alimentation traditionnelle en montagne

Transcript

alimentation traditionnelle en montagne
paysages O croquer
ALIMENTATION
TRADITIONNELLE
EN MONTAGNE
ACTES DU COLLOQUE
INTROD • ARVIER · SAINT-NICOLAS
17·18·19 oi;cEMBRE 2004
REGION AUTONOME DE LA VALLEE D' AOSTE
ASSESSORAT
DE L' EDUCATION ET DE LA
CULTURE • BUREAU REGIONAL POUR
1
ET LA LINGUISTIQUE
L ETHNOLOGIE
CENTRE o' eruDES FRANCOPROVENçALES
ISBN: 978-88-940156-3-8
PRQET INllJllEG lii A
2000-2006 l'WJ&f!IANCE
I
Rk.loN AUTONOME
VAlleE D'AOSTt
AS$ES$ORAf DE
L'mUCATION
ET DE LA QJL1UIE
AS$ESSORAr DE
l!AGRICUIJURE ET
DES RESSCURCES
Nl!IVREllES
REPlAIUQIE ITALENtE
www.paysages.
n f o
paysages à croquer
ALIMENTATION
TRADITIONNELLE
EN MONTAGNE
ACTES DU COLLOQUE
INTROD· ARVIER· SAINT-NICOLAS
17·18·19 DÉCEMBRE 2004
1
RÉGION AUTONOME DE LA VALLÉE D AOSTE
1
ASSESSORAT DE L ÉDUCATION ET DE LA
CULTURE· BUREAU RÉGIONAL POUR
L'ETHNOLOGIE ET LA LINGUISTIQUE
1
CENTRE D ÉTUDES FRANCOPROVENçALES
Colloque organisé par
BREL, Bureau régional
pour l’Ethnologie
et la Linguistique
en collaboration avec
Centre d’Etudes
Francoprovençales
Coordination
Laura Saudin
Saverio Favre
Préparation de l’ouvrage
et révision des textes
Rosito Champrétavy
Secrétariat
Cristina Mensi
Stéphanie Barbero
Révision des textes franç ais
Brigitte Miron
Service d’acceuil
Irene Chevrère
Ivana Cunéaz
Nathalie Silvani
Laura Trevisan
Antonella Vanin
Maddalena Vittaz
Photos
Eurofoto Costa
Impression
Arti Grafiche E. Duc
Projet de communication
Arnaldo Tranti Design
Copie hors commerce.
Hommage de la Région Autonome Vallée d’Aoste
Assessorat de l’Éducation et de la Culture
Bureau régional pour l’Ethnologie et la Linguistique
ISBN: 978-88-940156-3-8
Paysages… à croquer
Dans les départements français de Savoie et Haute Savoie, dans le canton
Suisse du Valais et dans la Région Autonome Vallée d’Aoste, à côté des paysages naturels de roche, de glace et de neige éternelle, d’autres paysages ont
été, eux, minutieusement construits par les populations locales, défrichant par
ici, plantant et greffant par là ; creusant des canaux d’irrigation d’un côté, édifiant de spectaculaires terrasses de l’autre. Ces paysages exceptionnels contribuent fortement à l’identité d’un espace alpin qui s’articule autours de trois
dominantes paysagères : les alpages, les vergers et les vignobles. Ce patrimoine, fruit de pratiques culturelles et culturales riches et diversifiées, offre un
cadre de vie remarquable aux habitants des vallées alpines et contribue à l’image touristique montagnarde. Voilà le contexte dans lequel est né le projet
Interreg III A Italie/France Paysages… à croquer, fruit de la collaboration, en ce
qui concerne la Vallée d’Aoste, entre l'Assessorat de l’Éducation et Culture et
l’Assessorat de l’Agriculture, Ressources naturelles et Protection civile.
Dans la partie de compétence valdôtaine, le projet vise d’une part à examiner les aspects du paysage liés essentiellement à l’identité et à la mémoire, dans
le but avant tout de collecter et sauvegarder les éléments de la culture traditionnelle, des savoir-faire qui ont pourtant disparu, en vue de renforcer l’identité
culturelle de notre société qui a besoin, dans cette ère d’homogénéisation, d’un
ré-enracinement ainsi que d’une réaffirmation de ses particularités. Cela aussi
dans un but de promotion d’offre touristique.
D’autre part, en ce qui concerne le secteur agricole, différentes initiatives
sont au programme, telles que la recherche agronomique et la collecte d'anciennes variétés d’arbres fruitiers, pour préserver de la disparition les germoplasmes autochtones, et dans le but de créer un jardin conservatoire, aménagé
pour les visiteurs et à l'intention de tout public.
Il s’agit donc d’un projet très articulé et très diversifié, prévoyant un parcours comprenant plusieurs étapes, de la collecte à la sauvegarde, des relevés
aux études, de la documentation photographique à la valorisation et à la diffusion, en passant par les croyances et le légendaire, avec d’intéressantes opportunités d’exploitations du point de vue touristique. En plus, l'initiative a aussi
une vocation didactique et pédagogique et se propose d’apprendre aux enfants,
sous forme de jeu, l’importance d'une gestion avisée et prévoyante du paysage.
3
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Voilà donc l’importance du souvenir pour conserver, objectif qu’il faut poursuivre à 360° , pour aboutir à une valorisation des produits autochtones, qu’elle
soit culturelle d’une part et avec des retombées économiques de l’autre.
Dans le cadre d’un projet transfrontalier conçu dans cette optique, le BREL
(Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique) est le partenaire idéal,
côté valdôtain, possédant les qualités requises pour atteindre les résultats préconisés. Le BREL est en effet un service de l’Administration régionale disposant
d’un centre de documentation composé, entre autres, d’imposantes archives
photographiques et sonores, décrivant plus d’un siècle de vie valdôtaine, par
une histoire qui n’a jamais été écrite mais qui découle de la mémoire des
hommes. L’expérience spécifique du bureau, en ce qui concerne les enquêtes
sur le terrain, le catalogage, l’archivage, la conservation et la diffusion de tout
matériel linguistique et ethnographique, le rend à tous les effets un centre privilégié pour mener des actions visant à la récupération, à la sauvegarde et à la
valorisation du patrimoine culturel dans sa globalité.
Cette publication rassemble les textes des communications présentées lors
du colloque, portant sur l’alimentation traditionnelle en montagne, organisé
dans le cadre du projet.
Les rapporteurs, spécialistes provenant de différents domaines et de formations différentes, ont abordé les nombreux volets du thème proposé et ont
développé le sujet de plusieurs points de vue.
Les différentes approches concernent les aspects techniques, gastronomiques, historiques, ethnographiques, commerciaux, vus aussi dans la perspective du changement entre passé et présent, et constituent un corpus d’un très
grand intérêt dans l’économie générale du projet, aussi bien pour la variété que
pour la qualité des données recueillies.
4
Allocution de bienvenue
Teresa Charles
Assesseur à l’Éducation et à la Culture
Mesdames et Messieurs les participants,
je vous adresse une chaleureuse bienvenue à ce colloque au thème particulièrement intéressant qui se déroulera,
durant trois jours, dans trois communes
différentes, ce qui vous donnera l’occasion de voir quelques endroits de la
haute Vallée d’Aoste, ce qui ajoute de
l’intérêt à l’argument qui nous réunit,
c’est-à-dire Alimentation traditionnelle en
montagne.
Ce thème s’insère dans le cadre d’un grand
projet communautaire, le projet Paysages à
croquer - Valorisation culturelle des paysages
agricoles patrimoniaux. Ce titre a aussi un
double sens : d’abord un sens matériel, c’est-à-dire dans le sens de croquer
quelque chose de matériel, comme on savoure, n’est-ce-pas, des aliments, de
bonnes choses ou des choses savoureuses qui ont la saveur d’antan ; il s’agit
aussi d’un sens symbolique, parce que le paysage à croquer c’est aussi notre
paysage, celui qui nous entoure et que nous devons savoir savourer, mais aussi,
et surtout, savoir sauvegarder. Ce double sens est, je crois l’esprit de ce projet.
Je regrette de ne pas pouvoir assister à toutes les communications, car les
arguments qui sont traités me semblent d’un énorme intérêt. En effet, tous les
thèmes ayant un rapport avec l’alimentation d’antan son traités ainsi que les
symboles, le rite ou les rites liés à l’alimentation, sans oublier l’aspect scientifique qui ne peut faire défaut au sein d’un tel colloque. Je me ferai donc un plaisir de lire les actes qui seront publiés et qui seront, sans aucun doute, d’un très
grand intérêt.
Je vous souhaite donc trois journées de bon travail en espérant que vous
savourerez tout ce qui vous sera proposé.
Merci de votre attention.
5
Allocution de bienvenue
Robert Vicquéry
Assesseur à l’Agriculture, aux Ressources
naturelles et à la Protection civile
C’est avec un vif plaisir mais aussi une
certaine curiosité que j’ai accepté d’être
parmi vous aujourd’hui. Je tiens cependant à vous avouer que lorsque j’ai pris
connaissance du projet Paysages… à croquer, je me suis demandé s’il n’était pas
un peu trop ambitieux… Par la suite, je
me suis rendu compte, petit à petit,
qu’il s’agit d’un projet concret même si
quelque peu ambitieux.
Le travail que vous faites est un travail
excellent et qui présente deux facettes
d’une même médaille : d’un côté l’aspect
culturel, pour nous rappeler l’histoire de
la Vallée d’Aoste qui nous est très chère
et, de l’autre, l’aspect économique, qui est davantage du ressort de l’assessorat
que je représente, un aspect particulièrement important à un moment où la
Vallée d’Aoste aussi est touchée par la crise économique aussi bien au niveau
national qu’international.
En essayant d’être bref, je tiens à souligner deux choses : dernièrement le
Gouvernement régional a approuvé une délibération qui concerne le château
de Sarre, toujours dans le cadre du projet Paysages… à croquer, qui aboutira à
une excellente initiative, du moins selon mon point de vue personnel, c’est-àdire la création d’un verger didactique, un site à l’avant-garde non seulement
au Val d’Aoste mais aussi au niveau européen. Je suis fier de vous annoncer
cette prochaine réalisation qui est le fruit de nombreuses heures de travail et
dont je pense que demain le directeur du service Phytosanitaire, Monsieur
Bondaz, vous parlera.
Deuxième chose que je tenais à souligner : les produits typiques et les produits traditionnels qui seront traités dans la partie économique du projet. Nous
sommes en train d’assister à un moment historique délicat : au niveau européen, seuls l’Italie et en partie la France, sont en train de défendre le thème
des produits typiques. Un grand lobby international allant de l’Australie à
l’Amérique et aux Pays du Nord est en train de se former… un véritable cartel
7
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
comme on dit, qui est en train de mener une dure bataille contre les produits
typiques et les produits traditionnels. Une bataille que l’on risque de perdre du
point de vue juridique. Donc, comme se défendre ? Évidemment des initiatives
comme celles d’aujourd’hui sont des initiatives locales, mais elles ont cependant une envergure importante en ce qui concerne la défense des produits, des
produits de niche qui sont les seuls en mesure de donner du ressort économique au Val d’Aoste.
Merci donc pour cette initiative. Continuez sur votre lancée, j’oserais presque dire continuez le combat, car il s’agit vraiment d’un combat.
8
Usi del miele tra alimentazione
e simbologia nei secoli passati:
l’esempio della Valle d’Aosta
Corrado Adamo
Il miele, insieme ai prodotti dell’alveare,
viene raramente citato e ancor meno
trattato negli scritti relativi alla storia
dell’alimentazione rispetto all’importanza invece riservata ad altre produzioni
agricole e culinarie.
Il miele può essere considerato un prodotto naturale e selvatico che ha comunque avuto sempre un suo ruolo fondamentale anche in cucina dove successivamente è stato so ppiantato dallo zucchero.
Il miele è sempre stato usato e apprezzato dall’uomo fin dai tempi più remoti;
ciò ha contribuito alla creazione di una simbologia comune su tutto il pianeta
sia per il miele che per l’insetto che lo produce.
L’ape, essendo ritenuta asessuata, rappresentava verginità e castità, ma
anche operosità, ordine, purezza, coraggio e diligenza. Diverse religioni hanno
da sempre abbinato l’ape alla vita e alla morte facendone un simbolo di immortalità per antonomasia. Se la figura dell’ape è legata alla vita e alla morte, il
miele non può che essere simbolo di rinascita e usato nei riti religiosi legati alla
fertilità e virilità. In particolare, in Valle d’Aosta, un simile aspetto di costume
legato alle api, si manifestava quando un componente della famiglia dell’apicoltore o l’apicoltore stesso moriva. Era uso apporre su ogni alveare un drappo nero come se le api potessero interagire con le forze superiori, essere portatrici del lutto o parteciparvi alla stregua degli altri componenti del nucleo
familiare. Questa usanza, che appartiene a tutta la regione, spiega da sola
l’importanza che da sempre l’uomo ha attribuito alle api.
Usi e costumi
Volendo comunque ripercorre alcuni secoli di storia alla ricerca degli usi e
dei costumi dell’area pedemontana ed in particolare della Valle d’Aosta dobbia9
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
mo comunque prendere atto che le fonti storiche riferibili al miele sono scarse
anche se, leggendo tra le pieghe della storia, si possono trovare tracce evidenti di
una pratica tanto antica quanto e più dell’uomo. La traccia più evidente del passaggio delle api e del miele attraverso i secoli è stata da sempre la cera ed è attraverso la cera che, negli antichi testi, fin dal XIII secolo, si comincia a sentire l’odore del miele. Gli scritti redatti dai notai o dai cellerari del tempo ci raccontano di
eredità, contratti, entrate ed uscite, sempre relativi ai bugni villici ed alla cera e,
raramente, al miele, ma non certo ai suoi utilizzi in cucina dandoli per scontati e
di nessuna rilevanza economica o politica poiché pratiche giornaliere.
Ritornando a leggere la storia della Valle d’Aosta, il reverendo King nel
1855, raggiunta la conca di By, dice:
«La Valpelline gode di una infelicissima strada […]
L’approvvigionamento dei viveri è difficile, ad eccezione fatta del latte, dei formaggi e del miele».
Proprio il fatto di affiancare il miele al principale prodotto dell’agricoltura
valdostana ci lascia intendere dell’importanza del miele in Valle d’Aosta, anche
nell’alimentazione.
Com’è dunque possibile che nessun testo esalti il miele relativamente al
suo utilizzo in cucina? Perché sono così scarse le fonti? Perché anche se non lo
si produceva seguendo delle precise tecniche agricole il miele era a disposizione? Il miele è stato uno dei primi alimenti consumati dall’uomo e, come
1930. Fierezza e orgoglio di un apicoltore valdostano davanti al suo ordinato apiario (archivio
BREL, collezione Brocherel-Broggi)
10
Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati
tale, dato quasi per “ scontato” perché comunque sempre presente, forse non
in grandi quantità ma sufficiente almeno all’economia famigliare o del gruppo. In effetti si è sempre trattato di un bene facilmente reperibile, poiché frutto della natura e di un insetto libero e selvatico e quindi, inaspettata fonte di
guadagno e alimentazione.
A fine ottocento, quando il mercato richiese maggiori e più regolari produzioni non accontentandosi più di quanto la natura potesse offrire, si passò
dalla “ rapina” del miele alla sua “ produzione” e ciò venne esplicitato anche
dall’agronomo valdostano Laurent Argentier che l’8 settembre 1878 scrisse:
« il ne suffit pas de tenir des abeilles, il faut encore les cultiver» .
Sempre percorrendo il tempo alla ricerca di usi e costumi è forse il caso di
soffermarsi su di una “ voce” molto interessante estratta dai mazzi della
Castellania di Quart, alla fine del XIV secolo, relativa ad “ Apes orti” , “ api da
giardino” ovvero bugni posti nelle vicinanze del castello e controllati da villici a
tale scopo incaricati; vere e proprie bugnerecce i cui prodotti dovevano servire
per gli usi del castello. La specifica “ orti” può essere un modo per differenziare
alveari raggruppati in bugnerecce rispetto a sciami situati nei boschi intorno al
castello anch’essi comunque conosciuti e vigilati. L’albero che custodiva lo sciame poteva anche essere segnalato o marcato ed eventualmente concesso in affitto a qualche contadino, oppure ancora poteva restare proprietà del Signore il
quale pagava il servizio prestato al guardiano degli alveari che è lecito pensare
avesse comunque altri compiti all’interno del dominio.
Il fatto che, nei conti delle castellanie, le citazioni relative al miele siano
comunque scarse, mentre abbondanti sono quelle relative alla cera, ci può fare
azzardare un’ipotesi partendo da basi e conoscenze molto più ampie riguardanti gli usi ed i costumi della vecchia Europa dell’epoca medioevale.
Considerato che lo zucchero non era un bene molto utilizzato poiché
costoso, riservato a ordini ecclesiastici specie in occasioni e ricorrenze religiose, ai signori ed alle nobili famiglie, e che il suo uso era anche legato alla
medicina quale curativo, si può ritenere che il miele svolgesse la comune funzione di dolcificante in cucina e per il consumo tal quale. Le api potevano
quindi essere un bene della castellania ed il relativo miele usato per il consumo diretto non passando tramite registrazioni contabili se non presente in
eccesso e quindi venduto.
Volendo esaminare il valore economico del miele nel tempo si può osservare
come nella raccolta delle leggi e degli usi in vigore nel ducato, pubblicato per la
prima volta a Chambery nel 1588 la L. Pomar titolato “ Coustumes du Duché
d’Aouste” , al titolo ventesimo del libro secondo, ci si occupa di quello che devono i singoli feudatari al Signore trattando così l’argomento in XXIX articoli.
All’art. IV si specifica quale valore deve essere attribuito ai diversi beni che era11
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
no evidentemente utilizzati come pagamento in natura. Tra i diversi cereali, selvaggina, carni, vini, frutta secca, paglia e fieno, formaggi, castagne e legumi, si
trova anche la cera ma non il miele.
[…
] la livre de cire au poids de livrail cinq escus.
Ciò a significare che ogni libbra di cera valeva, nel conteggio di quanto dovuto dal feudatario al Signore e salvo diversi contratti, un valore pari a cinque scudi. Se ora confrontiamo una libbra di cera, con altri prodotti ci rendiamo conto
del valore di questo prodotto in quei secoli passati quando ancora non esistevano
succedanei e metodi alternativi per l’illuminazione ed i riti liturgici: una pecora
valeva quanto una libbra di cera e lo stesso dicasi per un septier1 di vino rosso.
Sempre per capire l’importanza del miele si pensi che al confine con il vicino Piemonte, lo stesso pagava la medesima tariffa dell’olio d’oliva, bene prezioso in zone di montagna.
Dalla lettura dei contratti notarili possiamo trarre ulteriori informazioni circa gli usi codificati in ambito agricolo in Valle d’Aosta. Osserviamo allora come
da un atto redatto dal notaio Vercellinus de Vallexia, de Lillianes, il 6 dicembre
1321, l’affittuario dichiara di tenere
Il rododendro è la più preziosa fonte nettarifera per gli apicoltori valdostani (foto Corrado
Adamo)
12
Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati
«in commanda secundum bonum usum terre […
apium»,
] unum vas
il che indica comunque un uso generale per l’epoca, promettendo di curalo
e conservarlo alla condizione di trattenere a suo consumo la metà della cera e
del miele prodotti. Allo stesso modo, a Perloz nel 1334, da una ripartizione dei
beni tra tre fratelli della casata dei Vallaise, risulta che a Jean spetta, oltre al
resto, la petite cour «ubi dicti frates tenebant apes» a conferma dell’ormai consolidato uso di raccogliere i bugni in bugnerecce per disporre di miele e per controllare la proprietà2.
A conferma poi che il clero giocava un ruolo importante non solo per lo sviluppo dell’agricoltura e dell’apicoltura locale ma anche per il consumo diretto dei
relativi prodotti in primis la cera, ci viene in aiuto lo storico Tibaldi che inquadra
le informazione nel periodo dell’impero e dei Conti di Savoia (1032-1416).
[…] Estesa era l’educazione dell’ape. Non essendo conosciuto lo zucchero, il miele era la base di ogni dolciume.
La cera era ricercatissima per le candele da altare. In
quasi tutti i presbiteri, negli ospizi, negli istituti ecclesia-
Apiario in produzione durante il periodo estivo in alta quota per la raccolta di miele millefiori e di
rododendro (foto Corrado Adamo)
13
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
stici tenevansi apiarii. Alcuni di questi ospizii (quello
della Clusa a Gignod e delle Colonne in Aosta) erano
censiti per la cera a favore del vescovo.
Per quanto riguarda invece le ricorrenze e le feste l’unica informazione oggi
disponibile si riferisce ad una festa del miele che si svolgeva ancora negli anni
‘60, nel comune di Avise, una settimana dopo la festa delle ciliegie.
Il miele nell’alimentazione
Il miele è sempre stato considerato un alimento divino: presso i Boscimani
in Africa, presso le popolazioni dell’Oman, presso gli Egizi e presso i popoli
Nordici, passando dalla cultura Greca alle culture indoeuropee e celtiche. Usato
da sempre come dono agli dei, come alimento propiziatorio e nei sacrifici per
averne dei favori. Spesso usato più come rimedio curativo che come alimento
di comuni mortali.
È indiscutibile il fatto che il modo migliore per consumare l’alimento degli
dei è mangiarlo tal quale, ma nella cucina il miele ha da sempre ricoperto sia il
ruolo del protagonista che quello di semplice ingrediente. Si pensi al suo consu-
Il miele millefiori della Valle d’Aosta: aromatico, intenso e dai toni caldi (foto Corrado Adamo)
14
Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati
mo diretto dal favo fino alla fermentazione alcolica che darà origine a bevande
capaci di abbattere il più possente dei guerrieri quali l’idromele.
In cucina, il miele, si può accompagnare con le carni (prosciutti, arrosti di
bovino, agnello, stinco di maiale) ma anche con il pesce (insieme al burro) abbinato con agrumi (arancia e limone) o ciliegie e kirsch o per piatti dai gusti più
intensi e meno fruttati con erbe aromatiche, timo, pepe nero e zenzero o altre
spezie. Determinante il suo utilizzo per la preparazione dei dolci fino a quando
lo zucchero non divenne bene di consumo di tutta la popolazione e non solo di
clero e signori. Gli accompagnamenti prediletti sono quelli con il vino, le spezie, la frutta esotica, i prodotti del latte dai formaggi al burro e i prodotti da forno anche se risulta esaltante accompagnato a delle carni salate e speziate.
Nei secoli passati, il miele era evidentemente usato nella preparazione dei
cibi nelle cucine valdostane e, sicuramente più di oggi, veniva offerto i viaggiatori che attraversavano o sostavano nella nostra regione. Così risulta da due lettere dell’agosto del 1824 e del luglio del 1853 scritte da viaggiatori inglesi nelle
quali gli stessi evidenziano che nelle ricche colazioni offerte nelle locande ai
diversi viandanti, oltre a uova, salsicce, pollo, vino, formaggio, cotolette, caffè,
pane e burro era servito anche del buon miele.
Alcune semplici ricette, di oggi e di ieri, a base di miele
– Miele e polenta
Dopo aver raccolto il primo miele ottenuto dalla filtrazione con tela (detto
anche “ miele crudo” ) si faceva scaldare il pane di opercoli e cera presente nella
tela strizzata con il miele ivi imprigionato, ottenendo così un miele più scuro
detto “ miele cotto” , che si usava mangiare insieme alla polenta.
– Miele e pane come antipasto
L’attuale antipasto rappresentato da un tagliere di salumi vari un tempo era
considerato il piatto unico di un pranzo anche frugale mentre il solo antipasto
che doveva stuzzicare l’appetito poteva essere un pezzo di pane nero fresco con
burro (evidentemente di panna) e miele.
– Castagne cotte e miele
Eliminata la buccia esterna si fanno lessare delle castagne, preferibilmente
secche, per circa trenta minuti. Eliminare la buccia interna, e mescolare delicatamente a del burro fuso. Versare le castagne, ancora calde, in un piatto e cospargerle con miele preventivamente fluidificato a bagnomaria in modo da mantenere intatte le sue caratteristiche.
– Caffè energizzante
Il miele veniva utilizzato come energizzante nel caffè della mattina, prima
dell’inizio del faticoso lavoro quotidiano. Dentro una casseruola veniva fatta
15
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
scaldare dell’acqua e, al momento dell’ebollizione, veniva aggiunto del caffè
macinato, un buon cucchiaio da minestra colmo di miele e una piccola noce di
burro; il tutto rimescolato e servito dopo che il caffè si fosse depositato.
– Miele, latte e viole
Grazie anche alle proprietà fluidificanti e decongestionanti del miele del
cavo orale, era pratica comune utilizzarlo mescolato a latte caldo e viole del
pensiero essiccate.
– Grappa al miele
Alla grappa, meglio se locale per la ricchezza di aromi e profumi e di alta
gradazione, si unisce il miele (di millefiori o di castagno). In un litro di grappa
si aggiungono, a seconda del gusto e delle caratteristiche aromatiche del miele,
dai 700 gr ad 1 kg di miele. Il prodotto viene poi posto a riposare per quaranta
giorni e periodicamente rimescolato. Successivamente, il liquore va filtrato con
carta-filtro, cercando di non smuovere il sedimento di miele creatosi sul fondo.
A questo punto la grappa al miele è pronta: grazie al miele vengono esaltate le
caratteristiche aromatiche e stemperato il grado alcolico della grappa con le
note dolci e serbevoli del miele di montagna.
Dagli antichi manoscritti si può ricavare che esistevano diverse bevande e
liquori a base di miele in uso nell’area pedemontana e valdostana fin dai tempi
più remoti anche se vi è un po’ di confusione nell’uso dei nomi, specie quando
si vogliono raccogliere sotto il semplice termine idromele che in definitiva è la
fermentazione di miele e acqua.
Il vino nei secoli passati, a causa delle condizioni igieniche e della scarsa
tecnologia, non era sempre bevibile ma, buono o cattivo che fosse, poteva essere migliorato con l’uso del miele. Anna Maria Nada Patrone3 ci riporta due
ricette a base di vino e miele in uso nell’area pedemontana: Vinus claretus o
claretum sive stelladia e il Vinus mulsus seu nectar. La certezza che queste bevande
fossero prodotte anche in Valle d’Aosta ci viene dai registri del priorato di
Sant’Orso conosciuti come “ Computa Sancti Ursi” .
Il Claretus è fatto a base di vino rosso. Il mosto fermentava con tutte le vinacce e veniva poi aggiunto del miele che ammorbidiva la bevanda alla quale si
aggiungevano sempre delle spezie che marcavano il liquore lasciando, insieme
al miele, una impronta gustativa importante. Le spezie usate erano lo zenzero,
il cardamomo, il pepe, lo zafferano, la noce moscata, la cannella e i chiodi di
garofano. Nelle abitudini del priorato di Sant’Orso questa bevanda era preparata per le feste pasquali e natalizie.
Altra bevanda alcolica a base di miele era il Nectar che veniva servito
ai canonici durante i giorni festivi del periodo liturgico che va da Pasqua
all’Avvento. Si può pensare che questa bevanda sia quella più simile all’idromele laddove la semplice aggiunta d’acqua al miele permette già l’avvio della
16
Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati
fermentazione, allo scopo di ottenere una bevanda piacevole e da meditazione,
dolce e tranquillizzante.
Ai tempi nostri gli usi sono molto più generalizzati e scarsamente riferibili a
realtà locali per via del mercato allargato o peggio ancora globalizzato. A proposito delle consuetudini, è da segnalare che nel 1975 l’Amministrazione regionale nominò una commissione per accertare e trascrivere quali fossero gli usi
ricorrenti nell’agricoltura valdostana. Dai risultati pubblicati in un opuscolo
non risultarono usi comuni vigenti nel campo apicolo.
Per motivi sanitari e di corretta tecnica apicola è ormai scomparso l’uso dei
tronchi cavi per la moltiplicazione delle famiglie e tutti i relativi usi e contratti
che ne traevano vita; la riduzione dei costi la facilità di reperire i materiali ed i
prodotti finiti realizzati in serie, hanno cancellato gran parte degli usi e dei
costumi che davano cadenza ed importanza alle piccole attività agricole.
Resta ormai solo la consuetudine divenuta norma relativa all’articolo 924 del
Codice Civile che fa riferimento al diritto del proprietario dello sciame d’api di
inseguire lo stesso sul fondo altrui; tale diritto può essere esercitato nei due giorni successivi alla sciamatura, tempo trascorso il quale il proprietario del fondo
diventa a sua volta proprietario delle api. Nel codice civile si ribadisce poi la
responsabilità del proprietario di un animale per i danni provocati a terzi.4
N O T E
Septier, sestarium, contiene 44,8 litri ovvero due hémines.
O. Zanolli, Lillianes,Vol. I, Musumeci, Aosta, 1985, pag. 362.
3
A.M. Nada Patrone, Il cibo del ricco ed il cibo del povero, Centro studi piemontesi,
Torino, 1989.
4
Per approfondimenti: C. Adamo, Apicoltura in Valle d’Aosta, ed. Le Château, Aosta, 2003.
1
2
17
Tradizione e innovazione
nelle produzioni casearie artigianali
Roberto Ambrosoli
Premessa
Il discorso che segue è riferito dichiaratamente alle produzioni casearie artigianali ma può essere esteso, nelle intenzioni di chi scrive, a tutte quelle produzioni agroalimentari che per il momento
definiremo semplicemente come “ non
industriali” .
Ciò che ha portato alla progressiva rivalutazione di questo tipo di manifatture,
è la constatazione che i prodotti industriali sono in genere caratterizzati da
un’elevata standardizzazione qualitativa
(costanza e uniformità sensoriale) e sicurezza igienico-sanitaria, ma da scarsa “ personalità” sul piano delle caratteristiche organolettiche. I prodotti non industriali (caseari-montani, ma non solo)
sono invece ben più interessanti per gusto e aroma, oltre che per molteplici
aspetti storici e culturali.
Prodotti tradizionali, tipici, artigianali
Tali prodotti vengono identificati di volta in volta come “ tradizionali” , “ tipici” o “ artigianali” . Il primo termine indica un forte legame con l’eredità tecnologica di una particolare area geografica, il secondo allude a un’identità organolettica ben definita, il terzo fa riferimento a dimensioni produttive piccole o medio/piccole.
Nell’uso comune sono spesso usati indifferentemente, come se corrispondessero a concetti equivalenti. Il che, in realtà, non è sempre vero.
Esistono infatti prodotti tipici, cioè dotati di elevata personalità gastronomica, che non sono (ormai) per nulla artigianali: i formaggi Gorgonzola e
Parmigiano-Reggiano ne sono un esempio. E prodotti artigianali che non sono
affatto tipici: molti formaggi prodotti a livello familiare in tutto l’arco alpino
19
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
nord-occidentale presentano una tale variabilità di forme, aspetto, consistenza,
qualità, anche nell’ambito del singolo produttore, da rendere difficile una
descrizione dei caratteri della loro identità (la “ tipicità” non può risiedere nella
“ mancanza di tipicità” ). Ed esistono anche (ahimè) prodotti artigianali che non
sono affatto tradizionali, frutto di invenzioni, ripescaggi di tecniche “ aliene” ,
tentativi di innovazione, lodevoli ma non sempre sostenuti da adeguata competenza (non facciamo esempi, per non offendere nessuno). Così come esistono
prodotti certamente artigianali e tipici ma non tradizionali: molte Tome piemontesi fabbricate da piccoli/medi caseifici con latte pastorizzato e impiego di
fermenti lattici di origine industriale sono dotate di un’identità precisa e costante, ma non sono ancorate ad alcuna specifica tradizione casearia.
Dei tre concetti, quello che con maggiore immediatezza si contrappone alla
manifattura industriale è il certamente concetto di “ artigianalità” , che implica
non solo dimensioni aziendali contenute, ma anche una politica produttiva e
gestionale (organizzazione interna, rapporto con il mercato e il territorio…)
alternativa (e, per chi scrive, preferibile) a quella aggressiva e spregiudicata dell’industria. Ma è facile riconoscere che il puro e semplice riferimento all’artigianalità è troppo poco per trasformare tale concetto in un valore capace di opporsi
a quelli insiti nella produzione industriale. Senza il contributo della tipicità e
della tradizione, è assai improbabile che si possano ottenere risultati positivi e
duraturi per conservare la diversificazione del nostro patrimonio culturale,
anche nell’ambito (solo apparentemente secondario) della varietà alimentare e
della gastronomia.
Artigianalità e controllo tecnologico
Proprio partendo da quest’ultima osservazione, è necessario constatare che
all’artigiano caseario, e più in generale agroalimentare, sono offerti, oggi, strumenti incompleti per potere, diciamo così , inserire nella propria attività anche i
valori della tipicità e della tradizione. Nel senso che, per far convivere efficacemente in un prodotto i tre aspetti, è necessario un altro elemento la cui disponibilità non deriva in modo automatico e totale dal solo rispetto dei tre valori essenziali. Tale elemento è il controllo tecnologico, la padronanza del processo di trasformazione della materia prima al fine di ottenere, con ragionevole prevedibilità, il
risultato desiderato. Non dimentichiamo, infatti, che al di là di ogni altra considerazione, si produce per vendere, e pertanto si devono necessariamente rispettare
le esigenze del mercato e le norme vigenti. Il che significa che i prodotti artigianali, oltre ad essere contemporaneamente tipici e tradizionali, devono anche essere
costanti organoletticamente (esigenza del mercato) e sicuri dal punto di vista
igienico-sanitario (norme vigenti). E tale binomio di costanza e sicurezza non può
essere ottenuto senza un’adeguata capacità di controllo tecnologico.
Può suscitare qualche perplessità l’affermazione che il controllo tecnologico
non derivi in modo automatico e totale da alcuno dei tre valori essenziali. Tra
20
Tradizione e innovazione nelle produzioni casearie artigianali
essi, è soprattutto la tradizione ad essere frequentemente citata come “ fonte di
ispirazione” tecnologica, con l’appello un po’ scontato a “ fare come i nostri
padri” (o nonni). E non si può negare che nella tradizione sia possibile trovare
indicazioni preziosissime e fondamentali per la gestione, ad esempio, di una
caseificazione d’alpeggio o l’impiego di un’erba aromatica per un infuso. Ma è
anche innegabile che le tecnologie tradizionali siano basate su conoscenze
scientifiche incomplete, o non adeguatamente trasmesse, e che la loro applicazione ai nostri giorni non sia sempre in grado, come tale, di garantire quella
prevedibilità del risultato produttivo di cui abbiamo bisogno (pensiamo a
qualcuno degli esempi fatti all’inizio). È quindi indispensabile che alle indicazioni tecnologiche della tradizione sia fornito un supporto, o meglio un’integrazione, per permetterle di arrivare a una meta (costanza e sicurezza) alla
quale i nostri antenati non attribuivano l’importanza che attualmente le viene
riconosciuta.
Ricerca scientifica
Ciò significa che bisogna adeguare le tecnologie tradizionali, e più in
generale i prodotti tradizionali-tipici-artigianali, ai canoni della produzione
industriale? Assolutamente no, né chi scrive ha intenzione di proporre alcunché di simile alla rinuncia, anche parziale, di quelli che abbiamo definito i
valori essenziali. Significa piuttosto che la ricerca scientifica, almeno quella
sensibile a tali valori, deve impegnarsi a fornire all’artigiano trasformatore
(di montagna come di pianura, valdostano come calabrese) strumenti culturali e tecnici atti a migliorare il più possibile la sua capacità di controllo
tecnologico, affinché possa far convivere le tre esigenze fondamentali di tradizione, artigianalità, tipicità, con quelle moderne di costanza organolettica e
sicurezza alimentare.
È un compito che spetta alla ricerca scientifica, intesa nell’accezione più
ampia del termine, perché comporta una serie di operazioni complesse, di non
rapida esecuzione, in cui è ipotizzabile il concorso di competenze diversificate.
Si tratta prima di tutto di definire con precisione, per ogni prodotto preso in
considerazione, i tre aspetti, cioè stabilire cosa si debba intendere, in quel caso,
per tipicità, tradizione, artigianalità. Questo comporta dare risposta a una serie
di domande, di cui facciamo qui alcuni esempi. Per la tipicità: quali sono le
caratteristiche che si intendono salvaguardare e/o ottimizzare? quali sono gli
indici per esprimerle? quali sono i limiti ottimali e quali scostamenti sono
ammissibili? Per la tradizione: quali sono gli interventi tecnologici tradizionali
e quali sono rilevanti ai fini della tipicità? Per l’artigianalità: quali sono le
dimensioni aziendali e la disponibilità di attrezzature? Eccetera. Sono domande
le cui risposte si integrano a vicenda, nel senso che hanno valenza trasversale ai
fini della identificazione del prodotto, in partenza genericamente definito come
non industriale.
21
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Successivamente, bisogna estrapolare da questo complesso di connotati
identificativi gli interventi atti a fornire agli addetti le basi per esercitare il
necessario controllo tecnologico del processo produttivo. Questi interventi possono essere di natura esclusivamente culturale (formazione, assistenza, informazione legale), oppure di tipo tecnico (innesti microbici con particolari caratteristiche, strumentazione analitica), oppure entrambe le cose. Il successo, nella
prospettiva di salvaguardare la diversità alimentare, dipende comunque dalla
sintonia tra questi interventi e l’identità del prodotto preso in considerazione.
In sostanza, dalla sintonia tra il tipo di controllo tecnologico proposto e i tre
valori di tipicità, artigianalità, tradizione.
È un compito difficile, ma non impossibile da realizzare, e lo dimostra il fatto che l’impresa, con buoni risultati, è già in corso per diversi prodotti, ad opera
di numerosi gruppi di ricerca e con l’appoggio di istituzioni ufficiali. Questo
colloque ne è una testimonianza.
22
Gli alimenti fermentati
della tavola valdostana
Andrea Barmaz
La fermentazione può essere definita
come un processo di trasformazione biologica di un alimento che provoca risultati positivi anziché il suo deterioramento; con la fermentazione un alimento
grezzo, sia di origine vegetale che animale, subisce una modificazione ad opera
delle attività enzimatiche di microrganismi (batteri, lieviti e muffe) che traggono
energia per la loro vita da tale processo
(biotecnologie tradizionali).
Con il termine fermentazione si intende
in senso più esteso il fenomeno della crescita esponenziale di microrganismi in un
substrato come nel caso della fase tumultuosa della fermentazione vinaria o della lievitazione del pane.
La fermentazione spontanea di succhi di frutta indica chiaramente che la fermentazione degli alimenti precede la storia umana; i primi alimenti fermentati
sono nati per caso: i Babilonesi sfruttavano già tale processo intorno al 5000 a.C.; le
prime testimonianze di produzione di formaggi risalgono addirittura al 6000 a.C.
Gli alimenti fermentati fanno quindi da sempre parte della dieta umana:
ancora oggi circa il 20% della dieta dei paesi sviluppati è composta da alimenti
fermentati mentre nei paesi in via di sviluppo la percentuale può anche superare il 50%; esistono più di 3500 tipi diversi di alimenti fermentati nel mondo
ottenuti a partire da materie prime vegetali e animali (prodotti fermentati indigeni). Il ruolo dei microrganismi nelle fermentazioni alimentari è stato scoperto
solo da 150 anni con Pasteur ma la scienza ha fatto passi da gigante nella tassonomia, ecologia, fisiologia e genetica dei microrganismi coinvolti nelle fermentazioni alimentari; anche l’Institut Agricole Régional ha dedicato particolare
attenzione a questi temi nei suoi lavori di ricerca.
Molteplici sono gli effetti positivi delle fermentazioni degli alimenti:
- miglioramento dell’appetibilità (colore, odore, sapore, aroma, tessitura);
- migliore assimilazione degli alimenti (digeribilità);
23
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
- arricchimento della dieta (proteine, amminoacidi essenziali, acidi grassi,
enzimi, vitamine, probiotici);
- antagonismo microbico (azione di competizione con microbi dannosi:
patogeni e degenerativi);
- risparmio di tempo e energia nella preparazione degli alimenti.
Principali gruppi di microrganismi in alimenti fermentati
Microrganismi
Alimenti
Batteri lattici (Streptococcus, Lactococcus,
Lactobacillus, Leuconostoc, Enterococcus… )
formaggi, latti fermentati,vegetali
fermentati, carni fermentate, vino e
prodotti da forno
Propionibacterium
formaggi
Staphylococcus
salumi
Brevibacterium
formaggi
Lactobacillus, Leuconostoc, Enterococcus
vegetali fermentati
Streptomyces
salumi
Saccharomyces
bevande alcoliche, pane e prodotti
da forno
Debaromyces
salumi e formaggi
Penicillium
formaggi e salumi
Acetobacter
aceto
Vini, formaggi e salumi sono diventati il simbolo della produzione tipica
valdostana attraverso il riconoscimento dei marchi collettivi di qualità DOC
Valle d’Aosta, DOP Fontina, DOP Vallée d’Aoste Fromadzo, DOP Vallée d’Aoste,
Lard d’Arnad e DOP Vallée d’Aoste Jambon de Bosses. A questi si aggiungono i
Prodotti Tradizionali (con più di 25 anni di storia) che sono registrati nell’elenco
del Ministero delle Politiche Agricole: boudin, motsetta, saoucesse, teteun, tser
achètaye, brossa, formaggio di capra a pasta molle, formaggio di pecora o capra a pasta
Principali alimenti fermentati della tavola valdostana
Origine
Animale
Origine
Latte
fontin-a, fromadzo, seré, salignón, beuro
Carne
saouceusse, boudeun, salà n, djambón, tser achètaye,
motsetta, lar
Cereali
pan ner, flantse, crèissèn, mecoulén
Verdura
repouta
Frutta
veun (pequetta), veun di pomme, veun-égro, veun-égro
di pomme, (éédevia, deustilà de frute)
Vegetale
24
Gli alimenti fermentati della tavola valdostana
pressata, formaggio misto, reblec, reblec de crama, salignoùn, séras, toma di gressoney,
beuro, burro di affioramento, beuro colò, beuro de brossa, burro centrifugato di siero.
Nella produzione di formaggio la coagulazione e la fermentazione sono i
passaggi chiave del processo di trasformazione. Molti batteri fermentano il lattosio ma nel latte crudo non sono presenti solo quelli utili: la buona riuscita della trasformazione dipende dall’azione dei batteri lattici che non solo devono
essere presenti nella materia ma che devono anche potersi affermare come
microflora dominante.
Dagli studi che l’Institut Agricole Régional ha condotto sulla Fontina per
studiare le popolazioni microbiche presenti nel latte destinato alla caseificazione e le loro dinamiche di sviluppo nel corso della stagionatura del formaggio è
emerso che la qualità igienica del latte crudo è ottima; ciò comporta però il problema dell’assenza o carenza di microflora lattica indispensabile dal punto di
vista tecnologico. Per ovviare a questo problema per molti formaggi si ricorre
normalmente all’impiego di colture selezionate di batteri lattici commerciali.
All’Institut Agricole Régional si è invece provveduto a studiare stipiti di fermenti lattici isolati da Fontina di alpeggio con l’obiettivo di identificarli, collezionarli e utilizzarli in caseificazione.
Dallo studio è emerso che gli alpeggi valdostani sono fonti interessantissime di microflora filocasearia la cui eterogeneità genetica è spiccata; i ceppi isolati sono peraltro diversi rispetto ad altri provenienti da formaggi italiani di
montagna: le particolari condizioni tecnologiche unitamente alla zona di origi-
Sanguinetti comunicazione - Cooperativa produttori latte e fontina
25
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Fotografia di microcolonie di Streptococcus thermophilus in microcavità di formaggio
(10 000 x) tratto da I microrganismi lattiero-caseari al microscopio elettronico a scansione, Bottazzi-Bianchi, edi-ermes, Milano, 1984
ne del latte sembrerebbero avere favorito la selezione di stipiti caratteristici
(autoctoni). I caseifici valdostani dispongono oggi di una coltura selezionata
liofilizzata per inoculare direttamente il latte di caldaia.
La microflora autoctona risulta quindi un altro fattore che comprova il legame tra terroir e prodotto per cui con la recente revisione del disciplinare di produzione della Fontina si è provveduto a regolamentare l’uso dei fermenti limitandolo a quelli indigeni.
Una ricerca simile è già iniziata con la selezione clonale di lieviti autoctoni
per vinificazione e altre si prevedono per il futuro per la microflora dei prodotti
tipici a base di carne.
26
Alimentation traditionnelle,
ou néo-terroirs ?
Quelques observations au sujet du dispositif
AOC-IGP en train de se construire en Suisse
Stéphane Boisseaux
L’expression “ construction sociale des
produits de terroir” , proposée il y a 10
ans par Laurence Bérard et Philippe
Marchenay (Bérard Marchenay 1995),
n’a jamais été aussi vraie que dans le cas
des nouvelles AOC et IGP en Suisse. Les
produits de terroir sont devenus à un
niveau encore inégalé un objet de politiques publiques et de stratégies de
développement. Ce constat atteint de
front l’idée romantique du produit de
terroir venu du fond des âges. A tel
point que l’on peut se demander si le
dispositif AOC-IGP1 sert principalement
à la sauvegarde d’une alimentation traditionnelle, ou s’il n’est pas surtout une
pièce parmi d’autres dans un jeu très contemporain de concurrence généralisée entre entreprises, entre secteurs d’activité et entre territoires.
Il y a ainsi plusieurs manières de lire les produits de terroir (Bérard
Marchenay 2004). Les points de vue historiques privilégient la succession de
leurs mutations individuelles, en rattachant celles-ci à une histoire plus
générale de l’alimentation. Les points de vue constructivistes, souvent issus
de la science économique ou de l’ethnologie, les interprètent en fonction du
contexte politico-économique actuel et les comparent non à leur ancêtres
mais à d’autres objets sociaux contemporains qui n’ont rien à voir avec l’alimentation. Nous nous proposons ici, à partir d’un terrain très situé (les
AOC-IGP en Suisse depuis 1992), d’exposer à l’aide d’exemples empiriques
quelques uns des mécanismes sur lesquels se fonde cette seconde lecture ;
notre but n’est pas de nier la profondeur historique des produits de terroir,
mais de montrer que la construction sociale dont ils sont l’objet en fait des
produits de leur époque au moins autant que des époques passées. Nous
partons ainsi du postulat selon lequel la prise en compte de la tradition relève d’une logique d’héritage : de éléments de tradition sont repris non pour
eux-mêmes, mais dans la perspective d’une valorisation liée à des règles
ultra contemporaines.
27
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Nous éclairerons ici trois aspects de cette relecture contemporaine des produits traditionnels, à partir du dispositif suisse d’AOC-IGP :
- l’investissement social très poussé auquel donne lieu la construction d’une
AOC ou d’une IGP en Suisse,
- l’existence d’une sorte de grammaire des AOC-IGP, c’est-à-dire d’un corpus de règles qui ordonnent ce que “ doit” être un “ vrai” produit terroir,
- l’intégration des produits de terroir aux stratégies des acteurs, qu’elles
soient sectorielles ou territoriales.
1. Investissement social et construction des “cahiers des charges”
Moins que jamais les produits de terroir ne sont une réalité spontanée.
Chacun d’entre eux est au contraire l’objet de l’attention de plusieurs groupes
sociaux : agriculteurs, artisans, commerçants, distributeurs, collectivités
publiques de tous niveaux, groupements de consommateurs... L’investissement
social dont sont l’objet les produits de terroir correspond vraisemblablement à
une tendance conjoncturelle mais profonde : l’attention accordée au patrimoine sous toutes ses formes (Guérin 2004), ressource tant économique que symbolique dans une globalisation supposée dé-territorialisante (Boisseaux
Leresche 2002).
Cet investissement se reconnaî t indubitablement au fait que la plus petite
caractéristique du produit de terroir devient enjeu de négociations, et de ce fait
est soigneusement formalisée dans un “ cahier des charges” . La plupart du
temps, le projet d’entrer dans le dispositif AOC-IGP est formé alors que n’existe
pas parmi les fabricants un consensus suffisant sur la manière dont doit être
obtenu le produit. Il y a alors divergence dans les pratiques et le sens à donner
au produit, ce qui fait ressortir d’autant la nécessité d’un éclaircissement consigné en des termes très précis dans un “ cahier des charges” .
Dans l’élaboration des “ cahiers des charges” AOC-IGP, il arrive donc fréquemment que la moindre virgule soit discutée. En Suisse, si la discussion
n’aboutit pas à un compromis, malgré tous les cadres et procédures de négociation prévus, l’enregistrement de l’AOC ou de l’IGP peut être contesté devant les
juridictions fédérales (Commission de recours du Département de l’économie,
puis Tribunal fédéral). C’est ce qui s’est passé pour plusieurs AOC et IGP en
Suisse. Jusqu’ici toutefois, aucune AOC ou IGP n’a été fondamentalement remise en cause par ces juridictions ; sans doute la perspective d’une éventuelle
défaite judiciaire conduit-elle tant les fabricants que l’autorité d’enregistrement
à soigner l’élaboration du “ cahier des charges” .
Exemple : le Gruyère AOC.
Ce fromage à pâ te mi-dure est principalement fabriqué
dans les cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâ tel et Jura. La
construction de l’AOC a nécessité dix ans de discussions, por28
Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ?
tant en particulier sur la définition du produit (spécifications
techniques) et de sa zone de production. Au moment de sa
publication, le cahier des charges a fait l’objet de plusieurs
dizaines d’oppositions ; on a évité in extremis la judiciarisation grâ ce à de longues tractations ayant finalement abouti à
un compromis. Signe de l’importance du “ dossier Gruyère”
dans les régions concernées, l’obtention définitive de l’AOC
en 2001 a donné lieu à une fê te de grande ampleur où étaient
présents plusieurs Conseillers d’É tat (ministres cantonaux).
À l’issue de ce long processus discuté et négocié, peu de points
sont finalement laissés à l’appréciation individuelle des fabricants (producteurs de lait, fromagers, affineurs).
Sur cette question de l’extrême formalisation, il faut aussi noter que les
règles de la certification ISO 65 (EN 45˙ 011) n’autorisent pas le groupement des
fabricants à accorder des dérogations une fois le cahier des charges fixé ; il faut
donc tout prévoir, tout définir d’avance.
Le dispositif AOC-IGP, dans une certaine mesure, autorise l’existence d’une
certaine diversité. Mais le processus de formalisation qu’il induit nécessairement oblige à définir ce qui est autorisé, obligatoire et interdit. Ce qui d’un côté
empêche les dérives et la banalisation du produit, mais peut conduire de l’autre
côté à brider la diversité et l’évolution du produit. Tel est sans doute le prix
d’un investissement social qui fait du produit un objet de valeur, tout en le soumettant à des forces sociales susceptibles de changer sa signification.
2. La grammaire des terroirs
Selon quelle logique construit-on, grâce au dispositif AOC-IGP, un produit
de terroir ? Si chaque virgule est discutée, le résultat de la discussion n’est pas
entièrement aléatoire. Il existe des registres d’argumentation relativement
stables, qui permettent de réduire l’incertitude et d’arriver à une solution certes
adaptée au produit mais qui reste “ dans le ton” général de la politique suisse
des AOC-IGP.
En théorie l’AOC ou l’IGP permettent la prise en considération pleine et
entière des spécificités locales, elles consacrent en somme une longue tradition
qui émerge d’elle-même ; c’est du moins ainsi que l’Office fédéral de l’agriculture, chargé en Suisse de tenir au niveau national le registre des AOC et des
IGP, présente d’ordinaire la philosophie du dispositif. En réalité, il faudra
compter aussi avec la structuration locale des intérêts et des rapports de force,
qui fera inexorablement pencher les règles du côté des opérateurs les plus puissants, et pas toujours de la tradition la plus noble. Mais il faut compter aussi
– et c’est ici le point qui nous importe – avec la dynamique propre du dispositif
AOC-IGP, qui normalise ce que “ doit être” un produit de terroir.
29
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
En Suisse, pour les fromages AOC, l’autorité fédérale d’enregistrement
(l’Office Fédéral de l’Agriculture) a ainsi défini des règles d’admission : lait
cru, fourrages locaux, délai rapide de travail du lait, durée d’affinage suffisante, toutes les étapes de la production à l’affinage dans la zone AOC. Ces règles
non écrites existent pour chaque catégorie de produits, quoique elles soient
plus fluctuantes lorsque le produit est seul représenté dans sa catégorie, et que
n’existent donc pas des points de comparaison (Pain de seigle valaisan,
Cardon épineux genevois, Safran de Mund, Rheintaler Ribelmaï s, ...). Il y a
également des règles de procédure et d’organisation : pour toutes les AOCIGP, il doit y avoir un groupement gestionnaire, au moins au moment du
dépôt de la demande d’AOC-IGP ; mais la dénomination protégée doit rester
libre d’usage pour les non-membres, à condition qu’ils respectent les règles de
l’AOC ou de l’IGP.
Plusieurs produits sont ainsi mis en cause, puis éventuellement restructurés
en fonction de cette grammaire qui va parfois à l’encontre des conceptions, pratiques et modes d’organisation locaux et traditionnels.
Exemple no 1 : L’Etivaz AOC.
Ce fromage d’alpage des Préalpes vaudoises a fondé son succès
sur une organisation collective très stricte, dont l’élaboration
a pris plus de cinquante ans. Actuellement, la septantaine de
familles impliquées chaque été dans la fabrication de ce fromage à pâ te mi-dure se regroupent au sein d’une Coopérative,
qui répartit les droits de production, affine les fromages et les
commercialise. Cette coopérative est une structure semiouverte : il est toujours possible d’y ê tre admis, mais une gestion jusqu’ici plutô t restrictive des droits de production a pu
conduire à des ajournements provisoires de l’admission.
L’obtention de l’AOC en 2000 était un défi à cette organisation collective. Les règles de l’AOC sont en effet plus
libérales : elles permettent en principe la production hors du
circuit coopératif, du fait que l’AOC n’est pas un droit de propriété détenu par la Coopérative, mais un droit d’usage lié au
territoire. Dans une telle configuration, les règles de l’AOC
auraient pu faire surgir ce que la Coopérative avait précisément cherché à éviter : les problèmes de cohésion de la filière,
de maî trise de la qualité et des quantités. La difficulté a été
contournée par l’introduction dans le cahier des charges d’une
disposition astucieuse qui empê che l’affinage dans des ateliers
de trop petite taille. La justification est essentiellement qualitative : le haut niveau qualitatif de l’affinage ne peut ê tre
garanti que dans les caves de la Coopérative, ou dans une
structure équivalente. De facto, mettre en place une structure
équivalente impliquerait l’intervention d’un groupement
alternatif ou d’un investisseur capable à la fois de financer
30
Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ?
l’équipement correspondant et de trouver suffisamment de
producteurs de fromage d’alpage pour que sa cave soit rentable. Autant dire que le frein à l’apparition de “ free riders”
est puissant. Le compromis ainsi trouvé permet de respecter à
la fois les règles de l’AOC et l’organisation locale traditionnelle ; il fallait “ en passer par là ” pour obtenir l’AOC.
Exemple no 2 : le Pain de seigle valaisan AOC.
Privilégiant la clarté du message, les professionnels n’ont
pris en considération pour l’AOC que la variante la plus
“ classique” de ce pain : seigle pur ou avec 20% de froment
au maximum, en format de 500g ou 1 kg. Les autres
variantes (petits pains, pains aux noix voire aux pommes de
terre) ne peuvent plus porter le nom “ Pain de seigle valaisan” ; il est vrai que l’AOC attribuée également au Pain de
seigle aux noix aurait impliqué une provenance valaisanne
des noix, ce qui n’était pas réalisable à court terme. Il a donc
fallu sacrifier une certaine diversité pour correspondre aux
canons de l’AOC.
Exemple n o 3 : Le Saucisson vaudois IGP et le Boutefas
(demande d’AOC en cours d’instruction).
Ces deux saucissons à cuire typiques du canton de Vaud et de
la Broye fribourgeoise (pour le second) se différencient en particulier par leur taille : ils sont embossés dans des boyaux différents. Mais la masse embossée dans ces deux sortes de
boyaux a toujours été identique dans la plupart des boucheries. Pourquoi dès lors une AOC pour l’un et une IGP pour
l’autre ? Le choix de l’IGP pour le Saucisson vaudois se justifie principalement par l’insuffisance de la production porcine
dans la zone de fabrication, qui ne permet pas une fabrication
AOC pour ces deux spécialités. Un projet de passage à l’AOC
– plus prestigieuse – pour le Saucisson vaudois impliquerait
la reconstruction à grande échelle d’une filière de production
porcine, avec des usages spécifiques : il faudrait réinventer par
tâ tonnements une tradition qui n’existe plus. De telles discussions ne sont pas rares, surtout pour les produits qui visent
l’AOC, plus exigeante que l’IGP.
3. Jeux et stratégies
Cette mise en forme des produits selon les règles de l’AOC ou de l’IGP vise
à leur donner une valeur d’usage, une lisibilité. Le produit entre dans la catégorie relativement restreinte des AOC-IGP, ce qui permet de l’intégrer à des stratégies collectives, tant pour les professionnels que pour les collectivités locales.
31
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Il est ainsi amené à “ jouer des jeux” qui, parfois, modifient en profondeur sa
signification. Parmi les jeux possibles, nous en distinguons ici deux qui nous
semblent les plus fréquemment répandus : le jeu de l’excellence et le jeu du
développement local.
A - Le jeu de l’excellence
Les produits AOC-IGP doivent être “ les meilleurs” , commissions de dégustation, analyses physico-chimiques et normes ISO à l’appui, alors qu’ils n’ont
jamais eu pour la plupart cet attribut-là. La lutte pour le goû t et la qualité, à
supposer qu’elle soit cohérente (et elle ne l’est parfois que de manière rhétorique), est aussi un positionnement stratégique de professionnels soumis à la
saturation des marchés et à la diffusion globalisée de certaines normes régulant
la commercialisation des produits.
Exemple : la Viande séchée du Valais IGP.
Ce produit, actuellement élaboré en Valais à partir des
meilleures pièces de viande bovine, a été dans le passé une production domestique pour laquelle tous les morceaux étaient
utilisés. La qualité gustative de certaines viandes séchées (texture, aspect, saveur) était vraisemblablement sans commune
mesure avec ce qu’elle est aujourd’hui, et ce à l’avantage des
produits actuels.
Le constat peut, à des degrés divers, être étendu à la plupart des produits.
Alors que, la plupart du temps, la variabilité fait partie de l’identité d’un produit typique, les sautes de qualité sont de plus en plus perçus comme indésirables. Les produits les moins conformes au niveau qualitatif recherché sont
retirés de la vente dans le circuit AOC ou IGP, et écoulés sous un autre nom,
voire une autre forme (dénaturation). Ce fait est unanimement perçu comme
positif : une meilleure maî trise technique du produit conduit à une meilleure
satisfaction du consommateur. Il n’empêche que les “ vieux connaisseurs” prétendent la plupart du temps que les meilleurs produits d’antan étaient supérieurs aux meilleurs produits d’aujourd’hui. La maî trise technique et l’application systématique de normes de qualité ont-ils conduit à un nivellement, certes
vers le haut, des produits ? Il est difficile de trancher la question… Tout au
moins peut-on remarquer que le sens de nombreux produits a changé : certains, autrefois très ordinaires, sont devenus des produits d’excellence, parfois
même de luxe.
B - Le jeu du développement régional
Le produit typique devient de plus en plus un atout stratégique dans la
concurrence globalisée entre les territoires (Belletti et Marescotti 2003) ; l’essentiel est alors qu’il soit porteur de valeur, mais que cette valeur reste proportionnée aux efforts à fournir pour la faire surgir (en d’autres termes le produit de
32
Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ?
terroir doit être rentable). Dans ce processus, la typicité doit parfois être exacerbée, et certains de ses éléments sur-accentués au détriment d’autres, quitte à
gommer soigneusement de vraies spécificités. C’est en ce sens que l’héritage est
sélectif : il permet de ne retenir que ce qui est porteur de valeur. Et encore ne
s’agit-il pas que d’une valeur intrinsèque, mais aussi d’une valeur relative,
issue d’une reconnaissance externe et concentrée sur les attributs que consacre
le succès marchand.
Exemple no 1 : la Tê te de moine AOC.
Ce fromage produit dans les Franches Montagnes (canton du
Jura) et le Jura bernois a bénéficié dans les années 1980 d’un
développement quantitatif intense, consécutif à l’invention et
au succès impressionnant de la “ Girolle” , un appareil qui permet de racler le fromage et de le servir en rosettes rappelant la
forme d’une chanterelle. La Girolle est aujourd’hui perç ue
comme un des éléments fondateurs de la typicité de ce fromage, qui prolonge avec brio une coutume locale : avant son
invention, la Tê te de Moine était traditionnellement raclée au
couteau, parfois à la petite cuiller, mais jamais coupée. Or, le
succès de la Girolle dès les années 1980 a modifié en profondeur la manière d’élaborer ce fromage : il fallait des fromages
moins gras, moins larges, faute de quoi l’appareillage ne fonctionnait pas. La quasi totalité de la production suit aujourd’hui ces spécifications, et l’AOC récemment attribuée à la
Tê te de Moine en prend acte. L’ironie du sort, c’est que le dernier fromager travaillant à l’ancienne manière a eu toutes les
peines du monde à faire reconnaî tre son mode de production
au moment de l’élaboration du cahier des charges AOC. Mais
le développement économique de la région vaut bien quelques
entorses envers la tradition...
Exemple no 2 : le Raclette (demande d’AOC en cours d’instruction).
La discussion fait rage : faut-il limiter l’AOC Raclette aux
fromages au lait cru produit en Valais, ou l’étendre aussi aux
fromages pasteurisés produits dans toute la Suisse ? Des
questions identitaires, économiques et politiques très complexes s’entremê lent dans ce débat qui, fin 2003, a pris dans la
presse suisse une tournure très polémique. Retenons de cette
dispute son argument principal : la valeur économique du terme “ raclette” et de l’image valaisanne qui lui est communément associée, du moins en Suisse romande. L’É tat du Valais,
qui a soutenu la demande d’AOC, argumente sur la sauvegarde d’un réseau dense de fromageries villageoises fabriquant au
lait cru ; celles-ci seraient inexorablement menacées par le
développement, dans des régions plus favorisées par les condi33
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
tions naturelles, de fabrications industrielles qui concurrencent le produit original en utilisant son nom à moindre coû t.
La discussion sur le terrain du développement régional a toutefois son revers : l’interdiction du terme “ raclette” pour les
trois ateliers industriels qui produisent la moitié des tonnages
en Suisse aurait incontestablement des conséquences néfastes
pour le tissu économique des régions correspondantes. Les discussions intenses sur le produit et sa qualité (quel est le
“ vrai” raclette ? quel est le “ meilleur” ? quel est le “ plus
ancien” ?) ne doivent pas ê tre interprétées comme des querelles de gastronomes : elles ne prennent tout leur sens que si
on les replace dans ce contexte de compétition sectorielle et
territoriale intense.
4. Pour conclure : des néo-terroirs ?
Il est fascinant de constater que certains produits ont traversé les siècles.
Quels étaient à l’époque leur forme et leur goû t ? Bien entendu, plus personne
ne le sait ; mais il arrive que des sources écrites précises nous les dévoilent
proches de ce qu’il sont devenus. On sait pourtant, même dans les rares cas
attestés d’une transmission à l’identique, que le contexte de leur consommation comme de leur production se sont radicalement transformés. Ce qui fait
que, quoi qu’on fasse, il ne s’agit jamais exactement des “ mêmes” produits
qu’autrefois.
Vision historique et vision constructiviste ne sont contradictoires qu’en
apparence. Dès lors que l’on replace le produit dans son évolution (approche
historique), la question de ses rapports avec l’“ extérieur” devient déterminante
(approche constructiviste) et ce quelles que soient les époques. Nous avons simplement voulu montrer ici que le produit, partiellement tributaire de la tradition sur laquelle il s’appuie, doit aussi être lu en fonction d’évolutions sociales
beaucoup plus vastes qui touchent ses producteurs et ses consommateurs.
Quels sont les traits marquants de l’époque actuelle, sur lesquels se construisent les produits de terroir ? Besoins économiques et identitaires se rejoignent
pour donner naissance à de nouvelles coalitions territoriales pour lesquelles les
AOC-IGP sont avant tout une ressource stratégique, au même titre que le patrimoine bâti ou naturel, les équipements et infrastructures ou la qualification de
la main d’œuvre. Nous proposons pour rendre compte de ce phénomène d’introduire la notion de néo-terroir. Une notion qui assume le fait que, inexorablement, le terroir n’est plus ce qu’il était... et l’est d’autant moins que la catégorie
“ terroir” n’avait guère d’importance il y a seulement quelques dizaines d’années. La simple existence d’un passé et d’une tradition rend pourtant possible
une relecture sélective, propre à en extraire des éléments susceptibles de nous
satisfaire aujourd’hui. Ce sont certainement d’autres éléments qui ont satisfait
34
Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ?
nos ancêtres, certes. Mais pour autant nos néo-terroirs, mêmes susceptibles de
manipulations plus ou moins habiles, ne sont pas inexorablement moins
authentiques ni moins traditionnels que les précédents.
N O T E S
1
AOC : Appellation d’Origine Contrôlée ; IGP : Indication Géographique Protégée.
B I B L I O G R A P H I E
B ARJOLLE D., S YLVANDER B., « Some Factors of Success for Origin Labelled
Products in Agro-food Supply Chains in Europe : Market, Internal
Ressources and Institutions », É conomie et Société, 2002, no 25, p. 9-10.
BELLETTI G., MARESCOTTI A., « Link between Origin Labelled Products and Rural
Development. Synthesis » Concerted Action « Development of Origin Labelled
Products : Humanity, Innovation and Sustainability (DOLPHINS) » , 5th
Framework Programm EU (QLK-200-00593), 2003.
BÉRARD L., MARCHENAY P., « Lieux, temps et preuves. La construction sociale des
produits de terroir ». Terrain, mars 1995, no 24.
BÉRARD L., MARCHENAY P,. Les produits de terroir entre culture et règlements. Paris,
CNRS éditions, 2004.
BOISSEAUX S., BARJOLLE D., La bataille des AOC en Suisse, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2004.
BOISSEAUX S., LERESCHE J. P., « Dynamiques régionales et globalisation : le cas de
la politique des AOC-IGP en Suisse », Revue suisse de science politique, 2002,
Vol. 8 no 3.
GUÉRIN M.-A., Action publique locale et patrimoine culturel. Production et légitimation des territorialités politiques. Savoie, Haute-Savoie, Valais, Val d’Aoste. Thèse
de Doctorat en Science Politique, Institut d’Études Politiques de Grenoble Université Pierre Mendès, France, Grenoble II, 2004.
LETABLIER M.-T., L’art et la matière. Savoirs et ressources locales dans les productions
spécifiques, Noisy-le-Grand, Centre d’études de l’emploi, 1997, dossier no 11.
35
Le gène perdu
Frédéric Bondaz
Au cours des millénaires, les hommes
ont sélectionné les végétaux qui présentaient les caractères les plus intéressants,
mais la logique du profit immédiat
impose de cultiver un nombre réduit de
variétés. L’abandon des anciennes variétés risque de nous faire perdre à jamais
des gènes importants pour l’amélioration des cultures de demain.
Tout ce que nous cultivons aujourd’hui
dérive des plantes sauvages.
Depuis que l’homme de cueilleur-chasseur
est devenu cultivateur-éleveur il a sélectionné les végétaux et les animaux qui
donnaient les meilleurs résultats pour la production de nourriture, de médicaments, de fibres, etc.
La biodiversité est le plus grand refus naturel dont l’homme dispose.
L’ampleur de la variété génétique, entre des espèces différentes et au sein d’une
même espèce, entraî ne une meilleure capacité d’adaptation, d’évolution et de
survie. C’est ainsi que sauvegarder les ressources génétiques est d’une importance fondamentale, tant du point d’une écologique en général que, plus particulièrement, comme “ banque de gènes” pour l’amélioration des futures plantes
à cultiver.
Seulement en époque relativement récente, (1822-84) on a découvert avec
Mendel les lois qui gèrent la transmission des caractères chez les vivants.
Avec les croisements artificiels, programmés sur la base des lois de Mendel,
l’amélioration des plantes cultivées et des animaux élevés a fait de grands pas
en avant.
Dans le futur, ce sera probablement l’ingénierie génétique à créer de nouvelles variétés encore plus performantes. Aujourd’hui, nous cultivons des
plantes originaires des quatre coins du monde :
- Pomme de terre et maï s de l’Amérique centrale et méridionale
37
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
-
Tomate de l’Amérique du Sud
Concombre de l’Inde
Soja de l’Asie
Tournesol de l’Amérique du Nord
Actinidia (kiwi) de la Chine
Tabac de l’Amérique et de l’Australie.
Les transports, toujours moins chers, et la libéralisation des marchés donnent naissance à une concurrence considérable entre les producteurs, qui sont
ainsi poussés à réduire de plus en plus leurs frais de production. Ils doivent
donc choisir les cultures, les variétés et les sélections les plus rentables possible. Les “ cultivar” moins performantes sont ainsi abandonnées et, peu à peu
perdues.
C’est ainsi qu’un problème inquiétant s’est manifesté au cours des dernières
décennies : la réduction drastique du nombre des variétés cultivées. Ce phénomène, fruit de la logique du profit immédiat, a déjà causé la disparition d’un
nombre considérable d’anciennes variétés agricoles et, avec celles-ci, de gènes
intéressants, voire d’une importance capitale pour l’amélioration des cultures
de demain.
Les produits phytopharmaceutiques de synthèse, les engrais et la mécanisation ont fait délaisser et, souvent, perdre des plantes aux caractéristiques intéressantes : gènes porteurs d’une résistance aux maladies, rusticité, maturation
échelonnée, etc.
Certains caractères ont pu être récupérés en partant des plantes sauvages,
après de longs travaux de croisements et de sélection ; le maï s à épis multiple,
par exemple, ou la tomate à grappes, etc. D’autres caractères, sélectionnés au
cours des siècles, voire des millénaires, ont été irrémédiablement perdus à cause d’une légèreté inconcevable.
Ce problème est si important que l’Union européenne elle-même a prévu
des aides pour la sauvegarde de la biodiversité. Des centres pour la conservation des anciennes variétés végétales et animales sont en train de surgir un peu
partout.
La Vallée d’Aoste est, elle aussi, victime de cette “ érosion génétique” .
Beaucoup d’anciennes variétés n’existent plus et d’autres risquent l’extinction,
si un programme de sauvegarde n’est pas rapidement mis sur pied.
À l’intérieur des clos et aux alentours des châteaux et des fermes l’on cultivait des plantes qui étaient le fruit d’une longue sélection pour produire, dans
nos conditions pédoclimatiques et sans faire recours ni aux engrais, ni aux
insecticides synthétiques, de la nourriture, des médicaments ou du matériel
pour l’artisanat.
38
Le gène perdu
Le recensement des anciennes variétés est le travail le plus urgent et qui
demande le plus d’énergies, c’est pour cette raison que le Service phytosanitaire de l’arboriculture fruitière et des cultures lance un appel à tous ceux qui veulent collaborer à cette initiative en les invitant à signaler tous les vieux arbres
cultivés, de toutes les espèces et de toutes les variétés.
39
Caratteristiche dei prodotti alimentari
tradizionali e controllo dei rischi sanitari
Augusto Chatel
Le produzioni agricole e i prodotti agroalimentari delle zone di montagna sono
fortemente condizionate dai fattori pedoclimatici, ma gli stessi fattori che limitano le produzioni e accrescono i costi contribuiscono alla loro caratterizzazione, a
volte, anche in misura marcata. I prodotti di montagna si distinguono infatti,
rispetto a quelli di altre zone a maggiore
vocazione agricola, per la maggiore ricchezza in aromi e fattori di tipicità legati
ai “ terroirs” . Gli ambienti di coltivazione
meno inquinati, la possibilità di ridurre i
trattamenti antiparassitari in relazione alla minore pressione degli agenti
responsabili delle malattie che colpiscono le colture e l’uso di tecniche colturali rispettose dell’ambiente offrono inoltre
maggiori garanzie in termini di genuinità.
In Valle d’Aosta, nonostante sia possibile, compatibilmente con le condizioni climatiche e con opportuni aggiustamenti, ottenere una vasta gamma di prodotti agricoli, la risorsa più importante e diffusa è la risorsa foraggiera dei prati
naturali e dei pascoli alpini e le produzioni economicamente più rilevanti sono
quelle che derivano dagli animali che le valorizzano: latte e carne.
In passato, le condizioni di isolamento dovute alla presenza di barriere
naturali che hanno ostacolato gli scambi e la necessità di dover provvedere
all’approvvigionamento alimentare per la prolungata stagione invernale,
hanno favorito lo sviluppo, nella nostra regione, di importanti competenze
nel settore della produzione e conservazione degli alimenti e, di conseguenza, il consolidamento, nel tempo, di un discreto patrimonio di produzioni
tipiche regionali.
I prodotti tradizionali, caratteristici alimenti dell’economia rurale, si sono
inseriti, a buon diritto, nel folto gruppo dei prodotti di nicchia che le varie
realtà regionali europee propongono al consumatore e la loro diffusione si è
ampliata coinvolgendo la ristorazione e fasce di mercato sempre più estese.
41
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Per i produttori il prodotto tradizionale rappresenta una possibilità per
acquisire quote di mercato per le proprie produzioni e, quindi, è una fonte di
reddito che si configura come una risorsa aggiuntiva ed una occasione da non
perdere.
I consumatori, dal canto loro, risultano attratti verso questi prodotti dai quali più o meno consciamente si aspettano miglior qualità, naturalezza, genuinità
e tipicità. Alla base di tutte queste aspettative vi è comunque un pre requisito
implicito e irrinunciabile che è rappresentato dalla salubrità del prodotto.
Diviene pertanto indispensabile per i produttori conoscere ed applicare le
regole che devono governare la produzione, la conservazione e la vita commerciale di tutti gli alimenti ed in particolare di questi prodotti.
La sicurezza alimentare è il risultato del rispetto delle regole di buona igiene
e sanità definite nella normativa comunitaria, nazionale e regionale, della conoscenza delle caratteristiche dei prodotti e dell’adozione delle tecniche di fabbricazione e conservazione appropriate.
Il fatto che i prodotti tradizionali, per decenni, siano stati consumati
dall’Uomo rappresenta di per sé un elemento di sicurezza che necessita, però ,
di una conferma mediante lo studio delle caratteristiche chimico fisiche al fine
di verificare se queste risultano atte a preservarli da invasioni di germi patogeni e/o alteranti. Parimenti lo studio delle caratteristiche della flora batterica
In Valle d’Aosta le produzioni più importanti sono quelle che derivano dagli animali delle razze
autoctone che, grazie alla loro rusticità , riescono a valorizzare le pregiate risorse foraggere dei
prati naturali e dei pascoli (foto Romana Damiez)
42
Caratteristiche dei prodotti alimentari tradizionali e controllo dei rischi sanitari
serve a caratterizzare il prodotto nelle varie fasi della sua produzione e conservazione e ne condiziona la salubrità mediante i meccanismi di antagonismo
batterico.
Per fornire un contributo valido al mantenimento della capacità di realizzare
prodotti gustosi e, soprattutto, sicuri nel rispetto dei cicli di produzione tradizionali che ora, come in passato, caratterizzano la gastronomia dei territori di
montagna, l’Institut Agricole Régional, nell’ambito di lavori di ricerca portati a
termine nel corso degli anni ha “ fotografato” la situazione delle contaminazioni
dei più importanti prodotti tradizionali, anche allo scopo di evidenziare eventuali punti critici nell’ambito delle diverse filiere che sono state monitorate nelle successive tappe del ciclo produttivo.
Risultati ottenuti in alcuni dei più imortanti prodotti della filiera carne
Motsetta
La motsetta, grazie alla tecnologia di produzione, risulta tendenzialmente
priva o poco contaminata da germi testimoni di carenza di igiene e a rischio
sanitario.
La presenza di germi indesiderati è riconducibile ad una cattiva gestione delle
prime fasi di produzione o a contaminazioni legate alla natura ubiquitaria di
alcuni microrganismi, come Listeria o alla qualità scadente della carne utilizzata
per insufficiente rispetto delle norme igieniche al momento della macellazione.
Lard
I microrganismi testimoni di carenza di igiene sono normalmente assenti se
vengono rispettate le buone norme di produzione.
Nonostante la tecnologia di produzione molto simile a quella della motsetta i
germi a rischio sanitario sono tendenzialmente più elevati e legati a cattive condizioni di igiene e alla materia prima che risulta più frequentemente contaminata.
Sauceusse
I microrganismi indicatori di carenza di igiene sono sporadicamente presenti in modeste quantità e possono, pertanto, facilmente essere mantenuti sotto
controllo.
Le contaminazioni da Listeria m. rilevate sono da attribuire all’insediamento
del batterio come flora stabile nella filiera mentre quelle sporadicamente presenti, alla natura ubiquitaria di tali germi o alla materia prima e, soprattutto
alla carne suina e ai budelli.
43
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Boudin
La preparazione dei boudin richiede operazioni più lunghe e complesse che
aumentano i rischi di contaminazione: particolare attenzione deve essere pertanto rivolta alla cura dell’igiene del personale, delle attrezzature e dello stabilimento.
Le maggiori criticità evidenziate risultano confermate dalla presenza sempre
modesta, ma più diffusa, di germi testimoni di carenza di igiene che evidenziano la necessità di controllare anche la qualità degli ingredienti e in particolare la
carne suina e i budelli per non veicolare il microrganismo nella filiera.
I risultati rilevati confermano che le filiere dei prodotti tradizionali a base
carne sono il frutto di una corretta combinazione dei fattori produttivi finalizzata a ridurre al massimo i rischi di contaminazione; è, tuttavia, indispensabile
per ottenere produzioni genuine e sicure dal punto di vista alimentare mettere
in atto le norme basilari di igiene e prevenzione dei rischi.
I prodotti, se vengono rispettatte le tecniche tradizonali di produzione, sono alimenti salubri,
sicuri e buoni (Studio EFFE Aosta)
Risultati ottenuti nei prodotti della filiera latte
La Fontina e la maggior parte dei prodotti caseari prodotti in Valle d’Aosta
sono formaggi a pasta semicotta ottenuti da latte crudo la cui tipicità prende
origine dai seguenti fattori:
44
Caratteristiche dei prodotti alimentari tradizionali e controllo dei rischi sanitari
- Le razze autoctone che producono un latte che per la sua composizione
risulta particolarmente idoneo alla trasformazione e contribuisce a caratterizzare il prodotto ottenuto;
- Le tecniche tradizionali di allevamento, che privilegiano la valorizzazione dell’erba dei pascoli alpini e dei foraggi ottenuti dalle cotiche naturali
gestite con sistemi colturali di tipo ecocompatibile, in un ambiente poco
contaminato;
- Gli ambienti di produzione che insieme all’alimentazione equilibrata e
senza forzature di tipo metabolico favoriscono la presenza, nel latte e
negli intermedi di produzione, di aromi particolari. Questi derivano
non solo dalle essenze foraggiere, ma anche dalla flora microbica nativa
il cui ruolo è fondamentale per la determinazione delle caratteristiche
del prodotto;
- La tecnologia di produzione tradizionale, tramandata nei secoli, che racchiude la giusta combinazione fra i fattori materia prima, fuoco, sale, tempo, ambiente di produzione e di maturazione.
Anche le ricerche effettuate sui prodotti tradizionali della filiera latte, finalizzate ad analizzare i punti critici durante la trasformazione in caseificio e in
alpeggio, a individuare le fonti di contaminazioni in stalla, caseificio e magazzino di stagionatura e a fotografare la situazione delle contaminazioni sul prodotto finito forniscono risultanti confortevoli. Nei formaggi tradizionali non sono,
infatti, mai stati rilevati microrganismi a rischio sanitario: l’eventuale presenza
di microrganismi pericolosi viene abbattuta durante la lavorazione e la maturazione. Le contaminazioni superficiali (della crosta) risultano inoltre ampiamente
paragonabili a quelle riscontrate per altri formaggi a latte pastorizzato derivanti
da filiere a tecnologia industriale.
Conclusioni
I prodotti tradizionali:
- sono il frutto della combinazione ottimale fra fattori ambientali e fattori
controllati dall’uomo;
- nascono da un lungo percorso che passa attraverso una travagliata e lunga
sperimentazione, in cui la tenacia e il “ savoir faire” della gente di montagna ha avuto e ha un ruolo fondamentale;
- se si sono consolidati è perché presentano requisiti che offrono garanzie
dal punto di vista della salubrità e della sicurezza alimentare;
- le ricerche effettuate confermano che i prodotti tradizionali, se vengono
rispettate le tecniche originali di produzione, sono alimenti salubri, sicuri
e buoni.
45
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Per assicurare un futuro ai prodotti tradizionali è indispensabile conoscere,
alla luce delle conoscenze attuali, le caratteristiche del prodotto e la filiera che
porta alla produzione degli stessi. È fondamentale monitorare più attentamente
la filiera, soprattutto se nella tecnologia vengono apportati dei cambiamenti e
se le produzioni assumono dimensioni rilevanti.
La produzione degli alimenti tradizionali richiede una grande professionalità di tutti gli operatori della filiera.
Le tecniche di allevamento rispettose dell’ambiente favoriscono la produzione di formaggi più
apprezzati soprattutto per la loro genuinità e tipicità (foto Romana Damiez)
46
Agricoltura e alimentazione degli Indiani
d’America sulle Alpi centro-occidentali
Gaetano Forni
Premessa
Per capire a fondo il significato, il valore
antropologico-culturale delle tradizioni
culinarie locali, bisogna innanzitutto
focalizzare le piante alimentari che ne
costituiscono il fondamento. Dopo di
ciò occorre considerare tre elementi
essenziali:
a) Tenuto conto che, tranne poche eccezioni, nessuna delle nostre piante alimentari è indigena in Europa, individuare la civiltà cui si deve la domesticazione, cioè, in un certo senso, la “ creazione”
di tali piante;
b) Gli effetti socio-economici del loro inserimento in Europa e in Italia;
c) Il modo e l’epoca della loro introduzione e adattamento nell’ambito alpino
nostrano, nonché le conseguenze che ne derivarono. Si tratta di analisi e considerazioni che vanno effettuate con un’impostazione a largo respiro.
Eventi motori ed eventi riflessi. Una rivoluzione alimentare effetto di un
evento motore
Il fatto che più stupisce chi partecipa a convegni di studio sulle tradizioni
popolari e in genere a quelli di carattere etnografico è la frequente mancata
distinzione o – se si vuole – l’appiattimento complessivo di fatti ed elementi culturali di rilevanza radicalmente diversa anche sotto il profilo economico e sociale.
Prendiamo il caso dell’alimentazione. Che cosa viene posto in evidenza nei
cibi? L’originalità talora stravagante, il gusto, gli aspetti sociali, ma quasi mai gli
aspetti dinamici, quelli che potremmo definire motori, perché provocano delle
rilevanti conseguenze. Occorre tuttavia precisare sotto quale profilo. Certamente
un alimento molto appetito e quindi ricercato può essere molto redditizio e di
conseguenza dinamico sotto il profilo economico/culinario. Qui invece ciò che
ci interessa è il suo rapporto con l’agricoltura e la dinamica sociale.
47
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
In questo Convegno dedicato alle tradizioni culinarie valdostane intendiamo individuare quelle rivoluzioni alimentari, cioè quei cambiamenti nelle tradizioni culinarie che, pur non costituendo di per sé degli eventi motori, ne
costituiscono l’indice diretto. La rivoluzione alimentare che qui ci interessa è
quella che ha sostituito i cibi prodotti con gli antichissimi cereali introdotti nella
preistoria dal Vicino Oriente asiatico: frumento, orzo, segale e le connesse leguminose: piselli, lenticchie, fave ecc., con quelli derivati dalle piante importate
dall’America: mais, patate, fagioli ecc.
Naturalmente occorre qui chiarire in che modo, in che misura e perché questa sostituzione di un tipo di agricoltura ereditato dal Vicino Oriente con il tipo
creato nel Nuovo Mondo dagli indigeni americani abbia costituito un evento
motore sotto il profilo economico-sociale, oltre che culturale. Ma per capire la
questione occorre partire da lontano.
Dall’anidride carbonica (CO 2 – biossido di carbonio) ricaviamo, tramite
l’agricoltura, tutto il nostro cibo e tutto l’ossigeno necessario per respirare
Le grandi rivoluzioni sono quelle che s’innestano nella natura più profonda del processo vivente. Esso, come sappiamo, è costituito dal ciclo geobioantropologico: il mondo vegetale, utilizzando con la fotosintesi l’energia
solare, scompone il complesso: biossido di carbonio + acqua in ossigeno, indispensabile per la nostra respirazione (è sostanzialmente l’unica fonte di questo prezioso gas) e in composti del carbonio. Questo infatti, combinandosi con
altri elementi chimici assorbiti dal terreno o dall’atmosfera (acqua ecc.) è la
fonte diretta (o indiretta) di tutto il nostro cibo. Naturalmente, oltre che
all’uomo, il mondo vegetale provvede l’ossigeno per respirare e gli alimenti
a tutto il mondo animale. Spoglie e rifiuti umani, animali e vegetali rientrano
poi in ciclo. Infatti, tranne il biossido di carbonio proveniente dalla respirazione che va nell’atmosfera, il resto dei rifiuti torna nel terreno, ove miliardi di
microrganismi li decompongono in sali minerali, assorbibili dalle radici dei
vegetali. Stando così le cose, se il complesso CO2 + H2O è l’unica fonte dell’ossigeno necessario per respirare, e di tutti gli alimenti, è chiaro che la via
ora imboccata dalla conferenza di Kyoto (come dagli ecologi, ambientalisti
ecc.) è solo provvisoria, temporanea. La CO2 è nociva solo quando le strutture geobiologiche del globo non sono in grado di corrispondere al ritmo di
produzione di essa, per cui si crea un ingolfamento del quale l’effetto serra è
l’espressione più vistosa.
La “ negligenza” più madornale del mondo scientifico oggi sta nel fatto
che, mentre si è provveduto, mediante la ricerca genetica, ad incrementare
enormemente la produzione alimentare (ad esempio il grano, dai 5-8 q/ha
della media nazionale del secolo scorso agli attuali 50-80 q/ha, con un
aumento del 1000%), il livello d’intensità di scomposizione della CO2 da parte
delle piante, misurato in base alla percentuale di utilizzo dell’energia lumino48
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
sa del sole, è molto basso (0,4-1,6% secondo Menozzi e Pratolongo 1945,
p. 215, del 2% secondo Tonzig 1948, p. 685; dello 0,14% secondo Scarponi et
alii 2003, p. 185). Esso è ancora praticamente quello della preistoria, cioè non
ci si è impegnati a sviluppare geneticamente la capacità fotosintetica delle
piante. Ovviamente ciò è in dipendenza del fatto che, mentre il prodotto in
grano di un campo è facilmente quantificabile, l’assorbimento di CO2 da parte
dello stesso campo di grano, pur essendo di grandissima attualità nell’ambito
delle attuali esigenze ecologiche, non è di fatto rimunerabile. Ciò anche se in
effetti l’agricoltore che coltiva il frumento A che, a parità di produzione granaria, assorbe il 10% in più di CO2 rispetto al frumento B, dovrebbe essere
ricompensato. Ma probabilmente il problema solo in parte va prospettato
così , in quanto un maggior assorbimento di CO2 comporta automaticamente
una maggiore produzione in granella. Lo aveva chiaramente dimostrato, sin
dall’inizio dell’800, N. Th. De Saussure quando, nel 1804, pose in evidenza
che la scarsità (ovviamente in prospettiva vegetale) di CO2 nell’aria è il fattore
determinante nel limitare lo sviluppo delle piante, quando gli altri fattori
sono disponibili in misura sufficiente (Menozzi e Pratolongo 1945, Tonzig
1948, Cescatti et alii 2003, Scarponi et alii 2003). Da tutto ciò si desume che il
significato essenziale dell’agricoltura sta nel governo e sviluppo appropriato
della fotosintesi mediante la scelta e il potenziamento di determinate piante,
cui spesso è collegato l’allevamento di determinati animali e la protezione in
genere dell’ambiente fisico-biologico del proprio territorio.
Le grandi rivoluzioni nella produzione alimentare
Non è qui il momento di considerare i problemi relativi all’assorbimento di
CO2 e alla produzione di ossigeno, ma di dedicarci a illustrare, riassumendo e
completando quanto già scrissi in merito (Forni 1996, 2000, 2002), le maggiori
rivoluzioni tecnologico-agrarie che hanno segnato la storia dell’agricoltura lungo i millenni. Probabilmente l’introduzione dell’aratro è stata la più straordinaria di tutti i tempi. Ciò naturalmente tenendo conto della situazione tecnologica
dell’epoca e degli effetti che ne conseguirono (Hahn 1909). Basti ricordare che,
secondo i calcoli dell’archeologo Sherratt (1997 p. 185), la produttività del singolo operatore agricolo dotato di aratro, strumento che, per lavorare il terreno,
utilizza l’energia animale, aumenta del 400% od anche di più, in confronto a
quella di chi è dotato solo di vanga o di zappa.
Quali ne furono le conseguenze? Come si è detto, enormi. Ciò infatti significò che il singolo coltivatore dotato di aratro non produceva solo per sé e la
propria famiglia, ma anche per artigiani, commercianti, addetti al culto e così
via. I piccoli villaggi più o meno temporanei si avviarono a divenire borgate.
Lo sviluppo del processo indusse anche una differenziazione, stratificazione
sociale sempre più accentuata e la borgata si trasformò in città, talora per fusione tra diversi villaggi e borgate. Nacque lo Stato.
49
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Abbiamo sopra detto che l’introduzione dell’aratro, utilizzando la forza animale, quadruplicò la produttività del singolo coltivatore. Per essere più precisi,
l’aratro accentuò il sinergismo (e quindi appunto la produttività) tra uomo,
piante, animali e terreno. Ma il lettore può giustamente porre una domanda:
«Se l’emergere della civiltà urbana, il formarsi della città e dello Stato, fu una
conseguenza della rivoluzione economica operata dall’introduzione dell’aratro,
come mai, nell’America pre-colombiana, Incas, Aztechi e Maya costituirono
città e Stati, anche se in quelle civiltà mancava l’aratro?» È un quesito importante, cui potremo rispondere più avanti.
Ogni grande civiltà crea la sua specifica simbiosi con il proprio ambiente
biologico
Ogni popolo, ogni civiltà ha creato, sin dalla preistoria, una simbiosi con il
proprio ambiente. La risultanza è un’opera di plasmazione reciproca. L’uomo
preistorico ha focalizzato le piante e gli animali più utili. Ha creato per loro un
habitat favorevole con l’attività di coltivazione e di allevamento. Non solo, ma,
mediante un’attenta selezione, l’accoglimento accorto di mutazioni vantaggiose
ed altre operazioni di natura genetica, ha plasmato piante e animali utili, in
modo da eliminarne gli aspetti negativi ed esaltarne quelli positivi nei propri
riguardi. Limitandoci ai vegetali, è in questo modo che in ciascuna grande
regione del globo terrestre sono emerse alcune piante su cui si è centrata l’alimentazione umana e l’attività non solo materiale per coltivarle e utilizzarne il
prodotto, ma anche intellettuale e culturale. Cioè quelle piante sono diventate il
perno della civiltà di quella regione. E così , nell’ambito euro-mediterraneo, si è
sviluppata nei millenni la civiltà del grano. In Estremo Oriente quella del riso, in
America quella del mais e della patata, in Africa quella degli ortaggi, del sorgo e
della banana.
La matrice della civiltà del mais e della patata
Per quel che riguarda l’opera delle civiltà americane nella “ creazione” del
mais e della patata, essa rasenta l’incredibile. Basti dire che per il mais non esiste ancora tra i botanici l’accordo da quale specie selvatica (o quali specie, in
quanto taluno pensa che all’origine del mais sia da porsi un’ibridazione tra due
specie) sia partita la domesticazione di questa pianta.
Oggi si propende (Doebley 1990; Maggiore e Bertolini 2000) per il teosinte e
in particolare per la sottospecie parviglumis, spontanea nel bacino del Balsas
River, a sud di Città del Messico. Secondo le ricerche più recenti, la spiga del
mais (quella che volgarmente viene chiamata pannocchia) non è altro che il prodotto della femminilizzazione di una infiorescenza maschile (il teosinte, come il
mais, è specie monoica, cioè la singola pianta porta fiori maschili e femminili
separati) inserita su una ramificazione laterale.
50
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
Ciò fu possibile in quanto nel teosinte sia l’infiorescenza maschile che la
femminile posseggono una componente residuale del sesso opposto. Il processo
si è svolto contemporaneamente al raccorciamento della ramificazione laterale,
come appare nelle spighe del mais attuale. Tutta questa straordinaria evoluzione è avvenuta grazie ad un succedersi nei millenni di eventi genetici spontanei,
normalmente di per sé recessivi, che l’indigeno americano seppe conservare e
insieme migliorare. In questo modo la pianta, originariamente a cespo, dotata
di più fusti, venne ridotta a pianta monofusto, vennero eliminate le ramificazioni laterali delle spighe, il che ha verosimilmente comportato l’aumento dei loro
involucri (brattee). Si ingrossarono le cariossidi che aumentarono altresì di
numero, si eliminarono gli internodi e avvenne l’irrobustimento del rachide (il
cosiddetto tutolo). Si tenga anche conto delle continue ibridazioni tra le varie
sottospecie selvatiche (due messicane, una colombiana e tre peruviane) di teosinte e di quelle domestiche, provocando processi d’introgressione, vale a dire
un certo flusso di geni dei selvatici nei domestici. Da qui le varietà di mais di
tipo farinoso, vitreo, pop, dentato e zuccherino.
Se si considerano tutte queste modifiche nella loro rilevanza, numero e complessità, è chiaro che, al loro confronto, impallidiscono quelle degli attuali
o.g.m. La differenza tra le introgressioni spontanee (o semispontanee) e quelle
ora ottenute dall’uomo sta nella reciproca maggiore distanza tassonomica delle
specie parentali in queste ultime.
L’agricoltura attuale, compresa quella alpina, è la sintesi dei contributi di quattro civiltà plurimillenarie, imperniate ciascuna su una o due piante fondamentali, accompagnate da altre meno
importanti. Rispettivamente: mais e patata, grano e orzo, riso, sorgo e ortaggi. Esse erano in
diretta relazione con i “ centri” ristretti (A1, B1, C1) in cui ancora oggi crescono spontanei gli
antenati di dette piante. Questi sono presenti in forma più diffusa nelle più ampie “ aree” A2, B2,
C2 corrispondenti. La quarta civiltà converge nell’area A2.
51
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
b
a
c
d
La rappresentazione (frequente nel Perù, a partire dai primi secoli dopo Cristo) dei prodotti alimentari (frutti, tuberi, pannocchie ecc.) sulla ceramica (Salaman 1989) ha una rilevante valenza
simbolica. In particolare la coppia gemellare di frutti evoca un forte richiamo alla fertilità della
Terra. La figura umana simboleggia lo spirito che personifica la pianta e così via. Qui:
a) vaso che rappresenta una coppia gemellare costituita da due pannocchie (botanicamente spighe);
b) vaso che riproduce lo spirito della patata;
c) coppia gemellare di patate dolci;
d) coppia gemellare di zucche
(a, c, d dalla raccolta del Museo Nazionale archeo-etnografico “ Pigorini” di Roma, in
deposito presso il Museo Lombardo di Storia dell’Agricoltura di S. Angelo Lodigiano;
b dalla collezione del Lindenmuseum fü r Vö lkerkunde di Stoccarda. Tutti provengono
dalla costa settentrionale del Perù)
52
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
c
a
b
Il principale e meno incerto antenato selvatico del mais (Zea mays subsp. mays) è il teosinte. Di
questo le due sottospecie più affini al mais sono: Zea mays subsp. mexicana, che cresce nel
Messico tra i 1800 e i 2500 m di altitudine, e Zea mays subsp. parviglumis, sempre del
Messico, ma propria della zona tra i 400 e i 1700 m di altitudine.
In a) e b) rispettivamente spiga e grani di teosinte.
In c) pianta di teosinte. Però la rilevante affinità del teosinte con il mais ha fatto ipotizzare
(Goodman 1976) che invece il teosinte sia derivato da varietà di mais “ fuggite” dalla coltivazione,
cioè diffusesi spontaneamente, al difuori dei campi coltivati a mais (da Mangelsdorf 1974).
53
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Anche la patata ha subito un analogo processo (Grun 1990) consistente, in
un primo stadio, pur esso iniziato cinque-sei millenni prima di Cristo, nella
creazione, nell’ambito andino settentrionale, di una specie di patata protodomestica (Solanum stenotomum). L’inserimento di gameti da specie selvatiche
affini ha poi comportato il raddoppio del suo patrimonio genetico, sfociato alla
fine nella creazione dell’attuale Solanum tuberosum ssp. tuberosum, originatasi
nella regione cileno-argentina meridionale. Questo tubero, velenoso allo stato
selvatico, come vedremo più avanti, per il contenuto in solanina, è stato reso
innocuo allo stato domestico.
Frobenius, e il suo allievo Volhard (1949), hanno analizzato a fondo, sotto il
profilo etnoantropologico, il comportamento dei protocoltivatori attuali nei
riguardi delle piante alimentari. Esso, come dimostra, su basi etologiche,
l’etnoarcheologia (Forni 2004), è presumibilmente analogo a quello dei protocoltivatori preistorici. Le loro ricerche, sviluppate da Forni (2000), spiegano la
natura antropologica del processo domesticante e inoltre evidenziano come il
rapporto uomo-pianta del primitivo sia di tipo individuale. È un tipo di relazione che si ripete ancora oggi e che ben conosce chi coltiva con passione in vaso
sul balcone o negli orti due, tre, poche piante, e ne segue lo sviluppo, germoglio
per germoglio, foglia per foglia, sbocciar di un fiore, aprirsi di un petalo dopo
l’altro. Egli conosce esattamente il colore, il sapore, l’odore, la forma di ogni
particolare della pianta. È tale genere di rapporti ripetuti per generazioni di
piante e di uomini che Frobenius e Volhard (1949, pp. 554 e 561) hanno efficacemente sintetizzato nella frase pensare e operare nel segno della pianta.
In effetti sono questi due autori che focalizzano il fatto che, nell’ambito delle
civiltà dei protocoltivatori, l’idea determinante è l’identificazione con la pianta
e quindi il pensare e operare nel suo segno. In realtà essi hanno sottolineato come
nei culti e nei miti di questi popoli si espresse un nuovo atteggiamento di fronte
alla pianta e con ciò di fronte al mondo. In tali miti, appare che il coltivatore ha
sottomesso la pianta alla propria responsabilità . Fu questo avvenimento che gli diede la possibilità di sentirsi responsabile dell’esistenza e della fertilità della pianta, coltivandola, curandola e soprattutto, lungo i millenni, selezionandola.
Interiormente però questo avvenimento, che deve aver pesato sul coltivatore
primitivo con una forza non immaginabile, determinò la sua intera ideologia nei
riguardi dell’esistenza del mondo e dell’uomo. La pianta divenne per lui, per
così dire, la chiave di spiegazione del mondo, e ciò che essa gli rivelò soprattutto e in primo luogo fu la continuità della vita attraverso la fruttificazione.
È così che sono nati i miti delle origini delle piante coltivate. Generalmente
essi sono basati sulla concezione (Jensen 1952) che, dal sacrificio della Ragazza
Divina o della Madre Terra o del suo Figlio, si sono originate le piante alimentari. Nella California, ad esempio, gli Yuma, i Gabrielino, i Luiseno, gli Scioscioni
raccontano che dal Figlio della Dea Terra, quando fu sacrificato, derivarono le
zucche dallo stomaco, il mais dai denti, i meloni dal cranio. Tra gli Uitoto
dell’America del Sud, le piante alimentari germinarono dai frammenti del corpo
54
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
a
b
È probabile che anche il tripsaco (genere che
comprende molte specie) per introgressione,
abbia contribuito alla creazione del mais
domestico attuale.
In a) Tripsacum dactyloides;
b) la sua spiga;
c) la formazione delle più fondamentali
varietà coltivate (cultivar) di mais, in rapporto al loro trasferimento in Europa (da
Weatherwax 1954)
c
55
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
d
a
c
g
f
e
b
Forme arcaiche del mais: a) una delle più antiche raffigurazioni europee di questa pianta, effettuata da Fuchs nel 1542, ne evidenzia il carattere cespitoso;
b) questo carattere è conservato nelle varietà più arcaiche, tuttora coltivate per la produzione di
foraggio verde (Crescini 1951);
c) spiga-pannocchia bisessuata (femminile la spiga sottostante, maschile la pannocchia soprastante), ricostruita da Galinat e Mangelsdorf partendo da reperti archeobotanici (Mangelsdorf 1974);
d) raffigurazione della spiga-pannocchia su reperto archeologico (raccolto presso Mitla, nel
distretto di Oaxaca) che ne evidenzia la corrispondenza (cfr. Mangelsdorf 1974);
e) spiga di mais con ramificazioni laterali, che strutturalmente è un po’ analoga al pennacchio del
teosinte e del mais;
f), g) pianta di mais attuale e particolare di spiga.
56
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
a
b
c
d
Documenti e tracce dei sistemi preistorici e antichi di coltivazione del mais in ambito americano,
raccolti da Weatherwax (1954):
a) in basso, campo di mais peruviano che evidenzia uno dei sistemi amerindi meno antichi di coltivazione di tale pianta: disposizione a intersolchi molto rialzati a seguito della rincalzatura;
b) attrezzi antichi con la parte lavorante in conchiglia, osso ecc., reperiti e ricostruiti dal Museo di
Storia Naturale di Chicago;
c) antichi terrazzamenti per la coltura del mais in Arizona;
d) i piccoli rilievi in questo prato guatelmateco sono i residui "fossilizzati" dei monticelli creatisi a
seguito della rincalzatura delle piante di mais seminate con la tecnica a buchette.
Tali tecniche, talora con opportuni adattamenti e perfezionamenti, furono importate in Europa
insieme alla pianta.
57
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
della Dea Terra. In molti di questi miti si notano anche il perseverare dei valori
sessuali e femminili, in quanto connessi con la fecondità dei viventi e della terra,
ma anche le conoscenze delle proprietà alimentari, come delle esigenze climatiche, edafiche, fisiologiche, culturali, ecc. delle piante utili locali. E’ infatti lì , in
questa temperie, che si è operata la prima intensa selezione di piante con determinati caratteri e quindi che si è originato quella labilità genetica propria delle
piante coltivate, e in genere degli esseri viventi domesticati (Herre 1959).
È lì che si sono originati i primordi di determinate tecniche, che richiedono
appunto dei rapporti personali uomo - pianta, quali la potatura e la scacchiatura dei germogli ascellari, la curvatura e l’incisione dei rami, il diradamento di
foglie e frutti, l’innesto (nato dall’osservazione di eventuali innesti spontanei
per approssimazione), la concimazione, l’irrigazione, il sommovimento del suolo per renderlo più soffice (dissodamento), più analogo a quello delle aree naturalmente disturbate. Si è iniziato l’uso al riguardo degli strumenti prima impiegati per altri fini, quali l’impiego del bastone da scavo dei raccoglitori preagricoli in funzione di vanga o piantatoio, dell’ascia e di altri strumenti da percussione, come zappa, ecc. Nonché le pratiche della semina, del trapianto, della
moltiplicazione per talea, margotta, propaggine. Soprattutto nella moltiplicazione per seme, ma anche in quella di tipo vegetativo si è praticata la selezione,
processo che è alla base della domesticazione. Essa consiste nella scelta, ai fini
della riproduzione, dei semi, noccioli, tralci, bulbi, tuberi, rizomi più “ belli”
delle piante più vigorose, sane e produttive da seminare o piantare. Solo dopo
la riscoperta (1900) delle leggi di Mendel, alla selezione empirica si è accompagnata quella su base scientifica.
Mais e patata: un confronto con i precedenti cereali - l’innesco della rivoluzione industriale
Ora possiamo rispondere al quesito di poc’anzi: come mai Incas, Aztechi ed
altre popolazioni americane sono passate alla civiltà urbana senza il forte incremento di produttività permesso dall’adozione dell’aratro? La spiegazione viene
data considerando il fatto che quel surplus alimentare prodotto dall’operatore
agricolo dell’Antico Mondo grazie all’introduzione dell’aratro, in America lo si
otteneva per merito della straordinaria produttività delle piante alimentari colà
indigene: il mais (Zea mays) soprattutto, ma anche la patata (Solanum tuberosum); piante che già nell’America pre-colombiana, come abbiamo visto, avevano dietro di sé una lunghissima storia. Basti dire che, mentre la produttività del
tipico cereale europeo, il frumento, in epoca pre-industriale era (come si è visto)
sui 5-10 q/ha, quella del mais in condizioni adatte, era almeno doppia, quella
della patata almeno decupla (Forni 1996 nota 17). Il che significa che, limitandoci al principale componente energetico nutritivo, l’amido, contenuto ad esempio nelle patate in una percentuale di circa il 20%, un ettaro a patate produceva
il doppio in amido di quanto un ettaro coltivato a frumento rendeva in prodotto grezzo! Abbiamo fatto riferimento al mais e alla patata, in quanto certamente
58
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
sono le più fondamentali nel corredo di nuove piante americane introdotte in
Europa, ma si debbano aggiungere altre piante di non secondaria importanza
economica: pomodoro, fagiolo (quello che i romani chiamavano phaseolus in
realtà era il legume che attualmente denominiamo dolico), melanzana, peperone, zucca, tabacco, girasole ecc. (Simmonds 1976).
Che cosa successe quando, con la scoperta dell’America, vennero importate
in Europa le piante suddette?
Evidentemente, già il sommarsi della produttività conseguente all’uso di un
aratro ormai, con il Rinascimento, ulteriormente perfezionato e l’introduzione
di numerosi altri miglioramenti tecnologici, con quella delle piante americane,
doveva determinare una situazione economicamente e socialmente eccezionale.
Ma non è tutto. Si deve anche considerare che l’introduzione del mais e della
patata determinò uno straordinario sconvolgimento agronomico, con effetti a
dir poco esplosivi. Solitamente si dimentica che la coltura dei cereali nell’antico
Mondo non inibiva, nelle condizioni tecnologiche dell’epoca, il prorompente
sviluppo delle malerbe. Da qui la necessità di alternare all’anno di coltura a
cereali l’anno a maggese, durante il quale, oltre al resto, avveniva appunto l’eliminazione delle erbe infestanti. Del tutto diverso era l’esito della coltura del
mais e della patata: esigendo frequenti sarchiature, permettevano, durante la
loro coltivazione, la mondatura di malerbe. Inoltre, essendo piante da “ rinnovo” , richiedevano lavorazioni profonde e abbondanti concimazioni. Tutto ciò
significa che in pratica permettevano (con la concomitanza di altre condizioni
tecniche favorevoli, emerse nella stessa epoca) la soppressione del maggese e
quindi, come è evidente, il raddoppio o almeno l’incremento di un terzo (ove si
praticava il maggese ogni due anni) della superficie coltivata.
Ciò significa altresì che, con l’eliminazione del maggese e la sostituzione
della rotazione discontinua biennale o triennale con quella continua quadriennale e l’introduzione del mais e della patata, la superficie coltivata produttiva
di fatto si raddoppiò od aumentò di un terzo, ovverosia, in sostanza, con poco
lavoro in più (si tengano presenti le arature ripetute richieste dal maggese), si
aggiunse la produzione - di per sé ingente - del mais o della patata, senza concreta diminuzione di quella precedente a base di frumento. Ciò in quanto il
mais o la patata non sostituirono nella rotazione queste colture, ma come si è
detto il maggese, di per sé improduttivo.
Le geniali innovazioni (Forni 1987) volte all’eliminazione di questo, proposte dai nostri grandi agronomi del ‘500, Gallo e Tarello, si diffusero solo quando
si introdussero in Europa sarchiate ottimali sotto il profilo agronomico, oltre
che sotto quello produttivo, quali appunto il mais e la patata. Infatti le sarchiate
in precedenza conosciute, quali la rapa, erano molto inferiori, specie sotto il
profilo agronomico, alle nuove americane. Ciò spiega la scarsa diffusione, specie in Italia, delle rotazioni continue imperniate sulle antiche sarchiate.
59
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
In conclusione, l’introduzione del mais e della patata in Europa comportò
l’innesco di un processo di enorme sviluppo della produttività, con contemporanea espulsione dalle campagne del surplus demografico che andava creandosi, il cui effetto finale stiamo vivendo oggi: la rivoluzione industriale. È chiaro
che, come in tutte le rivoluzioni, anche in quella industriale le cause e condizioni in gioco sono state innumerevoli, ma è importante distinguere le principali
dalle secondarie. Ora, l’enorme incremento produttivo che si determinò nelle
regioni meridionali d’Europa con il mais, e in quelle centro-nordiche con la
patata (e le patate, come il mais, costituivano un succedaneo del pane e della
pasta: ben lo sapevano i nostri montanari e i nostri contadini che accompagnavano le pietanze, invece che con il pane, con polenta o patate lesse o torte di
patate), determinò in Europa uno straordinario incremento di popolazione che
si riversò nelle città. L’enorme disponibilità di manodopera che così si venne a
creare costituì la condizione di fondo per applicare quei metodi razionali di
produzione (la produzione in serie) suggeriti dalla mentalità illuministica,
scientifica, che nel frattempo era maturata in Europa.
Gli investimenti enormi necessari a questo tipo di produzione, quello industriale, erano derivati dalla ricchezza prodotta nelle campagne, come già aveva
sottolineato il Cattaneo (cfr. Scritti sulla Lombardia, ristampa 1971).
L’incremento straordinario di popolazione e di prodotti industriali di elevato livello tecnologico permisero agli europei di colonizzare il mondo. Basti pensare che le diverse centinaia di milioni di abitanti delle due Americhe,
dell’Australia, dell’Asia centrale e settentrionale (colonizzazione russa) sono in
grandissima maggioranza di origine europea.
Bisogna anche precisare che, come evidenzia Brandolini (1970), la storia dell’introduzione del mais in Europa non è così semplice come potrebbe apparire.
Colombo, al ritorno dal suo primo viaggio (1493) offrì ai regnanti spagnoli
del mais, assieme agli altri prodotti tipici delle terre scoperte. Ma, trattandosi di
mais di varietà tropicali, una volta seminato in Europa, non riusciva a fruttificare. Ciò si verificò anche con il mais importato con i viaggi immediatamente successivi di Colombo e di altri esploratori. Per questo motivo il mais, come pianta
alimentare coltivata, si diffuse, prima che in Europa, in Africa e in sud-Asia,
tanto che poi alcuni credettero (Weatherwax 1954, pp. 132-138; Mangelsdorf
1974, pp. 201-206) che il mais fosse pianta asiatica, od almeno importata attraverso il Pacifico in Asia, in epoca precedente alla scoperta dell’America da parte di Colombo. Fu solo con l’estendersi delle esplorazioni dall’America Centrale
all’America temperata, che le varietà da qui provenienti (i cosiddetti northern
flint corns) si acclimatarono anche in Europa. Ciò per l’uguale durata del periodo d’illuminazione giornaliera (foto-periodo), fattore determinante in fisiologia
vegetale, del Paese d’origine e di quello europeo. Brandolini (1970) evidenzia
che, non appena acclimatate in Spagna queste varietà, esse entrarono nei centri
commerciali del nostro Paese, attraverso i domini spagnoli. Dal Veneto, ove il
60
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
mais era giunto (Messedaglia 1927 p. 366) nel grande emporio di Venezia avanti
il 1550 ed era stato coltivato prima a scopo di studio (negli orti botanici), poi
per fini economici nei campi (Ramusio ne riferisce nel 1554), penetrò nel Friuli,
ove è documentato (Rossitti 1987) dal 1580, e nel Bergamasco, allora sotto il
dominio di Venezia, nel 1632 (Messedaglia ibidem). A Milano, una grida del
1649 dispone l’apertura del mercato al commercio del mais, per contrastare la
penuria di altri grani. È soprattutto sotto lo stimolo di queste carestie (in particolare di quelle del 1677/78) che il mais si diffuse (Coppola 1979 p. 21) nelle
campagne milanesi e, un po’ più tardi, anche in quelle della Lombardia alpina
(Messedaglia 1927 p. 308).
Più rapida l’introduzione dal Veneto nel bacino Danubiano, dove è documentato (Brandolini 1970) dal 1590. Accanto ai mais del tipo flint corns, cui
appartenevano quasi tutti i granturchi coltivati in Italia, si affiancarono i popcorns, da cui derivarono per introgressione le nostre varietà Perla, Pignoletto e
buona parte dei cinquantini e quarantini (Crescini 1951).
Un quesito storico ci pone il fatto che in molte aree della Lombardia il
mais, il più “ grande” e “ grosso” dei cereali, sia chiamato carlone. Scrive infatti
Giuseppe Banfi, nel suo Dizionario milanese / italiano (Milano 1852) sotto la
voce melgon (= granoturco): « La coltura di esso tra noi la raccomandò S. Carlo
Borromeo [… ] e che da lui chiamossi Carlone ».
Una delle spiegazioni possibili potrebbe consistere nel fatto che San Carlo
abbia conosciuto il mais e ne abbia ascoltato gli elogi, in occasione dei suoi
contatti con Venezia (nel Veneto, come si è visto, era entrato in coltivazione
prima che in Lombardia) e poi l’abbia diffuso, suggerendone la coltura,
durante i suoi frequenti viaggi pastorali. Ma i suoi consigli vennero accolti
solo in occasione della grande carestia che imperversò alla fine del ‘500 dopo
la sua morte.
Peccato che, dopo tante diffidenze e tentennamenti nell’adozione di questa
nuova pianta, presto si passò a nutrirsi solamente dei suoi grani. Da ciò il dilagare in certi ambiti della pellagra (Messedaglia 1927). Non si era fatto tesoro
dell’esperienza plurimillenaria degli Amerindi che si cibavano sì di mais, ma
integrandolo con altri alimenti.
L’acquisizione non solo di piante domestiche, ma anche delle tecniche per
coltivarle
Come abbiamo gà accennato, l’introduzione in Europa del mais e patata
non si è limitata sic et simpliciter alle due specie vegetali, ma ha compreso
anche quella delle loro specifiche tecniche colturali (Trochet 1994). Queste,
come si è visto, sono state elaborate dagli Amerindi in millenni di tentativi
ed esperienze.
61
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Egualmente, anche se la patata selvatica è abbastanza facilmente reperibile
nelle vallate andine, i suoi tuberi sono amari e velenosi per l’uomo (Simmonds
1976) in quanto ricchi di alcuni glucosidi ed alcaloidi o glucoalcaloidi (solanina,
solanidina, solanocapsina ecc.) con proprietà emolitiche ed irritanti.
Ecco quindi che è necessario, per renderci conto dell’importante contributo
delle civiltà indigene americane alla nostra agricoltura, porre in evidenza le
tecniche colturali praticate dalle popolazione incaiche, atzeche e dalle altre genti amerinde.
Preziosa al riguardo è l’opera Nueva Coronica y buen Gobierno stesa all’inizio
del ‘600 da un indigeno peruviano forse discendente da dignitari locali: Felipe
Guaman Poma de Ayala. Tale codice rimase dimenticato fino al 1908, quando
venne scoperto nella Biblioteca Reale di Copenhagen e poi riprodotto in edizione critica nel 1936 dall’Institut d’Ethnologie dell’Università di Parigi. Una nuova edizione è comparsa nel 1987.
Guaman Poma de Ayala era nato intorno al 1535, in epoca coincidente con
quella dell’arrivo di Pizzarro in Perù. Stese la sua opera con l’intenzione di far
conoscere la storia andina, fino allora tramandata oralmente, attraverso la consultazione dei vecchi indios. Grande interesse ha suscitato il Convegno svoltosi
non molto tempo fa (1999) presso l’Istituto Italo-Latino-Americano di Roma,
dedicato a Guaman Poma de Ayala e a Blas Valera. Il motivo di questo colloquio scientifico è dovuto alla recente scoperta a Napoli di importanti documenti del seicento che rivelano come Poma de Ayala fosse in realtà il prestanome
del gesuita Blas Valera.
Questi capeggiava, nell’ambito della Compagnia di Gesù sud-americana, un
movimento che non solo rivalutava la civiltà incaica, ma denunciava, come si
legge anche in quell’opera, i crimini dei conquistatori spagnoli e dei successivi
colonizzatori nei confronti degli indigeni. Il predominio da parte della Spagna
di quel tempo suggerì quello stratagemma, cioè l’adozione dello pseudonimo.
L’esito fu solo parziale, in quanto l’intera Compagnia di Gesù, più tardi (nel
1700), principalmente per influenza di Portoghesi e Spagnoli, venne soppressa.
Analogamente prezioso per l’ambito nord-americano (azteco) è il Codice
Fiorentino (così chiamato perché conservato nella Biblioteca Laurenziana di
Firenze), steso a partire dal 1547 dal frate francescano Bernardino de Sahagun
con il titolo di Historia general de las cosas de la nueva Españ a. Esso, come scrive
uno specialista, il Baudot (in Todorov/Baudot 1983), rientrava nel grandioso
progetto di questi religiosi di scoprire i valori aborigeni messicani mediante
accurate interviste, condotte con una metodologia in sostanza straordinariamente moderna.
Infine, di rilevantissimo interesse documentario, anche a riguardo della coltivazione di altre piante, sono gli acquarelli realizzati dal vivo (1585-86) dall’in62
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
glese John White, che costituirono poi la base del primo volume della Americae
Descriptio (Francoforte 1590) di Théodore De Bry. Pubblicazione questa poco
oggettiva, in quanto stesa in chiave di un feroce antispagnolismo e di un fanatismo protestante (basti dire che il protestante De Bry ripubblicò in un successivo
volume di essa, tacendo il nome dell’Autore in quanto Gesuita, il prezioso lavoro a sfondo anche etnografico: Historia natural y moral de las Indias, del Padre
Josè de Acosta, il cui originale è appunto del 1590), ma ricca d’informazioni
preziose ai nostri fini. È al De Bry che si deve anche la riproduzione delle incisioni che illustrano l’opera del viaggiatore milanese G. Benzoni: Historia del
Mondo Nuovo. Questa, stampata precedentemente a Venezia nel 1565, venne
poi pubblicata in traduzione latina da De Bry (1594-1596) nella sua Americae
L’illustrazione più completa delle tecniche agricole relative alla coltivazione non solo del mais, ma
anche della patata, impiegate dagli Amerindi del Sud, è contenuta nelle incisioni riguardanti le
loro attività agricole, scandite mese per mese, inserite nell’opera del peruviano Felice Guaman
Poma de Ayala: Nueva Coronica y buen Gobierno, risalente all’inizio del ‘ 600. Occorre tener
presente che, trattandosi di un’area dell’emisfero meridionale e per di più non lontana
dall’Equatore, in cui le coltivazioni sugli altopiani andini si svolgevano anche a notevole altitudine, le stagioni e il clima non sono coincidenti con i nostri. Quindi, tra il resto, la semina del mais
si praticava in agosto, mese da cui iniziamo la nostra riproduzione di dette incisioni.
I - AGOSTO. Semina del mais: gli uomini scavano buchette con il bastone-vanga (ciaquitaqlla,
letteralmente aratro a piede); le donne frantumano le zolle. La birra di mais (cicia), bevuta in
abbondanza, provoca qualche ubriacatura.
II - SETTEMBRE. È il mese della siccità . Termina la semina del mais in un campo solcato da
canali d’irrigazione. Una donna spiana la terra dopo la semina, con uno speciale strumento in
legno a forma di spada (cucillon).
63
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
III - OTTOBRE. Uccelli e quadrupedi danneggiano il mais germinante, mangiandone le tenere
foglie. Occorre allontanarli con la fionda e i sonagli.
IV - NOVEMBRE. C’è ancora siccità . La distribuzione dell’acqua va regolata, cavandola da un
vascone.
V - DICEMBRE. Si piantano i tuberi di patata: anche qui gli uomini scavano solchi col bastonevanga e le donne vi inseriscono i tuberi e sminuzzano le zolle con martelli. Inizia la stagione delle
piogge, che si concluderà in maggio.
VI - GENNAIO. Mese piovoso. Si zappano e si sarchiano le giovani piantine di mais, seminate
in agosto-settembre. Il guardiano si scalda al fuoco.
64
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
VII - FEBBRAIO. Ancora piogge. Il mais si sviluppa. Occorre allontanare, facendo fracasso con
tamburelli, gli animali che ne sono attratti. In primo piano, raccolta di due piante di patata. Ciò
documenta due fatti significativi: la coltura di patate precoci (ciclo vegetativo di due-tre mesi) e
quindi la differenziazione varietale di questa pianta, e la sua coltivazione inserita nei campi di mais.
VIII - MARZO. Ancora piogge. Continua lo sviluppo del mais. I ragazzi spaventano con fionde e
sonagli gli uccelli che vogliono cibarsene. Si immagazzinano i primi fasci di mais maturo.
IX - APRILE. Ormai il mais è pronto per il raccolto. E’ luna piena. Occorre far attenzione ai
ladri: uno di essi è in agguato con un lama. Il guardiano che si scalda al fuoco non se ne accorge.
X - MAGGIO. Si raccoglie il mais con un falcetto dentato. Si affastellano gli stocchi di mais.
65
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
XI - GIUGNO. Si procede alla raccolta delle patate delle varietà a ciclo normale, con bastonevanga e zappa. Prima di immagazzinarle vengono asciugate al sole, poi trasportate in sacchi ai
magazzini.
XII - LUGLIO. Si trasportano le provviste nei magazzini. Cani e polli si cibano dei chicchi che
cadono in terra.
Descriptio. Da essa è tratta l’incisione che illustra il metodo indigeno per produrre la birra (cicia) mediante masticazione / insalivazione del mais, onde trasformarne l’amido infermentescibile in zuccheri fermentescibili e quindi trasformabili in alcol. Tale metodo arcaico era diffuso tra gli agricoltori primitivi
di tutti i continenti ed è documentato anche per l’Europa dall’antica leggenda
della birra alla saliva d’orso (Werth 1954).
Focalizziamo ora il caso dell’introduzione della patata
Anche la patata, come il mais, e l’abbiamo già accennato, è di origine americana ed è correlata a circa 170 specie selvatiche (Simmonds 1976) dell’area andina tra Cile e Perù, ma specie spontanee sono reperibili anche nel Messico e
negli Stati Uniti.
I primi documenti archeologici in America Meridionale risalgono al 5000 a.C.
Il navigatore veneto Antonio Pigafetta, nel resoconto dei suoi viaggi, cita la
patata già nel 1519, ma l’introduzione della patata in Europa fu effettuata dagli
66
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
a
b
c
d
In molti linguaggi amerindi il mais è indicato con termini o circonlocuzioni il cui significato
equivale a “ fonte di vita” . Ciò spiega come esso sia stato deificato.
a) la dea azteca del mais, raffigurata dal frate francescano Bernardino de Sahagun (nella sua basilare opera Historia general de las cosas de Nueva Españ a, stesa a partire dal 1547);
b) statuetta raffigurante il giovane dio del mais dei Maya, conservato al British Museum (cfr.
Weatherwax 1954);
c), d) Il dio del mais protegge le colture da tutte le avversità : topi, uccelli, siccità ecc. In entrambe
queste miniature, risalenti al Messico pre-colombiano, il mais è personificato (la parte della pianta con le spighe pannocchie nel comune linguaggio - funge da cappello) ed è rappresentato dal
personaggio posto innanzi al dio (Elting e Folsom 1967).
67
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
a
b
a) Il Solanum vernei, uno degli antenati selvatici della patata domestica. Notare la piccolezza
dei tuberi e dei frutticini (Brü cher 1961, in Kö rber-Grohne 1988). Il suo habitat si estende dai
2800 ai 3800 m s.l.m., nel versante orientale argentino della cordigliera delle Ande.
b) Esemplare di patata domestica. Spesso i frutti abortiscono o cadono innanzitempo. Per la divinizzazione e personificazione della patata si rimanda alla figura b di pag. 52.
68
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
a
b
a) Origine e diffusione delle patate domestiche (schema semplificato ispirato a N.W. Simmonds in
Potatoes, in Simmonds 1976 p. 81 ss.
b) Nel ‘ 700 la conoscenza della patata in Europa era ancora approssimativa. Ecco come viene
illustrata questa pianta da Giovanni Battista Occhiolini nelle sue Memorie sopra il meraviglioso frutto americano chiamato volgarmente patata, ossia pomo di terra, con la descrizione della maniera di piantarlo e coltivarlo, Giunchi, Roma, 1784.
69
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Spagnoli verso il 1570. All’introduzione della patata nell’Europa temperata fredda – insieme a quella del mais, che si diffuse nell Europa centro-meridionale – si
deve, come si è già accennato, quel massiccio incremento della produzione alimentare per operatore agricolo (oltre che globale) che fu all’origine del decollo
industriale europeo.
La prima documentazione della patata in Italia (Saccardo 1971) si ha
nell’Archivio dell’Orto botanico di Padova (lettera del dicembre 1597). Ma,
secondo il Biadene (1996 pp. 18-20), la patata sarebbe stata introdotta a Genova
dalla Spagna circa un decennio prima, in occasione della fondazione in quella
città del convento di S. Anna, disposto da Santa Teresa d’Avila. Ne riferisce il
Padre Vitale Magazzini (defunto nel 1606) in un suo trattato sulla “ Coltivazione
in Toscana” , pubblicato dopo la sua morte. Però una diffusione massiccia si
ebbe solo tra la fine del Settecento e l’inizio dell’Ottocento, per opera nel Veneto
di Antonio Zanon e in Piemonte, come vedremo, di Vincenzo Virginio, e più in
generale dell’agronomo bolognese Filippo Re (Biadene 1996).
Un efficace precursore comasco fu Alessandro Volta. Anche questo studioso,
come si è accennato per San Carlo, apparteneva alla categoria di quei personaggi che, data la posizione che occupano e il ceto cui appartengono, vivono in più
facile contatto con gli ambienti internazionali. Sono quindi informati delle
novità estere (ed “ estero” per San Carlo era la terra veneta). E, qualora siano
positive, possono constatarne direttamente l’utilità e proporle al proprio Paese.
Secondo la tradizione popolare, è questo appunto che successe a San Carlo.
Fortunatamente, per Alessandro Volta si possiede una documentazione, tratta
dal suo epistolario, dei suoi interventi per l’introduzione della coltura della
patata (Alberini 1973 pp. 32-34). È infatti a seguito di un lungo viaggio (aveva
allora trent’anni), compiuto attraverso l’Alsazia, la Savoia e la Svizzera nel
1777, che aveva potuto constatare i benefici effetti della coltivazione della patata. Da qui, ne fece iniziare la coltura nelle sue terre di Camurago e Lazzate.
Successivamente, si affiancò in tale opera di diffusione la società Patriottica
Milanese.
Attivissima al riguardo fu la Contessa Teresa Ciceri Castiglioni. Nel 1832, il
Prof. Pietro Monti, curato di Brunate, scriveva che nel Comasco già si coltivavano ben dieci varietà di patate: dalla Primaticcia di Bellinzona alla Tardiva biancogiallastra.
Questo don Monti, allora docente all’Istituto Lombardo di scienze lettere e
arti, autore (1848) di un prezioso dizionario dei dialetti comaschi, era anche
appassionato sperimentatore agrario. Nel suo orticello in montagna, a Brunate,
(Alberini 1973 pp. 34-35), dopo aver sperimentato appunto la coltivazione di
diverse varietà di patate, poté suggerirne la coltura ai suoi parrocchiani.
Superate queste difficoltà, la patata, come ebbe a scrivere lo stesso Monti –
lo si è visto sopra – si diffuse nel Comasco abbastanza rapidamente, tanto che
70
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
divenne celebre – e non solo in Italia – una varietà indigena appunto comasca,
la Bianca di Como. Ecco quindi che la patata si aggiunse al mais per sorreggere
l’economia delle famiglie contadine brianzolo-comasche, proprio all’epoca delle prime rilevanti crisi della bachicoltura.
Ma don Pietro Monti non contribuì solo a diffondere la patata. Scriveva
infatti, come riferisce Alberini (ibidem), a proposito dei tentativi per introdurre
nuove specie e nuove varietà coltivate e per migliorare l’agricoltura:
« ...Né questo dobbiamo già aspettare che facciano i nostri
coloni, servi del bisogno e ignoranti, che non hanno mezzi di
procurarsi le tante varietà , anzi neppure sanno che esistono. È
invece dovere dei ricchi proprietari di terreni, e di chi si diletta
nella più utile delle scienze, di fare questi esperimenti con
amore, buona fede, lunga cura e disinteresse ».
Ma a proposito dell’introduzione del mais e della patata (e potremmo allargare il discorso al riso ed a qualsiasi altra pianta di nuova introduzione, a diffusione massiccia) non saremmo completi se non accennassimo alle incredibili
difficoltà psicologiche che s’incontrarono per la loro adozione. Limitandoci a
portare l’esempio della patata (per il mais rimandiamo al Messedaglia o.c.),
Alberini (1973) elenca tutta una serie di pregiudizi. Molti la ritenevano un narcotico, altri una droga, i più benevoli la consideravano un cibo adatto solo per il
bestiame, per i maiali in particolare. Il medesimo comportamento lo si riscontra
oggi per l’introduzione delle piante e l’uso di alimenti transgenici. La psiche
umana ha fondamenta archetipiche, che non sembra vadano incontro a facili
mutazioni (Jung, Kereny 1948; Hillman 2000).
I campi degli Amerindi in Valle d’Aosta e in Piemonte
Come abbiamo sottolineato in precedenza, la coltivazione di patate e mais in
Europa non significa solo il trasferimento di due piante, per così dire allo stato
grezzo, selvatico, ma quello di due capolavori biologico-agricoli, promotori
straordinari d’innovazioni e di benessere, plasmati da 5000 anni di osservazioni
e intelligenti interventi. Significa il trasferimento di tecniche colturali, perfezionatesi via via nei millenni. Basti citare quelle della rincalzatura, essenziali per il
mais a causa delle sue radici avventizie, ma benefiche anche per la patata; le
concimazioni organiche abbondanti, le sarchiature con efficace effetto diserbante. E ciò che si è detto per mais e patate si dovrebbe aggiungere per zucche,
fagioli, pomodori e per tutte le altre piante domesticate dagli Amerindi. In questo nostro contributo si è voluto focalizzare il loro significato colturale e quello,
non meno importante, economico-sociale, tecno-agronomico.
C’è da premettere che se anche alcune piante come il mais, il pomodoro, la
zucca, essendo di origine tropicale o sub-tropicale, ebbero una limitata diffusio71
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
ne nelle aree alpine, ebbero un notevole riflesso economico-sociale indiretto con
il loro massiccio inserimento nel vicino ambito pedemontano e comunque
entrarono direttamente nell’alimentazione locale.
Non è inutile ricordare che anche in Piemonte e in Valle d’Aosta l’introduzione delle nuove piante incontrò grosse difficoltà psicologiche. In particolare
per la patata, alcuni medici provarono un’avversione straordinaria.
Significativo l’episodio riportato sul “ Courrier de la Vallée d’Aoste” : a Cogne,
nel 1854, all’inizio di maggio. La gente si fermava agli angoli delle case, nelle
vie più importanti, per leggere dei manifesti sui quali il medico di Cogne, dottor Cesare Grappein, aveva scritto: « Guerra a morte alle patate [...] esse sono la
causa di tante malattie [...] e spesso della vostra morte ». Altri medici diffondevano
la voce che le patate provocavano la lebbra (Vescoz 1912, Jacquemod 1993).
Furono poi le carestie del 1816/17 che, con la grande penuria di alimenti, concorsero a dissipare questi pregiudizi.
Anche l’introduzione del mais in Piemonte e nei territori circumvicini non
risultò di tutto riposo. I contadini lo avversavano perché attaccati alle tradizioni,
i padroni in quanto temevano che venisse trascurata la coltivazione dei cereali
nobili, in particolare del frumento su cui si basava la riscossione delle imposte.
Ma ora vediamo di offrire qualche dato cronologico. Secondo il Levi (1979) il
mais entra periodicamente nella coltivazione già alla fine del ‘500, per iniziativa
Saint-Nicolas, 1980. Anche nelle sarchiature-rincalzature il coltivatore moderno può operare con il
piccolo aratro assolcatore trainato da un mulo. Non così non solo gli Amerindi, ma anche i nostri
nonni che dovevano operare manualmente con la zappa (foto proprietà famiglia Champrétavy)
72
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
dei contadini, nelle aree in cui vigeva ancora il regime delle decime in natura.
Ciò in quanto, trattandosi di una pianta nuova, poteva essere sottratta alla decima. Egli porta l’esempio dell’abbazia di San Benigno nel Basso Canavese, in cui
solo nel 1609 si stende un contratto con i contadini di Montanaro, per il quale
anche il mais viene sottoposto a decima. Ma nel contratto si accenna che tale
coltura era praticata senza tassazione a partire dal 1593, cioè da 16 anni. Levi
aggiunge che furono le carestie degli anni ‘20 del ‘600 a dare impulso in
Piemonte alla diffusione del mais. Questa si sviluppò in particolare nelle zone
più umide del Casalese, Vercellese, Novarese.
Un primato un secolo dopo venne raggiunto dalla Provincia di Ivrea, dove,
nel decennio 1760-69, la percentuale della superficie coltivata dedicata al mais è
del 47,8%, superando il 50% a fine secolo, mentre quella dedicata al frumento è
stabile attorno al 20%. Opposta era la situazione nella Provincia di Torino e
quella media calcolata per l’intero Piemonte. Nel secolo successivo il mais
divenne la fonte principale dell’alimentazione operaia e contadina piemontese,
parzialmente sostituito dalla patata in montagna.
Per la Valle d’Aosta Vescoz (1912) riferisce che fu nel 1785 che venne seminato il primo mais in località Montjovet. Aggiunge che la sua coltura si diffuse
nella bassa valle, ma soprattutto nei dintorni di Aosta, ma a fine ‘800, pur mantenendosi alto il consumo di mais, la sua coltura si ridusse per la concorrenza
del mais piemontese.
Aymavilles. Per “ seminare” le patate non è necessario impiegare l’intero tubero, ma, come ci hanno
insegnato gli Amerindi delle alte vallate andine, basta un pezzo di esso con una gemma. Qui due
donne preparano i frammenti di tubero per la “ semina” (archivio BREL, collezione Bérard)
73
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Non è questo il caso della patata. La sua introduzione nella Valle (Jacquemod
1993) può essere datata negli ultimi decenni del ‘700, probabilmente nell’ambito
della corrente di traffico che unisce la Valle d’Aosta alla Savoia. Il dottor Antonio
Campini, nei suoi Saggi d’agricoltura col trattato sulla coltivazione delle patate, stampato nella Stamperia Reale di Torino nel 1774, dopo aver riferito che era poco diffusa tranne che nelle valli di Lanzo (Groscavallo) e dell’Orco (Locana), aggiunge
che era coltivata in Valle d’Aosta a Cressoné (Gressoney). Cita anche una località
(Breuse) (in Piemonte o in Valle d’Aosta?) che non sono riuscito a rintracciare.
Successivamente la diffusione in Valle d’Aosta della coltura delle patate, a
partire dalla carestia del 1816-17, fu per così dire trionfale. Essa si rallentò notevolmente negli anni immediatamente successivi al 1844, a causa della peronospora, fitopatia per la quale per diverso tempo non si seppe trovar rimedio.
Scriveva Vescoz nel 1912:
« Oggi la sua coltivazione è generalizzata. È una sorgente di
ricchezza per il contadino. Essa figura sia sulla tavola del
povero che su quella del ricco ».
Anche nelle altre vallate alpine occidentali la patata si afferma massicciamente nei medesimi anni. Comba (2002 p. 33) documenta che la maggior parte delle patate che affluivano nei primi decenni dell’800 al mercato ortofrutticolo di Torino provenivano dalle valli di Lanzo. Un attivo diffusore del consu-
La coltura del mais in Valle d’Aosta a Sarre - Chesallet (archivio BREL, collezione Bérard)
74
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
mo della patata fu il già citato avvocato Vincenzo Virginio che, nel novembre
del 1803, distribuiva gratuitamente le patate nel pubblico mercato di quella
città. Ma bisogna tener presente che, stando alla documentazione apportata
da Biadene (pp 7, 20, 144), la patata nelle vallate alpine piemontesi, a partire
da quelle attigue alla Liguria, grazie alla suaccennata sua precoce diffusione
nel Genovesato, era già coltivata nei primi decenni del ‘600. Infatti egli riferisce come storici olandesi abbiano dimostrato che, in tale epoca, i fuoriusciti
Valdesi provenienti dal Piemonte abbiano diffuso la coltura della patata “ in
gran parte dell’Europa” , presumibilmente quella protestante, in cui si erano
rifugiati.
B I B L I O G R A F I A
ALBERINI M., Da Como a tavola, Sansoni, Firenze, 1973.
BENZONI M. G., La historia del mondo nuovo, Flli Rampazetto, Venezia, 1565.
BIADENE G., Storia della patata in Italia, Avenue Media, Bologna, 1996.
BRANDOLINI A., Maize, in O.H. Frankel, A.H. Bunting (eds.), Genetic resources in
plants - Their exploration and conservation, Blackweel, Chicago, 1970, pp. 273-310.
CATTANEO C., Scritti sulla Lombardia, a cura di G. Anceschi, G. Armani, Ceschina,
Milano (passim), 1971.
CESCATTI A. et alii, «Il ruolo del carbonio negli ecosistemi forestali» , in Il ruolo
delle foreste nel bilancio del carbonio, Centro di Ecologia Alpina, Report 28,
Trento, 2003, pp. 3-34.
COMBA R., BENEDETTO S. A., (a cura di), Torino, le sue montagne, le sue campagne,
Archivio Storico della Città di Torino, Torino, 2002.
COPPOLA G., Il mais nell’economia agricola lombarda, il Mulino, Bologna, 1979.
CRESCINI F., Piante erbacee di grande coltura, REDA, Roma, 1951.
DE BRY T. et alii, Colletiones peregrinatiorum in Indiam orientalem et Indiam occidentalem, XXV partes, Matheo Merian, Francoforte / M, 1590, 1634.
DE SAHAGUN B., Historia general de las cosas de la nueva Españ a, Codice Fiorentino,
Laur. Medic. Palat. 220 ff. 408r-494r, Firenze, 1550-55.
DE SAUSSURE N. Th., Recherches chimiques sur la végétation, Paris, 1804. pp. 29-34.
DOEBLEY J., «Molecular evidence and the evolution of maize», in P. K. Bretting et alii,
New perspectives on the origin and evolution of New World domesticated plants,
Supplement to “ Economic Botany” 44 (3), 1990, pp. 6-27.
ELTING M., FOLSOM M.,The misterious grain, Evans & Co., New York, 1967.
FORNI G., Questioni di storia degli ordinamenti colturali dalle origini preistoriche all’età
industriale, “ Rivista di Storia dell’Agricoltura” , 27, 1987, n. 1, pp. 63-102.
FORNI G., L’agricoltura, in AA. VV., Storia di Carimate, I, Il territorio, Comune di
Carimate, Carimate, 1991, pp. 55-156.
FORNI G., Il contributo delle civiltà agrarie degli altri continenti all’agricoltura
europea, “ Rivista di Storia dell’Agricoltura” , 36, 1996, n. 2, pp. 3-27.
F ORNI G., «Dalla storia delle piante coltivate il significato della simbiosi
Uomo/ambiente biologico», in O. Failla, G. Forni, eds., Le piante coltivate e la
loro storia, Franco Angeli, Milano, 2000, pp. 331-372.
75
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Ayas - Antagnod, 1963. La raccolta delle patate con la zappa, come praticavano gli Amerindi
(archivio BREL, collezione Bérard)
FORNI G., MARCONE A., Storia dell’agricoltura italiana, Vol. I, Tomo I, Preistoria,
Polistampa, Firenze, 2002.
FORNI G., «Il ruolo dell’etologia umana nella fondazione concettuale dell’etnoarcheologia», in Atti 2o Convegno Nazionale di Etnoarcheologia, Mondaino 2001,
Raffaelli, Rimini, 2004, pp. 247-252.
GOODMAN M. M., «Maize», in Simmonds N.W. ed., Evolution of Crop Plants,
Longman, London & New York, 1976, pp. 128-136.
GRUN P., «The evolution of cultivated potatoes», in P. K. Bretting et alii, New perspectives on the origin and evolution of New World domesticated plants,
Supplement to “ Economic Botany” 44 (3), 1990, pp. 39-55.
GUAMAN POMA DE AYALA F., Nueva crònica y buen gobierno, Historia 16, Madrid, 1987.
HAHN E., Die Entstehung der Pflugkultur, Winter, Heidelberg, 1909.
HARLAN J R., Crops & Man, Amer. Soc. of Agronomy, Madison, Wisconsin, 1992.
H ERRE W., «Domestikation und Stammesgeschichte», in G. Heberer, Die
Evolution der Organismen, G. Fischer, Stuttgart, Band II, 1959, pp. 801-856.
HILLMAN J., Re-visione della psicologia, Adelphi, Milano, 2000.
JACQUEMOD L., Trefolle, tartifle, pommes de terre en Vallée d’Aoste, Musumeci, Quart
(Aosta), 1993.
76
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali
JENSEN A. E., Come una cultura primitiva ha concepito il mondo, Einaudi, Torino
(traduz. italiano), 1952.
JUNG C. G., KERENYI C., Prolegomeni allo studio scientifico della mitologia, Einaudi,
Torino, 1948.
KÖ RBER-GROHNE U., Nutzpflanzen in Deutschland, Theiss, Stuttgart, 1987.
LEVI G., «Innovazione tecnica e resistenza contadina: il mais nel Piemonte del
‘600», in AA. VV., Nascita dell’opinione pubblica in Inghilterra, “ Quaderni
storici” , 42, 1979, pp. 1092-1100.
MANGELSDORF P. C., Corn – Its origin, evolution and improvement, Harvard Univ.
Press, Cambridge, Mass, 1974.
MENOZZI A., PRATOLONGO U., Chimica agraria. Il terreno e i fertilizzanti, Hœpli,
Milano, 1946.
MESSEDAGLIA L., Il mais e la vita rurale italiana, Federconsorzi, Piacenza, 1927.
ROSSITTI V., «Breve storia del mais in Friuli», in AA. VV., Polenta di qualità in
Friuli, Udine, 1987.
SACCARDO P. A., rist. 1971, Cronologia della flora italiana, Edagricole, Bologna, 1909.
SALAMAN R. N., Storia sociale della patata, Garzanti, Milano, 1989.
SCARPONI L. et alii, Biochimica agraria, Patron, Bologna, 2003.
SHERRATT A., «Plough and pastoralism: aspects of the second products revolution», in A. Sherratt, ed., Economy and society in Prehistoric Europe: changing
perspectives, Edinburgh University Press, Edinburgh, 1997, pp. 158-198.
SIMMONDS N. W., ed., Evolution of crop plants, London, 1976.
TODOROV T., BAUDOT G., Racconti aztechi della conquista, Einaudi, Torino, 1988.
TONZIG S., Elementi di botanica, I, CEA, Milano, 1948.
TROCHET J. R., Les plantes américaines et l’Europe, “ Histoire et Sociétés Rurales” , I,
1994, pp. 99-117.
VESCOZ P. L., La pomme de terre, le riz, le maï s et le café, “ Bull. n. 7 de la Société de
la Flore Valdôtaine” , Aoste, 1912, pp. 8-10.
VIRGINIO G. V., Trattato della coltivazione delle patate ossia pomi di terra volgarmente
dette tartiffle, Stamperia reale, Torino, 1800.
VOLHARD E., Il cannibalismo, Einaudi, Torino, 1949.
WEATHERWAX P., Indian corn in old America, Macmillan Co., New York, 1954.
WERTH E., Grabstock, Hacke und Pflug, Ulmer, Ludwigsburg, 1954.
77
Le jardin potager : hier et aujourd’hui
Alessandro Neyroz
C’est en parlant avec des personnes
âgées, sur les techniques culturales
employées dans les potagers d’autre fois,
que j’ai été saisi par la curiosité de
confronter les rôles et les végétaux utilisés
dans les jardins hier et aujourd’hui.
Ce petit aperçu n’a rien de rigoureux, ni
du point de vue scientifique ni historique,
mais c’est tout simplement la mise en relation, faite par un praticien tel que je suis,
des connaissances acquises pendant mon
activité professionnelle et les notions
reçues par mes aï euls ou par des personnes d’un certain âge avec lesquelles j’ai
eu l’occasion et le plaisir de parler.
1. Le jardin potager d’hier
Les rôles fondamentaux joués par le potager d’autrefois étaient trois.
Autonomie alimentaire
Certainement le rôle prioritaire d’un jardin potager, comme pour n’importe
quelle autre activité agricole, était de fournir des aliments à une famille et de la
rendre autonome vis à vis de l’extérieur. Cette tâche devait être absolument
accomplie soit pendant la belle saison soit pendant les saisons mortes, donc la
capacité des végétaux de s’adapter aux conditions climatiques, revêtait une grande importance afin d’assurer une production indépendamment des aléas du
temps. Toujours dans le même objectif, les techniques de conservation et la facilité des végétaux à se conserver devaient être pris en sérieuse considération.
É conomique
Il est clair que le fait de pouvoir disposer d’aliments était une rente économique non indifférente, parce qu’on n’avait pas besoin d’argent pour acheter
79
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
ces biens essentiels. Cela est bien expliqué par le proverbe qui dit : « Tout ce qui
est trouvé c’est du gagné ». Si l’année avait
été bonne et que l’on avait un surplus de
production, celle-ci échangée avec
d’autres biens, faisant fonction d’argent.
Dans la Vallée de Valtournenche, par
exemple, on échangeait les pommes de
terre avec des châtaignes, en différenciant de telle sorte les aliments à disposition de la famille.
Pharmaceutique
Plusieurs, si non la totalité, des légumes
cultivés possédaient des caractéristiques
telles qui les rendaient, non seulement
des aliments, mais aussi des produits de
prévention ou de soin pour certaines
(photo A. Neyroz)
maladies ou certains dégâts biologiques.
À ce propos, on peut rappeler le pouvoir
antibiotique et désinfectant de l’oignon, les caractéristiques diurétiques et
hypotensives du poireau, les dons cicatrisants, anticancéreux, antianémiques et
antiscorbutiques des choux et n’oublions pas les richesses en vitamines et
sucres des carottes et des betteraves.
1.1. Caractéristiques des végétaux qui étaient cultivés autrefois
- Indigènes et rustiques
- Peu exigeants
- Faciles à cultiver
- Faciles à conserver
- Assez énergétiques
- Pas de légumes fruit
Les quelques caractéristiques citées, plus haut, nous permettent de bien
comprendre que les légumes cultivés autrefois permettaient de bien accomplir
les rôles pour lesquels ils étaient cultivés. Le fait d’être des végétaux autochtones ou provenant de régions tempérées les rendaient rustiques et donc bien
aptes à vivre dans des conditions climatiques de montagne en assurant, de
conséquence, chaque année des productions convenables.
Ces plantes présentaient des exigences culturales modestes et que d’interventions agronomiques simples et bien connues. Les sols de montagne, superficiels, caillouteux, assez pauvres, souvent secs, permettaient quand même la réa80
Le jardin potager : hier et aujourd’hui
lisation de ces cultures, pour lesquelles étaient suffisants une bonne fumure, un
apport régulier d’eau et une lutte efficace contre les mauvaises herbes.
Le fait de bien s’adapter au climat assez rigide de la montagne permettait
une double récolte annuelle, par exemple des épinards en automne et très tôt
au printemps, des choux d’été et des choux d’automne, des oignons au printemps et à la fin de l’été.
La plus grande partie de ces végétaux pouvait se conserver très facilement
avec des méthodes assez simples, soit dans la cave soit à l’extérieur, ce qui permettait de pouvoir en disposer pendant la mauvaise saison. Les choux étaient
tout simplement enterrés, les poireaux mis en jauge, les carottes et les raves
enterrées à la cave dans du sable, les betteraves entassées dans la grange et les
pommes de terre en tas à l’abri du gel.
Plusieurs de ces denrées étaient assez énergétiques, parce que riches en
sucres, donc nourrissantes ou employées en substitution de la viande, par leur
apport protéique, comme les fèves et les petits pois. Les légumes fruit n’existaient pratiquement pas, parce que ces derniers ont été introduits après la
découverte de l’Amérique et leur diffusion a été très lente et en plus ils ne se
conservaient pas, exception faite pour les courges qui ont commencé à coloniser les tas de fumier vers 1800.
(photo A. Neyroz)
81
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
La pomme de terre même, qui est devenue par la suite l’aliment fondamental de nos familles rurales, a fait son apparition en Vallée d’Aoste seulement en
1777, à Châtillon et à Torgnon, cultivée par Jean François Frutaz, châtelain de
Cly, mais encore en 1854 sa diffusion était entravée par une mauvaise renommée, faite parfois par des médecins. Fameux ennemi de la pomme de terre fut,
a cet égard, le docteur César Grappein de Cogne.
(photo A. Neyroz)
2. Le jardin potager d’aujourd’hui
Les rôles principaux qu’on peut attribuer au potager d’aujourd’hui sont
essentiellement trois.
Obtention de produits sains
Le jardin potager moderne a perdu son rôle de rendre la famille autonome
du point de vue alimentaire ; dans la société moderne, presque tout le monde
peu avoir accès aux denrées alimentaires, l’argent disponible, les magasins et
surtout les grandes surfaces facilitent cela.
Ce que les gens ont besoin c’est d’avoir la certitude de manger et de se nourrir
avec des produits sains, et par ça on entend des légumes qui ne présentent pas de
traces de produits chimiques, provenant des traitements, des désherbages et des
fumures. Pour obtenir cela les jardins potagers sont cultivés selon des méthodes
biologiques, ou bien souvent en appliquant des techniques de non culture, c’està-dire que les gens se limitent à faire des interventions très simples, comme les
82
Le jardin potager : hier et aujourd’hui
arrosages et les désherbages manuels, en délaissant complètement les traitements
et toutes autres interventions non strictement nécessaires. Ils récoltent ce qui
vient et comme cela vient, à condition que le produit soit le plus naturel possible.
Le jardin potager d’aujourd’hui doit fournir des légumes riches en vitamines, avec peu de calories, rafraî chissants et bien pourvus en fibres. Ces caractéristiques sont bien souvent regroupées dans les légumes fruit : les tomates, les
courgettes, les haricots, les poivrons et les aubergines et si on ajoute les salades
on a une liste presque exhaustive de ce qui est cultivé actuellement.
Hobby – détente
Beaucoup de personnes trouvent dans les soins au jardin un moment de
détente très agréable, une activité paisible qui se différencie très nettement par
rapport à l’activité frénétique de la vie moderne. Se soumettre aux rythmes saisonniers, attendre que la nature fasse son cours, observer l’accroissement des
végétaux, se réjouir des premières récoltes, cueillir le défit des échecs, relever et
prendre notes des interventions faites et des variétés utilisées, tout ça remet le
temps à une cadence que parfois on ne connaî t plus.
Stimulante la recherche de quelques végétaux particuliers, intrigante la mise
en œuvre de nouvelles techniques culturales, grande est la satisfaction lors des
cueillettes et la saveur des récoltes est inégalable.
Un jardin potager (photo A. Neyroz)
83
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
(photo A. Neyroz)
É conomique
En plus de la partie agréable, il ne faut pas oublier la partie économique,
parce que, sans tomber dans l’avarice, le revenu que l’on peut tirer d’un jardin
potager peut être fort intéressant : si on fait un petit calcul très rapide on peut
bien voir cela.
300 x gr de légumes / jour / personne x 4 (composants famille moyenne) =
1200 gr de légumes / jour / famille x 365 (jours par an) = 438 Kg de légumes
annuels par famille x 1.5 Euros (prix moyen par kg) = 657 Euros coû t annuel
par famille.
À ce point on peut terminer comme nos aï euls disaient « Tout ce qui est trouvé
c’est du gagné » et nous on pourrait ajouter « Et si c’est un produit de qualité on a
doublement bien joué » .
84
Stratégie de valorisation des produits
de l’Espace Mont-Blanc
Geneviève Petite
1. Rappel du mandat pour l’étape
préalable
1.1. Attribution du mandat
Le mandat pour l’étape préalable de
l’opération de “ Stratégie commune de
valorisation des produits agroalimentaires de l’Espace Mont-Blanc” a été attribué au Service romand de vulgarisation
agricole (SRVA) le 9 avril 2003.
L’Espace Mont-Blanc a basé sa décision
sur l’offre écrite en janvier par Mme
Dominique Barjolle, directrice du SRVA.
Ce document propose de travailler par
étapes et ce rapport constitue la synthèse de l’étape préalable.
1.2. Le but de l’étape préalable
L’étape préalable vise à proposer des actions concrètes de valorisation des
produits pour les opérateurs se situant sur le Tour du Mont-Blanc. Les idées ont
été récoltées auprès de quarante opérateurs (agriculteurs, transformateurs,
restaurateurs) interviewés dans chaque pays durant l’été 2003.
1.3. La répartition des rô les
Pour cette étape, les rôles ont été définis comme suit :
– Rô les du SRVA
- préparer les différents questionnaires et la méthodologie pour les
enquêtes ;
- coordonner le travail des stagiaires dans les trois pays, c’est à dire, harmoniser les questionnaires (grâce à un test chez deux agriculteurs) et standardiser les mises en valeur. L’encadrement et la supervision des stagiaires se
85
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
font sous la responsabilité des structures d’accueil des trois pays ;
- synthèse : préparer et animer une demi-journée de présentation et de
discussion des résultats ;
- suite à cette réunion, élaborer un document comprenant les grandes lignes
de la discussion de la réunion de présentation et les rapports de stages des
trois stagiaires.
– Rô les de chaque pays
- recruter des stagiaires et les encadrer;
- participer aux réunions stagiaires - groupe agropastoral restreint.
– Rô les des stagiaires
- identifier les opérateurs potentiellement intéressés par des opérations de
promotion de leurs produits dans la zone de l’Espace Mont-Blanc et
auprès de la clientèle touristique et locale ;
- interview des opérateurs ;
- établir une synthèse par pays.
1.4. L’équipe de l’étape préalable
– Les stagiaires
- Aline Pissard-Maillet, Savoie : engagement du 20 juin au 19 septembre ;
- Michel Bondaz, Vallée d’Aoste : engagement du 1er juillet au 15 octobre ;
- Geneviève Petite, Valais.
– L’équipe accompagnant les stagiaires
- Xavier Folliet, Serge Tuaz, Savoie ;
- Rudy Sandi, Stefania Muti, Vallée d’Aoste ;
- Pascal Tornay, Valais.
– Le personnel du SRVA
- Geneviève Petite, employée au secteur économie ;
- Dominique Barjolle, directrice.
Ces personnes se sont rencontrées à quatre reprises entre avril et septembre 2003. Dans ce document, ce groupe sera nommé “ groupe agropastoral
restreint” .
1.5. Les délais
L’élaboration des questionnaires et le recrutement des stagiaires s’est fait
durant la période avril - juin 2003. Les enquêtes sur le terrain se sont effectuées de juillet à septembre 2003. Les rapports par pays ont été rédigés en
octobre.
86
Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc
2. Les enquê tes sur le terrain
2.1. Les questionnaires et le choix des personnes à interviewer
Les questionnaires ont été élaborés par le SRVA. Un questionnaire par type
d’opérateur a été réalisé. Le même questionnaire a été utilisé dans les trois
pays. Chaque questionnaire comporte trois parties :
- situation de l’exploitation, du transformateur, du restaurateur ;
- commercialisation des produits et clients ;
- promotion régionale et transfrontalière.
2.2. Les résultats des enquê tes
Les enquêtes effectuées ont apporté beaucoup d’informations qui peuvent
être classées en trois types :
a) les remarques sur la situation générale des agriculteurs, des restaurateurs
et autres artisans de montagne ;
b) les remarques sur la commercialisation des produits et leur promotion ;
c) les remarques concernant l’Espace Mont-Blanc : dans cette partie, il s’agit
surtout d’un besoin de comprendre les fonctionnements de l’Espace
Mont-Blanc, ainsi que ses critères pour l’octroi de financements pour des
projets.
Les résultats des enquêtes et les propositions émises par les personnes
interviewées se trouvent de manière détaillée dans chaque synthèse des pays.
De manière générale, on peut dire qu’il y a deux optiques : les grandes entreprises qui ont une importance économique régionale voire nationale sont intéressées à faire une démarche ambitieuse de valorisation des produits et souhaiteraient avoir une appellation commune pour tous les produits de l’Espace
Mont-Blanc. Ceci dans le but de donner une image internationale à leurs produits et d’en augmenter les ventes. D’un autre côté, il y a les artisans locaux
qui n’ont pas de problèmes à écouler leur production et qui recherchent plutôt
une démarche visant à mettre en valeur leur savoir-faire et à faire connaî tre les
produits localement.
Cette dichotomie est bien visible en Vallée d’Aoste, où pour des raisons géographiques et politiques, les interviews se sont déroulés sur toute la Vallée
d’Aoste. En effet, le nombre d’opérateurs situés sur le Tour du Mont-Blanc
(Valdigne et Val Veny) est très restreint et ne permettait pas d’avoir un choix de
produits intéressant. La partie valdôtaine du groupe agropastoral restreint a donc
décidé d’interviewer quelques opérateurs représentatifs de chaque branche de
production (viticulteurs, arboriculteurs, transformateurs, restaurateurs).
87
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Côté savoyard, la partie du Tour du Mont-Blanc est bien plus large et un
choix intéressant d’opérateurs, allant d’un tenancier de buvette d’alpage à la
Coopérative de Beaufort, a pu être effectué. Là aussi, les dimensions et les
conditions de travail sont très différentes d’un opérateur à l’autre. Mais de
manière générale, les différents opérateurs se plaignent des fraudes en matière de produits régionaux. Sur les marchés et dans les magasins terroir, il y a
des produits dits “ régionaux” qui ne le sont pas. Un meilleur contrôle serait
souhaitable. Par ailleurs, plusieurs opérateurs relèvent un paradoxe : on veut
promouvoir des produits de montagne avec une connotation “ nature” alors
que le Mont-Blanc lui-même n’est pas protégé des diverses pollutions et que
le développement du tourisme ne laisse parfois que peu de terres aux agriculteurs.
Sur le côté valaisan du tour du Mont-Blanc, on trouve plutôt des artisans
qui s’inscrivent dans l’optique numéro deux, à savoir améliorer la promotion
des produits localement et faire connaî tre les savoir-faire. La demande pour des
échanges transfrontaliers est là, surtout entre personnes travaillant sur le Tour
du Mont-Blanc. Elles aimeraient par exemple connaî tre les menus des demipensions des différents hôtels. De plus, certains opérateurs trouvent très important de garder des contacts transfrontaliers car ce qui se passe en Europe se passe cinq ans après en Suisse.
Pour la suite du projet, il est donc important de décider si l’on veut faire
dans un premier temps une démarche de promotion au niveau local avec
quelques rencontres transfrontalières ou si l’on veut tout de suite se lancer dans
un projet plus ambitieux et rechercher des partenariats avec des entreprises qui
commercialisent des produits hors de la zone Espace Mont-Blanc.
3. Les propositions d’actions communes
3.1. But à atteindre avec ces actions
Parmi toutes les idées d’actions proposées dans les trois synthèses, lesquelles faut-il mettre en place ? Le SRVA propose dans un premier temps de
lancer des actions au niveau local en formant des groupes de travail avec
quelques personnes interviewées cet été. En effet, ces dernières ont insisté sur le
fait qu’elles aimeraient voir quelque chose de concret suite à l’étude préalable.
Des actions concrètes devraient donc être mises en place en 2004 sur le périmètre du Tour du Mont-Blanc.
Toutefois, avant de mettre en place des actions, il est primordial d’analyser
tout ce qui se fait déjà et de coordonner avec les actions existantes pour éviter
de réinventer la roue. Dans ce sens, le schéma ci-dessous montre quelques
actions de promotion déjà en cours. Ce schéma n’est pas exhaustif mais permet
de voir la diversité des partenaires possibles pour un tel projet.
88
Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc
Le but de l’action Espace Mont-Blanc, dans ce contexte, pourrait dès lors
être de valoriser au maximum le potentiel de fréquentation touristique
autour du Mont-Blanc avec pour optique de leur faire connaî tre les produits
de chaque région dans leur région de production.
3.2. Propositions d’actions concrètes à mettre en place en 2004
Beaucoup d’idées sont ressorties des interviews. Il s’agit de savoir maintenant quelles actions sont judicieuses de faire en commun sur les trois pays et
quelles actions seraient plus efficaces à réaliser dans chaque pays séparément.
Les opérateurs des trois pays se situant autour du Mont-Blanc se reconnaissent dans les points communs suivants :
- agriculteurs de montagne, souvent double actifs (stations de ski l’hiver) :
production similaire (fromage, viande) ;
- les opérateurs (restaurants, artisans) ne commercialisant pas hors de la
zone Mont-Blanc sont très liés à la saison touristique. Il est parfois difficile
de trouver et de gérer le personnel ;
- la collaboration entre producteurs-restaurateurs et entre producteursacteurs du tourisme doit être améliorée dans chaque pays. Chacun travaille encore trop de son côté.
Sur la base de ce constat, le groupe agropastoral restreint a proposé, lors de
la réunion du 10 septembre 2003, de travailler sur trois axes :
– Matériel promotionnel
- dépliant commun à l’échelle de l’Espace Mont-Blanc ;
- signalétique (indication commune à la fois sur site de production et sur
site de distribution).
89
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
– Formation
- échanges d’expériences thématiques : rencontre des opérateurs 1 fois par
année ;
- formation des acteurs du tourisme et de la restauration.
– Manifestation
- présence sur des manifestations existantes / organisation d’une manifestation spécifique (mini salon de la gastronomie).
– Communication
- reportage presse.
4. Détail de l’étape 1
Objectifs et déroulement de l’étape 1
La durée prévue de cette étape est de quatre mois, du 15 novembre 2003 au
15 mars 2004. Il s’agit d’une étape de réflexion sur chaque action retenue par le
groupe agropastoral. L’objectif de l’étape 1 est d’avoir tous les éléments (objectifs, planning, déroulement/contenu, budget) pour mettre en œuvre des actions
en été 2004. À la fin de l’étape 1, l’Espace Mont-Blanc devra décider formellement quelles actions il veut engager et avec quels moyens.
Durant l’étape 1, le SRVA assure la partie suisse et coordonne le travail des
trois pays, comme dans l’étape préalable. Pour ce faire, dans le budget, un montant sera attribué au SRVA et trois autres montants seront attribués aux pays.
5. Descriptif des travaux
Formation d’un groupe de travail transfrontalier
– Mission du groupe de travail
Le groupe de travail transfrontalier réfléchit sur le contenu de chacune des
actions citées sous le point 3.2.
– Constitution du groupe
Ce groupe de travail est formé d’au moins un technicien de chaque pays.
Un budget est prévu dans chaque pays pour payer le travail du technicien. Le
technicien doit être disponible durant la période du 15 novembre 2003 au 15
mars 2004 et doit avoir au moins 30 jours à consacrer à ce travail. Il est important d’avoir dans ce groupe de travail des personnes motivées et qui connaissent bien les produits et leur région.
90
Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc
– Mode de fonctionnement
Le groupe de travail se réunira 4 fois dans les 4 mois et sera animé par le
SRVA. Une réunion avec le groupe agropastoral sera prévue en plus de ces 4
réunions.
– Délai
Lors de la séance du groupe agropastoral prévue le 21 novembre 2003, le
groupe agropastoral désigne quelles personnes il a mandaté dans chaque pays.
6. É laboration des actions
Six actions ont été retenues par le groupe agropastoral.
– Action 1 : Dépliant
- inventaire des dépliants existants et recherche de partenaires ;
- élaboration du contenu après consultation des personnes interviewées cet
été ;
- demande d’offres pour le graphisme et l’impression du document ;
- élaboration du budget.
– Action 2 : Signalétique
- inventaire des logos utilisés et de leur fonctionnement ;
- étude de l’opportunité d’utiliser le logo Espace Mont-Blanc pour valoriser
les produits ;
- élaboration du cahier des charges.
– Action 3 : Rencontre des opérateurs
- définition des objectifs, du déroulement et des intervenants ;
- proposition d’un calendrier.
– Action 4 : Formation des acteurs du tourisme et de la restauration
- inventaire des formations existantes et des institutions de formation ;
- définition des objectifs du module de formation pour le personnel des
offices de tourisme et des restaurants ;
- demande d’offres aux partenaires de formation.
– Action 5 : Présence sur des manifestations existantes
- inventaire des manifestations où des produits sont présentés;
- propositions de dates de manifestations où l’Espace Mont-Blanc pourrait
présenter des produits et de sa démarche.
– Action 6 : Reportage presse
- inventaire des médias intéressés à parler des produits de l’Espace MontBlanc et prise de contact.
91
Le patrimoine pomologique alpin romand
et son impact sur les modes alimentaires
Bernard Vauthier
Les principales sources écrites concernant les Alpes romandes sont les actes
notariés, les registres fonciers (toponymie...), les redevances et les documents
comptables. La relative richesse de ces
sources vient du fait que, jusque même
après l’entrée en application d’un nouveau code civil en 1912, les particuliers
ont le droit de posséder un arbre sans le
fonds. Mais les textes n’ont été que très
partiellement exploités puisque, ne
concernant jamais principalement la
pomologie ou l’arboriculture, ils ne peuvent restituer leurs richesses qu’au travers de recherches philologiques.
Remarques liminaires
On peut discerner, au sein de l’éventail des différentes espèces de fruits,
des strates d’ancienneté : des variétés archaï ques persistent à côté de variétés
plus récentes. Généralement, le langage a gardé la mémoire de ces introductions successives. Certes, il ne saurait constituer un paramètre d’appréciation
exclusif puisque les mots et les plantes ont des dynamiques différentes et qui
ne coï ncident pas toujours, surtout en cas d’éloignement de temps et de lieu.
Néanmoins, en plusieurs circonstances, on peut suivre une appellation au
cours des siècles dans un même terroir. En pareil cas, on peut penser avoir à
faire à une seule variété ou, du moins, à des variétés voisines. Rappelons que
le greffage ou le prélèvement de rejets de souche (pour le prunier) sont à l’origine de cette stabilité.
Nous ne nous sommes intéressé que marginalement aux espèces non greffées comme le noyer, dominant autrefois, et pas du tout ici à d’autres espèces
jadis également qualifiées de fruitières, comme le chêne et le fayard. La distillation, qui a certes connu un fort développement aux XVIIIe et XIXe siècles, n’a pas
non plus retenu notre attention car elle n’était pas associée à des variétés ou des
catégories de fruits particulières.
93
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
1. Les espèces fruitières
1.1. La pomme
La pomme est le fruit le plus abondamment attesté dans les sédiments préhistoriques et même le seul peut-être, avec certaines espèces de prunes, qu’on
puisse véritablement qualifier d’indigène.
La petite pomme sauvage acide possède en Suisse romande de nombreux
noms qui montrent bien l’ancienneté et la solidité de son ancrage culturel :
- mele, meloué, merloué, meillhui (Gruyère, Pays d’En-Haut, Valais central rive
gauche, région des Dranses…) ;
- botset, botsache, botsèrin (Chablais vaudois, Valais central rive droite,
Fribourg…), buchin, beutchin (Doubs, Neuchâtel, Jura…) ;
- croison, croinson, creusson, créson, cresson (Bassin genevois, La Côte, HauteSavoie, Chablais valaisan…) ;
- logey, lodze, odze (Valais, ici et là).
Étymologiquement, “ mele” vient naturellement du latin ; “ botset” se rapporte à la disposition des fruits en bouquets ou, plus vraisemblablement, à la localisation des arbres en forêt (“ bois” ) ; “ croison” serait issu
d’une racine gauloise signifiant dur. Ce mot reste attaché
aux pommes de souche indigène ou qui peuvent leur être
assimilées. Il désigne à la fois la pomme sauvage, grosse
comme une noix, et la pomme cultivée acide destinée à
fabriquer du cidre ou du vinaigre (ainsi que du verjus
autrefois). Ces fruits sont peu colorés. Dans les régions, où
“ croisson” a cours, le mot pomme est associé aux variétés à
Pomme Barbeleine
chair douce avec lesquelles il aurait été introduit, comme la
pomme Barbeleine, la plus ancienne variété valaisanne encore existante, mentionnée en 1420. Son nom, justement, exprime une origine lointaine puisque, par
métaphore, il pourrait se rapporter à la “ Barbarie” ou Maghreb. Le mot
“ logey / odze” , limité au Valais, est mystérieux. Il s’applique à la pomme sauvage notamment à Fully et aux variétés locales (également celles à chair douce) à
Nendaz, par opposition aux variétés d’introduction récentes appelées pommes.
La pomme douce (parfois franchement fade) est particulièrement appréciée
naguère comme féculent et pour le séchage dans le canton de Fribourg et jusqu’au Léman, régions dans lesquelles elle doit s’être répandue à l’époque bernoise, disons aux XVIIe et XVIIIe siècles… De plus, tout comme la poire, elle donne
un excellent vin-cuit (concentré de jus au dixième de son volume).
1.2. La poire
Dans la zone alpine romande, et jusqu’au XIXe siècle, la poire est nettement le
94
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
fruit dominant, aussi loin que les textes peuvent l’indiquer. En Valais, elle est
presque seule utilisée comme féculent ou pour le séchage, tout comme d’ailleurs
également jadis dans l’ancien Pays de Vaud. Il faut dire qu’elle rend beaucoup
de jus, ne nécessite pas d’épépinage, que son arbre est fertile, peu sujet à l’alternance, rustique et d’une grande longévité. La poire sauvage ou demi-sauvage, à
cidre ou à distiller, est appelée blesson, blètson, biasson ou bièchon dans toute la
Suisse romande.
Étymologiquement, ce mot dériverait de “ blesser” dans son sens originel de
meurtrir, amollir. Mais on compte plusieurs variétés de blessons à chair dure et
de longue conservation, particulièrement au sud du Léman, ainsi que dans les
vallées latérales du Valais central où le mot désigne la poire en général, sauf les
variétés nobles ou d’adoption.
Le statut de la poire sauvage est donc nettement moins riche que celui de la
pomme sauvage. Celui de la poire cultivée est en revanche fort enviable, illustré
par l’existence de très nombreuses variétés qui se prêtent à de multiples usages.
1.3. La prune
Comme pour la pomme, le vocabulaire indique le degré
d’ancienneté des différentes souches de prunier. Partout en
Suisse romande et plus loin, dans l’est de la France et en
Vallée d’Aoste, la prune sauvage s’appelle belosse, beloche,
bellosse…, mot d’origine gauloise. Ce mot désigne également des variétés cultivées en Ajoie (canton du Jura) où les
Prune de Vendange
prunes du pays portent le nom générique de belouches. Ces
dernières sont souvent de bonne grosseur, rondes, bleu-noir ou plus rarement
vert-jaune, à peau acide, à chair adhérant au noyau et parfois aigrelette, assez
précoces. Le mot prune est réservé aux fruits de qualité, Damassine et ReineClaude. En Valais, seule la Prune de Vendange (Nin.nzerache ou Nï nzerèche),
tardive, présente une parenté évidente avec la prune sauvage. Mais elle n’en
partage pas le nom. Sans doute, dans cette région, le mot prune a-t-il eu très tôt
une grande vitalité…
1.4. La cerise
En Valais et en Haute-Savoie, la cerise sauvage et la cerise à sécher ou à distiller sont majoritairement de couleur rouge et de consistance molle. Les variétés de couleur noire sont davantage estimées pour la cuisine ou comme
remèdes (décoction des queues, emplâtres de feuilles…). Elles sont nommées
grafions ou gafions, que les arbres soient greffés ou non. C’est un indice de leur
relative nouveauté puisque le verbe greffer n’a remplacé le verbe enter que progressivement dès le XVe siècle…
95
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
1.5. La châ taigne
Le châtaignier n’a eu vraiment d’importance que dans le Chablais, valaisan
et savoyard. On en greffait plusieurs variétés : l’Ente (justement) pour la vente,
la Grossière et la Pelée pour le ménage, la Pied-de-Chien pour le séchage, la
Noire à Fornay pour la “ brisolée” et l’Aralle pour l’affouragement des cochons.
Durant cinq mois par année, on ne consommait presque plus de pain dans les
familles propriétaires de châtaigniers. La récolte des châtaignes s’opérait en
gaulant les fruits, du sol avec des rebattaires (perches d’une douzaine de mètres)
et de l’intérieur de la couronne de l’arbre avec des sanjenaux (perches de 4 à 6
m). Les pillons (bogues) étaient ensuite comprimés dans des chaux ou boichons,
silos rudimentaires, afin de détruire les moisissures par fermentation.
1.6. La nèfle
Appelée niple, la nèfle est très appréciée au Moyen-Age pour sa rusticité,
ainsi que pour l’abondance et la régularité de sa fructification. En 1325 par
exemple, l’hospice du Grand-Saint-Bernard acquiert à Vouvry les nesplers du
vieux port, ainsi que la moitié d’un noyer et de cinq poiriers (un Meyrin, deux
Reschoz, un Ruyn et un Riondel). Mais, trop grossière, elle n’a pas fait l’objet de
sélections particulières, du moins dans la zone qui nous intéresse.
1.7. Une espèce muette, le cognassier
Quoique cultivé depuis des siècles et facile à greffer ou à bouturer, le
cognassier ne possède pas de variétés indigènes. Est-ce à cause d’une utilisation
essentiellement condimentaire ? Étant, dans une recette du XVe siècle, associé
avec la nèfle à part égale, on peut penser qu’il était alors fort petit…
2. Modes de conservation et de préparation
2.1. Le séchage des fruits
Il a lieu :
- à l’air pour les prunes fendues, les quartiers de pommes ou de poires et les
cerises entières (distribuées comme friandises aux enfants ou réhydratées
pour confectionner des tartes) ;
- au four tiède pour les quartiers de pomme ou de poire et les prunes
entières (blanchis ou non) ;
- au four chaud pour les petites poires.
La “ torréfaction” des poires entières se passe en deux temps : le four est
chauffé à blanc (comme pour le pain) et nettoyé. Les fruits (avec queue et
96
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
mouche) sont ensuite projetés dans la cavité jusqu’à couvrir la sole. On les y
laisse durant une vingtaine d’heures après avoir fermé la porte. Ils cuisent,
caramélisent un peu et commencent à perdre leur eau. On les étale ensuite
à l’air pour achever la déshydratation. Pendant ce temps, le voisin refait du
feu et, quatre heures plus tard, enfourne à nouveau 100 à 150 kilos de fruits.
C’est ainsi que, jusque vers 1930 sur le coteau valaisan, on fait les cruchons ou
crœ tchettes (on dit Ggrotscheta en dialecte haut-valaisan).
2.2. La concentration du jus
La fabrication de raisinée ou vin-cuit permet jadis de valoriser l’excédent de
vendange. Le produit est réputé meilleur s’il est confectionné avec des poires
ou des pommes douces. Le Valais a perdu l’habitude de fabriquer du “ resené”
(Bruson) ou de la “ rejena” (Savièse, avec du jus de sureau) mais la fabrication
de raisinée ou vin-cuit connaî t depuis quelques années un regain d’intérêt dans
les cantons de Vaud et de Fribourg. Dans ces régions, on fabrique naguère également de la coignarde, obtenue en ajoutant au sirop, deux heures avant la fin
de la cuisson, de la pulpe de fruits frais (surtout des poires) ce qui donne une
sorte de confiture.
2.3. Les fruits et le pain
De manière générale, la consommation de fruits permet d’économiser le
grain, denrée négociable. Aussi confectionne-t-on du pain aux fruits qui, à
moins d’être séché soigneusement, ne se conserve pas. Appelé cougnou, un
tel pain demeure façonné à Orsières avant Noël. Il s’agit d’une galette faite
exclusivement de farine de seigle et de pulpe de meillhui (pomme sauvage
acide et assez sèche), sans sel, ni levain. Une fois cuite, elle est séchée et
autrefois conservée jusqu’en carême pour garnir la besace des ouvriers qui
allaient travailler la vigne à Fully et qui la suçaient plus qu’ils ne la croquaient.
2.4. Les fruits et la viande
En Valais, les poires et quelques variétés de pommes accompagnent les
légumes dans la potée ; ils surmontent également la choucroute.
- La potée consiste en viande salée, légumes et poires (Ravoire), bouilli,
viande fumée, séchons, chou, pommes de terre, chou-rave, carottes et poireaux (Nax), viande séchée, raves coupées, poires entières, lard, saucisse,
pommes de terre et sel (en Anniviers), chou, “ bacon” , poires, pommes de
terre et éventuellement saucisse (Ayent, Icogne).
Au versant nord des Alpes (Fribourg, Vaud), sous l’influence de la Suisse
97
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
allemande, le lard est accompagné uniquement de pommes douces à l’état
frais ou sec.
-À
Granges-sous-Trey et aux Thioleyres, on recouvre d’eau des schnetz
(séchons) puis on laisse mijoter avec du lard jusqu’à évaporation com-plète ; la cuisson s’achève dans la graisse du lard, ce qui rehausse la saveur
du plat.
À Grattavache, pour accompagner le porc salé et fumé, on cuit à l’étouffée
des schnetz recouverts d’eau ; on ajoute ensuite du sucre et une noix de
beurre ; la cuisson est terminée quand l’eau est bien “ réduite” .
2.5. Les fruits et la pomme de terre
La pomme de terre n’a gagné que lentement l’intérieur du massif alpin. Elle
a remplacé progressivement les fruits utilisés comme féculents et surtout la poire. Elle leur demeure d’ailleurs associée dans la coudzenadze ou cougenase, littéralement “ cuisinade” qui consiste, dans les Dranses et en Valais central, à faire
cuire à l’eau salée des poires, des pommes coupées ou des crœ tchettes avec des
pommes de terres en morceaux ; le mélange est nappé d’oignons émincés rissolés ou de farine frite voire de pain rôti dans du beurre ou uniquement de beurre
ou de graisse fondus ; le plat est parfois garni de fromage.
2.6. Fruits sucrés et fruits oléagineux
Jusque dans l’immédiat Après-Guerre à Isérables, Grimentz ou Saint-Luc,
on grignote à la veillée des crœ tsettes et des mitses (pignons) qu’on extrait de
“ pains d’arolle” ayant séché dans un “ raccard” (l’arolle fructifie abondamment
tous les trois ans). À Conthey, les soupers d’hiver consistent simplement en
noix et crœ tchettes voire, vers 1900, en crœ tchettes et petit lait (Aven)…
Comme friandise, un peu partout, on cuit des pommes entières au four,
évidées et garnies de beurre, crème, sucre, voire eau-de-vie… À Nendaz,
Isérables et Les Agettes, on pose simplement la pomme sur une plaque, entière et sans ingrédients, pour la manger chaude ou froide, à domicile ou dans
les champs.
2.7. Fruit acide, la pomme
La saveur acide est en faveur autrefois. Pour faire du verjus, on cueille avant
maturité des croysons en 1375 à Annecy, des bocherens en 1458 à Fribourg et des
buchins en 1457 à Neuchâtel (entre les 21 juillet et 15 aoû t). En 1697 à Vouvry, la
cueillette des creussons est interdite avant le 24 aoû t. Actuellement en Gruyère,
le verjus de mele soigne les rhumatismes.
98
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
Verjus et vinaigre permettaient de confire les denrées. Dans le Chablais, le
vinaigre de créson permet de conserver les cornichons, les petites tomates vertes
et même les ablettes qu’on pêche en quantité dans le Léman : l’acidité “ cuit” les
arêtes du poisson.
2.8. Vin, maute et cidre
La part du raisin dans la fabrication du vin (au sens
général de boisson fermentée) est moins grande autrefois qu’aujourd’hui. Nous ne nous étendrons pas sur la
vinification mais rappellerons une particularité valaisanne qui consiste à cuver la vendange après foulage, assez
brièvement, durant toute la fermentation ou même, au
XIXe siècle pour les fruits à pépins, à entonner la pulpe
Poire Rê che
retirée du “ foulon” pour ne soutirer la fleur qu’en carême. Cette manière de faire permettait de n’avoir à pressurer que les résidus.
À Lourtier, le cidre de pomme Blaoué était augmenté de dix litres de jus de
sureau par tonneau d’environ cent cinquante litres, ce qui l’adoucissait et lui
conférait une teinte rose brun. À moindre altitude, la boisson dominante était
la maute ou maude (féminin de “ moû t” ) faite de jus de poire coupé de jus de
créson. D’ailleurs le vignoble, jadis lacunaire, était parsemé de nombreux poiriers à vin, en particulier de poire Rêche, un type de fruit mentionné en 1260
déjà dans une vigne à Ollon (VD) et qui mû rit encore dans les vignes de
Leytron et Fully.
3. Le statut affectif des fruits
La fonction symbolique des fruits est omniprésente, en particulier dans la
représentation de l’identité sexuelle.
3.1. La poire, symbole de virilité
Le mot poire est masculin en francoprovençal, tout comme le gland et cela
pour les mêmes raisons. À titre d’illustration, mentionnons l’appellation Collia,
Collia, Couillard, répandue dans l’est de la France et en Suisse romande (sauf
en Valais), pour différentes variétés. L’image virile de la poire est renforcée par
son caractère polymorphe et sa large palette de saveurs.
Les arbres sont à l’image des fruits. Le poirier est toujours mis au masculin
alors que, tout comme en latin, le pommier et le noyer sont mis au féminin. Le
port érigé du premier, sa taille volumineuse et sa longévité de patriarche permettent d’expliquer ce choix.
99
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
3.2. Les fruits ronds, symboles de fertilité
Dans le parler romand, les
fruits ronds, pomme, cerise,
prune et noix, sont de genre
féminin, comme en français.
Seule la pomme sauvage est
mise au masculin. Le genre
féminin s’étend également au
pommier et au noyer, appelés
pommière et noyère. Cette symbolique s’affiche à l’occasion
de Pâques, fête de la fécondité retrouvée. Partout naguère
dans le Valais romand et
actuellement encore à Saillon
La Rameluva (photo R. Champrétavy)
par exemple, lors du dimanche des Rameaux, qui ouvre
la semaine pascale, on pèle, sauf au sommet, des rameaux de genévrier sur lesquels on enfile des pommes rouges lustrées (Franc-Roseau…). La base des rameaux est ensuite recourbée et piquée en forme de poignée dans la dernière
pomme. Agrémentés d’un ruban rouge, ces rameaux sont déposés dans l’église
en bordure du chœur. Concernant le bétail, le vinaigre de pomme favorise la
mise-bas de génisses plutôt que de taurillons et, à Nendaz, on fourrage les
chèvres avec des boutsés “ pour les faire venir à bouc” .
Quelques variétés
Cerise BOÈ NENETTE
Cette cerise rouge de Troistorrents servait à faire des
confitures et du kirsch.
Elle peut sécher à l’arbre.
Poire BARBEYRON
Mentionnée dès 1898, cette petite poire d’hiver à cuire est
cultivée du Chablais vaudois à la Glâne fribourgeoise.
Son nom peut être rapproché de “ berbère” (par métaphore portant sur une origine lointaine), de Barbe ou Barbey,
patronymes régionaux anciens, ou de Barbèra, forme
romande de Barbara, nom de sainte Barbe honorée le
4 décembre…
100
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
Poire CANÉ É , CANEVET ou CANUET
Cette poire de Conthey est cuite au début de l’hiver
avec des légumes ou de la choucroute et de la viande. Le “ l” tombant en patois, on peut assimiler
son nom à Calve ou Calue mentionné en 1466 à
Lausanne et en 1609 à Vevey, ainsi qu’à Caluet mentionné en 1779 à Pont (Veveyse) et 1901 à Chamoson et Pailly. L’appellation vient de “ caljo” soit
pierre, par allusion à une consistance dure.
Poire CAMPANARD
Ayent, ce fruit mû r en octobre est cuit en compote ou séché entier au four pour faire des “ cruchons” . Des poiriers de Campanard sont régulièrement mentionnés de 1859 à 1899. L’appellation
vient du latin campana, cloche, à cause de la forme
du fruit.
À
Poire CARMAGNOULE ou CARMAGNOULA
Troistorrents, ce fruit convient au séchage à chaud
autant qu’à la distillation. Il est qualifié de “ tendre et
printanier” en 1901. Une poire Carmagnole identique mû rit dans le massif des Bauges, au sud
d’Annecy. Le botaniste Jean Bauhin mentionne déjà
une Carmaignole vers 1600. L’appellation se rapporte à la cité piémontaise de Carmagnola.
À
Poire-CHANNE ou TSANA
Cette variété de Charrat, naguère de Fully, Icogne et
Saillon, tombe à la mi-septembre. Elle était consommée crue, cuite ou sèche. Elle est mentionnée en
1901 à Fully, Lens, Riddes, Savièse et Venthône, ainsi qu’en 1836 à Basse-Nendaz.
Poire GRASSET
Appelé Grachet par patoisisme, ce fruit de Conthey
mû r au début d’octobre était séché au four pour faire des crœ tchettes qui accompagnaient la polenta de
maï s. Dans la même région, un poirier Grasset, est
vendu en 1415 à Salins et un autre est échangé en
1422 à Nax. “ Grasset” est un diminutif de “ gras” .
101
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Poire MOCATÉ
Ce fruit de Prarreyer, Troistorrents et Versegères,
apprécié des gamins, servait à fourrager les porcs
au début de septembre.
L’appellation est un dérivé de Muscat.
Poire MOCATELET
Ce fruit d’Ayent, tombant au début d’octobre,
était séché pour faire des crœ tchettes. L’excédent
de récolte servait à fourrager les porcs. Dans la
même commune, des poiriers de Mocatelles ou
de Mocatelet sont mentionnés de 1843 à 1885.
L’appellation est un diminutif de Muscat. On
disait également Chatt-in-Gorge (soit Sept-enBouche), Sêtinbouotse à Leytron, ainsi que
Chatinbotch ou Satinbouotse à Lens.
Poire Ô TAN
Charrat, naguère Chamoson, Conthey et Vex,
cette grosse poire beurrée mû rit au début de
septembre. Elle est mentionnée en 1866 à Ayent
(Utan). L’appellation est ancienne en Suisse
romande. Le mot “ otan” , adjectif ou nom, est
synonyme de “ valdôtain” mais c’est aussi le
nom du vieux bourg de Martigny (forme altérée d’Octodure) et l’adjectif se rapportant au
mois d’aoû t…
La poire Ô tan est semblable sinon identique à
la poire Pape.
À
Poire PAPE
Cette variété, répandue dans la région de Sion et
de Sierre, ressemble à la précédente. À Vex, on la
séchait par moitiés, à Nendaz par quartiers. Des
poiriers de poires Papa, Papaz ou Pape sont
mentionnés dès 1859 à Ayent et Nendaz.
Une anecdote affirme que, passant par Saxon,
le révolutionnaire italien Garibaldi se vit offrir
une poire Pape à quoi il répondit qu’il la mangerait à Rome !
102
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
Poire PÉ TOLIN
Troistorrents, on gaulait cette petite poire ronde
au début de septembre pour la sécher entière au
four. On pouvait également en faire du poiré, de
l’eau-de-vie, de la compote ou une confiture agréablement rosée. Des poiriers de Petoli ou Pétaly sont
mentionnés en 1881 et 1890 à Ayent. L’appellation
dérive de “ petit” .
À
Poire PIASSE
Cette variété d’Ayent, mû re en décembre, est
naguère réduite en crœ tchettes.
On l’apprécie actuellement cuite sur la choucroute.
Il est question de poiriers de Pliä s ou Plias en 1866
et 1873.
Poire RÊ CHE
La poire Rêche (“ Ritz” en patois) mû rit à Leytron,
Fully, Riddes et naguère un peu partout en Valais.
Elle ne tombe qu’en décembre. On la pressurait
pour confectionner un vin à usage domestique
appelé “ bringue” .
Sur la Côte vaudoise, vers 1840 tout comme déjà en
1323, le jus de la poire Reschoz sert à fortifier le vin
trop léger. Cette variété est mentionnée en 1260 à
Ollon VD (Reschos), 1294 à Miex (Rescho), 1325 à
Vouvry (Reschoz), 1358 à Brent (Rechoz), 1418 à
Trélex (Rechuz) et 1405 à Lausanne (Reschoz). La
toponymie est riche également.
Poire RINDAÏ
Naguère dans la vallée de Bagnes, ce fruit mû r en
octobre est consommé cru ou cuit. Il “ fait traire” les
chèvres et engraisse les cochons. On note Rinday
en 1901 à Lourtier.
Le nom de cette variété pourrait dériver du verbe
“ rendre” par allusion à la fertilité de l’arbre.
103
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Poire ROCHET
Cette poire d’Ayent et d’Icogne, se conservant jusqu’en décembre, était fendue pour confectionner des
crœ tchettes ou cuite entière avec du lard. Dans la
commune d’Ayent, des poiriers de Rochet, parfois de
Roset, sont mentionnés régulièrement de 1863 à
1895. Le mot “ rochet” signifie brun en patois.
Poire ROZ
Se conservant jusqu’en mars, ce fruit de Fully,
Saillon et Leytron est cuit avec “ du salé” ou dans la
choucroute. Un perey Rod est mentionné en 1700 à
Riddes et d’autres poiriers Roz dès 1822 à Nendaz.
L’appellation pourrait dériver de “ rodzo” , forme
valaisanne de rouge. Le patronyme Roz est attesté en
1614 à Conthey et au XVIIe siècle à Vétroz.
Poire SÂ Ë ou SÂ OUÉ
Ce fruit de Conthey est agréable à manger cru au
début d’octobre.
L’appellation a sans doute perdu un “ l” original,
ce qui nous ramènerait à “ Salé” , nom de poire au
XVIIIe siècle.
Poire VERDAN ou VERDET
Appréciée à la main, cette poire de Charrat, Le
Châble, Saillon et du Chablais vaudois mû rit dans la
première moitié d’octobre. Elle était séchée ou cuite
avec des pommes de terre. On la mentionne en 1901
à Ormont-Dessus (“ Verdant” ) et une première fois
en 1844 à Ayent (de Verdan). Elle est très ancienne en
toponymie (1365 à Dompierre VD).
Pomme BALOFFE
Ce fruit d’Ayent se conserve jusqu’en mars mais
c’est à Noël et à Nouvel-An qu’il était apprécié des
boulangers pour confectionner des tartes car il se
défait bien. Des pommiers de Baloffes ou Baluffes
sont mentionnés dès 1844.
104
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
Pomme BARBEINE ou BARBELEINE
Isérables et Nendaz, cette pomme douce et très tardive est cuite au four, entière et sans ingrédient, ou incorporée entière à la potée où elle rejoint la viande, le chou
et les pommes de terre. On dit Barbeleuna dans le Val
d’Aoste. L’appellation Barberine apparaî t dans un
manuscrit dicté vers 1420 par le cuisinier du duc de
Savoie et conservé à Sion. La pomme ainsi désignée sert
à confectionner une purée au lait d’amandes douces,
sucrée et assaisonnée de sel. On pourrait lire Barbeline
puisque le “ r” et le “ l” se valent dans nos patois.
À
Pomme BLÂ OUÉ ou BLAWE
Ce fruit acide et tardif du Val de Bagnes servait exclusivement pour le cidre.
L’adjectif “ blâoué” signifie pâle, blafard, de couleur
indéfinissable…
Pomme BONALLE
Ravoire et Martigny-Combe, ce fruit doux était étalé
sur de la paille dans une chambre haute ou conservé en
tas à la cave. Il était cuit au four ou donné comme fourrage au bétail.
Un patronyme Bonal existe en Savoie et dans l’Isère…
À
BOTSACHE, BOTSASSE, BOUTSÉ
En Valais et dans le Chablais vaudois, on nomme ainsi
la pomme sauvage ou demi-sauvage, aigre et assez
petite. On en fait du cidre et une délicieuse gelée ; l’excédent de la récolte sert à fourrager les chèvres et les
cochons. Un pommier Botsache est mentionné en 1799
à Nendaz.
105
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Pommes COHAU BLANC et COHAU ROUGE
Les pomme douces de ce nom mû rissent respectivement en aoû t et au début de septembre dans l’Intyamon (Albeuve, Lessoc…)
Elles sont accommodées avec de la viande.
CRESSON ou CREUSSON
À Vérossaz, le Creusson n’est pas cueilli mais secoué et mis
en tas durant un mois avant d’être pressuré.
CREUSSON
Troistorrents, où “ un arbre de croussoneys” existe en 1557,
ce fruit sert à confectionner du vinaigre jusque durant les
années 1990. Légèrement coloré, il est appelé Creuçon rouge
en 1923 à Massongex.
À
CROISON
Ce fruit de Saconnex-d’Arve, est destiné à fabriquer du
cidre. Une famille Croison existe vers 1400 à Sévrier en
Haute-Savoie.
LODZE
On dit “ lodze” pour la pomme sauvage acide à Fully, “ lò dze” en 1939 à Ravoire
sur Martigny et en 1901 à Lourtier. Le patois de Nendaz, qui a perdu l’usage du
“ l” , use, vers 1960, des mots “ odzé” et “ odzi” pour désigner respectivement la
pomme et le pommier de souche locale, par opposition à “ poma” et “ pomi” qui
désignent les variétés introduites. Le mot loget est utilisé comme synonyme de
pommier dès 1807 dans la même commune, ainsi qu’en 1703 à Riddes (logeyz et
logiay), 1690 à Saxon (logey) et 1635 à Bagnes (logeyz).
Le diminutif Lò dzèta/Losette s’appliquait à des variétés de pomme, des
Dranses jusqu’au Valais central.
Étymologiquement, l’appellation ne présente sans doute aucun rapport avec
“ logé” signifiant rassasié, acception particulière du même mot français utilisée
à Fully.
106
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
Pomme (L)ODZË DURE
Nendaz, fruit qu’on encavait en tas sur les pommes
de terre, voisinage qui se prolongeait dans la marmite,
ou qu’on cuisait à sec au four dans sa peau. On trouve
un pomier de Loge dure vers 1830.
À
Pomme RÂ É RÈ ou RAÏ RÈ
Ce fruit était répandu dans le Val de Bagnes (on disait
Ravaï re à Sarreyer). L’appellation signifie probablement
ravière soit semblable à une rave.
Pomme VENIOUDE
On dit également Vènioude, Venoude ou Vinioude. Ce
fruit de Troistorrents est agréable à manger à la main.
L’appellation est probablement une corruption de
Belloude attestée en 1731 au Val d’Illiez.
Prune BREGNOLE
Ce fruit de Troistorrents est apprécié pour son
dénoyautage facile ; on le séchait au soleil sur les galeries couvertes des maisons. On dit “ praonma Brenyola”
en 1901. Il porte le nom de la ville de Brignoles, en
Provence, exportatrice de pruneaux secs du XVIe au XIXe
siècles, issus principalement de la variété Perdrigon
violet.
Prune DOLONÉ
Ce fruit de Savièse est fade cru mais donne de jolies
confitures.
Son nom signifie petit pot, par allusion à sa forme.
107
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Prune MAÏ OLIQUE
Cette prune de Martigny-Combe et naguère de Ravoire
est réputée se dénoyauter facilement.
L’adjectif “ maï olique” se rapporte au type de faï ence
bleue ou verte d’origine arabe qui transitait par l’î le de
Majorque pour gagner le nord de l’espace méditerranéen
et qui fut imitée à Valence à la fin du Moyen-Age. Il fait
ici référence à la couleur du fruit.
RODZETTE ou ROUGETTE
Ce fruit du Chablais vaudois et valaisan est semblable
sinon identique aux autres “ prunes rouges” de Suisse
romande (Bérudge, Damaizone, Damassine…), variétés
sans doute issues d’une “ Prune Rouge” des XVIIe et XVIIIe
siècles introduite alors qu’elle était la seule de cette
couleur…
Prune de VENDANGE, NIN .NZERACHE
ou NÏ NZERÈ CHE
Cette variété de Troistorrents, Nendaz et Savièse, se flétrit sous l’effet du gel et convient alors à la confection de
confiture et d’eau-de-vie. Elle ressemble à une grosse
belloche (prune sauvage).
La lettre “ v” étant muette en patois, les appellations
Nin.nzerache ou Nï nzerèche signifient quelque chose
comme “ Vendangeresse” .
Prune de VERNE
À
Troistorrents, petite prune sucrée destinée à la confiture ou à la distillation. Elle doit certainement son nom à
ses mouchetures semblables à celles de la verne (aulne)
dont la jeune écorce est lenticellée de blanc.
“ZWETSCHKE” : TSEVESQUE
L’allemand Zwetschke soit pruneau (prune allongée) a
donné son nom à une variété du Valais central semblable
à la Hauszwetschke de Suisse allemande et qui est la seule prune cultivée loin des maisons, dans les vignes en
particulier. Elle se résout difficilement à tomber, restant
accrochée aux branches de l’arbre en se déshydratant.
Des pruniers de Zevesque sont mentionnés en 1866 à Ayent.
108
Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires
N O T E
Sauf indication particulière, les photos et les dessins sont de Bernard Vauthier.
Pour en savoir plus, on peut se procurer, chez l’auteur (3, Sources, CH - 2014 Bôle) et
sous forme de polycopié, l’ensemble de l’étude dont est issu cet article, ainsi que les
photographies en couleur des fruits. Un exemplaire de ce travail est également consultable au Centre d’Études francoprovençales « René Willien » à Saint-Nicolas.
Cougnons d’Orsières (voir p. 97)
Crœtchettes ou cruchons
Planchette pour aplatir les cougnons
109
La terza via dell’alimentazione alpina
Enrico Camanni
Una direzione sembra segnata. I complessi problemi di disagio ambientale,
flessione demografica e difficoltà economica che, su un territorio molto articolato ma con elementi ricorrenti, accomunano gli oltre undici milioni di abitanti delle Alpi (tredici milioni secondo la stima
allargata della Convenzione alpina) e i
circa seimila comuni, portano ormai quasi ovunque a parlare di “ sviluppo sostenibile” . Una definizione già inflazionata,
cui va restituito un significato.
I più sembrano aver compreso che, per
esempio, non è “ sostenibile” un turismo che sacrifichi la qualità dell’ambiente, che cannibalizzi le colture agricole e le attività silvo-pastorali, che
annienti la storia e le tradizioni locali. Alcune amministrazioni ragionano
sull’opportunità di allontanare le auto dal centro dei villaggi, per non ricreare in montagna lo stesso clima di inquinamento e di stress che si cerca di
scacciare dalle città. Altre si stanno accorgendo che la monocultura dello sci
uccide ogni altro sviluppo possibile, per cui bisogna creare urgentemente
delle alternative. Si tende finalmente a rivalutare la gastronomia del luogo
contro le tentazioni del “ fast food” , e a rilanciare i prodotti tipici contro la
logica del supermercato.
Un turismo saggio e responsabile è l’opposto del modello unico. Consiste
nel valorizzare le differenze e le peculiarità di ogni località, dal dialetto alla
cucina, dai colori agli odori, consiste nello scambio di culture esogene ed
endogene, consiste nel graduale e morbido inserimento del visitatore nella
realtà locale, rispettandone i tempi, i riti, gli usi, perfino le imperfezioni.
Il primo esercizio degno di un visitatore sensibile dovrebbe consistere nel
decifrare il luogo delle sue vacanze, nel cogliere scampoli di verità e bellezza
(ma anche di contraddizione) dietro il sipario asettico dell’apparato turistico.
Per ottenere qualche risultato bisogna imparare a guardare oltre la rustica consolle dell’immancabile Bar delle Alpi, le tovagliette ricamate del Ristorante
111
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Belvedere, i campi da tennis seminascosti dai Cedri del Libano, la pizzeria
camuffata da rascard o il rascard trasformato in discoteca. Bisogna cominciare
a parlare con la gente del posto, sgretolare con pazienza il muro della diffidenza e dell’omertà, per scoprire – ad esempio – che il “ formaggio di malga” viene dalla Brianza ma esiste una toma senza etichetta, un formaggio locale, che
scende con il pastore due volte al mese dall’alpeggio e ne vale cento di quei
latticini senz’anima. E poi magari, dopo qualche giorno di sguardi di traverso
e mezze parole, il lattaio ti confida dove si trova la baita del pastore, così che
invece di salire sulla solita seggiovia del Rifugio Stella Alpina – dove si mangiano i salami Negronetto con la forma delle Tre Cime –, ti incammini su per
un sentiero vero, senza la vista delle cartoline illustrate ma con i rumori e gli
odori dell’alpeggio, comprese le mosche, il letame e il cane che spaventa i
bambini ma non fa male.
Se il turista e l’allevatore, o il turista e l’agricoltore, o il turista e il produttore
di miele mostrano un reciproco atteggiamento di attenzione e rispetto, allora
Trasporto della fontina in un alpeggio di By, Ollomont (AO), fine anni ‘ 60 (foto Ezio Capello)
112
La terza via dell’alimentazione alpina
può nascere l’esperienza dell’agriturismo, sintesi ottimale di indigeno e forestiero, di elargizione della terra e appagamento dello spirito, di natura e cultura.
Si tratta in due parole di individuare una “ terza via” tra la “ rapina” indiscriminata delle ricchezze tradizionali alpine (produzioni agricole e alimentari
comprese) a solo scopo turistico, secondo modelli di sfruttamento urbano, e la
tentazione altrettanto rischiosa di una “ museificazione” della montagna, congelando la stessa tradizione ad uso e consumo della fruizione esterna, senza
lasciar maturare ed evolvere le competenze antiche verso nuove forme di utilizzo e sviluppo.
La riscoperta dell’alimentazione alpina autoctona è storia recente, perché
fino a dieci, vent’anni fa molti ristoratori erano ancora convinti che i cittadini
preferissero mangiare come a casa loro. Era il tempo delle pizzerie napoletane,
delle tagliatelle alla bolognese, del pesce di mare servito nei ristoranti a quattro stelle. I piatti di montagna venivano considerati piatti poveri e li si rinnegava continuamente. Camion carichi di scorte di pianura rifornivano gli alberghi
delle Alpi e altri camion scendevano a valle con i prodotti della montagna.
Niente di più autolesionista: ora si è finalmente capito che i prodotti locali
vanno consumati sul posto, per accrescerne la tipicità e invogliare i turisti a
scegliere una meta e a ritornarvi. Un esempio tra mille: nessuno forse è mai
salito a Bormio solo per gustare l’amaro di erbe dello Stelvio, ma da quando il
Braulio si trova nei supermercati delle grandi città c’è un motivo in meno per
andare in Valtellina.
Il vero pericolo per l’agricoltura e l’allevamento sulle Alpi è la perdita di
identità. Un processo senza vie d’uscita, perché le produzioni di montagna non
saranno mai competitive con quelle di pianura se si misureranno con le stesse
“ armi” . Inoltre la liberalizzazione dei mercati tende a estendere sempre più i
suoi effetti anche nelle regioni alpine, e gli svantaggi derivanti dalle caratteristiche geografiche e naturali del territorio portano a evidenti condizioni di inferiorità, salvo i casi in cui i contributi pubblici riescono a compensare lo squilibrio.
Una “ fontina globalizzata” non ha vie di scampo: la spunta il Fontal venduto a
basso costo nei supermercati di pianura.
Il riscatto dell’agricoltura di montagna è dunque ipotizzabile solo nei termini di un’elevata qualità del prodotto e di una collocazione diretta sul mercato
locale attraverso un circuito virtuoso con il mercato turistico: agriturismi, coltivazioni biologiche, marchi tipici, prodotti estremamente differenziati e assolutamente caratterizzati in base alla zona e addirittura all’azienda di provenienza.
Non c’è alternativa. La montagna è costretta a seguire questa direzione.
D’altra parte esistono già alcuni successi che testimoniano la bontà della
scelta. Bisogna innanzi tutto credere nel cambiamento e investire in fiducia e
creatività. Accettare che la qualità costa e non vergognarsene. Anzi. Si vergognano forse i creatori di moda o i venditori di gioielli?
113
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Proverò a rifarmi, e a fare a tutti voi, le domande che ci siamo posti nel 2003
quando le redazioni (italiana e francese) della rivista L’Alpe hanno affrontato
congiuntamente il tema dei “ Prodotti della montagna” .
Innanzi tutto ci siamo domandati se esista una definizione statica di “ alimentazione alpina tradizionale” e la risposta è stata ampiamente negativa: la
Il teteun, tradizionale prodotto della macelleria valdostana, ricavato dalla mammella di mucca
(archivio Anteprima s.r.l., Images - Aosta)
114
La terza via dell’alimentazione alpina
stessa tradizione alpina è una frontiera culturale in continuo mutamento, che
proprio nel movimento trova la propria ragione e la propria sopravvivenza;
nel senso che se si ferma muore.
Nessun prodotto è “ alpino” per vocazione e per definizione, ma molti prodotti lo sono diventati per “ caso” , arrivando sulle Alpi nel preciso momento
in cui le popolazioni alpine avevano bisogno di loro per integrare la scarsa
disponibilità alimentare, insidiata da carestie, guerre e altri flagelli. Dunque la
prima categoria di scelta è stata il bisogno, senza il quale il mais non sarebbe
approdato sulle tavole dei montanari in forma di polenta, diventando un fondamento dell’alimentazione alpina e successivamente uno stereotipo della
stessa cultura montana, e le patate non sarebbero passate dalle tavole d’oltreoceano a quelle europee, sostituendosi ad altri prodotti impoveriti o scomparsi. Così è stato anche per i cereali di più vecchia introduzione, che il bisogno e l’inventiva contadina dimostrarono poter sopravvivere alle quote più
alte, là dove il terreno sgela solo per alcuni mesi all’anno e permette un fugace quanto prezioso raccolto.
Ma non basta il bisogno, ci siamo accorti, a spiegare le scelte alimentari
della montagna. C’è una seconda categoria storico-antropologica indispensabile per capire l’evoluzione dei prodotti nel passato e per dare prospettiva
alla loro sopravvivenza nel futuro. È il processo di acculturazione, ben
riassunto da Rosanna Caramiello nel suo testo introduttivo al fascicolo
dell’Alpe:
Soffici fiori di lardo d’Arnad (AO) (archivio Anteprima s.r.l., Images - Aosta)
115
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
«Le popolazioni locali non cercarono nuovi cibi ma
subirono l’introduzione delle specie esotiche come
scelta obbbligata per superare periodi di crisi alimentare; la loro fortuna fu successiva e il passaggio dalla cultura contadina a quella “ alta” , che li modificò nobilitandoli, fu spesso tardivo. Tuttavia proprio le specie
più lontane dal gusto antico, come mais e grano saraceno, possono oggi essere considerate alimenti tradizionali delle valli alpine dal momento che, nonostante la
pressione del bisogno, furono accettate solo quando le
loro preparazioni riuscirono a integrarsi con quelle della tradizione locale, dimenticando o addirittura ignorando gli usi dei paesi d’origine. La selezione del gusto
e della cultura ha modificato i prodotti fino al punto da
renderli autoctoni».
Questo processo di acculturazione è lo stesso che regola la “ nuova” alimentazione alpina, o meglio la produzione tipica sviluppatasi sulle Alpi negli ultimi decenni del Novecento, dopo che un turismo fondato su modelli e abitudini
urbane aveva scalzato o messo in seria crisi la cosidetta cucina “ tradizionale” .
Nel campo dell’alimentazione, o meglio delle scelte alimentari ad uso interno
(ma soprattutto esterno) della montagna, si è verificata la classica forbice degli
anni del boom: mentre una visione romantica e irrealistica tendeva a salvare la
cucina “ antica” anche quando vecchio significava ripetitivo, scadente ed economicamente insostenibile, l’urgenza di livellare la montagna (cucina compresa)
ai presunti gusti della città spingeva la diffusione di piatti e cibi improbabili,
omologati, lontani anni luce dalle abitudini locali. Mentre nelle valli più povere
e meno interessate dai flussi turistici si continuava ad offrire salumi e formaggi
di dubbia provenienza, polenta cucinata di malagrazia e vino scadente, nelle
valli baciate dal turismo (che spesso erano le stesse vallate: media valle “ contadina” e alta valle “ turistica” ) nascevano pizzerie e spaghetterie, paninoteche e
tavole calde, oppure lussuosi ristoranti a base di pesce e piatti esotici. Era la
classica dicotomia tra una montagna ossessivamente e ottusamente legata al
tempo che fu, dunque a una tradizione senza futuro, e un’altra montagna colonizzata dal modello cittadino, fatalmente destinata a diventare una periferia
della città stessa, un surrogato.
In che cosa si difettava? Esattamente nei due attributi che, a fine secolo, si
riveleranno decisivi nei processi di trasformazione dell’alimentazione locale,
ma soprattutto dell’offerta alimentare e dell’immagine culturale esterna: la qualità e la tipicità.
In tema di alimentazione e produzione alimentare, più che in ogni altro settore, la montagna ha dimostrato negli ultini due decenni che può esistere una
terza via culturalmente ed economicamente sostenibile, che facendo propri
alcuni elementi della tradizione (tipicità) ed elaborandoli secondi nuovi gusti e
116
La terza via dell’alimentazione alpina
nuove tecnologie (qualità) può portare non solo all’identificazione di prodotti
specifici alpini, ma anche a un buon grado di concorrenzialità sul mercato globale, dove il consumatore da qualche tempo ha imparato ad abbinare il valore
di un prodotto alla sua storia e al luogo di provenienza.
Nel nostro lavoro per l’Alpe abbiamo identificato e analizzato alcuni casi
diversi per storia e collocazione geografica, ma simili nell’assunto che la montagna, se offre prodotti di alta qualità, può competere anche con la logica del
supermercato, rovesciandola o adattandola alle proprie esigenze. Nella diversità e nella complessità delle situazioni esistenti, che vanno dai vini valdostani
ai vini valtellinesi, dalle mele della Val di Non ai piccoli frutti delle piccole valli,
dai mieli alle marmellate, dagli insaccati agli amari, dalle lavorazioni artigianali
a quelle industriali, attraversando il pianeta dei formaggi di malga, in questa
complessità di modelli più o meno vincenti ritorna sempre la vecchia regola:
«La selezione del gusto e della cultura ha modificato i
prodotti fino al punto da renderli autoctoni».
Questa è la tradizione alpina, l’unica che abbia un futuro.
N O T A
Le foto di questa relazione sono tratte da L’Alpe n. 9, «Prodotti della montagna», Ed. Priuli
& Verlucca, Pavone Canavese (TO), 2003.
117
Rien que des châtaignes
Ilda Dalle
La châtaigne et le châtaignier
aujourd’hui
Donnas est une commune située dans la
basse Vallée d’Aoste aux confins avec le
Piémont. Son territoire s’étend des 320
mètres d’altitude de la plaine jusqu’aux
2 266 mètres de sa cime la plus haute.
En arrivant du côté du Piémont, après
avoir dépassé Pont-Saint-Martin, ce qui
attire immédiatement l’œil est une
“ monumentale” pente cultivée à vignobles, mais tout juste au-dessus, les bois
de châtaigniers s’étendent à perte de
vue. D’un côté et de l’autre de la Doire
Baltée, à l’adret et à l’ubac, des 400-500 mètres jusqu’à peu près 1000 mètres
d’altitude, la montagne est recouverte presque uniquement de châtaigneraies.
Si la culture de la vigne est encore très répandue, grâce surtout aux Caves
coopératives nées en 1971, celle du châtaignier est, de nos jours, très réduite.
Les plantations et les bois bien entretenus sont désormais plutôt rares. En général, le bois sauvage avance et gagne sur les clairières et les terrasses, lé piagne,
qui étaient jadis cultivées à vignes ou à céréales.
Il y a de toute façon quelque chose qui bouge… heureusement. La communauté de montagne Mont Rose qui regroupe neuf communes (Champorcher,
Pontboset, Hône, Bard, Donnas, Pont-Saint-Martin, Perloz, Lillianes et
Fontainemore), à juste titre, a dans son logo trois châtaignes renfermées dans
une bogue. En effet, seul la commune de Champorcher se trouve à une altitude
qui ne permet plus la culture du châtaignier. En 1997 la Communauté de montagne a lancé un projet qui a pour but de sauvegarder et d’encourager la culture
du châtaignier. Il s’agit de financement de la part de l’U. E., de cours pour
apprendre la technique de la greffe et de la taille, de démonstrations de nettoyage d’arbres fruitiers, de la formation de jeunes experts locaux, d’études sur
les maladies et les qualités les plus rentables et d’interventions d’assainissement des châtaigniers centenaires.
119
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
D’une étude faite en 2001 il résulte que
1086 arbres ont été taillés, 690 greffés et
que 64 nouvelles implantations on été
mises en place. C’est sans doute un bon
résultat, mais si l’on compare ces données avec ce qu’un témoin m’a dit, il y a
quelques temps, on comprend à quel
point les choses ont changé !
« Ma famille avait 103 châtaigniers et
nous ramassions toujours toutes les châtaignes ».
Ce n’était qu’une famille, je dirais une
famille assez normale des temps passés.
Quelques milliers d’arbres bien entretenus dans toute la communauté de montagne contre les 103 d’une seule famille !
En 1993 est née la Coopérative “ Il riccio” ,
qui a actuellement son siège à Lillianes.
Un vieux châ taignier greffé (photo Ilda Dalle) Des premiers six inscrits elle est passée
aux 65 associés actuels et s’occupe de
recueillir les châtaignes ramassées par les sociétaires, soit à Lillianes soit dans les
autres communes, de les nettoyer, de les trier selon leur grandeur en 4 catégories,
de les vendre fraî ches ou sèches, de produire de la farine. On y traite moyennement chaque année 20 000 kilos de produits et on arrive à tout vendre en peu de
temps. Ce qui fait que la Coopérative souhaite pour le futur un apport bien plus
consistant.
La châtaigne et le châtaignier autrefois
La culture du châtaignier était autrefois si importante que les vieux documents des notaires s’en occupaient souvent: un arbre de châtaignier pouvait
être partagé entre trois héritiers ou bien encore l’un des héritiers avait la propriété de l’arbre et l’autre celle de la teppe, le pré en dessous, avec lou dzah, les
feuilles sèches, et le bois mort. On pouvait n’avoir que le droit de faire la ramée
pour la nourriture des chèvres ou celui de ramasser les feuilles sèches pour le
fumier.
De cet arbre on utilisait tout : le bois gros ou menu, les fruits, les feuilles
fraî ches ou sèches, pas un brin n’était perdu !
En parlant du châtaignier, il faut d’abord distinguer entre les arbres greffés
et les sauvages. L’arbre sauvage (ou plutôt l’arbre non greffé étant donné qu’il
120
Rien que des châ taignes
faisait lui aussi l’objet d’un rigoureux
entretien) est appelé en patois la ferla,
l’arbre greffé est tout simplement la
piènta.
Les ferle fournissaient du bon bois de
chauffage si on les coupait à la lune
croissante et du bon bois de construction si on attendait la vieille lune. C’était
le seul bois qu’on utilisait pour les échalas de nos vignes et pour la fabrication
des tonneaux et des cuves.
Aux ferle on faisait périodiquement,
à peu près tous les trois ans, la fóye, la
ramée. Il s’agissait de couper toutes les
branches vertes, de les faire sécher liées
en javelles, de les entasser en meule (la
quiouva) pour avoir, tout au long de l’hiver, de la nourriture pour les chèvres.
Les piènte, par contre, donnaient la
possibilité de se nourrir durant pratiquement toute l’année !
La quiouva pour la nourriture des chèvres
en hiver (photo Ilda Dalle)
Au printemps, vers le mois d’avril, quand la sève montait, c’était le
moment de èntéi, de greffer. On choisissait un greffon de la qualité préférée et
on le greffait sur le sauvage. Les variétés de châtaignes étaient très nombreuses, chacune avec ses qualités spécifiques ; les unes mû rissaient plus vite,
les autres étaient plus adaptées pour les châtaignes grillées ; d’autres, bien que
très petites, perdaient complètement leur peau quand on les battait et elles restaient donc très blanches, parfaites pour la soupe ; d’autres encore ne sortaient
pas de leurs bogues en tombant de l’arbre, ce qui permettait d’aller les tsignì,
les ouvrir, plus tard.
À Donnas il y avait plusieurs qualités de châtaignes : les dounahtse, les
réchane, les ourtèntse, les grignole, les piaquine, les pioumbéze, les verdéze, les dzénotte, les groussére, les youére, les mourette ; à Perloz on pouvait y ajouter les
maroune, les yeuya, les bounènte, les rouffinette, les rosse dou ban, les èhpinnérére ;
à Arnad, village aux confins de Donnas et de Perloz, il y avait aussi des goyette,
des néande, des bœ inte cor…
Ce qui est intéressant, c’est qu’il suffit de très peu de kilomètres de distance
entre une commune et l’autre pour que le vocabulaire concernant le travail de
la châtaigne change complètement et, bien souvent, la façon de procéder dans
les différentes activités aussi.
121
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Les châtaignes des jours de fê te
Les châtaignes accompagnaient, durant une grande partie de l’année, la vie
de tous les jours, mais elles réjouissaient également les jours de fête. Une poêlée
de marrons grillés suffisait à regrouper la famille ou les amis et à passer des
moments de joie et de repos.
Jusqu’avant la dernière guerre, un chaudron de 600 kilos de sepéi, notre
soupe aux châtaignes, était offert par la Confrérie du Saint-Esprit le jour de la
Pentecôte. À l’origine, le but de la distribution était de faire l’aumône aux
pauvres ; les derniers temps, tout le monde avait droit à une grosse louche de
cette soupe. C’était l’une des fêtes les plus importantes de l’année. Les châtaignes sèches, la graisse, le lard, le bois pour le feu, tout ce qui servait à préparer le sepéi était collecté dans le village par les trois confrères ; le lait apporté
à la laiterie du hameau de Treby, la veille de la fête, finissait dans le gros chaudron. Le sepéi devait cuire lentement toute la nuit, accompagné par les chants
et les rires des confrères et des amis qui allaient les aider. Le vin ne manquait
pas, la collecte démarrait toujours au moment du vin nouveau. Après la fête,
tous ceux qui avaient contribué à la besogne recevaient en échange un petit
pain béni qu’on appelait micola et qui avait le don de protéger la maison et la
campagne des intempéries. On l’apportait également avec soi quand on montait à l’alpage.
La veille de la Toussaint on avait l’habitude de préparer la table pour les
morts de la famille ; à côté d’une bouteille de vin et de la seuppa pan é tsóou, la
soupe au pain et au chou, on laissait aussi des châtaignes bouillies ou grillées.
Parfois, on cuisinait des broffie, une soupe faite avec des châtaignes grillées, du
lait et du riz. C’est une habitude que quelqu’un maintient encore de nos jours.
Le jour de la Toussaint, de retour du cimetière, c’était le moment de goû ter
du vin nouveau autour d’une poêle à marrons.
Pour le jour de l’an la tradition voulait qu’on prépare des vieuye, des châtaignes à peine sorties de la gréhe, le séchoir, et bouillies avec leur peau. On
commençait à les préparer deux jours avant en les faisant tremper dans un gros
chaudron plein d’eau. Le lendemain, dès l’après-midi, on allumait le feu sous le
chaudron ; le soir les vieuye étaient cuites. Le matin du jour de l’an, sur la requête de Bón an a té, ahtrèina d’an a mé, les enfants recevaient en étrennes une poignée de ces châtaignes.
« Lé vieuye lé lamavo tchuit perqué ire lou pieu bón dé tot
mindzì tsahtègne paré: lou feun y dounave bón gueust ! » .
« Iro poué bounne lé vieuye ! Ire ‘ na licahire, djeumme arà lé
bounbón » .
« Tout le monde aimait les vieuye car c’était la meilleure
122
Rien que des châ taignes
façon de manger des châtaignes: la fumée leur donnait
un bon goû t ! ».
« Elles étaient bonnes les vieuye ! C’était une gourmandise, tout comme les bonbons d’aujourd’hui ».
Ce sont les témoignages de Foustèn né en 1930 et de Anita née en 1913.
À Perloz aussi on préparait des viéye ; Aurelia, née en 1920, nous a renseigné
sur les habitudes de chez elle.
« On triait attentivement les châtaignes prises du séchoir,
il fallait éliminer celles qui avaient la peau déjà un peu
fendue. Puis on les mettait dans un gros chaudron plein
d’eau avec de la paille dessus, on couvrait le tout avec un
couvercle en bois, on posait même une pierre sur le couvercle pour qu’il soit bien fermé. On commençait à les
cuire de bonne heure. La cuisson terminée, on les sortait
vite à l’extérieur, au froid, pour les rider. Le jour de l’an
on les offrait avec des noisettes en disant : ‘Na viéya, ‘ na
djovéna, leva a couà é passa vià . Une vieille, une fraî che,
lève la queue et va-t-en. On les appelait les viéye car elles
étaient désormais de l’année précédente ».
Selon le témoignage de Delphine, née en 1914, à Arnad on préparait du sepé
le jour où l’on battait le blé et, pour la messe de septième d’un mort, la famille
offrait cette soupe en aumône aux pauvres gens qui arrivaient à la maison.
Des châtaignes au quotidien
Il y a un peu plus que 50 ans encore les propriétaires ramassaient soigneusement toutes les châtaignes, grosses ou petites qu’elles soient.
L’automne arrivé, on pensait à sécore, à gauler. C’était un travail très dangereux. Les sécourioù, les gauleurs, savaient grimper sur les arbres très hauts en s’aidant de deux fourhette, des serpes à très long bec, et en portant, pendues à
l’épaule, une perche de cinq à six mètres de long et une perchette un peu plus courte. On commençait à gauler du haut avec la perchette, puis on descendait et, au fur
et à mesure que les branches devenaient plus larges, on se servait de la perche.
Si les équipes modernes d’émondeurs adoptent pour la montée l’équipement et les techniques des grimpeurs de parois rocheuses, les gauleurs du
vieux temps n’avaient qu’à se recommander à leur habileté et au Bon Dieu. Le
18 octobre, jour de la Saint-Luc, on célébrait au sanctuaire de Notre-Dame-deLa-Garde à Perloz une messe pour les gauleurs. Les sécourioù des villages limitrophes montaient eux aussi, très vite le matin, au sanctuaire.
123
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Le gaulage terminé, toute la famille se mettait au travail, il fallait ratisser les
bogues et les entasser ; ramasser les rére, les châtaignes déjà sorties de leurs
bogues ; écarter les pouterre, les châtaignes plates et vides; tsignì lé-z-areuh coun
lé forhe, ouvrir les bogues avec des pincettes en bois de châtaignier ; remplir les
sacs, les charger sur la tête ou sur les épaules, les porter au séchoir.
Au moment du ramassage, les filles à marier espéraient toujours découvrir
la mougna, la très grosse châtaigne qu’on trouve, bien que rarement, toute seule
dans sa bogue. Si cela arrivait, elles auraient pu la mettre sur la braise de la cheminée, attendre qu’elle s’éclate et, selon la direction prise, savoir de quel côté
arriverait le futur mari. Ce n’était qu’après la Toussaint que n’importe qui pouvait recueillir le peu qui restait au sol.
Frouzinne, née en 1900, m’avait raconté :
« Quand j’étais petite, j’allais grettéi, je cherchais les
châtaignes échappées au ramassage, il fallait presque
toute une journée de vagabondage pour remplir mon
griquioù, un petit sachet qu’on pouvait pendre à la
ceinture du tablier. Ces châtaignes-là représentaient
mon repas du soir et, de cette façon, je ne touchais pas
à la réserve de l’année ».
Autrefois les châtaignes étaient, avec un peu de lait, de fromage ou de polenta
La montagne de l’adret de Donnas recouverte de châ taigneraies (photo Ilda Dalle)
124
Rien que des châ taignes
(bien souvent c’était de la poulènta sènsa, comme on dit chez nous, de la polenta
sans accompagnement), l’aliment qui permettait de gavé-se la fan, d’assouvir la
faim. Plus longtemps on arrivait à avoir sur le feu une bahèya, une marmite, de
châtaignes, plus on se sentait riches.
« Dé tsahtègne n’èn ma’ mindja-ne tènte ! – Des châtaignes
j’en ai vraiment mangées beaucoup ! – Au petit-déjeuner,
au déjeuner, pour le goû ter et au dî ner, cuites ou crues, à
toutes les sauces… Je peux remercier deux vieilles personnes qui, lorsque je passais devant leur maison en
revenant de l’école, me donnaient toujours un sachet de
châtaignes… car nous n’en avions pas assez ».
C’est l’un des témoignages assez touchants que j’ai recueillis durant ces
années. Et ce n’est pas de l’exagération due au temps qui est passé. Plusieurs
témoins ont raconté, avec les larmes aux yeux, à peu près la même chose.
Se nourrir de châtaignes fraî ches
Quand on disposait de châtaignes fraî ches on pouvait faire des friole,
bouillies avec leur peau ; des pélaye, pelées et bouillies ; des mèndaye, les châtaignes grillées ; des broffie, une soupe de châtaignes grillées avec du lait, un
peu de beurre et une poignée de riz.
L’arhéi, l’enceinte où l’on entassait les bogues en attendant d’aller les ouvrir (photo Ilda Dalle)
125
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
On faisait plus souvent des pélaye plutôt que des friole car avec celles-ci les
enfants de la famille gaspillaient beaucoup trop. Soit les châtaignes pelées et
bouillies soit celles grillées se mangeaient aussi trempées dans du lait chaud ou
dans les lahole, une bouillie de farine de maï s.
« Per la matén apréi, a hinna avanhià n n’ahcouéla dé pélaye a
pereun ; la mamma lé bétave pé deunta ‘ n po d’éve é dé lahéi,
y djuntave dé fareunna dé méya é lichave couére ‘ na quéte. Ire
lou nohtro dzénón. Pa tèn biscoutén intélourra ! » .
« Pour le lendemain matin, au souper nous mettions de
côté un bol de pélaye chacun ; maman y ajoutait de l’eau,
du lait et de la farine de maï s et laissait cuire un
moment. C’était notre petit déjeuner. Pas de biscuits en
ce temps-là ! ».
Une petite quantité de la récolte était conservée fraî che de façon à pouvoir préparer quelques poêles de marrons grillés jusqu’au mois d’aoû t suivant. Parfois on laissait tout simplement les bogues dans l’arhéi, une petite
enceinte entourée d’un mur de pierres sèches qui contournait l’arbre de châtaignier. Il fallait les recouvrir d’une belle épaisseur de feuilles sèches, de
rames et de fougères pour les empêcher de geler. À l’adret, où il y a du soleil
toute l’année, il arrivait de n’aller ouvrir les bogues qu’au mois de février. Il
fallait le faire juste après la pluie ; les jours de vent rendaient le travail
impossible. D’habitude, on entassait les bogues dans une caverne ou dans la
cave sur une couche de vieilles feuilles sèches et on les recouvrait par la suite
avec d’autres feuilles et du bois fin. Parfois les souris y faisaient la fête ! Une
autre façon de conserver les châtaignes fraî ches était de les ranger dans un
vieux tonneau, par couches séparées les unes des autres avec du sable ou des
feuilles sèches.
Se nourrir de châtaignes fumées au séchoir
Une grande quantité de châtaignes était séchée : sur le balcon, dans le
galetas ou au séchoir. Celles qui sortaient du séchoir étaient, sans aucun doute, les meilleures. Dans le temps, chaque hameau avait un bon nombre de gréhe, de séchoirs, qui fumaient longtemps car quelques familles les remplissaient plus d’une fois. De nos jours, il y en a encore quelques-uns et il arrive
d’en voir fumer, mais c’est très rare.
« J’allume encore le feu à la gréhe, tout juste pour fére
crebiéi lé moutón, faire tomber les larves, puis je laisse
sécher normalement ».
C’est ce qu’on m’a dit il y a quelques jours.
126
Rien que des châ taignes
« Autrefois, j’allais deux fois par jour au séchoir faire
du feu, le matin et le soir. Je mettais le feu à une grosse
bû che et, quand il était bien parti, je recouvrais le tout
avec les piah que j’avais soigneusement mis de côté
l’année précédente, les écorces et les peaux brisées qui
restaient au sol après le vannage. Cela faisait beaucoup
de fumée et séchait les châtaignes. Je continuais ainsi
pendant un mois ou un mois et demi ».
Quand les châtaignes étaient sèches, il fallait les battre dans un sac de toile
de chanvre, lou satsón. Si à Perloz on avait l’habitude de battre à deux avec un
seul sac, à Donnas et à Arnad trois ou quatre personnes battaient rythmiquement, chacune avec son sac, sur une même grosse bû che qu’on appelait tsapietta. Pour ne pas déchirer le sac on recouvrait la bû che d’une peau de
chèvres ou d’un sac et, de temps en temps, on y versait une louche d’eau pour
assouplir le tout.
« Bativo sé la méma tsapietta. Toutchavo pa né… avivo lou
trét djeust ! » .
« Fantivve èhte couhtemà … can eun bat, l’atro léve… eun bat,
l’atro léve… alavo a tèn djeumme can sounno la muzica » .
« On battait sur la même bû che. Les sacs ne se heurtaient pas… on savait donner des coups rythmés ! ».
La gréhe, un séchoir en activité (photo Ilda Dalle)
127
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
« Il fallait avoir l’habitude… quand le premier bat,
l’autre lève… l’un bat, l’autre lève… on suivait le temps
comme lorsqu’on joue de la musique ».
En écoutant les paroles de Matilde, née en 1897, et de Sérafinne, née en 1902,
il me semble d’entendre encore la musique rythmée des sacs et le grincement
des châtaignes sèches qui se brisaient.
Il suffisait de 50 à 60 coups, une fois d’un côté du sac une fois de l’autre, pour
que les deux peaux se brisent et que les châtaignes soient propres et blanches ;
on versait alors le contenu du sac dans le van et on le vannait. Comme pour
d’autres travaux, il y avait ceux réservés aux femmes et ceux plus adaptés aux
hommes ; battre était plutôt pour les hommes, vanner pour les femmes.
Souvent ce travail devenait presque une fête, on le faisait durant la pleine
lune pour gagner du temps dans la journée. C’était assez fréquent, surtout parmi les jeunes, de faire la reuda. Un soir on travaillait pour les uns, le lendemain
pour les autres, on s’entraidait à tour de rôle et on terminait avec un casse-croû te
et quelques chants avant d’aller se coucher. Il en était de même pour plusieurs
autres travaux tels que porter le fumier dans les vignes, descendre des fagots de
bois, de foin ou de feuilles.
Avant d’être mises dans des sacs ou dans un coffre pour la conservation, les
châtaignes qu’on avait vannées étaient triées : on mettait les blanches d’un côté,
les moins propres d’un autre; celles cassées, les quiapén, on les conservait pour
les animaux ou pour les porter au moulin.
À Perloz, on avait une petite astuce pour empêcher les châtaignes de se
gâter : il suffisait de mettre à côté du coffre des feuilles de noyer ou avoir tout
près de la maison un arbre de noyer !
Avec les châtaignes blanches sèches on préparait soit du sepéi, la soupe aux
châtaignes, soit des bayane, les châtaignes bouillies et égouttées.
« Lou sepéi fa’ qué sèye couét da pigre ! » .
« Pour que la soupe aux châtaignes soit bonne, elle doit
être préparée par quelqu’un de fainéant, c’est à dire sur
un feu de bois, mais à feu très lent ».
C’est encore Sérafinne qui nous en donne la recette.
« Pour avoir une bonne soupe, il faut d’abord prendre des
châtaignes sorties du séchoir. Si elles ont été séchées sur le
balcon, elles n’ont pas du tout le même goû t. Puis il faut
les mettre dans la marmite quand l’eau est encore froide
128
Rien que des châ taignes
car, de cette façon, elles deviennent molles. Pour une fois,
mon père me recommandait d’être paresseuse. Les paresseux ne font pas de grand feu! D’habitude, dès l’aprèsmidi je mettais une bû che dans le poêle, la marmite à
mijoter dessus et j’allais à la campagne. Quand je rentrais,
j’ajoutais du riz, beaucoup de lait, un peu de beurre, je
laissais cuire le tout encore pour une demi-heure ».
Il faut dire que le riz n’était pas indispensable. Avant tout, il fallait en avoir
et ce n’était pas toujours le cas. Si on ne pouvait pas se permettre de l’acheter,
on pouvait s’en procurer en allant travailler dans les rizières de Verceil durant
quelques semaines ou de l’échanger contre des châtaignes quand les marchands passaient au village. Parfois, on y mettait du gri, de l’orge, qu’on pouvait semer dans les terrasses ensoleillées, jamais on n’ajoutait des pâtes qui
auraient rendu la soupe gluante.
De toute façon, la soupe aux châtaignes qui mijotait lentement tout l’aprèsmidi avec un bon morceau de lard était également très bonne et nourrissante,
elle devenait très épaisse, les châtaignes ne se voyaient plus tellement elles
étaient cuites.
« Lou sepéi lou fézivo per lou nét, ma lou mindjavo avouèi la
matén. Tournavo bété-ye deunta dé lahéi tsat. Su mountagne,
y bétavo dé broha » .
« La soupe aux châtaignes se mangeait au souper, mais
aussi le matin. J’y ajoutais du lait chaud. À l’alpage j’y
mettais du petit lait cuit ».
Ce qui ne manquait jamais sur la table en hiver c’était la gourbetta dé bayane,
un panier fait de lattes de bois de châtaignier qui servait non seulement à
contenir les châtaignes sèches bouillies, mais aussi à les égoutter.
On les mangeait sans rien y ajouter ou bien on les trempait dans le lait
ou… dans le vin… cela était bon et sucré comme du chocolat ! Les bayane avec
du beurre frais étaient également une gourmandise, mais pas de tous les
jours.
Les habitants de Donnas, pour se moquer du fait que les gens de Perloz ne
mangeaient que des châtaignes sèches bouillies, disaient : « Bane in quiér ou
quiér in bane… tan per tsandzì » . Des châtaignes bouillies dans l’eau ou de l’eau
avec des châtaignes bouillies… histoire de changer.
Ceux de Perloz répondaient à leur tour : « S’a Douéra feussa dé bezaye é a
guiéra dé bane, qué dé pansaye, qué dé pansaye ! » . Si votre Doire était du babeurre
et les galets des châtaignes sèches bouillies, quel festin vous feriez !
129
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Les vans (photo Ilda Dalle)
Le griquioù, un petit sachet qu’on pouvait pendre à la ceinture d’un tablier ou d’un pantalon
(photo Ilda Dalle)
130
Rien que des châ taignes
À Perloz on disait aussi : « Qui l’a dé djèn, l’a dé bane » . Les familles nombreuses ont davantage de personnes pour aller ramasser les châtaignes. Parfois,
avec les bayane on faisait du pain aux châtaignes.
Voici les beaux souvenirs de Benvenuto, né en 1933, et de Marietta, née en 1904.
« Quand on enfournait le pain de seigle, une fois par an,
on préparait aussi quelques pains avec des châtaignes
cuites auparavant dans le lait. C’était un pain très bon
que nous mangions par gourmandise ! Il ne se conservait pas car il était trop épais et il moisissait. Si le pain
séchait trop, les châtaignes devenaient très dures ».
« Ma tante habitait Champorcher. Avant Noël, elle préparait toujours le pain de seigle qui devait durer toute
l’année. Quand j’étais petite, il n’y avait pas de route
carrossable pour arriver là-haut, il fallait monter à pied.
Si le chemin était praticable, on me permettait de partir
et d’aller chez ma tante pour l’aider. Je me souviens du
grand plaisir que j’avais à préparer un petit pain en forme de poule dans lequel je mettais quelques châtaignes.
C’était mon cadeau de Noël ! ».
Le surplus de châtaignes sèches était apporté au moulin pour avoir de la farine. Son utilisation pour l’alimentation de la famille était plutôt limitée. Elle pouvait servir à préparer des lahole si elle était cuite avec un peu d’eau et du lait.
Parfois on préparait des beignets, des galettes ou des gaufres, le tout complètement sans sucre. Seulement dans l’après-guerre on a commencé à mettre au four
quelques gâteaux faits d’un mélange de farine de châtaignes, lait et sucre.
« Mindzì tró dé tsahtègne fèi vinì la rampa é porte mouéi
d’infiamachón » .
Manger trop de châtaignes porte sur les nerfs et donne
beaucoup d’inflammation.
À suivre la croyance populaire, on dirait qu’il ne faut pas trop abuser des châtaignes et pourtant plusieurs témoins avaient de 80 à 90 ans au moment de leur
récit. Quant à Sérafinne, elle est arrivée à fêter, en assez bonne santé, ses 100 ans !
Des bonbons pour les enfants
Les châtaignes crues ou grillées donnaient des poux et gâtaient les dents,
mais aucun enfant ne partait paî tre ses chèvres ou n’allait à l’école sans en avoir
rempli ses poches.
131
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
« Ame, lé tsahtègne qué n’èn mindjà ! Lé co qué alavo granfiné deun la gréhe ou méh di pichéi qué iro pa prou sarà ! Pé,
ire ‘ na feuhta canque bativo lé tsahtègne… sé poulivo, alavo
vitto queuye helle qué sourtivo dou satsón » .
« Alavo a ‘ hcola coun ‘ na sacoutchà dé mèndaye ou dé tsahtègne sètse ; tò lou dzór riziyavo da catsón, pé nou tacave sèi.
Di co, passavo ou moulén da Gatti. Ieu, per do sót, nou dounave ‘ na papérà dé fareunna tsahtègne… ma yoù alavo prènne no tchuì lé dzór do sót ? Alourra, passavo a par daré é na
granfinavo in piquió ho. Gatti fézive sèmbià n d’arabié-se, ma
nou lichave alé. No y dijivo qué avivo pa toutchà … pènsa
teu… irà n tò bian… tò qué sourtive dé la sécótse di nohtre
pantalón ! » .
« Les châtaignes que nous avons mangées ! Que de fois
nous allions les voler dans le séchoir, entre les linteaux
du plafond, là où ils étaient moins serrés ! Puis, pour
nous enfants, c’était un jour de fête quand on battait les
châtaignes… quand nous pouvions, nous allions vite
ramasser celles qui sortaient du sac ».
« Nous allions à l’école avec une poche pleine de châtaignes grillées ou sèches ; toute la journée nous grignotions en cachette et nous avions soif. Parfois, nous passions au moulin de M. Gatti. Il nous faisait payer deux
sous le cornet de farine de châtaignes… mais où trouver tous les jours deux sous ? Alors, en passant par derrière, nous allions en voler un petit peu. M. Gatti faisait
semblant de se mettre en colère, mais il nous laissait
partir. De notre côté, on lui assurait qu’on n’avait pas
touché à la farine… penses-tu… nous étions tous
blancs… la farine sortait de la poche de nos
pantalons ! ».
Vendre des châtaignes
Vendre des châtaignes donnait la possibilité d’avoir un petit revenu. On les
vendait soit fraî ches soit sèches aux marchands qui passaient au village ou bien
au marché de Pont-Saint-Martin deux fois par semaine : le mercredi et le samedi.
Parfois on les apportait même au marché d’Ivrée le vendredi ; plusieurs personnes s’organisaient et mettaient leurs sacs sur une galiota (char tiré par un
homme) ou un caratón (char tiré par un mulet ou un cheval).
Les marchands payaient en liquide ou troquaient contre du riz, des pâtes ou
autre. Ils imposaient leurs prix, il fallait toujours négocier longtemps.
132
Rien que des châ taignes
Des châtaignes pour les animaux de la maison
Les châtaignes les moins belles étaient pour les animaux ; crues, cuites ou
réduite en farine on les donnait aux poules, aux cochons, aux chèvres et aux
vaches.
Je laisse la parole aux témoins :
« Après le vannage, les poules étaient libres de fouiller
dans ce qui restait au sol ; seulement après qu’elles
s’étaient bien régalées, on ramassait les piah pour les
conserver jusqu’à l’année suivante, quand on allumait le
feu au séchoir ».
« Tout petit, j’avais une vrai passion pour mes chèvres,
j’étais bien content de leur donner des châtaignes. Les
cornes de mes chevreaux poussaient remarquablement
s’ils mangeaient des bayane ! ».
« Au printemps, quand les chèvres mettaient bas, je leur
préparais de la farine de châtaignes mélangée avec un
peu d’eau pour qu’elles reprennent des forces ».
« En automne, tous les soirs, il fallait peler des seaux de
châtaignes pour les cochons… nous enfants aussi, mais
sans couteaux. Mon père disait qu’avec le couteau on
gaspillait. Nous devions peler avec les dents, la bouche
devenait alors rapeuse. On mélangeait ces châtaignes
avec du son ; la viande et le lard du cochon prenaient un
goû t exquis ».
« Un mélange de lait et de farine de châtaignes faisait
engraisser mes veaux ».
« L’hiver je préparais le bouvérón pour les vaches : des
bayane ou de la farine de châtaignes, du son, des épluchures de pommes de terre. Les vaches produisaient
davantage de lait et leur viande était meilleure ».
De nos jours…
De nos jours, c’est surtout pour les repas des jours de fête qu’on mange des
châtaignes. L’automne arrivé, chaque commune a son rendez-vous annuel avec
la fête de la châtaigne. Les châtaignes grillées savent encore regrouper les gens
comme c’était le cas autrefois.
En famille on peut faire des mèndaye à tout moment, il suffit de mettre
quelques sachets au congélateur. De temps en temps on cuisine encore du sepéi,
quelques friole ou des pélaye selon les vieilles habitudes, mais en général ce sont
les calories qui abondent : on mange des châtaignes avec du miel et du beurre
133
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
ou des biscuits de farine de châtaignes bien sucrés. On prépare toutes sortes de
crèmes ou de gâteaux, des châtaignes arrosées avec du marc et flambées… et on
pourrait continuer.
Toute la fatigue, tous les savoirs de nos vieux tombent petit à petit dans
l’oubli. C’est normal, le monde évolue et tout change, mais c’est dommage.
R E M E R C I E M E N T S
J’ai puisé, pour la préparation d’une partie de mon exposé, dans plusieurs
témoignages recueillis et transcrits au fil des années, avec la collaboration de
Rina Bonel, Augusta Champurney, Anna Follioley, Giuseppina Nicco, Solange
Soudaz, Rosanna Vuillermoz et Françoise Yeuillaz.
Je remercie les témoins qui ont bien voulu nous faire part de leurs savoirs :
Anita Bosonin (1913), Marie Bosonin Marietta (1904), Serafina Buccarano
Sérafinne (1902), Matilde Cheraz (1897), Anita Dalbard (1912), Fausto Dalbard
Foustèn (1930), Eugenio Dalle Djégno (1910), Giustina Maria Dalle Frouzinne
(1900), Delfina Joly (1914), Alina Nicco (1935), Carla Nicco (1937), Giuseppe
Nicco Djef (1902), Filippo Pramotton Félipe (1913), Aurelia Soudaz (1920),
Benvenuto Yeuillaz (1933).
Je remercie également Mme Marie Badery, président de la Coopérative
“ Il riccio” .
S O U R C E S
Bibliothèque Communale de Donnas, La civilisation du châ taignier, Bulletin no 4,
Musumeci, Aoste, 1988.
Concours Cerlogne 1975/76, École primaire de Donnas-Vert, La tsahtègne é lou
tsahtagné – Institutrices : Edda Chanoux, Ilda Dalle, Paola Franchino, Marisa
Fresc, Rosanna Vuillermoz.
Communauté de montagne “ Mont Rose” , 7a Comunità Informazione, bulletins
semestriels.
134
La catalogazione: strumento di conoscenza
e memoria. Un esempio: gli oggetti per
l’alimentazione
Cristina De La Pierre
È utile affrontare l’argomento ricordando
le fatiche che la creazione e la stesura di
una catalogazione richiedono. Dietro a
una lista ordinata di dati c’è un lavoro
molto articolato, che non si vede e spesso non si conosce. Inoltre è qualcosa di
simile al negativo di una fotografia: rappresenta una visione della realtà non
immediatamente comprensibile che però
può essere trasformata in un’immagine
che chiunque può capire.
Catalogare è un lavoro prezioso che richiede pazienza ma, spesso, deve essere
fatto in poco tempo. Il più delle volte ci
si trova di fronte a raccolte di beni molto
vari, di cui inizialmente si cerca di capire la consistenza, il valore storico culturale, la leggibilità e lo stato di conservazione. L’occhio allenato degli esperti
riconosce l’interesse dell’insieme e dei singoli oggetti ma poi l’analisi deve farsi
più approfondita e considerare ogni pezzo seguendo criteri di osservazione
oggettiva in modo da consentire successive valutazioni.
A fronte della scientificità con cui si cerca di condurre l’esame, le condizioni
dei luoghi in cui si opera, la ristrettezza dei tempi concessi, i problemi logistici,
richiedono agli operatori un grande impegno. I beni sono spesso raccolti in
depositi, a volte anche in modo ordinato, dove temperatura e luce inducono ad
affrettarsi; contemporaneamente si mettono in atto i primi accorgimenti di conservazione per limitare il degrado dei beni e ridurre il più possibile il rischio di
perderli.
Si parte di solito con una fase di inventariazione in modo da soddisfare una
prima conoscenza degli oggetti tramite l’acquisizione dei dati di tipo più tecnico descrittivo. Sembra banale ma una lista di presenze è già una forma di
memoria, diventa dunque importante riuscire a registrare e tramandare qualche dato in più. In seguito, l’osservazione può essere ripresa e, mettendo in
relazione le conoscenze che le diverse discipline di ricerca forniscono, si giunge
ad avere uno studio dettagliato dell’oggetto.
135
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Queste note derivano dall’esperienza di catalogazione che ha svolto la
Soprintendenza per i beni culturali della Valle d’Aosta. È stato fatto un grande
lavoro di inventariazione e si è progettato e realizzato un sistema di catalogazione che rispondesse non solo all’esigenza di avere una banca dati ordinata
ma fosse anche uno strumento di lavoro scientifico. Uno dei frutti di questo
progetto è per esempio la scheda dei beni mobili (BM) di cui si illustrano di
seguito i principali contenuti.
La struttura della scheda di catalogazione
Occorre innanzitutto spiegare che il catalogo regionale prende in considerazione qualsiasi bene senza stabilire a priori rigide categorie di appartenenza.
Non esiste pertanto una scheda specifica per i beni etnografici, un’altra per le
opere d’arte e un’altra ancora, per esempio, per i reperti archeologici, ma un
unico modello molto articolato che può essere, ove ne emergesse l’esigenza,
ulteriormente sviluppato per specifiche letture di settore.
La scheda è strutturata in 5 sezioni: anagrafe, descrizione, documentazione,
tutela, conservazione. Ciascuna sezione a sua volta è sviluppata in campi rag-
136
La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria
gruppati, i quali accolgono le informazioni come dati, vocaboli e testi. Spesso i
campi vengono compilati sulla base di vocabolari controllati messi a punto nella fase di definizione della struttura concettuale del catalogo e aggiornati a
seguito di riflessioni, analisi e nuove conoscenze, in un’ottica di continuo
miglioramento del sistema.
Alcuni dati sono registrati in campi ripetibili; ciò permette di memorizzare
le trasformazioni subite dall’oggetto nel tempo oppure di esaminare l’oggetto
nel suo insieme o nelle sue parti costitutive, invece di duplicare la scheda. In
questo modo rimane una sola scheda madre e possono essere compilate più
sottoschede descrittive.
- I campi anagrafici sono quasi interamente gestiti tramite vocabolari autorizzati, appositamente prodotti per rendere più semplice e comprensiva la
ricerca. L’identificazione del bene è scomposta in quattro livelli: funzione
(obbligatorio, tabellato), specifica della funzione (obbligatorio, tabellato),
tipologia (obbligatorio, tabellato), specifica della tipologia (non obbligatorio, testo libero).
- La localizzazione individua il luogo in cui il bene è collocato tramite l’ubicazione topografica del contenitore/edificio (comune, località/indirizzo,
estremi catastali), la denominazione del contenitore/edificio e la posizione
precisa dell’oggetto al suo interno. Vengono inoltre registrati quando
conosciuti, i dati di provenienza del bene.
- La sezione “ descrizione” è a sua volta suddivisa in una molteplicità di
campi d’analisi attinenti alla descrizione fisica e alle notizie storico critiche. I dati sono memorizzati in parte sulla base di vocabolari controllati e
in parte in campi a testo libero, raggruppati secondo paragrafi fissi.
- La sezione “ documentazione” raccoglie tutti i dati relativi alle informazioni grafiche, fotografiche, cartografiche, bibliografiche e d’archivio ed è collegato (per la citazione delle fonti) alle notizie storico-critiche. E’ essenzialmente un campo-indice di quanto non direttamente consultabile in scheda
ed è collegato all’archivio delle immagini.
- La sezione “ tutela” contiene i dati relativi allo stato di proprietà, ai provvedimenti di vincolo e alla circolazione del bene.
- La sezione “ conservazione” raccoglie i dati relativi allo stato di manutenzione, ai fattori di rischio, agli interventi di restauro, alle analisi e misurazioni effettuate sull’oggetto.
Chi si occupa di catalogazione mette a punto strumenti di indagine e metodi
di rilevazione per far fruttare al massimo il contatto con l’oggetto a cui lo schedatore è ammesso. Spesso gli operatori soffrono nell’utilizzare questi mezzi
137
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
perché, sollecitati da svariate esigenze di tutela e conoscenza, li trovano poco
agevoli, troppo sofisticati e li vivono come un rallentamento del lavoro. Si tratta, tuttavia, di strumenti che hanno il pregio di raccogliere le informazioni
secondo criteri omogenei di riferimento e la scheda, infine, costituisce un buon
promemoria per osservare l’oggetto, una guida per l’analisi. Il rischio di scordare qualche annotazione è ridotto. Ovviamente l’esperienza aiuta e con il procedere del lavoro si compensano gli sforzi iniziali.
La schedatura è solitamente completata con la documentazione fotografica
e, quando possibile con disegni, che hanno l’immediato scopo di visualizzare
l’oggetto ma tornano anche utili per precisazioni, controlli e confronto dei dati.
L’utilizzo del catalogo
L’attività di catalogazione non si ferma alla registrazione ordinata delle
informazioni ma può evolvere in un’operazione di lettura incrociata dei dati e
formare così gruppi di oggetti che nel loro insieme costituiscono un nuovo “ virtuale” bene culturale.
138
La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria
Torgnon, mézó n della casa (foto L. Neyroz)
Prendendo come elemento di indagine gli oggetti legati all’alimentazione si
possono costituire dei gruppi in base alle loro caratteristiche, per esempio: i materiali, la provenienza, gli apparati decorativi o ancora l’epoca di fabbricazione.
Si può , quindi, ragionare sugli insiemi e scoprire che un certo oggetto era realizzato esclusivamente in legno, in una precisa essenza lignea, o viceversa che ne
esistono esemplari nei materiali più diversi; si può notare la differenza di dettagli in base alla provenienza territoriale o viceversa una diffusa presenza dello
stesso oggetto; si può leggere come simboli e decorazioni si siano tramandati o
rinnovati per luoghi e epoche. Nell’esempio preparato per questa comunicazione si è seguito il percorso degli alimenti dalla produzione al loro consumo.
Occorre precisare che l’esemplificazione si basa sulla catalogazione degli
oggetti presenti nelle collezioni regionali, costituite essenzialmente da beni di
provenienza locale, di uso comune nelle famiglie dedite all’attività agropastorale. L’ambiente di riferimento è quello locale e il periodo storico in genere va
dall’ottocento alla prima guerra mondiale, momento quest’ultimo in cui inizia a
sparire la maggior parte di oggetti a produzione non industriale.
Il percorso scelto fa risaltare una molteplicità di manufatti: alcuni strettamente pertinenti al sistema alimentare perché fungono da contenitori, utensili,
ecc, per la lavorazione o per il consumo del cibo; altri indirettamente legati
all’alimentazione in quanto adoperati per la lavorazione dei campi o per l’allevamento degli animali, attività svolte in fin dei conti per produrre alimenti.
139
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Si incontra già in queste situazioni una serie di recipienti e attrezzi utilizzati
per ciò che diventerà nutrimento. Troviamo per esempio ceste e sporte per le
semenze, ceste per raccogliere uva, mele, pere, castagne, noci, ceste per le
patate, per i prodotti dell’orto.
È necessario osservare anche tutti quegli oggetti che garantiscono la possibilità di mangiare portandosi dietro il pranzo nei campi, nei prati o nei luoghi di
lavoro. Ovviamente gli oggetti possono essere molto semplici o molto raffinati.
Ci sono esemplari di boracce per l’acqua ma anche fiaschette per il vino, sacchetti in tela, ceste ben rifinite, corbette per il pastore, ecc.
Ci sono poi gli oggetti che servono per trasformare le “ materie prime” e che
possiamo raggruppare per tipo di lavorazione; ecco alcuni esempi:
- gli utensili per la lavorazione del latte: secchi, mestoli, scrematori, caldaie, colini e colatoi per il formaggio, zangole,
stampi da burro, forme per il formaggio;
- contenitori per raccogliere l’uva, attrezzi e recipienti per fare
il vino e per spillarlo: gerle per il trasporto dell’uva, ceste,
bastone per il vino, tini, botti, scodelle e grolle per bere;
140
La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria
- attrezzi e utensili per la lavorazione delle granaglie e quindi per fare il
pane: madie per tenere la farina e impastare il pane, tavoli con bordi
rialzati, assi per il trasporto, palette per infornare, stampi, gerle per portare il pane, râtelì per conservare e coppa pan (taglieri per il pane).
Possiamo continuare osservando gli oggetti presenti all’interno della casa
dove si confezionano ed elaborano i cibi. Entrando dal camino, sorvoliamo su
alari, a volte corredati da ganci e recipienti per gli aromi, scivoliamo lungo cate-
141
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
ne e appositi ferri regolabili a cui si appende il paiolo in ghisa, ma ci sono
anche le pentole in pietra, in ferro, in ghisa che si poggiano su sostegni, generalmente treppiedi; tegami, testi (ferri per cialde e biscotti), stampi per dolci. A
completare gli strumenti essenziali del focolare troviamo altre pentole e tegami,
ma soprattutto, mestoli, porta sale, porta spezie, mortai, taglieri, mezzelune,
tosta caffé e orzo, bastoni per la polenta, attrezzi particolari, tritacarne, terrine, frustini, frullini sbattiuova, grattugie, macinini, ecc.
Raggiungendo infine il luogo di consumo del cibo ossia la mensa scopriamo
scodelle, boccali, posate (poche, coltello solo uno per tutti; la varietà è legata
alla condizione sociale), piatti, portapane, taglieri, contenitori vari, bottiglie,
brocche, ecc.
Di grande importanza e fascino sono poi gli oggetti per misurare e pesare che variano a seconda del prodotto da valutare: recipienti in legno di forma cilindrica per le granaglie, misurini di varie grandezze per i liquidi,
bilance con la serie di pesi per farine, ortaggi, carne, stadere. Anche qui si
142
La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria
riscontrano differenze a seconda del tipo
di alimento, delle unità di misura convenzionali, a seconda dei luoghi e delle epoche storiche.
L’analisi potrebbe proseguire approfondendo l’osservazione dei materiali: esistono, per esempio, molti tipi di zangole per
fare il burro. Nelle nostre montagne troviamo quelle in legno, ma altrove se ne
producono anche in pelle di animale o in
ceramica. I colini per il latte possono essere in legno ma anche in ferro o in tessuto.
143
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Torgnon, strumenti di lavoro e oggetti d’uso (foto R. Monjoie)
Possiamo poi spostare l’attenzione all’evoluzione dei manufatti e, vedere
come gli oggetti sono rimasti costantemente presenti o si sono via via modificati nel tempo o addirittura si sono persi. E ancora si può esplorare come gli
oggetti pur rispondendo allo stesso tipo di funzione ed uso siano fatti di materiali e forme molto diverse a seconda del ceto sociale a cui appartenevano. Ad
esempio le stoviglie dalla mensa più povera a quella più ricca si modificano dal
legno, alla ceramica e alla porcellana; i recipienti per bere, da scodelle in legno a
boccali in peltro, in vetro, in cristallo lavorato. E non si può non citare un altro
campo di indagine, quello della denominazione locale degli oggetti.
Quanto esposto vuole solo essere un accenno alla varietà di beni che un
argomento come l’alimentazione coinvolge e alla potenzialità di ricerca che la
catalogazione offre. Il tema merita ulteriori studi e lo sviluppo delle osservazioni può restituire ancora molte informazioni.
144
La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria
R I N G R A Z I A M E N T I
È doveroso ricordare che il sistema Catalogo della Regione Autonoma Valle
d’Aosta è stato ideato e messo a punto grazie all’impegno dell’architetto
Flaminia Montanari, che per tanti anni ha collaborato con la Soprintendenza
regionale per i beni culturali e ambientali, e che gli inventari delle collezioni
regionali costituiscono una preziosa fase di conoscenza coordinata dalla dottoressa Daniela Vicquéry (Direttore dei beni architettonici e storico artistici del
Dipartimento cultura).
Un ringraziamento particolare va alla dottoressa Nurye Donatoni, consulente in materia di beni demoetnoantropologici, che mi ha accompagnato nella
presentazione della comunicazione e, prima ancora, nella preparazione dei
materiali e nelle riflessioni sull’argomento trattato.
F O T O G R A F I E
Archivio Soprintendenza per i beni e le attività culturali della Regione
Autonoma della Valle d’Aosta.
B I B L I O G R A F I A
ARMINJON, Catherine, BLONDEL, Nicole, Objets civils domestiques, Paris, 1987.
AA.VV., Le travail de la femme en Vallée d’Aoste, Savoie, Valais entre agropastoralisme et industrialisation. Le cas de la fromagère, de la vigneronne, de l’institutrice et
de l’ouvrière, Ivrea, 2001.
CORTI, Laura, I beni culturali e la loro catalogazione, Milano, 2003.
Du blé au pain, a cura des Amis du Musée d’Étroubles, Aosta, 1987.
PIOVANO, Anita, FOGLIATA, Lino, Di bottega in bottega: alla ricerca dei prodotti dell’ingegno e della mano dell’uomo, Cavallermaggiore, 1983.
SCHEUERMEIER, Paul, Il lavoro dei contadini. Cultura materiale e artigianato rurale in
Italia e nella Svizzera italiana e retoromanza, Milano, 1980.
Strutturazione dei dati delle schede di catalogo. Scheda “ BDM” . Beni demoetnoantropologici materiali, a cura del Ministero per i beni e le attività culturali, Istituto
centrale per il catalogo e la documentazione e del Museo nazionale delle arti
e tradizioni popolari, ICCD, Roma, 2000.
145
Analyse et interprétation de quelques gestes
inhérents aux pratiques alimentaires
dans l’aire alpine
Christiane Dunoyer
« Tous les animaux se nourrissent mais
seul l’être humain cuisine1 ».
L’homme a appris à se nourrir en exploitant toute la gamme de ce qu’il trouvait “ des plantes les plus toxiques à la
cervelle de leurs congénères” (ibid.) ce
qui nous fait comprendre tout de suite
qu’à la nécessité primaire de s’alimenter
s’ajoutent des motivations symboliques,
philosophiques, religieuses, sociologiques, etc. L’établissement et le maintien des relations humaines passent
avant tout par le partage de la nourriture.
J’ai été invitée à parler des gestes caractérisant l’alimentation traditionnelle.
Comme le soulignait déjà André Leroi-Gourhan, la description des gestes est
l’une des parties les plus inconnues de l’ethnologie, les voyageurs décrivent ou
rapportent des couteaux ou des tasses mais bien rarement exposent-ils la
manière de les employer. En outre, pour décrire les gestes, il faut les voir, il faut
que ça existe dans le présent de celui qui analyse.
Qu’est-ce que l’alimentation traditionnelle ? Quel est le rapport entre l’alimentation traditionnelle et la manière de manger aujourd’hui de ceux qui se
réclament d’une alimentation traditionnelle ?
La soustraction entre ces deux éléments donne comme résultat les gestes.
Quand il y a peu à manger (peu d’aliments et en de petites quantités), les
gestes acquièrent beaucoup d’importance, ainsi que la notion de partage (surtout important dans les moments à haute valeur symbolique : veillées funèbres
et autres rites de passage). Dans l’aire alpine qui nous intéresse, on est dans le
cadre de sociétés pauvres : les moindres gestes sont riches de significations.
Par exemple un geste aujourd’hui anodin comme sucrer le café véhicule plusieurs notions dès qu’on remonte tant soit peu dans le passé (pas trop non plus,
147
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
car le café n’est pas une habitude très ancienne, comme toute tradition ç’a eu un
début...) : boisson précieuse, substance rare, notion de grande générosité et
d’urgence (grave maladie).
Un autre exemple : remplir le verre de vin bien ras traduit le sens de l’hospitalité toujours très important dans nos contrées (même s’il vaut mieux rappeler
que « ce n’est pas un paradis perdu, on est dans une société où la codification
du geste dit les différences, les conflits, les déséquilibres2 »).
Et qu’en est-il de ces gestes aujourd’hui que ces nourritures n’ont plus la
même valeur commerciale ?
Ces gestes persistent parce que le symbole résiste au temps plus que la
valeur pécuniaire des aliments.
En matière d’alimentation on peut reprendre avec profit la répartition de
Leroi-Gourhan entre gestes liés à l’acquisition de la nourriture (chasse, cuillette,
élevage, techniques agricoles), gestes liés à la consommation (techniques de
fabrication de certains aliments, de préparation des mets) et gestes liés à l’absorption (comportements à table, etc.).
En outre il y a les gestes faisant partie d’une chaî ne opératoire, dans le cadre
d’une technique, et les gestes relevant d’une symbologie, religieuse ou autre.
Dès maintenant, on peut tracer quelques lignes maî tresses dans l’ensemble
de ces techniques : la nette domination du cuit sur le cru, des gestes comme
mélanger et piler, l’importance de la cueillette (pissenlits, bistorte, oseille, ortie,
rhubarbe des moines, épinards sauvages, parmi les herbes, baies de l’alisier,
gratte-cul, sureau, épine-vinette, parmi les fruits sauvages).
Le temps à ma disposition étant limité, j’ai donc choisi quelques thèmes, à
l’intérieur de cette grille imaginaire.
Fonctions sexuelles des gestes
La distribution sexuelle des rôles est quelque chose bien enraciné dans cette
civilisation montagnarde où chaque geste se situe dans le cadre d’une codification très rigide. Les gestes liés à l’alimentation répondent à cette même logique,
que ce soit dans les chaî nes opératoires relevant des techniques d’acquisition,
de la consommation ou de l’absorption.
La maî trise des lames et des objets tranchants est l’affaire des hommes en
général et dans certains cas affaire exclusive du chef de famille.
Dans les champs, la faux s’oppose à la faucille.
148
Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires
À table, le couteau (souvent il n’y a qu’un seul couteau sur la table) est
l’apanage des hommes.
Si l’on veut faire le partage entre les contenants provisoires et les contenants
de transport, collectifs ou individuels, on peut dire pour ce qui est des seconds
qu’à l’homme correspond plutôt le couteau, à la femme la cuillère ou la louche
(quand il s’agit de distribuer la soupe par exemple).
L’homme, le chef de famille, est en général servi le premier.
Certains aliments sont réservés à l’un ou à l’autre sexe.
Les gestes autour du pain
Le pain est un aliment hautement symbolique. Par conséquent les gestes qui
se font autour du pain ont une signification plus grande que ceux qui accompagnent n’importe quel autre aliment. Le pain est hommage, cadeau : symbole de
ralliement, invitation au partage, tel qu’on le voit dans les coutumes d’offrir un
pain en guise de “ trèinadan” ou, autrefois, de porter un pain à la famille chez
laquelle on se rendait pour voir une fille.
On peut mentionner la tradition encore vivante à Ayas de donner au curé de
la paroisse un pain pour nourrir les chiens qui gardaient le cimetière des loups.
Un peu partout, on offrait également un pain bénit à l’église pendant la messe
pour une grâce reçue.
Nourriture de base, le pain est probablement l’aliment qui s’est le moins
transformé au cours des temps. Il devient symbole de la nourriture par excellence : le chef de famille qui fait une croix avec la lame du couteau, en retournant la miche, avant de l’entamer et d’en couper des tranches pour tous les
membres de la famille, rend grâce à Dieu.
Le pain est béni plusieurs fois : à partir du champ, lors des semailles, lorsqu’on plaçait une croix au fond du champ, faite avec deux branchettes liées
ensemble. Puis pendant la panification, lorsque le signe de la croix était tracé
sur la pâte mise à lever ainsi que sur les formes de pain avant de les mettre au
four. (C’est un peu l’analogue de ce qu’on faisait à chaque fois qu’on commençait à préparer la polenta : on faisait le signe de la croix en faisant tomber la première farine dans l’eau).
En Savoie, c’est là que j’ai recueilli ce témoignage, mais peut-être en Vallée
d’Aoste aussi, lorsqu’on était obligé de jeter un morceau de pain non utilisable à l’alimentation humaine, on le baisait. Il s’agit d’un respect pour la
nourriture commun à de nombreuses sociétés traditionnelles, notamment
paysannes, qu’on retrouve, lié avec la notion de parcimonie, dans beaucoup
149
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
de gestes, tels que l’habitude de couper le fromage à trois croû tes ou d’accompagner les différents aliments d’un bout de pain (pour ne pas manger a
boillardon).
L’importance des techniques de conservation
Parmi les différentes techniques attestées, les gestes liés à la conservation
des aliments revêtent à mon sens une importance capitale. Le peu d’aliments
qui constituent la nourriture de base dans cette région, mangés aussi frais, font
tous l’objet de techniques de conservation : nous pouvons mentionner
- la conservation du lait à travers des chaî nes opératoires qui se répètent
quotidiennement, presque sans interruption, tous les jours de l’année,
finalisées à la fabrication de beurre et fromage.
- la conservation de la viande (viande salée et différentes charcuteries, saucisses, boudins, motsetta, jambons)
- la conservation du pain, du vin, des pommes de terre.
Au-delà des procédés utilisés qui pourraient tous faire l’objet d’études ethnographiques monographiques, il y a un lieu député à la conservation : le grenier, bien-sû r, comme il a été souligné par les intervenants qui m’ont précédée,
mais également la cave. Comme l’a très bien expliqué Yvonne Preiswerk dans
ses études sur les traditions funéraires du Val d’Anniviers, “ la conservation de
nécessité devient prestige et élément d’un rite” et la cave, avec ses tonneaux et
ses fromages, est la mesure de ce prestige social.
Une ultérieure preuve de l’importance de la conservation dans l’ensemble
des comportements alimentaires de cette civilisation, nous est donné par la
quantité importante de qualificatifs utilisés pour définir le goû t et la consistance des mets et des ingrédients selon leur état de conservation (breusque, van,
rance, empe, fort, etc.), mettant en relief le rôle défensif, des papilles gustatives,
c’est-à-dire leur fonction de signal d’alarme à l’introduction de substances pouvant avoir un effet toxique.
L’importance du toucher dans le choix, dans la définition et la fabrication des
aliments
Nous sommes dans le cadre d’une civilisation relativement pauvre du point
de vue techno-économique, avec des accessoires et des ustensiles assez primitifs et, qui plus est, réduits du point de vue numérique : cela est vrai pour la
table et la cuisine, mais aussi, quoique de manière moins évidente, pour les
techniques relatives à l’acquisition et à la consommation de la nourriture.
150
Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires
Les gestes “ mains nues” sont donc très présents et répandus, d’où l’importance du toucher, du contact physique avec la matière. C’est ce qu’on voit par
exemple dans les gestes du fruitier qui manipule la pâte du fromage. Mais il y a
aussi un autre geste très éloquent : celui de frapper avec le poing à demi fermé
sur une meule de fontine ou un pain (pour voir s’il a bien cuit, bien levé).
En outre, le rôle des doigts : il y a une sorte de sémantique des doigts, chacun des doigts ayant son rôle et sa valeur. “ Se lécher les quatre doigts et le pouce” signifie qu’il y a lieu d’être très heureux, qu’on a eu beaucoup de chance. Le
petit doigt est utilisé pour les choses délicates, savoir la température d’un liquide (surtout s’il s’agit d’une petite quantité). En ce qui concerne le pouce, nous
rappelons la façon de prendre le bol, le pouce à l’intérieur. L’index est dit “ lètsa
morteill” (lèche mortier) en haute Maurienne : c’est le geste gourmand de lécher
les bonnes choses pilées dans les mortiers.
Conclusion
Qui mange traditionnel de nos jours ? Qui se réclame de l’alimentation traditionnelle de nos jours ?
Commençons par la deuxième question.
Ceux qui se sentent liés à une certaine culture ancestrale à certains modes de
vie, surtout des vieux et des individus de souche paysanne. En réalité, et là je
réponds à la première question, presque personne ne mange comme on mangeait il y a 50 ans ou 100 ans : on est en régime d’abondance, on croit manger traditionnel la plupart des fois et l’on mange trois fois plus et trois fois plus souvent, voire plus, quelques aliments traditionnels, alors que tellement de recettes
traditionnelles et d’aliments traditionnels ont été supplantés par les spaghettis
ou les biftecks. Notamment tous ces éléments végétaux qui faisaient l’objet de
cueillettes (mentionnés précédemment) ont été oubliés, hélas pour notre richesse
culturelle, pour la gastronomie et, aussi, pour la santé de ceux qui aujourd’hui en
croyant manger traditionnel surchargent leur organisme d’aliments hypercaloriques, riches en graisses et protéines, alors qu’autrefois personne n’était atteint
par le cholestérol et autres maladies dues aux excès alimentaires, loin de là.
Mais surtout la notion d’alimentation traditionnelle est un indicateur important d’une certaine identité culturelle : que ce soit ceux qui croient manger traditionnel ou ceux qui répètent encore des gestes typiques, d’ailleurs il s’agit
souvent des mêmes personnes, reconnaissent leur appartenance à un certain
groupe social, et certains gestes sont faits et répétés pour signifier telle appartenance sociale.
Je pense notamment à certains gestes relevant de la nourriture de partage,
signifiant le sens de l’hospitalité, toujours exalté dans nos contrées. Ces gestes
151
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
de convivialité valdôtaine sont par exemple boire à la ronde en faisant passer la
coupe ou le verre du vin, voire la bouteille tout court en buvant au goulot, faire
la polenta et toutes ces préparations collectives finalisées à la conservation de
certains aliments, tels que la charcuterie ou le pain noir dans le four du village.
Pour conclure, on constate en matière de cuisine traditionnelle qu’il y a eu
une invention d’une tradition, un phénomène d’ailleurs très récurrent que les
ethnologues remarquent souvent et que l’on peut situer à partir des années cinquante, émergeant entre deux circonstances nouvelles, d’un côté la globalisation des moeurs et des marchandises et de l’autre le tourisme, générateur du
regard que les gens des villes portaient sur cette société montagnarde, qui a son
tour se mit à se regarder, à réfléchir sur ce regard et à transformer le réel pour
l’adapter à ce nouveau regard.
Heureusement qu’il y a les gestes qui ont échappé, au moins en partie, à cette revisitation ou à cette prise de conscience préalable, répétés de manière plus
inconsciente que ce qui se passe pour les choix des aliments, qui nous permettent d’analyser avec plus de profondeur et de recul des comportements alimentaires enracinés dans une certaine société.
Je remercie le BREL et le Centre d’Études francoprovençales “ René Willien”
de Saint-Nicolas de m’avoir donné l’opportunité d’en parler dans le cadre de ce
colloque.
N O T E S
Farb Peter et Armelagos Georg, Anthropologie des coutumes alimentaires, Paris, Denoël,
1985, p. 1.
2
Preiswerk Yvonne, « Identité alimentaire et altérité culturelle », in: actes du colloque de
Neuchâtel, 12-13 nov., 1984, Recherches et Travaux de l’Institut d’Ethnologie, n° 6, p. 257.
1
B I B L I O G R A P H I E
ABRY C., DEVOS R., RAULIN H., Les sources régionales de la Savoie : une approche ethnologique : alimentation, Paris, Fayard, 1979.
ARMELAGOS G., FARB P., Anthropologie des coutumes alimentaires, Paris, Denoël, 1985.
BARRAU J., Les hommes et leurs aliments : esquisse d’une histoire écologique et ethnologique de l’alimentation humaine, Temps actuels, 1983.
BARRELL A., Cultura dell’alimentazione a Issime, Aoste, Tip. Valdostana, 1998.
BLOND G., Histoire pittoresque de notre alimentation, Paris, Fayard, 1980.
CARDIA-VONÈ CHE L., La famille à table : une analyse sociologique de la signification
des repas, Genève, 1986.
CÉPÈ DE M., La vie rurale dans l’arc alpin, 1960.
CUNÉAZ I., Mets et recettes, Musumeci, Quart, 1994.
152
Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires
FLANDRIN J.-L., COBBI J., Tables d’hier tables d’ailleurs.
JACQUEMOD L., Les pommes de terre en Vallée d’Aoste, Quart, Musumeci, 1993.
LEROI-GOURHAN A., L’homme et la matière, Paris, Albin Michel, 1943.
LEROI-GOURHAN A., Milieu et technique, Albin Michel, 1945.
LEROI-GOURHAN A., Le geste et la parole, II, Albin Michel, 1998.
MONZON S., « Cuisines du monde : gestes et recettes », in Sciences Humaines, no 85,
1992, Paris, CNRS, pp. 34-37.
P ELTRE J., T HOUVENOT Cl., Alimentation et régions, actes du colloque
« Cuisines… ».
PREISWERK Y.,1984, « Identité alimentatire et altérité culturelle », actes du colloque de Neuchâtel 12-13 nov., in Recherches et travaux de l’Institut
d’Ethnologie, no 6, 1984.
RABOUD-SCHÜ LE I., « Ni trop ni trop peu et bien au contraire », in L’Alpe, no 15,
2002, Grenoble, pp. 67-69.
SOZZI L., TERREAUX L., « L’alimentazione negli stati sabaudi », in Cahiers de
Civilisation alpine, no 8, 1989, Genève, Slatkine.
TOPALOV A. M., Vie des paysans bas-alpins à travers leur cuisine de 1850 à 1950,
Edisud, Aix-en-Provence, 1986.
VOLATIER J.-L., 1998, Alimentation : moderne ou traditionnelle, 1998.
153
Tutela e valorizzazione
delle culture alimentari alpine
Daniele Jalla
Prologo
Il cibo si è conquistato, nel corso dell’ultimo decennio, una posizione contemporaneamente alta e centrale: alta nella scala dei valori sociali, con il risultato che
cibo (e vini) da argomento di conversazione privata e poco impegnata sono
assurti a tema di un confronto argomentato e serio. Centrale, perché esso occupa
una posizione di rilievo in contesti sempre più vari e vasti, dagli studi alla carta
stampata. Sono dati epidermici che
segnalano il fatto che cibo e alimentazione sono diventati un fatto culturale: nel
duplice senso che di essi si è riappropriata la cultura con la C maiuscola e, a tempo stesso, che di essi non viene posta in
rilevo solo la dimensione gastronomica o enologica, ma anche il valore culturale di elemento distintivo di un’identità, nazionale o locale.
Se, ad esempio, “ macaroni” è stato per secoli un epiteto più o meno vagamente dispregiativo degli italiani, ora la “ dieta mediterranea” ha nella pasta un
suo fattore di eccellenza, che fonda la sua reputazione sulla tradizione, sulla
qualità dei suoi ingredienti, ma che non esita a ricorrere a noti designer per
creare nuovi tipi di pasta da immettere sul mercato.
Non diversamente il lardo, di Arnad o di Colonnata, ha acquistato una
reputazione che non aveva: in virtù del suo pregio intrinseco, ma anche come
prodotto tipico e locale, attributi cui si assegna un senso sempre più positivo,
conquistandosi un mercato assai più vasto di quello tradizionale, grazie a forme di distribuzione e di promozione decisamente innovative. La gastronomia
viene posta in primo piano nella promozione turistica, non c’è giornale che
non dedichi ad esse una o più rubriche, sono nati movimenti e associazioni di
recupero e valorizzazione delle tradizioni e dei prodotti alimentari locali. E
gli stessi studi in materia di alimentazione, storica e contemporanea, da rari
e marginali sono diventati numerosi e parificati, quanto a valore, ad altri temi
di ricerca.
155
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
L’elenco potrebbe continuare. E lungo sarebbe l’elenco delle manifestazioni,
locali, regionali, nazionali e internazionali dirette a fare conoscere una vasta
gamma di prodotti agroalimentari, che integrano in sé tradizione e innovazione, tipicità e qualità, pregio e rarità. Un insieme di caratteri che porta sempre
più considerare il cibo e l’alimentazione come componenti di diritto del patrimonio culturale e quindi come veri e propri beni culturali.
La recente approvazione del “ Codice dei beni culturali e del paesaggio” e la
convinzione che le culture alimentari costituiscano una componente essenziale
del patrimonio culturale, mi hanno spinto a verificare cosa accadrebbe se la
disciplina di tutela prevista dal Codice venisse mai applicata a questa particolare tipologia di beni in apparenza molto diversi da quelli a cui si attribuisce solitamente il valore di “ bene culturale” .
È un esercizio solo apparentemente accademico che ha due obiettivi: porre
meglio a fuoco il valore culturale del cibo e contemporaneamente mettere alla
prova la disciplina di tutela, individuandone i limiti oggettivi. Nell’affrontare
questo esercizio mi è parso bene ricorrere alla nozione di “ culture alimentari” (al
plurale) che mi sembra abbia il merito di integrare in sé tanto i beni – i prodotti
agro alimentari, il cibo, la cucina o l’alimentazione che consideriamo “ locale” ,
“ tradizionale” , “ tipica” e, nel caso che ci interessa anche “ alpina” – quanto l’insieme dei processi che corrispondono alla loro produzione, conservazione, trasformazione, distribuzione e consumo; la dimensione materiale dei beni e quella
immateriale dei valori culturali e simbolici, inscindibilmente connessi ai beni e alle
attività che ne caratterizzano l’intero ciclo, dalla produzione al consumo.
Per quanto riguarda la tutela, ben sapendo che i prodotti agroalimentari
sono ampiamente salvaguardati in altre forme, mi sono attenuto alla specifica
definizione che se ne dà in ambito culturale, di cui il Codice dei beni culturali
del 2004 fornisce, per l’Italia, l’ultima formulazione ufficiale. Mentre, nel definire le culture alimentari “ alpine” ho infine delimitato il campo a quelle presenti o
comunque vive nella memoria – orale e scritta – dell’area alpina, dando per
acquisito che esse siano caratterizzate da una stretta relazione con l’ambiente,
storicamente e geograficamente inteso, e quindi oggettivamente caratterizzato
da confini variabili nel tempo e da un rapporto “ discreto” (e circolare) tanto con
la pianura quanto con la città.
Sulla base di queste premesse, vediamo allora se e come le culture alimentari
possano essere annoverate fra i beni culturali e in che misura la disciplina di
tutela prevista dal Codice possa essere eventualmente applicata ai prodotti di
queste culture.
Le culture alimentari sono parti del patrimonio culturale?
Una cultura alimentare comporta la produzione di beni, la loro trasformazione
156
Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine
in vista della loro conversione in altri prodotti o della loro conservazione nel
tempo, una loro distribuzione, in tutti i casi in cui essi non siano destinati all’autoconsumo, e infine un loro consumo, più o meno immediato, attraverso un ulteriore processo che comporta ulteriori variazioni del prodotto di base, convertendolo in cibo.
Una cultura alimentare si caratterizza dunque come un insieme di pratiche,
che caratterizzano il ciclo di produzione, trasformazione, distribuzione, consumo di beni, e di saperi, usi, riti, tradizioni, valori loro connessi. Una cultura alimentare si pone in relazione sia con un ambiente, da cui dipende e che contribuisce a connotare in quanto paesaggio, sia con la società e le comunità di cui
esprime i caratteri e che contribuisce ad identificare. Definisce areali, più o
meno estesi, corrispondenti ai contesti di produzione, distribuzione e consumo,
non necessariamente coincidenti fra loro, contribuendo a determinare una pluralità di scambi, materiali e culturali, tra ambiti territoriali e formazioni sociali.
Per tutte queste ragioni mi sembra del tutto legittimo considerare le culture
alimentari come parte essenziale del patrimonio culturale, una sua componente
in qualche misura primaria, in grado di determinare identità e differenze, in
costante evoluzione nel tempo. La pluralità di beni cui esse danno luogo, direttamente o indirettamente, culturali e paesaggistici, mobili e immobili, e in particolare i cibi, sono dunque decisamente annoverabili tra i “ beni culturali” individuati dal Codice, tra le «cose individuate dalla legge o in base alla legge quali
testimonianze aventi valore di civiltà», a sensi del secondo comma dell’art. 2
del Codice stesso.
Esaminando gli articoli 10 e 11, rispettivamente dedicati ai “ beni culturali” e
ai “ beni oggetto di specifiche disposizioni di tutela” , a meno di non considerarli
come «cose… che presentano un interesse artistico, storico, archeologico o
etnoantropologico particolarmente importante» (art. 10, comma 3, lettera a), o
«che rivestono un interesse particolarmente importante… quali testimonianze
dell’identità e della storia delle istituzioni pubbliche, collettive o religiose» (art.
10, comma 3, lettera d), i prodotti delle culture alimentari non sono contemplati
dal Codice, che esclude peraltro le «cose… la cui esecuzione non risalga ad
oltre cinquanta anni» (art. 10, comma 5), restringendo ulteriormente la possibilità di classificare come beni culturali prodotti destinati a durare così a lungo
nel tempo, solo in rari casi.
Il Codice si limita dunque a individuare soltanto alcune categorie di beni,
cui applicare la disciplina di tutela, ma considera al tempo stesso il patrimonio
culturale un insieme più vasto, aprendo la possibilità di ampliare la tutela ad
altri beni, purché connotati dall’essere «testimonianza avente valore di civiltà»,
attraverso l’adozione di specifiche norme.
Questa duplice connotazione della nozione di patrimonio culturale – insieme in certa misura “ chiuso” dagli articoli 10 e 11 del Codice, ma anche reso
157
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
“ aperto” dall’art. 2 – mi sembra vada colta, anziché come un limite, come
un’occasione doppiamente liberatoria: che consente di assegnare al termine un
diverso valore a seconda che esso corrisponda all’insieme dei beni dichiarati, ai
sensi di legge, “ culturali” in base a procedure formali e definite, oppure lo si
utilizzi in senso lato, comprendendovi l’ampio e vario insieme dei beni, materiali e immateriali, cui è socialmente attribuito il valore di beni culturali. Non
solo: questo consente di prevedere per essi altre e più adeguate forme di “ tutela” , aprendo implicitamente la loro salvaguardia a modalità che non siano solo
ed esclusivamente quelle previste dalla normativa vigente.
Cosa accadrebbe se applicassimo la disciplina di tutela alle culture alimentari?
Accadrebbe che essa sarebbe applicabile solo molto parzialmente. E forse
anche inutilmente. A termini di Codice, la valorizzazione consiste «nell’esercizio delle funzioni e nella disciplina delle attività dirette, sulla base di un’adeguata attività conoscitiva, ad individuare i beni costituenti il patrimonio culturale ed a garantirne la protezione e la conservazione per fini di pubblica fruizione» (art. 3). È materia – come noto – riservata alla potestà legislativa esclusiva
dello Stato (con l’eccezione delle Regioni e Province ad autonomia speciale),
esercitata, per determinati aspetti, in cooperazione con le regioni e gli altri enti
pubblici territoriali, sulla base di specifici accordi ed intese.
I problemi potrebbero sorgere già all’atto dell’“ individuazione” dei beni,
non sempre semplice in presenza delle molte varietà anche solo in un singolo
prodotto di una cultura alimentare, ma superabile se un’adeguata attività conoscitiva consente di identificarne i caratteri fondamentali e di definire dunque
quel minimo comune denominatore che lo distingue al di là delle infinite
varianti che, nel tempo e nello spazio, fanno parte di ogni tipo di bene che non
sia “ unico“ , come lo può essere un particolare dipinto o una scultura.
Ma una volta superata questa difficoltà, ci si scontra immediatamente dopo
con l’assoluta impossibilità di applicare le norme cosiddette di “ protezione” : quelle volte a evitare che i beni culturali siano «distrutti, danneggiati o adibiti a usi
non compatibili con il loro carattere storico o artistico oppure tali da recare pregiudizio alla loro conservazione» art. 20, comma 1). Qui il paradosso è evidente, perché i beni che sono, direttamente o indirettamente, connessi a una cultura alimentare sono strutturalmente destinati ad essere distrutti o modificati, se consumati
come cibo; ad essere danneggiati, se utilizzati per la loro produzione, trasformazione, conservazione e consumo, che si tratti di strumenti di lavoro, di oggetti di
uso domestico, di ambienti, di mezzi di trasporto ecc.; e infine ciclicamente e
costantemente modificati, se corrispondenti al territorio che costituisce l’ambiente
e il contesto di produzione, trasformazione, distribuzione e consumo…
Relativamente applicabile, a condizione di non prendere le cose troppo alla
lettera, è invece l’attività di “ conservazione” che l’art. 29 del Codice prevede
158
Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine
vada assicurata «mediante una coerente, coordinata e programmata attività di
studio, prevenzione, manutenzione e restauro». Ci troviamo infatti in presenza
di attività non solo possibili, ma effettivamente attuate, sia pur in modi molto
diversi rispetto a quelli abituali nel caso di beni culturali “ classici” . Le culture
alimentari, come pure i loro prodotti, vengono studiati con sempre maggior
attenzione e cura, che si tratti di beni e culture del passato o ancora in uso; le
attività di prevenzione dirette a eliminare o ridurre i rischi «connessi al bene
culturale nel suo contesto» vengono attuate in diverse forme, che sovente coincidono con la loro “ manutenzione” , destinata al “ controllo delle condizioni” e
al mantenimento della loro «integrità, efficienza funzionale e identità»; e non
mancano infine iniziative di vero e proprio “ restauro” , con interventi diretti sul
bene «attraverso un complesso di attività finalizzate all’integrità materiale e ad
al recupero del bene medesimo, alla protezione e trasmissione dei suoi valori
culturali», per quanto realizzate con modalità evidentemente molto diverse da
quelle tipiche del restauro strettamente inteso dei beni culturali.
La prima, e più scontata, conclusione che possiamo trarre è che la normativa
di tutela prevista dal Codice è concepita e strutturata in funzione di categorie di
beni che, per quanto vaste, sono pur sempre limitate a un insieme dei beni
socialmente considerati di particolare valore. Per quanto la nozione di patrimonio culturale si sia andata costantemente dilatando nel tempo, e risalga agli
ormai lontani anni Sessanta l’introduzione del termine bene culturale e la sua
definizione – da parte della Commissione Franceschini – come «testimonianza
avente valore di civiltà», non bisogna dimenticare che essa è stata formalmente
accolta dalla normativa solo alla fine degli anni Novanta. E va pure tenuto conto che l’impianto giuridico che presiede alla loro tutela è rimasto sostanzialmente immutato rispetto a quello previsto dalle leggi Bottai del 1939 sulla
«tutela delle cose d’interesse artistico e storico» e sulla «protezione delle bellezze artistiche», ispirate a un approccio ben più antico: quello della prima legislazione di tutela dello Stato unitario, a sua volta fortemente debitrice alla tradizione pontificia, la prima e anche la più evoluta dell’intera penisola, la cui
migliore espressione si ritrova nel Chirografo di papa Pio VII del 1802 e
nell’Editto del Cardinale Pacca del 1820.
La normativa di tutela risulta dunque palesemente non solo inadeguata, ma
anche del tutto inutile (se non controproducente) se, oltre a salvaguardare le
cose, ci si propone di tutelarne gli aspetti immateriali, la cui conservazione è
imprescindibilmente connessa alla loro vitalità. E dunque a intervenire quando
si tratta di conservare beni, contesti, processi, tradizioni la cui sopravvivenza
consiglierebbe piuttosto di escludere ogni forma di congelamento della realtà, e
di accoglierne l’evoluzione, l’innovazione, la trasformazione come fattore
essenziale del suo mantenimento in vita e del suo sviluppo.
Anche in questo caso però il limite può trasformarsi in occasione: in libertà
di individuare modalità diverse di tutela dei beni, sostituendo al vincolo e a
una logica puramente conservativa, la prospettiva del sostegno, diretto o indi159
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
retto, indirizzato cioè alle condizioni di esistenza del bene, al suo contesto,
materiale o immateriale. Senza voler estendere il valore di questa critica all’insieme dei beni che definiamo culturali, per alcuni dei quali sarebbe evidentemente impensabile o delittuoso pensare di non stabilire rigidi limiti alla possibilità di modificarli, alienarli, esportarli, adibirli ad altri usi, è anche vero che
per molti altri questi stessi vincoli condannano il patrimonio culturale a un’esistenza esclusivamente “ museale” e dunque alla perdita di quella vitalità che ne
costituisce una proprietà essenziale.
Ed è proprio questa prospettiva che ci porta a considerare il rapporto fra la
tutela e la valorizzazione del patrimonio culturale e ad esaminare quest’ultima
in relazione alle culture alimentari.
Valorizzare le culture alimentari come parte del patrimonio culturale
Valorizzare significa, secondo il Codice, «promuovere la conoscenza del
patrimonio culturale ed assicurare le migliori condizioni di utilizzazione e fruizione del patrimonio stesso. Essa comprende anche la promozione ed il sostegno degli interventi di conservazione del patrimonio culturale», favorendo e
sostenendo «la partecipazione dei soggetti privati, singoli o associati» (art. 6,
commi 1 e 3), attraverso la «costituzione ed organizzazione stabile di risorse,
strutture o reti, ovvero nella messa a disposizione di competenze tecniche o
risorse finanziarie o strumentali» cui possono concorrere, cooperare o partecipare soggetti privati (art. 111, comma 1).
Si tratta di una dimensione non solo pienamente compatibile con la salvaguardia delle culture alimentari, ma anche di quella più propria e adeguata e
che, è bene ricordarlo, rientra tra le competenze delle regioni (ordinarie) che
hanno in materia una potestà legislativa concorrente e cioè subordinata all’esistenza di princì pi fondamentali dettati con legge statale i quali, nel caso che ci
interessa, sono quelli stabiliti dal Codice. Al punto che essa appare pienamente
sufficiente ad assicurare da sola la “ tutela” di molte tipologie di beni, soprattutto se essi fanno parte della realtà contemporanea e costituiscono una sua componente vitale, per quanto minore o residuale.
A conclusione di queste riflessioni, la miglior tutela dei beni riconducibili a
vario titolo alle culture alimentari coincide con la loro valorizzazione e dunque
con una loro miglior conoscenza da un lato e utilizzazione dall’altro, assicurando
loro un’“ integrità” non tanto connessa alla loro materialità (costantemente messa a rischio dalla prospettiva del consumo!), quanto piuttosto dal mantenimento di determinate condizioni immateriali – costituite dai contesti produttivi,
dalle tecnologie, in definitiva dai saperi che ne consentono la produzione, da
un lato; e dall’altro dall’esistenza di condizioni e comportamenti che ne favoriscano il consumo – necessarie ad assicurarne il futuro. Un futuro che, se si vuole rispettare la tradizione, se si vuole assicurarne la vitalità, non deve e non può
160
Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine
escludere una sua costante innovazione: nelle forme e modalità di produzione,
trasformazione, conservazione, consumo, come ci insegna del resto la stessa
storia dell’alimentazione.
Da questo punto di vista la valorizzazione delle culture alimentari e dei loro
prodotti introduce, rispetto ad altre forme di protezione, un valore aggiunto.
Basandosi su una loro conoscenza, su un’indagine, diacronica e sincronica, dell’insieme degli elementi e dei fenomeni che le caratterizzano, può contribuire in
modo essenziale a individuarne, conservarne e trasmetterne i caratteri “ originali” , intendendo tali quelli che attribuiscono loro una sostanziale e strutturale
specificità e identità. Di questi va tutelata la sostanziale integrità, affinché le
innovazioni, le trasformazioni, i cambiamenti, gli inevitabili adattamenti al contesto non ne stravolgano o riducano, sino a rendere inessenziale, la particolarità: quella, in sostanza che ci porta a definire una certa cultura alimentare locale, tipica, tradizionale.
Porre all’ordine del giorno degli enti di tutela del patrimonio culturale la
questione delle culture alimentari ha d’altra parte una valenza anche più generale, nella misura in cui attribuisce una diversa prospettiva alla stessa tutela del
paesaggio, del patrimonio immobile, connettendola vitalmente alle attività produttive cui esse sono legate e a una prospettiva di sviluppo, da cui per lo più
l’esercizio della tutela pare lontano, quando i suoi effetti non finiscono per
opporvisi.
Per tutte queste ragioni mi sembra importante sottrarre la valorizzazione
delle culture alimentari a quella posizione marginale in cui esse sono state
poste sul piano culturale e patrimoniale, traendone al tempo stesso spunto per
una critica, anche radicale, ma tutt’altro che sterile, a una cultura di tutela
esclusivamente “ passiva” e vincolistica, incapace di concepire per il patrimonio
culturale una prospettiva che non sia solo ed esclusivamente quella museale.
Questo significa allora che sia meglio evitare di fare musei delle culture alimentari? Certamente no, anche perché ne esistono già molti, anche se non tutti
riescono a evitare di fare delle culture alimentari un “ museo” , un luogo di
memoria, non esente da rimpianti e nostalgie, un mausoleo o cimitero del passato, anziché uno strumento, utile e vitale, al servizio dello sviluppo.
Alcune considerazioni conclusive a proposito dei musei delle culture alimentari
Il rischio che si corre nel parlare di musei, come di molte altre cose del resto,
è di pensare che essi corrispondano a un’unica tipologia o modello e di costruirli
attingendo, senza grande fantasia, alle sue forme più classiche e consolidate.
Senza offesa per nessuno, questo porta sovente a realizzare i musei di questa o
quella cultura alimentare o di un determinato prodotto, non diversamente da
come sono stati per lo più concepiti i tanti musei etnografici che, ricorrendo a
161
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
dispositivi ostensivi più o meno vari – dall’esposizione di oggetti in vetrine alle
ricostruzioni d’ambiente, con i relativi apparati consistenti in tabelloni, immagini, materiali audiovisivi – hanno finito per fissarne un’immagine, più o meno
scientificamente controllata, ma comunque statica e al passato.
Forse esiste invece un modo diverso di concepirli, dando spazio in primo
luogo a funzioni che solitamente sono poste in secondo piano. In un museo che
si rispetti la ricerca e la documentazione in primo luogo dovrebbero costituire il
fondamento stesso del suo esistere e operare. Anche perché rispetto alle culture
alimentari c’è ancora moltissimo da scoprire e far sapere, non limitando l’indagine al passato, più o meno prossimo, ma anche al presente, per porsi al servizio
della produzione e del consumo contemporanei e svolgere così quella funzione
educativa che è propria del museo sui due versanti – dei produttori e dei consumatori – diffondendo saperi, conoscenze, competenze, pratiche, comportamenti tanto tra gli uni quanto fra gli altri.
Un museo delle culture alimentari inoltre non dovrebbe essere disgiunto
dal contesto e dal territorio cui appartiene, se sono vere alcune considerazioni
svolte in precedenza. Dovrebbe anzi costituire un suo attributo distintivo lo
svolgimento dell’insieme delle attività che corrispondono al o ai prodotti che
intende valorizzare, in forma dimostrativa, ma ancor meglio se attraverso una
diretta partecipazione dei diversi attori che, nel contesto di riferimento, mantengono vitale la produzione dei beni. Ed è anche necessario che i prodotti di
cui il museo può aver illustrato l’origine e la storia, le forme tradizionali di
produzione, trasformazione e consumo, in forme più o meno tradizionali, siano presentati direttamente e se possibile – stagione permettendo – degustati,
che è anche l’unico modo per comunicarne le qualità e i valori, difficilmente
apprezzabili, senza consentire ai visitatori di mobilitare, oltre alla vista, l’odorato, il tatto e il gusto.
Tutto questo consente di rendere un museo vivo, aperto, diffuso, interattivo,
multimediale, sperimentale. E dunque strutturalmente diverso da un museo
tradizionale. Luogo di memoria, ma anche di confronto con e sul presente, e
soprattutto strumento posto esplicitamente al servizio di una prospettiva di sviluppo locale. Istituto di formazione da un lato e di educazione dall’altro,
espressione di una comunità e di un territorio, ma anche partecipe attivo di una
cultura e di una pratica della biodiversità. Con una missione dunque assai più
ampia e generale di quella che molti musei di questo tipo si danno, che nel
cogliere fino in fondo la centralità che il cibo ha nella vita dell’umanità, trae
l’opportunità per consentire di riflettere, ben al di là delle culture alimentari,
sulla società presente e sul suo futuro.
162
Pane e non solo: notizie dallo SPEA
Giovanni Kezich
Piacerà senz’altro agli amici delle Alpi
occidentali il libro che poche settimane fa ha dato il via ai lavori del nostro
SPEA, il Seminario Permanente di
Etnografia Alpina, che ormai regolarmente dal 1991 si riunisce presso il
Museo degli Usi e Costumi della Gente
Trentina di San Michele all’Adige, per il
coordinamento mio e di Pier Paolo
Viazzo, ed è giunto ormai a concludere il
suo IX ciclo di lavori1.
Il nuovo libro, ancor fresco di stampa,
che in questa come in altre occasioni ha
costituito un po’ il fulcro dei lavori del
Seminario, questa volta si chiama Il pane
annuale. Comunità e rito della panificazione nell’Oisans2 ed è un po’ il testamento
spirituale di un etnologo francese poco noto ma singolarmente autorevole,
Marcel Maget, professore a Digione, nonché funzionario museale a Grenoble e
a Parigi, scomparso nel 1994.
Questo libro, fino all’ambizioso repê chage di cui il Museo, insieme con la
Carocci di Roma, ha voluto farsi carico, ha vissuto una grama esistenza, in una
mediocre edizione anglofrancosvizzera ormai comunque introvabile nonché
zeppa di svarioni e di refusi3, cui solo una squadra di traduttori e redattori
coordinati da Maria Luisa Meoni dell’Università di Siena (Alberto Giancola,
Anna Rita Severini, Antonella Mott...), è riuscita a metter pieno rimedio4.
Piacerà questo libro perché racconta nel più minuto dettaglio storico etnografico relativo a un singolo paesino, quella Villar d’Arêne che troviamo subito
sotto il Col du Lauteret sulla strada che da Briançon porta a Grenoble, di una
pratica diffusa al di qua come al di là dello spartiacque alpino occidentale – me
lo ha confermato di recente Stuart Woolf a proposito di Cogne – che è quella di
una panificazione comunitaria semestrale o annuale di pane di segale, funzione
specifica dell’essersi dotati i paesi di grandi forni comunali, e della necessità di
massimizzare, per la risorsa pane, tanto la legna da ardere, quanto la forza
lavoro e l’impegno dei panificatori.
163
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
L’argomento, trattandosi di pane – « il pane era il cibo; e il pane è ancora,
simbolicamente, tutto il cibo » ha detto lo storico Paolo Sorcinelli nel corso del
dibattito introduttivo5 – sembrava adatto a introdurre un discorso generale sulle culture alimentari dell’arco alpino, “ varianti d’alta quota” come scrive l’antropologo Robert McC. Netting « del modello agrario del Vecchio mondo, diffusosi dal subcontinente indiano alle coste dell’Irlanda, e che combinava cereali
da pane ai prodotti caseari »6. A partire da questo doppio presupposto, del pane
e del formaggio, ecco dunque il sovrapporsi, nei secoli – secondo un excursus
ripercorso magistralmente al nostro SPEA da Franco Marzatico7 e da Gaetano
Forni8 - di prodotti orticoli complementari, del vino in epoca galloromana, della
castagna e del grano saraceno nel medioevo, e infine delle colture americane
della prima nostra “ globalizzazione” - patata, mais e fagioli - prime responsabili benemerite, sempre secondo Netting, a fronte di una secolare penuria, e
anche dell’imprevedibile coevo inasprirsi del clima, del repentino rafforzarsi e
dell’incrementarsi demografico delle comunità alpine a partire da inizio
Ottocento.
Ecco quindi, a partire dal pane, la struttura di un convegno organizzato un
po’ come un menu, con i classici companatici alpini del formaggio, del maiale e
del vino, ma anche, ad esempio, di quello del pesce.
Pane e formaggio: ecco Stefano Allovio9, per quanto riguarda la fontina,
Gianbattista Rigoni Stern10 per l’Asiago, Cindy Iannarelli e Ellenor McManus11
per la vicenda trentina dei caseifici turnari, e Cristina Papa12 per il pecorino della montagna umbra, a raccontare della storicità di questi prodotti, la cui relativa
fissità di prodotto “ tipico” , è in realtà un compromesso complesso, conseguito
nel tempo storico, di fattori zootecnici, tecnologici, sociali. Ecco, in questo stesso contesto, emergere la permanenza tenace anche nel mondo di oggi di tradizioni zootecniche e di attitudini antichissime, come quella che riguarda le capre
documentata da Michele Corti13 con rara dovizia, o anche le mucche e l’andare
in malga, di cui si è colta una testimonianza diretta nelle parole di un malghese
della New Age, Oswald Tonner14.
Pane e vino: il vino, come si sa, nel mondo contadino prenovecentesco, è
ancora in buona sostanza un alimento, un companatico. Poi diventa, anche su
versanti di montagna piuttosto improbabili, come ha spiegato Paolo Sibilla15
per la val di Susa, soprattutto minuta merce di scambio. Prospettiva condivisa
dallo storico Gauro Coppola16, che ha voluto mettere in prospettiva critica, una
volta di più, il concetto della cosiddetta “ autosussistenza contadina” , a fronte
di una capillare, riscontrabile, penetrazione del mercato sin nei suoi più minuti
interstizi.
Pane e pesci, pan e pessét, come dicono in Lombardia, per dire “ mangiar
povero” . Questo argomento poco noto, è in realtà di una certa importanza
anche ai piedi delle montagne perché si riferisce alle strategie più basilari dell’appropriazione, da parte delle comunità, di una sorta di res nullius. Il tema è
164
Pane e non solo: notizie dallo SPEA
stato trattato da Massimo Pirovano 17 per il lago di Como, mentre Marta
Bazzanella, Michele Trentini, Lorenzo Bett e Ursula Wierer18, hanno documentato sulle rive dell’Adige una continuità di attenzione alimentare per il luccio che
data dal mesolitico ai nostri stessi giorni.
Menù piuttosto ricco, come si vede, ma penalizzato fin da subito dalla inesauribile feracità dell’argomento, poiché, come spesso accade in qualsiasi raduno di persone non appena appaia il cartello “ Cibi cotti” , ci siamo dovuti presto
arrendere al fatto che le tavole erano già tutte occupate prima ancora di aver
cominciato a servire.
Veniamo dunque al libro di Maget, e al pane annuale. Il libro nasce da una
contiguità più che quarantennale dell’autore, conservatore al Musée Dauphinois e poi al MNATP, con la panificazione novembrina di Villar d’Arêne, che
ha seguito passo passo dal 1946 lungo tutta l’ultimissima fase del suo declino in
quanto pratica alimentare legata a strategie di sussistenza concrete, un declino
che si consuma nel 1970 con un repentino abbandono del forno comunale che
ha tutta l’aria di essere definitivo, e la sua resurrezione del tutto inaspettata,
dopo pochi anni, nel 1976, ma come qualcosa di completamente diverso, e cioè
come una sorta di rito: un rito dell’identità, della memoria, dello stare insieme.
Per la strada, lo studio di Maget incassa molte benemerenze importanti: la
prima, è quella di riportare l’attenzione sull’importanza basilare nell’alimentazione alpina della segale – di cui il biologo grigionese Peer Schilperoord19, l’austriaca Andrea Heistinger20, e la sudtirolese Johanna Platzgummer21, impegnati
sui rispettivi versanti nella tutela delle varietà autoctone, riferendo allo SPEA,
hanno potuto contare centinaia di minute varietà locali – e del relativo pane,
del cui uso e riuso, un po’ ovunque sull’arco alpino, hanno parlato Marco
Romano22, Emanuela Renzetti23, Iolanda Da Deppo24, e altri ancora. È infatti un
tema costante sulle Alpi, quello del pane di segale, che varia tuttavia anche in
funzione della struttura sociale che gestisce la panificazione: pane del maso
per eccellenza nel Tirolo tedesco e dintorni, fino alla trentina val di Sole, e cioè
pane di famiglia, che ognuno sforna per sé e magari per qualche vicino sprovvisto di forno, presso i bordi occidentali della catena alpina, il pane di segale
diventa pane della comunità. In questo caso, si vede come le componenti
socio-economiche del procedimento produttivo prevalgono senz’altro su quelle agronutrizionali, fornendoci una chiave d’accesso, e di non piccolo conto,
alla comprensione dei meccanismi costitutivi della società sottostante.
Così facendo, Maget insegna, ancora una volta, che l’etnografia può essere
anche una cosa seria e che, prima di aver contato il numero delle secchiate d’acqua, dei chili di farina, dei passi del fornaio dalle madie alla bocca del forno, e
visionato con attenzione tutti i registri su cui si riesca materialmente a metter
mano, si rischia veramente di tralasciare qualcosa di importante, e di mettersi
nella condizione di non capir niente di quello che – Durkheim insegna (e non a
caso Maget, dal canto suo, è stato allievo di Marcel Mauss…) – è anche un orga165
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
nismo, anzi è un organismo. Sorprende, peraltro, da parte di un professore di
ethnologie, e in un’epoca vicina all’attuale, e dunque caratterizzata da un più o
meno forzato rifondarsi su base etnica della concezione corrente del sociale,
l’assenza cospicua e quasi emblematica di qualsiasi riferimento di taglio etnicista, vuoi a livello di sostrato, vuoi a quello non meno insidioso di quel concetto
naturalista di “ identità” che oggi va così per la maggiore. Non vi è infatti nulla
di metastorico, di sostanziale, infatti, nei Farenchins descritti da Maget, che li
possa distinguere da qualsiasi altra specie dei citoyens della Repubblica nata
nell’89: nulla, se non il loro voler essere, e voler continuare ad essere, attraverso
il pane e il suo rito semplice e del tutto persuasivo, comunità.
Ecco quindi che la ricerca di Maget si colloca, con un buon trentennio d’anticipo, nel punto e nel momento preciso di quella stessa trasformazione di cui si
parla oggi qui, in cui il cibo trascende la semplice dimensione della “ roba da
mangiare” per diventare rito, plusvalenza, valore, bene culturale. È la medesima
prospettiva di “ pane e identità” – quest’ultima, a quanto pare, il miglior companatico - che allo SPEA hanno trattato, fra gli altri, Wolftraud De Concini 25 e
Domenico Isabella26 per le nostre minoranze alpine soprattutto germanofone,
Gabriele Di Luca27 per l’adesione più o meno spontanea dei Sudtirolesi alla cultura alimentare italiana, Valentina Porcellana28 per i nuovi riti alimentari del
Piemonte occitano, Quinto Antonelli e Gianfranco Bettega29 per quanto è dato
capire di storia sociale analizzando i ricettari domestici in quanto fonte, e Valeria
Siniscalchi30 per il processo di invenzione di tipicità gastronomiche del tutto fittizie, proprio qui vicino sulle Hautes Alpes, con gli ormai famigerati “ tourtons” .
Certamente, frastornati come siamo dall’etica corrente di tipicità alimentari
siffatte, delle denominazioni d’origine, del casereccio e del rustico, facciamo oggi
un po’ fatica a risettare il nostro sguardo sul fatto che in montagna, mediamente,
e per secoli, si sia mangiato ben poco, e quel poco, molto spesso, anche male. Si
provi, per esempio, a chiederlo a qualsiasi pedonatore alpinista o alpinofilo di
vecchia scuola, che si scoprirà invariabilmente adepta convinto della carne
Simmenthal e del latte in polvere, a fronte dell’approccio impossibile con un
mondo alimentare, appetibile oppure no, ma con il quale, anche con l’esperienza
e la frequentazione di anni, non è mai stato dato condividere proprio niente. Chi
di voi abbia avuto occasione di frequentare le Dolomiti negli anni ancor buoni,
ricorderà anche certamente un mitico “ Spaccio alpino” collocato nel seminterrato
di servizio di un palazzo del centro di Predazzo, miraggio e oasi per il rifornimento di scatolame di escursionisti già perfettamente avvezzi al fatto che, non
solo su per i sentieri ma anche nei paesi e nei masi di fondovalle, non si trovasse
da mangiare proprio niente. Un’esperienza, quella del niente da mangiare, che
almeno da noi può fare ancor oggi chiunque si avventuri da turista in certe valli
anche non remotissime al di fuori dei giorni e delle stagioni prescritte.
Così , all’immagine del paiolo fumante nella baita, dove sobbollono chissà
quali saporose delizie, se ne sovrappone spesso un’altra, che per l’etnografo
non è meno interessante, di un mondo propriamente alpino che è estraneo, cer166
Pane e non solo: notizie dallo SPEA
tamente per necessità ma anche un pochino per vocazione, alle complesse
ritualità alimentari del mondo contadino di fondovalle, e che persegue, in fatto
di cibo, un proprio spirito spartano piuttosto trasandato, quasi del tutto incomunicabile, e quindi, trattandosi di cibo, anche poco commestibile.
Sono modelli opposti che sulle Alpi, si inseguono, si integrano e si compenetrano, un po’ a macchia di leopardo: il folklorista Bruno Pianta, che me ne parlò
qualche anno fa, li chiamava, alla lombarda, quello dei “ parò li” vì s-a-vì s quello
dei “ lingèra” . Da un lato, infatti, ovvero a un estremità del continuum, vi sono
comunità contadine terricole, stanziali, centripete, solo per accidente insediate
un po’ più in alto di altre. Dall’altro, vi sono le piccole aristocrazie alpestri,
piuttosto dichiaratamente centrifughe anziché centripete, e contadine solo per
necessità o per ripiego, fatte di artigiani, di mercanti, di ambulanti, di migranti
che vanno e vengono, di partenze e di ritorni, e dove come tutti sanno tempo, e
attenzione da dedicare al cibo, alle conserve, e ai suoi riti senza fine, assolutamente non ce n’è.
Non sono forse queste considerazioni comprensibili in un luogo come la valle d’Aosta, forte delle sue nobilissime distinzioni gastronomiche, e che però
non è possibile disgiungere interamente dai relativi influssi delle diverse culture nazionali che qui si incontrano. Così , sarà difficile che il profano non colga,
da queste parti, gli echi delle grandi tradizioni culinarie limitrofe a ovest e a
sud-est mentre, discendendo gradatamente la catena verso est, giù giù verso
Valtellina e Trentino, Bellunese e Carnia, non potrà non realizzare l’impatto con
la “ variante d’alta quota” di una civiltà alimentare lombardo-veneta complessivamente più rozza, più povera, più “ polentona” .
Sul versante transalpino, di contro, le relative “ tipicità” dei mangiari alpini
sembrano seguire dappresso una linea di faglia ideale tra mondo protestante e
mondo cattolico, che vuole assegnata a quest’ultimo, in sintesi, il dominio
pressoché esclusivo, se non proprio sulla buona tavola, quantomeno sul mangiar di gusto.
Ecco così descritta, in sintesi estrema e a volo di jet più che di uccello, una
sorta di etnografia delle culture alimentari della catena alpina, ed ecco quindi
dischiudersi, alla prospettiva necessariamente panalpina del nostro SPEA, alcuni problemi di ordine generale.
Da un lato infatti, e con buona pace di quanti siano alla ricerca della “ specificità alpina” a tutti costi, non sembra esservi nulla o quasi nulla, nella cultura
alimentare dell’arco alpino, che esuli dai processi legati all’introduzione, diffusione e progressiva sedimentazione e stratificazione delle grandi innovazioni
colturali che hanno attraversato l’Europa a partire dal neolitico: orzo frumento
segale, colture orticole e prodotti caseari prima, poi nell’ordine, vino, castagne,
Fagopyrum, fagioli, patate, mais… Nulla, che impedisca di considerare le culture alimentari delle valli altrettante varianti d’alta quota delle grandi culture
167
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
regionali dei bassopiani, con i loro luoghi comuni, e i loro punti cardinali evidenti, anche a tavola. Dall’altro lato, tuttavia, è altrettanto evidente che l’orografia stessa della catena, e più ancora la strutturazione del suo popolamento e
dei suoi insediamenti umani, hanno certamente favorito fenomeni di isolamento e di deriva, che si sono tradotti nei secoli in altrettanti isolati ed endemismi
di carattere agronomico e colturale, ciascuno provvisto del suo debito correlato
propriamente culturale, gastronomico, rituale.
E di che cosa si vuole parlare, quindi, quando affrontiamo il tema delle
“ culture alimentari dell’arco alpino” ? Dei grandi processi di diffusione, che
sono a ben guardare uguali per tutti, o dei minuti endemismi, degli autoctonismi, delle varianti? Della patata che, alla fin fine, è la medesima risorsa dappertutto, o del fatto che qui – in val di Non - magari la grattugiano per poi
cuocerne la poltiglia schiacciata su una padella rovente (è il tortèl di patate) senza alcun condimento, mentre lì – sull’altopiano di Asiago, a 50 km di distanza
sì e no – ne fanno una specie di purea cotta nello strutto con la cipolla (è la consìdera)?
Oltre la corrente, innocua retorica delle tipicità, delle denominazioni d’origine, e dei “ giacimenti golosi” , e fattosi certamente salvo il desiderio del tutto
legittimo delle comunità locali, di riconoscere le proprie civiltà alimentari, di
istituirle, di difenderle, di proporle al pubblico, sarà comunque opportuno che
lo storico, e con esso l’antropologo, il museografo e – perché no? – anche lo storico della salute – ce l’hanno ricordato allo SPEA, ciascuno dal canto proprio,
Pietro Clemente31, Daniele Jalla32 e Vittorio Sironi33 – non rinuncino del tutto alla
decodifica del fattore cibo in quanto traccia, in quanto fonte, in quanto segnale.
Nulla, infatti, come il cibo rappresenta concretamente il sentimento esclusivo
di una comunità, di un sentir comune, e nulla è infatti così gelosamente riguardato, e protetto. Nulla è d’altro canto così contagioso, ibridabile, contaminabile.
Nulla, per l’uomo, attiene maggiormente alla sfera della causalità naturale, dell’economico, e nello stesso tempo, e ad uguale titolo, alla sfera del linguaggio,
del simbolo, del desiderio, e di quello che l’antropologo Dan Sperber, con una
fortunata metafora, ha definito l’“ epidemiologia della rappresentazione” 34.
Se i convegni servono – anche – a imparare qualcosa, mio compito di quest’oggi era quello di cercare di riferire, in sintesi, di che cosa mi sembra di aver
tratto dalle quattro giornate dello SPEA svoltosi il mese scorso a San Michele,
anticipando di molto il lavoro di gestione e di digestione degli atti per la nostra
rivista SM Annali di San Michele, che mi impegnerà, come di consueto, per il
prossimo biennio.
A conclusione del convegno, ci siamo recati in val di Peio, per l’escursione: lì
c’è l’insediamento permanente più alto del Trentino, a 1600 m s.l.m.. come la
Villar d’Arêne di Marcel Maget, e anche lì vigeva la consuetudine della panificazione periodica del pane di segale: ma i pani di Maget sono dei grossi matto168
Pane e non solo: notizie dallo SPEA
ni cubici da 5 kg l’uno, mentre quelli di Peio sono piccoli panetti da 2 hg scarsi,
messi in forno a coppie, come altrettanti “ 8” per rappresentare, ho sentito dire
“ l’unione dell’uomo e la donna” . A Peio, si mangia pecora, ed è l’unico luogo
del Trentino dove se consumi ancora in via ordinaria, e c’è anche l’ultimo caseificio di tipo turnario, quello in cui i soci mantengono, a turno, la proprietà privata individuale delle caserate giornaliere, in ragione del latte conferito. La
struttura è di proprietà dei Soci e il casaro è nominato dall’assemblea dei Soci
stessi. Al forno comunale di Villar d’Arêne, 500 km più a ovest, naturalmente,
si lavora farina e non latte ma, alla fine, è la stessa cosa.
N O T E
SPEA9 «Pane e non solo. Etnografia e storia delle culture alimentari dell’arco alpino»,
organizzato dal Museo degli Usi e Costumi della Gente Trentina in collaborazione con il
Museo Storico in Trento, si è svolto a Trento e a San Michele all’Adige dal 25 al 28
novembre 2004.
2
Marcel MAGET, Il pane annuale. Comunità e rito della panificazione nell’Oisans, a cura di
Maria Luisa MEONI, con uno scritto di A. M. CIRESE, Roma – San Michele all’Adige,
Carocci – MUCGT, 2004.
3
Marcel MAGET, Le pain anniversaire à Villard d’Arène en Oisans, Paris, Éditions des
Archives Contemporaines, 1989.
4
Cfr. gli interventi di presentazione del volume resi a SPEA9 dalla stessa Maria Luisa
MEONI, Università di Siena: «Una lunga “ fedeltà” : pratica alimentare, auto-identificazione e ritualità attraverso il mutamento. Attualità della lezione di Marcel Maget», e dai
collaboratori Anna Rita SEVERINI, Comune di Pescara: «Tradurre Maget. Competenze
antropologiche e linguistiche alla prova», e Alberto GIANCOLA, Pescara: «Ritorno a
Villar: un sondaggio sulle orme di Maget». Si prevede che le comunicazioni al convegno
saranno pubblicate su SM Annali di San Michele, 19/2006.
5
Nel corso di una tavola rotonda dal titolo Parlare di pane per parlare di tutto. Culture alimentari in transizione: un antropologo e uno storico a confronto, con Pietro CLEMENTE e
Paolo SORCINELLI e coordinata da Quinto ANTONELLI.
6
Cfr. Robert McC. NETTING, In equilibrio sopra un’alpe. Continuità e mutamento nell’ecologia di una comunità alpina del Vallese, Roma - S. Michele all’Adige, NIS - MUCGT, 1996.
7
Cfr. Franco MARZATICO, Castello del Buonconsiglio Monumenti e collezioni provinciali: «Alimentazione alpina prima di Roma: entro e oltre la sussistenza» (comunicazione
a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
8
Cfr. Gaetano FORNI, Museo Lombardo di Storia dell’Agricoltura: «Dal grano al mais e
alla patata in ambito alpino» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San
Michele 19/2006 [?]).
9
Cfr. Stefano ALLOVIO, Università di Milano: «Strategie e processi di costruzione di un
prodotto tipico: il caso della Fontina della Valle d’Aosta» (comunicazione a SPEA8, in c.
di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
10
Cfr. Gianbattista RIGONI STERN, Asiago: «Dal foraggio al formaggio. Gestione dei
pascoli di malga ed esiti zoocaseari» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali
di San Michele 19/2006 [?]).
11
Cfr. Cindy IANNARELLI; Ellenor MCMANUS, Università di Trento: «Il caseificio di
Ville del Monte: un case-study nel contesto socioeconomico» (comunicazione a SPEA8,
in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
1
169
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Cfr. Cristina PAPA, Università di Perugia: «Paesaggi e formaggi: un’assonanza non
casuale nella Valnerina umbra» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San
Michele 19/2006 [?]).
13
Cfr. Michele CORTI, Università di Milano: «L’allevamento caprino nelle strategie di
sussistenza alimentare delle comunità alpine» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su
SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
14
Cfr. Oswald TONNER, Salorno: «Oltre la frontiera: da masadore di val d’Adige a malghese in Montalon» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele
19/2006 [?]).
15
Cfr. Paolo SIBILLA, Università di Torino: «Forme della viticoltura tradizionale in montagna, in val di Susa e val d’Aosta» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di
San Michele 19/2006 [?]).
16
Cfr. Gauro COPPOLA, Università di Trento: «L’alimentazione contadina nelle fonti
storiche» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
17
Cfr. Massimo PIROVANO, Museo etnografico dell’Alta Brianza: «A pan e pessét. Pesca e
consumo del pesce dei laghi lombardi» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM
Annali di San Michele 19/2006 [?]).
18
Cfr. Marta BAZZANELLA, MUCGT; Lorenzo BETT; Michele TRENTINI, MUCGT;
Ursula WIERER: «Strategie di sfruttamento economico e culturale del luccio nella valle dell’Adige» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele
19/2006 [?]).
19
Peer SCHILPEROORD, Verein fü r alpine kulturpflantzen: «he cultivated plants of the
Alps: emergence, decline and future use of landraces» (comunicazione a SPEA8, in c. di
s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
20
Andrea HEISTINGER, Verein fü r alpine kulturpflantzen: «Poppy Needs Cool Feet:
Cultivated Plants and Cultivated Knowledge in South Tyrol» (comunicazione a SPEA8,
in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
21
Johanna M. PLATZGUMMER, Archeoparc Val Senales: «L’esposizione di campi agrari
e di giardini nell’ambito museale» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di
San Michele 19/2006 [?]).
22
Marco ROMANO, Archivio Provinciale della Tradizione Orale: «Il nostro pane quotidiano, di segala» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele
19/2006 [?]).
23
Emanuela RENZETTI, Università di Trento: «Ricuocere il pane: passaggi, usi alimentari e occasioni stagionali» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San
Michele 19/2006 [?]).
24
Iolanda Da DEPPO, Pieve di Cadore: «Differenze e continuità nell’alimentazione tradizionale nel territorio della provincia di Belluno» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su
SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
25
Wolftraud DE CONCINI, Pergine: «Minoranze in pentola» (comunicazione a SPEA8, in
c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
26
Domenico ISABELLA, Venezia: «Mitter toch proat in zoch… : la cultura alimentare di
Sauris/Zahre (Mezzogiorno/pane in tasca/formaggio in bocca/tabacco nel naso/ spara alla lepre Tommaso!)» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San
Michele 19/2006 [?]).
27
Gabriele DI LUCA, Bolzano: «L’influenza della cucina italiana in Alto Adige dopo il
1920» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
28
Valentina PORCELLANA, Università di Bergamo: «Cibo e rito tra tradizione e modernità: il caso di Giaglione in valle di Susa» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM
Annali di San Michele 19/2006 [?]).
12
170
Pane e non solo: notizie dallo SPEA
29
Quinto ANTONELLI, Museo Storico in Trento; Gianfranco BETTEGA, Primiero –
«Saperi e sapori: esperienze di ricerca nel Primiero»; Quinto ANTONELLI, Museo
Storico in Trento: «I ricettari popolari» (comunicazioni a SPEA8, in c. di s., su SM Annali
di San Michele 19/2006 [?]).
30
Valeria SINISCALCHI, Università di Roma : «Tourtons du Champsaur, des Hautes-Alpes o
du pays? Strategie economiche e territorio nella costruzione di un prodotto “ tipico” »(comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
31
Pietro CLEMENTE, Università di Firenze: «Il ciclo alimentare nei diari 1943-46 di un
medico condotto in pensione in un paese della Sardegna» (comunicazione a SPEA8, in c.
di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
32
Daniele JALLA, ICOM: «Culture alimentari alpine e globalizzazione» (comunicazione
a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
33
Vittorio A. SIRONI, Università di Milano-Bicocca: «Il cibo come medicina: valenza
terapeutica dei nutrimenti nelle culture alimentari della Brianza e dell’arco alpino lombardo» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]).
34
Cfr. Dan SPERBER «Anthropology and psychology: towards an epidemiology of
representations (The Malinowski Memorial Lecture 1984)» in Man (N.S.) 20, 73-89.
171
L’alimentazione tradizionale
della Valle dell’Aveto
Sara Medica, con la supervisione di Annibale Salsa
Il mondo rurale avetano (basato, fin verso
la fine dell’Età Moderna, sul sistema economico misto agro-silvo-pastorale) era
quasi del tutto autosufficiente per quanto riguarda l’alimentazione. Se si escludono l’olio, lo zucchero e il sale (che
giungevano in questa Valle, sita nel cuore dell’Appennino Ligure-Emiliano, trasportati dai mulattieri per essere poi venduti e scambiati soprattutto in occasione
di fiere e mercati) la maggior parte dei
generi alimentari poteva essere prodotta
nella Valle stessa. Non va tuttavia dimenticato che, trattandosi di un’economia di
sussistenza, non si poteva contare su raccolti abbondanti: la quantità dei cereali,
infatti, era spesso insufficiente al fabbisogno della popolazione parte della quale era costretta, per questo, ad emigrare per parecchi mesi l’anno. I raccolti (in
particolare grano, segale, mais e castagne) erano, infatti, solitamente mediocri.
Per fare un esempio ecco ciò che scrive il maire del Mandamento di S. Stefano
d’Aveto relativamente al raccolto del 1810:
« Nel corrente anno molti non hanno nemmeno avuto le sementi in specie del Grano
per mottivo dei tempi incostanti, e le granaglie raccolte sono di pessima qualità , e non
vendono nemmeno secondo il solito, la poca Melica raccolta non è neppure perfettamente potuta maturare e così non è ne troppo buona ne sana. Le castagne qui in questo
comune non hanno prodotto alcun frutto… » 1.
Nei resoconti era specificato che mentre non si acquistavano mai castagne
(venivano consumate solo quelle del luogo) ogni anno si comprava, invece, una
certa quantità di melica che integrava quella prodotta nella Valle.
Osserva, infatti, il maire nel 1811:
«Di Gran turco non ne seminano che in parte del Comune in Villaggi più esposti al
battente del sole, poiché in quelli esposti al Nord non vi maturan e così li abbitanti
generalmente ne comprano molto di più di quello che racogliono» 2.
173
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Precisa, inoltre, che non si faceva molta coltivazione di fagioli e questi venivano solitamente mangiati verdi. Ridottissimo era il numero delle vigne esistenti nella Valle tanto che si annota: «… servono più di divertimento ai proprietarij
che di vantaggio» . Inoltre in quantità esigua, veniva estratto olio dalle noci e questo, vista la sua scarsità, veniva tutto impiegato per i bisogni degli abitanti.
In cucina si adoperavano gli ortaggi locali, le patate, il burro, il latte di mucca o di capra, i formaggi, le ricotte, le uova, la carne di maiale, di coniglio, il
pollame, la selvaggina, le farine di castagna, di grano e di granturco. Inoltre si
consumava sia la frutta coltivata sia quella spontanea che si raccoglieva nei
boschi, i funghi, certe erbe selvatiche, i fagioli, i ceci, il miele. Anche trote e
lumache rientravano, in qualche caso, nella dieta degli abitanti della Val
d’Aveto. La cucina tradizionale avetana è semplice e frugale: molto spesso si
mangiava, sia a pranzo sia a cena, un piatto unico che nella maggior parte dei
casi era costituito da polenta o minestrone. Queste pietanze solitamente erano
poste al centro del tavolo e tutti si servivano da un unico grande vassoio.
Carne, dolci e piatti più elaborati venivano consumati raramente e soltanto nelle occasioni di festa.
Illustro, di seguito, alcuni dei piatti e delle preparazioni che mi sono state
riferite nel corso delle interviste da me effettuate nella zona.
Per quanto riguarda i condimenti, a parte il pesto e il sugo di carne (quet’ultimo solitamente preparato in occasione del Natale), quello più usato era il sugo
di funghi porcini che crescono abbondanti nella zona. Esso veniva impiegato per
condire la pasta fatta in casa e anche la polenta. Si utilizzavano soprattutto i funghi fatti essiccare al sole o nelle cucine disposti su una rete detta crevèllu.
Le minestre – la cui ricetta varia da una famiglia all’altra – venivano realizzate con le verdure dell’orto e con un soffritto di lardo. Si consumavano anche
zuppe, brodi e minestre. Alcuni preparavano una zuppetta detta minizzùn, con
pane, ricotta e siero di latte.
Con le verdure dell’orto si realizzavano anche altre pietanze come le frittate
e i cavoli ripieni (cori pin).
Per quanto riguarda le paste asciutte – consumate solitamente soltanto la
domenica – si preparavano soprattutto gnocchi, lasagne e tagliatelle realizzate
utilizzando, a seconda della disponibilità, farina di frumento o di castagna.
Nelle famiglie più povere o in anni particolarmente sfortunati, infatti, la farina
di castagna era impiegata sia per la panificazione, sia per le polente, sia per la
pasta fatta in casa3. Un altro primo piatto, che ricorre però soltanto nella cucina
di S. Stefano, sono i corzetti (crusètti). Si tratta di ritagli tondi di sfoglia che si
condiscono con sugo di fungo e su cui si imprimono dei decori con appositi
stampini in legno alcuni dei quali recano delle iniziali che, per tradizione, sono
quelle del capofamiglia (marchi di proprietà).
174
L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto
Ubicazione del territorio della Val d’Aveto
La pasta col ripieno (come i ravioli) compariva sulle tavole dei contadini
solo nelle occasioni importanti.
La polenta veniva consumata abbondantemente in tutte le stagioni dell’anno ed era solitamente mangiata col sarà ssu, una sorta di ricotta stagionata.
Venivano consumate molte focacce e focaccette salate, anche con ripieno di
verdure come cavoli, bietole, zucca e, soprattutto, patate. Queste ultime venivano bollite, schiacciate e utilizzate per la realizzazione di vari tipi di torte. Di
seguito descrivo due diverse preparazioni di questa torta di patate, rispettivamente come, ancora, si cucina a La Villa e a S. Stefano. La prima è la ricetta della
cosiddetta baciócca. Si affettano alcune patate, si salano e si lasciano riposare il
tempo che si impiega a preparare la pasta per la sfoglia (crùsta de pan) per realizzare la quale si devono impastare olio, strutto, farina, acqua e sale. Poi si scola
via l’acqua che, nel frattempo, a contatto col sale, le patate hanno prodotto.
Queste si uniscono ad un soffritto di olio, cipolla, burro e un cucchiaio di strutto.
Si aggiungono, inoltre, una manciata di farina bianca, del formaggio grana grattugiato e una o due uova. Poi si fodera un tegame con la sfoglia, si riempie col
ripieno di patate e soffritto e si mette a cuocere in forno. A S. Stefano, invece,
175
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Stampi in legno per corzétti. Con il lato inferiore si ritaglia la pasta che poi viene pressata nello
stampo per incidervi la decorazione (foto Sara Medica)
questo piatto (che però non viene chiamato baciócca) si prepara in modo diverso:
le patate sono passate al setaccio e non si utilizza la sfoglia. Si fa un soffritto –
che un tempo si preparava utilizzando lo strutto – cui si uniscono le patate lesse
e schiacciate e del parmigiano grattugiato. Si mette poi l’impasto in un tegame
rigando la superficie della torta con i rebbi di una forchetta e si inforna.
Il pane veniva fatto in casa circa una volta la settimana. Ad esso si potevano
accompagnare i salumi di maiale o i formaggi. Per preparare il pane, all’acqua
tiepida e alla farina si univa una piccola parte della pasta di pane, ancora cruda
e appositamente conservata, che era stata prelevata dall’impasto preparato la
volta precedente (levà u) poiché sviluppava lieviti naturali. Dopo aver preparato i
pani (mìcche) questi venivano messi a lievitare a lungo sotto un panno umido.
Fino all’incirca agli Anni Trenta per cuocere i cibi si utilizzava un fornello in pietra o in terra battuta posto sul pavimento in un angolo del sottotetto. Le pentole
venivano sospese sopra al fuoco appendendole ad una catena. Per la cottura del
pane si procedeva in questo modo: quando il focolare era ben caldo si spostava
la brace e si adagiavano le pagnotte su foglie di castagno che cocevano in breve
tempo coperte da una sorta di coperchio in metallo, il tèsto, su cui veniva posta
della brace. Per la cottura nei più moderni forni a riverbero, invece, si usava
legno di carpino e di ginepro. Quest’ultimo, in particolare, dava una speciale
profumazione al pane. Prima di metterlo a cuocere il piano del forno veniva
176
L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto
pulito con una specie di scopino fatto di rametti di elleboro, poi vi si spargeva
una manciata di farina di granoturco. Nella zona di Amborzasco si racconta che
quando i francesi arrivarono nella Valle non mangiarono volentieri il pane fatto
con la farina di castagne che chiamavano dispregiativamente “ pan di brocco” .
Le castagne, comunque, venivano consumate anche arrostite (soprattutto
durante le veglie), crude o bollite e poi spellate e messe nel latte come la polenta. Infine, sempre con le castagne, si preparavano i balètti facendole bollire col
sale senza togliere la buccia esterna.
La carne era riservata alle feste importanti e si mangiava soltanto a Natale, a
Pasqua e quando ricorreva il Santo Patrono del paese. A Natale, solitamente, si
cuoceva il tacchino, la gallina o il gallo bollito. Recita, infatti, una filastrocca:
A Natale se mangia u bibìn
cun-i bescö ti puccià i in tu vìn
e in a galìn-a
pe cuntentà u Bambìn cu l’e in ta chìn-a
A Natale si mangia il tacchino
coi biscotti intinti nel vino
e una gallina
per accontentare il Bambino che è nella culla.
In alcune località l’arrosto di maiale veniva mangiato assieme alla polenta.
Per quanto riguarda i prodotti derivati dalla macellazione di questo animale si
producevano coppa, salame, pancetta, salsicce e sanguinacci.
« Appena sgozzato si raccoglieva il sangue per fare i sanguinacci […]. Poi veniva
appeso a testa in giù e si faceva colare via tutto il sangue. Con acqua bollente e un coltello affilato si raschiavano via le setole e si toglievano le interiora […]» racconta un
anziano di Amborzasco e aggiunge: «il maiale si uccideva tra S. Antonio (17 gennaio) e la metà di febbraio […] se no la carne prendeva un altro giro e non si conservava più bene. Dopo Natale era il periodo giusto […] anche perché durante l’inverno il
contadino aveva più tempo per dedicarsi a questo lavoro […]». Con la sugna
(sciùn-´sa), bollita e filtrata, si faceva lo strutto.
Passando ai dolci, ve ne erano alcuni molto semplici, che si consumavano
più spesso, ed altri, invece, riservati alle occasioni più importanti. Il pandolce
ad esempio (anch’esso come il pane fatto lievitare utilizzando il levà u) era il dolce tipico del Natale. Più frequentemente, invece, si preparavano torte dolci
(figà sse), frittelle e dei biscottini fatti in casa detti “ dùsci de cà ” . Una volta la settimana si faceva, soprattutto per i bambini che la gradivano particolarmente, la
puta di castagne4, una sorta di budino preparato con acqua, sale e farina di
castagne. Sopra si ponevano alcune cucchiaiate di panna. Sempre con la farina
di castagne si realizzava una specie di torta cotta nel forno (molto simile al
177
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
castagnaccio) detta patùn-a ed anche la panélla, una variante del castagnaccio
cui si aggiungevano delle noci e sulla quale si poteva spalmare della ricotta
morbida mescolata con lo zucchero. Mischiando farina di castagne, lievito e
zucchero si otteneva invece la mèscià , un pane dolce. Nella zona di S. Stefano si
fa anche un budino molto semplice col latte e le uova detto bunèttu e frittelle
(frétule) ottenute mescolando uova, farina, zucchero e lievito che, dopo la cottura, si cospargono di zucchero semolato.
Ma il prodotto più rappresentativo della Valle è, senza dubbio, il formaggio detto San Stè. Ecco qual’era la sua preparazione tradizionale.
Il latte appena munto veniva filtrato e raccolto in appositi contenitori di terracotta smaltata detti cuncarèlli (La Villa) o cuppuìn (Costapelata). La mattina
seguente veniva lavorato, solitamente dalle donne più anziane. Nei tempi passati, non esistendo alcun sistema di raccolta e conservazione del latte, esso era
interamente trasformato. Innanzitutto veniva scremato e con la crema
(a s-ciùmma) si faceva il burro (bitìru) con lo sbattilatte detto birlarö (bitirà
nell’Alta Val d’Aveto). Il burro veniva estratto, sciacquato sotto l’acqua corrente
e messo in una forma. Era poi conservato sotto sale in un luogo fresco. Subito
dopo ci si apprestava a fare il formaggio – chiamato dai locali non San Stè ma
semplicemente furmagìn-a o furmà giu5 – che, ancora oggi, alcune famiglie producono per il proprio autoconsumo. Ritengo importante illustrare le interessanti
modalità di scambio del latte che, nei tempi passati, permettevano la produzione
del formaggio e che costituivano una pratica rilevante anche a livello sociale.
Poiché una famiglia non disponeva della quantità di latte necessaria alla produ-
Pascoli presso S. Stefano D’Aveto (foto Sara Medica)
178
L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto
zione di una forma di formaggio (occorrevano circa 150 litri) e poiché non esistevano frigoriferi per poterlo conservare da un giorno all’altro si procedeva al
“ cambio del latte” (cà ngiu). In ogni paese piccoli gruppi di famiglie (di solito cinque-otto famiglie) raggruppavano il loro latte che, a turno, veniva lavorato da
una sola famiglia6. Chi faceva il formaggio ne era poi proprietario7. Come è scritto nel Bollettino del Comizio Agrario di Chiavari questo «sistema di latterie sociali
esiste da secoli […]» ed è «[…] una gran bella istituzione per la nostra proprietà tanto
divisa e suddivisa: istituzione che permette anche ai possessori di uno, o di pochi capi di
bestiame, di goderne i benefici, col poter fare, a dati intervalli, grosse forme di cacio, ricevendo in una sola volta tanto latte, quanto ne hanno dato in molte al vicino»8.
Per ovvie ragioni non tutte le famiglie consegnavano la stessa quantità di
latte. Così , per tenere il conto dei debiti e dei crediti, si immergeva un piccolo
bastone nel contenitore portato da ogni famiglia e lo si incideva all’altezza in
cui arrivava il latte. Questi segni indicavano i rùtti o mesùe. Il latte, infatti, veniva messo in recipienti chiamati mesùre (misure) che contenevano circa 5 litri o,
in particolare nel paese di Alpicella, in appositi boccali di rame della capacità di
circa 2 litri, detti bucà . Se la misura non era piena allora si procedeva a segnare
il “ rotto” sul bastoncino. Spiegano due anziane di La Villa: «Ogni famiglia aveva
il suo segno di riconoscimento sul legnetto per capire qual’era il suo e non c’entrava il
tipo di legno perché era quel particolare segno che serviva a capire di chi era. Qualcuno
li usa ancora. Il bastoncino non doveva essere di frassino però, perché se no il latte
diventa blu. Di solito si usava castagno, nocciolo, salice. Il frassino rilascia una sostanza come il blu di metilene che, infatti, lo usavamo come disinfettante per i polli, i conigli
e le mucche quando hanno la diarrea. A Gavadi lo scambio si faceva in cinque-sei famiglie e si usava un legno più grande che poteva essere utilizzato più volte. Qui a La
Villa, invece, il legnetto era più piccolo e ogni volta si buttava via. Non in tutti paesi si
usava lo stesso metodo. Ad Alpicella per esempio mi sembra che per misurare il latte
usassero dei recipienti detti brocchètte […]».
Un abitante di Ascona, invece, precisa: «In paese c’erano tre gruppi di famiglie
che si riunivano per fare il formaggio. Qui la misura era detta schéla e conteneva sui 3
litri […]». La schéla era già graduata al suo interno. Intervistando alcuni abitanti
di Costapelata mi è stato riferito che «una famiglia faceva il formaggio solo quando
aveva “ pagato” tutte le altre del gruppo, quando aveva estinto tutti i debiti delle consegne del latte […]».
La qualità del latte dipendeva dall’alimentazione delle bovine (un tempo
quasi tutte di razza Cabannina)9. Mi è stato, infatti, riferito che: «più il pascolo in
alto più l’erba era migliore, più fine e quindi anche il formaggio! Il più pregiato era
quello di Villa Neri […]». Inoltre: «a giugno e settembre quando l’erba è fresca e in fiore il latte è più buono e più grasso […] l’erba migliore è quella dove ci batte il sole alla
mattina, dove asciuga subito la rugiada […]».
Una volta quando c’erano più mucche, e quindi più latte, il formaggio era
prodotto durante tutto l’anno. Poi si è iniziato a farlo solo in primavera e in
179
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
autunno fino ad arrivare ad oggi in cui la produzione familiare è limitata alla
sola stagione autunnale. Il latte munto all’alpeggio nei mesi estivi veniva portato
nei paesi, per essere lavorato, a dorso di mulo o con la teleferica. Precedentemente scremato per fare il burro viene posto in un grande calderone di
Torchio per la pressatura delle forme di San Stè (foto Sara Medica)
180
L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto
rame (ramà o parö ) e si scalda10 fino alla temperatura, misurata con la mano, di
30-35 gradi centigradi. In questi grossi pentoloni si mettevano circa 100-120 litri
di latte. Oggi, solitamente, non si superano gli 80 litri11. Poi si aggiunge il caglio
(presu). Il paiolo veniva coperto o con un coperchio di legno o appoggiandovi
sopra il bastone per rompere la cagliata mettendovi poi sopra un telo. Per rapprendere il latte impiega, a seconda delle volte, dai quaranta minuti alle due ore.
Oggi il caglio si compra ma un tempo, dopo la macellazione, si prelevava un
ventricolo di agnello da latte, di vitello o di capretto12 il quale conteneva fermenti lattici rappresi. Questi erano lasciati a bagno in acqua e sale. Poi con questi si riempiva il ventricolo che veniva appeso vicino al focolare affinché si seccasse. Dopo alcuni mesi diventava “ duro come una pietra” . Allora era pronto per
essere usato. Se ne prelevava un pezzetto, si pestava per ridurlo in polvere e si
scioglieva in un po’ d’acqua o latte scremato. Ne bastava una presina per far
cagliare circa 10 litri di latte. Quando il latte è rappreso si rompe la cagliata con
un bastone di legno mondato quadriforcuto (detto mès-ciura) due volte a distanza di circa un quarto d’ora per far ben dividere il siero dai grumi di formaggio
che vengono estratti dal recipiente usando una schiumarola (cazzasbö sa) o una
pezza di stoffa detta péssa o pécce (Villa Neri) e si mette in uno stampo di legno,
la fiscella (friscèlla)13. Questa è posta sopra alla bà sura, un attrezzo di legno per
lo scolo del siero14 (che viene raccolto in un secchio). A questo punto si preme
con forza con le mani. Quest’operazione richiede grande fatica: per questo nella
Valle si usa dire che quando una donna ha fatto il formaggio ha già lavorato
abbastanza! Quando si eseguono queste operazioni è bene che le mani siano
Pentolone in rame (ramà) contenente il latte messo a riscaldare. Appoggiata su di essso si può
vedere la mès-ciùra, l’apposito strumento per rompere la cagliata (foto Sara Medica)
181
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
fresche. La pasta del formaggio (tùmma) viene pressata nella forma, girata dall’altro lato e nuovamente rotta più volte. Infine la forma così ottenuta si bucherella in modo da far fuoriuscire il liquido eventualmente rimasto «se no il formaggio si gonfia e diventa acido […]». La forma viene poi messa sotto un torchio
(tòrciu) per due giorni con un grossa pietra sopra per espellere anche l’ultima
quantità di siero. Per circa una settimana viene messo “ a fare la pelle“ e si sala a
secco15. L’ottavo giorno viene lavato e posto a stagionare nella dispensa (canevìn
o canuìn, presente in tutte le case)16 sopra una tavola di legno e ogni mattina la
forma viene rivoltata e unta d’olio caldo. La stagionatura dura all’incirca duecinque mesi anche se questo formaggio può essere consumato anche dopo anni.
Le forme pesavano circa otto-dieci Kg ed occorrono circa 10 litri di latte per
ottenerne uno di formaggio. Il siero (serùn o scö ggia) che rimane dopo la caseificazione viene utilizzato per fare la ricotta che si appende a scolare in una pezza
di stoffa ed è poi salata allo scopo di meglio conservarla. Questa può essere
consumata fresca o messa a stagionare (per circa quindici giorni)17 ottenendo
così un formaggio detto sarà ssu. Il secondo siero era impiegato nell’alimentazione dei maiali.
La maggior parte del formaggio (nella zona dell’attuale comune di Santo
Stefano) era prodotto a Gavadi, Alpicella, Villaneri e Casafredda. Qui i vitelli
non venivano ingrassati per il macello e il bestiame si sfruttava, quanto più si
poteva, per la produzione del latte. In altre zone, come ad esempio, quella di
Amborzasco e Casoni, invece, si privilegiava l’ingrasso e si faceva molto meno
formaggio18. Inoltre vi si allevavano anche più ovini e caprini che non necessitavano di pascoli molto estesi (e nemmeno della stessa quantità e qualità di
foraggio) per essere mantenuti durante l’inverno. In questi paesi, infatti, per
fare il formaggio si utilizzava non solo latte di mucca ma anche di capra.
Quest’ultimo, inoltre, era spesso usato anche per alimentare i bambini piccoli.
A fine Ottocento il Comizio Agrario di Chiavari manifestò un certo interesse per il miglioramento dell’industria casearia avetana inviando nel comune
«il giovane Pasquali Lazzaro licenziato dalla R. scuola di Zootecnica e Caseificio di
Reggio di Emilia […] munito di particolari istruzioni, onde, presi gli opportuni accordi con quell’amministrazione comunale, ponesse mano alla fabbricazione di què tipi di
formaggi che fossero stati ritenuti più convenienti alle condizioni agrarie ed economiche di quelle località , e consentiti dallo stato delle latterie ivi esistenti». Era prevista
anche la produzione di formaggi quali il gorgonzola e lo stracchino che furono
considerati più vantaggiosi e redditizi del San Stè poiché, con la stessa quantità di latte e allo stesso prezzo, se ne poteva produrre di più. Il Sindaco di
Santo Stefano scrisse al Comizio Agrario dichiarandosi soddisfatto dei risultati
ottenuti sotto la guida del nuovo casaro che, tuttavia, aveva verificato come «le
latterie […] in cui è più pronunziata la fabbricazione del formaggio […] poste nella
parrocchia di Rezoaglio, cioè ad Esola e a Cerisola, in quella di Alpicella, Costa Pelata,
Amborzasco e Gavadi […]» fossero in condizioni «assai meschine e per locali e per
utensili, e poco dissimili le une dalle altre19». Sempre nelle pagine del suddetto
Bollettino è scritto che: «nel comune di Santo Stefano d’Aveto i caseifatti sono l’unico
182
L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto
prodotto della pastorizia, e di squisita qualità ne sono i formaggi premiati nelle esposizioni universali di Parigi (1867) e di Filadelfia (1876)20».
La riduzione del numero di capi bovini che si verificò nella Valle (soprattutto
dopo la metà del secolo scorso) fu dovuta non solo allo spopolamento e alle difficoltà nel trovare un mercato per i prodotti locali ma anche ai problemi di adeguamento alle nuove regole igienico-sanitarie imposte nei primi anni Novanta
(L. 169). Oggi l’allevamento si effettua con regime stallino e stabulazione fissa in
inverno e pascolo nella buona stagione. Il latte ritirato da alcune cooperative viene, purtroppo, pagato poco e molto in ritardo e ciò costituisce un ulteriore problema per la popolazione avetana. Per quanto riguarda la produzione del formaggio molte sarebbero le aziende e le famiglie che desidererebbero ottenere
l’autorizzazione per commercializzarlo ma i requisiti igienico-sanitari – soprattutto quelli relativi all’altezza minima dei locali – penalizzano fortemente questa
attività (che potrebbe rivelarsi preziosa per il risollevamento e il rilancio dell’economia della Valle) tanto che, attualmente, solo pochissimi allevatori hanno potuto ottenere questo permesso e l’unica azienda locale di trasformazione davvero
funzionante è il caseificio “ Val d’Aveto” che nel 1992 ha registrato i marchi
“ Sarazzu” e “ San Ste” 21. Per tali motivi sono auspicabili opportune deroghe a
queste normative che possano costituire un adeguamento alle esigenze e caratteristiche delle piccole aziende di montagna consentendo un maggiore sviluppo di
quelle produzioni locali22 che meriterebbero di essere valorizzate.
N O T E
Cfr. Archivio di Stato di Genova, Prefettura francese, n. 1356.
Idem.
3
Alcune famiglie nella zona dell’Alto Aveto, dove i castagneti sono più rari, andavano a
rifornirsi di questi frutti nelle vicine Valli come, ad esempio, la Val Malvaro o la Val
Trebbia o acquistandovi una parte di bosco o recandovisi ad aiutare a raccogliere le
castagne e avendone in cambio una certa quantità.
Per quanto riguarda l’attuale produzione di castagne gran parte dei castagneti, anche
per la comparsa di una malattia detta cancro del castagno, sono stati convertiti a bosco
ceduo con un diffuso abbandono di questa secolare coltura.
4
La puta in alcune zone si poteva anche preparare usando la farina di mais.
5
Come scrive il Fontana già anticamente a Chiavari era detto “ formaggio di Santo
Stefano” mentre nei centri più lontani come Genova, ad esempio, era chiamato “ formaggio di Chiavari” (cfr. G. FONTANA, Rezzoaglio e Val d’Aveto (cenni storici ed episodi), Rapallo,
1940, pp. 102-103).
6
C’è chi riusciva, soltanto assaggiandolo, a capire dove e a volte anche da quale famiglia
era stato prodotto il formaggio.
7
La pratica del cambio viene definita “ antichissima” nel Bollettino del Comizio Agrario
di Chiavari (cfr. vol. I, Anno Quarto, p. 77).
8
Cfr. vol. II, Anno Primo, p. 12.
9
Si tratta di una razza autoctona. Questo bovino, agile e di non grandi dimensioni (perciò molto adatto alla morfologia dei pascoli della zona) è oggi presente nella Valle in un
numero piuttosto ridotto di esemplari.
1
2
183
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
10
Un tempo questo calderone veniva posto sul runfò, una stufa costruita con pietra locale
e terre refrattarie.
11
Il latte che avanzava e non stava nel calderone si metteva in altri recipienti detti cuppuìn.
12
A seconda se i formaggi erano prodotti con latte di mucca, pecora o capra si utilizzava
il caglio ottenuto dalle interiora dei rispettivi animali.
13
Solitamente questi stampi erano realizzati con legno di maggiociondolo.
14
Solitamente la bà sura era realizzata utilizzando legno di castagno.
15
Alcuni aggiungono un po’ di sale già durante la fase di pressatura della tùmma nella
fiscella.
16
Di solito si trovava incorporato alla casa ma vi erano anche alcuni che avevano un
“ casottino” separato che veniva appositamente costruito per essere adibito a dispensa.
17
Il sarà ssu dopo un lungo periodo di stagionatura poteva essere grattugiato come il
Parmigiano.
18
Questo tipo di scelta si spiega col fatto che in quella zona vi è sempre stata scarsità di
pascoli poiché molto boscosa.
19
Cfr. vol. III, Anno Ottavo, pp. 182-186.
20
Cfr. vol.II, Anno Primo, p. 54.
21
Anche per quanto riguarda l’allevamento da carne esso non è molto sviluppato sia
perché non fa parte delle tradizioni produttive della zona sia per le difficoltà di adeguamento alle norme sulla macellazione.
22
Una di queste è senza dubbio la patata quarantina.
184
Quand on ne mangeait pas toujours
des deux mains
Souvenirs et témoignages recueillis
dans la commune de Verrayes
Lidia Philippot
Manger des deux mains, c’est une expression qui n’a plus tellement de sens à
l’heure actuelle mais qui est encore souvent employée par les personnes âgées
quand on leur demande d’évoquer leur
enfance. Elle est utilisée dans des contextes de ce genre :
fran la fan, na, n’èn po pâ tì, ma n’èn
po tedzor medzé avoué doe man…
Ce qui signifie qu’ils n’ont pas vraiment
souffert la faim mais que leur nourriture
était rationnée et souvent très pauvre.
Autrefois, à la campagne, il arrivait souvent de manger sur le pouce, le pain
dans une main et ce qui allait avec, lo avoué, c’est-à-dire du fromage, du saucisson, du lard, dans l’autre mais quand le avoué faisait défaut, on ne mangeait pas
des deux mains et cela était justement perçu comme une grave privation. Ce
sentiment de privation est perceptible aussi dans la manière dont on qualifie
certains aliments comme le pain, les pommes de terre et la polènta quand ils
sont consommés seuls, sans assaisonnement, on dit :
dè pan solet, dè polènta chorda, de cartifle pû e.
D’autre part, manger à bouillardón, c’est-à-dire sans accompagner les mets de
pain, était une méconduite que l’on blâmait chez les adultes et que l’on corrigeait chez les enfants. Le morceau de pain devait être toujours considérablement plus gros que celui de fromage ou de saucisson et il fallait apprendre à
« gouverner » c’est-à-dire à accompagner une grosse bouchée de pain d’une
petite de fromage. Si quelqu’un avalait le fromage et laissait du pain, on se
moquait de lui en lui disant :
Djan Peucca-pà n, lo fromédzo va devà n è lo pan reste èn man !
On apprenait aux enfants le respect pour la nourriture, pour le pain en particulier, peut-être aussi en raison de sa valeur symbolique : on disait que le pain
185
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
était la « peine » de l’homme comprise entre deux signes de croix, la croix que
l’on traçait sur le champ au moment des semailles et celle qu’on faisait sur le
pain avant de l’entamer. De ce fait, il ne fallait jamais le poser à l’envers, cela
aurait signifié qu’on ne l’avait pas gagné honnêtement. On racontait, aussi à
l’intention des enfants, une histoire édifiante, une légende :
Quand Dieu avait créé le blé, il avait nanti chaque tige de
trois beaux épis, un au sommet et deux sur le cô té et il y avait
du pain en abondance pour tous, mais les hommes ne faisaient
pas état de cette richesse et la gaspillait bê tement. Alors Dieu,
courroucé, voulut les punir et détruire les épis mais la Sainte
Vierge était intervenue et avait protégé de sa main l’épi du
sommet. « Celui-là – avait-elle dit – il faut le garder pour les
vieux et les innocents » .
Mais que donnait-on à manger aux enfants ?
Le sevrage des nourrissons était beaucoup plus retardé par rapport à maintenant, les mères allaitaient aussi longtemps qu’elles pouvaient, aussi dans l’espoir, souvent vain espoir, de retarder une autre grossesse. Quand le lait maternel n’était plus suffisant, on passait au lait de vache ou de chèvre et, parfois
même, de brebis mais, à ce moment-là, l’enfant était à même de boire au gobelet ou au bol. Le premier aliment non liquide était la bouillie faite avec du lait et
de la farine de froment tamisée. On en préparait en abondance, et chaque fois
on en prélevait quelques cuillerées en y ajoutant un peu de lait pour la délayer.
Four à pain à Vencorère, l’un des plus hauts villages de Verrayes - 1560 m (archives BREL fonds Bérard)
186
Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains
Pour qu’il se fasse les dents, on lui donnait à grignoter du pain dur ou une
croû te de fromage. Dans l’ènfanteillón (sorte de langage enfantin) on retrouve
une dizaine de termes se référant à des aliments tout à fait ordinaires dans l’alimentation traditionnelle :
quèlén, tcheule, tchouppa, bidjo- badjo, metchón, coquén, pippe, tchatchà n, pepeu, cocò, pequén (lait, bouillie, soupe, fromage, pain blanc, œuf, pommes de terre, châtaignes,
poire, noix, raisin).
De toute manière, dès qu’il avait ses dents, l’enfant mangeait ce que l’on
préparait pour les adultes. « Basta nèn avèi » est la considération faite par bon
nombre de témoins et l’appétit ne faisait pas défaut. À l’époque les enfants
vivaient la plupart du temps au grand air, aidant les parents dans leurs occupations ou jouant dans les ruelles du village et ne se faisaient pas appeler deux
fois pour venir à table ! Si pour une raison quelconque le repas était retardé, il
était formellement interdit dè allà a la brota c’est-à-dire de s’introduire chez les
voisins ou les camarades de jeux et de partager leur nourriture. Si cela se produisait l’enfant était sévèrement réprimandé par les membres de sa famille qui
lui faisaient honte en lui disant : paletta, paletta, paletta ! Il était cependant inconcevable de manger quoi que ce soit en présence d’un enfant sans lui en offrir,
cette règle valait aussi pour les femmes enceintes afin d’éviter qu’elles marquent d’« envies » la créature qu’elles portaient.
Ce n’était pas dit que les enfants à table soient servis en premier, la préséance revenait aux personnes âgées, aux hommes en particulier, qui faisaient les
travaux les plus durs. Même les grandelets n’avaient pas le droit de se servir
seuls de ce qu’il y avait sur la table, ils devaient attendre qu’un adulte le fasse
pour eux. Ce n’est qu’à partir du moment où on était capable de gagner son
pain que l’on pouvait couper son fromage. Si la tranche de fromage coupée
résultait excessivement fine on avait l’habitude de dire au destinataire :
T’o po proi prèyé, ieur nét ! (tu n’as pas assez prié, hier
au soir).
Il n’était pas toléré non plus d’avoir les yeux plus gros que le ventre et de
laisser des restes dans son assiette, aux plus petits on présageait l’arrivée du
rieeu, (le roitelet) qui se serait poser sur la fenêtre et aurait chanté tcheun, tcheun,
reilleu, reilleu pour se moquer de lui ; quand aux plus grands, on les menaçait
de gavà én lan ou rètsón ce qui signifiait ôter une planche à la crèche, donc de
réduire la ration de nourriture.
Savoir quittà arèi lo platé, tout comme recueillir les miettes, couper le fromage
du bon côté, en gratter la croû te au lieu de l’enlever, ne pas garder le couteau
pour soi, mais le replacer dans le plat à fromage pour que d’autres puissent
s’en servir, étaient autant de marques de bonne éducation. Le savoir-vivre des
187
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
paysans n’était pas celui des bourgeois… Et les gros mangeurs aussi n’étaient
pas appréciés, si, en famille, quelqu’un se démontrait particulièrement vorace,
on lui disait :
Teu, y è mioù tè tsardzé què t’èmplì ! (toi, il vaut mieux te
charger que de te remplir)
et à celui dont l’appétit était disproportionné par rapport à son aspect
malingre on disait qu’il avait lo boué dret (le boyau droit) voulant signifier ainsi
qu’il ne tirait pas profit de ce qu’il mangeait.
On prenait normalement trois repas par jour.
Au petit déjeuner, on mangeait la soupe du soir réchauffée, à laquelle on
avait ajouté à l’occurrence un peu de lait ou un peu d’eau et une demi cuillerée
de beurre; cependant, comme les familles étaient nombreuses, la soupe ne suffisait pas pour tous, on la réservaient alors aux hommes et aux enfants et on donnait aux autres du pain noir trempé dans du lait, mais cela seulement dans les
familles les plus aisées.
À midi, on alternait la polenta aux pommes de terre. Ces deux aliments
remplaçaient en fait le pain car ils accompagnaient le reste mais ils avaient
l’avantage, étant cuisinés, de constituer seuye (un repas) et de pouvoir être
consommés chauds. En plus, le pain de seigle que l’on cuisait, une ou deux
fois par an, dans le four du village, devenait au bout d’un mois dur comme du
ciment et avant de pouvoir le manger à table, il fallait le faire ramollir en le
trempant dans l’eau, ainsi perdait-il toute sa saveur et aussi, disait-on, ses substances nutritives. Il y a une histoire à ce propos recueillie à Étroubles, mais
connue aussi à Verrayes :
Un petit berger avait été loué dans un alpage où on avait amené aussi un petit chevreau. On lui a dit : « Si tu seras capable,
quand on descendra, de soulever ce chevreau, on te le
donnera » , mais pendant tout l’été on a nourri l’enfant avec
du pain trempé dans l’eau et quand le moment est venu il n’a
pas eu assez de force pour le soulever. Pendant l’hiver quelqu’un lui a expliqué qu’il fallait boire aussi l’eau où l’on mettait à tremper le pain. L’été suivant, le petit berger a suivi ce
conseil et à la fin de la saison il a été capable de soulever le
chevreau. Ainsi a-t-il pu l’avoir.
On mangeait la polenta avec de la brossa ou du petit-lait, si on avait fait
caillé, autrement avec du fromage maigre, des légumes passés à la poêle et quelquefois comme plat unique (polènta grâ sa), assaisonnée avec du beurre fondu et
de la fontine. Les pommes de terre s’accompagnaient avec du riz, du seras, de
la salade des prés et, de temps à autre, aussi avec les beignets à la menthe. Avec
188
Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains
les haricots verts, les pommes
de terre étaient l’ingrédient
principal de la sô sa, une sorte
de purée de légumes assez
consistante, assaisonnée avec
un peu de lard haché, de beurre et de fromage. En hiver seulement il y avait de la viande,
de mouton ou de vache, que
l’on conservait en saumure et
que l’on consommait comme
pot-au-feu avec des pommes
de terre èn porchón, c’est-à-dire
des pommes de terres épluchées et cuites à l’eau, accompagnées de carottes, chouxraves, poireaux, poires. Le
bouillon alors remplaçait la
soupe du soir, on y trempait Une grange à blé et un petit jardin potager délimité par
du pain noir et un peu de fon- une cllènda l’enclos caractéristique en bois (archives
tine si on en disposait. Ceci,
BREL - fonds Bérard)
naturellement pas tous les
jours. De norme, le soir c’était la soupe, parfois mi-lait, avec une poignée de riz
et un peu de spaghettis brisés, le plus souvent aux légumes : poireaux, lentilles,
courges, fèves, haricots et avec de l’orge pilé (lo peló). Les pâtes et le riz étaient
des denrées que l’on utilisait avec parcimonie parce qu’on ne les produisait pas,
il fallait les acheter. Toujours est-il que les habitants de la Côte et ceux de la
Plaine se moquaient les uns des autres en disant que les lentilles étaient le riz
des Plan-ó et les fèves les pâtes des Quetassón.
Durant la belle saison, à partir de la Saint-Joseph jusqu’à la SaintBarthélémy, on prenait aussi un ou deux casse-croû te (pain et fromage) que
l’on mangeait à la campagne, pendant une halte durant le travail. Un rossegnón
était également prévu pour les jeunes gens qui participaient aux travaux au
clair de lune. Puisqu’il s’agissait souvent de travail bénévole, les jeunes gens
s’attendaient à ce qu’on leur prépare quelque chose de bon, mais ce n’était pas
toujours le cas :
Nous allions faucher à la lune, au village d’Hers, pour deux
personnes â gées. Nous étions 10, 12, et on travaillait jusque
vers onze heures du soir, jusqu’à ce qu’on y voyait bien à la
clarté de la lune. Et entre-temps ces deux vieux nous préparaient quelque chose à manger, un peu de rossegnó n, quoi…
Et voilà , ils nous ont préparé la sôsa, alors nous on s’est dit :
Boya can ! Ils ont un tas de vaches, ils peuvent bien nous
donner autre chose… et alors nous avons chipé la marmite de
189
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
la sôsa et nous l’avons cachée dans le jardin potager, parmi
les plantes de haricots. Les deux vieux ne savaient plus à quoi
s’en tenir : « Mais… on nous a volé la marmite de rossegnó n ! » Alors, que faire ? Ils nous ont donné du pain et du
du fromage et nous bien contents ! Quant à la sôsa, on en
mangeait assez chez nous !
Ce régime alimentaire, somme toute assez varié, n’était pas celui des
familles plus démunies. L’unique ressource de cette communauté, durant la
première moitié du XXesiècle était l’agriculture, la plupart des familles possédaient des propriétés échelonnées à des niveaux différents, ce qui les obligeait à
des transhumances saisonnières fort harassantes mais qui leur permettait de
disposer d’une considérable variété de produits ; malgré cela bon nombre
d’entre elles étaient vraiment à la limite de la survivance. Ce qui faisait la différence entre une indigence chronique et une pauvreté acceptable, c’était la propriété de prés et pâturages suffisant pour nourrir quelques têtes de bovins.
Quelqu’un a dit, à juste titre, que la vache a été la mère nourricière des
Valdôtains. Il est vrai que le lait, et donc le beurre et le fromage, jouaient un rôle
capital dans l’économie vivrière des communautés rurales, et non seulement
pour l’alimentation quotidienne car il s’agissait d’une marchandise prisée que
l’on pouvait aisément vendre dans les bourgs de fond de vallée ou, à la rigueur,
troquer avantageusement contre d’autres denrées dont on avait besoin comme
le sel, le café, le sucre, les pâtes, le riz, la farine de maï s, le pain blanc, etc. Les
familles qui avaient assez de biens pour garder un petit cheptel de 4-5 vaches
n’avaient pas à se priver : elles étaient sû res de pouvoir toujours manger des
deux mains…
En hiver et au printemps, on se souciait de faire dè bontó, c’est-à-dire des
réserves de beurre et fromage pour l’été, quand les vaches seraient parties à l’alpage. Aussitôt qu’on avait une quantité suffisante de beurre, on le fondait avec
beaucoup de soin : on faisait cela à la vielle lune, en évitant la plan-etta dou boc è
di pésón, on réglait le feu et on n’abandonnait jamais la marmite. Il fallait le faire
monter trois fois, naturellement sans qu’il déborde et quand il était cuit à point
(on devait voir le fond de la marmite) on l’écumait et on le laissait un peu refroidir, on le versait ensuite dans le doill que l’on rangeait jalousement à la cave.
C’est peut-être un hasard mais au doill du beurre fondu est lié le plus terrifiant des récits fantastiques du Val d’Aoste, celui de Marion. On retrouve des
variantes de ce récit un peu partout en Vallée d’Aoste, à Verrayes c’est la femme
verte, à Étroubles la Tî ta rossa, dans la Haute Vallée Maria djana. Ce qui est sû r,
c’est qu’il a certainement contribué à détourner les enfants du doill. La version
connue à Verrayes est la suivante :
Une fille qui s’appelait Guitta était allée chercher du beurre
dans la cave et elle y avait trouvé, pendue par les pied au pla190
Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains
fond, une horrible femme verte qui se peignait et faisait tomber ses poux dans le doill du beurre. Elle avait dit à l’enfant
de ne souffler mot à personne de sa présence dans la cave,
autrement elle serait venue la croquer de nuit dans son lit.
Effrayée, la fille s’était sauvée sans rapporter le beurre. Ne
voulant plus retourner à la cave, elle avait été obligée de tout
avouer. Pour la rassurer, le soir, ses parents l’avaient faite
coucher entre eux, dans leur lit.
Au cœ ur de la nuit, pendant que papa et maman dormaient
profondément, Guitta avait entendu la voix de Marion, la
femme verte, qui criait :
« Marió n, Marió n, ou premé étsèló n
Marió n, Marió n ou secó n étsèló n,
Marió n, Marió n ou métèn dè mézó n
Marió n, Marió n tè rodze ! »
Et la femme verte avait dévoré la petite fille sans que ses
parents ne s’en aperç oivent ; au matin, ils n’ont plus retrouvé
qu’un petit tas d’os au pied du lit.
Normalement c’était la doyenne de la maison qui allait chaque jour chercher
le beurre à la cave, une cuillerée ou deux pour assaisonner les repas du jour.
Avec beaucoup de parcimonie.
Contrairement à ce que l’on peut penser, l’hiver n’était pas la saison la
plus dure à passer. Durant cette saison, on avait en effet, peu ou prou, des
réserves, la dzie des vaches qui avaient été à l’alpage, le pain frais, le vin nouveau, l’huile de noix, les pommes de terre et les légumes secs ou conservés
tandis qu’au printemps, et surtout durant les premiers mois de l’été, les
réserves étaient finies et n’y avait pas encore grand-chose à récolter… alors
qu’il fallait tant travailler !
Ceux qui n’avaient qu’une vache ou deux et plusieurs enfants, avaient vraiment de la peine à joindre les deux bouts, pour la nourriture aussi. Voilà à ce
propos le témoignage de A. A. née en 1902 :
« En ce temps-là , une vache avait trois, quatre litres, c’était
déjà beaucoup… puis ils voulaient garder le veau et avec
beaucoup d’enfants… et puis encore faire du fromage et du
beurre, que veux-tu qu’ils puissent faire… Ils en gardaient
plein un petit bol, juste pour les plus petits… les autres… »
Dans les familles plus démunies, on palliait à la pénurie de beurre par l’huile de noix dont la production était encore abondante dans cette zone au cours
des premières décennies du siècle passé, comme le prouve ce passage tiré du
manuscrit du chanoine P.-L. Vescoz, Quelques notes sur la commune et la paroisse
de Verraye, édité en 1995.
191
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Les noyers y acquièrent parfois des proportions remarquables.
Remarquable, entre autres, pour sa forme semi-sphérique
comme pour son ampleur et son élévation était celui de la
famille Navillod, du Moulin, à un trait de fusil au nord de
l’église, isolé au milieu de la prairie. Dans les années de bonne récolte, deux hommes étaient occupés deux jours à abattre
les noix. On choisissait ordinairement pour cet effet de bons
troubadours qu’on se plaisait à entendre chanter des chansons valdô taines.
Précieuse pour son apport en substances nutritives, l’huile de noix servait à
assaisonner non seulement le potage du soir mais aussi les salades et les fricassées de légumes qui accompagnait la polenta de midi. En plus, on pouvait utiliser aussi le résidu de sa fabrication, le troillet :
« … Pour nous, le petit déjeuner… on nous donnait un morceau de troillet avec deux pachó n : ç a c’était notre petit
déjeuner, bien souvent ; parfois des châ taignes grillées, on se
les comptait entre nous les enfants, parce qu’il ne fallait pas
donner aux uns plus qu’aux autres, autrement c’était la dispute… »
Troillet, pachón (poires cuites et séchées au four) et châtaignes grillées
n’étaient pas la règle, ni l’exception d’ailleurs, pour le petit-déjeuner. Le
nombre de ceux qui n’avaient pas de quoi manger des deux mains n’était pas
négligeable.
Les témoins âgés qui racontent leur enfance marquée par les privations et
les renoncements, le font presque toujours avec une sorte de détachement : ils
ont pris du recul, le temps est passé, les choses ont changé et, malgré tout, eux
sont encore là… Cependant à travers les pauses, les silences, les non-dit parfois
un sentiment perce, un mélange de regret et de détresse. Certains le disent :
« Adón qu’on areu medzè de roc, on ae po, ea què y a de tot,
on a pomé voya de gneun » (Alors qu’on aurait mangé des
cailloux, on n’avait rien et maintenant qu’on a de tout,
on n’a plus envie de rien… »
192
Goû ts, odeurs, parfums en mémoire :
un patrimoine immatériel ?
Valentina Zingari
Dans le cadre du programme européen
Interreg III, “ paysages à croquer” , j’étais
chargée d’une étude ethnologique que je
voudrais rapidement présenter pour tracer le contexte de mon intervention à ce
colloque. Cet étude se relie à un chantier
de réflexion qui a réuni autour du “ patrimoine rural” un groupe animé par la
FACIM (Fondation pour l’Action Culturelle Internationale en Montagne) en
Savoie, dans l’objectif de repenser ce
patrimoine au miroir des transformations
de la société contemporaine, et de la
demande d’un tourisme culturel en quête
de terroirs, traditions, “ authenticité” .
Le programme “ Terres des Alpes” , imaginé sur le modèle des “ chemins du
baroque” 1, se veut parcours de découverte de la diversité des territoires (paysages, architectures, savoir-faire et traditions) qui composent la Savoie, et en
particulier la Savoie alpine.
J’étais chargée en 2001 d’un premier volet d’étude ethnologique dans le
cadre de “ Terres des Alpes” , sur la commune de la “ Compote en Bauges” ,
connue pour ses architectures et une forte vitalité de son économie pastorale.
Le deuxième volet du chantier se poursuit en Tarentaise, près de la frontière
avec le Val d’Aoste, où l’adret, nommé versant du soleil, avec ses villages, les
traces des terres cultivées, les riches vergers, les vignes situées en contrebas
des villages vers la vallée, les près de fauches et les alpages qui regardent
l’ubac, versant froid, vert de forêts, où au fil du XXe siècle les stations de ski se
sont développées, a été choisi comme territoire particulièrement intéressant
pour étudier ce qui se transmet, au présent, de l’héritage d’une culture alpine
en profonde mutation. Le vis-à-vis (économique, sociale, symbolique…) entre
ce versant, marqué par l’emprise d’une forte culture agro-sylvo-pastorale
confronté à son déclin et le versant des stations, qui a polarisé l’économie de
la vallée à partir du milieu du XX siècle, est aussi un élément significatif dans
le processus d’interprétation de la société de montagne et ses dynamiques
actuelles.
193
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
J’ai choisi, à l’occasion du colloque qui nous réuni autour de “ l’alimentation
traditionnelle” , trois extraits de me entretiens avec deux femmes et un couple,
qui habitent deux communes du versant de soleil, la commune de Chapelle et
la commune de Valezan, pour essayer de réfléchir avec vous sur la valeur de
ces témoignages en tant que :
– Outils d’analyse et compréhension des savoirs et pratiques présentes dans
les diverses expressions de la culture de ce territoire, (paysages visibles à
interpréter, mémoires vivantes, traditions culinaires, fragments des expériences passées choisies pour se présenter et se transmettre) mais significatifs aussi pour la région alpine dans son ensemble.
– Moyens pour accéder à un système de valeurs, une esthétique, une poétique sous-jacente la “ mise en récit” d’un ensemble de mémoires (olfactives, sensorielles, gustatives). La nostalgie d’un parfum ou un goû t lié à
l’évocation du vécu, est un élément fort pour nous initier au voyage de
connaissance. Je voudrais soulever la question méthodologique de l’intérêt du récit de vie comme trace qui nous guide, au delà du processus
documentaire de collecte d’informations, vers la rencontre avec des
“ formes de vie” (Wittgenstein, 1967).
Il s’agit de conjuguer une réflexion sur les caractères d’un modèle narratif
avec ses traits d’universalité (Ong. 1982 ; Ricœur , 1983), et l’ouverture imaginative qui transforme le passé raconté en vaste répertoire d’expériences, “ passé
imprévisible” , “ expérience vécue du temps” plus que histoire (Clemente, 2000).
« Moi l’ ambiance du village, c’ est les odeurs… c’ est cette odeur d’ iris qui me
poursuit, que j’ aime, cet odeur de vigne… il y avait l’ odeur du pain, l’ ambiance
de ré jouissance… »
Le premier extrait que je vous propose présente un “ parcours patrimonial” à
travers les odeurs d’un village, la village de Montméry, raconté par Germaine
B. qui se souvient du pays de son enfance. Toute une économie et une vie sociale se dégage de son récit. À partir du souvenir ému de son père, “ petit agriculteur” qui était aussi “ fournier” pour son village où venaient cuire leur pain les
gens des communes voisines, à partir du parfum du pain chaud qui envahissait
les rues de Montméry une semaine par mois, nous accédons à un riche tissu
informatif qui dévoile les caractère de ce métier, l’organisation et le calcul précis de la farine, le bois, le levain, et à partir de là nous informe sur les familles
de Montméry et d’autres villages qui venait cuire dans ce four, les métiers présents sur le versant, les cultures (la vigne, la pomme, le lait et le fromage, le bois,
les fleurs…) pour arriver enfin à parler aussi des métiers “ importés” , comme la
couturière de Paris installé dans les années 60 : les éléments du récit permettent
de retracer toute une économie, une structure sociale et juridique, une sociabilité
villageoise, autour du four (Maget, 1989). C’est aussi une poétique des espaces
194
Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ?
du village, articulée autour du trio père-four-village, qui nous communique, à
travers la visibilité d’un faisceau de relations, la densité de l’ambiance du village
de Montméry, “ petite république, où on trouvait tous les corps de métier, à
l’époque…” . La narration devient testament pour celui qui raconte, héritage
pour ceux qui écoutent. Document historique et texte poétique.
B. Et puis le métier de papa, aussi, un système rentier, il le faisait une fois
par mois, il était fournier, aussi, je ne sais pas si ç a vous dit quelque chose. Il s’occupait du four du village, du four à pain, c’était transmis de
père en fils, avant, je ne sais pas mais… le grand-père il faisait déjà ç a, et
quand il a plus pu faire, il a donné à son fils, qui était là , un de premiers
fils, qui faisait l’affaire… donc il s’occupait du four, il chauffait le four, il
le nettoyait, il savait quand c’était chaud, et c’est lui qui enfournait le
pain des gens qui venaient faire leur pain… Ca durait pendant huit
jours, selon les commandes, mais souvent huit jours par mois, à ce
moment là , oui… il faisait cuire 70 pains par fournée, c’est énorme.
V. Pour vous, ç a devait ê tre quelques choses…
B. C’était quelque chose, d’autant plus que, les dernières années où ç a a marché, « il est temps que tu apprennes, c’est toi qui fais le pain… » , donc, j’ai
encore fabriqué le pâ ton, voilà , j’ai fait le pain. [… ] C’était… les gens
venaient voir papa, premièrement, le jour où ils savaient, c’était assez régulier, donc ils venaient le jour où il savaient qu’il commenç ait à nettoyer le
pétrin, donc ils disaient, « j’ai tant de kilos de farine » . Donc, d’après les
kilos de farine, ils savaient, c’est lui qui préparait le levain, combien il fallait qu’il prépare du levain, il faisait cinq jours avant, je crois, son pâ ton, il
le laissait faire monter, dans une caisse en bois, je la vois bien, une caisse en
bois avec un couvert, les gens venaient, ils savaient combien il fallait de
levain pour la farine, et selon qu’ils avaient donné de levain, les gens lui
devaient tant, en pain, donc… tant de grammes de levain, ç a faisait tant
kilos de pain, je ne sais pas… [… ] Je ne sais pas si on peut parler de boulanger, mais c’était le fournier, quoi, il savait faire le pain et surtout le faire
cuire, il fallait pas qu’il y ait des mécontents, pas que le pain brû le… c’était
du travail, pendant six jours, c’était jour et nuit, le four ne s’arrê tait pas,
une fois la fournée cuite, sortie, il chauffait pour la fournée d’après. Les
gens dans l’autre pièce à cô té, là il y avait le fournil, avec un grand chaudron en cuivre, très haut, pour faire chauffer l’eau, on met de l’eau chaude
dans la farine, pour faire lever le pain, dans la pièce à cô té, ç a faisait plus
frais, c’est là qu’il y avait plusieurs… sept pétrins, plus grands que la table,
les gens venaient brasser leur farine pour faire leur pain, voilà …
V. Ca doit vous faire des souvenirs, de votre papa…
B. Oui, le papa et puis l’ambiance du village, par ce qu’on sentait les odeurs,
moi l’ambiance du village, c’est les odeurs, quand je fais… d’abord c’est
195
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
rare si j’y vais pas une ou deux fois par an à Montméry, histoire de m’y
promener, parce que maintenant il n’y a plus que mon frère célibataire
qu’y habite, on a pas l’occasion d’y aller souvent, mais c’est les odeurs, les
odeurs que… l’odeur du miel, l’odeur des iris qu’on avait, tout le long,
dans les jardins, sur tous les murs il y avait des quantités d’iris, c’est cette
odeur d’iris qui me poursuit, que j’aime, cette odeur de vigne, il y avait
des tas de treilles, sur tous les murs, il y avait des treilles de vigne… il y a
des vignes en bas, mais dans les villages, c’est rare la maison qui n’avait
pas de treilles, devant les maisons. Alors quand la vigne fleurit, au mois de
mars, ç a fait une odeur… voilà , tout ces odeurs, cette odeur de cidre, à
l’automne, quand on fait le cidre, la pomme, beaucoup de pommes, on mettait ç a pas en bouteille, en tonneau, et l’odeur du pain, l’odeur du pain, il
y avait l’odeur du pain, l’ambiance de réjouissance, on savait que quand
on allait là -haut, on rencontrait quelqu’un, parce qu’il y avait toujours
quelqu’un des villages des alentours, il n’y avait pas que les gens de ce village, il y en avait plein qui allaient là -bas faire du pain. Oui, d’ici, les gens
de Chapelles, aussi… [… ] Montméry, c’était Montméry surtout, la maison était restée… le four, la maison, la mieux entretenue, la plus nouvelle,
je ne sais pas, mais il faut dire aussi que Montméry, c’était une petite
république, quand j’étais jeune, à Montméry, on trouvait tous les corps de
métiers, c’était… quand j’y repense, et mê me à l’époque, on s’étonnait, il y
avait tous les corps de métiers, on avait, par exemple, une menuiserie, les
fours, c’était important, les gens de toute la commune, venaient cuire leur
pain, faire leur pain… alors, on entendait la menuiserie, on avait un charron, celui qui faisait les charrettes, je me souviens très bien l’avoir vu
chauffer son four pour mettre autour de la roue, de la charrette, on avait
un forgeron, c’était son fils, lui préférait faire la forge plutô t que le charron, on avait une équipe de maç ons, une couturière, qui était partie de
Paris et s’était installé à Montméry, elle était partie étant jeune à Paris,
et… elle était revenue, comme elle avait travaillé un peu sur Paris, elle
s’était installé, elle prenait mê me des stagiaires. Oui, oui, une couturière.
Une équipe de maç ons, et puis des grosses fermes, des grosses maisons de
fermes… oui, il y a donc les odeurs, du pain, quand le pain chaud sort…
nous on habitait presque au fond du village, on disait, « oh, papa sort le
pain ! » , et on montait parce que, le pain, il avait droit, mê me si c’était pas
lui qui le faisait ce jour là , lui souvent il le faisait en dernier, on avait toute
la semaine droit au pain frais, chaud, mê me, on adorait ç a… puis on avait
les odeurs de fabrique de… lait, parce qu’il y avait aussi une fruitière, on
appelait ç a une fruitière, une fromagerie, donc les gens apportaient leur
lait, et on faisait le beaufort, nous aussi…
« On faisait aussi le pain de seigle. Mais on faisait donc, ce froment qu’ on
appelle d’ automne, qu’ on faisait moudre, où là on avait de la belle farine… »
En s’éloignant du regard de l’espace villageois, à travers les paroles
d’Isabelle P., les souvenirs du pain, des blés, des farines, nous guident sur les
196
Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ?
pas d’une culture céréalière diversifiée, fruit d’une adaptation aux contraintes
climatiques, à la pente, au rythme de saisons. Les farines, farine de seigle et de
“ froment d’automne” , sont en mémoire pour raconter un pays de champs qui
entourait les villages, et où la diversité d’espèces et des pratiques est mobilisée
pour dire la complexité des savoirs et des valeurs à transmettre (les riches descriptions des champs de seigle et froment ne sont pas présentées dans ce texte).
Les blés (au pluriel) cultivés, emmenés au moulin, les “ belles farines” , “ bien
triées” du son qui allait pour l’alimentation des animaux, leurs couleurs, leur
texture et leurs goû ts deviennent souvenirs du pain travaillé, cuit, gardé dans
les greniers et suspendu aux étalages dans les paniers à pain, repères d’époque.
Après le pain, c’est la “ crê cha” , une galette issue de une dernière opération de
récupération de la pâte du pain de seigle mélangée avec de la farine de froment, qui est présentée comme synthèse du “ bon goû t” des farines locales,
“ naturelles” , non traitées, qu’on “ aimait” et qu’on partageait en famille mais
aussi dans les champs et en montagne, où le casse-croû te accompagnait le travail. Entre nature et culture, diversité biologique et savoir-faire, ce pain est synthèse d’une culture et d’un temps. La diversité des espèces céréalières et leur
“ naturalité” la part des hommes et la part des animaux, les déplacements au
moulin et les techniques de raffinement des farines, le rythme de cuisson, (une
fois par mois), l’organisation du travail, le goû t du produit final, les techniques
de conservation, les habitudes de consommation : tout rentre à structurer la
mémoire du pain. Bien plus q’un simple produit…
V. C’était que pour la consommation, les céréales ?
I. Pour les bê tes aussi, comme le seigle du printemps il est beaucoup plus
mince, il faisait pas tellement bien de la belle farine. Alors on faisait
concasser pour l’hiver, on portait au moulin à Aime, on laissait brut,
pour les bê tes. De la farine complète, comme on dit maintenant…
V. Et vous, le pain ?
I. On faisait aussi le pain de seigle. Mais on faisait aussi, donc ce froment qu’on appelle d’automne, qu’on faisait moudre, où là on avait de
la belle farine, blanche, on en avait pour toute l’année pour faire nos
cuisines. [… ] Il y avait le boulanger, le propriétaire était boulanger, il
faisait le pain pour la commun… , alors l’hiver on faisait une fournée,
nous on était nombreux, 11 tous les jours. On était du monde, on faisait la fournée complète. Puis l’hiver le pain se garde mieux, il fait plus
froid, en été il sèche plus, puis l’été on en mange beaucoup plus, on faisait beaucoup de casse-croû tes. Ç a faisait loin pour travailler on rentrait pas à la maison, à la vigne on emportait toujours le casse-croû te,
alors le pain… puis les jeunes le pain ç a va… puis il n’y avait pas les
choses de maintenant, les barres chocolatées. Le pain, un peu de fromage, un peu de chocolat, du pain de seigle… il était très, très bon, le
pain de seigle ! C’est pas comme maintenant, vous allez acheter le pain
197
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
de seigle, il est pas bon, il est amer comme tout… moi je me régalais
avec mon pain… la farine était normale, elle était pas traitée, les blés
n’étaient pas traités, ni avec de l’engrais, il n’y avait rien, puis alors
c’était bien tiré… tout ce son, dans le son, il y avait encore de la farine,
c’était tellement bien trié, dans les minoteries, vous savez, on avait que
de la belle farine de seigle, le reste était pour les bê tes. Le seigle, puis
un peu de froment pour les poules, parce que les poules si elles avaient
pas du froment elles mangeaient pas ! (rires), le seigle était plus amer.
Elles étaient gâ tées, il fallait leurs donner un peu de froment…
A. D’ailleurs le pain, dans le temps on appelait de seigle…
ce goû t…
j’aimais bien
I. Il était un petit peu gris, et il restait bon jusqu’à la fin. On avait, vous
savez les paniers à pain, dans les greniers, en longueur, on avait chacun
dans les greniers tous ces étalages en longueur, des cloisons… vous avez
vu par-là ç a, vous ? Il y en a qui en ont encore dans les greniers.
V. On faisait le pain de temps en temps…
I. Oh, nous on allait bien ç a toutes les trois semaines, un mois, faire
notre pain… l’été on faisait la demi-fournéee, il fallait y aller souvent,
tous les quinze jours, à peu près. On allait faire… il fallait porter son
sac de farine, ce qu’il fallait. Après, en faisant le pain, on pouvait faire
ce qu’on appelait la “ crécha” , c’était de la pâ te, [… ] du pain, quand
on faisait notre pain, il fallait laisser lever, puis après on re-empâ tait,
on disait, c’était plus clair, on re-empâ tait la farine, comme on fait un
peu les bugnes, ou une tarte, puis après on faisait notre pain, puis on
avait nos paniers, le boulanger nous prê tait ses paniers, il y avait un
panier par pain. Alors on mettait, on avait l’habitude, on mettait ç a
par-là puis on laissait encore lever. Un peu, puis on enfournait,
alors… ç a faisait comme un peu une galette… Alors, ç a, ç a faisait
comme du pain, mais alors si on prenait de la pâ te, qui avait été donc
levée, du seigle, on la rempâ tait avec de la farine de froment, alors ç a,
ç a faisait la “ crécha” , ç a fait un peu… pas brioche, c’était pas sucré,
mais alors c’était meilleur que le pain blanc. Et pourtant c’était du
seigle et de la farine de froment, qu’on empâ tait, puis on mettait aussi
dans des paniers, alors là , le boulanger il aplatissait un petit peu… un
petit peu plus plat, nous on en faisait toujours plusieurs, parce que ç a
durait pas longtemps ! [… ] nous c’est de la farine naturelle…
« En montagne on faisait des fois la “pila”, vous savez, avec du lait et de la
farine… c’ est diffé rent en haut, le lait est meilleur en montagne qu’ en bas… »
En dehors des champs et des villages, dans le monde d’“ en haut” , au pays
de l’herbe, du lait et des alpages, un pays situé hors les frontières du finage
198
Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ?
(Zonabend, Jolas, Verdier, Pingaud, 1990) deux univers, proches et en même
temps bien identifiés dans leur différence, se succèdent : les montagnettes,
petits alpages privés exploités pendant la saison intermédiaire avant et à la fin
de l’été, et les grandes montagnes, alpages d’été souvent organisés selon les
déclinaisons variables du fruit commun, forme de gestion collective en “ groupement pastoral” . Nous retrouvons les circuits de mobilité qui caractérisent les
sociétés alpines dans leurs mouvements saisonniers entre espaces différents et
complémentaires, les “ stratégies productives mixtes” bien étudiés par l’anthropologie alpine (Viazzo, 1990), dans une mise en récit poétique.
Comme Isabelle P., de Valezan, le raconte dans l’extrait d’entretien qui suit,
ce sont souvent les femmes et les enfants, grâce aux dérogations qu’on pouvait
obtenir des écoles, qui géraient ces alpages. Le souvenir d’un plat à base de lait
et farine, la “ pila” , est repère pour parler du goû t du lait de montagne, différent
de celui qu’on buvait “ en bas” , dans le village, du parfum des herbes qu’on
retrouvait dans le lait et dans les préparations de “ plats de montagnettes” ,
d’une vie de montagnettes enfin, aux caractères propres. Quels sont les aspects
qu’on peut saisir au fil de ce récit ? La dimension intime des montagnettes, où
la famille se retrouvait à vivre dans un “ entre-soi” en dehors du cadre de la vie
villageoise, les relations qu’y se tissaient entre familles des montagnettes voisines qui pouvaient se retrouver le soir pour des veillées, ce qui ouvrait la
sociabilité à des réseaux autres que ceux déterminés par la résidence au village,
le caractère d’espace distant (la montagne), mais en même temps pas si distant
que les “ grandes montagnes” , intégré dans le tissu d’une vie sociale et religieuse (par le biais des bénédictions, processions et messes qui avaient lieu dans les
chapelles d’alpages) convergent à créer une poétique de l’espace, qu’on ne
retrouve pas dans les récits des “ grandes montagnes” .
I. En montagne on faisait des fois la “ pila” , vous savez, avec du lait et de la
farine, comme avec une sauce blanche, du lait, entier, on mettait du bon
lait, ils appelaient le bon lait, c’était du lait entier, une fois qu’on l’avait
écrémé c’était plus aussi… puis ils mettaient un peu de farine, je ne sais
pas, pour une famille bien deux ou trois cuillerées de farine, au moins,
avec un petit bâ ton, c’était comme celui qui brassait la polenta, ils brassaient bien ç a, avec du sel, et puis ils laissaient cuire, pas faire trop grand
feu, parce qu’autrement ç a coagule, ç a faisait comme une sauce blanche,
mais c’était lait, farine, sel. Quand on faisait la “ pila” les gosses se régalaient, ils mangeaient ç a… il y en avait qui mettaient le pain dedans.
V. C’était un peu le plat…
I. C’était un peu le plat des montagnettes, un peu comme les pommes de
terre au lait… ils faisaient pas cuire les pommes de terre, il fallait mettre
les pommes de terre crues, puis couvrir de lait, on préparait ç a dès le
matin, puis on le laissait tremper, quand on allait rentrer les vaches on
faisait cuire, parce que ç a se gardait aussi, le lait… dans les marmites à la
199
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
montagne… c’est différent en haut, le lait est meilleur en montagne
qu’en bas. Vous faisiez les pommes de terre au lait en montagne, c’était
bien meilleur qu’en bas, c’est l’herbe qui fait ç a. Elle est plus fraî che, c’est
pas le foin…
« Il y avait la messe, pendant qu’ on é tait dans les alpages, et puis aprè s il faisait une tourné e, tout le monde lui donnait une tomme, une plaque de beurre,
pour bé nir la montagnette, les gens, les animaux… »
Dans les fragments du récit du couple J., dans le hameau de Villarivon, les
montagnettes sont racontées comme alpages de famille, les seules “ montagnes” fréquentées par les éleveurs qui donnaient ensuite leurs bêtes en location dans les grands alpages pour la saison d’été, pour se consacrer au foin. La
tomme et le beurre donnés en offrande à la sainte Antoine, les bénédictions et
les veillées d’automne, sont éléments forts qui caractérisent ces espaces, une
montagne largement partagée par les familles, femmes et enfants, appartenant
aux groupes divers qui composaient la société locale ; ce sont aussi des
espaces-lien à travers les changements d’époques, autres par rapport aux
grandes alpages de la spécialisation pastorale et du beaufort qui imposera ses
rythmes de production et de marché à partir du XIX siècle. Ce sont les “ petits
alpages” de la tomme, repères d’une montagne des remues, de polyculture,
des rituels, de sociabilité.
V. Il y avait une bénédiction d’alpages ?
F. Oh là ! Tous les ans ! Oui, quand les gens étaient à la montagnette, au
mois de juin, parce que la grande saison d’alpage démarre le 24 juin, les
grandes montagnes où on les met pour tout l’été. Pour nous, les grandes
montagnes n’existaient pas. [… ] alors jusqu’au 24 juin on avait les bê tes
ici qu’on mettait dans les montagnettes, toutes les familles avaient la
leurs, chacun la sienne et on y allait tous jusqu’à cette date, et alors le
curé faisait la tournée, il faisait une messe à Saint-Antoine, parce qu’il y
a une chapelle dans ces petits alpages qui s’appelle Saint-Antoine, il y
avait la messe, pendant qu’on était dans les alpages, et puis après il faisait une tournée, tout le monde lui donnait une tomme, une plaque de
beurre, pour bénir la montagnette, les gens, les animaux… oui, tous les
chalets, et nous on faisait toujours une offrande, chaque montagnette. Du
beurre, du fromage…
G. Oui, c’est les femmes qui allaient aux montagnettes. En générale, avec les
enfants. Alors on avait toujours une dérogation, on allait à l’école jusqu’au mois de juin, nous. Depuis le 20 mais… c’était tout fini. La plupart, il y en avait qui restaient en bas, l’année du certificat d’étude, ils
restaient en bas, autrement ils allaient tous, ils étaient contents, c’est
bien, comme ç a c’était fini, c’était les vacances. Puis ils aidaient aussi, ils
savaient tenir un bâ ton…
200
Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ?
F. Ils faisaient des veillées, dans les montagnettes. Beaucoup, ç a se faisait à
l’automne, parce qu’on y allait à deux époques, dans les montagnettes, au
printemps, je vous ai dit, de la fin mai jusqu’au 24 juin, et puis alors l’automne, quand les vaches revenaient des grands alpages, à la Saint Michel,
qu’on repassait dans les montagnettes. Pendant quinze jours, trois
semaines, ç a dépendait le temps qu’on passait… à cette époque, c’était aux
mois d’automne, les gens veillaient, comme les jours sont plus courts, ils
allaient d’un chalet à l’autre, à la veillée, les uns chez les autres…
Sur le versant du soleil en Tarentaise, le parfum du pain de seigle, le bon
goû t du lait de montagnettes, lait “ d’herbe fraî che” , la tomme et le beurre donnés au curé en échange d’une bénédiction, sont repères symboliques d’un monde en mémoire. Les récits des ancêtres, biens culturels immatériels et invisibles
qui se concrétisent en bandes magnétiques, archives sonores, transcriptions et
publications, véhiculent et transmettent les sens profond des paysages et des
produits (biens matériels…) dont nous nous efforçons de valoriser la qualité.
N O T E
Vers la fin du XXe siècle, (voir les “ précédents” entre 60 et 80, suite aux ruptures provoquées par les guerres et les bouleversements socio-économiques de l’industrialisation…), à l’occasion des Jeux Olympiques de 1992, le milieu des politiques culturelles
souhaite enraciner l’image de la Savoie dans son histoire propre, “ densifier” cette image,
la décentrer par rapport à un développement industriel et touristique, basé sur la monoculture du ski, les infrastructures routières, les pôles industriels. La création de la
FACIM exprime une volonté politique visant à rendre visibles les traces culturelles
d’une “ Savoie région alpine” et européenne, face au malaise d’une histoire en retrait. Il
s’agit aussi de redonner légitimité aux territoires de vallées et à des patrimoines culturels, entre “ monuments” , “ traditions” et “ esprits de lieux” , en évitant les pièges de la
folklorisation et du passéisme. Trois programmes de valorisation sont lancés l’un après
l’autre, un quatrième vient d’être mis en place. Les “ Chemins du baroque” proposent
aux regards des visiteurs la question du patrimoine religieux, des lieux de culte, d’architectures et d’arts populaire comme traces fortes d’une montagne sacralisée, riche de
repères de son “ patrimoine historique” et “ spirituel” . Les chapelles baroques sont reliées
par des réseaux de visites et des animations artistiques. “ Terres des Alpes” pose la question du patrimoine rural en terme de paysages de qualité, des traditions locales et
savoir-faire, à partir des repères matériels (typologies des maisons paysannes, fours,
fontaines, villages, sites, paysages) valorisés en tant que marques d’une inscription
humaine dans l’espace à travers le temps.
“ Pierres fortes de Savoie” , programme (ouvert à l’Europe par le biais d’INTERREG) de
valorisation des fortifications, oblige à ouvrir les frontières de l’histoire politique et militaire de la Savoie. Il sera point de départ d’un ensemble de travaux entre l’histoire, le
droit, l’anthropologie. Ce programme nourri une réflexion qui vise à repenser la Savoie,
la situer dans l’histoire européenne, s’interroger sur ses populations et ses territoires historiques, réfléchir aux enjeux de mémoire. La question d’une identité de la Savoie est
posée par rapport à la question des frontière culturelles vives et des confins politiques
flous, au grés des changements des politiques régionales, nationales et internationales…
1
201
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
du moyen âge des marchands et des pèlerins en passant par la ligne Maginot des Alpes
jusqu’aux frontières ouverte d’une Europe qui redécouvre les mouvements et les liens
des ses populations à travers l’histoire. Le programme “ Pierres fortes de Savoie” sera
aussi point de départ d’une série des travaux ethnologiques de collecte d’oralité. Le
vécu des populations frontalières, leur mémoires, leurs récits, peuvent devenir “ document” pour une histoire qui ose ouvrir les frontières de sa pensée institutionnelle. La
mémoire du siècle, mise en récit, transmise par des individus, acteurs et témoins, est
interrogée et identifiée comme un lieu “ bon à penser” . La vague de patrimonialisation
touche aussi les Stations de ski, avec le programme “ Archipels d’altitude” , où l’utopie
des architectes et acteurs de cette page de l’histoire alpine est traitée comme fait de
société et marque d’une culture de la modernité innovante.
Outils de développement touristique, ces programmes sont un indicateur intéressant
d’un “ tourisme culturel” qui sort de l’enceinte de la ville pour découvrir, suivant une
logique d’“ itinéraire culturel” des territoires « façonnés » par les activités humaines …
entre milieu naturel, monument et objet d’art … le patrimoine culturel est rural, comme
religieux, militaire, touristique.
B I B L I O G R A P H I E
BERTHIER, Bruno, Recueil d’écrits sur le versant du Soleil, FACIM, 1995.
CLEMENTE, Pietro, Il passato imprevedibile, Primapersona 2, 1999.
CLEMENTE, Pietro, Le gouvernement du temps. Notes sur l’arrivée du millenaire,
Ethnologie française 1, Pliures, coupures, césures du temps, 2000.
CLIFFORD, James, MARCUS, George, Scrivere le culture, Poetiche e politiche in etnografia, ed. Meltemi, Roma, 1997.
COLE, John, WOLF, Eric, La frontiera nascosta. Ecologia e etnicità tra, Trentino e sud
Tirolo, ed. Museo degli Usi e Costumi della gente Trentina, 1993.
Comunità alpine. Ambiente, popolazione e struttura sociale nelle Alpi dal XVI secolo a
oggi, Il Mulino, Bologna, 1990 (2a edizione riveduta e ampliata: Carocci,
Roma, 2001).
MAGET, Marcel, Le pain anniversaire à Villard d’Arène en Oisans, Paris, Éditions
des archives contemporains, 1989.
MAGET, Marcel, Il pane annuale, comunità e rito della panificazione nell’Oisans, ed.
Museo degli Usi e Costumi della gente Trentina, 2004.
MAGET, Marcel, Remarque sur le village comme cadre de recherche anthropologique,
bulletin de psychologie n. 8, Paris, 1985.
ONG, Walter, Oralità e scrittura, le tecnologie della parola, Bologna, 1986.
JOLAS, Tina, PINGAUD, Marie Claude, VERDIER, Yvonne, ZONABEND, Françoise,
Une campagne voisine, éd. de la Maison de Sciences de l’Hommes, Paris, 1990.
RICŒ UR ,Paul, Temps et Récit, éd. du Seuil, Paris, 1983.
VIAZZO, Pier Paolo, Upland Communities. Environment, Population and Social
Structure in the Alps since the Sixteenth Century, Cambridge, Cambridge
University Press, 1989.
WITTEGENSTEIN, Ludwig, Note sul ramo d’oro di Frazer, ed. Adelphi, Milano, 1975.
202
Un bon repas de moine : un regard dans
les cuisines des anciens couvents d’Aoste
Maria Costa
Le 10 septembre de l’année 1504, deux
ecclésiastiques valdôtains, le prévôt
de Saint-Gilles de Verrès, Charles de
Challant, et le curé de la paroisse de
Verrayes, Philibert Rosset, accompagnés
du châtelain de Châtillon et d’un certain
Claude de Croso, noble, arrivent à Aoste
avec leurs suites : ils sont accueillis à la
Collégiale de Saint-Ours, dont le prieur
est à l’époque Georges de Challant, cousin du susdit prévôt de Saint-Gilles, personnage que l’historiographie locale a
confié à la postérité comme grand mécène et amphitryon raffiné. Pour les repas
de la comitive, qui s’arrête trois jours à
Aoste, les registres de comptabilité de la
Collégiale inscrivent, dans les dépenses, l’achat de viande de bœuf et de mouton, de chapons et de perdrix des neiges, de pain, d’épices et de raves.1
Les illustres convives sont d’ailleurs des habitués de la Maison : Claude de
Croso loge souvent à Saint-Ours où une chambre du prieuré lui est réservée ; il
en est de même pour Charles de Challant et sa mère, la comtesse Marguerite de
la Chambre. Preuve en est, par exemple, que, après ces trois jours passés à
Aoste, le prévôt de Saint-Gilles, redescendu à Verrès, remonte à Saint-Ours déjà
deux jours après ; le soir du 14 septembre il prend son dî ner au prieuré : on
achète pour l’occasion du poisson frais, du cresson, des œufs, des anchois ; au
déjeuner du lendemain, on lui sert des perdrix, des grives et de la viande de
veau, le tout bien assaisonné d’épices.2 Quant au curé de Verrès, Philibert
Rosset, qui est souvent de la partie, il semble apprécier particulièrement les
escargots, car on enregistre cet achat dans la comptabilité de la Collégiale lors
de son séjour au prieuré.
Si l’édition, en 1998, des Computa Sancti Ursi, les registres des revenus et des
dépenses rédigés à l’époque de Georges de Challant, a permis de recueillir une
véritable moisson de données sur les composantes des mets figurant sur la table
du prieur et des chanoines,3 on possède beaucoup moins d’informations et, en
tout cas, assez incomplètes, en ce qui concerne les habitudes alimentaires des
203
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
différentes congrégations religieuses installées sur le territoire. On a vu que le
prévôt de Saint-Gilles, Charles de Challant, faisait toujours bonne chère lors de
ses séjours à Saint-Ours, sans doute aussi en considération de sa dignité, ainsi
que de sa parenté avec le prieur de la Collégiale. On a tout de même raison de
croire que les réfectoires des chanoines de Saint-Gilles n’étaient pas des plus
pauvres si, en mars 1360, un certain Petrus, fils de noble Vioninus de Gignio,
passe un contrat de pension viagère par lequel il cède à la prévôté de Verrès une
maison forte à Aoste avec les rentes qui en dérivent, et il en reçoit, en échange, le
logement, des habits et des souliers neufs chaque année et “ un bon repas de
moine par jour” , avec l’assurance en plus de ne pas être obligé à travailler ni à
faire pénitence.4 Si le document de 1360 ne fournit aucune explication au sujet
des contenus du “ bon repas de moine” que Petrus de Gignio s’était assuré par ce
bizarre contrat, le Cartulaire de Saint-Gilles, rédigé en 1784 par le prévôt JeanBoniface Cavagnet, recèle, quoique indirectement, quelques détails supplémentaires. On y fait mention en effet d’un legs institué en 1319 en faveur de la prévôté de Verrès par un certain Jean, de la paroisse d’Arnad : pour l’anniversaire de
son décès, celui-ci dispose, en plus des messes et des oraisons habituelles, que le
prévôt et les chanoines reçoivent un bon repas consistant en trois genres de
viande, du bon pain et du vin pur assaisonné d’épices ; on précise encore que s’il
s’agira d’un mercredi, d’un vendredi ou d’un samedi, jours d’abstinence, les
viandes seront remplacées par des rapioli suffisamment grands, toujours accompagnés par le pain et du bon vin aromatisé.5 Qu’on ne pense pas que les rapioli
dont on parle ici puissent tout simplement correspondre aux ravioli de la cuisine
moderne. Dans les traités de cuisine du bas Moyen Age on trouve, sous le nom
de rapioli, plusieurs recettes dont la composante principale est la pâte de
froment : par exemple, pendant le Carême et l’Avent, on servait aux chanoines
de Saint-Ours des rapioli confectionnés avec de la pâte de froment assaisonnée
d’épices, notamment de safran, et enrichie avec des œufs et du fromage de montagne, que l’on faisait probablement bouillir dans l’eau ou le bouillon ; mais l’on
consommait aussi des mets en pâte que l’on faisait frire dans l’huile pour les servir à la fin du repas, ou pendant le goû ter, enrobés de sucre ou de miel. 6
L’omniprésente pâte de froment était encore utilisée comme enveloppe protectrice pour les pâtés en croute que l’on faisait cuire au four : mélange de poissons
hachés et aromatisés aux épices – clous de girofle, noix muscade, poivre, safran –
dans les pastillia des jours d’abstinence, ou triomphe de viande de veau – mais
parfois aussi de chamois – mélangée aux tripes, aux œufs, au fromage et au
beurre fondu, pour les “ tartes” ou “ tourtes” des menus des jours de fête, notamment des fêtes pascales.7
Le dénominateur commun de cette cuisine est représenté – on le voit – par
un recours, plus ou moins abondant et diversifié, aux épices, que les classes
pauvres devaient se contenter de remplacer avec les herbes aromatiques,
menthe, persil, fenouil sauvage. La fonction des épices n’était pas exclusivement celle de garantir la conservation des aliments, comme on le croit communément aujourd’hui ; genre d’importation, produit de luxe, et donc symbole de distinction sociale, les épices qu’on achète d’habitude chez les apothi204
Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste
caires, entrent dans la composition de la presque totalité des recettes de la
cuisine du Moyen Age : dans les potages et les différentes purées de légumes,
dans les plats de viande ou de poisson, notamment dans les sauces et les
gelées qui les accompagnent, dans les mets préparés avec la pâte de froment
que l’on vient d’évoquer – les rapioli, les pastillia, mais aussi les lasanie aromatisées au gingembre, poivre et safran, et les risoli, espèces de croquettes différemment enrichies de viande, cœur et poumon et généreusement épicées avec
le safran, le poivre, le gingembre et la graine de paradis - nom évocateur de
promesses surnaturelles bien plus que son synonyme cardamome – assiettes
que les chanoines de Saint-Ours goû taient pendant les fêtes de Noël et les
dimanches de l’Avent.8 L’emploi des épices, véritable trait distinctif du goû t
et, à l’occasion, élément indispensable pour la réalisation de chromatismes
raffinés – avec l’or du safran, par exemple, ou la couleur “ poil de chameau”
de la cannelle – n’épargne pas, et pour cause, les “ sucreries” que l’on peut
consommer à la fin d’un repas, à partir des dragées, confectionnées avec les
fruits confits et épicés, enrobés de sucre, aux propriétés digestives, jusqu’aux
vins aromatisés, nectar, claretus, yppocras, dont la préparation est maintes fois
attestée dans les Computa de la Collégiale de Saint-Ours : pour ces boissons,
aux pouvoirs tonifiants et digestifs, que les chanoines consommaient depuis
la fête de Pâques jusqu’au temps de l’Avent, les jours de fête de cette période
liturgique, on employait de préférence du vin blanc auquel on ajoutait du
miel et des épices à volonté : cannelle, gingembre, clous de girofle, poivre,
noix muscade, graine de paradis, coriandre.9
On a raison de croire, même si les documents sont à l’heure actuelle beaucoup moins riches à ce sujet, que les habitudes alimentaires des chanoines de
la Cathédrale d’Aoste ne se différenciaient pas trop de celles de leurs collègues
de la Collégiale. Le Liber reddituum Capituli Auguste, rédigé en 1302 par le chanoine Rodolphe de Fochia, atteste de plusieurs legs et donations que les fidèles
et les chanoines mêmes avaient institué en faveur des réfectoires de la
Cathédrale afin de s’assurer les prières de suffrage pour eux et les défunts de
leur famille.10 En 1224, par exemple, le chanoine Anselme de Perron avait laissé
à ses confrères de la Cathédrale, pour chaque année, 28 sols de Suse, 2 setiers
et une hémine de froment, (le setier équivalait à 90 kilos environ et l’hémine à
22 kilos), 2 setiers de vin pur, 12 deniers pour l’achat du sel et du poivre, ainsi
que le bois pour se réchauffer. Vers la moitié du XIII e siècle, un certain
Richalmus de la noble famille des De Palacio avait fait une donation en faveur
du Chapitre cathédral de la valeur de 2 setiers de froment annuel, 2 setiers de
seigle, 4 setiers de vin et 21 sols pour l’achat de la viande et du poisson.11 Ces
deux derniers aliments, scrupuleusement alternés selon les prescriptions du
calendrier liturgique imposant très souvent des jours d’abstinence, constituaient avec les œufs et les fromages les composantes principales du menu des
religieux : on mangeait, généralement, de la viande de bœuf, de porc ou de
mouton ou encore des chapons et de la volaille, et du poisson salé, harengs et
harengs saurs fumés, sardines, aloses, anchois, truites salées. Les Computa
Sancti Ursi attestent aussi, à l’occasion, la consommation de gibier, chevreuils,
205
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
cerfs, chamois, lièvres, perdrix, ainsi que de poisson frais, que l’on achète des
pêcheurs d’Aoste et de Villefranche, mais qui arrive aussi, exceptionnellement,
du lac Léman : truites, anguilles, blanchailles soit menus poissons blancs, goujons, écrevisses.
L’Extractus cæ rimoniarum de la Cathédrale, précieux manuscrit de 1553
concernant l’organisation du Chapitre, souligne, parmi les charges du chanoine économe et du maî tre de cuisine, le devoir de contrôler la quantité, la qualité et l’état de conservation des aliments à distribuer aux religieux, notamment, en ce qui concerne les viandes, qu’elles soient receptibiles et non viciate
nec corrupte.12
Par un autre manuscrit, datant du XVIIIe siècle, également conservé aux
Archives de la Cathédrale et titré Obligations du serviteur du maî tre-autel, on
apprend que, parmi les charges du panetier, office confié à un prêtre chapelain,
on prévoit le contrôle de la qualité du froment et du vin, qui devra être “ rouge
et de bon goû t” .13 Ce même religieux doit se charger de distribuer aux chanoines de Saint-Ours, pour leur déjeuner, quand ils viennent assister à la grandmesse à la Cathédrale, un petit pain, deux quarterons de vin et de la viande,
remplacée, pour les repas de maigre, par un peu de fromage, du sérac soit fromage frais et maigre, et une omelette. Pour son office il perçoit, entre autres,
tout comme “ les révérends seigneurs chanoines” , un gros pain, un quarteron de
vin et une livre soit 400 grammes environ de viande cuite avec son bouillon,
remplacée, il va sans dire, pour les jours de maigre, par une livre de sérac et du
fromage râpé.14
Le manuscrit de la Cathédrale rend compte aussi des aliments qui revenaient, pour leur service, aux cuisiniers et au serviteur de cuisine, aux marguilliers, au serviteur des messes et à l’administrateur des enfants de chœur.
Quant à ces derniers, que l’on appelait d’ordinaire les Innocents et dont plusieurs auraient embrassé, par la suite, la carrière ecclésiastique, notre manuscrit
ne leur accorde qu’une ligne pour sanctionner qu’ils « auront aux refectoires a
plein et ordinaires, un petit pain et dejeuneront ».15 On n’en connaî trait pas
davantage à ce propos sans le supplément d’informations qu’on a pu tirer de
quelques autres documents conservés aux Archives capitulaires. En 1597, sur
l’instance du chanoine économe, le vicaire général du diocèse, Jean-Pierre
Guichardaz, ouvre une enquête sur l’administration des enfants de chœur de la
Cathédrale, confiée à l’époque à un certain Jean Baudel. Toutes les déclarations
faites par les témoins interrogés dans cette circonstance concordent sur le même
point : le réfectoire des Innocents est tellement dépourvu du nécessaire que les
enfants ne sont pas à même d’accomplir leurs tâches, « dicti pueri male se
habebant – affirme un témoin – et non poterant cantare et deservire in choro
predicte ecclesie ob deffectum necessariorum alimentorum… ».16 Un autre
témoin, une servante, est beaucoup plus explicite sur ce point : les enfants
reçoivent, d’habitude, du pain tellement dur qu’on est obligé de le couper avec
la serpe, « panem valde durum quem non poterant scindere cultro sed oporte206
Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste
bat uti securi… » ; très rarement et toujours en quantité limitée, on leur distribue du pain blanc, accompagné d’un peu de sérac ; de temps en temps « aliquando », ils reçoivent, pour le déjeuner ou le dî ner, du sang en friture ou de
la viande salée avec un peu de raves cuites. La servante ajoute encore que les
portions qu’elle aurait dû distribuer à chaque enfant étaient réduites de moitié
par l’administrateur dont elle devait subir, à ce propos, les coléreuses réprimandes.17 Pour ces garçons qui, depuis leur entrée à la maî trise, vers l’âge de
huit ans, jusqu’à leur sortie, vers dix-sept ans, n’avaient droit qu’à trois habits
et une couverture, menacés par le spectre de l’ “ infirmité de poitrine” – les
requêtes de quitter, pour cette raison, le service d’enfant de chœur, étaient fréquentes – les assiettes raffinées, pâtés en croute, rapioli, lasanie, volailles ou poissons farcis et accompagnés de sauces multicolores, sucreries, devaient représenter un rêve inaccessible.
On quitte la maî trise de la Cathédrale, on redescend vers l’ancienne place
Saint-François – l’actuelle place Chanoux – sans pouvoir toutefois entrer dans
la cuisine du couvent des Cordeliers s’élevant autrefois à cet endroit, faute de
documents d’archives qui puissent fournir le moindre renseignement à cet
égard, et on essaie, par contre, de franchir l’enclos d’un autre monastère,
confinant, du côté sud-est, aux propriétés des Franciscains. Une grande maison située à l’entrée de l’ancienne rue Cité (l’actuelle rue de la Porte
Prétorienne) avait été habitée, à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, et
jusqu’à la fin de l’année 1800, par la Congrégation des chanoinesses de NotreDame de Lorraine, instituée par saint Pierre Fourier. Si les archives du monastère aostois furent complètement dispersées à l’époque de l’occupation française comme celles des autres institutions monastiques de la ville d’Aoste, la
bibliothèque du Grand Séminaire conserve un exemplaire des Constitutions
rédigées par le saint fondateur et réglant, dans les moindres détails, la vie de
ces religieuses. Des dispositions minutieuses et sévères concernent l’organisation des repas, ainsi que la nature et la quantité des aliments distribués. Les
repas des jours exclus du régime d’abstinence prévoient du potage, une portion de quatre onces de viande, si possible de deux qualités différentes, bœuf,
mouton, veau ou porc selon la saison, des fruits ou du fromage ; lors des jours
d’abstinence, la viande est remplacée par des légumes, accompagnés d’un
œuf ou d’un peu de poisson. Pendant les jours de jeû ne le potage est tout simplement suivi par deux œufs ou du poisson, ou bien encore du pain avec des
fruits et, éventuellement, des herbes en salade, cuites ou crues. Chaque religieuse peut recevoir à tous les repas un demi verre de vin, alors que le pain
est distribué sans aucune limitation. Les goû ters ou les petits repas, en plus
du déjeuner et du dî ner, sont sévèrement interdits, sauf pour les religieuses
malades ; les Constitutions statuent enfin qu’aucune religieuse « ne tiendra en
sa cellule, ni sur soy, ni en autre lieu particulier écorce de citron, ni conserve,
ni confiture, ni autre chose quelconque qui serve à la mangeaille » et que « si
quelqu’une se trouve si mal apprise, si sujete à la gourmandise et si perverse
que de manger sans licence hors du lieu ordonné, ou des heures prescrites à
cela, elle en sera grièvement châtiée ».18
207
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Après toute cette rigueur, on veut terminer par une sucrerie : il s’agit
d’une mousse de pommes au lait d’amandes que maî tre Chiquart, le chef de cuisine du duc Amédée VIII de Savoie, conseillait aux personnes malades, mais
qui pourrait faire la joie, aujourd’hui, des gourmands les plus raffinés. La
recette est tirée du traité de gastronomie composé en 1420 par M. Chiquart,
titré Du fait de cuisine, qui a été intégralement édité, en 1985, dans la revue
“ Vallesia” :
« Emplumeus de pomes. Pour donner entendement à
celluy qui le fera sy prennés de bonnes pomes barberines selon la quantité que l’on en vouldra faire et puis
les parés bien et appoint et les taillés en beaulx platz
d’or ou d’argent ; et qu’il hait ung beau pot de terre bon
et nect, et y mecte de belle eaue necte et mecte bouillir…
ses pomes dedans. Et face qu’il ait de bonnes amendres
doulces grant quantité selon la quantité des pomes qu’il
ha mis cuire,19 et les plume, nectoie et lave tresbien et les
arouse du boullon en quoy cuisent lesdictes pomes, et
quant ledictes pomes seront assés cuictes, si les tirés
dehors sur belle et necte postz, et de celle eaue colle ses
amendres et en face lait qui soit bon et espés, et le
remecte boullir… et bien petit de sel. Et entretant que il
bouldra si hache bien menut ses dictes pomes… et
puis… les mecte dedans son lait, et y mecte du succre
grant foison… ; et puis, quant le medicin le demandera,
si le mectés en belles escuelles ou casses [assiettes] d’or
ou d’argent ».20
N O T E S
O. ZANOLLI, Computa Sancti Ursi, II, Quart (Vallée d’Aoste) 1998, p. 662.
Ibidem, pp. 663-664.
3
Cf. à ce sujet, Computa Sancti Ursi, cit., 3 voll., passim et, en particulier, les Notes historiques et explicatives par M. Costa, vol. III, pp. 1397-1420 ; cf. aussi M. COSTA, Sapori e colori
della cucina tardomedioevale nei “ refectoria” della Collegiata di Sant’Orso, in Sant’Orso di
Aosta. Il complesso monumentale, a cura di B. Orlandoni, Aosta, pp. 281-285.
4
Archives de la prévôté de Saint-Gilles, Verrès, cart. VI, doc. 8.
5
E. TOGNAN, A. LIVIERO, Domus Sancti Æ gidii propriis membranis illuminata. Le cartulaire du
monastère Saint-Gilles de Verrès-1784, in “ Archivum Augustanum” I, n.s., Aoste 2001,
pp. 134-135.
6
Computa Sancti Ursi cit., passim.
7
Ibidem, passim et en particulier vol. III, p. 1160.
8
Computa, passim et vol. III, p. 1216.
9
Computa cit., passim et pp. 1171, 1203, 1233.
10
Liber reddituum Capituli Auguste, édition par A. M. Patrone, Turin, 1957.
11
Liber reddituum cit., pp. 125 et 131-132.
1
2
208
Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste
Cf. J. THUMIGER, Trois manuscrits des Archives capitulaires d’Aoste, in “ Bulletin de l’Académie Saint-Anselme” (BASA), VII, n.s., Aoste 2000, pp. 413-416.
13
Ibidem, p. 483.
14
Ibidem, pp. 484-485.
15
Ibidem, p. 488.
16
Nous devons à l’obligeance de Mme Emanuela Lagnier, de nous avoir signalé ces
documents.
17
Archives du Chapitre de la Cathédrale, B69B L2 1.19.
18
P. FOURNIER, Les vraies Constitutions des religieuses de la congrégation de Nostre Dame,
seconde édition, Toul 1694, seconde partie, p. 177.
19
Les amandes jouaient un rôle important dans la cuisine du bas Moyen Age : on
employait, par exemple, le lait d’amandes ou les amandes finement hachées pour donner de la consistance aux sauces ou aux potages.
20
Du fait de cuisine par maistre Chiquart, 1420, édition par T. Scully, in “ Vallesia” XL
(1985), p. 194.
12
209
Tipicità e marketing territoriale
Luigi Gaido
Da qualche tempo, perlomeno nel nostro
paese, si parla spesso di marketing territoriale facendo riferimento al territorio e
alla sua promozione. È perciò lecito chiedersi se ciò corrisponda a reali esigenze,
oppure se si tratti di un fenomeno di
moda come ne esistono nel campo delle
tecniche gestionali, tanto quanto in quelle sociali ed economiche.
Per partire da una definizione, si può
dire che il marketing territoriale è l’applicazione delle tecniche del marketing
al territorio. Fin qui siamo nel campo
della logica e dell’ovvio, per non dire
quasi del banale, tutto cambia quando si
entra poi nel merito. Emergono due ordini di idee: come funziona il marketing, si tratta di una pura azione di promozione e comunicazione per dare
volume all’immagine, oppure altro? In quest’ultimo caso, quale sarà o quali
saranno gli elementi e le leve delle nostre azioni?
Dopo avere posto la questione di come si svolge l’azione del marketing,
quindi anche del marketing territoriale, dobbiamo capire perché sia utile applicarla e su quali basi poggia.
Tuttavia trasporre le tecniche dal campo dell’impresa all’ambito del territorio necessita di un’avvertenza sull’uso: se guardiamo agli scopi, l’impresa
e il territorio sono entità diverse, lo sono nel sistema decisionale come in
quello che si potrebbe definire la “ proprietà” . Parlando di scopi, il profitto
sociale e la qualità di vita indotta, oppure la ricchezza generata da un sistema economico funzionante, favoriscono se non l’intera comunità del territorio almeno una gran parte di essa, mentre il profitto dell’impresa derivante
dal risultato economico remunera solamente l’azienda, anzi i membri dell’assetto societario.
Non ci possono essere confusioni: i modi di decisione e di gestione delle
scelte sono totalmente diversi. Ciò che è funzionale per l’azienda – l’impren211
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
ditore che decide da solo –, nel campo delle istituzioni si chiama “ dittatura” ,
oppure “ oligarchia” quando si tratta di un gruppo privilegiato, cioè il management.
Nell’applicare le tecniche e gli strumenti dovremo tenere conto di queste
diversità e, in definitiva, applicheremo soprattutto i concetti di efficacia e di
efficienza. Oltre ad utilizzare tecniche specifiche quali: i ragionamenti per obiettivi da conseguire, il project management e il business plan quando ci sono
investimenti in ballo.
In pratica si dovrà applicare la mentalità aziendale del marketing, più che
trasformare i modi di fare del territorio in quelli dell’impresa. Questo non significa che la o le strutture che hanno il compito tecnico di attuare il marketing
non possano essere imprese, ma che a monte vi sarà un insieme di decisioni che
rientrano nel campo delle scelte e delle risoluzioni proprie della politica, nel
significato più profondo del termine.
Al fine di dare un senso pratico ai nostri ragionamenti, poiché parliamo di
marketing si deve ricordare ciò che è. Per riprendere una definizione che sa un
po’ di “ slogan” , di largo dominio pubblico essendo reperibile su internet, ma
che personalmente trovo straordinariamente efficace, il marketing è: «l’insieme
delle decisioni su cosa vendere, a chi vendere e come vendere». Da qui un primo elemento di ragionamento: cos’è che il territorio vende, se stesso oppure i
suoi prodotti? Abbiamo qui due obiettivi che sono anche due modi di concepire
il marketing territoriale. La prima concezione ha lo scopo di attrarre investitori
o nuove imprese. Un punto di vista interessante ma che non verrà trattato qui,
dovendo analizzare i legami tra marketing territoriale e prodotti del territorio.
Prodotti che – per comodità lessicale ma anche concettuale – preferiamo chiamare “ locali” . Un’altra opzione che non sarà affrontata riguarda l’uso del
marketing territoriale come supporto alla programmazione concertata dello
sviluppo, cioè la parte di messa in forma del piano di sviluppo (definizione del
“ prodotto” ) e successive comunicazione e promozione (marketing interno).
La funzione di cui andiamo a parlare riguarda invece proprio l’uso del
marketing per valorizzare i prodotti locali e, in particolare, lo scopo primordiale del marketing: migliorare la diffusione e la valorizzazione in termini economici dei prodotti stessi.
Il quesito fondamentale diviene perciò sapere se, nella sostanza, con il
marketing territoriale si può dare maggior competitività ai prodotti attraverso
un fattore competitivo curioso: la cultura dell’origine che rende maggiormente
“ raro” il prodotto in quando legato ad un territorio specifico di provenienza.
Con ciò non si intende parlare qui di “ tradizione” , quanto piuttosto di tipicità
geografica in relazione al fatto che oggi le tecnologie – nell’agro alimentare
come nell’artigianato – consentono, a parere mio, di imitare o copiare la maggior parte delle produzioni con buoni risultati. Vero o falso, questione terribil212
Tipicità e marketing territoriale
mente di attualità che porta ad un altro dibattito, trasversale in questo caso alle
nostre questioni: quello sulla cultura del gusto. Sulla quale va fatto un inciso
perché è elemento sostanziale di un corretto marketing territoriale dei prodotti
locali. A mio avviso, la cultura del gusto non c’entra nulla con azioni che hanno
come scopo la trasformazione di certi prodotti in consumo di élite. Il consumo di
élite non garantisce affatto che il consumatore sia “ persona avvertita dei fatti” ,
ma solo che è disposto a spendere. Da un punto di vista puramente funzionale
per i produttori si potrebbe dire che ciò basta ed avanza. Ma così facendo non si
ha la certezza della stabilità, perché chi dice consumo di elite, dice spesso anche
fenomeni di moda e assoggettamento agli andamenti positivi o negativi dell’economia e della ricchezza prodotta. A titolo di esempio vale la pena ricordare
quanto i grandi vini francesi hanno sofferto durante gli anni 90 per la crisi economica del Giappone. Attraverso la cultura e quindi l’apprendimento del gusto
è invece possibile aumentare la consapevolezza del consumatore che sarà in grado di riconoscere il vero dal falso, l’originale dall’imitazione, senza per questo
dire che l’imitazione debba per forza essere qualitativamente inferiore, anzi. Gli
Chardonnay cileni sono ormai di ottima qualità, ma rimane il fatto che gli originali sono borgognotti e costano di più, anche a causa di produzioni limitate.
L’imitazione è solo meno “ rara” , perché non indissolubilmente legata ad un territorio specifico in cui nasce oppure in cui sviluppa caratteristiche uniche.
Aggiungendo che questo effetto “ rarità” – che induce plus valore economico –
vale anche quando il prodotto originale è di tipo industriale (parmigiano reggiano, prosciutto di San Daniele, speck del Sud Tirolo, roquefort, ecc.).
Insomma, il prodotto locale è maggiormente appetibile in quanto prodotto
di un “ altrove” quasi esemplare, cioè il territorio di provenienza che desta
curiosità e interesse, che sfugge alla banalità del “ qui” legato al quotidiano.
Il marketing territoriale ha come scopo il promuovere argomenti per alimentare questa cultura del gusto, o più semplicemente far sì che vi sia stretta corrispondenza tra prodotto e luogo di origine. E in seconda battuta, visto che nella
maggior parte dei casi si può considerare il turismo come un prodotto tipico
essendo fortemente territorializzato, alla stregua di certi prodotti come quelli
citati poco prima, quale sarà il legame da creare tra turismo e produzioni locali.
Va notato che il turismo è un prodotto dell’altrove che si deve consumare
dov’è, mentre il prodotto locale – pur essendo un prodotto dell’altrove alla stessa stregua del turismo – può essere consumato “ qui” . Ciò rappresenta innegabilmente un vantaggio, fintanto che il prodotto non diventa banalizzato o il
senso dell’origine non scompare. Il corollario sta nel valutare se, attraverso questa valorizzazione dei prodotti, non vi sia infine un ritorno positivo per il territorio attraverso un meccanismo circolare che produce immagine e valutazioni
positive, quindi domanda e da lì valore economico. Se così fosse, ed alcuni
esempi come la Toscana, oppure il Trentino Alto Adige sembrano dire proprio
di sì , il dato sarebbe fondamentale per le zone alpine e più generalmente di
montagna. Infatti i prodotti di montagna sono poco competitivi rispetto a quelli
213
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
delle pianure a causa di costi di produzione elevati dovuti al territorio stesso: al
clima, alla sua morfologia che limita la disponibilità di terreni utilizzabili, alle
quote altimetriche e al clima, ma anche alla quantità disponibile di manodopera
e ai collegamenti con i mercati.
Attuare azioni di marketing territoriale sembrerebbe altamente “ profittabile” e la spesa indotta assolutamente da sostenere. Dopo avere affrontato il tema
del perché del marketing territoriale, dobbiamo ora definire il come e riprendere il quesito posto all’inizio, vale a dire: promozione e comunicazione oppure
altro?
Nel marketing vi sono le cosiddette variabili o leve del mix, cioè fattori su
cui si può agire per trovare la giusta combinazione rispetto al mercato di riferimento. Queste variabili sono il prodotto e il prezzo, che possiamo definire tattiche in quanto coinvolgono il posizionamento (cosa vendere e a chi vendere). Le
altre due: la comunicazione e la distribuzione (rete vendita e logistica distribuiva) sono invece quelle operative del rapporto diretto con il mercato.
Il marketing agisce sul prodotto stesso, lo fa nel fornire indicazioni sulla
sua tipologia, sulle caratteristiche, in modo da renderlo il più soddisfacente
possibile rispetto alle attese dei consumatori e quindi gradito. Gradimento che
infine risulterà vantaggioso per la parte commerciale, infatti è sicuramente più
facile collocare un prodotto che piace rispetto ad altri. Questa azione per il
prodotto locale riguarda però il produttore, quindi il singolo imprenditore o
consorzi oppure cooperative, ma non il territorio intero. Tuttavia la qualità
intrinseca e l’origine rendono il nostro prodotto meno sensibile al fattore prezzo perché il suo posizionamento non viene fatto su questa variabile. Per ottenere un effetto efficace il marketing territoriale – nel rendere visibile, noto e
apprezzato il territorio – creerà quella necessaria sinergia, a patto che la qualità corrisponda alle attese del consumatore. Tra le diverse considerazioni da
fare a proposito della notorietà è indubbio che il turismo abbia un effetto benefico. Funziona da traino per le vendite dei prodotti locali e di converso questi
fungono da “ memo” per il territorio quando il turista è a casa sua. Infatti vale
il postulato che il territorio meta del turista è per definizione interessante, bello e pieno di cose positive che fanno stare bene, cioè fondamentalmente un territorio di qualità. Questo fatto ovviamente valorizza e promuove tutti i prodotti che hanno un legame con il territorio che, a sua volta, ricambia la cortesia. A
titolo di esempio si può ricordare che in Savoia il vino è stato salvato dal turismo, ma anche che oggi il turismo è in qualche modo caratterizzato e, perché
no, valorizzato dal vino.
Rimangono da vedere le strade seguite operativamente per svolgere tale
compito. Ve ne sono sostanzialmente tre: la politica di marchio e di marca svolta come lo farebbe un’industria, l’aggancio “ DOC” con gli stereotipi del territorio in cui quest’ultimo ha un ruolo “ totemico” , e infine la trilogia virtuosa:
popolazione ancorata alle tradizioni, bei paesaggi e buoni prodotti. Nei tre casi
214
Tipicità e marketing territoriale
citati si parte però già da un territorio in parte affermato, o perlomeno noto ed
apprezzato per alcune sue caratteristiche.
La prima opzione riguarda la politica di marca così come la utilizzano le
grandi industrie e i grandi marchi commerciali. L’obiettivo sta nel costruire un
legame tra marchio, cioè elemento visivo, e caratteristiche del prodotto, in
modo da ottenere una marca che veicola “ promesse” .
Un esempio di questa politica è rappresentato dal Trentino che, oltre al marchio e al logotipo, ha addirittura definito un codice colori per i diversi utilizzi,
illustrati qui.
Blu per il turismo.
L’indicazione emergeva dall’indagine ACNielsen per un
maggior richiamo alla stagione invernale ed ai principi di
pulizia ed eleganza: questo colore, inoltre, insieme al
verde esprime un forte richiamo alla natura:
cieli blu, laghi alpini, aria incontaminata.
Verde per l’agricoltura.
È il colore che presenta il più forte legame con la natura,
in grado di rappresentare i concetti di naturalezza
e salubrità.
Azzurro per industria ed artigianato.
È un colore razionale e di mediazione, che ben si adatta a
rappresentare i vari settori legati alle imprese ed
ai servizi.
Bordeaux per la cultura.
Da sempre legato a connotazioni e situazioni formali di alta
rappresentanza, il bordeaux, elegante e molto leggibile, è
particolarmente indicato ad associarsi
con l’asse della cultura.
Il problema riguarda la concessione dell’uso del marchio: infatti per l’industria
la cosa è evidente, Mercedes-Benz o Fiat concedono l’utilizzo solo a partner scelti,
quali ad esempio concessionarie o officine autorizzate. A livello di territorio le cose
sono alquanto più complesse per uno dei problemi enunciati all’inizio: a chi
appartiene il territorio? La risposta ovvia è che appartiene a tutti i suoi cittadini.
Quindi per chi gestisce il marchio territoriale, trattandosi di un soggetto pubblico
o assimilabile al pubblico, sarà molto difficile fare scelte rispetto a chi dare o a chi
negare l’uso del marchio. Si dovrebbe infatti definire un disciplinare che faccia
riferimento a criteri chiari e accettati da tutti, ed effettuare una selezione dei pretendenti che obbliga poi a controlli costanti per evitare usi non autorizzati.
Alla fine però chi non potrà utilizzare il marchio si sentirà probabilmente
discriminato o marginalizzato, vivrà la cosa come poco equa, come una man215
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
canza di uguaglianza. La questione da fatto tecnico potrebbe rapidamente
diventare problema sociale e infine “ politico” . Così alla fine per eccesso di lassismo o per troppa selezione si corre il rischio di un depauperamento del valore
del marchio, oppure di una sua non affermazione come marca. Fermo restando
che il riferimento geografico, cioè il luogo, continuerà invece a possedere il suo
valore. Vale a dire che il valore del Trentino non è in gioco nell’affermazione o
meno del marchio.
Il secondo caso è quello che abbiamo chiamato “ DOC” , in cui c’è un richiamo ad un’area geografica nota e si fa riferimento al suo stereotipo o, per meglio
dire, al suo contenuto mitologico.
Guardando questa simpatica pubblicità la domanda è: esiste veramente un
gusto toscano? Se fosse così forse ci sarebbe una sola Toscana, ma come mettere nello stesso contenitore la Maremma, la Garfagnana, il Chianti e la costa di
216
Tipicità e marketing territoriale
Forte dei Marmi? Nel contempo appare chiaro che nella nostra mente esiste il
riferimento ad un “ gusto tutto toscano” , che possiamo visualizzare in un certo
tipo di paesaggio, di colori e di forme, di stile di vita, di città, d’architettura o
d’arte. Un insieme di emozioni evocatrici precursori dell’idea di gusto che, se
guardiamo bene, fanno riferimenti geografici ad un’area che sembra coincidere
con il triangolo Firenze, Siena, Arezzo. Il semplice nome – come l’eventuale
marchio o logotipo che lo illustra – attraverso questi richiami emozionali veicola promesse anche se nella realtà si tratta di un “ mito” . Ricordando l’affermazione che dice che la mitologia: « è una storia che ha perso il senso delle sue
origini », intendiamo parlare del tempo oltre che del luogo. Il mito e la sua storia esistono al di là del tempo e del luogo di origine, sono universalmente credibili, quindi “ veri” come lo è il “ gusto tutto Toscano” , oppure il “ bianco più
bianco del bianco” .
Infine abbiamo la conformazione a trilogia di cui si è già accennato. Di fatto
si tratta di una esplicitazione della forma precedente, in cui si esce dal mito
ancorando la storia e le origini ad elementi chiari e riconoscibili oltre che conosciuti.
Un esempio formidabile della trilogia è la pubblicità dello speck che viene
segnalato, per altro in modo molto chiaro come un’Indicazione Geografica
Protetta (IGP): ciò significa che non vi è certezza della provenienza della materia
prima, in poche parole i maiali destinati a diventare speck dell’Alto Adige possono essere allevati in qualsiasi parte del mondo. Siamo insomma di fronte ad
un prodotto che di locale ha solo la lavorazione, sempre che questa non sia di
tipo industriale. Cioè lavorazioni in cui si affumica con procedimenti rapidi,
quanti efficaci, ma che nulla hanno a vedere con processi tradizionali. Il punto
che ci interessa però non è tanto il processo produttivo e i suoi contenuti di tradizione locale, quanto il fatto che attraverso un ancoraggio ad un territorio si
può “ tradizionalizzare” un prodotto. Analizzando questa pubblicità, osservando
il tipo di “ visual” e la disposizione degli elementi iconografici tra loro, il procedimento appare chiaro. Il prodotto, che si trova in basso e a sinistra in posizione
quasi defilata, è tradizionale perché è “ garantito” dalla cultura locale intatta –
fatto esplicitato dalla sagoma dei pantaloncini di cuoio – e dai bei paesaggi
anche conosciuti – le Dolomiti – che sono la dimostrazione dell’eccellenza del
territorio. Qualità delle persone e del territorio sono due elementi che – nella
nostra cultura, almeno dai tempi di Rousseau – sono estremamente positivi e
anche indiscutibili, e possiamo affermare che con queste premesse è praticamente impossibile produrre cose cattive. Con il vantaggio che la proposizione si può
rovesciare: qualità delle persone e dei prodotti locali quindi qualità del turismo
perché si tratta della base di una buona accoglienza.
Per finire, occorre formulare un’avvertenza: i casi, specie se di successo, possono fuorviare o perlomeno nascondere le difficoltà perché le cose avvenute
sembrano più semplici di quanto non lo siano state in realtà. Ragion per cui, in
conclusione, vogliamo ricordare le criticità del marketing territoriale.
217
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Come prima cosa un buon marketing territoriale destinato a promuovere i
prodotti locali ha bisogno di una forte cultura della denominazione che si
esprime in orgoglio di produrre qualità. Ma ciò richiede:
- La capacità di innovare nella “ tradizione” , quindi di considerare la tradizione come un fenomeno aperto e non statico.
- Una buona coesione del territorio riguardo alle strategie e alle azioni
necessarie per lo sviluppo.
- Una forte cooperazione tra i vari operatori.
Infine, e non ultimo come importanza: un sistema di conoscenze adeguato
al “ progetto territoriale” , di conseguenza:
- La conoscenza basata sull’analisi dei punti forti che rappresentano il
“ potenziale di sviluppo” del territorio attraverso lo strumento della diagnosi territoriale.
- Le competenze tecniche necessarie per attuare una politica di qualità.
218
Pommes de terre et charcuteries.
De tenir l’ hiver à de nouvelles fonctions
identitaires et touristiques
Jean-Paul Guérin
Tenir l’ hiver…
Les pommes de terre et la charcuterie
étaient, il y a une cinquantaine d’années
encore, les fondements de l’alimentation
des semaines et des dimanches dans bien
des villages de montagne. Cette affirmation ne peut que rencontrer l’approbation,
susciter des souvenirs, et réveiller une
inquiétude classique sur l’opposition entre
des souvenirs attendris, une époque
“ d’authenticité” et des lendemains inquiétants d’une banalisation de nos genres de
vie, sous la dictature du marketing de l’industrie agro-alimentaire. Cependant cette
tradition culinaire n’est pas immémoriale
et est historiquement datée, ce qui nous pose finalement la question des raisons et
des finalités d’une patrimonialisation de l’alimentation.
Si dès 1600 Olivier de Serres signale l’arrivée de “ cartoufles” en Dauphiné,
en provenance de Suisse, l’histoire de la consommation de la pomme de terre
dans les foyers montagnards ne semble pas si ancienne. Le livre de raison d’un
commerçant de Montmélian, par ailleurs bon cuisinier, rédigé vers 1750, ne
signale ni la pomme de terre, ni la tomate, Montmélian étant pourtant sur un
axe de passage très fréquenté, et la population y était, sans doute, ouverte aux
nouveautés… Le préfet Verneilh, sous Napoléon, la situe “ dans les usages” vers
le milieu du XVIIIe siècle, de la même manière que l’historien Jean Nicolas dans
ouvrage monumental sur la Savoie au XVIIIe siècle. Ce qui importe c’est son utilisation réelle, et Verneilh affirme qu’au tout début du XIXe siècle, dans les montagnes de Savoie, on ne la donne toujours pas aux animaux, “ qui pourraient en
faire grand profit” .
La pomme de terre est tout d’abord adoptée dans une position d’ersatz,
c’est-à-dire de produit de remplacement. Dans le pain, la pomme de terre peut
ainsi être ajoutée au froment ou à l’orge comme on ajoute de la farine de châtaignes, ou des vesces. Avec plus d’avenir, la pomme de terre remplace la farine
dans les bouillies, bouillies qui sont une des bases de l’alimentation ancienne.
219
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Elle remplace également les raves et autres panais, dans les soupes de légumes.
Verneilh remarque que les enfants “ passent une bonne partie de la journée à
faire rôtir au feu de famille, des pommes de terre sous la cendre” . C’est que
finalement, le feu ouvert, le feu dans la cheminée, n’offre qu’une gamme réduite de possibilités culinaires. Pendue à la crémaillère, c’macle, la marmite à trois
pieds, le bronzin, permet essentiellement des soupes de légumes, des bouillies
de céréales, des viandes bouillies ; la poêle à grand manche est utilisée – plus
rarement – pour les matafans, les œufs, parfois la viande, tout ce qui demande
à être saisi, au sens culinaire. Le feu direct, dans l’âtre, est, en alternance, assez
violent ou moribond, difficile à réguler, et finalement n’autorise qu’une gamme
restreinte de cuissons. Les techniques culinaires utilisant le “ potager” , c’est-àdire seulement des braises, sont utilisées surtout par les familles qui ont un certain niveau de vie.
Dans les montagnes le porc n’a pas, non plus, une importance décisive
jusqu’au milieu du XIXe siècle. Sa croissance rapide, jusqu’à 900g/jour s’il est
bien nourri, implique une très grande quantité de nourriture à préparer, ce
qui a longtemps réservé l’élevage du porc à certaines régions, et à des
milieux déjà un peu aisés. Quelques exceptions cependant : les alpagistes utilisent le petit lait pour nourrir des porcs, les régions riches en châtaignes
(basse Vallée d’Aoste, quelques communes valaisannes) élèvent des porcs.
Finalement l’alimentation carnée est fournie le plus souvent par la chèvre
(salée ou non) voire le mouton. La chèvre, rustique, facile à nourrir, présente
même chez les plus pauvres, est pendant longtemps une source essentielle
d’alimentation carnée.
Le fourneau apparaî t au milieu du XIXe siècle et se généralise en quelques
dizaines d’années. Le fourneau, en fonte noire, améliore nettement le rendement du combustible (le bois est plutôt rare) et permet de réguler l’émission
de chaleur. Son introduction dans les cuisines de montagne autorise deux
innovations culinaires majeures dans les familles les plus modestes : la cuisson au four, et la possibilité de faire simultanément des cuissons à grand feu
et du mijotage…
De ce fait l’ingéniosité des ménagères va s’exercer sur la pomme de terre,
aliment miracle désormais produit si abondamment qu’elle permet simultanément l’élevage du porc domestique. Sur chaque fourneau un bronsin cuit midi
et soir les pommes de terre partagées entre les hommes et les porcs.
Il semblerait que l’arrivée du fourneau ait ainsi révolutionné la manière de
passer l’hiver, inquiétude latente de toutes les familles. Dès lors les céréales ne
constituent plus le seul mode de stockage pour la mauvaise saison.
On peut même ajouter que la technologie culinaire nouvelle en augmentant
la consommation de pommes de terre et de porc, réduit celle des céréales. Les
rendements de la pomme de terre étant considérables, des terres labourées sont
220
Pommes de terre et charcuteries…
libérées au profit des prés de fauche et, selon une relation systémique, l’élevage
bovin, et la fabrication de fromage – à la fin du XIXe siècle en Savoie – ont connu
une forte croissance, aiguillonnée par la création de fromageries coopératives
(les fruitières).
Un avantage de la pomme de terre, c’est de se conserver sans trop de difficultés jusqu’au printemps, en particulier les variétés tardives très appréciées
autrefois pour cette raison. Avec la fin de la réserve de pommes de terre certaines familles tuaient leur dernier cochon vers Pâques, ce qui coï ncide aussi
avec la nécessité de n’abattre le porc qu’en période froide…
L’art de cuisiner la pomme de terre est composé d’une série de strates qui
correspondent à la technologie culinaire (de l’âtre au fourneau et au four).
Au temps de l’âtre et de la crémaillère :
- les soupes, où la pomme de terre remplace les farines et les raves
- les fricassées (fricacha, pela) à la poêle avec un corps gras
- les pommes de terre “ sous la cendre” .
Dans les bronsins ou les poêles, sur le fourneau :
- la pomme de terre cuite à l’eau (au barbot) tant pour les bêtes que pour les
hommes. Elle remplace partiellement le pain, et est mise sur la table dès le
début du repas pour calmer les plus féroces appétits. Les salades de
pommes de terre en forment une variante
- les fricassées (ou brisolées)
- les pommes de terre râpées crues (rö stis, criques, paillassons) ou écrasées
cuites (purées)
- l’accompagnement de viandes (en cuisson) : pot-au-feu, lard, saucisses.
Dans les fours :
- les gratins
- les pommes de terre cuites “ deux fois” : rabioules, farçons, soufflés…
La pomme de terre, de goû t très fade, absorbe très facilement les saveurs
des produits ajoutés ou cuisinés simultanément ; on peut donc créer toutes
sortes de plats…
La charcuterie peut être considérée comme un produit dérivé de la pomme
de terre, du moins si l’on considère les montagnes et les hautes vallées. Ce qui
importe avant tout c’est la conservation des viandes – de porc – désormais ; la
consommation de petit bétail étant en nette diminution, et les bovins réservés
à la vente…
Au risque de décevoir, je pense pouvoir affirmer que la charcuterie de montagne n’est pas particulièrement raffinée. Tardivement mise en œuvre, à l’échelle historique, elle est plus concernée par le souci de la conservation des viandes,
221
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
que par la finesse et la variété des productions. Le fait que chaque famille tue
un ou deux porcs par an, pour sa propre consommation, restreint les échanges
à ce qui est périssable. L’échange du boudin frais, des fricassées (fricacha coffe ou
monette), des abats, assure quelques repas d’abondance avant la parcimonie des
viandes conservées, consommées juste avant qu’elles ne se gâtent…
Salées toujours, elles peuvent être conservées “ en saumure” , séchées,
fumées, en boyaux, plus rarement dans le saindoux…
Nouvelles fonctions identitaires et touristiques…
Il est certain que l’évolution technologique de la fin du XXe siècle enlève en
quelque sorte la nécessité de ces deux piliers de la vie (ou de la survie)
qu’étaient la pomme de terre et les charcuteries familiales. Non seulement le
choix est grand en toutes saisons de toutes sortes de nourritures, mais en plus
elles sont souvent déjà plus ou moins élaborées par l’industrie agroalimentaire : en conserves, congelés, produits frais…
En même temps il faut bien constater que les manières de faire la cuisine
familiale, celle de tous les jours demeurent, aujourd’hui encore, et sont assez
différentes d’une région à une autre. L’élaboration de plats particuliers, de
savoir-faire, certaines manières de table se sont mises en place, au cours des
siècles avec des dynamiques que nous connaissons mal : pourquoi certaines
charcuteries sont propres à certains villages, certaines vallées. Pourquoi ne meton pas de lait dans le gratin dans une grande partie de la Savoie ? Une cartographie culinaire pourrait se concevoir à la manière des atlas linguistiques…
J’ai essayé de montrer que cette cuisine des Alpes a beaucoup évolué au
cours du XIXe siècle, non seulement par la diversification des apports, que je n’ai
pas traitée, mais par les changements technologiques, comme elle évolue encore, chaque jour. Il serait donc vain de vouloir en quelque sorte arrêter le corpus
d’une alimentation qui n’a jamais cessé d’évoluer.
Cependant l’idée d’une alimentation “ traditionnelle” , dont les pommes de
terre et les charcuteries locales, qu’il faudrait défendre paraî t mériter un examen et des discussions. Il y a pourtant un certain nombre de raisons qui militent pour une réflexion profonde sur le rôle du choix de l’aliment et de la cuisine dans notre vie sociale, en dehors de toute considération affective, considération qui mérite également attention.
Deux raisons, au moins, peuvent être invoquées pour effectuer un travail
autour des manières locales de faire la cuisine.
D’une part la demande du tourisme. Une partie des touristes recherchent
dans le voyage, ou le séjour une différence, voire une ouverture vers une autre
222
Pommes de terre et charcuteries…
culture. D’où un certain succès des repas typiques, et une créativité des restaurateurs, et des “ inventions de la tradition” . Cette créativité aboutissant souvent – faute de travail théorique – à un syncrétisme curieux (genre “ pizza
savoyarde” ).
D’autre part, dans les pays alpins, la cuisine peut être pensée, aujourd’hui,
comme un marqueur territorial, comme une preuve de l’existence d’un peuple
en son territoire, comme un bien commun. Elle est ainsi la possibilité d’une culture populaire vivante. Et cette preuve, dans la mesure où elle est apportée
chaque jour, dans chaque foyer, me paraî t devoir attirer l’attention de ceux qui
souhaitent contribuer, pour différentes raisons, à créer de la différence, à
construire des singularités.
Si collectivement on constate un intérêt que l’on peut qualifier de politique
pour une cuisine localisée et localisante, cela suppose de systématiser une série
d’opérations tout en ayant à l’esprit que, rien n’étant jamais innocent, fixer
“ une tradition” a toujours un côté mortifère.
- L’opération d’inventaire. Il existe finalement peu de travaux systématiques
faits avec un esprit scientifique sur l’alimentation familiale d’autrefois.
- Les opérations de transcription de cette cuisine dans notre modernité. Car
il n’est plus possible d’opérer de la même manière, ni avec les mêmes
ingrédients. Ce qui suppose toutes sortes de choix qu’il faut raisonner.
- Les opérations d’enseignement dans la mesure où la transmission familiale est le plus souvent interrompue. Mais également dans les écoles professionnelles des “ métiers de bouche” , les établissements agricoles qui
aujourd’hui formatent le plus souvent leurs élèves selon des référents professionnels nationaux voire internationaux.
- Les opérations d’accompagnement dans les ateliers et usines agroalimentaires locales. Les familles aujourd’hui ne sont pas prêtes – au quotidien – à mettre en route toute l’élaboration de certains plats, qui doivent
être plus ou moins préparés. Par exemple les crosets, s’achètent aujourd’hui en paquets dans les supermarchés : deux ateliers en fabriquent. Il y
a des opérations de développement économique intéressante, tant auprès
de salaisonniers, que de divers fabricants.
Toutes ces opérations existent de manière épisodique et spontanée. On peut
imaginer en faire une politique, au sens fort du terme…
B I B L I O G R A P H I E
Amis du Val de Thônes, Cuisines et recettes du Pays de Thô nes, n° 22. Collection
Amis du Val de Thônes, 1999, 272 pages.
BOUCHET J-C., Secrets domestiques d’un commerç ant savoyard du XVIIIe, Amis du
Vieux Montmélian, 2003, 156 pages.
223
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Centre d’Études francoprovençales « René Willien », Mets et recettes, collection
Concours Cerlogne, Musumeci, Aoste, 1994, 262 pages.
COMPAIN E., Se nourrir en Savoie aux XVI-XXe siècles, CDDA, Chambéry, 1990, 73
pages.
H E RMANN M-Th., La cuisine paysanne de Savoie, La Fontaine de Siloe,
Montmélian, 1982, 256 pages.
NICOLAS J., La Savoie au XVIIIe siècle, Maloine, Paris, 1978, 1250 pages.
RABOUD I., SCHÜ LE R-C., DUBUIS P., « Assiettes valaisannes » in: Les cahiers de
l’histoire locale 5, Monografic, Sierre, 1993, 108 pages.
VERNEILH J. de, Statistique générale de la France : le département du Mont-Blanc,
Paris, 1807, 560 pages.
Site : http://www.ethno-terroirs.cnrs.fr
224
La fê te de la transhumance
et la fê te de la Clairette à Die
dans la vallée de la Drô me
André Pitte
La fête de la transhumance et la fête
de la Clairette à Die dans la vallée de
la Drôme, ou comment amplifier la
conservation et à la valorisation des
produits de qualité et des paysages de
qualité à travers deux fêtes patrimoniales et le convivium Slow food “ À
Table en Dauphiné” : l’agneau, la clairette, le pain, la caillette, la charcuterie
de montagne, le picodon, le bleu de
Vercors, la raviole, la truffe, la pogne,
l’olive, la noix, les pommes, les
coings, le miel, le nougat, les confitures de fruits sauvages, les plantes
aromatiques…
« La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre
humain que la découverte d’une étoile ». Brillat-Savarin, La physiologie du goû t.
Bref historique et objectifs des Fê tes de la transhumance et de la Clairette
« Tu connais les mots, le berger connaî t la chose ». Ainsi s’exprimait Jean
Blanc décédé il y a peu, ancien berger, chargé de mission à la DATAR et membre
du Haut Comité à l’Environnement chargé de la réflexion sur la création des
Parcs naturels régionaux en France au début des années 70. Et il poursuivait :
« Le berger est l’homme d’une profession. Le berger est aussi l’homme pour
qui le spectacle d’une brebis qui broute, d’un agneau qui tête et d’un troupeau
qui rumine est une délectation permanente. Peut-on autrement être berger ?
Mais le berger est plus sû rement l’homme d’une civilisation pastorale qui a traversé les avatars d’autres civilisations, sans se modifier, sans même innover,
tant elle est accordée à son mode de vie, tant elle a trouvé son équilibre entre
son mode de vie et son milieu de vie ».
C’est sur ce patrimoine vivant inestimable et sur les étonnants paysages
des hauts-plateaux du Vercors (la plus grande réserve naturelle de France
225
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
sans aucune route ni habitation à l’exception de 13 bergeries occupées de juin
à octobre/18 000 hectares à une altitude comprise entre 1500 mètres et 2300
mètres/20 000 brebis), paysages générés par cette pratique millénaire, que se
construisit en juin 1991 la première Fête de la transhumance dans une vallée
considérée depuis toujours comme un secteur intense de cette pratique. Le
troupeau de deux mille cinq cents brebis transhumantes sélectionnées mérinos d’Arles, petite race de brebis à viande de qualité s’il en est, choisi pour
traverser la ville chaque année au solstice d’été donne à voir aux habitants et
aux visiteurs de passage le fruit d’une dizaine de décennies de sélection mais
aussi de savoirs-faire très anciens puiqu’il existe une estive de brebis sur ce
plateau immense et sauvage dès le cinquième millénaire avant notre ère. Pour
mémoire citons les grottes bergerie d’altitude datées de 4500 ans avant notre
ère qui ont été identifiées par Alain Beeching et Jacques-Léopold Brochier du
Laboratoire CNRS de Préhistoire de Valence mais aussi des enclos et des abris
sous-roche de bergers tout aussi anciens en cours d’identification par Régis
Picavet de Villard-de-Lans.
Les germes de cette aventure patrimoniale, bien éloigné de la conception
que le public avait du patrimoine il y a 25 ans, naquirent au début des années
80 avec le projet culturel du Parc naturel régional du Vercors et du Musée dauphinois avec des conservateurs d’exception comme Jean-Pierre Laurent, JeanClaude Duclos et Jean Guibal à Grenoble, un projet intitulé “ Patrimoine et
développement” . Après de belles réussites comme une vaste collecte sur la
mémoire du massif (4000 photos, 200 heures d’enregistrement auprès de la
Le passage du troupeau le jour du marché (photo Jean-Pierre Surles)
226
La fê te de la transhumance et la fê te de la Clairette à Die dans la vallée de la Drô me
population) des actions de sauvegarde et de relance très concrètes comme celle
de la race bovine de Villard-de-Lans par Denis Chevallier (aujourd’hui directeur de l’antenne de Marseille pour la création du Musée de l’Europe et de la
Méditerranée). Relance qui a donné naissance, il y a peu, à l’AOC Bleu du
Vercors et à une fête de ce fromage. Les autres axes de ce projet culturel se
développèrent en direction d’une restitution à la population du Vercors au travers d’une politique éditoriale de qualité et bien d’autres actions comme la
création d’une radio de communication sociale et le projet de trois écomusées
que je ne développerais pas ici car cela me conduirait loin hors du sujet. L’élan
impulsé à cette occasion s’épuise quelques années plus tard en partie faute
d’argent, mais plus sû rement du manque de motivation de la part d’un grand
nombre d’élus ruraux pour qui conjuguer agriculture et culture ne va pas de
soi, même encore aujourd’hui. Ce projet culturel ambitieux était-il né trop tôt ?
L’avenir montra qu’il n’en fut rien.
Dès le départ l’association Drailles constituée d’éleveurs et d’opérateurs culturels se préoccupa de valoriser le produit, la viande d’agneau, avec dégustation de grillades, repas à base d’agneau, etc… mais c’est très récemment,
depuis deux ans, que cette mise en avant gustative est devenue centrale dans la
manifestation. Longtemps, l’échange à travers la culture du pays invité (Italie,
Asie centrale, Tunisie, Algérie, Corse, Sardaigne, Niger, Espagne, en 2005
Indiens Navajos éleveurs eux aussi de brebis…), la musique, le cinéma, le livre
occupèrent une place prépondérante dans la fête. Il n’est nullement question
bien au contraire de remettre en cause ces orientations. Ces approches culturelles n’ont pas disparu mais la valorisation du produit occupe maintenant une
place de plus en plus prépondérante. Et il faut l’avouer à travers cette place
nouvelle donnée au produit les relations avec les éleveurs se sont renforcées et
intensifiées.
Entre temps, en septembre 1997, il faut ajouter pour comprendre cette évolution qu’à ce premier évènement festif, à la demande du Syndicat des vignerons
de la Clairette de Die – la clairette est l’un des piliers économiques de la vallée
puisqu’elle fait vivre 400 producteurs et environ 2000 personnes sur les 10 000
personnes des 5 cantons que compte cette vallée de moyenne montagne –
s’était ajoutée une deuxième manifestation intitulée initialement “ Fête de la
clairette” puis “ Clairette en fanfares” en raison du grand nombre de formations
musicales invitées à jouer dans la rue le premier week-end de septembre.
Des produits de qualité
Depuis cette date les choses ont évolué dans un sens peu prévisible au
départ. En octobre 2002, a lieu comme tous les deux ans le Salon du Goû t à
Turin organisé par Slow food. Séduits par le concept et le dynamisme du mouvement Slow food nous créons avec quelques amis un convivium à Die intitulé
“ À table en Dauphiné” qui rencontre un succès immédiat et disons-le inatten227
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
du. Pour une petite ville de 4000 habitants où il n’existe pas un seul restaurant
digne de ce nom – nous sommes en pays calviniste où la Réforme a laissé une
forte empreinte puritaine – nous accueillons dès la première année une soixantaine d’adhésions, quatre-vingts en 2004/2005. Pour preuve de cet engouement
signalons que seize personnes de l’association “ À Table en Dauphiné” se sont
rendues au dernier Salon du Goû t, fin octobre, à Turin durant trois jours.
Devant l’essouflement des vignerons à faire vivre et évoluer la “ Fête de la
Clairette” – la clairette se vend bien actuellement et nul ne ressent vraiment le
besoin d’une manifestation festive (il s’agit là toujours de l’empreinte protestante) pour soutenir la notoriété du produit – nous imaginons de travailler toute l’année à la sélection des meilleures productions drômoises pour les présenter au public au milieu de la vingtaine de producteurs de clairette de Die. C’est
ainsi que la dernière manifestation a vu la création d’un village d’une quarantaine de tentes sur la place de Die où les vignerons se sont mélangés à l’excellence des terroirs gourmands du département. À partir de là, l’intitulé de la fête
s’enrichit d’un additif significatif pour s’appeler dorénavant “ Fête de la
Clairette et des terroirs gourmands” .
Pour chaque catégorie de production, un producteur exemplaire et son
produit, ont été choisis lors de dégustations mensuelles se déroulant de l’automne au printemps. C’est ainsi
que nous avons dégusté et travaillé
avec des producteurs éclairés tour
à tour sur le pain, l’agneau, l’olive
de Nyons AOC, l’huile d’olive et
l’huile de noix, la raviole, la caillette – spécialité charcutière locale à
base de viande de porc et de
salades des champs – la défarde,
tripes d’agneau qui ressemble par
certains côtés aux pieds et paquets
marseillais, le fromage de chèvre
AOC picodon, la pogne qui est un
gâteau de fête, les miels de lavande, de tilleul et de montagne, les
plantes aromatiques, les noix, les
pommes locales et le coing – qui
vont donner lieu à la création d’un
conservatoire d’arbres fruitiers par
un jeune arboriculteur en cours
d’installation –, les confitures de
fruits sauvages (églantier, mirobolan, sureau, framboise, myrtille,
argousier), etc… Les prochaines
séances studieuses – mais il faut
Dessin de F’Murrr - Association Drailles
228
La fê te de la transhumance et la fê te de la Clairette à Die dans la vallée de la Drô me
bien l’avouer ludiques – de janvier et février seront consacrées au cochon fermier (la tuade d’un porc et sa transformation dans une ferme en montagne
durant une journée) et à la truffe, la Drôme étant le premier département
français producteur de diamant noir.
Bref de ces deux produits – sur lesquels s’étaient bâtis ces fêtes de manière un peu vague et ne faisant certainement pas assez de place au produit –
nous sommes passés aujourd’hui à la valorisation et à la défense d’une bonne vingtaine de spécialités locales où les produits phares que sont l’agneau et
la clairette se trouvent au centre d’un écrin de produits très attractif et très
valorisant.
Ajoutons à cela, l’organisation lors de la fête de la clairette de septembre 2004
de cinq ateliers du goû t dans l’esprit de Slow food qui se sont tenus dans les restaurants de la ville avec des interventions de producteurs et de spécialistes : respectivement un atelier de dégustation et de découverte d’une durée d’une heure
pour le picodon, l’olive, les miels, la pogne et la clairette.
Un dernier point positif à noter, et non des moindres, est la prise de conscience des restaurateurs locaux, où nous nous réunissons pour chacune des séances,
quant à la connaissance de la qualité des produits qu’ils côtoient comme tout un
chacun journellement sans prendre
toujours conscience du patrimoine
qu’ils représentent et de la richesse
culinaire qu’ils pourraient en tirer. Il
semble qu’il y ait là une piste efficace pour élever le niveau de la restauration locale et la pertinence des
menus des ces restaurants. En effet
nous constatons trop souvent comme partout ailleurs des menus tout à
fait banaux quant à leur composition
quand il ne s’agit pas tout simplement de produits standards ou surgelés achetés dans des centrales
d’achat genre Métro pour la France.
Quant à la Fête de la transhumance le programme de cette année
proposait une présentation d’une
demi-journée intitulé “ Le goû t de
l’agneau” . Cette rencontre comportait un exposé sur “ Le goû t de
l’agneau” dans le monde et à travers les âges suivi de “ Connaî tre et
choisir l’agneau” . Maturation, trans-
Dessin de F’Murrr - Association Drailles
229
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
formations liées à la cuisson et nutrition. Cette partie théorique et studieuse se
concluait par “ Signes de qualité et traçabilité de la viande d’agneau” animée
par un intervenant de la filière viande nationale. Venait ensuite un atelier du
goû t très suivi animé par deux bouchers exceptionnels – professionnels qui
avaient présenté la découpe de la viande toute la journée – où furent dégustés
un agneau de lait, un agneau de bergerie et un agneau transhumant.
Des paysages de qualité
Parlons maintenant des paysages. Depuis juin 91 la journée du dimanche
de la “ Fête de la transhumance” se déroule exclusivement en montagne à la
découverte de ces fameux hauts-plateaux du Vercors que j’ai évoqué plus haut.
Une foule nombreuse et enthousiaste suit les brebis dans son ultime étape sur
les drailles de la transhumance en l’occurence la voie romaine qui va de Die à
Grenoble et une petite station au-dessus de Die où un télésiège permet aux
moins vaillants d’atteindre ces alpages mythiques. Comme je l’ai montré plus
haut il est certain que les paysages des hauts-plateaux comme la plupart des
paysages sont une création humaine. Sans brebis le paysage se ferme, les pins
à crochets – la plus grande colonie de l’hexagone – gagnent du terrain et comme le dit Fernand Braudel cette admirable construction liée à la transhumance
et aux pratiques pastorales retourne
inexorablement à la sauvagerie.
Défendre l’élevage ovin et la pratique de la transhumance qui lui est
intimement liée dans les Alpes
sèches c’est valoriser un produit de
très haute qualité bouchère générateur d’un paysage de qualité. Tout
ce tient. Sans cette pratique millénaire de la transhumance la randonnée en moyenne montagne perd de
son intérêt et sans production de
viande, d’agneau de qualité vendue
à un prix équitable, les éleveurs et
leurs savoir-faire disparaissent. Et
avec eux ces paysages qu’ils ont
façonnés.
Dessin de F’Murrr - Association Drailles
230
Quant à la vigne, la “ Fête de la
Clairette” s’est enrichie depuis peu
d’un volet intitulé “ Les Chemins de
la clairette” . Une dimension nouvelle qui allie la dégustation des produits de terroirs gourmands à des
randonnée pédestres et cyclotou-
La fê te de la transhumance et la fê te de la Clairette à Die dans la vallée de la Drô me
ristes. Des itinéraires pour découvrir le vignoble et les villages charmants qui
émaillent la montagne drômoise. Tout au long de ces parcours très pittoresques
des relais gourmands attendent le randonneur pour déguster les produits
locaux.
Des produits de qualité dans des paysages de qualité
En ces temps de mondialisation forcenée comme le montre si bien le film
récent de Jonathan Nossiter, Mondovino, qui est tout sauf un film sur le vin comme il le dit lui-même dans une interview, seuls les produits de qualité tireront
leur épingle du jeu et permettront à de petits et moyens producteurs de vivre
décemment. Une voie royale qui passe par des produits de qualité dans des
paysages de qualité comme le résume très justement le géographe Jean-Robert
Pitte, auteur de l’Histoire du paysage franç ais.
À partir de ces constatations nous avons avec quelques-uns le projet
ancien de créer dans le Diois en direction de Briançon sur la route de l’Italie,
un lieu modeste mais efficace dans ses méthodes où seront rassemblés le
meilleur des productions de la vallée avec des salles muséographiques
pérennes et temporaires, une boutique et des ateliers du goû t qui fonctionneront de manière permanente. Non
pas une énième maison de pays ou
écomusée, ni même économusée à
la canadienne mais quelque chose
de plus fort en relation avec le paysage à travers des randonnées accompagnées avec des ânes à la
découverte des producteurs.
Sur le modèle du beau livre de
Stevenson, Voyage avec mon â ne à
travers les Cévennes. Si ce projet voit
le jour cela s’appellera la Maison de
la transhumance et des ânes de
Provence en réseau méditerranéen
avec les projets similaires du mas
des Aulnes à Saint-Martin-de-Crau
en Arles, avec celui de Biella ou
celui de Fundao au Portugal…
Enfin, je termine par un coup de
chapeau aux pionniers de la défense
des produits de qualité et de la biodiversité dont j’ai eu la chance de croiser la route. En premier lieu puisque
Dessin de F’Murrr - Association Drailles
231
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
nous sommes en Val d’Aoste, le chanoine Claude Duverney de l’Institut Agricole
Régional d’Aoste qui s’est exilé à l’heure de la retraite au Sénégal pour transmettre un savoir-faire éprouvé transposable dans le monde entier et en particulier dans les pays laissés pour compte. Je me souviens avec émotion d’une
dégustation où Luigi Gaido était présent, quatre heures durant à Aoste, de ses
micro-vinifications des cépages de la vallée et d’un repas étonnant à une table
d’hôte paysanne au-dessus d’Arnad, chez Bonin, où le pain, le vin, la polenta,
les saucisses, le lard gras, les pommes de terre et les gâteaux provenaient sans
exception de l’exploitation, de Carlo Petrini, créateur de Slow food et de son
équipe à Bra et de la magnifique rencontre “ Terra Madre” qu’ils ont initiée fin
octobre à Turin. D’Isabelle Raboud-Schü le et de Dominique Barjolle qui se sont
attaquées avec leurs collègues à la collecte et à la constitution du Patrimoine
culinaire de la Suisse. Sans oublier nos amis Laurence Bérard et Philippe
Marchenay du CNRS qui ont défriché et recensé cet immense trésor patrimonial que représentent nos produits, recettes et savoir-faire.
Mais que sont le patrimoine culinaire et le paysage ? Des choses intimement
liées que nous pouvons partager harmonieusement. Des passerelles sensuelles
et gustatives mais aussi spirituelles entre les hommes d’aujourd’hui. Par ces
temps de repli identitaire et xénophobe une chance et une bénédiction. Des
paysages à transmettre à nos enfants. Souhaitons leur de tout cœur et mettons
tout en œuvre pour que cela soit ainsi. À coup sû r, des paysages à croquer
ensemble avec bonheur et gourmandise.
232
Les produits traditionnels
et le savoir-faire des consommateurs.
Une enquê te préparatoire pour l’inventaire du
patrimoine culinaire suisse
Isabelle Raboud-Schü le
Cette enquête a été réalisée par l’association de chercheurs d’IPPACS (inventaire
des produits du patrimoine culinaire
suisse) avec la participation de Élisabeth
Bavaud, Stéphane Boisseaux et Anne
Gaudard.
Au moment de commencer les travaux
pour un inventaire des produits du
patrimoine culinaire de la Suisse, l’équipe de chercheurs a pensé s’intéresser non
seulement au savoir-faire transmis dans
la production de produits alimentaires
régionaux, mais également au savoir de
ceux qui les consomment.
Méthode et témoins
Pour une pré-enquête, nous avons choisi d’utiliser la méthode des « focusgroup ». Il s’agit de réunir une dizaine de personnes autour d’une table, d’animer la discussion et de l’enregistrer intégralement, la question posée au départ
étant chaque fois la même : « Quels produits alimentaires sont importants pour
vous ». Les participants notent quelques idées sur des feuillets qui sont ensuite
rangés par groupes et affichés par l’animateur. La discussion est ouverte en
commençant par la catégorie d’aliments la plus mentionnée. Un buffet de produits provenant de la Suisse entière est ensuite offert et contribue à relancer la
discussion.
Trois soirées ont ainsi été organisées : Le Crepa à Sembrancher s’est chargé de
choisir et convoquer un groupe de la région de l’Entermont et Bagnes (Valais),
une personne engagée dans l’animation locale a fait de même à Romainmôtiers
(Jura vaudois). Puis nous avons réuni en une troisième soirée une quinzaine
d’étudiants de Lausanne. À chacune de ces rencontres, les discussions ont été
nourries, l’interaction entre les participants faisait rebondir la conversation de
manière spontanée. La transcription intégrale des entretiens est complétée par
les protocoles tenus par les observateurs et fournit un riche matériau de base.
233
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
L’analyse laisse apparaî tre de grandes différences entre les trois groupes et permet d’esquisser quelques réponses à notre hypothèse de départ. Un grand nombre
de produits sont cités, parfois spontanément, parfois sur sollicitation. Les liens qui
unissent les personnes aux produits qu’ils consomment se différencient nettement
en fonction de préférences régionales perceptibles. Les catégories de produits les
plus valorisées ne sont ainsi pas les mêmes dans les deux régions observées.
Cette communication pour le colloque privilégie les résultats concernant
l’exemple alpin (district d’Entremont), les deux autres groupes permettant d’en
souligner les spécificités.
Produits et avis
Dans les trois groupes le fromage occupe un place très importante, avec une
préférence marquée de chacun pour le fromage de qualité de sa propre région.
Les modes de consommation sont variés et flexibles avec une forte habitude de
mettre du fromage dans les plats cuisinés pour les améliorer. La fondue, plat
national emblématique, se confirme d’emblée pour tous nos informateurs.
Les autres mets sucitent des réactions contrastées. Dans l’Entremont valaisan, la viande a occupé la plus grande partie de la discussion ce qui n’a nettement pas été le cas dans les deux autres groupes.
Si on avait un morceau de viande qu’on achèterait en boucherie, on a l’impression qu’elle peut venir de plusieurs bê tes tandis qu’avec la chasse, surtout si on a pris chez un chasseur
d’ici, on sait que c’est une bê te qu’on partage ensemble et c’est
un repas de fê te.
La provenance de l’animal et la relation de confiance entre le consommateur
et le boucher-charcutier jouent un rôle central. Lorsque ce réseau repose sur des
personnes connues, comme c’est le cas à Bagnes et pour certains témoins des
autres groupes, les produits carnés peuvent jouer un rôle emblématique très
fort. En revanche pour ceux qui n’ont pas accès à une viande qu’on connaî t, la
réflexion autour du choix est compliquée et la consommation nettement moins
valorisée. La composition des saucisses dessine des traditions très localisées.
Le pain est cité comme une aliment de base et beaucoup mentionné à propos du fromage. Le pain de seigle valaisan (qui a obtenu l’AOC) est un produit
très estimé, très valorisé pour des apéritifs de fête mais paradoxalement fort
peu consommé au quotidien.
À propos du féculent de base, une évolution historique se dessine. Consommer beaucoup de pain et souper le pain est considéré comme une habitude
plus ancienne voire une habitude de paysans (étudiants). Le pain est à la fois ce
234
et une dégustation.
produits alimentaires.
dominants
aliments, les compétences culinaires.
familiale, l’ancrage dans la région.
les ressources locales auxquelles
les participants ont accès.
L’éthique, le prix et le choix des
Pain et fromage
26 janvier 2004
une trentaine de volontaires annoncés.
15 participants ont été choisis parmi
politiques et sciences, recrutés par
Les habitudes et traditions locales, La biographie personnelle et
Fruits et fromage
7 novembre 2003
à une discussion sur l’alimentation
régionale, pour une soirée sur les
sujet sur le « patrimoine ».
15 octobre 2003
courrier électronique pour participer
en ville, invitées par une personne
du village active dans la promotion
invités par le CREPA, pour un
Lausanne en architecture, sciences
Jeunes d’origines diverses, étudiants à
18-24 ans
Femmes paysannes et personnes
28-60 ans et plus
25- 70 ans
7 hommes, 7 femmes
14 participants
habitant ce village qui travaillent
1 homme, 7 femmes
3 hommes, 5 femmes
villages des 3 vallées du district
8 participants
8 participants
Université de Lausanne
Personnes domiciliées dans les
de Vaud, région jurassienne
du Valais, vallées alpines
Sujets de discussion Fromage et viande
Date
Participants
Village de Romainmô tiers, canton
District d’Entremont, canton
Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs
235
236
96
53 (+ saucisse)
53
21
pain
viande
pommes de terre
pommes (sans les
participants:
Fromage en nombre
Viande 1
Fruits en nombre
Viandes 6
Fruits 1
Pommes de terre 4
Légumes en nombre
Légumes 3
20
30
19
29
57 (+ tresses)
63
17145
Fromage 4 sérac 1
Pain 5
Thèmes mentionnés
par écrit par les
9
jardin
pommes de terre)
43
15163
de Vaud, région jurassienne
du Valais, vallées alpines
fromage
noms d’aliments:
occurrences des
mots transcrits et
Nombre total de
Village de Romainmô tiers, canton
District d’Entremont, canton
Dessert 1, chocolat 1
Pommes de terre 3, pâtes
Fruits 3
œufs 2
Fromages 4
Viandes 5,
Lait 4
Légumes 6
Pain et blé 6
12
8
12
53 (thème éthique)
47
43
10100
Université de Lausanne
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs
qu’on mange quand on a peu le temps de cuisiner (pain et fromage) et le symbole
du dimanche où on a bien le temps de prendre un petit déjeuner.
Les pommes de terre, que certains cultivent eux-mêmes, sont omniprésentes dans la cuisine, surtout pour la génération d’âge moyen et les aî nés. Les
manières de cuisiner les pommes de terres sont plus suisses que régionales. Le
gratin – avec du fromage – est le plat caractéristique qui peut être offert à des
invités de l’extérieur.
Les jeunes, et cela dans chacun des trois groupes interrogés, préfèrent les
pâtes et un peu le riz, car on ne doit pas peler les pâ tes. L’interchangeabilité des
pâtes avec les pommes de terre dans la composition des menus est une caractéristique de la cuisine helvétique qui se confirme clairement ici.
L’intérêt patrimonial pour les végétaux, fruits et légumes, est particulièrement faible.
Les fromagers ou les vignerons savent présenter leurs produits, mais pas les maraî chers (groupe Jura VD) !
Ce manque d’intérêt ou de sujet de conversation à propos des légumes est
particulièrement marqué en Valais, malgré les jardins encore bien cultivés. Les
légumes sont un ingrédient des saucisses et ramènent immédiatement la discussion sur la viande qu’ils accompagnent :
Les légumes, anciennement, c’était ce qui se faisait avec le salé
puisque les gens devaient manger la viande des bê tes qu’ils
tuaient au mois de novembre pendant presque l’année alors ils
faisaient beaucoup de potées aux choux… (groupe Bagnes).
Si chacun (dans les trois groupes) sait qu’il faut manger des légumes pour sa
santé, les modes de préparations anciens ne sont plus appréciés aujourd’hui,
tels que les légumes en sauce blanche. On constate un net passage du cuit au
cru et une perte de savoirs et de motivation autour des manières d’apprêter les
produits végétaux locaux, les choux-raves par exemple.
Manger des choses de sa région
Les liens avec la région ne sont pas du même ordre pour tous les produits
mentionnés dans nos enquêtes. Ces liens sont très forts, parfois même un peu
chauvins, pour les fromages. Ils sont compliqués pour ce qui concerne les
viandes autour desquelles beaucoup d’acteurs sont impliqués.
Les mets sauvages, surtout la chasse, ainsi que les champignons et les myrtilles sont très valorisés puisqu’on en offrirait à des invités de marque. Ils sont
237
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
bien présents dans la discussion du groupe valaisan mais ne sont finalement
pas considérés comme faisant partie du patrimoine parce que on trouve du chamois aussi ailleurs et que la chasse existe dans toutes les régions. Pour nos témoins, la
chasse est une affaire personnelle ou d’un groupe constitué mais n’est nullement considérée comme un savoir-faire collectif propre à une région.
Le lien à la production régionale est le plus faible pour le pain dont la qualité repose sur la compétence de chaque boulanger et non sur la provenance de la
farine (sauf depuis l’AOC pour le seigle).
Il en va de même pour la pâtisserie qui est davantage liée au cycle des fêtes
et à la volonté des femmes de perpétuer des traditions. Les usages sont très
variés régionalement : les Valaisans citent les merveilles et les cressins préparées par le boulanger alors que les femmes vaudoises font volontiers ellesmêmes des préparations de pâte levée et une grande variété de tartes. La pâtisserie permet de communiquer et de passer par-dessus les frontières. Dans chacun de nos groupes les participants ont spontanément apprécié de goû ter aux
douceurs provenant d’autres régions ou cantons. Pourtant, comme cadeau
qu’ils apporteraient à des amis à l’étranger, tous nos témoins citent le fromage
en premier ! Seuls les étudiants ont mentionné le chocolat.
La transmission des savoirs
La présence de plusieurs générations dans les groupes de discussion et la
comparaison avec l’enquête parmi les étudiants permettent quelques observations intéressantes sur les questions de transmission de savoirs.
Contrairement à une idée toute fait qui ferait des recettes l’objet principal de
la transmission de la tradition, les jeunes de chaque groupe interrogé ne se sentent pas en peine pour trouver des recettes, même s’ils avouent un manque de
compétence culinaire. Il faut du savoir-faire pour bien apprêter les viandes qui
sont chères. En revanche pour les légumes, il ne faut pas beaucoup de compétences pour cuisiner à la vapeur ou apprêter une salade.
Les manières de cuisiner ont changé et changent. Les jeunes transmettent
également de nouvelles recettes à leurs parents et explorent les cuisines du
monde. De plus les recettes se publient en abondance et les collectes d’anciennes recettes – selon les dires d’une participante – ne nous apprennent souvent
rien de nouveau !
En revanche les discussions ont clairement mis en évidence l’importance des
compétences dans le choix des produits. Certains ont appris de leurs parents
comment se procurer de bonnes choses, chez qui acheter quoi et comment
reconnaî tre la bonne marchandise ; d’autres déplorent de ne pas avoir été initiés à ce savoir qui ne se trouve pas dans les livres de cuisine.
238
Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs
Premières conclusions
Cette enquête–sondage a clairement fait apparaî tre l’importance des compétences des consommateurs dans l’existence des produits régionaux. Savoir
acheter, disposer du bon réseau de fournisseurs, savoir choisir et finalement
savoir décider ce que l’on va manger en quelle circonstance, ces compétences-là
s’avèrent aussi importantes que le seul savoir culinaire. Les produits carnés
demandent le plus de compétence, tant au niveau du choix qu’ensuite de la
préparation et sont, pour le Valais plus que pour les autres groupes, particulièrement emblématiques. Les fromages sont accessibles et les consommateurs en
ont une bonne connaissance. En revanche les légumes et les fruits, réputés
bons pour la santé manquent nettement d’une valorisation culturelle plus
riche de sens.
239
De la cave au grenier
à travers les inventaires après décès
(XVIIe - XVIIIe siècles)
Claudine Remacle
Introduction
Dans les maisons d’autrefois, les espaces
consacrés aux réserves alimentaires et à
leur production étaient particuliers, remplis davantage au mois de novembre,
décembre et janvier, lorsque tout allait
bien. C’étaient des réceptacles sacrés, très
souvent fermés à clef, des entrepôts de
nourriture pour affronter cinq ou six
mois d’hiver et pour passer la terrible
période de la “ soudure” entre les deux
récoltes.
Les réserves contenues dans les greniers
et les chambres de ménage semblent la
plupart du temps en relation directe avec la réalité territoriale locale, en premier lieu, de vastes étendues de champs labourés et secs sur les versants
raides terrassés. S’il y a aussi de la viande et du fromage, c’est grâce à la place importante que l’herbe occupe dans les terroirs cultivés. L’accueil des
bêtes sous le toit de la maison est étroitement lié à l’exploitation des prairies
fourragères et des alpages en été, aux vastes espaces de parcours à disposition. La grande maison rurale valdôtaine est bien sû r un abri, un foyer, mais
c’est aussi un lieu de production alimentaire et un garde-manger pour la
famille et son cheptel.
Les sources sélectionnées
Cette courte étude se base, d’une part, sur la connaissance de l’architecture
traditionnelle acquise par les travaux d’inventaire réalisés par la Surintendance
régionale des Biens culturels et, d’autre part, sur un type de documents se trouvant aux archives notariales d’Aoste1, les inventaires après décès. Ces textes
localisent parfois le mobilier et les réserves alimentaires.
J’ai choisi des archives en rapport avec quelques paroisses de haute montagne où les modèles architecturaux traditionnels sont différents : Ayas dans
241
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
la Vallée de l’Évançon, Cogne dans la vallée de la Grand’Eyvia, et, dans les vallées du Buthier et de l’Artanavaz, un ensemble de communes, Bionaz, Oyace,
Valpelline, Ollomont, Doues, Bosses. À titre de comparaison, j’ai également
examiné des exemples à Introd, commune de moyenne montagne où s’est
déroulée la première journée du colloque. En effet, Introd est située sous 1000
m d’altitude, là où croissent encore la vigne, les châtaigniers et les noyers.
J’avais au départ l’intention de sélectionner des textes rédigés à l’occasion d’un
décès arrivé à la fin de l’automne ou au début de l’hiver, c’est-à-dire dans la
période de l’année où – en principe – la maison est remplie et rassure pour les
jours à venir. Cette piste s’est révélée difficile à suivre parce que l’on meurt en
toute saison et que de nombreux textes ne comportent pas la liste des réserves
alimentaires.
La rédaction des inventaires d’après le Coutumier
Selon l’article 25 du titre II du premier livre des Coustumes du Duché
d’Aouste2, l’inventaire doit être établi entre 3 et 8 jours après le décès d’un chef
de famille et il est rédigé soi-disant sans déplacer les meubles dans la maison,
principalement quand les héritiers sont pupils, c’est-à-dire mineurs (moins de
17 ans pour les filles, 20 ans pour les garçons). Fréquemment, la mère a la charge de l’administration et de la tutelle des enfants, mais ce n’est pas toujours le
cas3. Lors de l’établissement des listes, pour préserver les biens et droits des
pupils, les officiers décrivent sur le registre devant des témoins
tous les biens meubles, immeubles, tiltres et droicts delaissez
par ledict defunct, y inserant les denominations, situations, et
contenance des immeubles, nombre, poids, et mesure,
ensemble l’estimation et valeur des meubles4…
Les notaires ne procèdent pas tous de la même façon. Certains entrent dans
les détails et localisent avec beaucoup de précision leur parcours dans le ou les
bâtiments, en indiquant le passage d’un espace à un autre.
Pour nous, ce sont les documents les plus intéressants, puisqu’ils permettent
de comprendre comment étaient utilisés les espaces intérieurs et leur agencement les uns par rapport aux autres.
La plupart des inventaires commencent par la maison focale ou maison focaire
(la cuisine, pour parler de façon plus actuelle), par le poê le et parfois par l’étable
qui, en haute montagne, était souvent habitée en hiver. Certaines listes comportent des denrées alimentaires, d’autres non. La veuve est priée
d’indiquer tous les meubles et autres effaictz dependants de
ladite hoirie pour le proffit et utilitté des ditz enfants sans rien
cacher ny resceller5.
242
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
En fait, un inventaire après décès ne cite pour ainsi dire jamais les denrées
périssables à court terme et pas toujours celles qui seront nécessaires pour
nourrir la famille avant la prochaine prise, c’est-à-dire ce qu’exige la consommation de la mère et de ses enfants avant les récoltes6.
L’exemple de 1699 qui suit, pris parmi les minutaires d’Ayas7, le démontre.
Liste des meubles appartenant à la mère de Honneste
Catherine, fillie de Maistre Visendaz, unique mineure de seze
ans, [...], la moitie des meubles en assize deslivrés par le
tuteur de la ditte pupille [...], plus son us au tablair qu’est
dans ledict cellier [...], plus a esté deslivré [...] la quantité de
quarante pain de blé seigle cuit, pesant environ cinq livres
l’un, plus environ huict livres de chair de moutons sallée
sèche, plus environ sept livres de sel, plus de farine, ris et
chastagnes blanches pour faire de pouttages, plus un sestier
rande8 de bled, trois quartanes randes d’avoine, deux quartanes et demyes d’orge rande, une quartaine rande de froment,
plus deux livres de burre fondu, [...] lequel pain, granailles et
autres denrées s’entendront pour la nourriture et entretien de
ladicte veufve jusqu’à nouelle récolte, mesme ledit orge, froment et avoine pour ensemencer les champs le printemps prochain là où sera requis de les semer [...].
À Bosses, plusieurs fois, le notaire Marguerettaz biffe les lignes où il avait
repris les réserves de pains et de céréales9. Ce fait explique le vide “ apparent”
de nombreux greniers, qui pourtant sont peut-être pleins, mais il montre certainement aussi l’indigence, puisque les inventaires sans victuailles de réserve
sont très nombreux. La moitié à Ayas et encore davantage à Cogne. C’est dans
cette paroisse que ce phénomène semble le plus marqué. Les femmes y étaient
fréquemment tenues à l’écart de la tutelle par la famille proche du père de
famille décédé10, surtout si elles n’avaient pas d’enfant mâle. Il faudrait examiner de plus près ce sujet pour comprendre s’il y a une relation entre ce régime
successoral particulier en vigueur et le fait que la maison semble vide de denrées alimentaires.
Il convient d’ajouter encore un détail sur la façon de travailler des notaires.
La plupart ne s’arrêtent que sur ce qu’ils jugent de valeur, donc sur les pièces
en métal (fer, bronze, cuivre, étain, laiton...), en plus ou moins bon état, et sur
le mobilier qui a nécessité des heures de travail pour leur réalisation (coffres
en planches menuisées, tables, crédences, buffets). Tout le menu matériel de
cuisine en bois, qui est sans doute décoré et qui nous intéresse tant aujourd’hui, n’apparaî t que rarement chez certains notaires pointilleux ! Or, tout ce
matériel est là, il n’y a aucun doute, vu le nombre d’objets conservés dans les
collections ethnographiques régionales présentées par l’Architecte Cristina
De La Pierre.
243
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Champoluc. À Ayas, les faç ades aval des raccards comportent de petites chambres en bois, souvent
en encorbellement. Ce sont les greniers (Service du Catalogue de l’Assessorat É ducation et Culture,
recensement de l’Architecture rurale)
La visite des maisons
La lecture attentive des inventaires en observant le cheminement des participants a de l’intérêt parce que l’on y retrouve les formes locales de l’architecture
domestique. Seuls certains notaires signalent leur parcours et, dans ce cas seulement, les réserves et les objets sont situés dans l’espace et le temps. Si l’inventaire
est riche, il replace en outre la personne défunte et son mobilier dans le cadre
social de l’époque en touchant le décor “ culturel” de sa vie quotidienne. Ainsi le
23 janvier 1652, à quelques kilomètres d’Introd, au hameau de La Creste
d’Arvier11, on passe en revue les espaces d’une maison de notable et, dans le poê le
de Franç ois de Jean Pierre Martinet, bourgeois, cultivateur cultivé, on trouve
quelques livres parmi lesquels il faut citer La maison rustique de Charles Estienne,
Docteur en médecine, publié à Paris en 1567, un livre dont la présence n’a rien
d’anodin du point de vue des connaissances en matière d’élevage, d’agriculture
et d’alimentation12 ! Le notaire Chantellex, qui inventorie les objets, passe par de
nombreuses pièces, diversifiées en fonction de leur contenu. Il commence par la
maison focale, passe au poêle ou salle à cô té de la maison, monte à l’étage supérieur
et entre dans la chambre de ménage ou garde-robe, puis il redescend au cellier,
situé sous le logis, au niveau du sol, mais sec, remonte au sollan du pain, puis à la
chambre devant la maison focale, va au grenier qui est au-dessus du cellier, puis à la
244
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
crotte près du pressoir et au cellier dit du vin. Il termine la visite au rez-de-chaussée
par l’étable, par la place du pressoir, traverse la cour couverte – comme il y en a à
Introd – pour finir à l’extérieur devant le fenil, où sont rangées des perches pour
gauler les noix et des échelles pour cueillir les fruits aux grands arbres.
À Ayas, le 2 juillet 1674, à la mort de Joanin Obert au village de Pilaz13, sa
veuve consigne les biens un à un en commençant par le poille contre la cuisine,
puis elle passe à la cuisine, s’arrête longuement dans la crotte, puis se dirige vers
la partie rurale de la maison – caractéristique de l’architecture rurale de cette
vallée – en entrant dedans la chambre du levant du grand rascard, continue par le
cellier, puis par une chambre en porte-à-faux au-dessus du balcon – c’est le grenier de la maison – et termine par l’étable. Même si l’on trouve dans la chambre au
levant du raccard, […] deux amets soit arbes pour paistrir le pain et un autre petit, une
toulle et demy douzaine de tables pour porter le pain, il n’y a pas de réserve de pain
signalée dans le bâtiment dont l’intérieur est pourtant très cossu14.
À Cogne, on assiste à un scénario semblable le 20 juillet 172915, quand trépasse Estienne Abram d’Espinel. Il laisse cinq enfants mineurs, un petit garçon
Estienne, et quatre filles.
Valnontey, une péra. À Cogne,
les chambres de ménage pour les
réserves sèches et tous les objets
précieux, la sala et la dessusala, sont au dessus du foyer
dans ce corps du bâ timent en
maç onnerie
(Service
du
Catalogue de l’Assessorat de l’É ducation et de la Culture, recensement de l’Architecture rurale)
245
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Les curateurs entrent premierement dans le poille qu’est de plain pied dedans maison, […] puis ils passent à la salle dessus maison focalle… où se trouvent les vêtements de toute la famille, mais aussi – en principe – les réserves alimentaires
sèches. Plusieurs inventaires font apparaî tre le rôle primordial de ce lieu privilégié des réserves et des semences à Cogne, mais aussi du linge de ménage et
des objets à con-server avec attention. On le nomme en francoprovençal, la
sala et, dans les textes, la sale dessus maison avec éventuellement dans le comble
la dessus sale. Les documents mettent aussi en évidence l’espace caractéristique
de la còr16, indiqué par les mots allée ou alloir, qui, à Cogne, traverse l’ensemble
de la maison au rez-de-chaussée. On y entreposait le matériel encombrant : le bât
du mulet, les réserves de bois et de brouttin17, les traî neaux, les sacs qui contenaient la miniere18.
Page après page, pièce par pièce
En fait, tous les espaces de la maison ont de près ou de loin un rôle lié à l’alimentation. À l’étable, certaines bêtes sont destinées à la boucherie et, de toute
façon, elles sont à la source de la production fromagère et constituent un vrai
patrimoine de réserve : deux vaches, dont une pour garder et une pour engresser19.
É pinel. Fenê tre décorée de la
sala (XVIIIe siècle). En Vallée
d’Aoste, les ouvertures vers
l’extérieur des espaces importants du logis sont entourées
d’un cadre en enduit lissé,
autrefois décoré de signes de
protection (Service du
Catalogue de l’Assessorat
É ducation et Culture, recensement de l’Architecture rurale)
246
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
Dans la Vallée du Grand-Saint-Bernard, certains inventaires sont très pointilleux sur l’endroit où est disposé le mobilier. Le notaire Marguerettaz travaille au hameau de Cuchepachy, le 17 février 1707, donc en plein hiver. De la
feuille 3 à la feuille 12 du minutaire20, il établit la liste des biens meubles de
l’hoirie de Barthelemy Marguerettaz. La visite en sa compagnie est pleine d’enseignement et cet inventaire nous servira, page après page, pour décrire
les maisons pièce par pièce, garnies de leur ameublement principal – sélectionné pour éviter les longueurs :
premièrement, dans la maison focalle, laquelle ont retreuvé
d’heuement fermée avec la serrure et la clef, […] une crémallière à quattre jambes et dix boucles, plus une courtoisie 21,
plus un bernageoz22 un peu gasté, en laquelle cuisine, on y a
retreuvé un buffet de bois dans la muraille avec quattre
portes, bois vieux un peu gasté, plus un mortier de pierre cerclé […], un livrail23 […], plus un barrillion […], plus un
chappleur de frenoz […].
La maison focale ou focaire, selon les lieux, est la cuisine par excellence
avec, sur le mur du fond, le foyer, l’âtre. Elle est en général au premier étage,
de préférence au-dessus d’une cave voû tée, la crotte ou grotte. On y accède par
un escalier extérieur en pierre. On y trouve logiquement, en premier lieu, les
accessoires du foyer : les crémaillères métalliques avec le nombre de bras et de
boucles (un crumacle à trois jambes et douze bourcles24), la pelle à feu, les trépieds
pour poser casseroles, chaudrons, poêlons, poêles à frire à poser sur le feu vif
ou la braise, etc. Certes, le nombre de ces ustensiles varie suivant le niveau
social de la personne décédée, allant, par exemple à Ayas, du droit d’utilisation d’un quart de la chaî ne à la demi-douzaine de crémaillères. Les listes des
accessoires de cuisine n’en finissent pas dans les maisons cossues et, au
contraire, sont réduites à l’essentiel chez les moins nantis. Il en va de même de
la diversification des ustensiles.
Les ustensiles pour rô tir ou griller, broches, tournebroche ou grils, sont
rares, de même que les ustensiles pour moudre (moulin à café ou à sel) ou
encore pour aiguiser (une moule de pierre avec ses guises de fer pour eguiser...). À
la fin du XVIIIe siècle, en haute montagne, les cafetières sont encore exceptionnelles, l’apanage d’une élite qui veille à suivre la mode25. La mode – les textes
anciens le prouvent – pénètre, à dos d’homme ou de mulet, jusqu’au cœur des
vallées les plus profondes.
Par contre, certains ustensiles de cuisine se retrouvent dans toutes les
maisons, comme l’essentiel pour puiser (la louche et la louche trouée, la
poche tenante et la poche percee), pour râper (une grattuise de fromage), pour
piler (le mortier à sel et son pilon, un mortier de pierre fort bon avec son piston
de bois), pour brasser (la baratte et son moudon), pour cuisiner (chaudrons,
bron, casseroles, poêles), pour manger (assiettes ou tranchoirs en bois, écuel247
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
les, cuillers). La poêle à châtaignes en fer avec son long manche en bois se
rencontre souvent dans les villages d’altitude.
La visite de la maison Marguerettaz continue en passant par la pièce voisine
de la cuisine, le poê le, lieu de vie par excellence :
plus on est entré au poille, on y a retreuve […] une forme
de lict […] une table avec ses jambes à bras en croix, deux
banches […], plus audit poille un fourneau de pierre, plus un
coffre de bois dheuement fermé bois de sappin […] de la contenance de deux setiers […], plus un petit tablair […], de là on
est allé dans la cuisine basse, […] de là , on est allé dans la
chambre dessus maison basse […] où sont rangé les
outils de la campagne, mais où il y a aussi une forme de
lit […], de là , on est entré dans l’ autre chambre qu’ est sur
la grande grotte, un grand coffre […], cinq petits chanons
[…], deux autres petits coffres […].
Cette chambre sert aussi d’entrepôt à l’outillage pour travailler le bois, aux
étains et à tous les ustensiles liés à la fabrication du fromage que je ne citerai
pas ici.
L’inventaire des objets est long, les pages se suivent, mais il n’y a toujours
pas de réserves alimentaires, à part une petite boette ronde à tenir sel beni pleine,
qui nous rappelle qu’à Bosses se pratiquait aussi la bénédiction du sel le jour de
la sainte Agathe, sel que l’on conservait soigneusement dans une boî te pour
protéger la maison.
C’est à partir de la page 7 que l’on entre dans la chambre dessus : en fait,
c’est le grenier à viande et à céréales qui nous permet d’entrer dans le vif du
sujet26. On y retrouve :
un coffre […], deux mesames de lard pesant trois rups et dix
huict livre, quattre poitrines de bovines sallées et seiches
pesantz un rup et vingtune livre, plus cinq langue de bovines
pesant neuf livres et demy sallées et seî ches, plus dix neuf
livres de saucisses seiches, plus cinq rup de chair sallée de
bovine seiche, cinq toises de boyau, plus deux méchantz corbet, plus deux couteaux, plus une courbette, plus sept sacs
moins une emine de bled mesure d’Aoste tauxee vingt livres le
sac, plus quattre centz pains de seigle de pain de Toussaint
[…] cinq livres l’un, plus vingt une livres de lentilles, plus
cinq quartanes de légumes appelles arveillies, plus trois quartanes de febves, plus trois quartanes d’avoine, plus dix toiles
de sacs de trois sestiers […].
248
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
Cette longue description, comparée aux autres inventaires après décès
considérés pour rédiger cet article (voir tableaux n. 4 et 5), présente une grande
variété, mais est bien loin d’évoquer les deux greniers à viande combles de
Valgrisenche, étudiés par René Viérin27. Il est pourtant évident que l’on a abattu
plusieurs bêtes bovines, alors qu’à Valgrisenche, on a l’impression de se trouver
dans l’entrepôt d’un boucher.
La visite continue par la cave à fromage :
de là on est allé à la grotte soubs la cuisine […] plus un
tour virant à tenir fromages à cinq tablairs […], plus un
goveillon de repotaz28 d’environ un barril, cerclé de fer, plus
deux rup moins trois livres de griviere, plus un gavion plein
de beurre, […], plus un autre gavion presque plain de beurre
fondu pesant le tout cinquante six livres et demy, et onze
livres de vacherins des chèvres vieux, plus quattre rups moins
cinq livre de fromage de vache, deux tiers my meurs et un
tiers frais, plus trente livres de ceras gras de l’arp, plus trente
livre et demy de ceras maigre de l’authomne, plus un autre
goveillon de repotaz d’une cellée, […].
Les réserves de fromage sont très diversifiées : environ 20 kg de griviere, 40 kg
de fromage de vache, frais ou mû r, 12 kg de sérac gras de montagne et 12 kg de
sérac maigre et, au surplus, 4 kg de vieux vacherin de chèvre. La présence du tour
à fromage à cinq étages est exceptionnelle, car les autres listes, quelle que soit la
zone géographique considérée, ne proposent en général que des tablairs ou tablers
accrochés au mur sur des consoles, mais légèrement écartés de la paroi pour
empêcher les souris de les envahir. Il y a souvent plusieurs planches à la cave :
dix ais à tenir fromages, vulgairement appellés tablers, de la
longueur environ d’une toise et de largeur d’environ un pied,
les uns de bois de sappin, les autres de bois de meleze29.
À Ayas, par contre, dans la maison de Pierre de Mathieu Obert, on trouve à
la cave un coffre pour tenir fromage.
Parmi les denrées alimentaires entreposées à la cave de Cuchepachy se trouvent deux autres composantes essentielles de l’alimentation en haute montagne :
le beurre cuit ou fondu (voir tableau n. 3) et le chou (voir tableau n. 1), un
goveillon de repotaz d’environ un barril. Le beurre après cuisson lente est coulé ici
dans des gavion, c’est-à-dire des vases de bois à l’usage de tenir beurre fondu30.
Ailleurs, on trouve plutôt cette réserve de graisse dans un ou plusieurs vases en
terre, un dol tenant quinze livre remplis de burre cuit31.
Le chou quant à lui est également conservé après cuisson. On le trouve aussi
dans le Valpelline, à Saint-Oyen, un barillon de repotaz32 et à Introd : plus de chouz
249
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
cuit en repotte environ pour remplir une selle demine33, par contre il n’y a aucune
attestation à Ayas.
À Valpelline en 173134, il apparaî t que les récipients en terre cuite conservés à
la cave peuvent servir pour d’autres denrées : un doil de terra tenant environ un
rub et dans icelly demy rup de vin cuit de pomme.
La visite de la maison Marguerettaz procède en passant d’une cave à l’autre :
de là on est allé à la grande grotte cave du vin, laquelle
on a treuvé fermé e avec la serrure et la clef […], on a
treuvé cinq tablairs doubles attachés long de deux toises de
longueur, une petite matre35 avec son couvercle, un gros tronc
pour chappler36 la chair, plus trois entonnoirs […], trois paires
de barrils […], une petite grolle37 neufve avec son couvercle
[…], un thonneau cerclé de fer de quattre charges plaine du
meilleur de son vin […], un autre thonneau cerclé de fer […].
À Bosses, comme dans toutes les autres vallées latérales, des tonneaux, plus
ou moins nombreux, en file, garnissent les caves, symbole des migrations
vers la plaine viticole, vers Aymavilles pour Cogne, vers Saint-Vincent et
Chambave pour Ayas, vers Saint-Christophe et Quart, surtout, pour les paroisses du Valpelline, vers Signayes et la colline d’Aoste pour la Vallée du
Grand-Saint-Bernard.
Revenons à Cuchepache, le notaire, la veuve et les témoins sortent de la
cave, contournent le bâtiment par l’extérieur pour entrer au fenil par l’amont :
de là on est allé au pailler […], plus les deux trapeys38
garnys de dix neuf lattes et plusieurs quennes39 et tous deux
remplis de paille […], plus, outre que sus, deux fais de paille
de bled que d’arveilles 40, plus une toise et deux tiers de
recor41, plus onze perches, plus deux civière à porter fumier,
plus huict estaches42 neufves percées, plus deux balles de
vions43, […].
La visite de la maison de Cuchepache est à un tel point complète que le
notaire s’attarde longuement sur les balcons et dans la basse-cour où il n’oublie rien, semble-t-il, attentif au moindre détail, au moindre morceau de bois :
le mantelage en planches et en dosses de la façade, la réserve de bû ches, le
billot pour fendre le bois, six mangeoires pour la volaille, des perches munies
de chevilles en bois pour le séchage des légumes comme les fèves ou les
feuilles de raves :
plus la fascade devant maison basse entourée de bois et d’aix,
plus environ deux tiers de la place devant maison entourée de
250
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
Cuchepache. Les chambres de ménages sont au deuxième étage au-dessus du logis ou au niveau
du fenil. Celui-ci est très aéré grà ce à un mantelage léger en planches. (Service du Catalogue de
l’Assessorat É ducation et Culture, recensement de l’Architecture rurale)
palins soit aix courts, plus six quonques44, plus environ une
toise de bois en billon, plus une petite cleaz 45 devant la
chambre dessus, plus deux perches à pendre febves avec leurs
chevilles, plus deux eschelles […].
Dans l’étable, le cheptel est relativement nombreux, varié (voir tableau n. 6),
mais le mobilier, décrit avec précision, montre que la famille y séjournait pendant la journée en hiver :
de là , on est allé à l’estable, on y a treuvé un gros tronc de
bois, deux grandes brelles46, deux cleyes, une porte, quatre
chèvres et un chevrot tauxées vingt six livres […], plus une
brebis, quatre livres, une jument, cent et quattre livres […],
cinq vaches […], un veau […], huict poules et un coq […], un
buil47 des poules […].
En général, dans ces textes, le systématisme des notaires et le foisonnement
de mobilier, sommairement décrit, donne une impression de grand désordre.
Or, ce n’est pas le cas. Un ordre réel régnait dans ces maisons paysannes, dans
ces chambres dessus maison, dans ces salles. Les photos de quelques intérieurs,
présentées dans l’article de Cristina De La Pierre, suggèrent l’esprit de ce fouillis
251
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
apparent, mais ordonné. Outillages et vêtements voisinent avec les paniers et
les hottes soigneusement rangés, mais parfois aussi avec les cordes de chanvre,
les sacs de semences et le pain.
Les œ ufs : tous dans le mê me panier ?
La variété des objets voisins les uns des autres est en rapport direct avec l’exigence de la conservation, mais aussi avec la nécessité de l’économie et de la prévoyance. Dans les inventaires qui énumèrent les réserves, les céréales et le pain
sont très fréquents en haute montagne, de même que le beurre fondu. À l’étable,
dans les maisons des moins pauvres, la variété du cheptel traduit une forme de
prudence (voir tableau n. 6). Les bêtes bovines alignées devant les crèches sont
d’âges différents : vaches ayant fait un ou plusieurs veaux, génisses, génissons,
anoilles48, veaux (du nouveau-né au veau d’un an). À côté sont logées quelques
brebis ou des chèvres avec, si c’est la saison, un agneau ou un chevrot. Les ani-
É tirol, Torgnon. Un grenier bien en ordre. (Service du Catalogue de l’Assessorat de l’É ducation
et de la Culture, recensement de l’Architecture rurale. Photo René Monjoie)
252
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
maux de trait, ou les montures, sont rares dans le Valpelline, mais très fréquents
à Cogne et surtout à Ayas. La volaille est pour ainsi dire absente à Ayas (1 cas
sur 20) et à Cogne (2 cas sur 10), mais par contre, les poules (souvent sous la surveillance d’un coq !) sont citées dans 4 cas sur 15 dans les vallées au nord
d’Aoste. C’est d’ailleurs uniquement à Valpelline que les notaires prennent la
peine de parler d’œufs. Encore aujourd’hui, les personnes âgées de cette vallée
rappellent volontiers que, le mardi, les femmes descendaient à pieds au marché
d’Aoste pour vendre des œufs : un aller et retour dans la journée. D’après la
quantité impressionnante d’œufs que l’on trouve dans deux inventaires (tableau
n. 3), il semble que ce souvenir se fonde sur la réalité, une manière de résoudre
le problème du numéraire qui aurait déjà été pratiquée dans un passé bien plus
ancien : 6 douzaines chez André Favre aux Ansermins en 1743 et 4 douzaines
chez Jacquemod au hameau des Gontés en 175149.
Il existe une relation claire entre la composition du cheptel à l’étable et le
tableau n. 3, très dense, qui illustre la façon dont sont garnies les caves à fromage. Ce tableau est consacré aux produits dérivés du lait qui sont à la base de
l’alimentation en montagne : beurre frais, beurre cuit, fromages communs, frais,
secs ou rassis, fromages d’alpage ou gruvières, ceras gras ou maigres, souvent
dits de montagne. Le fromage de chèvre est extrêmement rare, trois citations seulement (Bosses 1707, Valpelline 1731, Cogne 1732).
Les bêtes à l’étable constituent certainement, en cas de crise, une réserve de
viande, mais le petit nombre de têtes que l’on a partout montre, en général, qu’il
n’y a pas de spéculation commerciale, à part peut-être dans le cas de Jean Michel
Vaudan qui a 14 vaches. De toute façon, comparé aux formes d’élevage
actuelles, c’est encore un petit nombre. Au grenier, la présence de charcuterie, de
viande sallée sèche préparée au début de l’hiver est l’apanage des familles les plus
aisées, car la plupart des textes n’en comportent pas ou peu. Il s’agit probablement de morceaux de viande entiers (voir tableau n. 4). Les animaux abattus
pour la boucherie familiale sont variés : le menu bétail (moutons et chèvres) et
les vaches. Il n’est question qu’une fois de viande de porc et il faut noter
que, curieusement, on n’a pas rencontré un seul cochon dans les étables.
Aujourd’hui, les saucisses sont devenues la forme de charcuterie la plus courante, mais, là encore, les inventaires réservent des surprises : dans la famille
Chenal du Bouioz à Oyace, on vient d’acheter un entonnoir de fer blanc des socisses
neuf 50, mais on ignore s’il a déjà servi. On trouve des saucisses citées dans trois
cas seulement : à Bosses en 1707, et deux fois à Doues, en 1763 et en 1772.
Le pain
Dans la maison, le pain était rangé sur des râteliers droits ou horizontaux,
suspendus pour éviter l’accès des rongeurs, installés souvent dans des pièces
spécialement aménagées à cet effet, appelées alors chambre, chambre dessus maison ou sollan du pain.
253
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
La cuisson collective annuelle, considérée aujourd’hui par la tradition comme
un évènement marquant du calendrier, se déroulait pourtant à différents moments
de l’année, en fonction des besoins. Cependant, le début de l’hiver est sans aucun
doute la période où l’on faisait ses provisions, son gnallet51. Ce mot est utilisé dans
la vallée de Rhêmes pour indiquer le local de conservation des pains et, dans le
Valpelline, les notaires le citent fréquemment pour les pains durs ou pains de
seigle cuits au commencement de la mauvaise saison. Ce moment préférentiel se
remarque dans le tableau n. 2. Les inventaires parlent de pains de Toussaint ou de
cuite de Noë l. Les notes du notaire Jean Pierre Desenfans d’Ayas52 sont évocatrices à
ce sujet. Elles montrent la tendance à préparer les réserves de pain en plein hiver,
mais aussi éventuellement en mars. Ce notaire est certainement d’âge mû r vers
1725. À cette période, son fils Martin s’émancipe et part travailler comme scieur
de long en Piémont ou va “ trafiquer” vers l’Allemagne. De temps en temps, Jean
Pierre Desenfans indique, sur le dos de la page d’en-tête de ses registres, la date à
laquelle il fait cuire le pain et la quantité enfournée. Ainsi, il note en 1720 :
le pain quit le 22 janvier 1720, nombre 60. Vivre Jesus et
Marie. Le 25 may l’emancipation de Martin Desenfans, recue
par Mathieu Obert. Le jour de la sel le 6 janvier 1720.
En 1724 : du jour 9 fevrier 1724 de la quantite de trois fornaux de pain + 280. Des pains susditz ien ay rendu 5 à Jean
Michel Borbay qu’il mavoit presté.
En 1727 : Quit le pain le 16 janvier 1727. Acheté un sestier
de blé avec Jaques Heresa qui me le quira ces jours proche ce
3e mars 1727 au prix de 5 Livres.
Expédié deux proces à Jean Pierre Vuillermet Gressonay, pour
demy livre de tabac, il me doit 3 Livres au moins ce 5e mars 1727
Vive Jesus et Marie. Soyez les expous de ma vie.
À Ayas, le pain de seigle cuit est cité, mais très irrégulièrement. Par contre,
dans les vallées du Buthier et de l’Artanavaz, le pain dur, de seigle dit de gnallet
ou de niallet fait vraiment partie des réserves en toute saison.
On en trouve 300 en 1759 dans un petit grenier en bois, dépendance de la
maison de Jean Barthélemy Brédy53 à Vernosse (Oyace) ou, en 1773, 80 dans la
chambre au-dessus de la maison à Dzovennoz (Bionaz)54 sur douze rateliers à tenir
pains, pour un sac de grain chacun. L’interprétation de ces données est cependant
très délicate, car il faut tenir compte du contexte familial. Dans la première
famille il y a cinq enfants55, dans la seconde un seul, probablement très jeune,
car le notaire signale en plus un autre petit qui doit naî tre56.
En 1732, chez le Sieur André Gilliavod, lieutenant et juge de la vallée de
Cogne, on trouve une quantité de pains qui bat tous les records : 678 pains, la moite
d’iceux dur et sec et 13 pains buirattés. Dans la salle de l’épicière Grappein, au Village
254
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
de l’Église, le 7 juillet 1796, on trouve du pain de différentes quali-tés : 2 rups, 16
livres 6 onces de pains durs […], 19 livres de pain frais […], 15 livres de pains frais blutés.
Il y avait également du pain frais chez Collomb le 2 mai 1733, 7 rups de pain frais
[…], à côté de 2 rups et 13 livres de pain dur de la Toussaint de l’année precedante.
Ces exemples semblent indiquer une plus grande variété de pain à Cogne
que dans le Valpelline.
Les légumineuses et les céréales
Vraies céréales supplétives, les légumes secs sont une source de protéines
indissociables de la diète traditionnelle : lentilles, pois, haricots, fèves. Ils méritent qu’on s’y arrête un instant, car, dans les inventaires, le vocabulaire utilisé
met en évidence des cultures oubliées. Il est parfois précisé que la ravisse seche57
et les oignons sont en chene58. Les haricots (faysou, faysols, aricoz), fèves, lentilles,
piollette, sont par contre conservés dans de petits sacs de toile ou de peau que
l’on appelle des sacs ou des malles, mallettes ou mallettons. C’est à basse altitude
que la diversité est la plus forte. À Saint-Christophe pour des familles d’Oyace :
[…] plus un petit sac de peau avec une emine de legume soit
piollette dedans […], plus un petit sac de peau avec une quartane de lentille dans iceluy […] plus encore deux petits sac de
peaux […], à côté d’un doil à mettre l’huyle de la contenance
Glassier, Ollomont. Dans le Valpelline, la cave est fréquemment contre terre et sous le fenil. Le grenier est au deuxième étage au-dessus du logis (Porte en haut à droite) (photo Claudine Remacle)
255
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
de deux rups et d’un cousoir pour egaillonner les sollans, des
pains de gnialets, des fils d’étoupes ou de recollines59.
D’après le dictionnaire de Chenal et Vautherin, les piollette ou piolet seraient
une sorte de petits pois aplatis d’un côté, à Quart, la lentille, et l’arveilla serait
aussi le nom de la lentille, mais à Brusson. Toutefois, dans les inventaires, la
présence des lentilles à côté des piollette ou des arveilles semble indiquer que ce
sont des aliments considérés comme différents60, mais lesquels ?
Dans les maisons, on trouve les céréales pour ensemencer les champs,
conservées précieusement dans l’endroit le plus sec du grenier, de la salle ou de
la chambre, souvent à côté des pains, près des vêtements, des cordes, des écheveaux de laine ou du chanvre à filer.
La forme des céréales varie suivant les saisons : javelles au pallier ou au raccard, semences bien choisies, grains soigneusement vannés dans des sacs de
toile, de la contenance de un à trois sestiers, farine tamisée ou non, pains plus
ou moins secs, ou durs, rangés sur des râteliers.
Il arrive que les prises de l’été ne soient pas encore battues. C’est le cas dans
la maison de la veuve de Martin Merlet à Ayas :
plus a consigné quelle aura a battre de blé environ neuf charge,
soit cinquante quattre quartaines comble, plus deux quartaines
de froment, plus six quartaine d’orge61.
En général, les réserves de céréales sont diversifiées (voir tableau n. 1) surtout à moyenne altitude, comme à Introd, à Doues ou à Oyace. Voici deux
exemples dans lesquels les greniers des maisons sont encore remplis de
réserves sèches très variées au mois de mars, mais il est probable qu’une partie
d’entre elles serviront à ensemencer les champs. Dans l’hoirie d’André Buillet,
de Plan-d’Introd, le 5 mars 168162 a esté retreuvé :
- huict vingts pain cuict, lesquels ont este seputte à la valleur d’onse sestier de ble,
pesants les dits pains pour un chacun, l’un portant l’autre, environ six livres,
attendu qu’ils sont fort sec,
- plus une emine de ble, messure d’Aouste,
- plus trois emines d’orge,
- plus un sestier de seiglette,
- plus trois quartane de fromen, une emine duquel ont dit vouloir employer pour
faire le pain beny,
- plus trois quartane d’avoine,
- plus environ un sestier de semence de chanvre,
- plus quattres sestier en noix,
- plus sept rups de noyaux de noix vulgarement appelle grumaux,
- plus cinq pallattier63 pour tenir le pain […].
256
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
Voici un autre exemple à Oyace. Le 6 mars 176064, au Bouioz, dans l’hoirie
Chenal, les réserves sont constituées comme suit :
-
plus un petit sac de peau de chevre, tenant une emine, rempli d’orge pillé,
plus trois quartanes de chenevaz65,
plus une émine d’arvelle,
plus cinq eminals de froments,
plus cinq eminals d’orge,
plus un eminal d’aricoz,
plus une quartane de farine de segle et orge,
plus un petit sac de toile grosse tenant une quartane remplis de bourre d’orge,
plus six livres de pain de noix,
plus un setier de ballais de ble dit equiriente,
plus huit eminal d’amandes,
plus trois livres de sel,
plus trente pains d’orge,
plus la quantité de trente cinq pains de segle dit niallet,
plus cinq quartannes de tartifles […].
Au XVIIIe siècle, les Valdôtains sont comme tous les Européens des mangeurs de pains, mais aussi de bouillies, de soupes, et bientôt... de tubercules.
Contrai-rement au riz qui existe dans les maisons cossues pendant toute la
période prise en considération (voir tableau n. 1), les pommes de terre sont
rarement citées et font une apparition remarquée et tardive. Vu la réaction
négative du fameux Docteur Grappein envers ces fruits de la terre au cours du
XIXe siècle, on aurait pu imaginer qu’il n’y en aurait pas à Cogne au XVIIIe siècle.
Cependant, le 7 juillet 1796, dans la cave de la boutique Grappein au village de
l’Église, à côté des tonneaux qui contiennent des vins d’Aymavilles et de SaintPierre, il y a quatre emines de pommes de terre taxé vingt quatre sols l’emine (environ 90 litres). Je n’en ai pas remarqué, par contre, dans la vingtaine d’inventaires consultés concernant Ayas. Au nord d’Aoste, en revanche, on trouve
dans le corpus qui a servi de base pour rédiger cet article trois attestations de
pommes de terre à partir de 176066. Le cas d’Oyace est particulièrement intéressant puisque l’inventaire date du début du mois de mars et qu’il y a dans la
cave cinq quartannes de tartifles, c’est-à-dire un volume d’au moins 55 litres. En
outre, on sait, par un contrat de location, que le Noble seigneur FrançoisJoseph Passerin de Sarre, résidant dans la Cité, en fait cultiver dès 1745 dans
son grangeage du Montceni67.
Parmi les plantes qui ont révolutionné l’alimentation “ traditionnelle” des
Valdôtains, le maï s est plus précoce que la pomme de terre. C’est aussi, pourtant, au cours du XVIIIe siècle qu’il semble pénétrer dans les maisons. Il apparaî t
dans les trois zones géographiques considérées, mais son nom varie : on parle
de melliaz à Ayas en 1743, de miglia à Valpelline en 1764, et, à Cogne, de mergaz
en 1732, de bled turc en 1773 et de mays en 1796.
257
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
La noix dans tous ses états
Les noyers poussent jusqu’à 1200 mètres d’altitude, parfois plus haut, mais
c’est exceptionnel. Dans les inventaires des paroisses montagne et de Valpelline, les citations de noix sont fréquentes, de même que celles des cerneaux,
d’huile et enfin, de troillet, de pain de noix. Par contre, dans les paroisses de
haute montagne, comme Bionaz, Oyace, Cogne, Ayas, l’huile n’est pas très fréquente. Elle est peut-être présente pour alimenter les petites lampes d’éclairage,
mais les notaires ne la citent pas. Au surplus, il n’y a ni fruits, ni grumaz, c’est-àdire ni cerneaux. Les cerneaux sont conservés pour un temps limité ; on cassait
les noix aux cours des veillées au début de l’hiver et ce n’est qu’ensuite, au
mois de novembre et de décembre, qu’on les portait au pressoir. Les pains de
noix, les trolliets, sont des galettes de pulpe de noix pressée. Elles sont fréquemment citées et conservées dans les greniers près des céréales et jusque dans les
villages d’altitude. L’huile, par contre, est dans un endroit frais, souvent à la
cave, dans des doils, des jarres de terre cuite.
Des goû ts venus d’ailleurs
Dans les maisons les plus cossues, on trouve dans la chambre dessus de maison
[…], une petite boiste des espices68, comme, en 1683, dans l’habitation de feu
Richard Farcoz du village d’Estrané à Valpelline69. Il y a également des boî tes de
ce genre à Cogne dans les maisons importantes, celle du Juge Gilliavod ou celle
du notaire Favre, mais il est plus intéressant encore de savoir ce que contenaient ces boî tes. En 1710, la brève description de l’intérieur de la petite bouttique de feu Jean Pierre Valsuan à Valpelline, originaire de Locanaz, le suggère.
On y trouve un once de clou de geroffles70 à côté de papiers, de clous, d’épingles,
de trois rosaires, d’aiguilles, de neuf petits alphabets ou cinq catéssisme de Lyon.
À la fin du XVIIIe siècle, la bouttique de la veuve de Jacques Antoine Grappein71
révèle une plus grande variété des épices en vente à Cogne, pour les mieux nantis, cela va sans dire. La diversité des denrées est extraordinaire et met en évidence l’existence d’un commerce intercontinental qui touche, déjà à cette époque, le
cœur des Alpes. On y trouve une livre et dix onces de poivre à cinq sols l’once, onze
onces d’anis à deux sols l’once, quatre onces de clous de giroffle, à côté du sucre candi,
du miel, de la cassonade fine ou grossière, de jus de glisse, d’huile de noix et d’olive, de vingt trois livres de café de la Martinique et d’un seul bâton de choucolaz !
Ce texte met en lumière, semble-t-il, l’existence dans les vallées latérales valdôtaines d’une élite au courant de la mode en Europe et surtout d’une autre réalité sociale que celle qui nous a été inculquée au XXe siècle concernant les habitants
des communes “ reculées” de haute montagne. Il montre surtout qu’à côté du
poids énorme qu’occupait le pain, le beurre et le fromage dans la survie, existait
aussi, pour certains, le superflu.
258
Réf.
21/2/1699
17/5/1735
7/3/1743
27/6/1774
3/1/1652
20/1/1681
12/2/1714
7/2/1726
7/1/1737
11/12/1777
24/4/1718
18/8/1773
12/11/1793
9/12/1754
28/4/1759
Lieu
Ayas
Ayas
Ayas
Ayas
Arvier
Introd
Introd
Introd
Introd
Introd
Bionaz
Bionaz
Bionaz
Oyace
Oyace
Trolliet
Pommes
de terre
Pommes
de terre
Trolliet
Oignons
Pommes
Troilliet
Meillaz
*
*
*
*
*
*
*
*
Grains
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Farine
*
*
*
Pains
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Farine
*
*
*
*
*
*
*
*
Grains
Farine
*
Gruau
*
*
Grains
*
*
*
*
*
Gruau
Froment
Grains
*
*
*
*
Pains
Arvelle
Petit seigle
*
*
Légumineuses
*
*
*
*
*
Lentilles
Fèves
Avoine
*
*
*
Haricots
Orge
Pois
*
*
*
*
Choux
Riz
Ch
â
*
Vertes
Seigle/Blé
Piolet
gn
*
*
Noires
es
ta
i
Blanches
Sel
Fruits
*
*
*
*
*
Noix
*
*
*
*
Cerneaux
Divers
*
*
*
*
*
*
Huile
Tableau N. 1 - Les réserves sèches : céréales, légumineuses, choux, châ taignes et noix
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
259
18/1/1775
24/3/1774
Doues
Étroubles
Valpelline
17/5/1743
Valpelline
9/2/1683
Valpelline
7/1/1707
Valpelline 13/10/1731
28/4/1768
19/2/1763
21/6/1772
6/3/1760
Ollomont
Doues
Doues
Oyace
Amandes
Vin cuit de
pommes
Πufs
Meliaz
Pommes
de terre
Poudre de
marc de
pommes.
Genévrier
Troilliet
Tartifles
Trolliet
Amandes
Pains d’orge
*
*
Grains
*
Farine
*
*
Pains
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Farine
*
*
*
*
*
*
*
Grains
Farine
*
Gruau
*
*
*
*
Grains
Froment
Grains
*
*
Gruau
Sel
*
*
*
*
Pains
Arvelle
Avoine
Légumineuses
*
*
*
*
*
Lentilles
Fèves
Orge
*
*
*
*
Haricots
Seigle/Blé
*
*
Pois
*
*
*
Choux
Riz
Ch
â
*
*
*
Vertes
Divers
Piolet
gn
*
Noires
es
ta
i
Blanches
Réf.
Fruits
*
Noix
*
Cerneaux
260
*
*
*
Huile
Lieu
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Petit seigle
Valpelline
Valpelline
St-Oyen
Bosses
Bosses
Cogne
Cogne
Cogne
Cogne
Cogne
Cogne
13/2/1764
19/6/1751
3/4/1709
17/2/1709
19/11/1712
10/4/1731
20/7/1729
31/5/1732
2/5/1733
4/2/1773
7/7/1796
Bled turc
Mays
Amandes
Oignons
Pommes
de terre
Trolliet
Mergaz
Miglia
Sel
*
*
*
*
*
*
*
Grains
*
*
*
*
*
*
*
*
Farine
*
Pains
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Grains
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Grains
Farine
*
Gruau
*
*
Grains
*
*
Gruau
Froment
Farine
*
*
Pains
Arvelle
Petit seigle
*
Légumineuses
*
*
*
Lentilles
Fèves
Avoine
*
Haricots
Orge
Pois
Seigle/Blé
Piolet
*
*
*
*
*
*
*
*
Choux
Riz
Ch
ât
Vertes
ne
*
*
*
*
Noires
s
ai
g
Blanches
Divers
Fruits
*
*
Noix
Cerneaux
Réf.
*
*
*
*
*
Huile
Lieu
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
261
262
Pilaz (Ayas)
Résy (Ayas)
Periasc (Ayas)
Le Crest (Ayas)
Plan-d’Introd
Ville-dessous
(Introd)
Aux Ansermets
(Introd)
Ville-dessus
(Introd)
Ville-dessus
(Introd)
Puillayes (Bionaz)
Ruz (Bionaz)
Jovenoz (Bionaz)
Perquis (Bionaz)
CT021
CT021
CT011
CT458
AO554
AO1570
AO051
AO051
AO2656
AO389
AO560
AO1580
AO1576
Antagnod (Ayas)
Lieu
CT971
Réf.
Favre
Vaudan
Chentre
Vaudan
Buillet
Buillet
Jaccod
Bourgeois
Obert
Brunod
Buillet
Quey
Viot
Visendaz
Hoirie
5 mai 1702
24 avril 1718
18 aoû t 1773
12 novembre 1793
11 décembre 1777
11 janvier 1737
2 février 1726
12 février 1714
7 mars 1743
27 juin 1774
5 mars1681
17 mai 1735
6 juin 1737
21 février 1699
Date, progressive
100 pains durs cuits
80 pains durs de niallet
80 pains dur
100 pains, moitié d’une annee et moitié
de deux mois
deux sacs et demi de pain cuit
190 pains de 4 à 5 livres l’un
72 pains de cinq livres l’un
40 pains de ble seigle cuit pesant environ cinq
livres l’un
70 pains dur d’environ 5 livres l’un
du pain jusqu’à la recolte, sinon qu’il luy manque
du sel, deux rups, et qu’il a du grain pour faire
du pottage estimé à deux livres
200 pains cuitz de seigle
100 pains petitz
160 pain cuict pesants… 6 livres l’un car fort secs,
a la valleur de 11 setiers de bled
80 pains de Toussaint de 4 à 5 livres
Nombre de pains
Tableau N. 2 - Pains et pommes de terre
Une matre remplie de
pommes de terre, la matre
taxée deux livres et les
pommes de terre deux
livres, en tout quatre livres
Pommes de terre
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
AO406
AO066
AO405
AO1331
AO1331
AO068
AO069
AO068
AO066
AO068
AO068
AO068
AO747
AO068
AO069
Réf.
Bourg (Étroubles)
Vaud (Ollomont)
Les Reys
(Ollomont)
Bouioz (Oyace)
Vernosse (Oyace)
Bouioz (Oyace)
Lestrané
(Valpelline)
Arliod (Valpelline)
Bourgcindré
(Valpelline)
Tholes-dessus
(Valpelline)
Les Gontés
(Valpelline)
Cuchepache
(Bosses)
La Thuilettaz
(Bosses)
Doues
La Cou (Doues)
Lieu
Perrier
Nex
Cuaz
Ronc
Marguerettaz
Jacquemod
Favre
Rosset
Bal
Chenal
Bredy
Chenal
Farcoz
Viveys
Vevey
Hoirie
24 mars 1774
16 février 1763
21 juin 1772
1712 (?)
17 février 1707
19 juin1751
17 may 1743
11 janvier 1707
13 octobre 1731
9 décembre 1754
28 avril 1759
6 mars 1760
9 février 1683
6 janvier 1704
28 avril 1768
Date, progressive
256 pain de gnalet
196 pains de seigle dur de mediocre grosseur
37 pains moitié seigle, moitiés avoine,
de médiocre grosseur
44 pains de seigle durs > 5 sols / L.
ditte tartiffle > 18 sols / L.
440 pains de seigle de pain de Toussaint…
cinq livre l’un
3 rups de pains frais
135 pains durs
141 pains de gnallet 6 pains rassis
70 pains cuitz
65 pains durs
240 pains de gnalet + encore 20 pains dur de gnalet
60 pains 240 pains de segle de niallet
30 pains d’orge 35 pains de segle dit niallet
200 pains cuits
70 pains cuitz
40 pains de gnalet
Nombre de pains
4 emines de pome de terre
5 quartannes de tartifles
Pommes de terre
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
263
264
Maison de
AO2836
AO2871
l’Eglise (Cogne)
Grappein
Favre
l’Eglise (Cogne)
Village de
Notaire
Collomb
Gilliavod
André
Sieur
Marietty
Hoirie
Second village de
Cherron
Cogne
AO2836
AO2655
Saint-Oyen
Lieu
AO1331
Réf.
7 juillet 1796
4 février 1773
2 mai 1733
31 mai 1732
3 avril 1709
Date, progressive
de terre taxé vingt quatre
sols l’emine
15 livres de pains frais blutés
emines de pommes
Pommes de terre
19 livres de pain frais
2 rups et 16 livres 6 onces de pains durs
3 rups de pain dur
dur de la Toussaint de l’année precedante
7 rups de pain frais 2 rups et 13 livres de pain
13 pains buirattés
678 pains, la moite d’iceux dur et sec,
50 pains de seigle de cinq livres l’un
Nombre de pains
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
Tableau N. 3 - Les produits laitiers, les œ ufs et le sel
Ayas
Ayas
Ayas
Ayas
Arvier
Introd
Introd
Bionaz
Bionaz
Bionaz
Oyace
Oyace
Oyace
Ollomont
Ollomont
Doues
Doues
Étroubles
Valpelline
Valpelline
Valpelline
Saint-Oyen
Bosses
Bosses
Cogne
Cogne
Cogne
Cogne
Cogne
Cogne
21/2/1699
17/5/1735
7/3/1743
27/6/1774
3/1/1652
20/1/1681
7/1/1737
24/4/1718
18/8/1773
12/11/1793
9/12/1754
28/4/1759
6/3/1760
1759 (?)
28/4/1768
19/2/1763
18/1/1775
24/3/1774
13/10/1731
17/5/1743
19/6/1751
3/4/1709
17/2/1707
19/11/1712
20/7/1729
10/4/1731
31/5/1732
2/5/1733
4/2/1773
7/7/1796
*
*
*
Πufs
From. de chèvre / Vacherin
Ceras
Ceras de montagne
Ceras gras
Ceras maigre
Grivière
Fromage d’alpage
Fromage sec, rassis
Fromage frais, blanc
Fromage commun
Beurre cuit / fondu
Produits
Beurre frais
Date
Sel
Lieu
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
265
266
Antagnod (Ayas)
Pilaz (Ayas)
Ruz (Bionaz)
Dzovennoz (Bionaz)
La Cou (Doues)
Bourg (Etroubles)
Vaud (Ollomont)
Lestrané (Valpelline)
Barliard (Ollomont)
Bouioz (Oyace)
Arliod (Valpelline)
Les Gontés
(Valpelline)
Tholes-dessus
(Valpelline)
CT971
CT021
AO051
AO2656
AO405
AO406
AO068
AO747
AO068
AO068
AO751
AO068
AO069
Lieu
Réf.
Favre
Rosset
Jacquemod
Farcoz
Rosset
Chenal
Viveys
Perrier
Chentre
Cuaz
Visendaz
Quey
Vaudan
Hoirie
17 may 1743
7 janvier 1707
19 juin1751
9 février 1683
1759 (?)
6 mars 1760
6 janvier 1704
24 mars 1774
18 aoû t 1773
21 juin 1772
21 février 1699
17 mai 1735
24 avril 1718
Date, progressive
trois livres de suif
huict livres de chair de moutons sallée sèche
environ demy rup de viande salee
trente livres de viande salee sesche de brebis soit cheur,
trente autres livres de chair de veau salee fresche
six onces de viande sallée, quatre sols la livre
trois livres de viande sallé seiche de cochon
trois livre de lard
quatre livres et 8 onces de de saussisse seiche de vache et de chèvre,
la viande cinq sols la livre, les saussisses six sols la livre
demi livre de graisse de brebis
quatre rups de viande salée seiche de vache<5 sols la livre
trente livres de viande salée de veau seiche<4 sols la livre
quatorze livre de saucisses seiches trois sols la livre
vingt quatre livres de chair et de viande de chevre
le nombre d’une douzaine de saucisses
deux rups et demy de chait fraische sallee de chevre, soit feyes trois cails
onze livres et demy de gressy à faire suif
seze livres de cher sesse et salee
deux livres de viande
une livre de suif
deux livres de viande salees
deux rups de viande sallee fraische de vasche
dix huit livres de viande sallee
Viandes
Tableau N. 4 - Réserves de viande sèche : quelques exemples
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Cuchepache
AO1331
l’Eglise (Cogne)
l’Eglise (Cogne)
Village de
Favre
Second village de
AO2655
AO2871
Notaire
Maison de Cherron
AO2836
Grappein
Collomb
Gilliavod
Cogne
Sieur André
Marguerettaz
Hoirie
AO2836
(Bosses)
Lieu
Réf.
7 juillet 1796
4 février 1773
2 mai 1733
31 mai 1732
17 février 1707
Date, progressive
vingt quatre livres six onces de graisse sèche
septante six livres six onces de viandes salées seches de menus betail…
dix livres de viande salée
l’année précédente fort bonne
douze livres et huit onces de chair sallée de mouton en automne de
et l’autre moitie de demy annee
seze livres de chaire salee assez bonne, la moitie d’un an et demy
cinq rups de chair sallée de bovine seiche
cinq toises de boyaux
cinq langues de bovines neuf livres et demi sallées et seiches
quarante livres de chair de veau sallée fraische
19 livres et demi de saucisses seiches
quatre poitrines de bovines sallées et seiche
deux mesames de lard, trois rups dix huit livres
Viandes
,
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
267
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Tableau N. 5 - Réserves de viande
*
Ayas
17/5/1735
*
Ayas
7/3/1743
Ayas
27/6/1774
Arvier
3/1/1652
*
Introd
20/1/1681
*
Introd
12/2/1714
Introd
7/2/1726
Introd
7/1/1737
Introd
11/12/1777
Bionaz
12/11/1793
*
Oyace
9/12/1754
*
Oyace
28/4/1759
*
Oyace
6/3/1760
*
Ollomont
1759 (?)
Lard
Saucisses
Suif
Viande de cochon
Viande de chèvre
Viande de mouton
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Doues
19/2/1763
Doues
21/6/1772
Étroubles
24/3/1774
*
Valpelline
7/1/1707
*
Valpelline
13/10/1731
Valpelline
17/5/1743
*
Valpelline
19/6/1751
*
Saint-Oyen
3/4/1709
*
*
Bosses
17/2/1707
Cogne
20/7/1729
Cogne
10/4/1731
*
Cogne
31/5/1732
*
Cogne
2/5/1733
*
Cogne
4/2/1773
*
Cogne
7/7/1796
*
268
Poitrines
21/2/1699
Langues
Ayas
Viande de vache
Produits
Viande salée / sèche
Date
Sel
Lieu
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
Date
2/7/1676
20/3/1688
21/2/1699
21/2/1699
20/4/1707
19/4/1713
17/8/1731
17/5/1735
28/5/1736
8/6/1736
6/6/1737
9/3/1739
8/10/1742
7/3/1743
22/9/1752
30/7/1753
17/11/1758
14/5/1761
15/1/1765
3/10/1769
27/6/1774
19/12/1775
Minutier
AO1553
CT405
CT971
CT971
CT409
CT409
CT020
CT021
CT021
CT021
CT021
CT1018
CT011
CT011
CT450
CT451
CT982
CT027
CT027
CT985
CT458
CT986
Joannin Obert
Egrége Emanuel Phélix Fornier
Martin Visendaz, part de la mère
Martin Visendaz, part de la fille
Discret Emanuel Rollandin
Discret Jean Jaques Borbay
Jean Claude Dufour
Jean de Claude Quey
Egrège Jean Martin Raymonds
Jean Michel de feu Baptiste Chasseur
Jean Michel feu Jean Michel Viot
Joseph Chasseur
Martin Merlet
Jean Pierre feu Egrège Mathieu Obert
Jean Louis Becquet
Jean Jacques Favre
Jean Claude David, menuisier
Jean Baptiste Bechaz feu Jacques
Jean Baptiste Dublanc-Fournier
Jean Martin Obert
Jean Louis Brunod
Jean Jacques Alliod
Nom du père défunt
Pilaz
Bisou
Antagnod
Antagnod
Antagnod
Antagnod
Magnéaz
Pilaz
Champoluc
Cunéaz
Résy
Antagnod
Antagnod
Perriasc
Lignod
Cunéaz
Magnéchoulaz
Magnéaz
Magnéaz
Trochey
Crest
Périasc
Village
1
1
2
3
5
2
4
2
2
1
2
1
1
1
2
Vaches
5
4
1
2
1
2
2
3
5
3
4
3
4
2
Génisses
Tableau N. 6 - Le bétail à l’étable à Ayas, de 1676 à 1775
Veaux
1
5
1
5
1
1/2
2
1
2
1
1
1
1
5
2
7
 nes
1 1
2
2
2
1
1
3
3 1
1
1
1
Mulle
Cheval
Monture
12
6
10
6
12
5
12
1 chèvre
6
6
8
15
4
22
Ovins
Poules
4
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
269
Jean Louis Blanc
3/1/1780
AO2869
André Gilliavod
Anselme Bienvenu Bochet
28/3/1747
AO2644
10/5/1776
2/5/1733
AO2836
Estienne Abram
Jean Marie Jeantet
François Joseph Berard
Sieur André Gilliavod,
Lieutenant et Juge
Jean Collomb
AO2657
20/7/1729
10/4/1731
26/9/1731
31/5/1732
AO2653
AO2653
AO2653
AO2836
Jean Antoine Grappein dit Perrin
Jean Antoine Grappein
Jean Pantaléon Burland
Notaire Jean Antoine Favre
5/9/1723
2/11/1726
AO2650
AO2650
Nom du père défunt
AO2643 27/10/1741
AO2655
4/2/1773
Date
Minutier
Maison de
Cherron ?
Village
de l’Eglise
L’Aydetre
Au second
village
de l’Eglise
Au dessous
village
de l’Eglise
Au dessous
village
de l’Eglise
?
Au second
village
de l’Eglise
Espinel
Espinel
Cogne
Cogne
Village
Vaches
1
2
9
1
3
6
3
2
5
3
3
1
1
1
Génisses
270
1
1
11
1
>2
1
1
Veaux
Tableau N. 7 - Le bétail à l’étable à Cogne, de 1723 à 1780
1
1
1
1
1
1
Mulle
Cheval
Monture
5
3
6
3
3
1
4
3
7
4
4
3
5
3
4
6
2
2
9
6
6
Caprins Ovins
5 + 1 coq
7
Poules
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Pantaléon Rosset
Jean Pantaléon Chenal
Jean Pierre Cheintre
Estienne Perrier
Jean Michel Cuaz
Jean Bernard Chentre
Jean Michel Vaudan
31/7/1747
3/8/1759
6/3/1760
4/3/1761
AO068
AO066
AO068
AO066
AO406
24/3/1774
AO405
21/6/1772
AO2656 18/8/1773
AO389 12/11/1793
Jean Pantaléon Glassier
Jean Louis Favre
Jacquemoz Vivey
Barthelemy Marguerettaz
François Rosset
Jean Claude Marietty
du Ronc
PanthaleonVaudan
André Favre
5/5/1702
6/1/1704
17/2/1707
7/1/1707
3/4/1709
1712
24/4/1718
17/5/1743
AO051
AO051
AO1331
AO051
AO510
AO1331
AO051
AO069
Richard Farcoz
Nom du père défunt
9/2/1683
Date
AO747
Minutier
L’Estrané
(Valpelline)
Puillayes (Bionaz)
Vaud (Ollomont)
Cuchepachy (Bosses)
Arliod (Valpelline)
Saint-Oyen
La Thuillettaz (Bosses)
Ruz (Bionaz)
Les Ansermins
(Valpelline)
Les Vignettes
(Valpelline)
Barliard (Ollomont)
Bouioz (Oyace)
Freyssonia dessous 2
(Valpelline)
Bourg d’Etroubles
La Cou (Doues)
Dzovennoz Bionaz
Perquis (Bionaz)
Village
Vaches
1
2+1
bœuf
14
1
2
2
2
3
1
Génisses
1
3
1
1
2
3
1
4
3
5
1
Veaux
1
1
2
3
1
1
2
1
1
2
1 jument
Mulle
Cheval
Monture
3
2
3
2
1
8
2
1
1
1
Ovins
Tableau N. 8 - Le bétail à l’étable dans le Valpelline et la vallée du Grand-Saint Bernard, de 1683 à 1793
Caprins
3
2
2
3
3
2
1
5
5
4
5
2
2
1
5 + 1 coq
5 + 1 coq
4
4 + 1 coq
2
2
5 + 1 coq
8 + 1 coq
Poules
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
271
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
N O T E S
Comme l’a si bien rédigé Orphée Zanolli dans son article « L’apprentissage et l’exercice
de certains métiers et professions au mandement de Vallaise – XVIIe-XIXe siècles. Aperçu
historique », in Histoire et culture en Vallée d’Aoste. Mélanges offerts à Lin Colliard, Quart
(AO) 1993, pp. 361-400, les archives des Notaires recèlent dans leur sein l’histoire détaillée de
tous nos villages du XIVe au XIXe siècle. Dans cet article, de la p. 362 à la p. 364, l’auteur
décrit les conditions d’apprentissage du métier de notaire en Vallée d’Aoste.
2
Coustumes du Duché d’Aouste avec les uz et stils du pais, Chambéry [1588], nouvelle édition, Aoste 2004.
3
Pour plus de détails sur la tutelle, voir Livre II, Tiltre I, articles de 44 à 50.
4
Coustumes, Livre II, Tiltre VIII, Art. 1.
5
AO554. Notaire Jean Pierre Clap, Introd, 5/3/1681.
6
Alexis BÉTEMPS, À la recherche des mots anciens. Un glossaire inédit de René VIÉRIN, in
Actes de la conférence annuelle sur l’activité scientifique du centre d’études francoprovenç ales,
20-21 décembre 2003, Saint-Nicolas 2004, pp. 223-286. Page 247 : il est à noter que advant
d’inventariser touttes les dites denrées seroient estez leves, par les parents et curateurs, des victuailles et biens pour la veuve et tous leurs enfants [...] jusqu’à la prise prochaine, comme aussi
les semences que conviene semer les champs [...].
7
CT 971. Notaire Mathieu Obert, 21/2/1699.
8
rande : comble, dans le francoprovençal d’Ayas.
9
AO1331.
10
En matière de succession, le Coutumier prévoit des articles différents pour Cogne. Ils
sont situés au dernier Livre.
11
Archives paroissiales d’Arvier. Notaire Germain Chantellex.
12
Ce livre décrit en 265 pages tout ce qui est requis pour bâtir une maison champestre,
pour nourrir et médeciner le bétail, pour créer un jardin garni de légumes, de plantes
médicinales, de fleurs, pour gouverner les abeilles, pour soigner champs céréaliers et prairies, pour mettre sur pied un verger, planter un bois et conserver tous les fruits de la terre tout en veillant à la santé de la maisonnée.
13
AO1553. Notaire Martin Obert.
14
Claudine REMACLE, Il patrimonio mobile, in Collectif, Ayas. Uomini e architettura, Ayas
2000, pp. 115-124.
15
AO2653. Notaire Jean André Gilliavod.
16
Association des Musées de Cogne, Architecture rurale en Vallée d’Aoste. La maison de
Cogne, Aoste 1997, pp. 97-100.
17
Brouttin : litière pour l’étable, constituée des aiguilles sèches d’épicéa, de mélèze,
d’arolle, ratissées dans les bois en automne.
18
AO2653. Notaire Jean André Gilliavod. Cogne comprenait sur son territoire des mines
de fer.
19
CT011, 3/10/1742. Notaire Jacques Alliod.
20
AO1331.
21
Courtoisie : triangle de fer qu’on accroche à la crémaillère pour y poser une poêle à frire.
22
Bernageoz : pelle à feu.
23
Livrail : petite balance.
24
AO554, 5/3/1681. Plan-d’Introd.
25
AO2655, 4/2/1773. Hoirie du notaire Jean Antoine Favre du Second village de l’Église :
deux cafetieres aussi de cuivre avec couvercle et anse [...] ; AO2871, 7/7/1796. Notaire Jean
Pantaléon Gerard. Dans la cuisine du négociant Jacques Antoine Grappein à Cogne, on
1
272
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles)
ne trouve pas moins de cinq cafetières. Il est probable que cette cuisine, servant d’arrière-boutique, était un café.
26
Voici les mesures principales utilisées et légèrement simplifiées pour être plus facilement gardées en mémoire.
Poids
Le rup (25 livres) = 9,6 kilogrammes
La livre (12 onces) = 384 grammes
L’once = 32 grammes
Capacité de liquide (vin, eau de vie)
La charge = 118 litres
Le barril = 59 litres
Capacité de matières sèches (céréales)
Le sac (6 émines rases ou trois sétiers) = 134 litres
Le sétier (2 émines rases) = 45 litres
L’émine rase = 22 litres ; 4 comble = 28 litres
La quartaine rase = 11 litres
L’éminal = 1,8 litre
27
Alexis BÉTEMPS, À la recherche des mots anciens…, p. 247. Inventaires de 1661 et de 1772.
28
Repotaz : chou cuit.
29
AO2656, 18/8/1773. Notaire Anthoine Glarey.
30
AO068, 17/5/1743 ; AO2656, 18/8/1773.
31
AO068, 1759. Notaire Jean Léonard Ansermin.
32
AO0510, 3/4/1709. Notaire Cerise.
33
AO1570, 12/2/1714. Notaire Thomas Obert.
34
AO066, 13/10/1731. Notaire Jean Léonard Ansermin.
35
Matre : tronc évidé.
36
Chappler : hacher, du franco-provençal tsaplé.
37
Grolle : récipient en bois tourné à couvercle et en forme de calice, dans lequel on boit le
vin.
38
Trapey : au fenil, plancher intermédiaire servant de séchoir.
39
Quennes : couennes = dosses.
40
Arveillies : genre de lentilles, probablement.
41
Recor : regain.
42
Estaches : piquets de clôture.
43
Vions : tuteurs pour haricots grimpants.
44
Quonques : conques, récipients en bois.
45
Cleaz : cloison basse, claie.
46
Brelles : bancs.
47
Buil : mangeoire.
48
Anoilles : génisses de deux ans.
49
AO068. Notaire Jean Léonard Ansermin.
50
AO068, 6/3/1760.
51
Ce terme gnalet ou gnalèi, d’après le dictionnaire de francoprovençal de CHENAL et
VAUTHERIN, p. 835, signifie provisions, épargnes, mais aussi la quantité de pain que l’on cuit à
Noë l, en principe pour toute l’année.
52
CT405 et suivants.
53
AO068.
54
AO2656.
55
AO068.
56
AO2656.
273
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Ravisse : herbes et racines sèches de raves ou d’autres légumes.
AO068. Notaire Ansermin. Oyace, 9/12/1754.
59
AO068. Notaire Ansermin. Sorreley, 18/12/1713.
60
Voir plus haut, le contenu du grenier de la maison Marguerettaz à Cuchepache (Bosses).
61
CT011, 3/10/1742. Notaire Jacques Alliod.
62
AO554, F° 228 vo. Notaire Jean Pierre Clap.
63
Pallatier : ratelier à pains.
64
AO068. Notaire Jean Léonard Ansermin.
65
Chenevaz : graines de chanvre.
66
Oyace 6/3/1760, Étroubles 24/3/1774, Bionaz 12/11/1793.
67
CT016, 13/4/1745. Notaire Jean Jacques Alliod.
68
AO747, 9/2/1683. Notaire Jean Michel Deschenaux.
69
Ce lieu-dit était situé à l’amont de Valpelline, entre Berioz et Thoules, sous le grand
chemin montant vers Bionaz.
70
AO051, 1710. Notaire Mathieu Ansermin.
71
Joseph-César PERRIN, Essai sur l’économie valdô taine du XVIe siècle à la Restauration, Aoste
2003, p. 130 et p. 147.
57
58
274
L’enfant de l’alpe haute,
autrefois, la plante et l’enfant
Alain Renaux
Présentation du projet d’enquê te sur la
vie des enfants d’autrefois dans les
Alpes et de l’acquisition de leur savoir
relatif aux usages de la flore
Ce travail est une continuité d’une précédente étude réalisée dans le Languedoc,
entre Garrigues, Cévennes, et Hautes
Cévennes, auprès de personnes âgées
issues du monde rural. Cette étude, effectuée dans le cadre d’un Diplôme d’Études
Doctorales du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, sous la direction de
feu le Professeur Jacques Barraut, a été
éditée sous le titre « Le savoir en herbe,
autrefois la plante et l’enfant ».
La restitution auprès du public était un élément capital dans la réalisation
de cet ouvrage. Il me semble très important que Madame et Monsieur « tout le
monde », sans aucune connotation péjorative, puissent avoir accès à ces connaissances, dans un langage compréhensible pour tous, et agréable à lire. Ils
sont les acteurs premiers dans la maintenance, ou non, de l’esprit de la montagne. C’est pourquoi j’ai préféré écrire un livre de vie dans lequel il y a beaucoup de données botaniques, plutôt qu’un livre sur les usages des plantes.
J’ai appris récemment que des extraits de mon livre étaient lus dans les
écoles primaires et que des instituteurs s’en servaient pour leurs animations. Je
l’ai reçu comme un cadeau.
Le retour affectif auprès du public, ainsi que le retour journalistique (MidiLibre, Ouest -France, Le Monde, Journal l’Alsace, etc.) m’a incité à poursuivre
ce travail, dans un pays qui me tient très à cœur, les Alpes.
Certes, j’ai bien conscience de l’aspect disproportionné du projet. Les Alpes,
par leur superficie, les nombreuses régions écologiques, la grande richesse floristique et faunistique, et les bouleversements profonds de la société survenus
notamment depuis la deuxième Guerre Mondiale, sont d’une autre dimension
275
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
que celle des Cévennes. Pas plus que le précédent, ce ne sera un ouvrage
exhaustif, loin s’en faut, mais un ouvrage représentatif, avec cependant de
nombreuses données botaniques, culturelles et pratiques.
Dans quelques années, il sera trop tard pour les enquêtes de collecte. Nous
vivons la fin d’une époque charnière entre deux types de société, et heureusement
il existe encore les témoins d’une époque révolue qui sont prêts à témoigner.
Chaque médaille ayant deux faces, il y a bien sû r des aspects positifs aux
changements, et des aspects inquiétants, surtout quand on les projette dans
l’avenir. Cela fait sans doute partie des innombrables raisons de notre présence
à ce colloque, au-delà de l’aspect thématique qui nous réunit.
Présentation du thème
Avant la deuxième Guerre Mondiale, dans les zones de montagne, les
conditions géographiques et socio-économiques difficiles accentuaient la
précarité de l’existence. Pour pallier aux faibles revenus, les gens tentaient
de réduire le plus possible les dépenses. Quand ils le pouvaient, ils fabriquaient eux-mêmes les objets usuels, se soignaient avec les plantes qu’ils
prélevaient dans la nature avoisinante, cueillaient des salades sauvages…
Dans ces territoires de faible productivité biologique, les plantes de la flore
spontanée, d’une grande richesse spécifique, tenaient une place importante
dans l’économie familiale. De grandes variabilités existent cependant, qu’il
s’agit des Alpes du sud ou celles du nord, qu’il s’agit du bas de la vallée aux
territoires d’altitude.
Dans ce contexte de pauvreté, l’enfant était réquisitionné très tôt pour aider
ses parents : cueillettes, garde et soins aux animaux, corvée d’eau pour les gens
et les bêtes, corvée de bois, herbe des lapins, etc. D’après le témoignage des
personnes âgées, les enfants, à l’âge de dix ans, en savaient presque autant sur
les plantes qu’un adulte, hormis l’expérience. L’apprentissage du savoir se faisait sur le tas, les sens de l’enfant, alliés à son intellect, favorisant l’ancrage dans
la mémoire.
Mais derrière les images bucoliques, la vie était difficile, le froid rude et les
travaux pénibles. Personne n’aurait réellement envie de revivre cette quotidienneté. Il y a cependant des aspects intéressants qu’il serait bon de ne pas oublier,
voire retrouver…
De nos jours, les cueillettes ont quasiment disparu et les enfants et petitsenfants ne connaissent plus les plantes de leur environnement. Quelles étaient
les conditions d’existence qui amenaient naguère parents et enfants à recourir
aux végétaux de la flore spontanée ? Comment les enfants les découvraient-ils,
et comment ils les utilisaient ? Tel est le fil conducteur de ce travail.
276
L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant
Les plantes dans la quotidienneté de l’enfant (résumé succinct)
Ces végétaux sauvages, selon les endroits étaient très présents dans la vie
familiale. Les enfants les découvraient à chaque instant de la quotidienneté.
C’est la raison pour laquelle cette étude aborde, outre les aspects géographiques et socio-économiques (les plantes existent toujours, mais on ne les
ramasse plus) les aspects importants de la vie de l’enfant :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
La maison et les corvées
La famille et le village
Les repas
La maladie
Les jeux
L’école
Les animaux d’élevage
1. L’enfant, la maison et les corvées
Dans le milieu rural, la plupart des familles avaient des revenus modestes.
Ceux qui tiraient l’essentiel de leurs ressources de l’agriculture et de l’élevage,
prépondérant dans ces zones, vivaient chichement et durement. Les maisons
étaient loin d’être confortables : pas d’eau courante, pas d’électricité, un âtre ou
un poêle comme seul point de chauffage, pas d’isolation… Et des hivers longs
et rigoureux, beaucoup plus neigeux aux dires des gens du pays. Dans certaines régions, la famille se réfugiait pour l’hiver à l’étable, avec les animaux.
Les tâches quotidiennes se faisaient à la main et les enfants étaient très sollicités pour aider. Ils participaient à de nombreuses petites corvées en fonction de
leur âge, ce qui soulageait d’autant le travail de la mère.
Les balais étaient faits en bruyère multiflore ou à balais, en genêt à balais, en
amélanchier ovale, en paille de seigle, etc. On utilisait pour la vaisselle la pariétaire diffuse et officinale, l’ortie dioï que, les différentes prêles, le son, etc., dans
des eaux chaudes sans détergents, et les eaux grasses partaient pour la nourriture des cochons.
Les familles connaissaient le savon de Marseille, mais la lessive des draps se
faisait à la cendre, et le linge délicat au bouillon de saponaire officinale. Les
vêtements noirs étaient trempés dans un bouillon de feuilles de lierre.
2. L’enfant, la famille, le village
Autrefois, les familles étaient plus nombreuses, et les grands-parents souvent
vivaient chez l’un de ses enfants. Les vieux aidaient comme ils pouvaient, et
277
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
leur rôle n’était pas négligeable. Ils représentaient un pôle affectif important
pour leurs petits-enfants et assuraient une grande partie de la nécessaire acquisition des savoirs. Dans les grandes lignes, le père représentait l’autorité suprême, et la mère le cœur. Tous deux étaient respectés. La discipline était de
rigueur et les mœurs relativement austères, surtout en regard de ceux d’aujourd’hui… La religion était omniprésente.
Au début du siècle dernier, les moyens de communications et de transport
étaient encore peu développés. La plupart des gens circulaient à pied, l’hiver en
ski ou en raquette (qu’ils se confectionnaient eux-mêmes), en diligence ou en
train, et souvent, un unique poste téléphonique existait dans le village. Les relations entre les habitants du village, par nécessité, étaient plus étroites. Les gens
s’entraidaient davantage, dans les champs, lors d’une naissance, d’un décès,
d’une maladie… L’hiver, ils s’invitaient pour la veillée, dans la cuisine ou à
l’étable. Une grande partie du savoir se communiquait lors de ces rencontres.
Souvent les gens en profitaient pour confectionner des paniers, des outils, du
petit mobilier, des objets d’art, etc.
En vannerie, on utilisait principalement l’osier jaune des vanniers, la viorne
mancienne, l’alisier blanc, l’amélanchier, le noisetier, le châtaignier, la clématite
des haies, la ronce, la paille de seigle…
Il n’y avait pas de bruit de moteurs, et la vie était scandée par les bruits des
sabots des enfants partant à l’école, les crissements des roues de charrettes sur
la neige, les bruits des métiers des artisans… À l’automne, les hirondelles se
rassemblaient sur les arbres car il n’y avait pas de fils.
Les sabots étaient faits en bois d’aulne glutineux ou vert, de bouleau verruqueux, de noyer, de hêtre, d’alisier, etc. De nombreuses plantes en feuillage ou
en fleurs étaient utilisées pour l’ornementation et la décoration dans les fêtes
religieuses et de village.
3. L’enfant, la plante, le repas
Les légumes en soupe ou en ragoû t, la chair du cochon, les produits du petit
élevage, les fromages et les œufs, rarement de la viande, constituaient la majeure partie des ingrédients de base pour une cuisine quotidienne simple, avec
bien évidemment des plats plus spécifiques selon les régions. Par souci de survie et d’économie, presque chaque famille élevait un ou deux cochons pour la
charcuterie, et les nourrissait selon, de châtaignes, de pommes de terre, de
raves, de betteraves, d’orge ou de seigle, de fleur de foin, etc.
Des plantes sauvages rentraient dans la confection des boudins et des saucisses, et souvent ces mêmes plantes montées ou en fleurs servaient comme
appoint à la nourriture des cochons : laiteron maraî cher, pourpier maraî cher,
278
L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant
laitue scarole, ortie dioï que, oseilles diverses, certains chardons et cirses, luzernes, feuilles de frêne et de hêtre, etc., sans oublier les châtaignes, les glands
et les faines, d’autres fruits sauvages…
Le jardin faisait l’objet de tous les soins, et dans la plupart des régions, les
habitants s’organisaient à tour de rôle pour le chauffage du four à pain. Dans
les zones d’altitude, le pain préparé à l’avance était stocké dans une pièce à part
et se mangeait sec, trempé dans la soupe ou le ragoû t tout l’hiver.
Au printemps, dans les Alpes du sud, rares étaient les déjeuners sans une
salade sauvage : campanule raiponce, laitue pérenne, laitue scarole, salsifi à
feuilles de poireau, picridie, porcelle racineuse, pissenlit, silène enflé, petite
pimprenelle, alliaire officinale, lampsane, pourpier maraî cher, cardamine hirsute, chicorée à la bû che, etc., ou une bonne bourbouillade, un plat d’herbes
cuites : crépide à feuilles de pissenlit, oseilles, andryale sinuée, bourrache officinale, crépide sainte, orties, mouron blanc, chénopode blanc, bourrache officinale, consoude officinale, amaranthe rétroflexe, les plantains, etc. Entre repas et
remède se situait “ l’eau bouillie ou aï go boulido” , une décoction d’ail et de thym,
plus ou moins agrémentée, qui se buvait comme une soupe.
Dans les Alpes du nord, en basse altitude, on ramassait la laitue scarole, la
mâche sauvage, le cresson de fontaine, la barbarée ou cresson de terre, la cardamine hirsute, la cardamine des prés, la laitue pérenne, les crépides, le pissenlit,
la bourrache officinale, etc. Plus en altitude, on cueillait le pissenlit, la cardamine des prés, la cardamine des Alpes, la mulgédie des Alpes, la barbarée, le salsifi d’orient, le mouron blanc, etc. On cuisait, en soupe ou en ragoû t en mélange
avec les traditionnelles pommes de terre, les orties, le chénopode Bon Henri, la
renouée bistorte, les oseilles dont la rhubarbe des moines (oseille des Alpes), le
mouron blanc, les plantains, etc.
Plus on remonte du sud vers le nord, de la vallée en altitude, et plus le
nombre d’espèces comestibles se raréfie, de même que la consommation des
végétaux sauvages, même si ceux-ci sont en relative abondance comme l’ortie
et le chénopode. Les enfants participaient pour une grande part à toutes ces
cueillettes. Ils avaient acquis très tôt une solide connaissance des plantes sauvages comestibles et des lieux de ramassage.
4. L’enfant, la maladie, les remèdes
Les visites du médecin et les médicaments n’étaient pas remboursés, et la
dépense causait une véritable brèche dans le porte-monnaie familial. Aussi les
gens essayaient-ils de se soigner eux-mêmes avant de faire venir le docteur. Il
était coutume de dire qu’il fallait être à moitié mort pour l’appeler. Les gens se
rendaient également chez les guérisseurs et les conjureurs, parfois nombreux
selon les régions.
279
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
C’était principalement la femme qui, dans la famille s’occupait de prodiguer
les soins. Mais chacun connaissait les plantes médicinales, et les enfants, en
accompagnant dès le plus jeune âge, la maman ou les grands-parents, participaient à leur cueillette.
Dans le sud des Alpes, il y avait deux grands moments dans la médecine
préventive familiale : la cure de printemps avec des plantes amères pour “ purger” le foie, “ renouveler” le sang (germandrée petit-chêne, petite centaurée,
racines de bardane, la camomille, romaine et la grande camomille, le marrube
blanc, etc.), et la cure d’automne, avec des plantes diurétiques, pour prévenir
des froids de l’hiver (feuilles de frêne élevé, verge d’or, bruyères et callune, …).
Les vieux se souviennent encore des boissons amères, qu’enfants, leurs mères
les obligeaient d’avaler avant même de se lever.
Cette pratique était plus rare dans les alpes du Nord. On utilisait cependant
en cure dépurative la pensée sauvage, les racines d’oseille et de gentiane, la
grande camomille, les génépis, les feuilles de noyer, etc.
Des plantes étaient utilisées dès les premiers “ coups de froid” , plantes diurétiques ou transpirantes, pour “ évacuer le mal” : primevère officinale, bourrache
officinale, sureau noir, reine des prés, frêne élevé…, ou plus directement sur le
“ mal” : bourgeons et sève de pins et de sapins, thym, lavandes, romarin, etc.
Parmi les pratiques médicales familiales, certaines comme les bouillons de
serpents séchés contre les maladies pulmonaires, la bave d’escargot contre la
toux et la coqueluche, les toiles d’araignée sur la plaies, impressionnaient beaucoup les enfants.
Mais hélas, la médecine de l’époque était souvent impuissante face à certaines maladies, et les décès nombreux survenaient comme une fatalité.
5. L’enfant, la plante, le jeu
Économie oblige, rares étaient les enfants qui possédaient des jouets achetés
dans le commerce. Le matériau naturel était sur place, et les enfants développaient des trésors d’ingéniosité pour créer leurs propres jouets. La conception
et la réalisation du jouet, tout en développant le sens de l’observation et de la
réflexion, leur prenaient parfois plus de temps et de plaisir que le jeu lui-même.
Là aussi, de nombreuses plantes étaient utilisées, aussi bien les plantes
ligneuses que les plantes herbacées.
La découverte du milieu naturel se faisait également par le goû t, plantes
sucées et grignotées, sans oublier celles qui étaient fumées en cachette, comme
la clématite des haies, les toupets plumeux de l’arnica et du tussilage, la barbe
des maï s, etc.
280
L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant
Mais les conditions difficiles de l’existence obligeaient les enfants à aider leurs
parents et la part de jeu, chez certains, se réduisait souvent à peau de chagrin.
6. L’enfant, la plante, l’école
Obligé de faire parfois plusieurs kilomètres à pied pour se rendre à l’école,
de nombreux enfants se familiarisaient avec les plantes et les animaux rencontrés le long des chemins. Les jeux étaient fréquents sur le chemin du retour. À
l’école, l’influence de l’instituteur ou de l’institutrice s’avérait déterminante
dans le développement du goû t de la nature, et de la botanique en particulier.
De nombreuses personnes âgées sont restés curieux de la nature grâce à leurs
enseignants.
7. L’enfant, la plante, les animaux d’élevage
Le petit élevage constituait l’un des piliers de la survie. Les enfants participaient à la cueillette des herbes, au ramassage des glands et des faines, à la
ramée pour le complément de nourriture des animaux. Les enfants étaient souvent levés très tôt pour les soins et la garde des animaux avant même d’aller à
l’école.
Au retour de l’école, ils allaient garder les bêtes. Ils arrivaient petit à petit, à
connaî tre les plantes appétées par les animaux et celles qui étaient refusées.
Quand les animaux étaient malades ou blessés, les enfants les plus grands
assistaient aux soins prodigués par les parents ou les guérisseurs. Là également, nombreuses étaient les plantes utilisées : fougère mâle, angélique archangélique, botryche lunaire, anarrhinum à feuilles de pâquerette, épervière piloselle, bourrache officinale, mauves, armoise vulgaire, marronnier blanc, achillée
herba-rotta, genévrier sabine, plantain lancéolé, aspérule odorante, plantain œil
de chien, plantain holosté, fougère rouge, sève de pins ou de sapins, tabac, colchique, vératre blanc, aigremoine eupatoire, etc.
Conclusion
De nos jours, enfants et petits-enfants ne connaissent plus les plantes.
Souvent les personnes âgées disent qu’ils ne s’attendaient pas du tout à un si
grand bouleversement de la société. On leur transmettait le savoir parce qu’on
pensait qu’il allait leur servir toute leur vie d’adulte.
Les temps ont changé, et la nécessité de prélever les plantes sauvages pour
la nourriture et les soins médicaux ne se fait plus sentir. La transmission d’un
savoir naturaliste, indispensable il y a quelques décennies, s’est arrêtée. L’exode
des campagnes, associée par la suite à l’arrivée massive de “ nouveaux” , a
281
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
considérablement intensifié le phénomène. Les nouvelles générations, malgré
un timide “ retour à la nature” engendré par les stress et les retombées dues à
certains abus (vache folle, maladies iatrogéniques qui constituent la 7e cause
d’hospitalisation, OGM, etc.) sont de plus en plus coupées du milieu naturel.
La connaissance des plantes et de leurs usages, à quelques exceptions près, est
désormais absente de la mémoire enfantine.
Les paysages changent. De grands pans de territoire, moins soumis à la
pression humaine, retournent progressivement à la forêt. Des plantes et de animaux disparaissent de la carte postale…
En cette fin de siècle et à l’aube de ce troisième millénaire, après des milliers
d’années de pratique, il semblerait qu’en France, pour le moins, on assiste à la
fin des cueillettes par, et pour, l’utilisateur direct. Des intermédiaires, agriculteurs ou cueilleurs professionnels, s’organisent pour le ramassage et la culture,
d’autre pour la vente.
282
Renseignements sur l’alimentation
traditionnelle en montagne fournis par
les données des enquê tes toponymiques
du BREL en Vallée d’Aoste
Andrea Rolando
Introduction
La toponymie peut être considérée comme une science autonome, mais elle
peut aussi aider d’autres branches
d’études, même dans le cas où ces disciplines ne touchent pas directement le
domaine linguistique1. Je me suis alors
demandé si une étude des noms de
lieux pouvait donner des renseignements sur l’alimentation de l’homme.
Les recherches de toponymie s’arrêtent
parfois sur les noms des villes, sur les
“ macro-toponymes” , les noms qui intéressent des grands espaces, ou sur les
noms de lieux dont le sens est lié à la
roche et aux cours d’eaux, qui semblent cacher des mystères lointains et
ayant, dans la plupart des cas, un rapport évident avec la morphologie du terrain. Il existe quand même une catégorie de noms de lieux qui n’est pas
moins noble et moins intéressante, les “ micro-toponymes” , lieux-dits, désignant le plus souvent des aires de dimension réduite, parfois très réduite ;
une unique propriété ou un arbre isolé. On pourrait faire les exemples des
lieux-dits du type lo Gran Tsan ‘le grand champ’, lo Gran Pró ‘le grand pré’, lo
Pomé ‘le pommier’, par lesquels on voit aussi que la toponymie n’est pas le
règne de la fantaisie.
À cause des variations climatiques et des changements dans l’exploitation
agricole, surtout dans les dernières années, le paysage a beaucoup changé et
pour ces lieux-dits, dans la plupart des cas, il n’y a plus de correspondance
entre le sens du mot et la nature du terrain. Les champs, par exemple, se sont
transformés en bois ou en prés, et seule la présence d’étagements de terrain
nous témoigne qu’ils ont existé. Même s’il n’y a plus cette correspondance, et là
on voit l’utilité de la toponymie, ces micro-toponymes peuvent nous renseigner
sur la présence, autrefois, de plantes, d’arbres fruitiers, de cultures, parfois en
nous précisant le genre de cultures et, par conséquent, nous informer aussi sur
la nourriture des gens qui habitaient la montagne.
283
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Lieu-dit Lo Gran Tsan, Antey-Saint-André (photo A. Rolando)
Lieu-dit Lo Tsan dou Molén, Antey-Saint-André (photo A. Rolando)
284
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
1. Méthode de recherche
Pour cette étude je me suis servi des données des enquêtes toponymiques
menées par le BREL (Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique), dans
la vallée de Valtournenche, vallée située dans la partie nord orientale de la Vallée
d’Aoste, du côté de “ l’adret” valdôtain. Ces enquêtes ont intéressé les communes
de Valtournenche, Torgnon, Chamois, La Magdeleine, Antey-Saint-André. En
plus, j’ai choisi un point de comparaison avec la vallée centrale à Saint-Vincent2.
Je ne me suis pas borné à l’analyse exclusive des noms de lieux, mais j’ai
aussi pris en considération toutes les données qu’on recueille lors d’une enquête toponymique et qui complètent la description d’un toponyme.
En effet, pour chaque toponyme ou lieu-dit relevé dans sa forme orale dialectale, les enquêteurs chargés par le BREL ont rédigé une fiche montrant le
toponyme dans sa forme phonétique, selon un système simplifié étudié spécialement pour ces enquêtes toponymiques, les éventuelles variantes et autres
dénominations du lieu, les coordonnées du plan cadastral, l’altitude, le sens du
mot (selon l’avis du témoin), la description du terrain (la nature du terrain telle
qu’elle était autrefois et comme elle se présente aujourd’hui), d’autres informa-
Les Communes intéressées par la recherche
285
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
tions (récits et légendes racontés par les témoins) ; seulement pour citer quelquesunes des parties de la fiche à remplir.
Fiche toponymique, recto et verso
Au cours de la recherche j’ai tenu compte de la forme dialectale du toponyme, du sens du toponyme donné par le témoin, de la description du lieu, de
l’altitude et des récits.
Au moment de la rédaction de la fiche les enquêteurs ont en plus inséré des
codes, dans les parties réservées au sens du toponyme et à la nature du terrain,
correspondant aux diverses catégories de sens (oronymes, hydronymes, phytonymes etc.) et de la nature du sol (rochers, cours d’eau, prés, moulins etc.) et
permettant des recherches par ordinateur.
Les lieux-dits pouvant donner des informations sur l’alimentation traditionnelle en montagne ont été recherchés en partant des codes ou catégories suivantes : pour le sens du toponyme, “ C phytonymes” , en particulier “ C01 nom
de plantes” (par exemple : lo Péé ‘le poirier’), “ C02 ensembles d’éléments végétaux” , “ C03 cultures” ; “ D zootoponymes” , en particulier “ D01 animaux
domestiques” , “ D02 animaux sauvages” ; “ Écotoponymes” en particulier “ E01
agricole” , “ E04 chasse-pêche-récolte” , “ E05 artisanal” et, pour la nature du terrain, “ C établissements” en particulier “ C19 moulin” (par exemple lo Pró dou
Molén ‘le pré du moulin’, “ C54 four” ; “ D végétation” en particulier “ D03
arbre” , “ D08 champ” , “ D09 vignoble” .
286
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
EXEMPLE DE LA LISTE DES CATEGORIES DE SENS DES TOPONYMES
A. ORONYMES
A01 Position
A02 Caractéristiques du sol
A03 Morphologie du terrain
B. HYDRONYMES
C. PHYTONYMES
C01 Noms de plantes
C02 Ensembles d’éléments végétaux
C03 Cultures
D. ZOOTOPONYMES
D01 Animaux domestiques
D02 Animaux sauvages
E. ÉCOTOPONYMES
E01 Agricole
E02 Pastoral
E03 Sylvicole
E04 Chasse-Pêche-Récolte
E05 Artisanal
E06 Extractif
E07 Industriel
E08 Communication
E09 Tourisme
E10 Civil-Publique
E11 Ecclésiastique
E12 Militaire
E13 Fonctions sociales
E14 Types de propriétés
E15 Restes historiques-artistiquesarchéologiques
F. ANTHROTOPONYMES
F01 Prénoms
F02 Surnoms
F03 Noms
F04 Relations
G. MYTHOTOPONYMES
H. TOPONYMES HISTORIQUES
I. PHÉNOMÈ NES ATMOSPHÉRIQUES
Z. INCONNU
Vu que parfois le sens du toponyme peut être inconnu aux témoins (dans ce
cas il est inséré dans la catégorie signalée par un Z) ou que la description du terrain peut ne pas être suffisante, la recherche par catégories peut résulter incomplète. Il a été alors nécessaire de compléter l’enquête, en plus d’une lecture générale des listes des toponymes, en partant de la forme phonétique du nom de lieu.
Grâce à l’ordinateur il a été possible de rechercher tous les toponymes terminant par les sons -é ; -ì ; -ére ; -ée ; -ire ; -éri ; des suffixes collectifs qui résultent,
selon les différents patois de la zone enquêtée, de l’évolution des suffixes latin
–ARǏ U et –ARǏ A et qui ont donné -er et -ière en français et -aio, -aia en italien.
Ces suffixes signalent, dans la plupart des cas, la présence d’une grande quantité de quelque chose ou un lieu où abonde l’objet indiqué par le radical du mot
ou encore un terrain destiné à une culture déterminée3. Ils sont souvent liés aux
noms de fruits, de plantes cultivées, d’animaux.
2. Organisation des données
De l’ensemble de lieux-dits résultés de la recherche4, j’ai tiré ceux qui semblent avoir un rapport avec l’alimentation5 et, ces derniers, je les ai insérés dans
287
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
une liste, et regroupés selon l’altitude, afin de mettre en évidence les différences
de végétation et de cultures par rapport à la hauteur, et, en groupes et sousgroupes, selon le genre d’informations qu’ils fournissent.
Cette liste est composée de sept colonnes : la première présente un numéro
de renvoi, la deuxième les groupes et sous-groupes, la troisième les toponymes,
la quatrième colonne est réservée aux numéros de fiches des toponymes et à
l’indication des communes6, la cinquième aux altitudes, la sixième au sens du
toponyme (toujours selon les indications des témoins), la septième aux informations qu’on trouve dans les parties “ Nature du terrain ” et “ Autre informations ” de la fiche toponymique.
3. Analyse
Au premier groupe, Cultures, appartiennent les noms de lieux qui rappellent
que, à un certain endroit, il y avait des cultures, sans en préciser le genre. Ils
nous le rappellent par les simples formes tsan ‘champ’ ou courtì ‘jardin potager ’, comme dans le cas de lo Tsan dou Roc 7 ‘le champ du rocher ’ (12a) à
Torgnon ou lo Courtì Damòn ‘le jardin potager en amont’ (4b) à Saint-Vincent ;
ou par des unités de mesure, l’émeunna ‘l’hémine’8 et la cartanó la “ quartanée ” 9
comme dans le cas de l’Inmeuna (12b) à Saint-Vincent ou la Cartanó (12c) à
Antey-Saint-André ; ou encore par un ancien mots qui semblerait être lié au
glanage, action de glaner, ‘ramasser dans les champs, après la moisson, les épis
qui ont échappé aux moissonneurs’, lè Guiéne ‘les glanes’ (20d), aussi ‘poignée
d’épis glanés’10 à La Magdeleine.
Dans ce groupe, des informations supplémentaires peuvent être recherchées dans la partie “ Autres informations ” . On découvre qu’on cultivait de
l’avoine, du blé ou froment, de l’orge, de pommes de terre (on mentionne une
variété de pommes de terre dite felèize), du seigle et encore, en ce qui concerne
l’alimentation des animaux, la luzerne et la fétuque des prés11. Pour les jardins
potagers on mentionne le chou et le haricot et aussi le péquén abran, le groseiller des alpes12.
Les champs se maintiennent au-dessous des 2000 m (1800-1900 m). Au-dessus de cette hauteur le paysage et le type d’exploitation du terrain change radicalement. Il faudrait les interpréter différemment les noms de lieux tels que
Champ Long à La Magdeleine à 2200 m.
Au groupe Genre de cultures appartiennent les toponymes caractérisés par les
suffixes dérivés du lat. –ARǏ A et qui semblent nous fournir des informations
plus précises sur le type de culture. Par ex. la Fromèntire (5a) à Saint-Vincent ou
Fromèntó (13c) à Antey pour le froment ou peut-être l’avoine fourragère13 ; lè-zAvoée (13a) à Antey et lè-z-Arvèillée (13d) encore à Antey et à Torgnon pour
l’avoine14 et les lentilles15 ; ou encore la Plantse di Fove ‘la pièce des fèves’ (21a) à
288
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
Torgnon pour les fèves16. La Meillée (13f) à Antey-Saint-André pourrait nous
indiquer des anciens champs de millet si à ce toponyme correspond l’ancien et
le moyen français milière ‘champ semé de millet’17. La Marsaleunna (21d) à La
Magdeleine et lè Marselére (13h) à Antey-Saint-André devrait être lié à la marseula ‘le seigle’, lo bió, qu’on semait au mois de mars’18 et destiné aux bêtes.
Sous la catégorie Plantes, j’ai regroupé les vignobles et les vergers. Les
vignobles, lè Veugne (2b), (14b) à Saint-Vincent et aussi à Antey-Saint-André.
Dans la commune de Saint-Vincent, ils s’élèvent jusqu’à 700 m ; à Antey-SaintAndré le toponyme se trouve à 1050 m, mais c’est un cas isolé. On peut avoir
des doutes sur l’effective présence de cette plante, le nom de lieu pourrait être
un anthro-toponyme, lié au nom de personne Anne-Marguerite Vignaz relevé
dans le Cadastre Sarde dans la description des confins d’un terrain situé tout
proche19. Les témoins racontent cependant qu’on voyait encore des plantes de
vignes et qu’il y a avait des vignobles en amont du Ru de Marsillier, à 850 m
environ, et près du hameau de Rovet à 1200 m, dans la commune de Torgnon.
En ce qui concerne les vergers, le plus souvent appelés verzé, comme lo Vèrzé
((6a) à Antey-Saint-André) où verdé comme (14a) à Torgnon, les témoins les
considèrent les prés les mieux soignés situés près des maison, caractérisés par
la présence d’arbres fruitiers, mais pas toujours. Dans la description du terrain
on trouve surtout des pommiers dont parfois on spécifie la qualité, lè pomme
rénètte ‘les reinettes’, par exemple. On trouve aussi des poiriers, des cerisiers,
des pruniers et des noyers. On rencontre le type verzé ou verdé jusqu’à 1400 m,
dans la commune de Torgnon.
Lieu-dit lè-z-Arvèillée, Antey-Saint-André (photo A. Rolando)
289
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Les lieux-dits qui nous informent directement sur le Genre des plantes sont
caractérisés, dans la plupart des cas, par les suffixe -é ou -ì dérivé du lat. –ARǏ U.
On trouve d’amandiers, lo Mandoulì (7a) à Saint-Vincent ; de bigarreaux, lè
Grafioné (7b) à Antey-Saint-André20 ; cerisiers, merisiers ou griottiers, lè Sééze
(15b) à Valtournenche ; de châtaigniers, lè Tsatagnì (7d) à Saint-Vincent ou lè
Tsatagné (7d) à Antey-Saint-André. Au village de Liex, à Antey, on appelle tsénèi
les endroits où il y a des châtaigniers et pas de tséno ‘chêne’21. Dans la zone de
Chessin et Covalou, toujours à Antey, les bogues des châtaignes étaient entassées et conservées dans les éeussé, endroits clos et délimités par des murs en
pierres sèches, sur trois côtés, au niveau du sol. Les bogues étaient couvertes
avec des branches de conifères, on revenait les prendre pour les manger au mois
de décembre, avant la Noël. Les châtaignes étaient échangées, quilo pè quilo, un
kilo de châtaignes pour un kilo de pommes de terre avec les gens de Torgnon. Il
y a encore de figuiers, lo Tsan dou Fié ‘le champ du figuier’ (7a) à Saint-Vincent,
ensuite des noisetiers, la Couddra Damón ‘le noisetier en amont’ (15d) à SaintVincent ; des noyers, Dézò lo Noyé ‘au-dessous du noyer’ (7f) à Torgnon22 ; des
poiriers, lo Tsan dou Pèé ‘le champ du poirier’ (15f) à Antey-Saint-André qui,
selon les témoins, produisait des poires indiquées pour faire du sirop. Pour les
pommiers on trouve, par exemple, lo Pró dou Pomé ‘le pré du pommier’ (15g) à
Valtournenche, où « […] Il y avait des pommiers qui produisaient des petites
pommes sures. Pour pouvoir les manger il fallait les cuire. On exploitait pour ça
les dernières chaleurs du four à pain, on les appelait les pachón ».
Et encore on a lo Sambù ‘le sureau’ (15h), à Saint-Vincent ; un témoin d’Antey
a raconté qu’on employait le sureau pour corriger le vin, pour lui donner de la
couleur.
Il y a aussi des toponymes qui nous suggèrent l’élevage des animaux, la
Colombée (16a) à Antey-Saint-André et Valtournenche comme lieu d’élevage des
pigeons23, lo Tsan dè l’Oca ‘le champ de l’œi’ (23a) à Torgnon pour l’oie, Portsée
(8a) à Antey-Saint-André et la Bouatta dou Gadén ‘la cahute du cochon’ (23b) à
Valtournenche pour les porcs24.
Évidemment dans les villages il y a des poulaillers, lo Poulayé (8b) à AnteySaint-André25 et Valtournenche (16b), lo Poulaì (16b) à Saint-Vincent. Et aussi
des ruchers, lo Tsan dè l’Avoueillé ‘le champ du rucher’ (16c), à Antey-SaintAndré par exemple mais aussi à Valtournenche, l’Aveillé (16c) qui nous font
penser à la production du miel26. Lo Par di Vé ‘le parc, l’endroit où on ferme les
veaux’ (16d) pour les veaux à Antey-Saint-André.
Aussi les toponymes qui se réfèrent aux bâtiments peuvent nous apporter
des informations sur les habitudes alimentaires. La Cantén-a (17a), cantine, à
Antey-Saint-André ou la Fiscada (24a) à Valtournenche et Antey-Saint-André.
Mais surtout les fours, les laiteries, les moulins, les pressoirs et les meules qui,
par les contes des témoins nous parlent de la transformation des produits des
champs en nourriture. La Piantse dou For ‘la pièce du four’ (17b) à Saint-Vincent
290
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
et, tout simplement, lo For (17b) à Antey-Saint-André ; fours dans lesquels « […]
On faisait le pain noir avec des pommes de terre, du seigle et de l’orge. […] Au
dernier moment on faisait cuire des pommes (lè pachón) ». Puis les moulins, lo
Molén (17d) à Antey où « Le moulin avait deux meules, une pour le maï s, la
méilla, et une pour la farine blanche et les châtaignes ». comme pour lo Molén di
Tailleur à Valtournenche.
« La meule, la Pila (9c) à Antey, était employée pour écraser les noix et les
pommes ».
Toujours dans la partie “ Autres informations” on peut trouver des recettes,
par exemple pour faire lo peló, le gruau, recette que j’ai complété avec ce qu’on
lit dans le livre Mets et recettes édité par le Centre d’Études Francoprovençales
René Willien (pp. 256, 257)
« Lè greû sse i savivan totte fae lo peló, perquè y éve én medzé
san, nourrissan é a la portó dè tcheut. On lo fésive avoué d’ordzo peló à euna pila esprè. Dédén én brón ón fésive couée pè dovve bon-e-z-oue lo peló avoué l’éve, apré ón djontive dè tsatagne,
dè féjoù (‘ co mioù sè y avon la deû sse) é ver la fén eunna tartifia. A la fén, can y éve to bé én valer, ón djontive lo lassé é euna
mandolla dè beuro coló. On medzive avoué dè fromadzo. N’èn
rémarcó qué tsaque fameuye y aprestive lo peló à cha magnée :
coquén i fézive couée lo peló mae avoué d’éve, d’ô tre i beuttivan
demé d’éve é demé dè lassé ; coquén y èmpiéyive mae dè gran
d’ordzo, d’ô tre mae dè fromèn, ou métchà é métchà ; coquén i
beuttive ‘ co dè saliì dè pors é pé condì lo peló i fézive ‘ co couée
én bocón dè lar avoué la couenna ou peotro én eus » .
« Toutes les grands-mères savaient faire le gruau, parce
que c’était une nourriture saine, nourrissante et à la portée de tout le monde. On le faisait avec de l’orge pilé avec
une meule spéciale. Dans une marmite en bronze on faisait cuire le gruau avec de l’eau deux bonnes heures,
ensuite on ajoutait des châtaignes, des haricots en grains
(ou mieux avec leur gousse) et vers la fin une pomme de
terre. Quand le tout était bien homogène, on ajoutait du
lait et une noix de beurre fondu. On le mangeait avec du
fromage. Nous avons observé que chaque famille préparait le gruau à sa manière : les unes ne le faisaient cuire
qu’avec de l’eau, les autres utilisaient moitié eau, moitié
lait ; les unes n’utilisaient que du grain d’orge, les autres
que du grain de froment ou bien moitié-moitié ; les unes
y ajoutaient aussi du céléri et des poireaux et pour
“ assaisonner ” le gruau elles faisaient cuire aussi un morceau de lard avec sa couenne ou un os ».
291
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Les aliments, il fallait les produire mais aussi les conserver, avec la glace,
la Guiasire (10a) à Saint-Vincent, le sel, peut-être Sounée (10b) à Antey-SaintAndré27 ou comme pour la Covva dou Gorpeuill ‘la queue du renard’ (18a), où
l’air froid parmi les rochers d’un pierrier, clapèi, était rafraî chissante.
Les témoins des enquêtes toponymiques nous expliquent ce qu’on pouvait
manger mais aussi ce qu’on ne pouvait pas manger et, dans ce cas, boire. La Gran
Fontan-a ‘la grande source’ (19a) à Antey-Saint-André et l’Eve dou Tovassèi ‘l’eau
du Tovassey’ (11a) encore à Antey, l’une trop froide, il fallait empêcher aux bêtes
de la boire, l’autre trop lourde, on se sentait mal si on buvait de cette eau28.
4. Conclusion
Cette recherche n’est pas complète, il est probable que beaucoup d’autres
lieux-dits de la zone enquêtée pourraient nous renseigner sur l’alimentation en
montagne, elle devrait avoir démontré, encore une fois, que la toponymie et
d’autres branches d’études peuvent se compléter.
Ceux qui s’intéressent aux produits alimentaires traditionnels pourraient
trouver dans ce type d’information une confirmation de ce qu’ils savent déjà et
peut-être quelque chose de nouveau. On pourrait encore vérifier si certains
types de cultures sont possibles, ou encore possibles, dans les zones ou endroits
repérés par les toponymes.
Lè-z-éeussé, Antey-Saint-André (photo A. Rolando)
292
Cultures
Champs
Plantes
Vergers
1
1a
2
2a
SV
95 AN
AN
“ tsan”
lo Tsan dè Fromèn
“ tsan”
4 Cultures
4a Champs
SV
1477 SV
1541 SV
“ veugne”
lo Vió n dè la Veugne
la Gomba dè Fontana
SV
1507 SV
SV
1479 SV
lo Verzì Dèzot
“ verdzì”
la Veugne
“ for”
SV
501 - 1000
850-900
780-1520
450-1580
630
450
420, 500
500
400
430
430, 436
500
450-1580
N° fiches Altitude
Commune
… - 500
“ tsan”
Toponyme
3 Bâtiments
3a Fours
2b Vignobles
Groupe
L.
Le champ de blé.
Z
Z
Z
Verger.
Sens du toponyme
selon le témoin
LISTE DES TOPONYMES
Vigne et froment à 610 m ; pommiers
châ taigniers à 940 m ; châ taigniers,
cerisiers, froment, pommes de terre,
légumes, luzerne à 1000 m.
Autrefois champ où on cultivait le blé.
Pommes de terre, seigle, avoine, blé, froment,
orge, (luzerne, fétuque), cerisier à 1430 m.
« […] le terrain était presque entière
ment cultivé à vignes. Aujourd’hui […]
bâtiments ».
Il y avait des vignes.
Autrefois sentier, aujourd’hui route
« Il y a vingt ans, il y avait des vignes »
Pommiers et poiriers.
Vigne et froment à 500 m.
Nature du terrain et
autres informations
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
293
294
6 Plantes
6a Vergers
857 SV
47 AN
131 AN
AN
lo Verdzé di fétì
lo Verzé
“ verzé”
82 SV
lo Verdzì
“ verdzì”
la Mèntà
95 AN
lo Tsan dè Fromèn
5b Menthe
1374 SV
la Fromèntire
SV
“ courtì”
789 SV
827 SV
780 SV
le Courtì
lo Courtì Damó n
5 Genre de cultures
5a Froment
la Fromèntire
4b Jardins
potagers
685
3x780, 779, 797,
800, 950-60,
970-90, 1000
570
570, 620, 650,
2x700,
833, 900
780
1000
850-900
900
670
576, 600, 690,
700, 1000
600
690
Verger.
Verger. Herbe de
bonne qualité
pour les vaches.
Z
Z
Z
Z
Jardin potager.
Jardin potager.
Arbres fruitiers.
Terrains situés presque toujours près des
maisons, parfois on signale la présence
d’arbres fruitiers.
« […] trois, quatre pommiers (lè pomé).
On cueillait les pommes (lè pomme rénette)
aux premiers jours de septembre, au
décroî t de la lune (a la leunna deua) ».
Arbres fruitiers.
« Terrain un peu raide […]
On y trouve des vignes ».
« Terrain un peu en pente […]
prés et pâturages ».
Le champ de blé.
Autrefois champ où on cultivait le blé.
Terrain où pousse la menthe sauvage,
“ mèntatso” .
« […] il y avait des vignobles ».
« Autrefois il y avait des jardins potagers,
des champs de pommes de terre
et de froment ».
Alimentation traditionnelle en montagne
la Gran Veugne
la Vignetta
“ veugne”
7e Figuiers
7c Cerisiers
7d Châtaigniers
AN
“ tsatagné”
1396 SV
96 AN
53 AN
lo Tsan dou Fié
lo Fiè
2x600
960
833
1020
771
SV
133 SV
975 SV
779, 950,
875-920, 1090
600
870
1000
697 SV
lo Tsatagnì Avó
la Cruich
“ tsatagnì”
Tsampas
Rovarèi
“ rovarèi”
lo Pró dou Tsatagné
1608 SV
300 AN
960
700
1250
630
899
805 SV
806 SV
871 SV
135 SV
1448 SV
378 SV
680
600
575, 7x600, 650,
680, 2x700
600
600
700
784 SV
831 SV
SV
Chirizole
lo Castagnéto Damó n
lo Tsatagnì
Dèzot lo Tortso
Damó n lo Tortso
Pó rtapila
7 Genre de plantes
7a Amandiers
lo Mandoulì
7b Bigarreaux
lo Grafioné
6b Vignobles
Figuier
Figuier
Le pré du
châtaignier.
Z
Z
Châtaignier.
Z
Grafió n.
Variété de cerises.
Z
Z
Z
Z
Z
Z
Z
Z
« Il y avait un figuier ».
Selon le témoin cette plante est rare à
cette hauteur. On raconte qu’en amont
du ru de Marselier il y avait des vignes.
Il y avait un gros châtaignier.
« […] châtaigniers […] »
Châtaigniers.
« Autrefois il y avait des châtaigniers ».
« […] il y avait des champs
de pommes de terre ».
« […] bois de châtaigniers ».
Vignes. Amandier.
« On y trouve des vignes ».
« Terrain plat, vignes ».
Autrefois vignes.
« On y trouve des vignes ».
« On y trouve des vignes ».
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
295
296
Poiriers
7f
9c
Pressoirs
9b Moulins
8b Poulaillers
9 Bâtiments
9a Fours
8 Animaux
8a Porcs
7g Pommiers
Noyers
7f
167 TO
122 AN
177 AN
1499 SV
203 AN
Dézò lo Noyé
la Létse dou Péé
lo Pró dou Péé
Babéloune
le Tré Pomé
805 SV
806 SV
SV
“ molén”
Dèzot lo Tortso
Damó n lo Tortso
837 SV
767 SV
SV
“ for”
Moulén
Tsan Molén
815 AN
lo Poulayé
296 AN
AN
“ noyé”
Portsée
134 AN
lo Greu Pró dou Noyé
570, 640, 800,
2x833, 940, 974
600
600
560, 2x570, 953,
973, 1000
600
940
1090
950
980
990, 1045,
1060-70, 1170,
1175-1525 (vallon), 1400-10
1450
800
950
570
795
Autrefois bois de châtaigniers.
Z
Z
Z
Z
Poulailler.
Prou tsér,
“ beaucoup cher ”
« On y trouve des vignes ».
« Terrain plat, vignes ».
« […] vignes et champs ».
« Autrefois il y avait des champs de
pommes de terre et de froment […]
châtaigniers ».
Pré en pente moyenne, on ne peut pas
cultiver les pommes de terre parce que le
terrain est trop exposé au soleil.
Vieux poulailler dans le village d’Avout.
Il y avait un noyer.
Il y a un poirier.
Pré et gros poirier.
« […] Il y avait des vignes, des champs de
pommes de terre, de seigle, de froment,
d’avoine, d’orge et des prés ».
Les trois pommiers. Verger, pommiers.
Sous le noyer.
Poirier.
Le pré du poirier.
Z
Le gros pré du
noyer.
Alimentation traditionnelle en montagne
233 AN
SV
768 TO
TO
10 VT
VT
680 SV
483 AN
AN
181 TO
l’Éve di Tovassèi
“ tsan”
lo Tsan dou Roc
“ tsan”
lo Tsan dou Molén
“ tsan”
l’Inmeuna
l’Émenó
“ É menó”
l’Émmeó
12 Cultures
12a Champs
12b Hémine
273 AN
Sounée
1490 SV
414 AN
10b Sel
11 Eaux
11a Sources
10 Conservation des aliments
10a Glace
la Guiasire
la Pila
1280-2110
1040
1018-50
2x1040, 1110
1450
1128-1800
1440
1128
450-1580, 1050
1001 - 1500
870-980
990
550
990
Hémine, unité
de mesure.
Z
Hémine.
Le champ
du moulin.
Le champ de
la pierre.
Eau.
Lieu où on fait
la glace.
Z
Meule, pressoir.
Champs de blé, avoine, pommes de terre.
Anciens champs.
Champ. Friche.
Chê nes à 1040 m ; seigle, orge, avoine, blé à
1050 m ; arbres fruitiers à 1139 ; seigle à
1200 m et 1350 m ; noisetiers sauvages
à 1345 et 1390 m.
Autrefois champs. Rotation des cultures.
Aujourd’hui pommes de terre.
Les gens du village de Liex conseillent
de ne pas boire cette eau parce qu’elle
est trop lourde.
Hameau.
« La meule était employée pour écraser
les noix et les pommes ».
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
297
12c Quartanée
TO
504 VT
VT
333 AN
AN
186 TO
TO
114 VT
VT
636 SV
SV
995 AN
923 AN
397 TO
“ émmeó”
lé-z-Iméó
“ iméó”
la Cartanó
“ cartanó ”
298
la Cartanó
“ cartanó”
Cartaó
“ cartaó”
le Courtì
“ courtì”
lè Courtì
lo Courtì
lè Gran Courtì
1415
1300
1088, 1410,
1700
1385
1490, 1540
1088
1175, 1200,
1375, 1690
1440
1458-70,
1150-55
1480
1645, 1660
1300
1490
1080
Autrefois champ de blé, seigle, pommes
de terre, avoine.
Autrefois champ, aujourd’hui inculte.
Champ.
Il y a un noyer et on y cultive les pommes
de terre. Champs de seigle, orge, froment.
Champs de seigle, orge, froment.
Jardin potager.
Le grand jardin
potager.
Jardin potager.
Jardin potager.
« […] Il y avait des plantes de “ péquén
abran ” , un genre de cassis ».
Pommes de terre et choux.
En partie encore jardin potager.
« Autrefois il y avait des champs de
pomme de terre ».
« Il se rapporte à
Champs cultivé à pommes de terre et
la quantité de sei- seigle.
gle récolté (cartan-a
capacité d’un récipient circulaire en
bois utilisé pour
mesurer la quantité
de céréales) ».
Unité de mesure
pour les céréales.
Mesure (12 kilos
de seigle).
Z
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
AN
“ verzé”
1180 AN
1015 TO
la Meillée
lo Pévéè
13g Sarriette
945 AN
378 AN
la Meillée
13f Millet
lè Marselére
TO
85 TO
“ arvèillée”
Meuntée
13e Menthe
13h Seigle
14 Plantes
14a Vergers
1258 AN
541 TO
2x1010, 1010-20,
1015-28, 1025,
1029, 1030, 1045,
1070, 1075-80,
1075-95, 1080-90,
1100, 1120, 1139
1350-1400
1070-1100
1430
1020-40
1210, 1215
1685
1110-30
1500
Z
Pâturages.
Pré de fauche.
« Autrefois champs où on cultivait du
seigle et du froment ».
Prés de fauche près du torrent.
Autrefois champs de pommes de terre,
avoine, seigle.
Jardin potager et pré.
Pommiers (pomme rénette), poirier, cerisiers,
noyer, prunier, une pied de vigne à 1029 m,
fétuque.
Lieu où pousse de “ meunta” .
la menthe sauvage,
Z
Il y avait des pommiers et d’autres
arbres fruitiers.
Z
Éboulement.
“ Pévéetta” , herbe
Pré de fauche.
du jardin potager.
Z
Autrefois, en partie, champ.
Z
Z
1140-1275
Z
Z
1500
Jardin potager.
1345, 1428, 1450,
1489, 3x1500,
1506
lè-z-Avoée 1273 AN
766 TO
1130
435 AN
1000-1130
34 VT
VT
lè-z-Arvèillée
l’Arvèillase
13d Lentilles
13 Genres de cultures
13a
Avoine
13b Fraise
Fratèlé
13c Froment
Fromèntó
lé Courtì
“ courtì”
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
299
300
lè Veugne
651 SV
SV
697 AN
219 SV
la Couddra Damó n
Dérì lè Couddre
le Couddre
Lènguérola dou Nouì
15c Figuiers
15d Médicaments
15e Noisetiers
15f Noyers
315 SV
916 SV
195 AN
AN
2100 VT
VT
535 SV
1197 AN
lo Piàn dè Cherije
lo Pra Cherije
lè Sèéze
“ séezée”
lé Sééze
“ sééze”
lo Fié
lè Medeseunne
327 SV
377 TO
TO
1114 SV
502 AN
224 VT
lo Verzé
15 Genre de plantes
15a Bigarreaux
Grafiounì
le Grafioné
“ grafioné”
15b Cerisiers
la Cherijire
14b Vignobles
TO
“ verzé, verdé”
1070
1050-60
1100
1088
1200
1200
1000-25
1045, 1450-1455
1410
1280, 1375
1400
1120-50
1200
1400
1375
1450
1018-50
L’endroit est riche en merisiers.
Z
Cerisier.
Les cerisiers.
Les cerises.
Noisetiers.
Z
Pommes de terre.
On ne signale pas de figuiers.
Autrefois champs, pommes de terre,
orge, seigle. Aujourd’hui éboulement.
« […] il y avait des champs de pommes
de terre et de froment ».
Aujourd’hui champ de pommes de terre
et luzerne.
Prés.
Pommiers et cerisiers.
Cerisiers et châtaigniers.
Z
Z
Plantes qui avaient
une forte odeur.
Z
Terrain un peu en pente, pâturages.
Autrefois champ de pommes de terre.
Champ de pommes de terre au village
de Maen.
Selon le témoin il y aurait encore
quelques plantes.
Prés toujours verts, près du village, bien
soignés. Pommiers.
Z
Z
Vignoble.
1150, 1180, 1210,
1328, 1330, 1375,
1390, 1392, 1395,
1400, 1410, 1440,
1500, 1560, 1580
1340
Z
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
15i Sureaux
16 Animaux
16a Colombiers
15h Pommiers
15g Poiriers
321 AN
610 TO
306 TO
TO
1222 SV
AN
270 TO
TO
746 TO
TO
614 VT
VT
520 SV
319 AN
805 AN
lo Tsan dou Péé
lo Pitché dou Péé
lo Pèé
“ pèé”
lo Poumì
“ pomé”
lo Pomé
“ pomé”
lo Mèlé
“ mèlé”
lo Pró dou Pomé
“ pomé”
lo Sambù
la Colombée
la Colombée
1125
1020
1425
1400
1290
1400
1375
1300
1075, 1290,
1120-65, 1130-35,
1375-85
1345
1145, 1225, 1275,
1375, 1400, 1445
1175
1200, 1550, 1630
1415
1020-25
Oiseaux.
Z
Il y avait quatre noyers, on récoltait les
noix pour produire l’huile de noix.
Ancien champ.
Pommes de terre, pâturages.
Pré, inculte. « […] Il y avait des
pommiers qui produisaient de petites
pommes dures. Pour pouvoir les man
ger il fallait les cuire. On exploitait pour
ça les dernières chaleurs du four à pain,
on les appelait les “ pachón” ».
Le pré du
pommier.
Z
Poirier, pommier.
Pré de fauche.
Pommiers sauvages.
Cerisier (1120-65 m), pommiers, frê nes,
cerisiers (1375-85).
Le pommier.
Le pommier.
Le pommier.
« Au centre du pré il y avait un poirier
qui produisait des poires indiquées pour
faire du sirop ».
Le petit du poirier. Pré de fauche.
Le poirier.
Il y avait un poirier.
Le champ du
poirier.
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
301
302
455 AN
991 AN
lo Pró dou For
lo For
la Létsée dè la Litiì
SV
“ for”
17c Laiteries
394 SV
la Piantse dou For
17b Fours
618 TO
8 AN
la Cantén-a
17 Bâtiments
17a Cantines
1945 VT
l’Aveillé
969 AN
AN
“ avoueillé”
lo Par di Vé
637 SV
134 VT
534 AN
lo Poulaì
lo Poulayé
lo Tsan dè l’Avoueillé
1867 VT
16d Veaux
16c Ruchers
16b Poulaillers
la Colombée
1320
1100, 1240,
1331, 1350
1130
1390
1100
690
1390
1029, 1340,
1385, 1420-30
1450
1088
1500
1045-50
1350
Il y avait un rucher. Aujourd’hui
poulailler.
Champ de pommes de terre, poulailler.
Le témoin n’a jamais vu de
ruchers à cet endroit, l’exposition au
soleil n’est pas bonne.
Autrefois pré et pâturage, aujourd’hui
inculte.
La léchère, lieu
marécageux,
de la laiterie.
Le pré du four.
Le four.
Z
Cantine.
Pommier (pomme rénette).
« […] On faisait le pain noir avec des
pommes de terre, du seigle et de l’orge.
[…] Au dernier moment on faisait cuire
des pommes (lè pachón).
Pré.
Maison bâtie en 1884-88, selon le témoin.
Cantine plus étable et habitation, deux
pommiers, un poirier, un noisetier.
« Il y avait quelques champs de pommes
de terre et de froment ».
Endroit où on rassemble les veaux. Enceinte, cerisier.
Le rucher.
Poulailler
Poulailler.
Le champ
du rucher.
Z
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
446 SV
SV
lo Tsan Machérà
“ tsan”
450-1580
1580
1501 - 2000
20 Cultures
20a Champs
Z
Grande source.
1125
1298 AN
la Gran Fontan-a
1345
19 Eaux
19a Sources
1266 AN
lè Pró dou molén
La queue
du renard.
537 AN
lo Molén
1050
536 AN
lè Gran Molén
1080, 1090, 1210,
1310, 1560
1020-35
Les Grands
Moulins.
1021
Le moulin.
Z
17e Pressoirs
la Pilla
885 AN
18 Conservation des aliments
18a Air
la Covva dou Gorpeuill 707 AN
SV
“ molén”
1560
Les prés du
moulin.
Pressoir.
456 SV
lo Molén
1130-35
17d Moulins
« […] il y avait des champs de seigle et
avoine ».
Il fallait empêcher aux hommes et aux
bêtes de boire cette eau qui était froide.
Trou parmi les rochers d’un pierrier où
souffle de l’air froid.
« Le moulin avait deux meules : une
pour le maï s, la méilla, et une pour la
farine blanche et les châtaignes ».
Il y avait des pommiers.
Village. Moulins, laiterie, cantine.
« Autrefois il y avait des champs de blé
et de pommes de terres ».
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
303
304
463 SV
VT
Cartanà
“ cartaó”
20b Hémine
20c Quartanée
59 LM
257 LM
529 TO
TO
459 SV
lo Tsan dè Boén
“ tsan”
l’Inmenà
lè Guiéne
lo Courtì
105 CH
lo Gran Tsan
20d Glanes
20e Jardins potagers
LM
“ tsan”
1800-1830
1680-1685
1490, 1540
1545
1800
1128-1800
1555
Z
Le jardin potager.
Unité de mesure,
le double de
la cartanà .
Unité de mesure.
Le champ.
1535, 1500, 1550,
1565-1575, 1610,
1625-50, 2x1630,
1645, 2x1650,
2x1660, 3x1670,
3x1675, 1675-90,
1690-1700, 1695,
1700-10, 1710,
1715-25, 3x1720,
1725, 1730, 1740,
1750, 2x1760,
1760-1900, 1770,
1820, 1850
1760
Le grand champ.
Toujours pré de fauche.
Autrefois terrain cultivé à blé ou à
pomme de terre.
« Autrefois il y avait des champs de blé
et de pommes de terre ».
Autrefois champs.
Les témoins parlent d’une variété de
pommes de terre appelées “ felèize” . Il
disent que le mot n’est pas patois mais
piémontais.
Bois de mélèzes.
Avoine, blé, seigle, pommes de terre.
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
22b Noisetiers
351 LM
558 TO
TO
40 VT
VT
11 VT
VT
lo Sèrezé
la Sééze
“ sééze”
lé Sééze
“ sééze”
la Plantse dou Coudré
“ coudré”
255 LM
22 Genre de plantes
22a Cerisiers
lè Sèrezére
VT
“ courtì”
1 LM
LM
651 TO
404 LM
TO
287 LM
1582 VT
lé Courtì dé la Ravée
21 Genre de Cultures
21a Fèves
Févié
“ févié”
la Plantse di Fó ve
21b Froment
lè Couaye dou Fromèn
21c Lentilles
“ arvèillée”
21d Seigle
la Marsaleunna
LM
“ courtì”
1520
1510
1500
1500, 1510
1315, 1330, 1590
1775
1600
1650
1570
1525, 1610
1680
1775
1650
1735
2x1570, 1615,
1650
1640, 1680,
1680-85,
1700, 1710
1750
Avoine, pommes de terre, seigle.
Noisetier.
Z
Endroit où il y a
des cerisiers.
Le cerisier.
La cerise.
Seigle du
printemps.
Autrefois champ.
Il y a un cerisier.
Autrefois champs de pommes de terre,
avoine, blé, seigle.
Autrefois champs de pommes de terre,
avoine, blé, seigle.
Pré.
Il y avait et il y a des cerisiers.
Autrefois champ où l’on semait le seigle
du printemps appelé “ marseula” , au
lieu du nom traditionnel du seigle qu’on
semait en autumne “ bió” .
La pièce des fèves. Autrefois champ de fèves.
Froment.
Z
Le potager du
champ des navets.
À 1700 m blé avoine seigle.
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
305
306
24d Pressoirs
24c Moulins
35 LM
47 TO
1871 VT
lo Molén
lo Molén di Tailleur
la Pila
1867 VT
169 LM
VT
573 LM
1482 VT
2018 VT
la Fiscada
lo Pró dè la Létérì
“ létiì”
lo Molenó
l’Avoueillé
23c Ruchers
24 Bâtiments
24a Cantines
24b Laiteires
la Bouatta dou Gadén
23b Porc
1198 TO
TO
“ mèlé”
lo Tsan dè l’Oca
484 LM
283 LM
360 LM
lo Péré
lo Péré
lo Pomé
23 Animaux
23a Oies
22d Pommiers
22c Poiriers
1960
1650
1870
1520
1630-1635
1590
1650
1640
1840
1530
1200, 1550, 1630
1550
1815
1810
Champ de blé, seigle etc. Poiriers
Pré et pâturage avec poirier sauvage.
« Il y a un pommier qui donne de petites
pommes ».
Table, dehors pour les touristes.
Dérivé de moulin. « […] On pouvait moudre le seigle,
l’avoine, le froment ».
Le moulin.
Pré avec eau souterraine.
Le moulin du
« C’était un moulin privé, qui a fonc
tailleur, sobriquet. tionné jusqu’en 1958-60. Il y avait deux
meules : l’une pour le maï s, l’autre pour
le grain (blé, froment…) ».
Z
Pâturage et mayen.
Lieu frais.
Laiterie.
Le champ de l’oie. Autrefois champ à rotation des cultures.
Aujourd’hui pré de fauche.
Petite étable
du porc.
Le rucher.
Autrefois champ, aujourd’hui pré.
Le rucher n’existe plus.
Poirier.
Poirier.
Pommier.
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
26
26a
27
27a
“ tsan”
Genres de cultures
Thym
la Sérieula
Bâtiments
Laiteries
la Létiì
25 Cultures
25a Champs
2340
2140
426 VT
2300-2700, 2312,
2310-2330, 2320,
2360-2650
363 VT
LM
2001 - …
Laiterie.
Nom de l’alpage.
Laiterie du village de “ Tsegnan-a” .
Pâturages.
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
307
308
Figuiers
Noisetiers
Noyers
Poiriers
Pommiers
Sureaux
Fève
Fraises
Froment
Lentilles
Menthe
Millet
Sarriette
Seigle
Thym
Glanage
Jardins potagers
Quartanée
Vignobles
Châtaigniers
Cerisiers
Bigarreaux
Amandiers
Hémine
Vergers
Avoine
Genre de plantes
Champs
Plantes
Genre de
cultures
Cultures
Veaux
Ruches
Poulaillers
Porcs
Oie
Colombiers
Animaux
Pressoirs,
meules
Moulins
Laiteries
Fours
Cantines
Bâtiments
LISTE DES GROUPES ET SOUS-GROUPES DES LIEUX-DITS
Sel
Glace
Air
Sources
Conservation Eaux
des aliments
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
N O T E S
Pellegrini (1990), p. 5 : « La toponomastica deve essere considerata - come tante
branche del sapere - una scienza autonoma, ma anche una scienza ausiliaria. Essa rappresenta infatti la convergenza di varie ricerche ed un campo d’indagine tipicamente
interdisciplinare ».
2
Archives des enquêtes toponymiques du BREL (Bureau Régional pour l’Ethnologie et
la Linguistique). L’enquête de Valtournenche a relevé 2299 toponymes et lieux-dits, celle
de Torgnon 1494, Antey-Saint-André 1343, Chamois 300, enquête qui doit être terminée,
La Magdeleine 600, Saint-Vincent 1645 (pour un total de 7681 lieux-dits).
3
GDLIM, pp. 84, 85 “ –àio, –àia” .
4
Au total 130 lieux-dits.
5
Il faut toujours être méfiant, même le nom le plus simple et dont le sens semble être
transparent peut cacher des surprises, qui se révèlent parfois à travers les archives. Pour
cette recherche je n’ai que superficiellement fouillé dans les documents écrits.
6
AN, Antey-Saint-André ; CH, Chamois ; LM, La Magdeleine ; TO, Torgnon ; SV SaintVincent ; VT, Valtournenche.
7
Je n’emploie pas le système de transcription utilisé dans les enquêtes toponymiques
pour représenter les toponymes dans leur forme dialectale, mais la graphie normalisée
proposée par le BREL pour l’écriture du francoprovençal valdôtain et présentée dans
Patois à petit pas, méthode pour l’enseignement du francoprovenç al, Assessorat de l’Éducation
et de la Culture, Région Autonome Vallée d’Aoste, Imprimerie Valdôtaine, 1999, Aoste.
Dans cet article l’initiale des lieux-dits sera toujours en majuscule.
8
NDPV émenna : « […] L’émenna di vin, l’hémine du vin (16 litres). L’émenna di trifolle,
l’hémine des pommes de terre (20 kilos). L’émenna di fromen, l’hémine du blé (18 kilos).
La demia émenna o quartana, la demi-hémine ou quartane […] ».
9
NDPV quartana : « […] Mesure de capacité d’environ un décalitre […] Euna quartana de
fromen pèise pi o mouen nou kilo, euna quartana de trifolle pi o mouen dzë kilo, une quartane
de blé pèse environ neuf kilos, une quartane de pommes de terre environ dix kilos ».
10
DHLF glaner, variante glener, du bas latin glenare (d’origine gauloise), ‘ramasser les épis
laissés par les moissonneurs’, le déverbal glane a eu le sens de ‘poignée d’épis glanés’.
11
Fiche n° 544, lè Tsan dè la Lizerna (LM), fiche n° 1101, lo Fétù (AN).
12
Les noms des plantes en français ont été tiré de Lavoyer Ivo, Glossologie et Flore des
Alpes, Imprimerie Valdôtaine, 1994, Aoste.
13
DHLF froment : « […] du latin frumentum, terme général pour toutes les céréales à épi
et, spécialement, le blé. […] fromental, – ale, – aux : adj. et n. m. dérivé de froment ou
emprunté au bas-latin fromentalis ‘de blé’, est rare au sens latin (fin XIIe s. formentail).
Comme nom, le mot désigne l’avoine fourragère ».
14
DENLF les Avenières, Haute-Savoie, lat. avena, peut prendre le sens de ‘terre maigre’.
FEW 1, 187 avena ‘hafer’ Fr. avoine, afr. aveine, apr. avena […] Lyon aveniri […] ‘champ
dans lequel on a récolté l’avoine […] ‘jachère’ […] ‘droit féodal sur la récolte de l’avoine’
[…] mfr. avonier ‘mesure pour l’avoine’.
DHLF avoine : « […] provient, sous la forme aveine (XIIe s.), du lat. avena de même sens,
mais désignant surtout la graminée sauvage, considérée comme une mauvaise herbe, ou
à la rigueur une plante à fourrage […] le mot ne semble pas indo-européen ».
15
NDPV arveilla s. f. Nom de la lentille à Brusson.
FEW 1, 151 arvum ‘flur, saatfeld’ Ard. arve ‘champ, terrain vide’.
16
DHLF fève : « […] est l’aboutissement (1170) du latin faba ; la fève, qui jouait un grand
rôle dans l’alimentation des romains, appartient à la civilisation du nord-ouest de
l’Europe […] ».
1
309
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Source d’eau dans le bois, Antey-Saint-André (photo A. Rolando)
FEW 6.2, 83 milium ‘hirse’ Fr. mil « panicum miliaceum », afr. mules, afr., mfr. milet, fr.
millet. Afr. mfr. milière ‘champ semé de millet’.
18
FEW 6.1, 390 martius ‘mä rz’. 391, –alia Alothr marxalle ‘menus grains qu’on sème au
mois de mars’.
19
Cadastre Sarde d’Antey-Saint-André, 1769. Parcelle 2743 ; mas de Les Tesseres ; qualité :
pré, champ ; fins : levant Jean-André Deschèvres, midy Anne-Marguerite Vignaz […]
20
FEW 4, 242-243 : graphium ‘griffel’ « […] A pr. graffion ‘bigarreau’ […] sav. grafion ».
21
FEW 2.1, 459-460 : *cassanus (gall.) ‘eiche’ « […] 1. a. Afr. cha(s)ne ‘chêne’ […] aost. tsénei [lieu planté de chênes], Valtourn. tseney ‘lieu planté de châtaigniers’ ».
22
DHLF noix : « […] le nom de l’arbre qui produit les noix, noyer […] n’est pas dérivé de
noix, mais est issu du latin. pop. *nucarius, dérivé du latin classique nux ».
23
DENLF Colomars, Colombier(s), Colombières, « Lat. columbarium, pigeonnier; - au plur.,
devenu fém., columbaria […] », cfr. Pellegrini (1990) p. 362 : « palumbus ‘colombo’ > […]
ant. palumbaria (Roccastrada GR) = 1076 […] (calabr. palumbaru ‘colombaia’) ».
DHLF colombier : « […] d’abord columbier (v. 1121) est issu du latin columbarium ‘endroit
où on élève les pigeons’ ».
24
Pellegrini (1990) p. 362 : « porcus ‘porco’ > […] (porchereccia ‘stalla di porci’) […]
Porcaria ant. nel Mirandolese e nel Ferrarese (diploma di Astolfo e Desiderio) ».
FEW 9, 184-185 porcarius ‘zum schwein gehö rig’ “ […] A pr. porcaria ».
25
DHLF poule : « […] poulailler en a.fr. ‘marchand d’œufs et volaille’ est devenu (1389) le
nom de la petite construction où on élève les volailles qui y habitent.”
26
DHLF abeille : “ […] d’abord sous la forme abueille (1273), a remplacé à partir du XVIe s.
l’expression mouche à miel, employée au moyen âge pour désigner cet insecte ; cette for17
310
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne…
me est empruntée à l’ancien provençal abelha qui vient lui-même du lat. apicula, diminutif de apis ‘abeille’. […] abeiller (v. 1260) ‘ruche’ ».
27
DENLF La Saunière < « Lat. salina, saline, lieu où on se recueille le sel ; du masc. salinum […] Saulnières […] Salinariae, vers 1120) ».
28
Le mot tovassèi pourrait être lié au tuf, Dauzat-Deslandes-Rostaing (1978), touvet.
B I B L I O G R A P H I E
CEFP, Mets et recettes, Musumeci Éditeur, Quart (Aoste), 1994.
DAUZAT A., DESLANDES G., ROSTAING Ch., Dictionnaire étymologique des noms de
rivières et de montagnes de France, Éditions Klincksieck, Paris, 1978.
DENLF, DAUZAT Albert, ROSTAING Charles, Dictionnaire étimologique des noms de
lieux en France, 2e édition revue et complétée par Ch. Rostaing, Librairie
Guénégaud, Paris, 1989.
DTI, GASCA QUEIRAZZA G., MARCATO C., PELLEGRINI G. B., PETRACCO SICARDI G.,
ROSSEBASTIANO A., Dizionario di toponomastica: storia e significato dei nomi geografici italiani, Garzanti, Torino, 1996.
FEW, WARTBURG Von W., Franzö sisches Etymologisches Wö rterbuch, BonnTü bingen-Basel. 1922 et suiv.
GDLIM, Grande dizionario della lingua italiana moderna, Garzanti, 1998.
LAVOYER Ivo, Glossologie et Flore des Alpes, Imprimerie Valdôtaine, Aoste, 1994.
LA, Larousse Agricole, publié sous la direction de Jean-Michel Clément, Librairie
Larousse, Paris, 1981.
NDPV, CHENAL Aimé, VAUTHERIN Raymond, Nouveau Dictionnaire de Patois
Valdô tain, Musumeci Éditeur, Quart (Aoste), 1997.
Patois à petit pas, méthode pour l’enseignement du francoprovenç al, par l’Assessorat
de l’Éducation et de la Culture, Région Autonome Vallée d’Aoste, Imprimerie Valdôtaine, Aoste, 1999.
PELLEGRINI Giovan Battista, Toponomastica italiana, Ulrico Hœpli Editore, Milano, 1990.
311
Slow food: dalla democratizzazione
del piacere alla riscoperta
del ruolo centrale dell’agricoltura
Giacomo Sado
Quasi tutti coloro che appena appena ci
conoscono, vi diranno che Slow food è
l’organizzazione che ha creato Terra
Madre. E hanno ragione…
Terra madre, un momento di incontro e
di riflessione fra quanti in tutto il mondo
si occupano di cibo, indicata alla vigilia
come una follia, è stata una scommessa
vinta. Si è riusciti a portare a Torino contadini, pescatori, allevatori, nomadi da
tutto il mondo, 5000 circa, tutti organizzati in quelle che Slow food ha chiamato
C OMUNITÀ DEL CIBO . 5000 produttori e
operatori del settore agroalimentare provenienti da 130 Paesi, rappresentativi di
un diverso modo di intendere la qualità del cibo, attento alle risorse ambientali,
agli equilibri planetari, alla qualità dei prodotti, alla dignità dei lavoratori e alla
salute dei consumatori. In quattro giorni di conferenze e seminari si sono confrontate nello scorso ottobre le Comunità del Cibo impegnate nell’agricoltura,
nella pesca, nell’allevamento e nelle economie di raccolta del cibo: hanno potuto conoscersi e condividere saperi e soluzioni elaborate localmente, ma replicabili in altri contesti.
Giacomo Mojoli, VicePresidente nazionale Slow food, era in quei giorni a
Torino e vi porterà nel suo prossimo intervento, una testimonianza preziosa su
un appuntamento esaltante che si è trasformato in un evento epocale. Ma gli
echi – e non solo – sono arrivati fino a noi…
Slow food della Valle d’Aosta che ha ottenuto che l’evento si “ allargasse”
anche fuori dai confini piemontesi, è stata chiamata ad organizzare un importante “ laboratorio” anche nella nostra regione.
Giovedì 21 ottobre al Forte di Bard si è parlato di formaggio e degli effetti
positivi del latte crudo e dell’importanza della libera scelta (produttiva e di
acquisto) sulla pastorizzazione.
313
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Vi hanno partecipato almeno 300 produttori provenienti da tutto il mondo,
soprattutto contadini del Nord Europa. 200 di loro sono stati per più giorni in
Valle, ospiti nei Comuni del Gran San Bernardo. I primi ad arrivare e gli ultimi
a partire sono stati trenta contadini della Georgia (ex URSS), che, andandosene
hanno assicurato che non si dimenticheranno facilmente di noi.
Tutti, noi e loro, siamo stati fortemente coinvolti nello svolgimento di un
meeting inedito, mai tentato prima.
L’evento è destinato a lasciare un segno profondo anche sulla nostra organizzazione di Slow food. Davvero, dopo Terra madre, non saremo più come prima.
Chi siamo
Slow food nasce come Arcigola nel 1986, sostanzialmente partendo da uno
slogan: la rivendicazione del diritto al piacere gastronomico. Un’autentica svolta non solo nella gastronomia.
Un esempio? Il vino italiano quando è arrivato Slow food appunto poco
meno di vent’anni fa, era già uscito dalla crisi. Parlo della gravissima crisi del
metanolo che i più ricorderanno. Era stato salvato, rilanciato, riqualificato per
merito soprattutto di alcuni produttori straordinari (che avevano da subito
scommesso sulla qualità) e da esperti che non loderemo mai abbastanza e
divulgato da quel grande maestro che è stato Luigi Veronelli.
Slow food arriva e fa a sua volta una scommessa: far conoscere
il vino di qualità a chi, pur non avendo tanti soldi, vorrebbe
provare il piacere di un buon bicchiere.
Spiega – all’inizio tra molto scetticismo – che la storia del vino è la storia
del gusto, più ancora che storia delle tecniche e che l’uno e le altre sono cultura e ottiene… successo. In un settore che sta per conoscere un autentico
boom, inventa un nuovo linguaggio, parla di piacevolezza e dà un suo personale contributo alla nuova comunicazione. Il piacere di un buon vino era
un elemento di cui quasi vergognarsi, certamente non degno di studio e
nemmeno di essere proclamato. I costumi gastronomici erano folklore. Slow
food inventa un approccio al vino – e poi al cibo – STORICO, ECONOMICO, EDONISTICO, partendo però sempre dal gusto. Dichiara che un mondo senza sapori e senza odori è insensato e privo di vita. L’assaggio è conoscenza e
piacere. Avverte i puristi che la qualità può (e deve) diffondersi anche facendo grandi numeri.
Prima di noi sembrava invece inesorabilmente vincente un concetto di alimentazione bipolare: da una parte una facoltosa nicchia di gourmet e dall’altra
uno stuolo di consumatori di cibo-benzina, gusto coca-cola. Slow food ha
314
Slow food: dalla democratizzazione del piacere alla riscoperta del ruolo dell’agricoltura
appunto democratizzato il piacere, ha dichiarato possibile il piacere per tutti,
senza vergogna, esaltato dalla convivialità e dalla consapevolezza.
Il legame fondamentale con il territorio
Il territorio, con i suoi prodotti, sono per noi un importante, distintivo, riferimento. Alcuni fattori “ naturali” , si sa, fanno di ogni prodotto tipico una specialità: può essere il terreno e il clima per la frutta; l’erba di montagna ricca di
fiori che dà un gusto particolare al latte e ai formaggi dell’alpeggio e ancora, il
terreno, con l’esposizione e le pendenze, per i vini.
I prodotti del territorio – è altrettanto risaputo – favoriscono peraltro anche
l’attività turistica. Sono cioè una risorsa culturale e turistica: il cibo regionale e
locale, le specialità di un posto realizzate con metodi tradizionali di lavorazione
sono la tangibile eredità di una cultura contadina non scritta, ma complessa e
ricca. Per quanti turisti, Fontina è il primo nome che viene loro in mente a sentir pronunciare la parola Valle d’Aosta? Più ancora del Monte Bianco (che molti
pensano sia solo in Francia) e del Casinò …
La fontina e i formaggi della Valle d’Aosta (il fromadzo, la toma di Gressoney,
il salignon, il reblèque: una produzione casearia tipicamente di montagna) hanno grandi potenzialità, sol che si imbocchi definitivamente e con convinzione
la strada della qualità. Intanto sappiamo che solo dal latte crudo può nascere
l’eccellenza gastronomica. Poi si tratta di sfruttare al meglio una tendenza
ancora in via di formazione: il formaggio italiano, che è stato ed è ancora considerato dai più come un alimento umile, gustoso ed abbondante, si accinge
ad acquisire lo status di prodotto edonistico e colto.
Ma non ci sono solo i formaggi: ci sono i vini, le mele, la mocetta, il lardo di
Arnad, i boudins, le saucisses, i prosciutti, il miele…
Consapevoli, informati e… rispettosi
Il socio Slow food è consapevole delle potenzialità di questo patrimonio.
Consapevole vuol dire informato, educato: vuol dire che sa che il patrimonio
enogastronomico – come il territorio – va protetto. Se é così , al socio Slow
food non può bastare il giro dei ristoranti; il suo percorso lo porterà nei campi, nelle stalle, sui mercati. Portatore di una proposta forte: resistere al gusto
unico, investire sulle differenze, sulla tradizione e sul rispetto dell’ambiente.
Con uno sguardo certo rivolto al futuro, ma con un’attenzione rispettosa al
passato.
Nella convinzione che gli alimenti sono molto più di semplice cibo, poiché
rappresentano un’intera cultura.
315
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Il cibo, i modi e le tecniche con cui ci si alimenta, in ogni parte del mondo
sono espressione e simbolo di una cultura identitaria, ma sono anche la risultante di processi economici, sociali, tecnologici, agronomici. Nel corso della storia i mutamenti in questi settori sono sempre avvenuti piuttosto lentamente,
tranne che in rare eccezioni: ciò ha permesso di sedimentare e conservare ovunque diversi usi e costumi gastronomici.
Con la proposta, ribadiamo un allarme:
« promuovere la qualità dei vini e dei cibi è inutile se non ci si
rende conto che, nel frattempo, l’agricoltura industriale, l’abbandono delle montagne e l’inquinamento stanno cancellando
in tutto il mondo varietà di frutta, di verdura, razze animali,
salumi e formaggi ».
Così , da gastronoma, Slow food si è fatta eco-gastronoma, ponendo come
centrale il tema dell’agricoltura per annunciare, usando le parole del nostro
Presidente Carlo Petrini, che
« la sfida vincente starà nel nuovo modo di sfruttare le risorse
del territorio in maniera rispettosa dell’ambiente, salvaguardando la qualità e la tradizionalità » .
316
Mangiare: un “atto agricolo”
Verso un’ecologia dell’alimentazione
Giacomo Mojoli
Paradossalmente si può affermare che
attorno ai temi dell’alimentazione, della
cosiddetta enogastronomia, oggi esista
troppa comunicazione.
C’è una grande ridondanza di convegni e
di seminari sul tema del cibo. Attorno a
questi argomenti si è innescata una sorta
di spettacolarizzazione, rappresentata in
primo luogo e nel modo più indecoroso
da innumerevoli trasmissioni televisive
che rasentano una sorta di pornografia
dell’immagine gastronomica. Per questo,
relativamente al tema della comunicazione, ma non solo, è necessario riportare il
discorso sull’alimentazione al punto da
cui dovrebbe partire: mangiare è fondamentalmente un “ atto agricolo” . Infatti,
ogni qualvolta noi scegliamo un prodotto alimentare, di fatto, influenziamo lo sviluppo di un determinato modello agricolo anziché di un altro. Nel senso che, per
ottenere cibo di qualità, bisogna partire dalla qualità della terra, dall’eco-sistema
del mare, da un nuovo modello di agricoltura, di agronomia, di zootecnia, di
acquicoltura. In poche parole, non può esistere un prodotto alimentare di qualità
se al tempo stesso non ci si preoccupa di salvaguardare un ambiente basato sulla
sostenibilità. Oggi molto sta cambiando ed in modo forse assai più veloce di quanto si percepisca. Il mondo del consumo è profondamente mutato e, soprattutto in
Europa, anche a causa – o per “ merito” – dei numerosi scandali alimentari, si è
sviluppata una nuova psicologia del consumatore unitamente alla percezione che
attorno al tema dell’alimentazione il punto centrale sia quello della sostenibilità,
degli equilibri, della rintracciabilità, della quantità dei nostri consumi.
Sempre di più la grande scommessa che abbiamo di fronte è quella di riequilibrare i consumi, di tornare con i piedi per terra, di non confondere lo sviluppo con la crescita incontrollata, ossia la qualità della vita con la rincorsa frenetica verso l’accumulazione di beni materiali.
Per questo, noi di Slow Food, riteniamo che mai come oggi, tutto ci riconduca alla grande questione dell’agricoltura contadina che, contrariamente a tanti
317
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
luoghi comuni, non rappresenta un mondo arretrato e un po’ bucolico, ma
altresì un laboratorio dentro il quale sperimentare e ri/vivere un nuovo futuro
produttivo.
Perché parlare oggi di agricoltura contadina, significa al tempo stesso ri/progettare il tessuto delle comunità rurali e produttive, in grado di realizzare su
piccola scala una nuova economia agricola. Una nuova e moderna economia,
rispettosa dell’ambiente, interattiva con il territorio, capace di dare dignità,
interesse e gratificazione ai contadini e ai giovani che stanno indirizzandosi in
questa direzione.
Come nel caso, concreto, dei presì di che Slow Food va realizzando in Italia e
nel Sud del mondo dove la chiave di volta che ci ha permesso di arrivare all’universo sommerso della qualità alimentare, per aiutarlo a farsi protagonista, si è
dimostrata quella economica.
Il tutto, partendo da un’intuizione forte, verificata “ sul campo” , sul fatto che
non erano sufficienti appelli, censimenti o studi universitari per convincere produttori e contadini a resistere, a investire sul futuro delle loro singolari produzioni. Bisognava far toccare loro con mano che la nostra società, una parte di consumatori, non necessariamente i più ricchi, era disponibile a viaggiare per trovare
quei prodotti e a spendere il giusto per acquistarli. L’idea vincente, nella sua
apparente semplicità, fu quella di fare assaggiare ai consumatori questi prodotti,
di dargli un’anima, una storia, un luogo, un sapore, un odore. Questi salumi,
questi formaggi, questi pesci pescati in modo sostenibile, queste carni di animali
allevati con rispetto, nutriti con sani alimenti naturali, rappresentavano un pezzo
reale di economia, ma anche di storia, di cultura, di saperi manuali e “ scientifici”
irripetibili. In un certo senso, se ci pensate, una sorta di rete di conoscenze e di
esperienze dove i Presì di divengono dei terminali atti a favorire un legame forte e
dinamico tra il mondo della produzione e quello dei consumatori. Oggi i Presì di
italiani sono circa 200, quelli internazionali quasi 70; esprimono culture originali,
antiche, progettuali, sono saldamente inseriti sul territorio, lo preservano dal
degrado, garantiscono la biodiversità agroalimentare.
Ma, per elaborare un modello di agricoltura “ alternativo” e reale, per dare
forza e visibilità alle comunità rurali, bisogna che queste prima di tutto s’incontrino, scambino esperienze, rendano consapevoli a loro stessi i propri saperi, le
proprie pragmatiche e tradizionali conoscenze. In sostanza, bisogna che le
Comunità del cibo divengano rete o, meglio ancora si mettano in rete. Da qui,
l’idea del progetto Terra Madre che si è svolto nello scorso ottobre a Torino, in
contemporanea al Salone del Gusto, la più importante manifestazione mondiale
dedicata al cibo e alla cultura materiale. Un incontro mondiale, quello di Terra
Madre, tra le comunità del cibo che ha coinvolto circa cinquemila persone,
soprattutto i semplici lavoratori della terra e della produzione alimentare. Con
l’intento, attraverso questo meeting, di dare rilevanza agli aspetti culturali e di
conoscenza di questo variegato popolo della terra. Partendo dal loro “ sempli318
Mangiare: un “ atto agricolo”
ce” vissuto, dalle tematiche relative alla coltivazione dei loro prodotti, dall’allevamento dei loro animali, dai loro modi tradizionali di trasformare e conservare la materia prima. In sostanza, abbiamo fatto emergere le loro economie di
piccola scala, con la complessità dei vari sistemi agricoli, mettendo in evidenza
il confronto e l’incontro tra le diversità. Perché identità e scambio stanno alla
base di qualsiasi dinamica della vita delle comunità e, più lo scambio è dinamico e spontaneo, più l’identità non si fossilizza divenendo un aspetto inamovibile. Per ribadire che le identità genuine non sussistono al di fuori dello scambio
e che tutelare e valorizzare la biodiversità culturale non significa chiudere le
specifiche identità in un guscio. Come per altri aspetti delle complesse dinamiche sociali, anche in questo caso, la grande sfida è stata rappresentata dalla
capacità di mettersi in rete, per condividere una medesima filosofia che si
determina attorno ai principi della biodiversità, dello sviluppo sostenibile e su
una visione completamente nuova dell’agricoltura. Nel futuro prossimo, il
valore aggiunto nel determinare la qualità globale del cibo non sarà dato solamente dal fattore organolettico-sensoriale, dall’elemento salutistico, economicosociale. Il cibo dovrà essere buono da mangiare, ma anche buono da pensare,
verso un modello basato sul concetto di ecologia dell’alimentazione.
319
Se donner corps et biens
Rose-Claire Schü le
Lorsqu’on consulte des monographies
dédiées à nos villages de montagne, on se
rend compte que nombre des auteurs
énumèrent avec une facilité déconcertante
les moments saillants de la vie villageoise
de jadis et de leur temps. Qu’il s’agisse de
ce qu’il est convenu de caractériser comme le parcours du berceau à la tombe,
celui des fêtes calendaires, de la médecine populaire ou des croyances, tout ce
qui peut être rangé sous la dénomination
d’événement exceptionnel, est relaté.
Veut-on connaî tre la vie quotidienne, les
renseignements se font rares pour le présent de l’auteur et inexistants pour le passé. Les historiens et les économistes de
leur part, nous renseignent souvent à l’aide de statistiques et de listes plus ou
moins sèches sur les quantités et prix du blé, du sel et du vin notamment mais
ils ne peuvent que rarement dépasser les généralités régionales vu que leurs
documents ne détaillent pas les besoins singuliers des habitants, toutes classes
confondues. Les différentes archives n’ont conservé des documents qu’en raison
de leur importance politique ou fiscale. Ce n’est que depuis le XVIe siècle que de
simples actes de vente ou de transaction se font plus fréquents. Les testaments et
les contrats de mariage sont longtemps l’apanage de la noblesse ou de la bourgeoisie aisée et ne peuvent éclairer la situation du simple habitant de nos
régions et, qui plus est, du montagnard.
Comment savoir de quelle manière on vivait au quotidien dans nos villages
de montagne du XVIIIe au XXe siècle ? Et pour se restreindre au sujet de notre colloque, quel était le rôle des végétaux cultivés ou sauvages dans l’alimentation
usuelle des villageois du Valais romand alpin durant ces derniers siècles ?
Les enquêtes que j’ai menées au milieu du XXe siècle dans le Valais central ont
été, du moins dans un premier temps, linguistiques mais avec une nuance ethnologique telle que nos grands dialectologues nous l’avaient enseignée. Ce n’est
qu’au fil des années, des décennies devrais-je dire, que les questions que j’aurais
dû poser dès le début se sont révélées. Même si de bons contacts avaient été rapi321
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
dement noués, le savoir, la connaissance de la réalité et la compréhension de la
langue faisaient souvent défaut. Comment savoir que nous mangeons toujours de la
viande à midi signifiait que le repas de midi se composait d’un bout de pain de
seigle et de fromage, ce que le patois nendard qualifie de yande, et non de chair
animale ? Les nombreux contes et récits que j’ai notés ou enregistrés ne portent
guère de l’eau à notre moulin, même si une certaine familiarité acquise entre
temps permet de les décrypter avec plus ou moins de bonheur. Les enquêtes plus
récentes, obtenues avec plus de connaissance des réalités locales et de solides
relations de confiance, sont bien plus explicites, mais les personnes très âgées et
leurs souvenirs nous avaient déjà quitté... La production agropastorale locale à
laquelle l’alimentation était étroitement liée a été de plus en plus abandonnée et
avec elle la connaissance de ses techniques et de ses savoirs. Les nécessités de
l’ancien temps et les traditions alimentaires qui avaient toujours su s’adapter aux
réalités et aléas des saisons et du climat, ont fondamentalement changé estompant de façon stupéfiante jusqu’aux souvenirs. La mobilité nouvelle, l’accélération des transports et de la vie et surtout de toutes nouvelles orientations professionnelles ont complètement modifié la vie familiale et les cycles et traditions alimentaires. Les soucis de l’aspect corporel ont succédé au besoin de la force corporelle indispensable à la vie paysanne. Au cours des dernières décennies, le souci
primordial et permanent du montagnard des siècles passés, celui d’assurer une
nourriture de survie pour lui et sa famille, a disparu ; dès ce moment ce sont les
préoccupations de diététique qui ont pris la relève, bouleversant à fond l’alimentation traditionnelle. La civilisation des céréales et du lait disparaî t au profit des
denrées présentées par l’industrie alimentaire et, dans une moindre mesure, des
légumes et des fruits. La prédominance de légumes et de fruits dans l’alimentation moderne, amorcée dès après la seconde guerre mondiale est une adaptation
aux tendances généralisantes des pays industrialisés et n’entrera pas dans mes
propos volontairement restreints à l’évolution locale.
Et les publications ethnographiques récentes devenues nombreuses ? Et les
documents d’archives ? À de rares et intéressantes exceptions près, les publications historico-ethnographiques de la deuxième moitié du XXe siècle, ne relatent
pas le quotidien, jugé trop banal. Les œuvres littéraires d’auteurs locaux font
souvent évoluer leurs protagonistes dans le quotidien d’un passé proche. Leurs
auteurs ne savent pas toujours résister à la tentation d’évoquer une vie idyllique du bon vieux temps ou au contraire d’insister sur la pauvreté, la précarité,
la faim et les famines dominant la vie montagnarde bien que ni eux ni même la
génération les précédant ne soient plus passé par de telles épreuves. Dans l’ensemble les données sû res concernant la vie de tous les jours restent rares.
Dans les documents des archives communales1 que j’ai pu dépouiller plus
ou moins exhaustivement, je n’ai trouvé que peu de testaments, quelques
contrats d’usufruits, des décomptes de tutelle, des inventaires post mortem et
de nombreux actes de ventes et achats susceptibles de renseigner sur l’alimentation, prioritairement végétale. Les forêts, les alpages et les prés, omniprésents
dans les documents, n’entrent pas dans notre propos.
322
Se donner corps et biens
Les testaments examinés révèlent d’abord un grand souci du spirituel. Le
nombre de messes à faire dire, de bienfaits, de donations à statuer, voire de
pèlerinages à accomplir, est généralement impressionnant. Suivent la répartition des biens immobiliers et meubles et les indications concernant les obligations sociales à charge des héritiers, notamment le ou les repas funéraires à
organiser. Ces repas qui varient fortement d’une paroisse à l’autre, mais aussi
d’une couche sociale à l’autre, ont certes le but d’honorer le défunt, de resserrer
les liens familiaux et communautaires, mais remplissent aussi un but caritatif
indéniable. En effet, jusque dans la première moitié du XXe siècle, lors des funérailles d’un notable, d’une personne de famille aisée, les mendiants ou simplement les pauvres, accouraient de loin à ces repas. Dans le Centre du Valais,
l’usage associait souvent le repas offert aux participants aux funérailles, repas
composé de pain, de fromage et de vin, et l’offrande, donne ou aumô ne destinée
aux pauvres. Selon les possibilités des familles et les prescriptions testamentaires, les indigents recevaient alors après la soupe des pauvres du pain et du fromage à emporter, à charge de prier pour le repos de l’âme du défunt. D’après
mes informateurs, il y avait au début du XXe siècle lors d’enterrements à BasseNendaz, jusqu’à 120 pauvres. Les testateurs se bornaient généralement à l’indication : « un repas comme il convient », ou : « selon la coutume du village »2.
D’autres, spécifiaient le nombre et la qualité des viandes qui devaient former la
base du potage à servir, le nombre de fichelins d’orge pilé ou de fèves à ajouter
au potage, la quantité de fromage et de pain à remettre aux indigents, sans
oublier les setiers de vins à dispenser à tous les participants aux funérailles.
Certaines paroisses ou communes, comme celle de Chermignon (VS), possédaient un très grand chaudron des morts3 réservé aux potages d’aumô ne. Je n’ai
trouvé aucune mention de légumes ou de fruits utilisés lors de ces repas.
La recherche de Pierre Dubuis4 sur les repas funéraires du Val d’Hérens au
début du XVIe siècle, énumère des repas funéraires de notables. Dubuis n’a repéré ni légumes ni jardinage5 et dit ne pouvoir en tirer de renseignements sur l’alimentation quotidienne. Il s’agit indubitablement de repas festifs et extraordinaires où la quantité et la qualité des aliments se devaient d’être exceptionnelles. Les testaments ne fournissent donc pas de renseignements sur l’alimentation quotidienne.
Les contrats ou convenances par lesquels des personnes âgées cèdent de leur
vivant leurs biens à leurs héritiers ou se donnent corps et biens à des proches ou à
des tiers contre le vivre et le couvert leur vie durant, semblent plus prometteurs
pour notre recherche. Ils ne sont pas très nombreux dans les documents auxquels
j’ai eu accès, en revanche ils détaillent parfois ce qui est annuellement dû en usufruit, en argent ou en denrées. Comme cela a été la coutume aux siècles passés et
comme c’est encore l’habitude actuellement, il n’est que rarement passé un acte
notarial lorsqu’une personne ou un couple âgé souhaite céder ses biens à ses héritiers, surtout s’il s’agit de ses enfants. Les récipiendaires s’entendent entre eux et
avec le légataire ; ce n’est généralement que lorsqu’il n’y a pas d’héritiers en ligne
directe qu’on rédige parfois un contrat, ce qui explique leur relative rareté.
323
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Dans le Centre du Valais, il y a toujours eu dans les familles riches en descendants, un nombre élevé de célibataires qui vivaient dans un grand ménage, entre-eux6 ou en communauté avec un membre marié de la famille. De très
nombreux héritages restaient donc en indivis. Vivant dans un arrangement
généralement tacite de communauté de biens entre cohéritiers, il n’y avait
pour ses membres nul besoin de prévoir un changement de situation lorsqu’ils devenaient très âgés ou handicapés. Au XIXe siècle, c’était notamment le
cas des crétins et autres diminués mentaux qui étaient entretenus selon leur
droit successoral7. Dans l’ensemble, il semble que les parents âgés, les déficients et ceux qui s’étaient donnés corps et biens étaient bien traités dans le
cadre et l’environnement qui avait toujours été le leur. Il y a eu, comme partout, des abus et des dérapages mais d’après ce que j’ai pu apprendre, ils
étaient plutôt rares. Les familles assumaient par tradition et par foi chrétienne
leur importante fonction d’assistance sociale, et les personnes âgées, les
malades physiques et psychiques étaient gardés dans le cercle familial, tant
que faire se pouvait. Néanmoins, la sagesse populaire veut qu’il ne faille pas
se déshabiller avant de se coucher et qu’on puisse se défaire de tout sauf d’un
gî te8. Depuis l’introduction de l’AVS d’une part, l’abandon de l’agriculture
d’autre part, ainsi que de l’ouverture de homes pour personnes âgées, les
modalités de transmission des biens ont changé, les usufruits se résument en
général au droit d’habiter la maison9 ou le logement familial, les frais d’entretien se règlent en argent. Encore en 2005, il est rare que de telles conventions
soient faites devant notaire.
Revenons à l’ancien temps. Les documents montrent que les droits d’usufruit s’étendaient souvent aux champs, aux prés, aux droits d’alpage et d’irrigation et ne se limitaient pas au logement. Lorsque les légataires étaient un couple
âgé encore en relativement bonne santé, il était prévu qu’il puisse continuer à
s’occuper d’une chèvre, parfois d’une vache et même jouir d’une parcelle de
champ. En 1837, un homme qui partage ses biens de son vivant, se réserve
expressément pour lui et sa femme l’usage des meubles servant à faire l’eau-de-vie et
ceux servant aux semailles10. Un autre s’était réservé en 1805 un champ ainsi que
chaque année les semailles nécessaires, sa vie durant11. En 1837, un habitant de
Beuson garde la faculté de jouir de la moitié d’un foulon aussi longtemps qu’il
pourra lui-même fouler, et quand il ne pourra plus le faire, le quart du gain de
ce foulon12. S’agissait-il d’une personne seule, souvent d’une veuve âgée mais
encore capable de maî triser son quotidien, le contrat spécifiait les différentes
prestations de rente à lui fournir annuellement. En 1805, par exemple :
5 fichelins de seigle,
1 bichet d’orge et deux de froment,
2 fromages et la moitié d’un sérac de montagne
6 livres de beurre fondu,
1 setier de vin
10 livres de viande de bœuf et 5 livres de mouton ou
chèvre, un demi écu d’argent pour du sel.13
324
Se donner corps et biens
En 1832, un habitant aux Bornes de Haute-Nendaz, certainement aisé, père
de trois enfants, probablement veuf, recevra non seulement du seigle, de l’orge,
des fromages de montagne, du sérac et du beurre, mais également
12 livres de lard,
3 mesures de sel,
10 fichelins et demi de pommes de terre,
3 demi pots de brantevin,
30 quarterons de vin à prendre avant d’être pressé.
chaque enfant lui donnera en outre :
l panier de raisins aux vendanges, et pendant le printemps, alternativement du lait aux fêtes et les dimanches.
18 batz d’argent.
Ils s’arrangeront entre les trois pour l’habillement de leur
père selon ses besoins et à mesure qu’il en demandera.
Ils lui fourniront aussi le bois nécessaire à son affouage et
son chauffage14.
Comme dans les cas cités auparavant, il n’est jamais question d’usufruit de
jardin ni de droit à des légumes, à part les pommes de terre dans le dernier
exemple.
Les parents qui partagent leurs biens de leur vivant parce qu’ils ne peuvent
plus ni travailler et ni assumer leur ménage continuent à vivre dans leur ancien
logement ou, à tour de rôle, chez leurs enfants ou des proches. Ces derniers
doivent leur assurer la nourriture préparée. En 1781, un fils doit à son père la
soupe et viande15 ou cousinage ordinaire16 et journalement.
S’agit-il d’une personne qui s’est donnée corps et biens contre une rente viagère délivrée par un tiers, sa rente ne diffère guère de celle attribuée par des
membres de la famille. Les comptes de gestion rendus par un tuteur semblent
parfois plus explicites, ils peuvent mentionner du riz, de la viande fraî che ou
sèche, du pain, mais aussi les frais de cuisson du pain ou le paiement du travail
d’un magnin. Là encore, ni légumes ni fruits.
Ce ne sont toutefois ni les conditions juridiques ou économiques de ces différents contrats que nous voulons examiner, mais la place que les éléments
végétaux cultivés ont pu prendre dans l’alimentation des deux derniers siècles.
Sans aucun doute, les céréales représentent la partie essentielle de l’alimentation. Les fèves exceptées, les légumes et les fruits n’apparaissent guère. Les
céréales citées sont le seigle, l’orge, l’avoine et le froment. Les deux dernières
sont représentées par de petites quantités et rarement une céréale n’est caractérisée, sauf dans un inventaire post mortem : 2 fichelins d’orge blanc printanier17.
325
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
En 1949 une excellente informatrice de Haute-Nendaz me disait : « Aujourd’hui on plante du Hudson, jadis, on n’avait pas de noms pour le blé ». On
se procurait la semence dans le bas de la commune ou à Vétroz ou a Savièse où
le blé mû rit mieux. On différenciait le blé selon le moment des semailles. On
disait la seigle prime, le froment prime, la seigle hivernée.
Comme déjà mentionné, jamais un jardin n’a été mis en usufruit. Est-ce que
la jouissance de ce petit lopin de terre allait de soi ? Ou, pensait-on que le jardinage étant trop pénible pour les personnes âgées, les légumes seraient fournis
d’office par les héritiers ou les voisins ? Il faut dire qu’on consommait très peu
de légumes dans les régions alpines18 et que, comme lors de la boucherie domestique, on offrait facilement au moment de leur maturité des légumes en surplus
aux voisins ou amis. Pourtant, les jardins sont fort bien présents dans les nombreux actes de vente ou d’achat des archives, les vergers le sont beaucoup
moins. De dimensions fort réduites, les jardins ne se trouvaient qu’exceptionnellement près des habitations. Ils étaient regroupés, par village ou hameau dans
des terrains propices au jardinage, généralement sur un replat humide. Parfois il
est fait mention d’un jardin de choux, jamais d’un autre légume. Un inventaire
de 1803 mentionne un tsaplotsu19 qui peut tout aussi bien être un grand couteau
qu’un rabot à choux ce qui permet de penser que non seulement on plantait des
choux mais qu’on en faisait de la choucroute. Les seules variétés de choux plantés dans les villages de montagne étaient le chou milan à feuilles frisées qu’on
consommait frais et le chou cabus, à feuilles lisses, employé pour la choucroute.
Je n’ai pu savoir à quelle variété appartenaient les choux précoces et ceux dit tardifs. Le chou rouge et les choux de Bruxelles sont rares, d’introduction très
récente, et se plantent de préférence dans les jardins de basse altitude. Vers 1960,
la culture de choux-raves et de colraves restait le fait de rares amateurs.
Les raves, bien qu’attestées par les nombreux lieux-dits et les récits des personnes âgées, ne sont jamais citées dans les documents. Les premières carottes
n’ont été introduites dans les jardins de montagne qu’à la fin du XIXe siècle.
Dans le patois de Nendaz elles s’appellent ribenne, du germanique Rü ben, ce qui
permet de supposer qu’elles ont été importées par des Haut-Valaisans ou un
marchand-grainier de Suisse allemande.
Les fèves, qui apparaissaient à côté des céréales dans les listes de dî mes à
remettre au décimateur, sont peu présentes dans les documents des deux derniers siècles que j’ai examinés20. Pourtant, jusque dans la première moitié du XXe
siècle, jusqu’à leur éviction par la pomme de terre, les fèves représentaient une
très importante composante de la nourriture quotidienne des montagnards. On
les plantait par champs entiers, pourtant en 1950 je n’ai plus trouvé que ci et là
une rangée de fèves en bordure d’un champ de blé ou de pommes de terre.
Plus tard, il y avait quelques plants dans un jardin. Depuis 1970 j’en n’ai plus
vu. Dans un acte de 1838, on cite la propriété d’un tiers d’une rouchenne
contigü e à une grange sise au Charnieux, à Haute-Nendaz21. La rouchenne est un
séchoir constitué de deux colonnes de 5 à 6 m de haut, plantées dans le sol et
326
Se donner corps et biens
reliées par une série de perches horizontales. En automne, les plants de fèves
étaient coupés au champ tige par tige, et mis en fagots. Transportés sur le bât
du mulet ou sur la luge à corne jusqu’au séchoir, les tiges liées en petites
javelles, tête en bas, étaient suspendues aux traverses pour les sécher. En hiver,
les fèves étaient descendues du séchoir et battues sur l’aire du raccard. En 1948,
la dernière rouchenne de Haute-Nendaz, était encore sur pied mais en piteux
état et elle a disparu peu après. Située au Charnieux, quoique pas vraiment
adossée à la grange voisine, il pourrait s’agir du séchoir mentionné plus de cent
ans auparavant au même lieu-dit. Seuls mes informateurs les plus âgés savaient
alors encore en expliquer les détails de son emploi. Tout permet de supposer
qu’au XIXe siècle on cultivait beaucoup de fèves et que ce n’est qu’au début du
siècle suivant qu’elles ont été évincées par la pomme de terre22.
Les graines sèches de cette légumineuse constituaient, avec de l’orge concassé en gruau, l’ingrédient de base des potages. Dans les années de disette on faisait moudre les fèves pour compléter la farine de seigle destinée au pain. On
consommait aussi des fèves fraî ches, cuites dans leur gousse. D’après mes
témoins âgés c’était surtout le cas lorsque, jusqu’au début de la guerre de 14 à
18, la jeunesse faisait la fête sur une des nombreuses crêtes près de l’un ou de
l’autre village. Adolescents et jeunes adultes des deux sexes se retrouvaient par
un bel après-midi de dimanche autour d’un feu où cuisait une grande chaudronnée de fèves en gousses. Dans la bonne humeur, chacun sortait et mangeait
les graines de la gousse bouillie. Les Nendettes et Nendards qui me l’ont relaté
étaient tout nostalgiques de ces fêtes qui rassemblaient parfois la majeure partie
de la communauté villageoise. La dernière fête a eu lieu à la Crête des Raches
lorsqu’on a remis la bourgeoisie d’honneur à la famille de Dardel. Si les fèves
fraî ches constituaient un mets de choix, les graines sèches, cuites et parfois
rôties comme des marrons, ravissaient les enfants. Les écoliers qui en emportaient dans leurs poches pour la récréation, leur trouvaient en plus un petit
goû t de fruit défendu lorsqu’ils les grignotaient en classe.
Les pois à écosser, dans lesquels il faut aussi comprendre les lentilles, semblent avoir été assez communs mais ils n’ont jamais connu la popularité et l’estime réservée aux fèves. Leur souvenir était très mince lors de mes premières
enquêtes et les documents des siècles qui nous intéressent ici sont muets à leur
sujet. Sous la dénomination latine de “ pisellum” , les pois figurent bien dans les
listes de dî mes, sans qu’il soit possible de savoir quelle en était la sorte et sans
autre commentaire. En 1733, des pois sont une partie du paiement d’une vente23.
Schiner indique en 1812 qu’à Savièse on plantait des pois. Je n’ai pas repéré
d’autres mentions. En ce qui concerne les lentilles, les recherches sont restées
vaines. Questionnés, de nombreux Nendards pensaient qu’on n’avait jamais cultivé de lentilles dans leur commune. En 1948, ils déclaraient ne connaî tre ni la
plante ni ses graines et d’en n’avoir entendu le nom qu’au sujet du récit biblique
d’Ésau24. Pourtant dans leur patois, ils employaient couramment des comparaisons basées sur la petitesse, la forme et le grand nombre de lentilles. Parlant de
pois, ils se référaient tous aux petits pois actuellement cultivés. Les personnes
327
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
âgées se souvenaient que vers 1900, les premiers pois verts à écosser avaient été
introduits dans la commune par la fabrique de conserves de Saxon. La culture
de cette légumineuse peu délicate réussit bien et en 1917, le marécage des
Écluses à Haute-Nendaz a été asséché pour pouvoir planter plus de pois. La
fabrique fournissait les semences et achetait la récolte. Les gousses étaient transportées dans des sacs sur des luges à cornes jusqu’à Aproz où la conserverie les
prenait en charge. Ce transport s’est avéré fort pénible car les chemins muletiers
étaient peu praticables avec les luges. La culture préindustrielle des petits pois,
bien que rentable, fut donc rapidement abandonnée. On continua toutefois à
planter de petites quantités de saxons dans les jardins pour l’usage domestique.
Peu à peu, certaines familles acquirent des semences d’autres variétés de pois,
par exemple des pois mange-tout.
Impossible de savoir depuis quand on a planté des haricots à rames dans le
Valais central. Le patois qui nomme indifféremment les pois et les haricots à
écosser par le même mot péy “ pois” , n’apporte pas d’éclaircissement. De
mémoire d’homme, on a toujours cultivé des haricots à grains disent les personnes les plus âgées. Depuis la fin du siècle passé, les haricots à rames se sont
fait plus rares dans les jardins. Autour de 1880, les premiers haricots verts ont
été semés à Basse-Nendaz mais leur culture ne s’est étendue jusqu’à HauteNendaz qu’en 1923. Les haricots nains ne supportent pas le gel et la limite climatique jusqu’à laquelle la culture de ce légume est possible est vite atteinte, en
outre contrairement aux pois, ils résistent mal aux étés froids et pluvieux. En
2004, les rangées d’haricots nains qui donnent un légume apprécié, sont présents dans la plupart des jardins privés.
Au XXe siècle, le légume le plus planté est incontestablement la pomme de
terre. Tous les ménages qui ont un lopin de terre en cultivent. Selon Tamini25,
l’évêque Roten déclare que, pour la pomme de terre introduite vers 1750, les
champs dî més doivent la dî me, même si les tubercules, jusqu’alors inconnus en
Valais, remplacent le blé. Son introduction, du moins en montagne, s’est faite
lentement et avec beaucoup d’hésitations26. Dans les décomptes de tutelle de
Nendaz il est, en 1821, question de 4 bichets de pommes de terre, en 1822 d’un
bichet de trifles27. En 1850, le père Furrer28 écrivait :
« Encore dans ce XIXe siècle, bien des paysans se flattent
de planter si peu de pommes de terre qu’elles puissent
être considérées une rareté ».
Lors de mes premières enquêtes, les témoins âgés confirmaient ce fait, leurs
parents et grands-parents, fort réticents envers ce légume considéré malsain, voire
toxique, n’en plantaient que quelques kilos, souvent dans un jardin29. À la fin du
XIXe siècle, les pommes de terre étaient principalement plantées en champs. Les
variétés connues avant la bintche (Bintje) étaient nommées selon leur origine comme les bédjouasses , venant d’Isérables, ou d’après leur couleur jaune, rouge, etc.30
Le cadre de cette présentation ne permet ni de traiter l’importante histoire de la
328
Se donner corps et biens
pomme de terre ni de parler des légumes introduits après la première guerre mondiale tels que la tomate, les asperges, les artichauts, les bettes à côtes31, les betteraves rouges à salade ou carottes rouges, les potirons, etc.
Quel rôle jouaient jadis les fruits dans ce Valais qui apparaî t aujourd’hui comme
le verger de la Suisse ? En ne prenant en considération que les régions des vallées
latérales du Valais et notamment la montagne, on constate que les arbres fruitiers
étaient peu présents dans les actes avant le XIXe siècle. Les vergers proprement dits
étaient peu connus et semblent n’avoir été implantés que dans les villages de basse
altitude. Jusqu’en 1912, les arbres fruitiers n’appartenaient que rarement au propriétaire du sol où ils poussaient32. Dans un testament de 1843, le testateur donne et
lègue à son filleul le droit de planter 2 autres pommiers ou noyers dans le dit préverger, avec le droit de les planter une seconde fois s’ils périssent la première fois33.
Certains arbres comme les noyers, étaient essentiels pour l’équilibre alimentaire en tant qu’unique source d’huile, d’autres comme les poiriers et pommiers
enrichissaient le quotidien de leurs fruits séchés. Lors de décès la propriété généralement très convoitée de ces arbres était soumise au régime successoral général,
et lors de conventions d’usufruit ou rentes, les réserves spécifiées au sujet
d’arbres n’étaient pas rares. Les parts pouvaient être infimes, en 1862 par
exemple, un habitant de Haute-Nendaz revendique les trois septièmes de 3 pruniers dans la plaine d’Aproz donc, dans un endroit plus propice à l’arboriculture
que son village de montagne. En 1838, un J.-L. Délèze donne à un fils la moitié
d’un noyer et autant d’un pommier au lieu dit en la Toula, terre de Nendaz et la
moitié de 4 poiriers dans un champ à Coor. Vu la valeur qu’on leur attribuait, les
actes de tout genre ne manquaient pas, surtout au XIXe siècle, de spécifier non seulement le site où l’arbre était planté mais aussi la qualité et le nom de ses fruits et
ne se bornaient pas à l’énoncé de l’espèce noyer, pommier, prunier, sauvageon,
etc. Pour la commune de Nendaz, ce souci d’identification a fourni les indications
suivantes :
pommes douces, piquantes, plates, dures, rayées,
rouges, blanches, entées (greffées),
pommes reinettes, reinettes rouges,
pomme d’Averna, Barbouteune, Grandeë .
En 1908, l’almanach du Valais donne des conseils sur la manière de conserver
les fruits et indique trois sortes de pommes : les Francs-roseaux, les Reinettes du
Canada et les Calvilles blancs.
Les poires sont souvent caractérisées par la date de leur maturité :
poires [de la] Saint-Félix, Saint-Jacques, Saint-Laurent,
Saint-Martin,
Poires œuf, pape, parement, des Rois,
batârdes, blètsoun.
329
ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE
Dans les documents d’archives, les arbres fruitiers à noyaux sont plus tardivement différenciés que ceux à pépins et se résument aux prunes jaunes ou
dzanette et aux reines-Claude pour les prunes ; pour les cerises, dès 1900, aux
bigarreaux et aux gaffions. En 1912, le docteur Schiner donne le précieux renseignement suivant :
« […] les pruneaux qu’on fait sécher au four ou au soleil
après leur avoir enlevé le noyau. Il y en a d’excellentes comme les reines-Claude et d’autres qu’on appelle
Masquines, fort petites, mais aussi fort douces et fort
sucrées ».
On séchait aussi les poires, et parfois des pommes après les avoir coupées en
deux tandis que les cerises à sécher n’étaient pas dénoyautées. Lorsque le climat
le permettait on séchait les fruits au soleil, par temps maussade on les séchait au
four à pain, après la cuisson du pain. Ils agrémentaient la nourriture hivernale.
En conclusion, il faut avouer que la recherche de l’alimentation végétale quotidienne dans les actes, documents d’archives et autres sources s’est révélée peu
fructueuse. Bien sû r que les informations que les documents nous transmettent
sont souvent partielles, dépendantes du zèle de leur auteur dans les inventaires
après décès, mais aussi de la valeur qu’il accorde aux différents sujets. En
revanche, la comparaison avec l’alimentation de la première moitié du XXe siècle
permet de dire que le peu de présence des légumes et fruits correspond parfaitement à la réalité. Le montagnard vit pleinement dans la civilisation des céréales
et des fèves jusqu’à l’acceptation des pommes de terre. Les produits du lait, et
dans une moindre part la viande des animaux d’élevage et de la chasse assurent
le complément indispensable d’une alimentation sobre et souvent précaire. En
2004, je constate que si nombre de jeunes ménages suivent plus facilement les
courants diététiques à la mode que leurs prédécesseurs, une grande partie des
habitants du Valais n’a toujours que bien peu d’attirance pour les légumes et les
fruits. Les légumes “ anciens” comme les choux ou les raves ne sont plus appréciés, les vieilles sortes de pommes et de poires se sont effacées devant la poire
william et la pomme golden qui n’est d’ailleurs que moyennement goû tée. Les
légumes et fruits emblématiques du Valais moderne : les asperges, les abricots,
fraises et framboises sont devenus un atout touristique et n’ont pas place dans
l’alimentation quotidienne du montagnard, notamment âgé.
N O T E S
Les Archives de la commune de Nendaz ont été complètement explorées, d’autres,
comme celles de Lens, Hérémence, etc. très partiellement. Je n’ai pas consulté les
Archives des villes et des bourgs de la vallée.
2
Voir Y. PREISWERK, Le Repas de la Mort, Sierre, 1983. En Anniviers, il a longtemps été
d’usage de conserver du vin et des fromages des décennies durant afin que les héritiers
puissent, le jour fatidique venu, organiser dignement le repas de funérailles.
1
330
Se donner corps et biens
3
Ce très grand chaudron portait aussi le nom de chaudière de la Trinité, car il servait à
préparer la soupe de la Trinité offerte ce jour-là à tous les ménages de la commune. Ce
chaudron se trouve toujours dans la maison de la bourgeoisie de Chermignon (R. DUC,
Le patois de la Louable Contrée, Ancien Lens, II, Sierre, 1986, p. 133).
4
I. RABOUD, R.-C. SCHÜ LE, P. DUBUIS, Assiettes valaisannes. Nourritures d’hier et d’avant-hier,
Sierre, 1993.
5
Soit mets de légumes cuits.
6
Ce qu’on disait en patois de Nendaz : afraritchyâ .
7
D’après plusieurs familles nendettes, il semble même qu’on avantageait les infirmes,
les simples ou innocents, en sortant largement leur part de la masse successorale avant de
répartir le reste entre les autres héritiers.
8
En patois de Nendaz : oun abé.
9
L’habitation n’est transmise en entier à la seule disposition du bénéficiaire que lorsqu’elle se résume à une pièce chauffable et une cuisine.
10
ACV (Archives Cantonales du Valais), Not. Jean Léger Délèze, 1837, p. 49.
11
ACV, Not. Jean François Michelet, 3 mai 1805.
12
ACV, Not. Jq. Léger Magloire Glassey, 1837, p. 124.
13
ACV, Not. Jean François Michelet, 10 mars 1805.
14
ACV, Protocoles judiciaires de Nendaz, 20 février 1832.
15
Probablement pain et fromage.
16
Des mets cuisinés. ACV, Fonds Lens, Not. J. S. Briguet, 14, 1781, p. 86.
17
ACV, Not. J. F. Michelet, 1803, II, p. 13.
18
B. POCHE, Le Monde Bessanais, CNRS Éditions, Paris, 1999 écrit p. 52 : « Les Bessanais
consomment peu de légumes et encore moins de fruits ». L. MORET-RAUSIS. Bourg SaintPierre, 1958, p. 171, indique qu’on ne plante que des choux, des choux-raves, des betteraves et des pommes de terre.
19
ACV, Not. J. F. Michelet, 1803, II, p. 17.
20
Le docteur SCHINER, Département du Simplon, Sion, 1912, p. 444 écrit que près de Fey
(Nendaz), on voit de nombreux champs semés de fèves, d’haricots et de petits pois.
21
ACV, Not. Jq. Léger Magloire Glassey, 1838, p. 208.
22
Selon W. GYR, Le Val d’Anniviers. Basel 1994, p. 302, jusqu’à la fin de la guerre, environ
un quart des terres arables étaient réservées aux fèves.
23
[…] cumque bischeleto pisorum […] (ACV, Fonds Nendaz, p. 91 du 29 juin 1733).
24
Les lentilles ne faisaient alors pas encore partie des denrées comestibles qu’on achetait.
25
Abbé J. TAMINI, Essai d’Histoire de Massongex, 1934, p. 32.
26
Ce qui semble avoir été le cas dans de nombreuses régions. Pour la Vallée d’Aoste :
L. JACQUEMOD, Trefolle, tartifle, pommes de terre en Vallée d’Aoste, Aoste, 1993.
27
ACV, Protocoles judiciaires de Nendaz, 20 janvier 1825.
28
Père S. FURRER, Geschichte von Wallis, Sion, 1850. Ma traduction.
29
ACV, Not. Jq. L. Mgl. Glassey, 1850, n 9, p. 3, note qu’un jardin de pommes de terre au
Ronco de Brignon est l’objet d’une trataction.
30
W. GYR, Le Val d’Anniviers, Basel 1994, p. 285, énumère des pommes de terre printanières, violettes, à yeux violets (pers), rouges, virgules, jaunes, tardives, de 6 semaines,
les empérateur, les ijérablo, les jérusalem, celles de septembre.
31
En patois dzotte, donc probablement plus anciennes vu que le sobriquet ethnique des
gens d’Ardon était les Picadzottes , les mangeurs de bettes.
32
En Valais, je n’ai pas trouvé le nom arbre de fer que les Valdôtains donnaient à l’arbre
n’appartenant pas au propriétaire du sol, (matériaux personnels et Nouvelles du Centre
d’É tudes francoprovenç ales « René Willien » de Saint-Nicolas, no 33, 1996, p. 73.
33
ACV , Not. J. L. Délèze, 1843, no 10, p. 2.
O
331
Table des matières
Paysages… à croquer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
Allocution de bienvenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Teresa Charles, Assesseur à l’É ducation et à la Culture
5
Allocution de bienvenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Robert Vicquéry, Assesseur à l’Agriculture,
aux Ressources naturelles et à la Protection civile
7
Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati:
l’esempio della Valle d’Aosta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Corrado Adamo
Tradizione e innovazione nelle produzioni casearie artigianali
Roberto Ambrosoli
......................
Gli alimenti fermentati della tavola valdostana . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Andrea Barmaz
Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ? Quelques observations
au sujet du dispositif AOC-IGP en train de se construire en Suisse . . . . . . . . . . . . . . . .
Stéphane Boisseaux
Le gène perdu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Frédéric Bondaz
9
19
23
27
37
Caratteristiche dei prodotti alimentari tradizionali
e controllo dei rischi sanitari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Augusto Chatel
41
Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America
sulle Alpi centro-occidentali . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Gaetano Forni
47
Le jardin potager : hier et aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Alessandro Neyroz
79
Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Geneviève Petite
85
Le patrimoine pomologique alpin romand
et son impact sur les modes alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bernard Vauthier
93
La terza via dell’alimentazione alpina . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Enrico Camanni
333
Table des matières
Rien que des châtaignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Ilda Dalle
La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria.
Un esempio: gli oggetti per l’alimentazione . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Cristina De La Pierre
Analyse et interprétation de quelques gestes
inhérents aux pratiques alimentaires dans l’aire alpine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Christiane Dunoyer
Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Daniele Jalla
Pane e non solo: notizie dallo SPEA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
Giovanni Kezich
L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto
Sara Medica
..........................................
173
Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains.
Souvenirs et témoignages recueillis dans la commune de Verrayes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Lidia Philippot
Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ?
Valentina Zingari
................
193
Un bon repas de moine :
un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
Maria Costa
Tipicità e marketing territoriale
Luigi Gaido
............................................................................
Pommes de terre et charcuteries.
De tenir l’hiver à de nouvelles fonctions identitaires et touristiques
Jean-Paul Guérin
...............
211
219
La fête de la transhumance et la fête de la Clairette à Die
dans la vallée de la Drôme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
André Pitte
Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs.
Une enquête préparatoire pour l’inventaire
du patrimoine culinaire suisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
Isabelle Raboud-Schü le
334
Table des matières
De la cave au grenier à travers les inventaires après décès
(XVIIe - XVIIIe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
Claudine Remacle
L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant
Alain Reanaux
....................................
275
Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne fournis
par les données des enquêtes toponymiques du BREL en Vallée d’Aoste . . . . . 283
Andrea Rolando
Slow food: dalla democratizzazione del piacere
alla riscoperta del ruolo centrale dell’agricoltura
Giacomo Sado
..............................................
313
Mangiare: un “ atto agricolo” . Verso un’ecologia dell’alimentazione . . . . . . . . . . . . . . 317
Giacomo Mojoli
Se donner corps et biens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321
Rose-Claire Schü le
335
Achevé d’imprimer
au mois de décembre 2005
sur les presses de
Arti Grafiche E. Duc
Saint-Christophe