Monteverdi Libro 8 Madrigali Guerrieri Altri canti d`Amor Gira il

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Monteverdi Libro 8 Madrigali Guerrieri Altri canti d`Amor Gira il
Monteverdi
Libro 8
Madrigali Guerrieri
Altri canti d’Amor
Gira il nemico insidioso Amore
Hor che ’l ciel, e la terra, e ’l vento tace
Armato il cor d’adamantina fede – A doi tenori
Volgendo in ciel per immortal sentiero – Ballo à 5. Voci con doi violini
Entracte
Combattimento di Tancredi e Clorinda
Se vittorie sì belle – A doi tenori*
Ogni amante è guerrier – A doi tenori
Ardo, avvampo, mi struggo, ardo: accorrete – A otto voci con doi violini
* chanté par deux sopranos
Textes chantés
Altri canti d’Amor, tenero arciero,
I dolci vezzi e i sospirati baci;
Narri gli sdegni e le bramate paci
Quand'unisce due alme un sol pensiero.
Qu’un autre chante, d’Amour, tendre archer,
Les doux jeux, les baisers désirés,
Conte les fâcheries et les paix espérées
Quand s’unissent deux âmes en unique pensée.
Di Marte io canto furibundo e fiero
I duri incontri e le battaglie audaci;
Strider le spade e bombeggiar le faci
Fo nel mio canto bellicoso e fiero.
De Mars, le furieux et cruel, je veux chanter
Les durs combats et les fières batailles ;
Je ferai dans mon chant belliqueux, enragé,
Se froisser les épées et tomber la mitraille.
Tu cui tessuta han di Cesareo alloro
La corona immortal Marte e Bellona,
Gradisci il verde ancor novo lavoro,
Et toi qui as tissé du laurier de César
La couronne immortelle de Mars et de Bellone,
Agrée ce travail encor vert et nouveau
Ché, mentre guerre canta e guerre suona,
O Gran Fernando, l'orgoglioso choro,
Del tuo sommo valor canta e ragiona.
Qui, tandis que le chœur orgueilleux, ô grand
Ferdinand, chante de guerres et de guerres résonne,
Ne chante et ne décrit que ta haute valeur.
(D'incerto)
(Attribution incertaine)
Gira il nemico insidioso Amore
La rocca del mio core.
Sù presto, ch'egli [è] qui poco lontano:
Armi, armi alla mano
L’ennemi, l’insidieux Amour
Prend à revers la forteresse de mon cœur.
Debout, vite, il n’est plus bien loin !
Aux armes, aux armes à la main !
Nol lasciamo accostar, ch’egli non saglia
Su la fiacca muraglia,
Ma facciam fuor una sortita bella:
Butta, butta la sella!
Ne le laissons pas approcher, qu’il n’assaille pas
La faible muraille,
Mais faisons au dehors une belle sortie.
Sellez, sellez les montures !
Armi false non son, ch'ei s'avvicina
Col grosso [a] la cortina
Sù presto, ch'egli [è] qui poco discosto:
Tutti, tutti al suo posto!
Ce n’est pas une feinte, car il s’approche,
Avec les gros des troupes, de la courtine.
Debout, vite, il est ici, tout près :
Tous, tous à son poste !
Vuol de gl’occhi attaccar il baluardo
Con impeto gagliardo.
Sù presto, ch'egli [è] qui senza alcun fallo:
Tutti, tutti a cavallo .
Il veut s’attaquer au bastion des yeux
Par une attaque gaillarde.
Debout, vite, il est bientôt ici sans faute :
Tous, tous à cheval !
Non è più tempo, ohimè, ch'egli ad un tratto
Del cor padron s'è fatto.
A gambe, a salvo chi si può salvare
All'andar, all'andare!
Il n’est plus temps, hélas, car d’un seul coup
Du cœur il s’est rendu maître.
À vos jambes ! Sauve qui peut !
Fuyez ! Fuyez !
Cor mio, non val fuggir; sei morto, e servo
D’un tiranno protervo,
Che ‘l vincitor, che [è] già dentro alla piazza,
Grida: foco, ammazza!
Mon cœur, que te sert de courir : tu es mort,
Et serf d’un tyran plein d’arrogance :
Car le vainqueur, déjà dans la place,
Crie : Brûle ! Tue !
(Attribuito a Giulio Strozzi)
(Attribué à Giulio Strozzi)
Hor che ‘l ciel, e la terra, e ‘l vento tace
E le fere, [e] gl'augelli il sonno affrena,
Notte il carro stellato in giro mena,
E nel suo letto il mar senz'onda giace,
Maintenant que le ciel, et la terre, et les vents
Font silence, que le sommeil dompte les fauves
Et les oiseaux, que la Nuit fait tourner son char
Constellé, et que la mer, étale, gît dans son lit,
Veglio, penso, ardo, piango, e chi [mi] sface
Sempre m'è innanzi per mia dolce pena
Guerra è 'l mio stato, d'ira, e di duol piena,
E sol di lei pensando ho qualche pace.
Je veille, pense, brûle, pleure et qui me tue
Est toujours devant moi pour ma douce douleur,
Mon état est la guerre, et d’ire et de deuil pleine,
Et je n’ai qu’en pensant à elle quelque paix.
Così sol d'una chiara fonte viva
Move 'l dolce, e l'amaro ond'io mi pasco;
Una man sola mi risana, e punge,
Ainsi, d’une seule source claire et vive
Viennent le doux et l’amer dont je me pais ;
C’est une seule main qui me guérit et blesse,
E perché 'l mio martir non giung'a riva
Mille volte il dì moro, e mille nasco,
Tanto da la salute mia son lunge.
Et, mon martyre ne pouvant trouver de rive,
Mille fois par jour je meurs, et mille renais,
Tant de mon salut je suis éloigné.
(Francesco Petrarca, Sonetto CXXXI)
(François Pétrarque, Sonnet CXXXI)
Armato il cor d’adamantina fede,
Nell’amoroso regno
A militar ne vegno.
Pugnerò con la morte,
Contrasterò col ciel e con la sorte,
Ch’intrepido guerriero,
Se vittoria non ho, vita non chero.
Le cœur armé d’adamantine foi,
Je viens combattre
Au royaume d’Amour.
J’attaquerai la mort,
Je me battrai contre le Ciel, contre le sort :
Intrépide guerrier,
Sans Victoire, je refuse la vie.
(D'incerto)
(Attribution incertaine)
Ballo a cinque voci con doi violini
Ballet à cinq voix et deux violons
Voce Sola Poeta formato così dice
En solo, le Poète, immobile, s’exprime ainsi :
Volgendo in ciel per immortal sentiero
Le ruote della luce alma, e serena,
Un secolo di pace il sol rimena
Sotto il Re novo del Romano Impero.
Faisant tourner au ciel, selon un parcours éternel,
Les roues de lumière, douce et sereine,
Puisse le soleil ramener un siècle de paix
Sous le nouveau Roi du Romain Empire.
Bc: Entrata, & passeggio ut sopra.
Entrée du Ballet, & passage comme ci-dessus.
Poeta solo formato
Le Poète, seul, immobile
Su, mi si rechi omai del grand' Ibero
Profonda tazza inghirlandata e piena
Che, correndomi al cor di vena in vena,
Sgombra da l'alma ogni mortal pensiero.
Allons, que l’on m’apporte une profonde tasse
Ornée de guirlandes, et pleine du grand vin d’Ibérie
Qui, courant dans mon corps de veine en veine,
Chasse de l’âme toute pensée de mort.
TI, Bc : Entrata, & passeggio come di sopra.
Entrée du Ballet, et passage comme ci-dessus.
Poeta solo fermato
Le Poète, en solo, immobile
Venga la nobil cetra.
Que vienne la noble lyre.
T, Bc : Ricevuto il chitarone da la Ninfa si volta
verso l'altre, & così gli parla.
Après avoir reçu le luth des mains de la Nymphe, il se
tourne vers elle & lui parle ainsi.
Poeta solo
Le Poète, en solo
il crin di fiori
Cingimi, o Filli.
Ceins-moi de fleurs
Les cheveux, ô Phillis !
T: Qui li pone la Ninfa la ghirlanda poi parla il poeta
come segue.
Bc: Qui li pone la Ninfa la ghirlanda poi parla come
segue.
Ms T : Ici, la Nymphe pose la guirlande, puis le poète
s’exprime comme suit.
Ms Bc : Ici la Nymphe pose la guirlande, puis s’exprime
comme suit.
Io ferirò le stelle
Cantando del mio Re gli eccelsi allori.
J’atteindrai les étoiles
En chantant de mon Roi les glorieux lauriers.
T, Bc: Qui, nel chitarone da lui sonato così segue.
Ici, en s’accompagnant du luth, il poursuit :
E voi che per beltà, donne e donzelle,
Gite superbe d'immortali onori,
Movete al mio bel suon le piante snelle.
Et vous, Dames et Damoiselles, dont la beauté
Vous a valu la fierté d’immortels honneurs,
Bougez, à mon beau son, vos pieds agiles.
Movete al mio bel suon le piante snelle,
Sparso di rose il crin leggiadro e biondo.
Bougez, à mon beau son, vos pieds agiles,
Vos beaux cheveux blonds parsemés de roses.
T, Bc: Qui alzando la voce con più forza invita
le Ninfe dell'Istro a danzar anch'elle.
E lasciato dell'Istro il ricco fondo
Ici, haussant la voix avec plus de force, il invite les
Nymphes du Danube à danser elles aussi.
Et, laissant du Danube les riches profondeurs,
Vengan l'humide Ninfe al ballo anch'elle.
Que leurs humides Nymphes viennent aussi au bal.
T, Bc: Entrata come di sopra, & le Ninfe dell'Istro
escono al tempo di essa entrata come le prime. Et
gionte al loro determinato loco tutte le Ninfe insieme
danzano il seguente ballo.
Entrée comme ci-dessus, & les Nymphes du Danube
viennent danser sur la même entrée que les premières,
puis chacune ayant gagné sa place, toutes les Nymphes
dansent ensemble le ballet suivant.
Balletto
Riverenza
Ballet
Révérence
Movete al mio bel suon le piante snelle,
Sparso di rose il crin leggiadro e biondo.
E lasciando dell'Istro il negro fondo
Vengan l'umide Ninfe al ballo anch'elle.
Bougez, à mon beau son, vos pieds agiles,
Vos beaux cheveux blonds parsemés de roses,
Et, laissant du Danube les riches profondeurs,
Que leurs humides Nymphes viennent aussi au bal !
Fuggano in questo dì nembi e procelle
D'aure odorate al mormorar de l'onde;
Fatto Eco al mio cantar, rimbombi il Mondo
L'opre di Ferdinando eccelse e belle.
Qu’elles fuient ici nuages et tempêtes,
Au murmure de l’onde sous la brise embaumée ;
Et, se faisant l’Écho de mon chant, que le Monde
Retentisse des hauts et beaux exploits de Ferdinand.
C, Q, A, Bc: Qui in questo loco finita la presente prima
parte. Si fà un canario, o passo e mezzo od'altro
balletto, à beneplacito senza canto poi si ritorna
sopra la prima aria come segue cangiando mutanza.
Ms C, Q, A, Bc : Ici finit la première partie. On donne une
canarie, ou un passemeze ou tout autre ballet, ad libitum,
sans chant, puis on retourne au premier air, comme suit,
en changeant la variation.
Ei l'armi cinse, e su destrier alato
Corse le piaggie, e su la terra dura
La testa riposò su 'l braccio armato.
Il a pris les armes, et sur son cheval ailé
Il a couru les grèves, et sur la dure terre
Il a posé la tête sur son bras armé.
Là torri eccelse, e là superbe mura
Al vento sparse, e fé vermiglio il prato,
Lasciand'ogni altra gloria al mondo oscura.
Les hautes tours, les murs superbes,
Il les a fracassés à tous vents, en a rougi les prés,
Obscurcissant toute autre gloire au monde.
(Ottavio Rinuccini, Rime. Nel natale del Re di
Francia Enrico IV.)
(Ottavio Rinuccini, Poésies. Pour l’anniversaire du Roi de
France Henri IV)
*** ENTRACTE ***
*** ENTRACTE ***
Combattimento di Tancredi e Clorinda
Le Combat de Tancrède et Chlorinde
Testo
Tancredi che Clorinda un homo stima
vò l ne l'armi provarla al paragone.
Va girando colei l'alpestre cima
Vè r altra porta, ove d'entrar dispone.
Segue egli impetuoso, onde assai prima
Che giunga, in guisa avvien che d'armi suone,
Ch'ella si volge e grida :
Le Ré citant
Tancrède, qui prend Chlorinde pour un homme,
Veut l’éprouver au défi des armes.
Elle s’apprête à contourner la haute cime
Vers l’autre porte, où elle veut entrer.
Lui, impétueux, la suit, mais bien avant
Qu’il l’ait rejointe, il advient que ses armes sonnent
Et qu’elle se retourne et crie:
Clorinda
Chlorinde
“Ô toi, qu’apportes-tu,
"O tu, che porte,
Correndo sı̀?"
Courant ainsi ?”
Testo
Rispose:
Le Ré citant
Il répondit :
Tancredi
"E guerra, e morte."
Tancrè de
Clorinda
"Guerra e morte havrai"
Chlorinde
“Guerre et mort, tu les auras”
Testo
Le Ré citant
“ Et guerre et mort”
disse.
Dit-elle
Clorinda
Chlorinde
"Io non rifiuto
Darlati, se la cerchi, e ferma attende."
“Je ne refuse pas
De les donner, si tu les cherches.”
Testo
Né vò l Tancredi, ch'ebbe a piè veduto
Il suo nemico, usar cavallo, e scende;
E impugna l'un, l'altro il ferro acuto,
Ed aguzza l'orgoglio e l'ira accende;
E vansi incontro a passi tardi e lenti
Quai duo tori gelosi e d'ira ardenti.
Notte, che nel profondo oscuro seno
Chiudesti, e nell'oblio fatto sı̀grande:
Degno d'un chiaro sol, degno d'un pieno
Theatro opre sarian sı̀memorande.
Piacciati ch'indi il tragga, e 'n bel sereno
Alle future età lo spieghi e mande.
Viva la fama lor, e tra lor gloria
Splenda del fosco tuo l'alta memoria
Le Ré citant
De pied ferme, elle attend.
Tancrède, qui voit son ennemi à pied,
Ne veut pas profiter du cheval, et descend ;
L’un et l’autre empoigne le fer aigu,
Aiguise son orgueil, allume sa colère ;
Ils vont l’un contre l’autre à pas lents et pesants
Tels deux taureaux jaloux embrasés de colère.
Nuit qui, dans les ténèbres de ton sein profond
Et dans l’oubli, as renfermé un tel haut fait
– Des exploits si mémorables sont dignes
D’un clair soleil, d’un plein Théâtre –,
Consens donc que je les retrace, et, dans la lumière,
Qu’aux âges à venir je les dévoile et les transmette.
Que vive leur mémoire, et qu’au sein de leur gloire
Brille le souvenir de ton obscurité.
Guerra
Non schivar, non parar, non pur ritrarsi
Voglion costor, né qui destrezz'ha parte.
Non danno i colpi hor finti, hor pieni, hor scarsi:
Toglie l'ombra e 'l furor l'uso de l'arte.
Odi le spade orribilmente urtarsi
A mezzo il ferro, e 'l piè d'orma non parte;
Sempre il piè fermo e la man sempre in moto,
Né scende taglio in van, né punta a voto.
(Guerre)
Ils ne veulent esquiver, ni parer, ni céder,
Et la ruse ici n’est pas de mise.
Pas de coups tantôt feints, ou pleins, ou mesurés :
Et l’ombre et la fureur empêchent l’artifice.
On entend les épées se heurter à mi-lame,
Horriblement. Le pas ne quitte pas sa trace;
Toujours le pied est ferme, la main en mouvement,
Pas un coup de taille en vain, ni d’estoc à vide.
L'onta irrita lo sdegno alla vendetta,
E la vendetta poi l'onta rinova:
Onde sempre al ferir, sempre alla fretta
Stimol novo s'aggiunge e piaga nova.
D'hor in hor più si mesce e più ristretta
Si fa la pugna, e spada oprar non giova.
Dansi con pomi, infelloniti e crudi,
Cozzan con gli elmi insiem'e con gli scudi.
L’outrage excite la fureur à la vengeance,
Et la vengeance après renouvelle l’outrage :
À frapper toujours, à presser toujours,
Toujours renaît nouvel élan, nouvelle plaie.
À chaque instant, plus on se mêle et plus serrée
Se fait l’étreinte, on ne peut plus brandir l’épée.
Félons, féroces, ils frappent du pommeau,
Entrechoquent les heaumes, et les écus.
Tre volte il cavalier la donna stringe
Con le robuste braccia ed altre tante
Poi da quei nodi tenaci ella si scinge,
Nodi di fier nemico e non d'amante.
Tornano al ferro, e l'un e l'altro il tinge
Con molto sangue, e stanco ed anelante
E questi e quegli al fin pur si ritira,
E dopo lungo faticar respira.
Trois fois le chevalier étreint la Dame
De ses robustes bras, et par trois fois
De l’étreinte tenace elle se sort
– Étreinte d’ennemi féroce, et non d’amant.
Ils reprennent le fer; l’un et l’autre le teint
De moult sang, puis sans force, haletant,
L’un et l’autre à la fin se retire,
Et, après un si long effort, respire.
L'un l'altro guarda, e del suo corpo esangue
Su 'l pomo de la spada appoggia il peso.
Già de l'ultima stella il raggio langue
su 'l primo albor ch'è in oriente acceso.
Vede Tancredi in maggior copia il sangue
Del suo nemico, e sé non tanto offeso.
Ne gode e insuperbisce. O nostra folle
Mente ch'ogn'aura di fortuna estolle !
Chacun regarde l’autre, et de son corps exangue
Au pommeau de l’épée il fait porter le poids.
Déjà pâlit l’éclat de la dernière étoile,
À la prime aube qui s’allume à l’orient.
Tancrède voit perdu en plus grande abondance
Le sang de son ennemi, lui-même moins atteint.
Il s’en réjouit, exulte. O notre fol
Esprit, qui s’enfle dès que souffle la fortune !
Misero, di che godi? O quanto mesti
Fiano i trionfi ed infelice il vanto!
Gli occhi tuoi pagheran (s'in vita resti)
Di quel sangue ogni stilla un mar di pianto.
Cosı̀tacendo e rimirando, questi
Sanguinosi guerrier cessaro alquanto.
Ruppe il silentio alfin Tancredi e disse,
Perch'il suo nome a l'un l'altro scoprisse:
Malheureux, de quoi te réjouis-tu ? Oh que tristes
Se font les triomphes, et sinistre la gloire !
Tes yeux (si tu survis) paieront
Chaque goutte de sang d’un océan de larmes.
Ainsi, muets, se regardant,
Ces deux guerriers sanglants s’arrêtent un moment.
Tancrède enfin rompt le silence, et dit,
Afin que l’un à l’autre ils révèlent leur nom :
Tancredi
- "Nostra sventura è ben, che qui s'impieghi
tanto valor dove silentio il copra.
Ma poi che sorte rea vien che ci nieghi
E lode, e testimon degni de l'opra,
Pregoti, se fra l'armi han loco i prieghi,
Che 'l tuo nome e 'l tuo stato a me tu scopra,
Acciò ch'io sappia, o vinto o vincitore,
Chi la mia morte o la mia vita honore."
Tancrè de
– “Notre infortune est bien qu’ici s’emploie
Tant de valeur, quand le silence la recouvre.
Mais puisqu’un sort injuste nous dénie
Et louange et témoin dignes de notre exploit,
Je te prie – si parmi les armes il est un lieu
Pour la prière – de me dire ton nom et ton état,
Pour que je sache, ou vaincu ou vainqueur,
Qui à ma mort, ou à ma vie, a fait honneur”.
Testo
Rispose la feroce:
Le Ré citant
La féroce répond :
Clorinda
Chlorinde
- "Indarno chiedi
Quel ch'ho per uso di non far palese.
Ma chiunque io mi sia, tu inanzi vedi
Un di quei duo che la gran torre accese."
En vain tu me demandes
Ce que j’ai coutume de ne pas révéler.
Mais quel que soit mon nom, tu as devant les yeux
Un des deux qui ont incendié la grande tour”.
Testo
Arse di sdegno a quel parlar Tancredi:
Le Ré citant
À ce discours, Tancrède brûle de fureur :
Tancredi
-"E in mal punto il dicesti;
e 'l tuo dir e 'l tacer di par m'alletta,
Barbaro discortese, alla vendetta."
Tancrè de
– “Tu as mal fait de dire cela ;
Tes paroles, autant que ton silence, m’excitent,
Barbare discourtois, à la vengeance.”
Guerra
Testo
Torna l'ira nei cori e gli trasporta,
Benché deboli, in guerra [a] fiera pugna,
U' l'arte in bando, u' già la forza è morta,
Ove, in vece, d'entrambi il furor pugna!
O che sanguigna e spatiosa porta
Fa l'una e l'altra spada, ovunque giugna,
ne l'armi e nelle carni e se la vita
Non esce, sdegno tienla al pett'unita.
(Guerre)
Le Ré citant
La colère revient dans les cœurs et les pousse,
Même sans forces, au combat, empoignade sauvage,
Où l’art est banni, où la force est morte,
Mais où c’est la fureur de chacun d’eux qui cogne !
Oh quelle sanglante et large porte
Ouvre l’une et l’autre épée, où qu’elle frappe,
Dans les armes ou dans les chairs, et si la vie
Ne sort pas, c’est que la rage la tient unie au corps.
Ma ecco homai l'hora fatal è giunta
Che 'l viver di Clorinda al suo fin deve.
Spinge egli ferro nel bel sen di punta
Che vi s'immerge, e 'l sangue avido beve;
E la veste, che d'or vago trapunta
Le mammelle stringea tenera e leve,
S'empie d'un caldo fiume. Ella già sente
Morirsi, e 'l piè le manca egro e languente.
Mais voici maintenant venue l’heure fatale
Où la vie de Chlorinde doit trouver sa fin.
Il lui pousse d’estoc le fer dans son beau sein
Où la lame s’enfonce et boit son sang, avide ;
Et sa robe, qui, brodée d’un bel or,
Lui serrait, tendre et douce, les tétons,
S’emplit d’un fleuve chaud. Déjà elle se sent
Mourir, et le pied, faible et tremblant, lui manque.
Segue egli la vittoria, e la trafitta,
Vergine minacciando incalza, e preme.
Ella, mentre cadea, la voce afflitta
Movendo, disse le parole estreme,
Parole ch'a lei novo spirto ditta:
Spirto di fé , di carità , di speme:
Virtù che Dio l'infonde, e se rubella
In vita fu, la vol in morte ancella.
Lui, pousse son avantage, et, transpercée,
Il harcèle la vierge, et, menaçant, la presse.
Elle tombe et d’une voix plaintive
Prononce ses derniers mots,
Des mots qu’un esprit nouveau lui dicte,
Esprit de charité, de foi et d’espérance
Vertus que Dieu lui inspire, car, si rebelle
Elle fut dans sa vie, Il la veut Sa servante dans la mort.
Clorinda
-"Amico, hai vinto. Io ti perdon, perdona
Tu ancora, al corpo no, che nulla pave,
A l'alma sı̀: deh, per lei prega, e dona
Battesmo a me ch'ogni mia colpa lave."
Chlorinde
– “Ami, tu as vaincu. Je te pardonne. Pardonne,
Toi aussi, non pas au corps, qui ne craint rien,
Mais à l’âme : ah, prie pour elle, et donne-moi
Le Baptême, pour qu’il lave toutes mes fautes.”
Testo
In queste voci languide risuona
Un non so che di flebile e soave
Ch'al cor gli scende ed ogni sdegno ammorza,
E gl'occhi a lagrimar l'invoglia e sforza.
Le Ré citant
Et dans ces mots languissants résonne
Un je ne sais quoi de plaintif et de suave
Qui descend sur son cœur, apaise sa fureur,
Puis incite et contraint ses yeux à pleurer.
Poco quindi lontan nel sen del monte
Scaturia mormorando un picciol rio.
Egli v'accorse e l'elmo empié nel fonte,
E torno mesto al grande uffitio e pio.
Tremar sentı̀la man, mentre la fronte
Non conosciuta ancor sciolse e scoprı̀o.
La vide e la conobbe, e restò senza
E voce, e moto. Ahi vista! Ahi conoscenza!
Non loin, cependant, au sein de la montagne,
Sourdait, en murmurant, un ru.
Il y court et remplit son heaume à la fontaine,
Puis revient, triste, à son grand et pieux office.
Il sent trembler sa main quand il libère
Et découvre le front encore inconnu.
Il la voit, la connaît, reste sans voix
Ni mouvement. Ah! Quelle vue ! Quelle révélation !
Non morı̀già , ché sue virtuti accolse
Tutte in quel punto e in guardia al cor le mise,
E premendo il suo affanno a dar si volse
Vita con l'acqua a chi co'l ferro uccise.
Il ne meurt pas, car il a recueilli en cet instant
Toutes ses forces, leur a confié la garde de son cœur.
Dominant sa douleur, il s’emploie à donner
La vie par l’eau à celle que par le fer il a tuée.
Mentr'egli il suon de' sacri detti sciolse,
Colei di gioia trasmutossi, e rise.
E in atto di morir lieto, e vivace
Dir parea:
Tandis qu’il fait entendre les paroles sacrées,
Elle, transfigurée par la joie, rit.
Et, dans un élan joyeux et vif vers la mort,
Semblait dire :
Clorinda (CI : lunga voce in piano)
S'apre il ciel, io vado in pace.
Chlorinde (trè s lent, pianissimo)
“Le ciel s’ouvre, je vais en paix”.
Il Fine del Tancredi.
Torquato Tasso, La Gerusalemme liberata, XII, 52-62,
64-68
Fin du Combat de Tancrè de
Le Tasse, Jerusalem délivrée, XII, str. 52-62, 64-68
Se vittorie sì belle
Han le guerre d'Amore,
Fatti guerrier, mio core,
E non temer de gl'amorosi strali
Le ferite mortali.
Pugna, [e] sappi ch'è gloria
Il morir per desı̀o della vittoria.
Si les guerres d’Amour
Ont victoires si belles,
Fais-toi guerrier, mon cœur,
Et ne crains pas, des flèches de l’Amour,
Les blessures mortelles.
Bats-toi, et sache qu’il y a de la gloire
À mourir par désir de Victoire.
(Fulvio Testi, Rime, Nome di Vittoria)
(Fulvio Testi, Rimes, Sur le nom de Victoire)
Ogni amante è guerrier, nel suo gran regno
Ha ben Amor la sua milizia anch'egli.
Quella fiorita età , che 'l duro pondo
Può sostener de l'elmo e de lo scudo,
Negli assalti d'Amor fa prove eccelse.
Né men sconcio è veder tremula mano
Per troppa età , vibrar la spada, e l'hasta
Che sentir sospirar canuto amante.
Ambo le notti gelide, e serene
E l'amante, e 'l guerrier traggon veggiando,
Questi a salvar del capitan le tende,
Questi a guardar l'amate mura [è ] intento,
Non mai di faticar cessa il soldato,
Né riposa già mai verace amante.
Ambo sormonteran de' monti alpestri
Le dure cime, ambo torrenti e fiumi
Tra piogge, e nembi varcheran sicuri.
Non del vasto ocean l'onde spumanti,
Non d'Euro, o d'Aquilon l'orribil fiato
Frenar potrà l'impetuosi cori
Se di solcar il mar desı̀o gli sprona,
Chi se non quei che l'amorosa insegna
Segue, o di Marte al ciel notturno, e fosco
Può la pioggia soffrir, le neve, e 'l vento?
Taccia pur dunque omai lingua mendace
Di più chiamar ozio, e lascivia Amore,
Ch'Amor affetto è sol di guerrier core.
Tout amant est guerrier, et dans son grand royaume
Amour a, certes, son armée, lui aussi.
Cette jeunesse en fleur, capable d’endurer
Du casque et de l’écu le poids terrible,
Fait des exploits dans les joutes d’Amour.
Voir une main trop âgée, tremblante, brandir
La lance et l’épée n’est pas moins incongru
Que de voir soupirer un amoureux chenu.
L’amant et le guerrier, tous deux passent des nuits
Glaciales et sereines à veiller, l’un attentif
À protéger les tentes de son capitaine,
Et l’autre à contempler les demeures aimées.
Jamais soldat ne relâche sa peine,
Ni véritable amant ne repose jamais.
L’un et l’autre vaincront des monts alpins
Les âpres cimes, tous deux sauront passer,
Sous la pluie et l’orage, torrents et fleuves.
Ni du vaste océan les ondes écumeuses,
Ni le souffle effrayant d’Eurus et d’Aquilon
Ne pourraient arrêter ces cœurs impétueux
Si le désir les prend de sillonner les mers.
Qui, sinon ceux qui suivent l’étendard
De l’Amour ou de Mars, peuvent dans la nuit noire
Souffrir la pluie, et la neige, et le vent ?
Que les langues menteuses cessent donc désormais
D’appeler paresse ou bien lascivité Amour :
L’Amour n’habite que les cœurs guerriers.
Io, che nell'ozio nacqui, e d'ozio vissi,
Che vago sol di riposata vita
Moi, qui suis né oisif, et qui vécut oisif,
Qui, seulement désireux de vivre en repos,
Trapassava non pur l'hore notturne,
Ma i giorni interi ancor tra molli piume;
E tra grat'ombre, d'ogni cura scarco,
Il fresco mi godea d'un' aura lieve,
O 'l roco mormorar d'un picciol rivo
Che fea tenor degli augelletti al canto,
Io stesso, poi che generosa cura
Di bellissimo Amor mi punse il core,
All'hor che 'l guardo volsi al divin lume,
Che sfavillar vidi io da que' begli occhi
E 'l suono udii che da rubini, e perle
Mi giunse al cor d'angelica favella,
Sprezzando gli agi di tranquilla vita
Non pur chiuggo a i gran dı̀tra 'l sonno i lumi,
Ma ben sovente ancora, e stelle e sera
Cangio, vigile amante, in sole, e in alba.
Spesso carco di ferro all'ombra oscura
Men vo sicur ove il desıo
̀ mi spinge;
Passais non seulement les heures de la nuit,
Mais des jours entiers dans de moelleuses plumes
Et qui, à l’ombre heureuse, libre de tout souci,
Jouissais de la fraîcheur du vent léger
Ou du murmure sourd d’un ru
Qui sous-tendait le chant des oiselets,
Moi même, depuis que le soin généreux
D’un très bel Amour m’a étreint le cœur,
Quand mon regard a rencontré le rayon divin
Que je vis étinceler dans ces beaux yeux,
Et quand j’ai ouï le son des angéliques mots
De perles et rubis qui m’arrivaient au cœur,
Méprisant les aises de la vie tranquille,
Loin de fermer les yeux dans un sommeil diurne
Bien souvent même, amant veilleur, je change
Les astres de la nuit en soleil de l’aurore.
Souvent, bardé de fer, dans l’ombre obscure
Je vais en sûreté où le désir me pousse ;
E tante soffro ogni hor dure fatiche,
Amoroso guerrier, ch'assai men greve
Mi fura in un col valoroso Hispano
Tentar pugnando l'ostinato Belga;
O pur là dove inonda i larghi campi
L'Istro real, cinto di ferro il busto,
Seguir tra l'armi il chiaro, e nobil sangue
Di quel gran Re ch'alle corone, a i lauri,
Alle spoglie, a i trionfi il ciel destina.
O sempre glorioso, o sempre invitto,
Segui felice, e fortunato a pieno
L'alte vittorie, e gloriose imprese,
Ché forse un dı̀questa mia roca cetra
Risonerà non vil ne' tuoi gran pregi,
All'hor ch'al suon de l'armi
Canterò le tue palme, e i chiari allori,
Quando, l'hostil furor depresso e domo
Dal tuo invitto valor, dal tuo gran senno,
Udrà pien di spavento, e di terrore
L'Oriente sonar belliche squille.
E sovra gran destrier di ferro adorno
Di stupor muti i faretrati Sciti,
Tra mille, e mille cavalieri, e duci
Carco di spoglie, o gran Fernando Ernesto,
T'inchineranno, alla tua invitta spada,
Vinti, cedendo le corone, e i regni.
Et, guerrier amoureux, j’endure à chaque instant
De si dures épreuves, que bien moins pénibles
Me serait, dans un col célèbre d’Hispanie,
De tenter de combattre le Belge obstiné,
Ou bien, là où le royal Danube inonde
Les vastes plaines, le buste ceint de fer,
De suivre dans l’armée le clair et noble sang
De ce grand Roi qu’aux couronnes, aux lauriers,
Aux butins, aux triomphes le Ciel destine.
Ô toujours glorieux, ô toujours invaincu,
Poursuis, heureux et avec plein succès,
Les glorieuses victoires, les hautes entreprises
Que peut-être un jour ma pauvre cithare
Fera résonner noblement pour tes louanges,
Quand, dans le fracas des armes,
Je chanterai tes palmes et tes brillants lauriers,
Alors que, la fureur ennemie réprimée et domptée
Par ta force invincible et ta grande sagesse,
L’Orient, plein d’épouvante et de terreur,
Entendra résonner les trompettes guerrières.
Et devant toi, sur ton grand destrier bardé de fer,
Parmi tes mille et mille cavaliers et capitaines,
Chargé de butin, ô grand Ferdinand Ernest,
Devant ton invincible épée, s’inclineront, muets
De stupeur, percés de flèches, les Scythes,
Vaincus, abandonnant couronnes et royaumes.
Ma per qual ampio Egeo spieghi le vele
Sı̀dal porto lontano, ardito amante?
Riedi ché meco il mio cortese amico
Veggio ch'a sı̀gran corso, a sı̀gran volo,
Di pallido timor dipinge il viso.
Mais toi, pour quelle vaste Égée mets-tu la voile,
Si loin du port, ardente Muse ?
Reviens, car, près de moi, je vois mon noble ami,
Face à ce grand voyage, à ce haut vol,
D’une pâle épouvante empreindre son visage.
Riedi, ch’al nostr’ardir, ch’al nostro canto,
Ch'ora d'armi, e d'amor confuso suona,
Reviens, puisque par notre ardeur, notre chant,
Qui sonne, en les mêlant, d’amour et d’armes,
Scorger ben puote omai ch'Amore, e Marte
EQ quasi in cor gentil cortese affetto.
Tu as pu désormais bien voir qu’Amour et Mars
Sont pour un noble cœur la même affection.
(Ottavio Rinuccini, traduzione di Militat omnis
Amans, & habet sua castra Cupido Attice crede
mihi, &c. Ovid. Eleg.9 Am. lib.I. Al Signor Iacopo
Corsi.)
(Ottavio Rinuccini, d’après le Militat omnis amans, &
habet sua castra Cupido Attice crede mihi, etc., Ovide,
Amours, I, 9e ES lé gie. Au Seigneur Iacopo Corsi.)
Ardo, avvampo, mi struggo, ardo: accorrete
Vicini, amici, all'infiammato loco!
Al ladro, al ladro, al tradimento, al foco!
Scale, accette, martelli, acqua prendete!
Je brûle, flambe, fonds, je brûle : accourez,
Voisins, amis, accourez vers ce lieu en flammes !
Au voleur, au voleur, à la traîtrise, au feu !
Des haches, des échelles, des marteaux, de l’eau !
E voi, torri sacrate, anco tacete?
Su bronzi su, ch'io dal gridar son roco:
Dite il periglio altrui non lieve o poco,
E de gli incendii miei pietà prendete.
Et vous, clochers sacrés, vous vous taisez encore?
À l’aide, bronze, à crier je n’ai plus de voix :
Annoncez ce péril ni faible ni léger,
Prenez pitié de mes incendies !
Son due begli occhi il ladro, e seco Amore,
L'incendiario che l'inique faci
Dentro la rocca m'avventò del core
Le voleur : deux beaux yeux ; et avec lui Amour
Est l’incendiaire, qui jeta ses brandons criminels
Dedans la forteresse de mon cœur.
Ecco i remedii omai vani, e fallaci.
Mi dice ogn'un : per sı̀beato ardore
Lascia che 'l cor s'incerisca, e taci.
Mais tout secours est désormais vain, fallacieux.
Chacun me dit : “d’une si belle ardeur
Laisse se consumer ton cœur, et fais silence”.
(Attribuito a Giulio Strozzi)
(Attribué à Giulio Strozzi)
© Traduction de Jean-Pierre Darmon