Mardi 13 mai Cappella della Pietà de` Turchini C appella della Pietà

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Mardi 13 mai Cappella della Pietà de` Turchini C appella della Pietà
Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Dans le cadre du cycle Le diable et le bon dieu
Du mardi 13 au mardi 20 mai 2008
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr
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Cappella della Pietà de’ Turchini | Mardi 13 mai
Mardi 13 mai
Cappella della Pietà de’ Turchini
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Cycle Le diable et le bon dieu
Refoulant le rationalisme du siècle des Lumières, le romantisme européen réactiva l’intérêt
pour les figures diaboliques. La vogue néogothique favorisa l’imaginaire des créatures
infernales, des vampires et des monstres en tout genre – l’opéra de Meyerbeer Robert le diable
fut l’un des grands triomphes parisiens du XIXe siècle, tandis que sabbats fantastiques et rondes
macabres inspirèrent de nombreuses œuvres symphoniques. Le Songe d’une nuit du sabbat,
final flamboyant de la Symphonie fantastique de Berlioz, ouvrit ainsi une veine dans laquelle
s’illustrèrent notamment Moussorgski (Une nuit sur le mont Chauve) ou Saint-Saëns (Danse
macabre).
En tant que personnage, le diable avait fait son apparition dans la littérature européenne
au cœur du XVIe siècle, par le truchement du mythe de Faust. Ce siècle, il est vrai, avait été
marqué par les bûchers de sorcières et les traités de démonologie de toute sorte, et la réforme
protestante avait ravivé la crainte du démon. Ce ne fut pas un hasard si le XIXe siècle fut hanté
à son tour par Faust. À la suite d’écrivains comme Goethe ou Lenau, de peintres comme
Delacroix, toute la génération des musiciens romantiques se mesura au mythe du savant
qui, déçu par Dieu, fit le pari du diable.
Transmué par le romantisme en allégorie de l’humanité déchirée entre chair et esprit, idéalisme
et bas instincts, transgression et rédemption, le vieil alchimiste de la Renaissance exerça une
fascination persistante : Berlioz mûrit son projet durant presque vingt ans, depuis ses Huit
Scènes de Faust jusqu’à sa fameuse Damnation de Faust ; il fit découvrir le drame de Goethe
à Liszt, qui songea longtemps à un opéra avant de s’illustrer dans sa Faust-Symphonie, puis
dans l’écriture de deux fragments sur le Faust de Lenau, sans compter la série de ses Méphistovalses pianistiques qu’il compléta jusqu’au soir de sa vie.
Damné sans merci par certains, l’impie ayant pactisé avec le diable se voit sauvé par d’autres,
grâce à la mystique de la rédemption (Schumann, Scènes de Faust, Mahler, Huitième Symphonie).
Le diable lui-même prend différents visages, depuis le Méphistophélès gentleman et séducteur
du Faust de Gounod, jusqu’au génie du mal révélé dans l’opéra de Boito, Mefistofele : mais dans
tous les cas, il chante, siffle et mène la danse, au son du violon infernal que l’on retrouve jusque
dans L’Histoire du soldat de Stravinski, un avatar faustien bien connu.
La thématique du diable et du bon Dieu est particulièrement en phase avec la propension au
dualisme symbolique dans lequel s’illustre souvent le XIXe siècle : dès 1861, Baudelaire voyait
par exemple dans la figure wagnérienne de Tannhäuser « la lutte des deux principes qui ont
choisi le cœur humain pour principal champ de bataille, c’est-à-dire de la chair avec l’esprit,
de l’enfer avec le ciel, de Satan avec Dieu ».
Cette tension se retrouve dans toute l’œuvre d’Alkan – auteur d’un « quasi Faust » pianistique
orné d’annotations fulgurantes comme « sataniquement » – et surtout dans celle de Liszt.
D’Anton Rubinstein, auteur d’un opéra sur Le Démon, jusqu’à Alfred Schnittke et sa magnifique
Historia von Doctor Johann Fausten, en passant par L’Ange de feu de Prokofiev, les musiciens
russes sont les véritables héritiers de cette veine mystique : parmi eux, Scriabine, dont
la Neuvième Sonate pour piano, sous-titrée « Messe noire », est hantée de visions démoniaques.
Sous l’effet de cet imaginaire flamboyant, la musique ne cesse de se faire théâtre de lutte :
entre virtuosité diabolique et sérénité divine ; entre stridences infernales et harmonies saintsulpiciennes ; entre fugue satanique et choral religieux ; ou encore, comme le fait Liszt dans
sa pièce Après une lecture de Dante, entre intervalle de quarte augmentée, supposé faire surgir
le démon, et quinte juste, clé du paradis. Cette dernière triomphe du diabolus in musica,
comme saint Michel terrasse le dragon.
Emmanuel Reibel
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du mardi 13 au mardi 20 mai
MARDI 13 MAI, 20H
SAMEDI 17 MAI, 15H
Cristofaro Caresana
La caccia del Toro
La pastorale
La tarantella
La vittoria dell’Infante
Orazio Giaccio
Pastorale sulla ciaccona « Peccatori su, su »
Pietro Andrea Ziani
Sonata a 5
Forum Faust, l’alchimiste face au diable
Cappella della Pietà de’ Turchini
Antonio Florio, direction
Maria Ercolano, soprano
Valentina Varriale, soprano
Ambra Mancuso, mezzo-soprano
Giuseppe De Vittorio, ténor
Rosario Totaro, ténor
Raffaele Costantini, basse
MERCREDI 14 MAI, 15H ET 20H
JEUDI 15 MAI, 14H30
Le Faust
Ciné-théâtre en musique
Film muet de Friedrich Wilhelm Murnau
Cartoun Sardines Théâtre
Pierre Marcon, composition, saxophone et
autres instruments
Jérôme Favarel, piano
Patrick Ponce, conception, comédien,
saxophone
15H : Table ronde
Emmanuel Reibel, musicologue
Laurent Feneyrou, musicologue
Jean-Yves Masson, écrivain et traducteur
17H30 : Concert
Franz Liszt
Méphisto-Valse n° 1 Eugène Ysaÿe
Sonate op. 27 n° 2
Alexandre Scriabine
Sonate n° 9 « Messe noire »
Arnold Schönberg
Phantasy op. 47
Béla Bartók
Sonate n° 2
David Grimal, violon
Georges Pludermacher, piano
SAMEDI 17 MAI, 20H
Franz Liszt
Méphisto-Valse n°1
Edvard Grieg
Concerto pour piano en la mineur op. 16
Hector Berlioz
Symphonie fantastique
Anima Eterna
Jos Van Immerseel, direction
Rian De Waal, piano Érard 1896
MARDI 20 MAI, 20H
Ciné-concert
La Terre qui flambe
Film muet de Friedrich Wilhelm Murnau
Musique de Nurse with Wound
Nurse with Wound, manipulation
électronique
Steven Stapleton
Andrew Liles
MARDI 20 MAI, 20H
Franz Schubert
Die junge Nonne D 828
Der Tod und das Mädchen D 531
Ellens dritter Gesang D 839
Litanei D 343
Franz Liszt
Es war ein König in Thule
Après une lecture du Dante, pour piano
Carl Loewe
Herr Oluf op. 2 n° 2
Robert Schumann
Frauenliebe und –leben op. 42
Nathalie Stutzmann, contralto
Inger Södergren, piano
jeudi 22 mai, vendredi 23 mai et
samedi 24 mai, DE 15h À 19H
Master class
Nathalie Stutzmann, contralto
Inger Södergren, piano
SAMEDI 17 MAI, 11H
Concert éducatif
LUNDI 19 MAI, 20H
Igor Stravinski
L’Histoire du soldat
Ensemble intercontemporain
Susanna Mälkki, direction
Graham F. Valentine, récitant
Catherine Verheyde, lumières
Philippe Manoury
Fragments pour un portrait
Igor Stravinski
L’Histoire du soldat
Ensemble intercontemporain
Susanna Mälkki, direction
Graham F. Valentine, récitant
Catherine Verheyde, lumières
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MARDI 13 MAI – 20H
Salle des concerts
Cristofaro Caresana
La caccia del Toro
Orazio Giaccio
Pastorale sulla ciaccona « Peccatori su, su »
Cristofaro Caresana
La pastorale
entracte
Cristofaro Caresana
La tarantella
Pietro Andrea Ziani
Sonata a 5
Cristofaro Caresana
La vittoria dell’Infante
Cappella della Pietà de’ Turchini
Antonio Florio, direction
Maria Ercolano, soprano
Valentina Varriale, soprano
Ambra Mancuso, mezzo-soprano
Giuseppe De Vittorio, ténor
Rosario Totaro, ténor
Raffaele Costantini, basse
Avec le soutien de l’Institut Culturel Italien de Paris.
Ce concert est enregistré par France Musique, partenaire de la Cité de la musique.
Fin du concert vers 21h45.
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L’explosion artistique dont Naples est le théâtre au XVII e siècle est désormais un
phénomène bien connu des historiens. Mais le baroque napolitain se manifeste surtout
dans les rues, dans les centaines d’églises, de couvents et de chapelles, et dans les
innombrables occasions de fêtes. L’année liturgique se superpose aux célébrations
du pouvoir vice-royal, créant une continuité de situations festives où prennent place
spectacles, ballets, processions et autres festini. Parmi les fêtes religieuses, outre celles
des saints patrons (San Gennaro avait trois fêtes dans l’année, et chacun des six autres
protecteurs de la ville avait lui-même sa propre fête) et la dizaine de fêtes dédiées
à la Vierge Marie, les célébrations les plus importantes étaient évidemment les fêtes
de Pâques et de Noël. La Nativité du Seigneur constituait le triomphe des jeunes élèves
des quatre conservatoires napolitains qui, dans la seconde moitié du XVII e siècle,
pouvaient ensemble dénombrer une population de plus de cinq cents étudiants par an.
Réunis en frotte ou paranze (selon les termes qui figurent dans les documents d’archives)
avec leurs tuniques de couleurs différentes selon le conservatoire d’origine (les Turchini
della Pietà, par exemple, tiraient leur nom de la couleur turquoise de leur habit), ils se
déversaient en masse dans les rues principales et surtout devant le palais vice-royal,
où ils chantaient en chœur des laudes polyphoniques (ou frottole) et de petits motets.
Quelques-uns, portés sur des chars allégoriques, figuraient des anges, et parfois, au moyen
de machines ingénieuses, ils étaient élevés dans les airs comme s’ils eussent réellement
volé. Tout cela faisait partie du spect­acle quotidien de la Naples espagnole.
Durant les longues fêtes de la Nativité, selon le désir exprès des vice-rois catholiques
espagnols, on organisait des offices liturgiques mêlés d’interventions musicales, dont
les protagonistes étaient les musiciens de la Real Cappella. À partir de 1663 environ,
à l’époque de l’activité didactique du plus grand maître napolitain de son siècle, Francesco
Provenzale, on commença à accueillir à la cour de petits spectacles de théâtre sacré,
organisés par les élèves des conservatoires, en particulier de ceux de Santa Maria di Loreto
et de la Pietà dei Turchini. Les autres institutions de la ville rivalisaient d’efforts pour imiter
la cour et pour organiser à leur tour des spectacles en tous points semblables, toujours
avec la participation des jeunes garçons des conservatoires (qui souvent portaient leurs
œuvres jusque dans d’autres villes, et sur les îles, comme Ischia). Le centre le plus actif
pour ce genre de spectacles de la Nativité était la Casa Filippina di Napoli, appelée Oratorio
dei Girolamini. Fondé par San Filippo Neri comme seconde casa filippina en Italie – après
celle de Rome –, l’Oratoire napoli­tain avait déployé une extraordinaire activité musicale
jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Sa position stratégique (en face de la cathédrale contenant
le trésor de San Gennaro et du Conservatoire des Pauvres de Jésus-Christ, non loin de
l’église de San Giorgio, siège de la Confrérie des Musiciens napolitains) avait permis
à l’Oratoire de devenir un centre musical de grand prestige.
Les archives actuelles des Filippini di Napoli conservent la majeure partie de la production
musicale sacrée des XVII e et XVIII e siècles, y compris les oratorios et les cantates destinés
aux spectacles de la Nativité. En parcourant le catalogue de ces archives, on demeure
saisi par l’énorme quantité de manuscrits du XVII e siècle légués par un seul compositeur,
Cristofaro Caresana. Religieux lui-même, ce compositeur a laissé en héritage aux pères
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dei Girolamini de Naples la totalité de sa bibliothèque musicale : plus de cent trente
compositions. Sur ce nombre, beaucoup sont des cantates sacrées destinées à être
représentées à l’occasion des spectacles de la Nativité ; elles comportent des indications
de date qui nous aident à comprendre que chaque année, on demandait aux compositeurs
les plus réputés une ou plusieurs compositions nouvelles sur un sujet religieux.
Ces cantates, de brève durée, écrites pour un effectif réduit, étaient souvent intitulées
Per la nascita del Verbo, Pour la naissance du Verbe (que l’on pense à l’unique cantate
de ce titre écrite par Francesco Provenzale, qui commence par le vers : « Sui palchi delle
stelle », « Sur les voûtes des étoiles »). De Caresana lui-même, on dénombre environ
vingt-cinq titres, sur une période qui va de 1660 à 1690 environ : presque une composition
par an. Malheureusement, la fermeture des archives, après le tremblement de terre de
1980, a privé les chercheurs et les musiciens de ce répertoire important, à l’exception de
quelques compositions heureusement reproduites sur microfilm par les chercheurs de
la Cappella della Pietà de’ Turchini avant la fermeture, et qui ont donc offert une occasion
unique d’entendre les œuvres de ce musicien. Pour les autres compositeurs du programme,
les informations sont assez minces. D’Orazio Giaccio, on sait seulement qu’il est né
à Aversa vers la fin du XVIe siècle, et qu’il mourut à Naples vers 1660, après avoir été
chantre de la Casa dell’Annunziata de 1614 à 1632, puis moine conventuel. À la première
période correspond une série de publications de caractère profane – Canzonette in aria
spagnola e italiana publiées à Naples entre 1613 et 1618. Après son ordination en 1620,
Giaccio se consacra exclusivement à la musique sacrée, avec des recueils d’hymnes,
ou frottole, et de chants sacrés publiés entre 1621 et 1645. Du dernier de ces recueils
est extraite une frottola (ou laude chorale) caractéristique de l’époque, reposant sur
un schéma emprunté à la danse, une chaconne en forme de « pastorale » qui confirme
l’usage précoce de ce terme dans la musique napo­litaine.
Mais concentrons plutôt notre attention sur le principal compositeur de ce programme.
Cristofaro Caresana (Venise, vers 1640-Naples, 1709), après avoir étudié à Venise avec
Ziani, vint s’établir à Naples dès l’âge de seize ans, où il entra d’abord dans la compagnie
théâtrale des Febiarmonici, qui organisait les premiers melodrammi dans la ville, pour
devenir ensuite, à partir de 1667, organiste de la Real Cappella et directeur du Conservatoire
de Sant’Onofrio jusqu’en 1690. En 1699, il succéda à Francesco Provenzale comme Maestro
del Tesoro di San Gennaro, continuant à écrire de la musique pour les autres institutions
napolitaines presque jusqu’à sa mort. Malgré l’invite formulée par Guido Pannain dans
son livre Le origini della Scuola musicale di Napoli (Les Origines de l’École musicale de Naples),
daté de 1918, Caresana n’avait jamais fait l’objet d’une étude, ni d’une nouvelle audition
de ses œuvres.
Les cantates de Caresana choisies pour ce concert représentent la synthèse idéale
d’un type de spectacle pour les fêtes de la Nativité, caractéristique du goût napolitain
au milieu du XVIIe siècle. Chaque cantate, de courte durée et confiée à cinq ou six
voix accompagnées d’instruments, met en scène des personnages symboliques qui
commentent la naissance du Divin Fils. Si la Pastorale et la Tarantella expriment la situation
caractéristique des bergers devant la grotte de Bethléem, qui sera en ces mêmes années
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l’objet des premières crèches napolitaines (deux groupes de choristes y sont opposés,
les bergers et les anges), La vittoria dell’Infante et La caccia del Toro représentent une
allégorie de l’insatisfaction populaire face au pouvoir espagnol, apparaissant sous les traits
du démon Lucifer (ou du Taureau infernal) qui engage une lutte sans espoir contre l’Enfant,
c’est-à-dire Jésus, le Nouveau-Né, ou le Verbe incarné. En guise d’exemple, examinons un
de ces textes au titre embléma­tique : La caccia del Toro (La Chasse du taureau). La référence
au taureau est assez explicite, et ironise sur les tentatives manquées des Espagnols pour
introduire à Naples la pratique des corridas, dont la vogue était florissante dans la péninsule
ibérique. Un texte de 1659 rappelle que, pour l’Espagne, il avait été nécessaire d’inventer
le « jeu des taureaux, afin qu’à ce combat les esprits de ses Champions s’enflammassent
pour la guerre. [...] C’est pourquoi l’Eccellentissime Signor Vice-Roi [...] voulut, par le moyen
de ces fastes tauromachiques, rapprocher les fêtes de Naples de celles d’Espagne ».
Il ne faut pas sous-estimer le fait que le gouvernement espagnol, au moment même où
l’on représentait cette cantate de la Nativité, en 1674, traversait une grave crise avec la
révolte de Messine, réprimée dans le sang en 1678 seulement : ce n’est pas par hasard que
la cantate met en compétition, face au Taureau, c’est-à-dire au Diable, le personnage de
l’Humiltà (l’Humilité), qui finit par chasser la bête infernale dans l’abîme au nom de l’Enfant
Nouveau-Né. Voici quel est le schéma de l’œuvre (applicable avec des variantes à toutes les
cantates pour la Nativité du même compositeur) :
I. Introduction (fa majeur), cinq voix et violons : introduction dynamique avec voix en
contrepoint imitatif sur les paroles : « Alla caccia… ».
II. Taureau (basse), récitatif et aria avec violons.
III. Chœur à trois voix (soprano 2, alto et ténor), représentant le narrateur.
IV. Humiltà (soprano 1), aria et dialogue avec le Taureau.
V. Duo entre Humiltà et le Taureau ; reprend le rythme de l’introduction sur les paroles
« All’armi » et « Bombarda, bombarda ».
VI. Humilità, seconde aria.
VII. Chœur à trois voix ; reprend la narration (passage central à deux, alto et ténor),
avec un presto final.
VIII. Second duo entre Humilità et le Taureau ; section centrale en forme de pastorale ;
dialogue entre les deux personnages.
IX. Chœur final (cinq voix avec violons), cette fois homophonique et syllabique ; conclusion
dans la tonalité initiale de fa majeur sur les paroles « Viva, viva l’Humilità ».
Une autre des cantates pour la Nativité de Caresana, conservée dans les archives
dei Girolamini, porte un titre encore plus évocateur : La tarantella a 5 voci con violini,
Per la nascita del Verbo (La Tarentelle à cinq voix accompagnées par les violons,
Pour la Naissance du Verbe), datée de 1673. La cantate de Caresana est un document
d’une importance exceptionnelle, en ce qu’elle représente une des premières apparitions,
dans l’histoire de la musique, de la mélodie de la tarentelle dans son entier. Cette mélodie
est énoncée par le chœur à cinq voix des bergers dans la section centrale (de même que
son analogue, la pastorale, caractéristique de la musette populaire, est insérée au centre
de la cantate du même nom).
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Mais cette cantate offre une autre particularité, celle de présenter un texte d’un niveau
littéraire remarquable, riche de citations empruntées aux classiques de la littérature
pastorale italienne (en particulier au Pastor fido de Guarini). Ici encore, la conclusion
est apportée par l’habituel chœur des anges, que les jeunes élèves des conservatoires
napolitains étaient chargés d’interpréter. La tarentelle était une danse connue en Italie
du Sud depuis le XVIe siècle, et associée à la thérapie de la morsure de la tarentule par
la musique et la danse (c’est à cela que se réfèrent les vers centraux du chœur à cinq voix
de la cantate de Caresana). Répandue dans les tablatures de guitare du milieu du siècle,
elle ne connut sa « standardisation » formelle qu’au XVIIIe siècle, quand elle abandonna
sa structure archaïque à quatre temps pour se fondre dans le stéréotype à 6/8 ou 3/4.
À partir de ce moment, la tarentelle prendra place dans l’imaginaire des voyageurs
européens comme emblème de la vivacité et de l’allégresse napolitaines, aux côtés
du Vésuve, de la baie et des mandolines : souvenir illusoire d’un temps où Naples et
Paris étaient considérées comme les deux seules capitales en Europe.
Dinko Fabris
Traduction : Michel Chasteau
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Cristofaro Caresana
La caccia del Toro
La Chasse du Taureau
Coro
Alla caccia, alla caccia del Toro!
Trombe e tamburi rimbombate
Da’ palchi azzurri replicate
Il grido sonoro:
Alla caccia del Toro!
Chœur
À la chasse, à la chasse au taureau !
Sonnez, trompettes et tambours,
Des voûtes azurées partout faites entendre
Ce cri retentissant :
À la chasse au taureau !
Toro
Da la mandria d’abissi
In steccato di pene
Sorgo indomito Toro
E non treman le stelle?
E non s’oscura il Cielo
Al muggir strepitoso e dissonante
Del mio grido tonante?
Fregio d’irsuto pelo
Circonda il bieco sguardo
Gala gentil di bifalcate corna
La nera fronte adorna.
Scaglian Etne di foco
Le narici fumanti
Spiro fiati di morte.
Animato spavento
Ho grave il passo
E non io cedo al vezzo.
Taureau
Du troupeau des abîmes
Dans l’enclos des tourments
Me voici, Taureau indomptable,
Et les étoiles ne tremblent point ?
Et le Ciel ne s’obscurcit pas
En entendant mugir, terrible et discordant,
Mon cri retentissant ?
Une frange de poil hirsute
Entoure mon regard farouche,
Et la double faux de mes cornes
Fait l’ornement de mon front noir.
Des volcans de flammes
Jaillissent des naseaux fumants,
J’exhale un souffle de mort.
Vivante image de l’effroi,
Je vais d’un pas lourd et terrible,
Et nul objet charmant ne saurait me fléchir.
Aria
Stà a veder qual braccio può
Cimentarsi contro me.
Chi nel campo mi sfidò
Perderà, caderà sott’ il mio pie’.
Aria
Quel bras, je demande à le voir,
Pourrait se mesurer à moi ?
Celui qui sur la lice osa me défier
Perdra, tombera sous mes pieds.
Coro
Largo, largo all’Humiltà
Ch’ entra in campo a nudo pie’
Se domò d’abissi il pie’
Più di un toro vincerà.
Chœur
Place, place à l’Humilité
Qui dans l’arène entre pieds nus.
Elle a su dompter les abîmes,
Elle vaincra plus d’un taureau.
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Humiltà
Che lancia il dardo corsiero
No, no il Toro è codardo
Temerlo non so!
Humilité
Qu’il lance donc ses traits rapides,
Non, non, le Taureau est un lâche,
Je ne saurais le redouter !
Toro
Troppo invan d’Humiltà
T’assurgi il nome, superbetta donzella.
Taureau
C’est en vain que d’Humilité
Tu te donnes le nom, fille présomptueuse.
Humiltà
Mi rese altera il titolo d’ancella.
Humilité
Le beau nom de servante a fait tout mon orgueil.
Toro
Già viltà…
Taureau
C’est vilenie…
Humiltà
…Gran virtù,
Che d’una ancella, sia figlio Gesù.
Humilité
…C’est grand’ vertu
Que le Seigneur Jésus soit fils d’une servante.
Toro
A che dunque ne vieni?
Taureau
Que viens-tu faire ici ?
Humiltà
A debellarti.
Humilité
Rien d’autre que te vaincre.
Toro
Troppa semplicità!
Credi pascer gli agnelli
O scherzi con gli augelli?
Taureau
Voyez-moi l’innocente !
Crois-tu donc paître tes agneaux,
Ou crois-tu folâtrer parmi les oisillons ?
Humiltà
Credo atterrar draghi!
Humilité
Je crois terrasser des dragons !
Humiltà e Toro
Al campo, all’armi, alle tenzoni!
Les deux
En lice, aux armes, au combat !
Toro
Se l’amazzone nostra è donna imbelle
Siete impazzite, o stelle!
Taureau
Ah, si notre amazone est novice au combat,
Quelle est votre folie, impuissantes étoiles !
Humiltà
Cieco sei tu, se il nato Sol non vedi!
Humilité
Aveugle, qui ne voit qu’un Soleil vient de naître !
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Toro
Aquila son…
Taureau
Comme l’aigle je fonds…
Humiltà
…Ma in aquilon non siedi!
Humilité
…Et pourtant tu n’es point porté par l’aquilon !
Toro
Bombarda o saetta
Scagliò l’Humiltà
Fa stragge e vendetta
Ed armi non ha!
Taureau
De saillies et de traits
L’Humilité redouble,
Et partout veut porter et carnage et vengeance,
Mais n’a point d’armes pour se battre !
Humiltà
Chi senz’ ale in alto vola
A mezz’ aria caderà.
Se t’ha vinto una Parola
Chi di te paventerà?
Humilité
Qui sans ailes prétend dans les airs s’élancer
Aura tôt fait de s’abîmer.
Et si une Parole a eu raison de toi,
Qui donc désormais te craindra ?
Toro
Parli del Verbo,
Io le tue cifre apprendo,
Ma che all’huom si unisca,
Io non l’intendo!
Taureau
C’est du Verbe que tu parles,
Tes arcanes me sont connus,
Mais qu’à l’homme il puisse s’unir,
Je ne le saurais concevoir !
Humiltà
Mai intende un superbo le note d’humiltà:
Dio, per farla da Dio, huomo si fa!
Humilité
L’orgueil ne conçoit point le langage des humbles :
Dieu, pour agir en Dieu, s’est fait homme de chair !
Coro a 3
A colpo sì fatale
Trema e vacilla il Toro
E tutto fia de l’Humiltà decoro.
Chœur à 3
Frappé d’un coup fatal
Le Taureau frémit et chancelle.
Oui, qu’à l’Humilité revienne cet honneur !
Coro a 2
Con un vel d’humanità
Va scherzando un Dio Bambino
E del Toro un agnellino
Su le corna salterà.
Chœur à 2
Le voile est fait d’humanité
Qu’agite en s’amusant l’Enfant devant la bête,
Et du Taureau furieux c’est un tendre agnelet
Qui, sautant sur son col, empoignera les cornes.
Coro a 3
Goda il Ciel, rida il mondo
Pianga e sospiri il baratro profondo!
Chœur à 3
Le Ciel se réjouisse, et que le monde exulte,
Car l’abîme profond se lamente et gémit !
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Toro
Che v’ho fatto, o stelle, o Cieli,
Che crudeli [siete] contro me?
Deh, fermate per pietà!
Taureau
Que vous ai-je donc fait, astres et cieux cruels,
Que vous soyez ainsi acharnés contre moi ?
Hélas, je vous supplie, suspendez vos rigueurs !
Coro a 2
Ad honor del Nato Re
Ridono i campi, e l’universo giubila
Aura di pena, eco di duol, non murmura;
E penar sol tocca a te!
Chœur à 2
En l’honneur de ce Roi puissant qui vient de naître
La nature sourit et l’univers exulte,
Nulle brise chagrine et nul écho de deuil ;
Toi seul dans les tourments aujourd’hui te consumes !
Humiltà
Puoi goder ancor tu, s’hoggi l’adori.
Humilité
Pour connaître la joie consens à l’adorer.
Toro
No, no: non placa un Bambino i miei furori!
Taureau
Ce n’est pas un Enfant qui saura m’apaiser !
Humiltà
A forza d’Humiltà,
Il tuo superbo pie’ s’inchinerà.
Humilité
Par la force d’Humilité
Ton front trop orgueilleux bientôt s’inclinera.
Toro
De’ più rabbiosi artigli
De’ cerberi latranti
Sarò misera preda
Quando ai tuoi artigli cedo.
Taureau
Des griffes les plus redoutables,
De tous les cerbères hurlants,
Je serai la proie misérable,
Avant que de céder à ton piège effrayant.
Humiltà
Cadi a’ pie’ del mio Sole!
Humilité
Aux pieds de mon Soleil, allons ! prosterne-toi !
Toro
Nasce a dar pace o a suscitar tenzone?
Taureau
Est-il né pour la paix ou pour porter la guerre ?
Humiltà
Hoggi ai tuoi danni il Sol arde in Leone.
Humilité
Vois donc, pour ton malheur l’Astre s’est fait Lion.
Toro
Come in Leone, se in mansueto Agnello
Con bocca ancor di latte,
Pace con l’huom gridando va?
Taureau
Peut-il être Lion, l’Agneau plein de douceur
Dont les lèvres encore sont humides de lait,
Et qui parle de paix à tout le genre humain ?
Humiltà
Perché in Vergine sta!
Humilité
Oui, car il s’est allié au signe de la Vierge.
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mardi 13 mai
Toro
Dunque a stuolo plebeo
De’ mistici pastori Giove, influsso
Benigno, a me contrasta?
Taureau
Jupiter bienveillant aux viles populaces
Des mystiques bergers,
Se met aujourd’hui contre moi ?
Humiltà
Si, perché con superbi è in Sagittario.
Humilité
Auprès des orgueilleux il est au Sagittaire.
Toro
Mi saettò nel Cielo.
Hor in terra che vuole?
Taureau
C’est lui qui de ses traits m’a frappé dans le Ciel.
Sur terre que veut-il de moi ?
Humiltà
Per fiaccar le tue corna,
In Sauro è il Sole!
Humilité
Le Soleil est entré au sein du Capricorne
Pour briser aujourd’hui tes cornes !
Coro a 5
Viva, viva l’Humiltà
Che del Ciel le porte aprì
Che l’Inferno inpoverì.
Lieto raggio, infausta eclisse
Dell’abissi il Toro ha vinto
Benché estinto, insorgerà.
Viva, viva l’Humiltà!
Chœur à 5
Vive, vive l’Humilité,
Du Ciel elle a ouvert les portes,
De l’Enfer elle a triomphé.
Un rayon bienheureux a défait les ténèbres,
A vaincu le Taureau des gouffres infernaux,
Quoiqu’on veuille l’éteindre il se rallumera.
Vive, vive l’Humilité !
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Orazio Giaccio
Pastorale sulla ciaccona « Peccatori su, su »
Pastorale sur la chaconne « Allons, pécheurs, allons,
debout »
Peccatori su, su
Cantiamo la ninna nanna al dolce Gesù.
Allons, pécheurs, allons, debout,
Chantons une berceuse à Jésus le Très Doux.
E se vogliam cantare
Con voci a lui più dilettose e care
Col pianto agli occhi al pentimento, al core
Preghiamo che perdoni i nostri errori.
Et si nous lui voulons chanter
Avec des voix qui sauront mieux lui plaire,
Mêlons nos larmes aux prières
Que nos péchés il veuille pardonner.
Peccatori…
Allons, pécheurs…
Tempo è già di perdono
Hor che vien dal Ciel sì ricco dono
Che s’è fatto Bambin per darmi segno
Che tutt’è dolce e non conosce sdegno.
Le voici, le temps du pardon ;
Puisque du Ciel nous vient si riche don,
Puisqu’il s’est fait Enfant pour apprendre à la terre
Que tout n’est que bonté, qu’il n’a plus de colère.
Peccatori…
Allons, pécheurs…
Su, chi vuole Paradiso
Venghi cantando a guardar il suo bel viso
Ma nel canto dimostri anco dolore
D’haver offeso così grande Signore!
Qui désire le Paradis
Vienne en chantant contempler son visage,
Mais qu’il dise en ses chants combien il est contrit
D’avoir à son Seigneur fait un pareil outrage !
Peccatori…
Allons, pécheurs…
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mardi 13 mai
Cristofaro Caresana
La pastorale
Pastorale
Pastori a 2
Hor che lucide e serene
Splendon l’ombre al par del giorno
Son di notte rese amene
Le campagne d’ogni intorno.
Coi prati che ridono
Con l’aure che scherzano
Con l’herbe che spuntano
Odorando, sussurrando a bocche de’ fiori
Con lingue d’odori
Par che dicano tutte liete:
« Pastori voi dormire e non sorgete? »
Bergers à 2
Puisqu’en ces lieux, sereine, étincelante,
L’ombre resplendit à l’égal du jour,
Voici que la nuit nous rend plus charmantes
Les campagnes des alentours.
Le pré qui sourit,
La brise qui rit,
L’herbe qui fleurit,
Murmurant doucement par la bouche des fleurs
En un babil charmant de suaves odeurs,
Semblent dire, tout pleins de joie :
« Quoi, bergers, vous dormez et ne vous levez pas ? »
Pastori a 3
Torniamo agli armenti
Compagni su, su
Il sonno lasciamo
Sorgiamo e cantiamo
Non dormisi più!
Bergers à 3
Retournons à nos troupeaux,
Compagnons, c’est le réveil,
Que l’on quitte le sommeil,
Levons-nous vite et chantons,
Qu’on ne dorme plus, allons !
Aria
Vedi come al prato in seno,
Tutto ameno
Stanno insieme nell’ovile
L’agno e il lupo a Ciel sereno
E con gare già festose
Ride il verno in braccio [a] Aprile
Genitor di nuove rose.
Odi, odi i zeffiretti, placidetti
Van con l’aure gareggiando
E coi semplici augelletti
Qui tra musiche e caròle
Armonie intrecciando
All’uscir del nuovo sole.
Aria
Voyez comme au sein des prairies
Si jolies
Reposent dans la bergerie
Et l’agneau et le loup, sous un Ciel qui sourit,
Et comme en des transports que la joie renouvelle
L’hiver sourit dans l’étreinte d’avril,
Qui donne vie à la rose nouvelle.
Écoutez, les charmants zéphyrs, tendres soupirs,
Se mêlent à l’envi aux brises vagabondes,
Aux oisillons jolis,
À ces concerts et à ces rondes
Mêlant leurs harmonies
Quand le soleil nouveau vient éclairer le monde.
Coro a 5
Risvegliamo le zampogne
Su pastori d’ogni intorno:
Hor che la notte ha partorito il giorno.
Chœur à 5
Allons, réveillons nos musettes,
Bergers, chantons tout à l’entour,
Puisque la nuit a enfanté le jour.
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Aria
A la gioia inesplicabile,
Che danzar fa il core in petto,
Sia del suon seguace il pie’
Se coi fondi il mare instabile
Di ballar mostra diletto
E tra moti osserva fe’.
Ai diletti che vi godono
Per il ben ch’oggi si vede
Brilla l’alma e ride il cor;
Da le sfere altro non piovono
Che dolcezze pien di fede
Ch’ogni huom, beato è ognhor.
Aria
De la joie inexprimable
Qui nous fait danser le cœur,
Notre pied soit serviteur,
Si la mer aux fonds instables
Se plaît à suivre la danse
En observant la cadence.
Aux plaisirs qu’on goûte ici
Par la joie de ces instants,
L’âme exulte et le cœur rit ;
Des sphères il ne descend
Que douceur mêlée de foi
Car chacun est dans la joie.
Un pastore
Si vedon de’ torrenti
Far ricchi i prati
Ahi, liquefatti argenti!
Un berger
Ici l’on peut voir des torrents
Qui aux prés s’en vont déposant
Leurs trésors de fluide argent !
Un pastore
Dicembre che languisce
Morendo altro che fior partorisce:
Un nuovo April spuntò.
Un berger
Décembre plein de langueur
En mourant égrène des fleurs,
C’est un nouvel avril qui réjouit nos cœurs.
Un pastore
Eh, torniamo a dormire
Lasciamo i balli e le fatiche insieme!
Frutti questi di gioie, alti festosi,
Presagiscon riposi, c’invitano a gioire.
Eh, torniamo a dormire!
Un berger
Allons, retournons au sommeil,
Fi des danses qui nous entêtent !
Toutes ces joies, toutes ces fêtes
Invitent au repos, délice sans pareil.
Allons, retournons au sommeil !
Pastori a 2
Sampogne su, su!
S’il pie’ si fermò
Al canto cedete.
Noi torniamo a dormire
E voitacete!
Bergers à 2
Allons, musettes, en avant !
De danser si le pied se lasse
Il faut au chant céder la place.
Nous allons retrouver un sommeil salutaire,
Et vous, il faut vous taire !
Angelo
Su, su pastori, più non dormirte
Sì liete voci udite!
Un ange
Non, non, bergers, car c’est trop sommeiller
Quand de si fiers accents vous viennent réveiller !
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mardi 13 mai
Aria
Al mondo è nato
Il gran Verbo incarnaro
E a noi s’invia:
Questo è il Messia!
Non più timore:
Ch’ a Bethlem vicino
Trovarete il Bambino
In un tugurio.
Ogn’un vada sicuro
E altro Fattore
Consacri il core.
Aria
Voici qu’au monde nous est
Le très puissant Verbe incarné,
Et la nouvelle a retenti :
Celui-là est bien le Messie !
Chassez la crainte et le souci :
À Bethléem, tout près d’ici,
L’Enfant divin, le Nouveau-Né
Dans une étable trouverez.
Que chacun s’y rende sans peur,
Et dans son cœur
Qu’il rende hommage au Créateur.
Pastori
Non dormisi più
Sorgiamo e cantiamo!
Al nato Messia
Si corra su, su!
A le voci del Ciel
Sordi non siamo
Andiam, andiamo!
Les bergers
Il n’est plus temps de sommeiller,
Levons-nous bien vite et chantons !
Vers le Messie, le Nouveau-Né,
Bergers, sans attendre courons !
Aux voix du Ciel qui nous réveille
Ne faisons point la sourde oreille,
Allons, tout de suite partons !
Coro a 5
Al nuovo giubilo
Al grata annuntio
Tutti festeggiamo.
Mentre la terra e il ciel
Insiem gareggiano
Con angelici chori
Festeggiam ancor noi,
Lieti pastori!
Chœur à 5
À cette joie si belle,
À l’heureuse nouvelle,
Répondons par des chants de liesse.
Pendant que la terre et les cieux
Répètent à l’envi ces accents d’allégresse
Qui se mêlent aux chœurs des anges bienheureux,
Que notre joie éclate en des concerts joyeux,
Ô bergers trop heureux !
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Cristofaro Caresana
La tarantella
La Tarentelle
Coro di angeli
Pastori, olà, che si fa?
Dal pigro sonno, oh risvegliatevi
Su, su, su e non si dorma più!
Sorgete dal riposo, disserrate le luci
Più prolisso letargo il Ciel non vuole.
È nato il Sole
Il Ciel v’induce, oggi, oggi la luce.
Chœur des anges
Bergers, holà, que faites-vous ?
Du sommeil paresseux, allons, réveillez-vous,
Debout, que l’on ne dorme plus !
Quittez votre repos, ouvrez enfin les yeux,
Car le Ciel ne veut pas qu’on dorme plus longtemps.
Il est né, le Soleil,
Pour adorer dans son berceau l’Éternité qui vient
de naître,
Le Ciel vous appelle aujourd’hui, aujourd’hui voici
la lumière.
Tre pastori
1 Silvio!
2 Ergasto!
3 Mirtillo!
1 Qual insolita gioia?
2 Qual soave armonia?
3 Quai celeste splendore?
a 3 Gl’occhi mi abbaglian
E mi rapisce il core
1 Odi gl’inni beati
De’ citaristi alati
Che con strisci di luci
In terra giongano
Eco di gloria in Ciel rimbombano.
2 Qual celato mistero
Meraviglie sì belle in terra od’io?
Trois bergers
1 Silvia !
2 Ergasto !
3 Mirtillo !
1 Quelle est cette joie inconnue ?
2 Quel est ce suave concert ?
3 Quelle est cette splendeur céleste ?
à 3 Mes yeux sont éblouis,
Mon coeur est transporté.
1 J’entends les hymnes bienheureux
De ces citharèdes ailés
Parmi des rayons de clarté
Qui se rassemblent vers la terre.
Un écho glorieux au Ciel a retenti.
2 Quel mystère profond,
Ai-je bien entendu ces hymnes radieux ?
Eco
…Dio!
Écho
…Dieu !
Pastor 3
E chi sei tu che d’invisibil voce
Con interrotti accenti l’altrui gioie precorri?
Berger 3
Qui es-tu donc, toi qui, d’une bouche invisible,
Par tes lointains accents à la joie nous invite ?
Eco
…Corri!
Écho
…Vite !
A riverir in fasce l’Eternità che nasce
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mardi 13 mai
Pastor 2
Si correrò, ma dove i passi volgerò
del pie’ vagante, in quai remote parti?
Berger 2
Oui, me voici, j’accours, mais où porter mes pas,
Où me dirigerai-je, en quel lointain endroit ?
Eco
…Parti!
Écho
…Droit !
Pastor 3
Chi a partir costringe da questi rozzi alberghi?
Forse è voler divino?
Berger 3
Qui donc nous veut chasser de nos couches
grossières ?
Serait-ce le vouloir divin ?
Eco
…Divino!
Écho
…Divin !
Pastor 1
L’opra dunque del Ciel noto a me sia…
Berger 1
Que les œuvres du Ciel se fassent donc connaître…
Eco
…Messia!
Écho
… Naître !
Pastor 3
Quel Re tanto aspettato che sull’empirea sede
Con diademi di scelle è coronato?
Berger 3
Ce Roi tant attendu trônant sur l’empyrée
Est-il donc couronné d’un diadème d’étoiles ?
Coro di angeli
È nato il Verbo già pastori che si fa?
Prendete la via, che tardasi più?
Che in braccio a Maria, n’aspetta Giesù.
Deh risvegliatevi, pastori olà, che si fa?
Su, su, su, che non si dorma più!
Compagni a tanto giubilo
Noi qui staremo attoniti?
No, no, con pive e flauti,
Sampogne e cetre sciogliano
La lingua al canto, ai balli il pie’.
Or ch’è nato il nostro Re
Ed accordiamo ad armonia sì bella
Con suono pastoral, la tarantella!
Chœur des anges
Enfin le Verbe est né, bergers que faites-vous ?
Pourquoi tarder encore, il faut prendre la route,
Car aux bras de Marie, Jésus vous attend tous.
Allons, réveillez-vous, bergers, que faites-vous ?
Debout, que l’on ne dorme plus !
Amis, pour célébrer une si grande joie,
Resterons-nous sans voix ?
Non, non, avec nos flûtes, nos musettes,
Que la vièle et la lyre animent aussitôt
La langue aux chants, et nos pieds à la danse.
Puisqu’en ce jour nous est né notre Roi,
Mêlons en une suave harmonie
À nos accents la tarentelle !
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Tarantella
Alle selve, alle valli, alle grotte
Adorate sì bella notte,
Alle paglie alla capanna,
Che ogni fiume già scorre manna.
Alle rupi, alle tane, alle selve
E mansuete son fatte le belve.
Ogni piazza nel mondo è fiorita
Mentre torna ne1 mondo la vita.
Alle selve, alle valli, alle grotte
Vagheggiate, riverite, adorate sì bella notte!
Tarentelle
Courez vers les forêts, les vallons et les grottes,
Célébrez cette nuit si belle,
Vers les huttes courez, courez vers les chaumières,
Car de chaque fumée s’exhale un mot d’amour.
Vers les roches courez, vers les bois, les tanières,
Car les fauves aussi ont appris la douceur.
L’univers en tous lieux de fleurs s’est couronné
Car la vie est rendue au monde.
Courez vers les forêts, les vallons et les grottes,
Adorez, célébrez cette si belle nuit !
Tarantola d’abisso, empio serpente
Or ch’è nato l’Agnello innocente
La tua forza si abbatterà.
Piangi, trema, singhiozza, sospira
Nel tuo regno d’oscurità.
Viva, viva l’Eternità!
Tarentule d’enfer, serpent impitoyable,
En ce jour qui voit naître un innocent Agneau,
Ta puissance s’effondrera.
Gémis, tremble, pleure et soupire
Dans ton royaume de ténèbres.
Vive, vive l’Éternité !
Tarantola ch’in Cielo il nido avesti
Ma per troppo volar cadesti
Da quel trono di maestà,
Or che il Verbo dal Cielo è disceso
Il tuo dente non ferirà.
La superbia così va!
Tarentule, qui fis ton nid dedans le Ciel,
Mais qui, par trop vouloir t’élever, fus déchue
De ce trône de majesté,
Aujourd’hui que le Verbe est descendu du Ciel,
La morsure n’atteindra plus.
Voilà bien le prix de l’orgueil !
Tarantola ribelle, fulminata
Or che in terra la luce è nata
Nova fiamma ti struggerà!
Si raddoppino a te le catene
Or che ha l’huomo la libertà:
Chi pugna col Cielo mai vincerà!
Or che al bosco fiorisce ogni pianta
Or che al prato fiorisce ogni stelo
Or che in Cielo risplende ogni stella
Replicate la tarantella!
Tarentule insoumise et pourtant foudroyée,
Puisqu’au monde en ce jour a jailli la lumière
Cette flamme nouvelle enfin te brûlera !
C’est toi qu’on jettera en de plus lourdes chaînes
Puisqu’à l’homme aujourd’hui sourit la liberté :
Qui veut défier le Ciel ne peut être vainqueur !
Puisqu’en ce jour fleurit au bois toute ramure,
Puisqu’au pré toute fleur en ce jour refleurit,
Et puisqu’au Ciel encore resplendit toute étoile,
Répétez tous la tarentelle !
Alle selve, alle valli, alle grotte,
Adorate sì bella notte,
Alle balze, alle sponde, ai ruscelli
Scotono i zefiri gli arboscelli;
Fa l’erbette fiorire nel prato
L’Alto Monarca che in terra è nato.
Ai campi, alla riviera,
Courez vers les forêts, les vallons et les grottes,
Célébrez cette nuit si belle,
Vers le lit des torrents, les rives, les rivières,
Où le tendre zéphyr caresse l’arbrisseau ;
Vers les prés où fleurit l’herbette
Par la grâce du Roi puissant qui nous est né.
Dans les champs et près des ruisseaux
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mardi 13 mai
Ride nel verno la primavera.
Alle selve, alle valli, alle grotte,
Vagheggiate, riverite, adorate sì bella notte!
Par les froids de l’hiver sourit la primevère.
Courez vers les forêts, les vallons et les grottes,
Adorez, célébrez cette si belle nuit !
Pluton
Quai notte si adora,
Con risi nel mondo,
Che Orco profondo
Con pianti adolori?
Qual notre si adora,
Qual violenza ignota
Il mio valore opprime?
Ah non son io dell’empireo teatro
Primogenita luce, inclita stella
Dell’angeliche squadre è la più bella?
Cadde per non soffrire
Nell’etereo chiostro
Nel rivedermi a lato
Di fangosa materia un huom formato.
Sfavillai sul vasto empiro
Di bellezze troppo altero
Ma caduto or qui sospiro
Cieco Re d’infausto impero
Fulminato gigante, angelo nero.
Pur se caddi, al cader mio
Invitto in Ciel restò
Che Lucifero lasciò
Spopolato il regno a Dio.
Memorie disperate
Non più mi flagellate
Se novelli portenti
Mi raddoppian tormenti.
Pluton
Quelle est cette nuit qu’on célèbre
En riant par tout l’univers,
Et qui plonge l’Orcus profond
Dans les tourments et dans les plaintes ?
Quelle est cette nuit qu’on célèbre,
Et quelle vigueur inconnue
Vient ici ternir ma valeur ?
Ne suis-je pourtant pas, au sein de l’empyrée,
La flamme originelle et l’astre le plus beau
Parmi les cohortes des anges ?
Et si je suis tombé c’est pour ne point souffrir
Au sein des célestes remparts
De voir à mes côtés
Un homme fait de boue et pétri dans la fange.
Moi qui resplendissais sur un immense empire
De splendeurs trop altières,
C’est ici que déchu désormais je soupire,
Aveugle souverain d’un royaume maudit,
Géant foudroyé, ange noir.
Lorsqu’en l’abîme, alors, je fus précipité,
Le Ciel demeura invaincu ;
Lucifer à Dieu dut laisser
Le royaume des cieux désormais sans partage.
Funestes souvenirs
Ne me torturez plus,
Des prodiges nouveaux
Redoublent mes tourments.
Aria
Ridenti le stelle
Minacciano eclissi
Già trema Babelle
Son vinti gli abissi.
Oh mia sventura, oh mia vergogna estrema
Lacerato il diadema
Dal crin mi cade e dalla man lo scettro
E voi solo cimeli
Delle perdite mie ridete o Cieli!
Aria
Les astres en riant
Menacent les ténèbres,
Déjà Babel frémit
Et l’abîme est vaincu.
Ô désespoir, ô comble d’infamie,
Brisé, mon diadème
A glissé de mon front, le sceptre de ma main,
Et pour toute relique,
Vous vous riez, ô cieux, de ce que j’ai perdu !
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Coro di spiriti
Gran Monarca d’Acheronte
Qual timor t’accresce il pianto?
Chi t’invola il manto
E il diadema alla tua fronte?
Chœur des esprits
Puissant monarque d’Achéron,
Quel effroi redouble tes pleurs ?
Qui ose dérober le manteau impérial,
Qui ose de ton front arracher la couronne ?
Coro a 3
1 Qual empio destino
Il soglio t’abbatte?
2 [Lucifero] La destra di latte
D’un Dio ch’è Bambino.
3Una forza fatale
Lucifero ha domo?
1 Dov’è l’ardir?
2 Son vinto!
3 La superbia?
2 È caduta.
1 Non sei Re?
2 Senza scettro!
3 Sei guerrier?
2 Ma senz’ armi!
1, 3 Sorgi all’offesa!
2 Ho catenato il pie’!
Chœur à 3
1 Quel funeste destin
A renversé ton trône ?
2 [Lucifer] La main si fragile
D’un Dieu Nouveau-Né.
3Une puissance inexorable
A donc su dompter Lucifer ?
1 De ton courage qu’as-tu fait ?
2 Je succombe !
3 Où est ton orgueil ?
2 Il a péri.
1 N’es-tu pas Roi ?
2 Sans sceptre !
3 N’es-tu pas guerrier ?
2 Mais sans armes !
1, 3 Sus au combat !
2 Mon pied est enchaîné !
Coro di angeli
Ohé flagellate Furie il vostro re!
E a tanta gioia intanto
Tocca agli Angioli il riso.
Meraviglie sì belle il mondo ammira
Ride il Ciel, Pluto s’adira.
3 Tra lucidi orrori
di notte serena
gioite o pastori…
2 …Che Pluto è in catena!
3 Voi trombe strillate con giubilo
Eterne vittorie cantate!
Chœur des anges
Ohé, Furies d’enfer, flagellez votre roi !
Et transportés d’une si grande joie,
C’est aux Anges, vraiment, qu’il appartient de rire !
Le monde est étonné de semblables merveilles,
Le Ciel se met en joie, et Pluton en courroux.
3 Dans les claires ténèbres
De cette nuit sereine,
Bergers, exultez tous…
2 …Pluton est dans les chaînes !
3 En un concert joyeux retentissez, trompettes.
Chantez la victoire éternelle !
Coro a 4
Per monti e per selve
Pastori su, su
Per valli e per grotte
Adorate sì bella notte!
Chœur à 4
Par les montagnes, les forêts,
Bergers, allons, vite, courez,
Par les vallons et par les grottes,
Célébrez cette nuit si belle !
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mardi 13 mai
Cristofaro Caresana
La vittoria dell’Infante
La Victoire de l’Enfant
Lucifero
O del Tartareo fondo
Neri campioni, all’armi, all’armi!
Di nuovo contro il Ciel vo’ sollevarmi!
Lucifer
Ô vous, du Tartare profond
Champions ténébreux, aux armes, aux armes !
Contre le Ciel encore je me veux soulever !
Coro di Demoni
All’armi, all’armi!
Chœur des démons
Aux armes, aux armes !
San Michele
O del regno di pace felici abitatori
Or che Dio nasce in terra,
Che recate all’abissi?
Saint Michel
Vous, heureux habitants du séjour de la paix,
Lorsque Dieu sur la terre naît,
Qu’irez-vous porter à l’abîme?
Coro di Angeli
Guerra, guerra, guerra!
Chœur des anges
La guerre, la guerre, la guerre !
Angeli
All’impresa, alle palme!
Anges
Volons au combat, à la gloire !
Demoni
All’assalto, all’assedio!
Si scateni il furor!
Démons
Attaquons, assiégeons,
Que notre fureur se déchaîne !
Angeli
S’armi ogni stella,
A riparar l’humanità rubellà!
Anges
Que chaque étoile s’arme au combat
Pour voler au secours des humains égarés !
Demoni
A debellar l’humanità rubella
Armi, strepiti, trombe rimbombate!
Démons
Des humains égarés pour écraser la foule,
Armes, tonnez, trompettes, résonnez !
Angeli
Timpani, flauti e cetre: risuonate!
Già ripigliando l’armi
Il superbo campion osa sfidarmi?
Anges
Sonnez tympans, flûtes, cithares !
Voilà que reprenant les armes
Le superbe champion ose me défier ?
Demoni
Già ripigliando l’armi
L’aterrito campion osa sfidarmi?
Démons
Voilà que, reprenant les armes,
Le champion terrifié ose me défier ?
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Tutti
All’armi, all’armi!
Tous
Aux armes, aux armes !
Lucifero
Che si fa, che si pensa
D’un padre ribelle,
Troppi miseri figli?
E con l’ami d’un pomo
Le leggi violò
Contro il Ciel congiurò
Mancò di fe’ al suo Nume, al suo Re.
Voi, di sua fellonia contumaci viventi,
Hor che di sdegno avvampo e d’ira bollo
Sotto l’insegna mia passate a volo?
Lucifer
Que faire et que penser,
Ô d’un père rebelle
Trop malheureux enfants ?
Par la seule arme d’une pomme
J’ai bafoué les lois,
Contre le Ciel j’ai conspiré,
J’ai manqué à mon Dieu, j’ai manqué à mon Roi.
Vous, de sa félonie vivante descendance,
Quand je brûle de haine et m’enflamme de rage,
Passerez-vous d’un coup dessous mon étendard ?
San Michele
Temerario guerrier, invan presumi
Con proverbi fallaci di finta libertà,
Con mentita pietà,
Ribellando a tua voglia il mondo
Discordie fomentar fra l’huomo e Dio.
Ma non sarà così:
Della pace comune è giunto il dì.
Già l’armata regale della Pitate in campo
E il general d’Amore
Preparato ha l’assedio al Salvatore.
Saint Michel
Téméraire guerrier, c’est en vain que tu penses
Avec tes faux discours de feinte liberté,
Avec ta piété mensongère
Enflammant l’univers selon ta volonté,
Fomenter la discorde entre Dieu et les hommes.
Mais il n’en sera pas comme tu le voudrais :
Car le jour est venu d’une commune paix.
Sur la lice déjà les armées de Piété,
Le général d’Amour,
Au Sauveur contre toi ont préparé le siège.
Aria
Già nel grembo d’una Vergine
Prigioniero è l’Invincibile;
Ad Amor non è impossibile
S’anco un preso impara a vincere.
Aria
Déjà dans le sein d’une Vierge
L’Invincible est fait prisonnier ;
À l’Amour rien n’est impossible
Qui même à un captif enseigne la victoire.
Lucifero
Sogni Michele, e per timor deliri.
Lucifer
Tu divagues, Michel, et de frayeur délires.
San Michele
Sognasti tu nel Ciel quanto superbo basta.
Saint Michel
C’est toi qui divaguais au Ciel par ton orgueil.
Lucifero
Che pretende di più?
Lucifer
Et que prétend-il donc ?
San Michele
Per unirsi con l’huom nasce Gesù!
Saint Michel
Jésus est né pour s’allier à l’homme !
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mardi 13 mai
Lucifero
E che guerra mi fà?
Lucifer
Quelle guerre vient-il me faire ?
San Michele
Così il terzo perduto acquisterà.
Saint Michel
Tout ce qu’il a perdu, il le regagnera.
Lucifero
Dunque in sogno di stelle ha luogo il fango?
Lucifer
De la fange il a fait l’égale des étoiles ?
San Michele
Per questo abbandonò le stelle.
Saint Michel
Pour elle il a quitté les demeures célestes.
Lucifero
Che bel cambio sarà di vil regnante!
Lucifer
Quel beau profit de voir régner un misérable !
San Michele
E vittoria sarà di Regio Infante!
Saint Michel
À l’Enfant Roi pourtant reviendra la victoire !
Coro di demoni
Su coraggio armate schiere!
Chœur des Démons
Allons, du cœur, armez vos troupes!
Coro di angeli
Il soccorso non è tardo!
Chœur des Anges
Sans attendre portons secours !
Coro di demoni
Rinforzate le trinciere!
Chœur des Démons
Renforcez les retranchements !
Coro di angeli
Abbattete lo stendardo!
Chœur des Anges
Renversez les étendards !
Lucifero
Se fa breccia con le stelle
L’alta torre di Babele,
Si vedrà, si vedrà!
Lucifer
Si, creusant une brèche au milieu des étoiles, S’élance
de Babel l’immense tour,
On verra ce que l’on verra !
San Michele
Il tracollo è già vicino
Se spuntando il Sol Bambino
Caderà, caderà!
Saint Michel
L’heure de la défaite est déjà toute proche,
Si le Soleil Enfant paraît à l’horizon,
La plus haute tour tombera !
Coro di demoni
Stridete Furie,
Ombre dell’Erebo,
Horride Eumenidi!
Chœur des Démons
Hurlez, Furies,
Ombres de l’Érèbe,
Terribles Euménides !
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San Michele
Ch’è nato, il Re!
Saint Michel
II est né, notre Roi !
Coro di angeli
Le belve scherzano,
I prati ridono
L’augelli cantano.
Chœur des anges
Les fauves vont folâtrant,
Et les prés sont tout sourire,
Les oiseaux s’en vont chantant.
Lucifero
Ma non per me!
Lucifer
Mais pas pour moi !
Coro di demoni
Per trionfo d’un Regnante…
Chœur des démons
Pour célébrer le triomphe d’un Roi…
Coro di angeli
…Sia la gioia e il canto eterno!
Chœur des anges
…Que la joie et le chant ne finissent jamais !
Coro di demoni
Per trionfo d’un Regnante…
Chœur des Démons
Pour célébrer le triomphe d’un Roi…
Coro di angeli
…Et applaude ancor l’Inferno…
Chœur des anges
…Que l’Enfer lui-même applaudisse…
Tutti
…La vittoria dell’Infante!
Tous
…La victoire de l’Enfant !
Traduction : Michel Chasteau
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mardi 13 mai
Antonio Florio
Président et directeur artistique
du Centre de musique ancienne de
Naples, Antonio Florio est diplômé
du Conservatoire de Bari, sa ville
natale, où il a étudié le violoncelle et
le pianoforte. Il a également travaillé
la composition avec Nino Rota et
Francesco D’Avalos tout en s’intéressant
à l’interprétation de la musique baroque
sur instruments d’époque. En marge de
ses nombreux concerts, il mène depuis
une dizaine d’années d’importantes
recherches musicologiques sur la
musique napolitaine des XVIIe et XVIIIe
siècles, recherches qui l’ont amené à se
spécialiser dans des opéras de Francesco
Provenzale comme Lo schiavo di sua
moglie (représenté au Teatro Massimo
de Palerme), La colomba ferita (Teatro
San Carlo de Naples en septembre 1999)
ou La stellidaura vendicante (Opéra de
Bari en 1996). Il a par ailleurs dirigé
La finta cameriera de Gaetano Latilla
(1738) à Bari en 1997 et Li zite ‘ngalera
de Léonard de Vinci (1722) à la Cité de
la musique de Paris et au Palais de la
musique de Barcelone (1999).
En 1999-2000, il a également
interprété La serva padrona et le Stabat
Mater de Pergolèse avec l’Orchestre
royal de Galice de Saint-Jacques-deCompostelle. Antonio Florio a créé
les ensembles Il Fugilotio (1981) et la
Cappella della Pietà de’ Turchini (1987),
qu’il a dirigés sur de nombreux disques
et avec qui il s’est produit dans les plus
grandes salles et dans les plus grands
festivals en Italie ainsi qu’à l’étranger.
Pédagogue renommé, il organise
régulièrement des séminaires et des
master classes sur la technique vocale
baroque et la musique de chambre au
Centre de Musique Baroque de Versailles
et au Conservatoire de Toulouse.
Il est actuellement professeur de
musique de chambre au Conservatoire
San Pietro a Majella de Naples. Antonio
Florio vient d’être distingué par le
prestigieux Prix « Luis Gracia Iberni »
en Espagne, le qualifiant de « meilleur
chef d’orchestre d’opéra » en 2007
pour les représentations d’Ottavia
Restituita de Domenico Scarlatti.
En 1999, la Cappella a fait ses débuts
à Londres, à Berlin, à Bruxelles, à Paris
et à Lisbonne. En mai 2000, elle
a remporté un important succès public
et critique en interprétant une nouvelle
production de Didon et Énée de Purcell
au Festival Monteverdi de Crémone.
À l’invitation de Claudio Abbado,
la Cappella della Pietà de’ Turchini a fait
ses débuts à la Philharmonie de Berlin
en 2001 avec l’un de ses programmes les
Cappella della Pietà de’ Turchini
plus osés : Li zite ‘ngalera de Léonard
La Cappella della Pietà de’ Turchini
de Vinci. La même année, elle s’est
emprunte son nom à l’un des plus
produite en France, en Espagne, au
anciens conservatoires de Naples.
Portugal, en Autriche et au Mexique
Créée par Antonio Florio en 1987,
tout en donnant son premier concert
elle s’est immédiatement spécialisée
à l’Académie Sainte-Cécile de Rome.
dans l’interprétation des répertoires
Au cours de l’été 2005, la Cappella della
sacré et profane des XVIIe et XVIIIe
Pietà de’ Turchini a fait sa deuxième
siècles – l’« âge d’or » de l’École
apparition en France (Parthénope de
napolitaine. Son travail a permis au
Haendel au Festival de Beaune).
public de redécouvrir des compositeurs En septembre, elle a participé à un
baroques oubliés comme Provenzale,
week-end intitulé « Mozart et l’opéra
Caresana, Vinci, Latilla, Trabaci et
bouffe » à la Fondation Royaumont ;
Veneziano. La Cappella della Pietà de’
elle y a été applaudie dans La finta
Turchini essaie de renouer avec l’esprit
giardiniera (1774) du compositeur
originel de la musique napolitaine
napolitain Pasquale Anfossi (opéra
(qui doit sa saveur si particulière à la
composé un an avant la version de
région dans laquelle elle a vu le jour,
Mozart sur le même livret) avant de
à la croisée des cultures maure, italienne, retourner à la Cité de la musique en
grecque, espagnole et française). Saluée février 2006 pour y interpréter deux
dans le monde entier pour la qualité de
versions de Parthénope, la première
ses concerts et de ses enregistrements, de Léonard de Vinci (1725) et la seconde
elle a été à l’affiche des lieux les plus
de Haendel (1730, sur le même livret).
prestigieux en Europe – Konzerthaus
Au cours de la même saison, elle a fait
de Vienne, Cité de la musique de Paris,
ses débuts en Chine à l’occasion d’une
Opéra de Bonn, Piccolo Teatro de
opération de promotion organisée par
Milan, Festival de Montpellier, Festival
le ministère de la Culture italien.
d’Utrecht, Festival de Brême, Festival
Les premiers enregistrements de la
de Ratisbonne, Festival de Barcelone,
Cappella sont sortis chez Symphonia.
Festival d’Ambronay, Festival de
Ils ont été suivis d’une série de disques
Beaune, Festival de Saint-Jacques-depour Opus 111, dont plusieurs ont été
Compostelle, Festival du Schleswigrécompensés par des prix prestigieux
Holstein, Festival Lufthansa de Londres. dans de nombreux pays européens.
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Antonio Florio, directeur artistique
Maria Ercolano, soprano
Valentina Varriale, soprano
Ambra Mancuso, mezzosoprano
Giuseppe De Vittorio, tenore
Rosario Totaro, tenore
Raffaele Costantini, basso
Alessandro Ciccolini, violon
Marco Piantoni, violon
Rosario Di Meglio, alto
Alberto Guerrero, violoncelle
Rebeca Ferri, violoncelle
Giorgio Sanvito, contrebasse
Tommaso Rossi, flûte
Rita Celentano, flûte
Chiara Granata, harpe
Ugo Di Giovanni, théorbe
Stefano Demicheli, clavecin
Francesco Moi, orgue
Concert enregistré par France Musique
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Et aussi…
> CONCERTS
Mardi 17 juin, 20h
> La sélection de la médiathéque
Vendredi 30 mai, 20h
Georg Friedrich Haendel
Coronation Anthems 1 - Zadok the Priest
Coronation Anthems 3 - My heart is
inditing
Coronation Anthems 2 - The king shall
rejoice
Ode à Sainte Cécile
Venez réécouter ou revoir à la
Médiathèque les concerts que vous
avez aimés. Enrichissez votre écoute en
suivant la partition et en consultant les
ouvrages en lien avec l’œuvre.
Découvrez les langages et les styles
musicaux à travers les repères
musicologiques, les guides d’écoute
et les entretiens filmés, en ligne sur le
portail.
Il Seminario musicale
Gérard Lesne, haute-contre, direction
Les Arts Florissants
Paul Agnew, direction
Sophie Daneman, soprano
Ed Lyon, ténor
Samedi 31 mai, 20h
Médée furieuse
œuvres de Bernier, Clérambault,
Duphly, Gauthier de Marseille et Lully
Anna-Maria Panzarella, mezzo-soprano
Ensemble Amarillis
Héloïse Gaillard, flûtes et hautbois
baroque
Gilone Gaubert-Jacques, violon
Anne-Marie Lasla, viole de gambe
Violaine Cochard, clavecin Jean Henry
Hemsch 1761
(collection Musée de la musique)
En écho à ce concert, nous vous
proposons…
> Les concerts de la saison
2008/2009
William Christie | John Eliot Gardiner
Pierre Hantaï | Gustav Leonhardt
Marc Minkowski | Christophe Rousset…
Demandez la brochure 08/09 :
à l’accueil de la Cité de la musique
01 44 84 44 84 • www.cite-musique.fr
> musée
Mardi 3 juin, 20h
Judith
Une histoire biblique de la Croatie
renaissante
Ensemble Dialogos
Katarina Livljanic, chant, direction
Albrecht Maurer, vièle, lirica
Norbert Rodenkirchen, flûtes, dvojnice
Sanda Herzic, mise en scène, décors,
costumes
> Nuit des musées
SAMEDI 17 MAI, DE 19H30 À 1H
… de consulter en ligne
Voix baroques, notes de programme
des concerts de la Cité de la musique
enregistrés en octobre 2003
… d’écouter
Per la Nascita del Verbo : teatro
religioso nella Napoli barocca de
Cristofaro Caresana par la Cappella
della Pietà de’ Turchini • Il Giudizio
Universale de Giuseppe Cavallo par
la Cappella della Pietà de’ Turchini
• Voix baroques : anges et démons,
concert enregistré à la Cité de
la musique en octobre 2003 par
la Cappella della Pietà de’ Turchini
Ouverture exceptionnelle et gratuite
des nouveaux espaces 19e et 20e siècles
et Musiques du monde du Musée.
> Visites contes en famille
pour les 4 à 11 ans
Conteur, musicien et conférencier
invitent les enfants à découvrir
les instruments et le répertoire musical
grâce à la magie du conte.
> éditions
Musique, sacré et profane
Collectif • 128 pages • 2007 • 19 €
http://mediatheque.cite-musique.fr
Contes d’Occident : les dimanches à 11h
Contes en musique : les dimanches
à 15h
> CONCERT ÉDUCATIF
SAMEDI 17 MAI, 11H
Igor Stravinski
L’Histoire du soldat
Ensemble intercontemporain • Susanna
Mälkki, direction • Graham F. Valentine,
récitant • Catherine Verheyde, lumières
Imprimeur SIC | Imprimeur France Repro | Licences no 757541, 757542, 757543 Marc Antoine Charpentier
Mors Saülis et Jonathae
Sacrificium Abrahae
In Circumcisione Domini - Dialogus inter
angelum et pastores
Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Correctrice : Angèle Leroy | Stagiaires : Marie-Anaya Mahdadi, Émilie Moutin | Maquette : Ariane Fermont
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