles d’histoire ; et comme ses sœurs, elle s’y juche avec une nonchalante indifférence, en vieille aristocrate qui préfère qu’on ne lui rappelle pas sans cesse ses titres de noblesse, de peur de devoir en admettre la fragilité. On l’aperçoit de loin, sur la route lente et sinueuse qui, du cœur du val d’Orcia, remonte vers Sienne ; et l’on prend sans doute plus de plaisir à la contourner ainsi du regard qu’à y pénétrer, à la caresser d’une pupille libre et distraite plutôt qu’à frotter sa paume aux façades vieillies et rugueuses. En quoi Montechiarro s’est constituée insensiblement à l’image de ses habitants. Des peupliers délimitent la route qui vient frôler la porte de Sienne pour replonger aussitôt et poursuivre sa course patiente vers le nord, vers Pienza, sous l’œil morne des vestiges de son enceinte (R.M, p. 7). Questo brano rivela la strategia narrativa utilizzata per denunciare la condizione delle donne – in questo caso Agnese – in Retour à Montechiarro. La città toscana descritta assume un carattere antropomorfico. I sintagmi « ses sœurs », « nonchalante indifférence », « vieille aristocrate », « admettre sa fragilité » costituiscono degli indizi dell’analogia tra Montechiarro ed una donna. La descrizione della prospettiva ed il lessico utilizzato nel brano citato (R.M., p. 7) rivelano una situazione « remonte » di declino. Si parte da « haut perchée », « juche », per arrivare a « replonger. L’uso della prospettiva provoca un sentimento di angoscia. Tale sentimento è accentuato dal sintagma « l’œil morne des vestiges de son enceinte ». Il futuro è incerto per Montechiarro e per la donna che le è metaforicamente associata. Di primo acchito, il legame tra la cittadina ed Agnese non è chiaro nel discorso di Adriano. Però, i Carnets di Agnese permettono di confermare il rapporto tra la città e la donna: qui, dans une Bruges mythique et funèbre, ressuscite une femme morte pour l’assassiner une seconde fois et se résoudre enfin, dans le drame, la confusion et les relents d’une religiosité morbide, à sa disparition » (R.M, pp. 555-556). 50 Je n’ai jamais su m’opposer aux forces de destruction que j’ai croisées. C’est sans rien pouvoir que j’ai observé la dissolution de ce monde. Adriano Lungo prétendait que Montechiarro avait toujours été en retard sur l’Histoire. Il ne savait pas que Salvatore remettrait les pendules à l’heure. Mais je ressemble à cette vieille cité : je ne suis pas dans l’Histoire (R.M., p. 683). Adriano Lungo appare come un personaggio speculativo che predice ciò che accade nel resto della storia. Immediatamente, questo fa presagire un tragico destino per Montechiarro ed il suo alter ego, Agnese. Ora, si propone d’illustrare il processo di zoomorfizzazione di cui Agnese ed il suo entourage sono oggetto. Si osserva un coinvolgimento dell’autore implicito nel precitato progetto di vittimizzazione di Agnese. L’autore implicito utilizza un procedimento paragonabile a quello di Jean de La Fontaine di cui una favola è menzionata in questo romanzo (R.M., pp. 387-388). Allo stesso modo, mette in scena degli animali tramite i patronimici che dà ai suoi personaggi. Il nome di « Agnese » è derivato del greco « agnê » che significa « puro ». Quest’aggettivo evoca la dolcezza dell’agnello. 115 Nei libri sacri, l’agnello simboleggia la vittima propiziatoria sacrificata per ricevere l’assoluzione dei peccati. Nel campo della favola, l’agnello ha il ruolo della vittima come l’illustra, ad esempio, la favola di Jean de La Fontaine del lupo e dell’agnello. Il parallelismo tra Agnese e l’agnello ricorda al lettore di Retour à Montechiarro il sacrificio acconsentito dalla donna per salvare il patrimonio di suo padre. L’autore implicito non si accontenta di presentare Agnese come una vittima per mezzo della zoomorfizzazione. Utilizza questo procedimento retorico per dare poca importanza al personaggio che cerca di nuocere ad Agnese: Salvatore Coniglio. La parola italiana « coniglio » si traduce in francese con il doppione semantico « lapin » e « poule mouillée ». Si può parlare di doppione semantico a valore pleonastico, nel senso che il « lapin » e « poule mouillée » simboleggiano la paura. Dal punto di vista paremiologico, in 115 DRIOT Marcel, Le saint du jour, Québec, Mediaspaul, 1995, p. 29 (Célébrations). 51 molte culture, il parallelismo tra il sentimento di paura ed il coniglio è ricorrente. 116 Ciò ricorda al lettore un episodio nel quale Salvatore è raffigurato come un volgare capone. 117 Durante il confronto tra i personaggi, il degrado di 116 In senso figurato di « coniglio », si può, ad esempio, citare questo proverbio simile in spagnolo ed in francese: salir corriendo como un conejo / détaler comme un lapin. BALLARD Michel, QUITOUT Michel et SEVILLA MUÑOZ Julia, Traductologie. Proverbes et figements, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 149 (Europe-Maghreb). 117 Nell’episodio (R.M., pp 315-318; Cf. Allegato V), il lettore assiste all’assassinio del deputato socialista Matteotti. Dumini, Coniglio e Matteotti occupano il fronte del palco. Immediatamente Salvatore è svalutato dai suoi compagni fascisti. Dumini si rivolge a lui tramite una serie d’ingiunzioni: « Descends-le », « Tu le ranimes, tu le conduis [...] », « tu l’y attaches », « Tu ne lui dis mot », « Vas-y. Abats-le », « Bouge-toi ». Egli è offeso: « imbécile », « incapable », « impuissant ». Ricorrendo al movimento di viavai costante di focalizzazione interna ed esterna, il narratore denuncia la paura di Salvatore: « Il dormit mal ; à tout prendre, il préférait ne pas faire partie du petit groupe chargé de l’enlèvement. Jamais il n’avait pris part à une action aussi directe contre un individu. Ses réminiscences de la marche sur Rome étaient confuses, comme celles d’une nuit d’ivresse. Quand il dirigeait sa brigade, il lançait ses hommes et les laissait étancher leur soif de violence ; mais lui-même se tenait toujours en arrière ou à l’écart » (R.M., p. 314). La miserabilità di Salvatore si aggrava quando, per soddisfare la sua sete di potere, se la prende con un uomo indebolito. Però, anche in questo momento, Salvatore fallisce: [...] Matteotti ouvrit les yeux et, hagard, abruti de douleur et d’angoisse, les tourna vers Salvatore. Cela ne dura que quelques instants ; puis l’homme se ressaisit et dévisagea son vis-à-vis avec une détermination farouche qui fit baisser la tête à ce dernier. - Qui êtes-vous ? interrogea Matteotti d’une voix grave. Que voulez-vous ? Salvatore déglutit et se résolut à agir. Il empoigna le bras de son prisonnier, le força à se relever et à le suivre. - Tais-toi ! D’une main tremblante, il tâcha de lui remettre son bâillon, mais il n’y parvint qu’à moitié. [...] - Je sais qui vous êtes et ce que vous voulez. Vous ne connaissez que la violence. Mais qui a vécu par le glaive… - Ta gueule ! hurla Salvatore en levant le bras pour le frapper. Mais sa main resta figée en l’air, arrêtée par le regard glacial de Matteotti (R.M., p. 316). La viltà di Salvatore stona con il coraggio del deputato socialista. Contrariamente a Salvatore che non osa far fronte a Dumini, Matteotti, in una posizione di debolezza, ha il coraggio di opporsi ad un fascista armato. La paura di Coniglio è evidente: « Salvatore déglutit », « main tremblante », « sa main [...] figée dans l’air ». Salvatore è meno coraggioso di Matteotti: « Le sang monta à la tête de Coniglio qui pointa son arme sur Matteotti et tira en même temps qu’il fermait les yeux pour ne pas voir sa victime. Il entendit rire et releva les paupières. Matteotti le fixait avec mépris malgré la peur qui devait lui dévorer le ventre, et les cinq fascistes autour de lui s’esclaffaient lourdement » (R.M., p. 317). I giochi di sguardi sono interessanti per tutto il confronto tra i diversi personaggi. Essi riflettono i rapporti di potere tra di loro. Per Matteotti, lo sguardo è importante perché è l’unica modalità espressiva: le sue mani legate dietro le spalle. Come lo specifica Élisabeth Angel-Pérez: « […] le regard se lit, pourtant, se déchiffre, s’inscrit comme si lui était attachée une véritable grammaire. Le langage des yeux, comme l’énonciation verbale définie par Benveniste, dit le rapport au monde de celui qui le porte. Individuel, idiosyncratique, le regard porté révèle une appropriation du monde par l’observateur » (ARNAUD Pierre et ANGEL-PEREZ Élisabeth, Le regard dans les arts plastiques et dans la littérature, Paris, Presses Paris Sorbonne, 2003, p. 5 (Sillages critiques)). Effettivamente, si può notare che Matteotti ha sempre l’ascendente su Salvatore. Il suo sguardo esprime la sua potenza in tutto questo episodio: « dévisagea son vis-à- 52 Salvatore Coniglio è visibile per il lettore. È ridotto alla condizione di animale (« comme un chien » R.M., p. 318). Questa zoomorfizzazione del personaggio è tanto più notevole che contrasta con la personificazione del sole (« un soleil moqueur » R.M., p. 318). Salvatore fugge dalla scena del crimine come un animale braccato dai cacciatori: « Ils éclatèrent de rire et se mirent à tirer des coups de feu sur ses talons pour le forcer à déguerpir vers la route » (R.M., p. 318). La scena si conclude con una metafora basata sull’analogia tra Salvatore ed il coniglio attraverso il verbo scelto dallo scrittore: « déguerpir » 118 , cioè « s’en aller précipitamment ». 119 Salvatore Coniglio è anche zoomorfizzato dagli altri due personaggi del romanzo: Agnese Della Rocca e Sébastien Morgan. Nei Carnets di Agnese Della Rocca, Salvatore Coniglio è chiamato « jeune coq arrogant » (R.M., p. 536) ed il termine generico « mâle » (R.M., p. 578) che rinvia ad un animale maschio. In quanto a Sébastien, egli paragona Salvatore al corvo della favola di Jean de La Fontaine, Le Corbeau et le Renard: Vous l’avez déjà dit, sourit-il en restant à sa place. « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute… » Votre mari, dont vous m’aviez confié le nom, tient plus du corbeau que du renard de la fable. Il est vrai que je me suis renseigné et que les informations que j’ai pu glaner sur son compte à Rome sont contradictoires : on se moque de ses rodomontades, et les perspectives de carrière que j’ai évoquées sont sans doute des vessies qu’il prend pour des lanternes (R.M., pp. 387-388). Agnese beneficia non solo della considerazione di Sébastien Morgan, ma anche di quella dell’autore implicito. Lo statuto speciale di Agnese si rivela anche grazie alla presenza dei brani del suo diario. 120 Ovviamente sul piano narrativo i brani provocano un cambiamento significativo, ma conferiscono al romanzo anche un effetto reale. Nell’introduzione si notava l’ambiguità tra la realtà e la finzione che caratterizza vis » ; « [la main de Salvatore arrêtée par] le regard glacial de Matteotti ». Prima di morire, Matteotti esprime con lo sguardo il suo sentimento di disprezzo verso Salvatore. 118 Allusione al proverbio: « déguerpir comme un lapin ». 119 REY-DEBOVE Josette et REY Alain (éd.), op.cit., p. 666. 120 Nel romanzo, il diario è chiamato Carnets. 53 Retour à Montechiarro (p. 7). La presenza del diario rafforza l'effetto di realtà della storia facendo risuonare la voce di Agnese. Le indicazioni temporali proprie del genere danno l’impressione che il discorso sia scritto in un momento del tempo storico. L’autore implicito fa di Agnese il solo personaggio femminile il cui discorso si trova così al confine tra finzione e realtà. Certo, permette ad Agnese di distinguersi dagli altri personaggi femminili del romanzo. 121 Se si prende il tempo per esaminare il contenuto degli estratti del diario, si vede che si trova ancora il processo di vittimizzazione del personaggio femminile. Agnese evoca spesso il suo spazio vitale. I luoghi, sempre chiusi, dove si trova Agnese simboleggiano la sua libertà persa dopo il matrimonio con Salvatore Coniglio. 122 In effetti, il personaggio esprime la sua incapacità di opporsi al discorso maschilista e di aiutare le proprie figlie a rivoltarsi. Però la scelta della scrittura frammentaria è strana per esprimere il sentimento di rassegnazione di una donna. Effettivamente, questo tipo di scrittura viene correntemente utilizzato nella letteratura femminista dalle scrittrici in segno di opposizione all’ordine sociale ed al discorso maschile. 123 Non coincide con il processo di vittimizzazione nel quale si trova Agnese. Secondo noi, questa scelta si giustifica altrove. Lo scopo è di evidenziare il possibile legame tra l'autore-teorico ed il personaggio di Agnese. In effetti, il lavoro di scrittura di Agnese è legato ad una concezione della memoria, come è presentata nel lavoro scientifico di Vincent Engel. Per capire, si devono inserire i brani del diario nel loro contesto. Li si trova nell’ultima parte del romanzo. Questa è dedicata alla realizzazione del progetto artistico di Sébastien Morgan. Laetitia, che ha accettato di essere il modello di Sébastien, coglie l’opportunità per recarsi in Italia, alla ricerca del suo passato. Lei sa che la conoscenza del suo passato e di quello di sua madre le permetterà di essere felice (R.M., p. 650). Effettivamente, a questo punto del racconto, Laetitia si trova in uno stato di « refoulement civilisationnel »: si tratta di un tipo di rimozione che è la trasmissione del vissuto delle generazioni anteriori ma non è legata alla propria 121 Anche i personaggi maschili scrivono delle lettere (Partecipano all’ effetto di realtà). Agnese è « calfeutrée dans sa chambre » (R.M., p. 533) ; Agnese e le sue figlie sono « enfermées dans ce palais » (R.M., p. 577) ; loro « se protègent à l’intérieur de ce palais » (R.M., p. 582) 123 BLAU DUPLESSIS Rachel, Writing Beyong the Ending. Narrative Strategies of TwentiethCentury Women Writers, Bloomington, Indiana university press, 1985, p. 12. 122 54 esperienza della persona. 124 Il problema si rivela nel personaggio Laetitia tramite la sua reazione di rigetto nei confronti di tutto quello che riguarda l’Italia 125 , reazione che sembra un calco di quella di sua madre. Per costruirsi, Laetitia deve conoscere il suo passato. Le sue ricerche la portano ai Carnets di sua nonna, Agnese. Lei accede così ad una memoria frammentaria. In questo caso, l’oblio è parte integrante del processo memoriale. Se ne deduce che il lavoro di memoria richiede due operazioni contraddittorie: « ricordarsi » e « dimenticare ». Dietro il lavoro di scrittura di Agnese, si nota la presenza di Vincent Engel 126 , il quale insiste sull’importanza dell’oblio che secondo lui, assicura una coerenza nella costruzione identitaria. La coerenza dipende dalla selezione effettuata tra una moltitudine di informazioni: « Il y va de la cohérence du projet: une identité solide nécessite une cohérence, ce qui signifie que l’on ne retiendra pas tout, seulement ce qui contribue à la consolidation de cette identité. La mémoire ne serait dès lors que l’organisation des souvenirs en un récit – […]– au statut paradoxal, mêlé d’oublis ». 127 Quest’osservazione conferma che Agnese beneficia di uno statuto 124 ENGEL Vincent, Fiction, op.cit., p. 135. 125 « Elle qui n’a jamais osé, malgré ses révoltes, braver sa mère... Pas même le jour où, un Europass en poche, elle a laissé partir le train pour Milan et lui a préféré en définitive celui à destination de Copenhague [...] » (R.M., p. 486) ; « L’interdit maternel est si puissant qu’elle n’a jamais osé opter pour un restaurant italien » (R.M., p. 543). 126 Il tema della memoria è ricorrente nell’opera e nei saggi di Vincent Engel. LAPLANTE Laurent, op.cit. In Retour à Montechiarro, si trova un riferimento ad un romanzo famoso del nostro scrittore, Oubliez Adam Weinberger: « Il n’aurait pas dû croire cette lettre [...] Il se souvient d’une jeune Juif, survivant des camps, qu’il a rencontré après la guerre – il n’a oublié ni son nom, ni la détresse de son regard. Adam Weinberger recherchait son oncle parti combattre en Espagne ». (R.M., pp. 689-690). Il romanzo Oubliez Adam Weinberger veicola la stessa concezione della memoria di quella che c’è in Retour à Montechiarro. Il personaggio principale, Adam, non parla della sua esperienza nei campi di concentramento. Egli vuole che il suo entourage immagini come sarebbe stata la sua vita se la guerra non fosse scoppiata. L’epigraphe di Oubliez Adam Weinberger, « Remember me, But, O, forget my fate », corrobora questa proposta d’interpretazione. Effettivamente, questa citazione si trova nell’opera di Purcell, Dido ed Enea. Didone, regina di Cartagine, ed Enea, principe di Troia, decidono di sposarsi. Però, la regina delle streghe vuole contravvenire alla loro volontà. Chiede ad uno dei suoi sudditi di farsi passare per Mercurio e di costringerlo a lasciare Didone per costruire una nuova città in Italia. Essendo combattuto tra il suo amore e l’ordine divino, Enea decide finalmente di lasciare Cartagine per adempiere il suo dovere. Al termine del terzo atto, Didone si suicida e supplica Belinda, la sua confidente, di ricordarsi di lei ma di dimenticare il suo destino. HARRIS T. Ellen, Purcell Henry. Didon et Enée, Oxford, Oxford University Press, 1990. 127 ENGEL Vincent, Fiction, op. cit., p. 140. 55 particolare in Retour à Montechiarro. Il suo diario è una metafora della memoria, come viene percepita da Vincent Engel. Nello studio dei primi due elementi della nostra analisi (lo spazio e la zoomorfizzazione), è stata notata una forma di partito preso da parte dell'autore implicito per Agnese, che è presentata come una vittima agli occhi del lettore. Quanto alla considerazione degli estratti del diario di Agnese, permette di andare oltre la finzione stessa e di intravedere un possibile rapporto con il mondo reale attraverso l'autore-teorico, Vincent Engel. Il fatto che ci sia un legame tra l'autore implicito ed Agnese ed anche un legame tra l'autore-teorico ed il personaggio, permette di ipotizzare una relazione tra l'autore implicito (inerente alla finzione) e l’autore-teorico (inerente alla realtà). Un tale parallelismo tra i due mondi (finzione/realtà) apre la porta ad una lettura plurale del romanzo: l’una essenzialmente radicata nella finzione, l’altra maggiormente radicata nella realtà. Agnese sembra essere un punto di contatto tra i due mondi. Per Jean-Marie Schaeffer, la « relation non-contingente entre personnage fictif et personne » è comune nella letteratura. 128 Secondo lui, il piacere del lettore si trova in quest’attività di proiezione (finzioneÆ realtà). In questa fase della ricerca, non si hanno le prove sufficienti per dire che Agnese è l'« avatar » di una persona reale. Però, un altro personaggio del romanzo spinge nello stesso modo il lettore a mettere in discussione i confini tra realtà e finzione in questo romanzo: Asmodée Edern. 3. Chi è chi? Quando le strategie narrative denunciano gli strateghi della comunicazione Asmodée Edern appartiene alla categoria dei « personnages-anaphores » che « tissent dans l’énoncé [un]réseau d’appels et de rappels ». 129 Egli ha dunque una funzione di coesione e di organizzazione all’interno del racconto. 128 DUCROT Oswald et SCHAEFFER Jean-Marie (éd.), op.cit., p. 755. HAMON Philippe, « Pour un statut sémiologique du personnage », dans BARTHES Roland, KAYZER Wolfgang, BOOTH Wayne e.a., Poétique du récit, Paris, Seuil, 1977, p. 123. 129 56 Tuttavia, non è presente solo in questo romanzo. Nella prima parte di questo compito, si sottolineava già l’importanza di Asmodée Edern nell’opera di Vincent Engel (p. 23). È possibile trovare questo personaggio in altre opere dello scrittore: Les Angéliques, Requiem vénitien, Les Absentes. 130 Così la presenza di Asmodée non è esclusivamente una scelta dell’autore implicito. Se ci si riferisce alla critica, si osserva che il personaggio è considerato come un sostituto del romanziere, Vincent Engel. 131 Guardando meglio questa ipotesi, si nota la possibilità di collegare in una certa misura Asmodée Edern con l’autore sociale e l’autoreteorico. Effettivamente, quando Asmodée è chiamato « diable » (R.M., p. 111), si potrebbe essere tentati di paragonarlo al Diable boiteux di cui René Lesage fa uso per criticare la società dell’epoca. 132 Quest’ipotesi è verosimile tanto più che il nome Asmodée Edern rinvia ai diversi mezzi di comunicazione di cui Engel dispone: la sua casa editrice ed il suo sito web. La sua casa editrice gli permette di pubblicare le opere che potrebbero non interessare i soliti editori: saggi, opere teatrali, ecc. 133 Il suo sito dà la possibilità a lui ed agli altri critici di esprimersi liberamente sull’attualità politica, sociale, letteraria, ecc., grazie alla rubrica « Blog à part », presentata così: Des écrivains, des journalistes, des critiques littéraires et musicaux, venus d’horizons divers, rassemblés par Vincent Engel pour former une équipe virtuelle, sinon vertueuse… voilà ce que vous propose ce blog à part ! Des coups de gueule, des analyses, des comptes rendus, des sensibilités différentes; mais toujours la même liberté. 130 Talvolta Asmodée Edern sembra diventare Thomas Reguer nell’opera di Vincent Engel. Thomas Reguer si trova in un altro romanzo di Vincent Engel, Les Absentes. Thomas si presenta al figlio di Bonifacio Della Rocca, Domenico, in questo modo: « Je ne suis pas Asmodée Edern ! Mais c’était un ami très proche dont je suis, en quelque sorte, l’exécuteur testamentaire ». ENGEL Vincent, op.cit p. 316. Thomas sostiene che Asmodée è morto. Però, si tratta di una menzogna perché Asmodée, in Retour à Montechiarro, incontra il personaggio Sébastien Morgan negli anni 1970 e Domenico è deceduto nel 1919. Thomas significa in arameo « jumeau » (RAGUIN Philippe et SAUTY Nicole, Les prénoms chrétiens, Québec, Médiaspaul, 1999). Thomas ed Asmodée adempiono le stesse funzioni nei romanzi di Vincent Engel. Ad esempio, in Retour à Montechiarro, Bonifacio va a Venezia per vedere Asmodée ed egli incontra sua moglie, Laetitia Malcessati (R.M., p. 115). In Les Absentes, Domenico va in America per vedere Thomas Reguer. Thomas provoca il cambiamento di comportamento di Domenico che è sospettoso nei confronti delle donne. Gli permetterà di accogliere sua moglie Alicia (ENGEL Vincent, Les Absentes, op.cit., pp. 312-352) 131 DE DECKER Jacques, op.cit. 132 LESAGE René, Le Diable boiteux, Paris, Gallimard, 1984 (Folio classique, 1591). 133 La presentazione della casa editrice si trova su, ENGEL Vincent , http://www.edern.be/vincent_engel/edern_editions.html (Consultato il 9 settembre 2010). 57 Chaque auteur assume la pleine responsabilité de ses écrits. 134 Dunque, sul piano della realtà, il nome « Asmodée Edern » è utilizzato da Vincent Engel come autore sociale ed autore-teorico. Senza confermarla categoricamente, si può fornire un certo credito all’ipotesi della critica circa il rapporto EdernEngel. L’autore implicito spinge il lettore ad interrogarsi a questo proposito tramite il fenomeno della ripetizione. In effetti, due volte l’autore implicito integra nel discorso di Asmodée un riferimento letterario che rinvia a Vincent Engel stesso. Prima si riferisce ad un’opera famosa in Belgio: « Et je le répéterai jusqu’à la fin des temps! Ah oui, je sais, votre fameux pénitent exaspéré des fautes qu’il n’a pas commises ! Mais justement, il en est exaspéré ! Il en a marre de porter la croix des autres ! » (R.M., p. 692). Le Pénitent exaspéré appartiene ad una figura emblematica della letteratura belga, André Baillon, di cui Vincent Engel è il pronipote. 135 Poi, avremo l'opportunità di sviluppare ulteriormente il nostro pensiero su di esso, l’autore implicito allude ad un'altra opera del nostro scrittore: Un jour ce sera l’aube grazie a questa replica di Asmodée: « L’aube finit toujours par arriver un jour ou l’autre » (R.M., p. 693). L’autore implicito ha sviluppato una strategia per permettere al lettore di intravedere la relazione tra Asmodée Edern e Vincent Engel. Come Agnese Della Rocca, Asmodée Edern appare come un personaggio che mette alla prova i confini tra la realtà e la finzione in Retour à Montechiarro. Questa caratteristica metafinzionale spinge il lettore ad andare oltre la fabula per l’interpretazione del romanzo come specificato precedentemente (p. 56). La relazione tra Engel ed Edern è segnalata solo in questo brano del libro. Si vedrà più avanti, in questo lavoro, perché e come l’autore implicito è riuscito ad evidenziare questo brano in particolare. 134 La presentazione del blog si trova su: ENGEL Vincent, http://edern.be/wordpress/category/a-propos/ (Consultato il 9 settembre 2010). 135 CHATELAIN Françoise et TORREKENS Michel, « Vincent Engel. Romancier. Nouvelliste. Critique… », http://www.servicedulivre.be/fiches/e/engelvincent.htm (Consultato il 15 ottobre 2010). 58 4. Le esperienze oniriche: chiavi di comprensione del romanzo Il brano in cui si trovano le due repliche di Asmodée Edern tratta di una conversazione tra Asmodée e Sébastien Morgan. 136 Ha la particolarità di essere un’analessi ripetitiva 137 , visto che rinvia a tutti gli eventi anteriori del racconto. Effettivamente, in questo momento, il lettore è già informato delle grandi linee della trama: - la promessa di Sébastien Morgan ad Agnese Della Rocca di comprare la villa Bosca affinché possa abitarvi felice con le proprie figlie Anna e Michaella (R.M., p. 414). - la rivelazione della morte di Agnese a Sébastien Morgan tramite una lettera che la defunta aveva incaricato di consegnargli (R.M., pp. 513-516). - il progetto artistico che deriva da questa scoperta: ricostruire il ricordo di Agnese grazie alle fotografie della sua pronipote, Laetitia Delpierre. - la rivelazione a Sébastien Morgan da parte di Giovanni Carlo della menzogna di sua nonna, Agnese. Non era ancora deceduta quando ha spedito la lettera a Sébastien Morgan (R.M., pp. 663-664). - il motivo per cui Giovanni è a Montechiarro: assassinare Filippo Achilli, responsabile della morte della sua sorellastra (Rosa) e di sua cugina (Lucia). - il motivo per cui Laetitia Delpierre è a Montechiarro: costruire la sua identità. - la storia di amore nascente tra Laetitia e Giovanni. Un altro elemento conferisce un carattere singolare al brano: la conversazione tra Asmodée e Sébastien è un sogno. Parecchi elementi permettono di affermarlo. In un primo tempo, si osserva il cambiamento di comportamento da parte di Sébastien Morgan. Il personaggio si è sempre mostrato tranquillo. Però, qui, si 136 137 Allegato VI (R.M., pp. 690-693). GENETTE Gérard, Figures III, Paris, Seuil, 1972, pp. 95-97 (Poétique). 59 assiste ad una scena di collera. Sébastien non accetta che i responsabili della sofferenza di Agnese e di quella della sua discendenza non siano puniti (linee 6973). Il suo discorso è diverso da quello che teneva a Giovanni Carlo, il quale voleva vendicare le donne della sua famiglia tramite l’omicidio di Achilli: Oh, je devine que je suis à vos yeux qu’un vieux romantique! Aujourd’hui comme il n’y a pas si longtemps, l’heure est à l’action concrète… « directe », comme disent certains ! Vous n’y croyez pas ? Au romantisme ou à la lutte ? La réplique a décontenancé le garçon, jusqu’à ce qu’il remarque le sourire de Sébastien. - Je devine ce qui vous turlupine, Giovanni ! [...] A l’époque je n’aurais pas cru que ce qui animait les Chemises noires différait si peu de ce qui motivait les Chemises rouges : une même fascination pour la violence, la croyance puérile que les choses peuvent changer radicalement et ne peuvent le faire durablement que par la violence. [...] j’ai connu ces débats-là. Ils ont un siècle d’âge. Ils sentent la poussière, le sang séché. Chaque génération croit les réinventer sans savoir qu’elle ânonne un credo meurtrier on ne peut plus conventionnel (R.M., pp. 586-587). 138 138 Il confronto tra i due uomini è causato dalle diverse teorie che animano il pensiero di ciascuno di loro. Giovanni crede all’utilità della rivoluzione. È sedotto dal pensiero di Georges Sorel e dalla funzione fondamentale che attribuisce alla violenza: « La violence dont il fait l'éloge (Réflexions sur la violence, 1908) est celle de la grève générale syndicaliste dont la force de bouleversement sera telle qu'elle devrait mettre purement et simplement fin à l'existence de l'État. Mouvement d'insurrection de toute une classe, sans commune mesure avec les réponses répressives que peut lui apporter le pouvoir bourgeois, elle ne peut que vaincre. La violence mène au pouvoir mais elle permet aussi au prolétariat de trouver son identité. Il doit en naître un monde politique inédit : car il ne s'agit pas de remplacer un groupe dominant par un autre, mais d'ouvrir une ère politique nouvelle purifiée par la violence ». MICHAUD Yves, « Violence », dans Encyclopaedia Universalis en ligne, http://www.universalisedu.com.proxy.bib.ucl.ac.be:888/encyclopedie/violence/#14 (Consultato il 19 gennaio 2010). Sébastien Morgan si riferisce ad Albert Camus (R.M., p. 588) per fare luce sul pensiero di Giovanni. Spiega la distinzione attuata dallo scrittore francese tra la rivolta e la rivoluzione. Secondo Camus, l’uomo rivoltato è chi si oppone alla sua condizione mentre sollecita un’altra condizione in adeguatezza con le esigenze della natura umana. La rivolta è un equilibrio tra il « no » ed il « sì ». Se l’uomo sceglie il « no » assoluto o il « sì » assoluto, è condotto fino al nichilismo. Ne risultano le diverse forme universali di violenza (assassinio, suicidio, ecc.) con le quali l’uomo è confrontato. La rivoluzione si distingue dalla rivolta. Trascura i princìpi che hanno presieduto alla nascita di una rivolta. La rivoluzione conduce al nichilismo: « Alors que l’histoire, même collective, d’un mouvement de révolte est toujours celle d’un engagement sans issue dans les faits, d’une protestation obscure qui n’engage ni systèmes, ni raisons, une révolution est une tentative pour modeler l’acte sur une idée, pour façonner le monde dans un cadre théorique. C’est pourquoi la révolte tue des hommes alors que la révolution détruit à la fois des hommes et des principes ». CAMUS Albert, L’homme révolté, op.cit., p. 140 (Folio Essais, 15). Sébastien crede nella richezza della rivolta. Sintesi su Camus Cf. WEYEMBERG Maurice, op.cit., pp. 56-74. L’evocazione di Sorel non è fortuita. Rinvia direttamente ai Carnets. Nei suoi Carnets, Camus tratta di Sorel a diverse riprese: CAMUS Albert, Carnets I. Mai 1935-février 1942, Paris, Gallimard, 1962, p. 85 e ID. , Carnets II. Janvier 1942-mars 1951, Paris, Gallimard, 1964, p. 234 e p. 332. 60 Al contrario, nel brano proposto (R.M., pp. 690-693), Sébastien fa parte del suo desiderio di vendetta. La sua assenza di ritegno mostra che Sébastien non si trova in uno stato di coscienza sveglia. In effetti, nel suo saggio L’interprétation des rêves, Freud 139 afferma che il sogno è il luogo nel quale i desideri dell’individuo si esprimono. 140 In questo caso, Sébastien vuole vendicare la morte di Agnese... In un secondo tempo, i sintagmi che incorniciano l’incontro tra Asmodée Edern e Sébastien Morgan rinviano ad un’atmosfera di sonno (brano R.M., pp. 690-693: linea 3, « au bord du lit »; linee 121/122, « jusqu’à son lit » e « l’aide à se recoucher »; linea 125, « la villa dort »). Il personaggio di Asmodée sembra non trovarsi nella realtà. Egli è un’« ombre voûtée » (linee 1-2), una creatura immateriale che assomiglia ad un fantasma. Infine, un ultimo elemento corrobora l’ipotesi secondo la quale si tratta di un sogno: le stimolazioni sensoriali. Freud afferma che c’è un rapporto tra il sogno ed un disturbo durante il sonno. 141 Egli distingue quattro elementi che sono alla base dei sogni: 142 - gli stimoli sensoriali esterni - gli stimoli sensoriali interni - gli stimoli somatici interni - le fonti psichiche della stimolazione Nell’ultimo paragrafo del brano, gli elementi coincidono con gli stimoli che Sébastien prova durante il suo sonno: « Le photographe sent refluer la douleur dans son bras. L’air pénétrant par la fenêtre restée ouverte lui caresse la joue. Il est serein, apaisé. La porte s’ouvre, l’ombre s’efface » (R.M., p. 693). Gli stimoli sensoriali esterni si notano particolarmente nel dolore al braccio, nel vento che 139 Il fatto di ricorrere alle teorie freudiane non è arbitrario. Per Vincent Engel, la psicanalisi può apportare “ un éclairage intéressant et original” sulla creatività. ENGEL Vincent, Histoire de la critique littéraire des XIXe et XXe siècles, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 1998, p. 84. 140 FREUD Sigmund, L’interprétation des rêves, trad. en français par Ignace Meyerson, Paris, Presses universitaires de France, 1973, p. 65. 141 Ibid., p. 28. 142 Ibid., pp. 28-45. 61 accarezza il viso di Sébastien e si può anche supporre nel rumore del cigolìo di una porta. Ognuna delle sensazioni risveglia « delle immagini di sogno corrispondenti ». 143 Effettivamente, il cigolio supposto di una porta fa pensare all’intrusione di qualcuno nella camera di Sébastien. Questa sensazione può essere accentuata dal vento che circola nel luogo. Il vento è la presenza metaforica di Asmodée. Il dolore sentito da Sébastien al braccio coincide con l’immagine di Asmodée che « lui presse le bras gauche, jusqu’à lui faire mal » (R.M., p. 693). Si è specificato che il sogno di Sébastien è una sintesi degli eventi sopraggiunti da poco: l’annuncio di Giovanni della menzogna di Agnese, la conversazione tra Sébastien e Giovanni a proposito della vendetta e della violenza, ecc. Freud ha mostrato il rapporto tra lo stato di veglia e gli elementi del sogno: Si nous fouillons cette association, nous découvrons, parfois d'un seul coup, le rapport qu'il y avait entre le monde en apparence si lointain du songe et la vie réelle [...] Une fois que nous avons ces associations, nous voyons qu'elles nous fournissent les matériaux les plus variés : souvenirs de la veille, du jour où fut fait le rêve et d'époques depuis longtemps révolues, réflexions, discussions du pour et du contre, aveux et questions. 144 Così, parecchi elementi dimostrano che la discussione tra Asmodée Edern e Sébastien Morgan è un sogno. L’inserimento di un sogno nel testo non è fortuito perché questo è un materiale a partire dal quale il lettore realizza un vero lavoro d’interpretazione. 145 Per che ci porta a evocare nuovamente una replica di Asmodée: « L’aube finit toujours par arriver un jour ou l’autre » (R.M., p. 693: linee 105-106). Si specificava il legame tra questa citazione ed un romanzo di Vincent Engel. Si deve precisare che la citazione rinvia a due romanzi famosi, La promesse de l’aube di Romain Gary ed Un jour, ce sera l’aube di Vincent Engel. La promesse de l’aube di Romain Gary è un romanzo autobiografico nel quale il narratore evoca la sua infanzia, la vita con sua madre a Nice, poi gli anni 143 JESSEN citato da Freud, FREUD Sigmund, L’interprétation des rêves, op.cit., p. 30. Traduzione nostra. 144 FREUD Sigmund, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, trad. de l’allemand par Anne Berman, Paris, Gallimard, 1936, p. 17 (NRF). 145 GEFEN Alexandre, « Approches du rêve », http://www.fabula.org/actualites/approches-dureve_4706.php (Consultato il 18 gennaio 2011). 62 di guerra e finalmente la morte di sua madre prima del suo ritorno al paese. 146 Nel saggio che dedica allo scrittore francese, Guy Amsellem afferma che l’opera completa di Romain Gary si articola intorno a questo leitmotiv : « Aimer quelqu’un, c’est l’inventer ». 147 Infatti, in La Promesse, il narratore immagina sua madre ancora in vita e le assicura una carriera di attrice: « Je sais, lui disais-je doucement. Tu seras une grande actrice, je te le promets. Tes œuvres seront traduites dans toutes les langues du monde ». 148 Però, secondo Amsellem, La Promesse de Gary non è solo ispirata all’amore, essa è l’espressione di un senso di colpa: Autobiographie, La promesse l’est peut-être. Mais du genre maternel, on l’a dit. Comme chez Cohen, le texte y est rédemption. Il apporte une compensation imaginaire pour racheter la culpabilité du narrateur : « Je me savais promis à des sommets vertigineux d’où j’allais faire pleuvoir sur ma mère les lauriers, en guise de réparation » (Gary Romain, La promesse de l’aube, p. 47). Culpabilité de ne pas l’avoir sauvée, ou, à tout le moins, de ne pas avoir été à ses côtés pour ses derniers instants. 149 La colpa è un sentimento diffuso tra le vittime di un trauma. 150 François Lebigot spiega che: « Les thèmes les plus fréquemment rencontrés sont la culpabilité du survivant, la culpabilité de “n’en avoir pas fait assez” pour aider les blessés, l’auto-attribution d’une responsabilité dans ce qui s’est passé, etc. » 151 Lo stesso 146 Cf. GARY Romain, La promesse de l’aube. Récit, Paris, Gallimard, 1960. La presenza di un’opera di Romain Gary in un romanzo di Vincent Engel non ha niente di sorprendente. Il nostro scrittore non ha mai nascosto la sua stima per il romanziere francese. LISON Christelle, op.cit. 147 AMSELLEM Guy, Romain Gary. Les métamorphoses de l’identité, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 30. 148 GARY Romain, op. cit., p. 346. 149 AMSELLEM Guy, op.cit., p. 37. 150 Il termine italiano trauma rinvia a « tramautisme » in francese e non a « trauma ». Stéphane Fisher propone una definizione precisa per chiarire la differenza tra « traumatisme » e « trauma »: « Le terme de trauma vient du grec et signifie “blessure ”, ce terme est dérivé de “percer”, sa définition exacte devient “une blessure avec effraction”. Le terme “traumatisme” s’utilise plutôt pour caractériser les conséquences du trauma (donc de la blessure) sur l’ensemble de l’organisme ». FISCHER Stéphane, Tout se joue tant qu’on est vivant, Paris, Le Manuscrit, 2005, p. 20. Si intende con « traumatisme » : « ensemble des perturbations résultant d’un violent choc émotionnel ». REY-DEBOVE, op.cit., p. 2668. 151 LEBIGOT François, « Le traumatisme psychique », in BOULENGER Jean-Philippe et FERRAGUT Eliane, Emotion et traumatisme. Le corps et la parole, Masson, Paris, 2005, p. 73. Nell’opera di Vincent Engel, il tema del sopravvissuto è un tema ricorrente che si può ritrovare fra l’altro Oubliez Adam Weinberger e nel ultimo romanzo Le mariage de Dominique Hardenne. A questo proposito, ci si può riportare all’intervista rilasciata dallo scrittore nell’ambito della trasmissione 63 senso di colpa è menzionato da Asmodée Edern nel sogno di Sébastien Morgan (R.M., p. 692: linea 82). Sébastien si rimprovera l’inutilità della sua creazione. La ricostruzione del ricordo di Agnese non la riporterà in vita. Il lettore capisce così che l’attività creatrice di Sébastien è legata al suo trauma: la scomparsa di Agnese. Un jour, ce sera l’aube di Vincent Engel è un altro romanzo causato da un’esperienza traumatica. 152 Lo scrittore scrive il racconto per sua madre malata. Comunica il suo affetto per quest’opera: Ce roman [Un jour, ce sera l’aube] 153 occupe une place très particulière dans mon histoire d'écrivain. J'en parle brièvement dans « Requiescat Mater », la nouvelle que je consacre à la mort de ma mère dans La vie, malgré tout : Je n'osais plus te montrer ce que j'écrivais. Trop intime. J'y vivais trop souvent ta mort. Alors, j'avais écrit une histoire, pour toi, une histoire d'aube lointaine et promise. Étrangère à nous, pensais-je. Je l'ai relue. Je n'y parle que de toi. « Je mourrai de ma peur de mourir », y disait un vieux prêtre. Et dans la marge, tu fis un trait, ou tu soulignas le texte. Mais tu ne dis jamais ta peur, sauf quelques rares fois, quand ta force se souvenait faiblesse. Jamais un mot. Frustrer la mort, se moquer d'elle. 154 Mille-feuilles. BELLEFROID Thierry, « Mille-feuilles » del 14 settembre 2010 http://www.facebook.com/video/video.php?v=1413073896734 (Consultato il 18 settembre 2010). 152 A questo proposito, si tratta di completare le nozioni di « trauma » e « traumatisme » evocate precedentemente (p. 63). Più particolarmente, la nozione di « trauma » viene presa in considerazione in relazione a quella di « testo ». Peter Kuon getta una luce interessante sulla relazione tra esperienza traumatica e scrittura. Permette anche di precisare il ruolo dell’autore in questo tipo di produzione letteraria: « Quels sont les rapports entre “trauma” et “texte” ? La fortune étonnante dans le champ littéraire d’une notion psychologique et clinique s’explique par le retour du référentiel et de la résurrection de l’auteur dans la réflexion “post-moderne”: l’approche par le biais du trauma fait perdre au texte son statut strictement référentiel et le présente de nouveau comme la création d’un sujet qui s’y investit corps et âme. Mais ce transfert ne va pas de soi. Comment appliquer à l’écriture une notion et une pratique thérapeutiques, basées sur la parole, c’est-à-dire sur la communication directe entre patient et thérapeute ? En passant de l’oralité à la scripturalité, les conditions de l’emploi changent : le “patient” devient “agent” qui s’apprête à contrôler ce qui le hante, en essayant de symboliser, par le travail de l’écriture, le “cercle vide” (Dori Laub), jusqu’alors inexprimable, du trauma. La représentation présuppose non seulement une prise de conscience, mais encore une maîtrise des moyens d’expression qui permet à l’auteur de reconstruire (ou de construire, dans la fiction littéraire) un expérience traumatique et au lecteur de l’approcher ». KUON Peter (éd.), Trauma et texte, vol.4, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2008, p.7, 4 vol. (Memoria scripta). 153 Si aggiunge. 154 ENGEL Vincent, « Présentation du livre “Un jour, ce sera l’aube ” », http://www.edern.be/vincent_engel/mes_livres.html (Consultato il 3 novembre 2010). 64 Il rapporto tra il trauma e la creazione viene spiegato, secondo Cathy Caruth, dalla volontà dell’artista di non banalizzare lo choc che egli ha sopportato: “The difficulty of listening and responding to traumatic stories in a way that does not lose their impact, that does not reduce them to clichés or turn them all into versions of the same story [...]”. 155 La presenza di due romanzi traumatici all’interno del sogno di Sébastien Morgan segnala simbolicamente il parallelismo tra l’attività creatrice e l’attività onirica. Nel suo saggio Le corps de l'œuvre. Essais psychanalytiques sur le travail créateur, Didier Anzieu riconosce il rapporto tra le due attività : « [l]e travail 155 CARUTH Cathy (ed. and introductions), Trauma. Exploration in Memory. Baltimore / London, The John Hopkins University Press, 1995, p. 7. Questa volontà si dimostra all’interno del romanzo nella lettera di Sébastien Morgan. Sébastien parla della guerra ad Agnese. Per esprimere l’atrocità del conflitto, egli utilizza un riferimento letterario dall’intensa carica emotiva, Le Dormeur du val di Arthur Rimbaud : J’ai repris mon Leica. Et, sans savoir pourquoi, j’emmagasine des images d’hommes et de femmes, tous convaincus, quel que soit leur camp, d’avoir raison, que tout cela a un sens et que si tu ne tues pas celui d’en face, c’est lui qui te tuera. Des visages qui rient, grimacent, pleurent ; des visages qui ont faim, peur, sommeil. Des morts qui ressemblent au Dormeur du val ; des dormeurs qui attendent la mort. ¡ No pasaran ! – et ils passent. ¡ Viva muerte ! – et la mort triomphe (R.M., p. 439). La commistione tra la morte ed il sonno (Cf. RIMBAUD Arthur, Œuvres complètes. Texte établi et annoté par Rolland de Renéville et Jules Mousquet, vol. 68, Paris, Gallimard, 1951, p. 66 (Bibliothèque de la Pléiade)) segna incontestabilmente il lettore.155 Il lavoro stilistico mostra che Vincent Engel ha voluto attirare lo sguardo del lettore su questo riferimento interstestuale. Come lo ha fatto per mettere in evidenza la sua riflessione sulla creazione in Retour à Montechiarro, utilizza anche la ripetizione. Più particolarmente, si serve della stessa struttura frastica : Des visages qui [...]; des visages qui[...]; Des morts qui [...]; des dormeurs qui [...]. La scelta di quest’intertesto non è fortuita. Essa rinvia ad un altro brano del romanzo, che rinvia a sua volta ad un altro romanzo di Vincent Engel, Oubliez Adam Weinberger. Effettivamente, in Retour à Montechiarro, Sébastien Morgan evoca il ricordo di Adam Weinberger. Questo personaggio cercava suo zio Élisha, scomparso durante la guerra di Spagna. Sébastien aveva delle fotografie del conflitto. Egli ne trova alcune ed annuncia ad Adam la morte di suo zio. Adam non vuole crederci: « Adam avait examiné les photos avec une attention désespérée. Il avait demandé à Sébastien s’il était sûr que, sur cette image, Elisha était bien mort – qu’il ne dormait pas, tout simplement. Sébastien l’avait pris pour un fou. Bien sûr qu’ Elisha était mort ! Si Adam voulait survivre et reconstruire sa vie, il fallait bien qu’il soit assuré que son oncle avait été assassiné. Il ne pouvait s’épuiser à courir derrière un fantôme. Sébastien avait refusé de laisser la photo au jeune rescapé. Elisha, il le répétait, le jurait, était mort, et Adam devait vivre » (R.M., p. 690). Quest’episodio ricorda al lettore dei romanzi di Vincent Engel un brano di Oubliez Adam Weinberger : « Tu es vraiment fou mon ami… Je n’ai pas photographié son cadavre, si c’est ce que tu veux savoir ; au demeurant, même ainsi, tu ne m’aurais pas cru, tu m’aurais demandé s’il ne faisait pas que dormir. Tu n’as que ma parole : Juan (Elisha Weinberger è chiamato Juan, si aggiunge) est mort, aussi vrai que je suis vivant » (R.M., p. 222). Il lettore è disturbato dal fatto che Sébastien Morgan sosteneva che egli non avesse nessuna fotografia di Élisha morto. 65 psychique de la création dispose de tous les procédés du rêve : représentation d’un conflit sur une “ autre scène ”, dramatisation (c’est-à-dire mise en images d’un désir refoulé), déplacement, condensation de choses et de mots, figuration symbolique, renversement en son contraire ». 156 Questo parallelismo permette di supporre che il sogno e la creazione adempiano la stessa funzione: la funzione terapeutica. Effettivamente, si osserva che Sébastien Morgan passa dalla collera (R.M., p. 691: « Tout cela n’est que mensonge [...] », linea 8) alla serenità dal suo incontro con Asmodée Edern (R.M., p. 693: « Il est serein, apaisé », linea 124). Peraltro, l’autore implicito insiste ancora sulla funzione terapeutica del sogno grazie alla ripetizione dell’esperienza con altri due personaggi del romanzo: Michaella ed Anna, le figlie di Agnese e Salvatore. Nei due casi, l’esperienza onirica è provocata da un trauma. Per quanto riguarda Michaella, il lettore assiste ad una scena particolarmente spaventosa per il personaggio. Michaella sta vivendo nuovamente l’assassinio di sua figlia e di sua nipote perpetrato da Filippo Achilli : Elle sait que Laetitia est partie – elle sait où elle est partie. Sa fille remonte le chemin du passé de sa mère, elle se tient sur le seuil de cette scène ultime, insoutenable, que Michaella a voulu fuir en fuyant son pays, en reniant sa mémoire. Elle voit Laetitia là où Laetitia n’est jamais allée, elle l’imagine qui tend les bras vers sa sœur et sa cousine, [...] le criminel qui vient récupérer ce qui n’a jamais existé, [...] qui pointe son arme, ultime argument, qui fracasse le monde et la vie, [...] et les mères qui empoignent leurs filles inertes [...] (R.M., p. 695). Michaella sa che sua figlia, Laetitia, le ha disobbedito ed è andata in Italia per conoscere il proprio passato. Grazie al suo sogno, Michaella ha rivissuto un evento tragico della sua vita. Le sue emozioni hanno provocato un cambiamento nel suo comportamento e l’hanno portata a parlare con sua figlia. Gli effetti benefici del sogno su Michaella sono stati confermati dal medico: « J’ignore ce qui s’est passé, mais je suis sûr que cela devait se passer, ici et surtout maintenant » (R.M., p. 709). 156 ANZIEU Didier, Le corps de l'œuvre. Essais psychanalytiques sur le travail créateur, Paris, Gallimard, 1981, pp. 19-20 (Connaissance de l’inconscient). 66 La terza esperienza onirica è quella di Anna Coniglio, però non è specificamente un sogno. Si tratta di una trance ipnotica. Allo stesso modo, questa trance ha degli effetti benefici. Anna Coniglio non si è mai ripresa dalla morte di sua figlia, Rosa, di sua nipote, Lucia e di suo marito, Francesco: Giovanni revoit ces deux femmes courbées sur son enfance [...]. Une grand-mère omniprésente qui s’occupe de tout [...]. Une mère aimante mais toujours quelque peu absente, somnolente, qui n’entend ses pleurs que lorsqu’ils éclatent en accès de rage, et pour autant qu’Agnese n’est pas déjà intervenue. [...] Parfois, l’enfant interroge Agnese : pourquoi maman est-elle comme ça ? – un mot minuscule pour un malaise qui, lui, grandit –, et elle répond par un pauvre sourire : c’est le chagrin d’avoir perdu son mari [...] (R.M., pp. 590-591). Il suo comportamento si spiega alla luce delle teorie psichiatriche. Secondo Marie-Christine Baylé-Hardy e Patrick Baylé, una persona che si trova di fronte ad una serie di lutti può non essere in grado di superarli. Si tratta di « deuil inachevé »: « Le deuil inachevé peut se présenter sous différents aspects : [...] le sujet semble avoir abandonné les marques extérieures (sociales, affectives et comportementales) du deuil mais continue à “vivre dans le passé”, dans la pensée du mort ». 157 Per aiutare Anna a superare il trauma, Asmodée si serve della terapia basata sull’ipnosi. Egli è l’unico personaggio che parla ed il suo discorso si caratterizza per le numerose ingiunzioni: « Laissez votre sœur », « Accueillez seulement la stupeur », « prenez dans vos bras », « rejoignez leurs rires », ecc. Questi procedimenti espressivi sono tipici della messa sotto ipnosi.158 Yvon Lhermitte afferma che l’ipnosi permette di cambiare il comportamento del paziente: « Quand le sujet est en état d’hypnose moyenne ou même légère selon les cas, on obtient, par des suggestions qui s’adressent à son subconscient, une modification du conscient et du comportement après le réveil de l’intéressé ». 159 In effetti, si osserva che il comportamento di Anna è cambiato. Non osava mai uscire, però durante la sua trance: «[E]lle ne se reconnaît pas, elle que 157 HARDY-BAYLÉ Marie-Christine et HARDY Patrick, Enseignement de la psychiatrie, 2ème édition, Rueil- Malmaison, Doins, 2003, p. 138 (Références en psychiatrie). 158 PEIFFER Vera, Se soigner par l’hypnose, Evreux, Hachette, 1998, pp. 46-47. 159 LHERMITE Yvon, Le grand livre de l’Hypnose. Méthodes pratiques pour l’épanouissement du corps et de l’esprit. Hypnose et auto-hypnose, Bayeux, Ed. Trajectoires, 2001, p. 16. 67 Michaella moquait toujours parce qu’elle ne savait rien décider seule, elle s’informe, monte dans un premier autocar, suivez-moi les filles, puis dans un autre à Sienne, un vieil engin bringuebalant qui doit dater de la guerre » (R.M., p. 714). Fa un viaggio fino a Montechiarro in uno stato ipnotico e crede che sia accompagnata dalle due ragazze decedute, Rosa e Lucia. Alla fine del viaggio, il lettore capisce che Anna è salvata: « De la terrasse le chauffeur l’observe, intrigué. Les fillettes sont restées à l’intérieur du car, leurs visages s’écrasent contre la vitre, mais Anna n’a plus besoin d’elles à présent, elle doit affronter seule le chemin, celui qui descend vers le palais, qui remonte vers son passé, et la ramène à la vie » (R.M., p. 715). La funzione terapeutica dell’esperienza onirica è ancora messa in evidenza. Al di là del ravvicinamento tra il sogno e la creazione, si possono sviluppare ipotesi sul ravvicinamento tra il contenuto del sogno di Sébastien Morgan e l’attività creatrice dell’autore sociale visto che questo si trova all’interno del sogno. Non è vano pensare che l’autore sociale abbia scelto il sogno, luogo dove si esprimono i desideri e le angosce dell’individuo (p. 56), per confidarsi sulla propria attività creatrice. In questo caso, si può considerare il lavoro di Sébastien Morgan (fabula) come una mise en abyme par reduplication simple 160 di quello dell’autore sociale. Per verificare questa ipotesi, bisogna risalire all’origine dell’impulso estetico: la musica. 5. La musica come fonte dell’impulso estetico Si possono trovare in Retour à Montechiarro molti riferimenti al mondo musicale : Mozart, Verdi, Alessandro Giacolli 161 , Filippo e Maria Taglioni, Bach, Liszt, Pink Floyd. Come specificato nell’introduzione a questa tesi, la ripetizione è un mezzo utilizzato dall’autore implicito per mettere in evidenza certi eventi del romanzo. La musica è fondamentale in Retour à Montechiarro perché appare a 160 Dällenbach definisce la réduplication simple così: « fragment qui entretient avec l’oeuvre qui l’inclut un rapport de similitude ». DÄLLENBACH Lucien, op.cit., p. 51. 161 Alessandro è un musicista inventato dallo scrittore. È brevemente evocato nella prima parte di questo romanzo. È il principale personaggio di Requiem vénitien, primo romanzo della trilogia Requiem vénitien/ Retour à Montechiarro/ Les Absentes. Cf. ENGEL Vincent, Requiem vénitien, Paris, Fayard, 2003 (Livre de Poche). 68 più riprese come il luogo propizio alle confidenze per diversi personaggi. Così, ad esempio, nella prima parte del romanzo, si assiste all’incontro tra Bonifacio Della Rocca e Laetitia Malcessati. La madre di Laetitia chiede a sua figlia di suonare il pianoforte per Bonifacio. Si propone al nostro lettore di paragonare i due brani seguenti: Primo brano […]Laetitia exécuta quelques pièces de Bach avec une froide aisance. Bonifacio fut frappé par l’absence totale de sentiment qu’elle mettait dans son jeu. Après une fugue, elle tourna son visage vers le visiteur. - Souhaitez-vous que je vous joue quelque morceau particulier ? s’enquitelle du ton neutre d’une aubergiste venue prendre la commande d’un client de passage. Alors Bonifacio, le cœur battant et les jambes mal assurées, se leva et s’avança vers le piano. - Je ne puis croire qu’une jeune fille telle que vous puisse si bien jouer d’un instrument et ne laisser percer aucune émotion dans son jeu… (R.M., p. 79) Secondo brano Les premières mesures furent d’une douceur toute romantique; puis, l’air fut gagné d’une tension dramatique d’une extrême violence que Laetitia affronta, les yeux toujours clos. Bonifacio était subjugué par le spectacle de cette frêle beauté aux commandes d’une telle tempête ; mais la tourmente fut aussi brève qu’intense, et, après une ultime cascade, le torrent se refit ruisseau mélancolique. Laetitia se replia, note après note, sur le clavier. Bonifacio avait la gorge nouée ; il recula de quelques pas, à la recherche d’un siège. Les dernières mesures s’éteignirent ; le ruisseau avait rejoint sa source dans le sein réconfortant du silence. Laetitia resta assise devant les touches, comme saisie d’absence. - C’est… c’était magnifique…Je vous prie d’excuser mes paroles injustifiées de tout à l’heure… Vous jouez divinement. De qui est-ce ? Laetitia rouvrit les yeux, comme brusquement réveillée, et eut un sourire à l’endroit du visiteur. - C’est monsieur Liszt qui vient d’envoyer à ma mère la partition manuscrite de ce tout nouveau nocturne. Je crois qu’il est un peu amoureux d’elle […]Cela s’intitule « Rêve d’amour… » : O lieb, so lang du lieben kannst… (R.M., pp. 79-80) Un cambiamento significativo si verifica nel brano, nella musica di Laetitia. Si spiega con il fatto che la musica di Liszt sia direttamente correlata con 69 l’esperienza di Laetitia. In effetti, il compositore ha associato con la sua musica le parole di una poesia di Ferdinand Freiligrath che tratta il tema dell’amore eterno: O lieb, so lang du lieben kannst! O lieb, so lang du lieben magst! Die Stunde kommt, die Stunde kommt, wo du an Gräbern stehst und klagst ! 162 Suonando il brano di Liszt, Laetitia esprime la sua collera perché non può vivere la sua passione con Raphaël. Bonifacio conosce la storia della ragazza ma ignora il tema del brano scelto da Laetitia. Però fa il legame tra la musica e l’esperienza di Laetitia. Inoltre, ha capito come la ragazza soffre ancora. La discussione che segue lo rivela: Cette phrase [O lieb, so lang du lieben kannst] 163 , offerte par le musicien dans un de ces à-propos que permet seule la musique, raviva chez Bonifacio le souvenir de celle qui avait hanté son sommeil. 164 - Vous ... vous paraissez avoir beaucoup souffert et souffrir encore… La voix de la jeune fille se fit plus grave et plus fragile. - Qu’importe ; cette musique est destinée à ma mère. Pas à moi ! - À votre âge, on n’a pas le droit de se résigner déjà… (R.M., p. 80) La musica è sufficiente per permettere a Bonifacio di capire che non sarebbe mai amato da Laetitia. Il seguito della storia conferma il pensiero di Bonifacio dato che Laetitia lo lascia per Raphaël (R.M., p. 128). La musica è un luogo favorevole alla confidenza. È una musica che ha influenzato l'autore sociale nel suo lavoro di scrittura. Nella parte « Ringraziamento » del suo romanzo, Vincent Engel svela la sua fonte di ispirazione : 162 BUSONI Ferruccio, VON SAUER Emil e VIANNA DA MOTTA José, Liszt masterpieces for solo piano. 13 works, New York, Dover Publications Courier, 2000, p. 42. 163 Si aggiunge. 164 Effettivamente, dopo aver incontrato Laetitia per la prima volta, Bonifacio è venuto a sapere della sua storia tragica grazie ad Asmodée Edern. Durante la notte che ha seguito quest’incontro, il sonno di Bonifacio Della Rocca è stato disturbato da questa frase: « Elle l’aime encore, elle l’aimera toujours…» ( R.M., p. 68). 70 On prétend qu’un mouvement d’aile de papillon à Hong Kong peut provoquer une tempête à Londres. Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que ce long roman sort d’une petite musique, admirable, signée Sting : « Saint Agnes and the Burning Train ». Morceau à la guitare, sans paroles, c’est de lui qu’a surgi cette histoire, atome musical devenu fleuve de mots (R.M., p. 727). In effetti, si osserva l’influenza di « Saint Agnes and the Burning Train » sulla scrittura di Vincent Engel dal punto di vista strutturale. Retour à Montechiarro e Saint Agnes and the Burning Train si caratterizzano per una serie di ripetizioni. Per quanto riguarda Retour à Montechiarro, nel primo capitolo della tesi, si evidenziava la particolarità del romanzo di ripetere gli stessi episodi, i quali erano legati alla creazione. Tuttavia, si deve segnalare la presenza di altre ripetizioni. Il romanzo si divide in tre parti. Ognuna di loro comincia allo stesso modo con un funerale: Parte 1849-1889 À présent, sa famille prenait plus de place dans le cimetière que dans les rues de Montechiarro. Adriano suivit le père Baldassare et les quelques villageois qui les avaient accompagnés jusqu’à l’entrée où on l’embrassa encore, mais avec plus d’empressement qu’à l’annonce du décès de ses parents ; la vie, décidément, était impatiente, et il fallait être riche pour pouvoir s’adonner au malheur (R.M., p. 11). Parte 1919-1943 Avec peine, le vieux curé Rosetti s’avança vers la bière qui reposait au milieu de la travée, à quelques pas de l’autel de pierre de San Stefano. Il évita de croiser les regards des hommes assis au premier rang et chercha dans les yeux clairs d’Agnese un encouragement que l’orpheline fut bien en peine de lui offrir (R.M., p. 237) Parte 1978 La foule se presse devant l’église coincée entre des ruelles étroites. Sans les parapluies qui s’agitent, on pourrait peut-être ne pas remarquer qu’il pleut. La plupart des téléspectateurs français sont d’ailleurs probablement convaincus qu’il ne pleut jamais en Italie, du moins pas au printemps. Et pourtant les parapluies ne sont pas là en signe de deuil, même s’ils contribuent à rendre la scène lugubre. Les vantaux s’ouvrent et le cercueil paraît, que quatre hommes portent sur l’épaule (R.M., p. 479). 71 Altri episodi si ripetono nel romanzo. Si possono citare, ad esempio, i fallimenti amorosi, gli omicidi (R.M., pp. 232-233; p. 260; pp. 278-279), i suicidi (R.M., pp. 62-63), ecc. Si nota che i parallelismi creano un’atmosfera particolarmente lugubre e violenta. Allo stesso modo, Saint Agnes and the Burning Train è un’opera molto ripetitiva come l’attesta questo brano che si trova a tre riprese nella melodia. 165 Nel saggio che dedica ai legami tra musica e creazione letteraria, Jean-Louis Pautrot afferma che gli scrittori in generale scelgono sempre una musica legata ad un episodio cruciale della loro esistenza. Egli aggiunge che la presenza di un riferimento musicale all’interno di un’opera aiuta il lettore a capire il senso di quest’ultima: Si l’on admet que l’effet musical se constitue [...] comme le lieu de rappels conscients et inconscients, il est alors possible d’expliquer le choix, de la part de chaque écrivain, de musiques non fictives, appartenant au réel du créateur aussi bien qu’à celui du lecteur. [...] Capturer, ne serait-ce que par un titre, l’œuvre musicale dans l’œuvre romanesque, entraîne alors pour l’écrivain, la possibilité de restituer un supplément à son discours, d’accéder à une présence plus large et plus complexe, en même temps que d’asseoir l’œuvre plus solidement chez le lecteur. 166 Sulla base di queste osservazioni, si comprende che l'influenza della musica sulla creazione letteraria non può essere limitata esclusivamente alla prospettiva strutturale. Per questo motivo, un'analisi più importante della melodia è necessaria. Nella visione popolare, il tango costituisce una metafora dell’amore carnale, ma è anche una musica legata alla tristezza ed alla morte: « Le tango qui tient à la fois de la danse, du chant et d’une musique funèbre (que l’on joue discrètement autour du cercueil où se trouve le corps du défunt) est tout à fait en accord avec cette tristesse de la perte de soi qu’éprouve le chanteur de tango ». 167 165 STING, The Soul Cages. Partition et songbook, London, Wise Publications, 1991, p. 53. PAUTROT Jean-Louis, La musique oubliée. La nausée. L'écume des jours. À la recherche du temps perdu. Moderato cantabile, Genève, Droz, 1994, pp. 227-228. 167 GOMEZ DE LA SERNA Ramon cité par DORIER-APPRILL Élisabeth, Danses latines et identité, d'une rive à l'autre... Tango. Cumbia. Fado. Samba. Rumba. Capoeira..., Paris, L’Harmattan, 2000, p. 115 (Logiques sociales : Musiques et champ social). 166 72 Così secondo Gomez De La Serna il tango è la musica dell’erranza che esprime il sentimento comune agli argentini di non avere un’identità. Gli argentini sono sempre in crisi identitaria: non sono europei e dubitano di essere considerati alla pari degli americani. 168 La loro musica esprime forse la tristezza di non avere un punto di riferimento. Per capire la ragione per la quale Sting ha composto questo tipo di musica, si deve procedere come l’abbiamo fatto per l'analisi del romanzo: concentrarsi sugli elementi ripetitivi. Quando si ascolta nella sua totalità l’album sul quale si trova Saint Agnes and the Burning Train , The Soul Cages, si nota la ripetizione della stessa strofa in due canzoni, The Soul Cages ed Island of Souls. Si capisce che il tema dell’album è la morte del padre. Sting ha, in realtà, composto questi brani in omaggio a suo padre deceduto nel 1991: 169 He dreamed of a ship on the sea It would carry his father and he To a place they could never be found To a place far away from this town A Newcastle ship with no coals They would sail to the island of souls 170 Per aiutarsi nel lavoro di scrittura, l’autore sociale ha scelto una melodia che Sting ha composto dopo un trauma. Ora, tramite il sogno, l’autore implicito stabilisce un parallelismo tra l’autore sociale e Sébastien Morgan di cui l’atto creatore trova anche la sua origine nel trauma: la morte di Agnese (p. 64). Il fenomeno di ripetizione ha sempre aiutato il lettore nel lavoro di interpretazione. In questo caso, di nuovo due elementi si ripetono e rinviano all’autore sociale. Ci si può chiedere se l'atto creativo dell’autore sociale, come quello di Sting e di Sébastien Morgan, non sia legato ad un evento traumatico. Questa domanda è 168 FABRE-VASSAS Claudine, Danser, Paris, MSH, 2000, pp. 127-128. CAMPION Chris, Walking on the moon. The untold story of the Police and the rise of new wave rock, New Jersey, John Wiley and Sons, 2009, p.240. 170 STING, The Soul Cages (cd audio), A&M Records, 22 gennaio 1991. Il rêvait d’un bateau sur la mer Qui le porterait son père et lui Jusqu’à un lieu on ne pourrait jamais les trouver Jusqu’à un lieu loin de ce village Un bateau de Newcastle sans charbon Ils navigueraient vers l’île des âmes. Traduzione nostra. 169 73 legittima perché già molti punti di contatto tra la realtà e la finzione sono stati rilevati in quest’analisi. « Santa Agnese » è un indizio importante per cercare di rispondere alla nostra domanda e ciò per tre motivi: - Agnese è la figura materna al centro del progetto artistico di Sébastien Morgan, - il suo nome compone il titolo della melodia di Sting, - ella costituisce un personaggio cardine tra la realtà e la finzione (p. 45). Una deviazione dalla critica permette di intravedere un legame tra l'autore sociale ed Agnese. Effettivamente l’autore si è espresso in un’ intervista a proposito di due personaggi del suo romanzo, Laetitia ed Agnese: « Pour Vincent Engel, Agnese incarne sa mère et Laetitia Malcessati, ce qu'hélas sa mère n'a pu être ».171 Come per Un jour ce sera l’aube, l’atto creativo dell’autore sociale potrebbe essere legato ad un’esperienza traumatica: la morte della madre. 172 Di nuovo emerge un elemento che mette alla prova i confini tra la realtà e la finzione. Se in un primo tempo si è cercato di delimitare le diverse istanze di enunciazione (autore implicito, autore sociale ed autore-teorico, p. 7), si nota che obiettivamente l’ambiguità rimane. Con la musica, l’autore sociale presenta il suo romanzo come una confidenza. Retour à Montechiarro è in equilibrio tra la realtà e la finzione. I molti punti di contatto tra i due mondi permettono una visione doppia dell’opera. Per concludere il nostro lavoro, vorremmo tornare al nostro tema iniziale, la creazione, e considerarlo a partire dalle caratteristiche definite precedentemente (p. 41) dal punto di vista intrinseco (atto creativo di Sébastien Morgan) ed estrinseco (atto creativo di Vincent Engel – autore sociale ed autoreteorico). 171 BOYSSON Emmanuelle, « Rebelles toscanes », dans Le Vif/ L’Express, n.n.p, 7 juin 2001, p.n.p., article en ligne sur, http://www.edern.be/vincent_engel/mes_livres/ddp/DP_MONTECHIARRO_CPLT.pdf (Consultato il 28 ottobre 2010). 172 Si può aggiungere che il termine « sainte » associato alla madre rinvia al romanzo « Le livre de ma mère » di Albert Cohen : « Allongée et grandement solitaire, toute morte, l'active d'autrefois, celle qui soigna tant son mari et son fils, la sainte Maman qui infatigablement proposait des ventouses et des compresses et d'inutiles et rassurantes tisanes, allongée, ankylosée, celle qui porta tant de plateaux à ses deux malades, allongée et aveugle, l'ancienne naïve aux yeux vifs qui croyait aux annonces des spécialités pharmaceutiques, allongée, désœuvrée, celle qui infatigablement réconfortait ». COHEN Albert, Le livre de ma mère, Paris, Gallimard, 1954, p. 101 (Blanche). Corsivo nostro. Anche Cohen è un modello per l’autore sociale (p. 36). 74 Retour à Montechiarro, un romanzo metafinzionale Al termine di questo percorso, è auspicabile rispondere alla domanda iniziale del lavoro: Retour à Montechiarro è un romanzo metafinzionale? 1. Retour à Montechiarro, una finzione che tratta della finzione... Nel primo capitolo, sono stati isolati i diversi aspetti della creazione artistica grazie all’analisi delle mise en abyme disseminate nel testo. Questa prima tappa della ricerca ha permesso di definire i fondamenti dell’attività creatrice (p. 7) 173 , come essa si presenta in Retour à Montechiarro. Al momento di mettere alla prova queste caratteristiche, si osserva che esse vengono rispettosamente applicate all’interno ed all’esterno della fabula. Innanzitutto si nota che l’attività creatrice è legata ad un movimento di rivolta (Cf. definizione, p. 4) di fronte alla realtà. Per Sébastien Morgan, la riproduzione fotografica di Agnese Della Rocca all’interno della villa Bosca è un modo per realizzare la promessa che egli non ha potuto mantenere quando Agnese era ancora in vita. Tramite il gesto creatore, Sébastien rifiuta la realtà come si presenta. Egli si rivolta. Per quanto riguarda Vincent Engel 174 , egli prolunga la vita di sua madre sul piano della finzione. Eppure, non cerca, come l’ha fatto Romain Gary con La Promesse de l’aube, di offrirle un’esistenza ideale. 173 Si ricorda : - 174 la création est une forme de révolte, la création est garante de la mémoire, la création est une recréation, la création est une forme d’engagement. Da Vincent Engel si riferisce all’autore sociale ed all’autore-teorico. 75 Poi, si osserva il lavoro di memoria inerente ad ogni attività artistica. È incontestabile che il progetto di Sébastien miri a salvaguardare il ricordo di Agnese Della Rocca. Si nota qui la somiglianza tra il modo di concepire la memoria in Retour à Montechiarro ed in Oubliez Adam Weinberger. La ricostruzione di Agnese tramite le fotografie di Laetitia lo mostra perfettamente. Laetitia è quella che sarebbe dovuta essere Agnese se non avesse avuto il proprio destino. Il lavoro di memoria necessita di ricorrere all’immaginazione per dimenticare il destino che, secondo Vincent Engel, è una forma di fallimento: Le destin, c’est ce qu’on aura vécu à défaut d’avoir pu vivre tout le reste. C’est ce que nous deviendrons parce que nous aurons échoué à être autre chose. Même si le bilan est positif, même si la gloire nous attend et si la postérité érige nos statues, la marque du destin sera toujours une forme d’échec : nous n’aurons été rien d’autre que ce que nous serons. Découvrant l’indifférence du monde, l’homme absurde, prolongeant sa réflexion, aperçoit l’indifférenciation progressive de sa vie. 175 Trasponendo questa concezione sul piano della realtà, si capisce che Vincent Engel vuole avere un ricordo di sua madre che non sia esclusivamente legato al suo destino ma a quello che lei avrebbe potuto avere. Per questo motivo, ne siamo certi, lo scrittore non specifica quello che è successo a Laetitia Delpierre alla fine del racconto. Si tratta effettivamente di non rinchiudere il ricordo di sua madre in un altro destino. Il tema della memoria partecipa anche al processo metafinzionale. Si ricorda che il lavoro di memoria necessita un lavoro di selezione. Si nota l’adozione della stessa logica per quanto riguarda la costruzione del romanzo. Viene proposta una memoria collettiva176 dell’Italia che è composta dagli episodi violenti che ne segnano la storia: assassinio di Matteotti, assassinio di Moro, attentati dei fascisti, ecc. Questa scelta aspira a mettere il lettore in un 175 ENGEL Vincent, Fiction, op.cit., p. 200. La « memoria colletiva » viene defenita da Pierre Nora come « l’ensemble de souvenirs, conscients ou non, d’une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité vivante de l’identité de laquelle le sentiment du passé fait partie intégrante ». NORA Pierre, « Entre mémoire et histoire. La problématique des Lieux », dans NORA Pierre (éd.), Les lieux de mémoire, Tome 1, Paris, Gallimard, 1997, p. 19 (Quarto). L’uso della parola « mythifiée » dimostra che questa memoria non è incontestabilmente obiettiva poiché il mito è « toujours d’une certaine façon reconstruit ou reconstitué ». FREITAG Michel, Dialectique et société. Culture. Pouvoir. Contrôle. Les modes formels de reproduction de la société, vol. 2, Montréal, Ed. L’Âge d’homme, 1986, p. 123 (Connaissance de la société). 176 76 clima che provoca in lui le stesse emozioni provate quando vive un’esperienza traumatizzante. Anche tramite l’evocazione della sua concezione della memoria per la costruzione identitaria di Laetitia, Vincent Engel evoca il proprio lavoro sulla propria identità di scrittore. Nel corso del nostro lavoro, si è messo in evidenza il contenuto culturale e letterario che Vincent Engel ha utilizzato per il suo romanzo. Engel dimostra che l’erudizione è necessaria al compimento dell’atto creatore e riconosce il contributo dei grandi modelli del passato nella sua costruzione identitaria di scrittore (p. 36). Con Retour à Montechiarro, Engel supera le angosce che hanno dato adito al concetto di postmodernismo, ossia, la certezza che non è più possibile creare, inventare (p. 13). Egli dimostra, con il suo romanzo, che è sempre possibile sorprendere il lettore e che ogni creazione è il risultato di un equilibrio tra tradizione ed innovazione. Al contrario del postmodernismo, Engel propone un sistema di valori ben definito.177 Si assiste qui ad un’interessante applicazione della sua concezione della creazione. Per quanto riguarda il rapporto tra la creazione e l’impegno, esso può essere considerato, nel caso di Sébastien Morgan, in funzione delle conseguenze dell’attività creatrice sulla famiglia di Agnese. Quando Sébastien prevede la ricreazione di Agnese, egli lo fa per se stesso. Però, quando incontra Laetitia, egli capisce che il suo lavoro permetterà alla ragazza di potere costruirsi: Quand il s’est résolu à l’inviter, il n’a songé qu’à lui, qu’au souvenir d’Agnese. Bien sûr, il n’ignorait pas que Laetitia attacherait de l’importance à ce pèlerinage, mais il prend conscience qu’elle ignore tout, qu’elle est face à sa mère comme face à un vide – et qu’il appartiendra à lui, Sébastien, de combler ce vide, de lui donner nom et âme, corps et images, sons et saveurs (R.M., p. 522). Il progetto artistico di Sébastien diviene un pretesto per aiutare la nipote di Agnese. Per Vincent Engel, l’impegno è una posta in gioco nell’arte e la letteratura. 178 Come specificato (pp. 56-58), egli dà la sua voce ad Asmodée 177 In effetti, Engel si riferisce sempre ai criteri estetici tradizionali. Non definisce le regole estetiche secondo i propri criteri, il proprio gusto. Engel non sostiene una forma di individualismo come il postmodernismo. 178 BORDELEAU Francine, « Vincent Engel. Le retour de l’écrivain engagé », dans XYZ. La revue de la nouvelle, n°59, 1999, p. 90. 77 Edern. Questo personaggio finzionale permette al lettore di accedere all’universo di Vincent Engel come critico, professore, testimone della storia recente. Così, si capisce che il discorso di Asmodée Edern a proposito di certi progetti artistici, certi scrittori, può essere attribuito allo scrittore stesso. L’impegno dello scrittore si fa così in base ad un modo di enunciazione ambiguo: il ventriloquio. Vista la stima testimoniata da Vincent Engel nei confronti di alcuni grandi nomi della letteratura, non ci si meraviglia di scoprire che il processo del ventriloquio è tipico della scrittura di Romain Gary: Attardons-nous un instant à cette image de la ventriloquie, qui pourrait très bien figurer la littérature même – ce dispositif qui permet d’insuffler sa parole à quelqu’un d’autre, de faire dire des choses par autrui. Mais, de façon plus spécifique, la ventriloquie est le phénomène garyen par excellence dans la mesure où elle est créatrice d’identité – voir La Promesse de l’aube, la mère parlant à la place du fils et lui dictant son avenir, voir, surtout, Romain Gary ventriloque d’Émile Ajar, ce pseudonyme qui finit par prendre corps. Ce phénomène d’indivision énonciative relève sans doute de ce que Gary appelle dans Vie et mort d’Émile Ajar « la plus vieille tentation protéenne de l’homme : celle de la multiplicité ». 179 A proposito dell’impegno, Vincent Engel raccomanda una letteratura che non sia « un discours idéologique ou politique ». 180 Egli condivide così l’opinione di Romain Gary per il quale « la littérature ne peut être efficace [...]que dans la 179 RASSON Luc, « Je ne veux pas être de salut public. Romain Gary engagé », dans, KAEMPFER Jean (éd.), Formes de l'engagement littéraire (XVe-XXIe siècle), Lausanne, Antipodes, 2006, p. 93. In questa tesi di laurea, sono state evocate solo le opere di Vincent Engel. Tuttavia, come Romain Gary, Vincent Engel scrive con lo pseudonimo di Baptiste Morgan. Ci sono tre opere scritte da Baptiste Morgan: Mon voisin, c’est quelqu’un, La vie oubliée e L’art de la fuite. Questi libri sono pubblicati in Quebec (L’instant même). L’impegno è anche valido per Baptiste Morgan. I temi ricorrenti delle sue opere sono la memoria, il sopravvissuto, la follia, la colpevolezza. Il libro più famoso è incontestabilmente Mon voisin, c’est quelqu’un. Lo scrittore tratta dell’impegno cittadino e della manipolazione della popolazione. Ci sono dei legami tra le opere di Baptiste Morgan e quelle di Vincent Engel. Ad esempio, in La vie oubliée, si trova il personaggio di Dominique Hardenne. Egli è l’ultimo sopravvissuto di una guerra. In questo romanzo, lo scrittore si interroga sul significato che può avere la vita per chi ha perso tutto. Vincent Engel ci prende questo personaggio e questo tema nel suo ultimo romanzo, Le mariage de Dominique Hardenne. Baptiste Morgan è anche un personaggio nelle opere di Vincent Engel. È l'avatar del nostro scrittore. Si trova in un capitolo di Les Absentes. Egli è anche la voce narrante della novella Vae Victis in cui lo scrittore propone una visione pessimistica dei due mondi che frequenta: il mondo accademico e letterario. 180 BORDELEAU Francine, op.cit. 78 mesure où elle est sa propre visée ». 181 Eppure in Retour à Montechiarro il lettore si trova confrontato con un discorso politico ed ideologico. Si deve specificare che questo discorso viene dall'interno del romanzo e non da fuori. La ricostruzione dei valori politici ed ideologici è fatta dal lettore stesso. Infine, si osserva l’uso di temi tradizionali in Retour à Montechiarro. Sébastien Morgan, tramite l’arte, è alla ricerca dell’amore perso. Vincent Engel, in quanto a lui, utilizza le diverse risorse del tema della femminilità: la maternità, il fato legato alle donne, la rivolta, ecc. Retour à Montechiarro non è un romanzo innovativo. Con Retour à Montechiarro si vede un risfruttamento di diversi generi testuali. Così la presenza di brani del diario di Agnese si riferisce senza dubbio al genere biografico. Le corrispondenze rispettive di Agnese ed Ulisse e quelle di Agnese e Sébastien ricordano il genere epistolare. Allo stesso modo, come specificato in numerose occasioni durante il lavoro, il romanzo si svolge sullo sfondo degli episodi più importanti della storia italiana. Si affrontano anche dei personaggi di finzione con dei personaggi reali. Questi elementi ricordano le caratteristiche del romanzo storico. 182 2. La ripetizione in Retour à Montechiarro, una pratica tra conscio ed inconscio A questo punto, la nostra ricerca ha permesso di mostrare che il lavoro creatore di Sébastien Morgan è una mise en abyme par reduplication simple 183 del lavoro di Vincent Engel. Se la concezione di un’opera in seno al romanzo consiste in un procedimento metafinzionale, un altro elemento permette di rispondere in maniera affermativa alla domanda iniziale della tesi: Retour à Montechiarro, un romanzo metafinzionale? La metafinzione si distingue dalla metanarrazione per la sua volontà di cancellare i confini tra la finzione e la realtà.184 In questo caso, si 181 Rasson Luc, op.cit., p. 93. Luc Rasson, a questo proposito, cita Romain Gary: « Tout art appliqué, ou comme on disait après la dernière guerre, engagé, est un avortement lorsqu’il veut d’abord servir autre chose que lui-même », in Pour Sganarelle, Paris, Gallimard, 1995, p. 92. 182 Tipologia romanesca proposta da STALLONI Yves, Les genres littéraires, Paris, Nathan, 2001, pp. 63-66 (Collection 128, 255). 183 DÄLLENBACH Lucien, op.cit., p. 51 (Poétique). 184 CICHOCKA Marta, op.cit., p. 33 (Littératures comparées). 79 nota che il lettore s’interroga su questi confini a causa delle istanze narrative ed autoriali. In effetti, la nostra analisi ha permesso di avvicinare Vincent Engel ad Asmodée Edern e Vincent Engel a Sébastien Morgan tramite il loro rapporto con Agnese Della Rocca. I confini tra la realtà e la finzione si rivelano fragili. Anche, il lettore è indotto ad interrogarsi sui confini tra il sogno e la creazione. È stata evidenziata l’importanza del sogno in Retour à Montechiarro (pp. 59-68) Il lettore può chiedersi se l’esperienza della creazione, per Vincent Engel, non sia assimilabile a quella del sogno. Si nota, in effetti, che il romanzo ha caratteristiche che si riscontrano anche nella creazione onirica. In un primo tempo, Retour à Montechiarro ha la particolarità di contenere un numero considerevole di episodi similari. La presenza di parallelismi dà l’impressione di déjà-vu, fenomeno caratteristico del sogno. In effetti, secondo Sigmund Freud, il materiale onirico si costituisce a partire dal vissuto del sognatore185 . Per questo motivo, l’impressione di déjà-vu domina nel sogno. A causa della somiglianza di molti episodi, il lettore prova la stessa impressione. Inoltre, come è stato specificato, Retour à Montechiarro comporta tre parti. Ognuna inizia con il funerale, però, solo due di loro terminano allo stesso modo. Il seguito del romanzo deve essere completato dal lettore. Egli deve utilizzare la materia romanzesca per immaginare quale sarebbe la fine del racconto, come se stesse sognando. In un secondo tempo, l’ambiente spazio-temporale provoca l’ambiguità tra sogno e realtà del romanzo. Come lo abbiamo spiegato, lo spazio è importante in Retour à Montechiarro. Il paragone tra John Ruskin e Sébastien Morgan permette, per corollario, il paragone tra Venezia e Montechiarro. Venezia è il luogo dove le mensonge est élevé au rang d’art (R.M., p. 37). A Venezia, l’illusione è dominante. È la stessa cosa per Montechiarro. Il suo aspetto fantasmatico deriva dalla geminazione della r che permette, inoltre, a Montechiarro di distinguersi 185 La relazione tra il sogno e il vissuto non è più da fare. Da L’interprétation des rêves, Freud ha dimostrato che la materia del sogno era il nostro proprio vissuto: « Tout le matériel qui forme le contenu du rêve provient d’une manière quelconque de notre expérience vécue : il est donc reproduit ou remémoré dans le rêve. Cela au moins nous pouvons le tenir pour certain ». FREUD Sigmund, L’interprétation des rêves, op.cit., pp. 18-19. 80 dalla vera città di Montechiaro. 186 Questa variante ortografica può essere considerata come un atto premeditato da parte di Vincent Engel. Infine, nel suo romanzo, si gioca con il tempo. Si oppone il tempo perfetto (il passato idealizzato) al tempo reale. Sébastien Morgan ha conosciuto il tempo perfetto con Agnese Della Rocca quando la donna gli faceva scoprire la Toscana (R.M., p. 390). Sébastien cerca la traccia di questo passato per tutto il racconto, invano. Allora la creazione appare come la soluzione per paralizzare il tempo, per permettere l’incontro tra il passato ed il presente. Ma non è possibile recuperare il passato tale e quale. Un cambiamento considerevole è avvenuto: Agnese Della Rocca è deceduta. La creazione, che è il luogo di confronto tra il passato ed il presente, annulla le speranze di ritrovare la felicità del passato intatta. La creazione è solo il luogo di espressione dei desideri del creatore, come il sogno per il sognatore. Questo punto rinvia a Camus. Associando in questo modo la creazione ed il sogno, Vincent Engel si trova ancora in una concezione dell’atto creativo vicina a quella di Camus. In effetti, l’atto creatore sfocia sempre su un sentimento di frustrazione. L’artista, quando crea, prende coscienza del suo oggetto di desiderio e della sua incapacità ad ottenerlo. 187 Torniamo ad un elemento chiave del lavoro che ha permesso di analizzare questo romanzo: la ripetizione. Le constatazioni di cui si è appena preso atto corroborano l’idea secondo la quale Retour à Montechiarro si trova al confine tra due mondi: quello dell’inconscio (sogno) e quello del conscio. Allo stesso modo, la ripetizione può essere legata sia al cosciente (autore implicito), sia all’ inconscio (Vincent Engel). Effettivamente, come specificato nell’introduzione della tesi (p. 8), la ripetizione permette di sottolineare l’importanza di certi elementi e di ingiungere al lettore d’interpretare il romanzo a partire da questi. Così, da una parte, si è potuto studiare l’opera partendo dal tema della creazione. 186 A questo proposito, Vincent Engel dice : « [Montechiarro] avec 2 "r", c'est une faute, en Italien. Faute voulue et assumée, pour insister sur le fait que, d'une part, ce village est inventé, et d'autre part, qu'il est une erreur de l'Histoire, toujours à côté… ». Citazione che si trova nella rubrica Retour à Montechiarro del blog dell’autore : http://www.edern.be/phpBB3/viewtopic.php?f=2&t=16 (Consultato il 16 aprile 2011). 187 MELANÇON Marcel, op.cit, p. 96. 81 Dall’altra, il processo di ripetizione ha dato importanza alla madre nel racconto e ha permesso di risalire alla fonte dell’impulso creatore di Vincent Engel: il trauma causato dalla perdita di una persona cara. Adesso, è opportuno spiegare il legame tra la ripetizione e l’inconscio. Come precisato (p. 20), nel suo saggio Au-delà du principe de plaisir, Freud pensa che il sogno abbia la tendenza a ripetersi nelle persone traumatizzate. La ripetizione ha un effetto curativo perché essa permette all’individuo di non subire l'evento traumatico, ma di controllarlo. Ora, si è potuto fare un parallelo tra il sogno e la creazione letteraria. Si può considerare Retour à Montechiarro come un sogno, una produzione dell’ inconscio. Il processo di ripetizione che impregna il testo iscrive lo scrittore in una pratica terapeutica incosciente. Così, la ripetizione ha una doppia funzione in Retour à Montechiarro. Essa permette una costruzione narrativa consapevole e permette di prevedere il comportamento del lettore nel suo lavoro d’interpretazione del romanzo. Diventa anche un mezzo per aiutare lo scrittore sociale a superare il suo trauma. 82 Remerciements Nous tenons à exprimer notre reconnaissance aux professeurs du département d’études romanes pour la qualité de notre formation. Plus particulièrement, nous remercions le Professeur Costantino Maeder pour ses conseils et ses encouragements. Nous exprimons aussi notre profonde gratitude à François Degrande et Yasmina Khamal pour leur présence et leurs relectures. Merci aussi à Claire Guisset et à Alfonsino Soffritti. Au cours de ces années à l’université, nous avons eu la chance de rencontrer d’autres personnes encore qui occuperont toujours une place particulière dans nos pensées. Parmi celles-ci, le Professeur Jean-Louis Tilleuil, le Professeur Vincent Engel, le Professeur Isabella Pezzini (Sapienza di Roma) et le Professeur Pierluigi Cervelli (Sapienza di Roma). Le chemin qui nous a mené jusqu’ici a été ponctué de rencontres déterminantes. Nous pensons plus spécifiquement à Monsieur Henri Loriau, professeur de français et à Monsieur Jacques Mertens, professeur d’histoire. Nous tenons à exprimer notre reconnaissance aux professeurs et aux membres du personnel de la Helha de Loverval. Enfin, Maman, Papa, François, Costantino, Fanny, Anne-Sophie, Baudouin, Olivier (Titske), Roméo, Marie-Régine, Laurent et Jérémy, merci pour votre précieuse présence. Nous assumons l’entière responsabilité des erreurs et des lacunes qui peuvent subsister dans ce travail. 83 84 Bibliographie 1. Ouvrages de Vincent Engel et Baptiste Morgan Romans, nouvelle, pièce de théâtre ENGEL Vincent, Raphaël et Laetitia: romansonge, Neuvy-le-Roi, Amfil Editions, 1995 (Mille et une nuits). ID., Oubliez Adam Weinberger, Paris, Fayard, 2000 (Livre de Poche). ID., Vae Victis, Bruxelles, Le Grand Miroir, 2001. ID., Retour à Montechiarro, Paris, Fayard, 2003 (Livre de Poche). ID., Requiem vénitien, Paris, Fayard, 2003 (Livre de Poche). 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Invitations à l’ivresse », dans Ironie, n°27, mai 2004, article en ligne, http://ironie.free.fr/iro_97.html (Page consultée le 8 juin 2010). Annexe III : Jacopo Tintoretto. The Annunciation, Landow Georges P., « Ruskin. L’interprète d’art », http://www.victorianweb.org/francais/auteurs/ruskin/pm/2.html (Page consultée le 21 novembre 2010). Annexe IV: « Généalogie des personnages de Retour à Montechiarro », http://www.edern.be/genealogie/graphicsviews/graphicsview1.html (Page consultée le 18 décembre 2010). Index des sigles l.n.p. pour lieu non précisé d.n.p. pour date non précisée n.n.p. pour numéro d’exemplaire non précisé p.n.p. pour page non précisée r.n.p. pour référence non précisée R.M. pour Retour à Montechiarro 95 96 Table des matières Retour à Montechiarro de Vincent Engel, un roman métafictionnel ? ................................................................................... 3 1. Vers la définition d’une hypothèse de recherche ............................................ 3 2. Parcours de lecture énigmatique, stratégie communicative sélective : trois indices au service du sens .............................................................................. 8 3. Méthode et outils de travail........................................................................... 10 Chapitre I: Qu’est-ce que la création ? Proposition de réponse au cœur de la production romanesque ................................................. 13 1. Et si on laissait l’artiste refaire le monde ? De l’illusion du pouvoir au pouvoir de l’illusion ..................................................................................... 14 2. La création : entre mémoire et engagement ................................................. 22 3. Dis-moi ce que tu lis, je te dirai ce que tu écris : quand le créateur se veut recréateur......................................................................................................... 28 4. Vincent Engel et Oscar Wilde. Le Portrait en miroir ................................... 36 1) La création comme forme d’expression de la révolte............................... 37 2) La création comme garantie de la mémoire ............................................. 38 3) La re-création comme forme d’engagement............................................. 38 5. Vers la définition d’une stratégie analytique ................................................ 41 Capitolo II: Retour à Montechiarro, un romanzo alla frontiera di due mondi........................................................................................... 43 1. La raffigurazione del femminile: predominanza della figura materna.......... 43 2. Agnese Della Rocca, un personaggio cardine tra realtà e finzione............... 45 97 3. Chi è chi? Quando le strategie narrative denunciano gli strateghi della comunicazione ............................................................................................. 56 4. Le esperienze oniriche: chiavi di comprensione del romanzo ...................... 59 5. La musica come fonte dell’impulso estetico................................................. 68 Retour à Montechiarro, un romanzo metafinzionale...................... 75 1. Retour à Montechiarro, una finzione che tratta della finzione... .................. 75 2. La ripetizione in Retour à Montechiarro, una pratica tra conscio ed inconscio ...................................................................................................................... 79 Remerciements .................................................................................. 83 Bibliographie ..................................................................................... 85 Index des sigles ..................................................................................................... 95 98 99