Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni. Expériences et

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Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni. Expériences et
Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni.
Expériences et projets de réutilisation et réaménagement
pour la croissance culturelle et économique
Federico OTTOLENGHI
After a brief look to the historical background of industrial Sesto, the author investigates the whole set of regulations, planning, joint initiatives which are today allowing
the municipality to pay tribute to its considerable industrial built patrimony by enabling
it to play a variety of roles in the new activities and urban redevelopment of the city.
The complex interactivity between a number of public and private actors means that
industrial heritage has now become a fully accepted asset by administrations as well as
by businessmen and more generally by the younger generations who are now at work
after the de-industrialisation. Intensely reusing its industrial heritage with such a clear
awareness of how to draw from the past in order to build a new future, justifies the
decision of the local authorities to prepare an application to the UNESCO World Heritage List. Further, Sesto San Giovanni is now participating in plans for increasing cultural
tourism at a broader scale – that of the whole territory of the Province of Milan.
Deux mots sur Sesto San Giovanni
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Sesto San Giovanni est une ville d’environ
83.000 habitants, située dans une zone
de population dense à la limite nord-est
de Milan, en totale continuité avec celleci. C’est là véritablement un de ses caractères distinctifs: en effet, l’origine de
la Sesto d’aujourd’hui se trouve dans le
développement de nouveaux quartiers
industriels qui a été programmé par Milan entre la fin du XIXe siècle et les premières années du XXe, qui ont vu surgir
le siège de nouvelles grandes industries et
d’industries déjà installées à Milan le long
de l’axe routier nord-est, à cheval sur le
territoire de Milan et sur celui de Sesto.
La ligne de chemin de fer Milan-Monza,
inaugurée en 1840, et en 1882 l’ouverture
du tunnel du Saint-Gothard qui reliait
Milan à l’Europe Centrale en passant par
Sesto, ont joué un rôle décisif dans ce
processus.
Le bourg agricole de Sesto est passé en
dix ans seulement (1901 - 1911) de 7.000
à 15.000 habitants. Son panorama physique s’en est trouvé bouleversé.
Le curé de l’époque, don Paolo Molteni,
enregistre avec désarroi dans son Liber
Chronicus cette révolution. Il parle de
l’impossibilité d’organiser lors des fêtes
religieuses les processions traditionnelles
parce que, tout simplement, les constructions édifiées par les usines ont supprimé
les sentiers et les chemins que les fidèles
avaient parcourus au cours des siècles,
et que les murs des usines avaient dissimulé, englobé, englouti les chapelles et
les statues saintes auxquelles les processions s’arrêtaient pour une prière. L’attitude des patrons et des ouvriers, elle
aussi, avait changé. Don Molteni rappelait que les propriétaires des rares filatures et des champs qui prédominaient
jusqu’alors dans le paysage avant l’arrivée
des grandes fabriques étaient de Sesto
San Giovanni et entretenaient des relations étroites avec l’Eglise, au point que
lors des fêtes religieuses majeures ils autorisaient leurs salariés à commencer le
travail à une heure plus tardive, de façon
qu’ils puissent aller à la messe avant de
commencer leur journée. A l’inverse, les
nouveaux patrons venaient de l’extérieur,
et ne respectaient pas cette conduite déférente à l’égard de l’Eglise. De ce fait les
cérémonies religieuses rencontraient sans
cesse de nouvelles difficultés à trouver
des participants.
La croissance de la ville s’est poursuivie
par la suite jusqu’à atteindre 100.000 habitants dans les années 1970, contre environ 40.000 dans les années 1940, lorsque
45.000 ouvriers travaillaient dans ses
Federico OTTOLENGHI
usines.
Les 83.000 résidents actuels, qui en font
la seconde ville de la province de Milan et
la cinquième de la Lombardie, occupent
une surface de 11,8 km². Une autre caractéristique historique de la ville est donc
la haute densité de l’habitat, d’autant plus
qu’il faut se souvenir que dans la période
où la population a atteint les 100.000 habitants, environ un tiers du territoire de la
ville était occupé par des établissements
industriels.
Les années 1980 sont déjà des années
de crise et de fermetures, et l’événement
symbolique de la fin de l’épopée de la
grande industrie sidérurgique de Sesto
est la dernière coulée du haut fourneau
T3 de la société Falck en 1996. (Photo 1)
Cette histoire titanesque s’est donc déroulée entièrement dans le cours de quatrevingts dix brèves années, et s’est conclue
aussi rapidement qu’elle s’était ouverte.
Mais au cours de cette période restreinte
on a vu opérer des entreprises telles que
la Breda, avec 4 divisions (sidérurgie, fonderie, matériel ferroviaire, aéronautique),
les Acciaierie e Ferriere Lombarde Falck avec
5 départements, la Ercole Marelli, la Magneti Marelli, l’Osva, la Pompe Gabbioneta,
toujours en activité, la Campari – qui aujourd’hui a délocalisé la production mais
a établi à Sesto le siège du groupe – et
d’autres encore.
Du point de vue de la production, ce qui
marque le profil de Sesto est sans nul
doute la grande industrie sidérurgique,
mécanique et électromécanique, quoique
dans le cadre d’une forte diversification
des entreprises et des secteurs de la fabrication. Mais l’histoire de Sesto est faite
aussi d’un tissu social, d’une identité collective, d’une activité politique et syndicale qui ne font qu’un avec l’histoire des
usines: il suffit de se souvenir des deux
mois de grèves du début de 1919 pour
la défense des salaires contre l’inflation,
des 25 jours de passage de la production
sous la conduite des conseils d’usine en
1920, ou de la difficulté rencontrée par
le fascisme à pénétrer dans les usines. Au
cours des deux décennies du fascisme
on comptera par centaines les personnes
assignées à résidence surveillée; ou arrêtées et déférées devant le tribunal spécial.
Le 23 mars 1943 à dix heures, de l’atelier
de boulonnerie de la Falck Concordia (aujourd’hui MAGE), qui employait presque
exclusivement des femmes, partit le premier acte de résistance de masse au nazisme et au fascisme. Ce fut le point de
départ d’une implication de plus en plus
intense des habitants et des ouvriers de
Sesto dans la lutte de libération, conduite
à l’intérieur comme à l’extérieur des
usines. D’autres grèves suivirent, ainsi
que l’organisation d’actions de partisans.
Les partisans et les patriotes qui participèrent aux diverses brigades de Sesto furent plus de trois mille, dont 325 tombèrent durant les luttes de la libération, au
cours d’actions de partisans ou par suite
de leur déportations dans les camps nazis
qui frappa plus de 600 personnes.
L’importance de l’engagement de Sesto
dans la guerre de libération a été officiellement reconnue le 18 juin 1971 avec l’attribution à la ville de la Médaille d’or de
la valeur militaire.
Ce n’a pas été seulement dans la période
épique du début du siècle et dans les tragédies de la seconde guerre mondiale que
se sont formées et exprimées la culture
et l’organisation des travailleurs et des
syndicats. Toute l’ histoire de l’industrie à
Fig.1
Le haut fourneau T3
de la Falck Unione
de nos jours.
15
Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni
Fig.2
Panneaux de
sécurité à l’usine,
exposition
“La fabbrica della
memoria”.
Fig.3
Sortie du
dopolavoro
Breda, 1935.
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Sesto est marquée, en alternance, par les
conflits pour l’amélioration des salaires,
des conditions d’organisation du travail,
et par des phases de décrochage ou de
repli. Les deux années 1968/69 ont été
caractérisées par une très grande force
des conflits et par des conquêtes sociales
très significatives. C’est au cours de cette
période, à la suite de nombreuses grèves
et conflits syndicaux, accompagnés d’une
ample mobilisation impliquant toute
la ville, qu’ont été solidement jetées les
bases de la création en 1972 du Service de
médecine sur les lieux du travail (SMAL),
qui a constitué une grande victoire sociale,
fruit de l’intense activité syndicale dans la
revendication de la sécurité et de la santé
dans les usines aussi bien que de la volonté exprimée par tout le conseil municipal
de Sesto San Giovanni. (Photo 2)
Beaucoup d’éléments de ce patrimoine
immatériel, qui est au moins aussi important que le patrimoine matériel, sont aujourd’hui recueillis, conservés et pour une
bonne part accessibles à Sesto auprès de
la Fondation ISEC (Institut pour l’histoire
de l’époque contemporaine), qui possède
l’une des plus importantes collections
italiennes d’archives d’entreprises et de
fonds de bibliothèques thématiques, et
exerce en outre des activités de recherche
et de divulgation scientifique très significatives.
L’histoire industrielle et l’histoire sociale
ont façonné la forme même de la ville,
depuis les établissements ceints de murs,
inaccessibles et impénétrables, contournés par les voies urbaines ou sur lesquels
celles-ci se brisaient, jusqu’aux grands
axes de transport routier et ferroviaire;
depuis les rails qui sillonnaient les rues de
la ville jusqu’aux bâtiments et aux quartiers ouvriers, répartis par entreprises
(Falck, Breda, Marelli, Garelli…) et par
catégories sociales et par fonctions (ouvriers, employés, cadres, dirigeants). La
vitalité et la solidarité ouvrières se reflètent dans la prolifération des cercles, des
centres sportifs, des institutions de loisir.
Les écoles professionnelles témoignent
pour leur part l’investissement fait par
certaines firmes – telles la Breda et la Marelli – dans la formation. Dans les cercles,
les villages et les immeubles ouvriers,
dans les centres sportifs s’expriment les
modèles divers et concurrents d’organisation sociale, du paternalisme industriel
à l’organisation ouvrière de type communiste et socialiste, et à la matrice d’inspiration catholique. (Photo 3)
Le projet de candidature à l’UNESCO
Dans l’exceptionnalité de cette histoire et
de ses témoignages on retrouve les raisons qui nous ont conduits à préparer
la candidature du site industriel de Sesto
San Giovanni à la liste du patrimoine
mondiale de l’humanité de l’ICOMOSUNESCO, dans la catégorie du paysage
culturel évolutif.
Je ne veux pas maintenant m’attarder sur
les motivations spécifiques de la candidature, mais seulement souligner qu’on
a beaucoup travaillé, dès les années 90,
sur la mémoire, sur le paysage, sur la recherche historique, sur la conservation
des archives et des témoignages, mais
aussi sur la façon de garder le patrimoine,
et ici nous avons rencontré le thème de la
Federico OTTOLENGHI
réutilisation et nous nous sommes posé la
question: où trouver les ressources pour
la réutilisation – c’est-à-dire pour le réaménagement mais, surtout, pour la gestion – et comment mettre la réutilisation
au service d’un développement durable.
Les grandes lignes de la réutilisation
La décision de conserver et de mettre en
valeur le patrimoine matériel et immatériel de l’histoire de la ville en cherchant
des occasions de réutilisation pour les
édifices historiques comporte des prémisses et des conséquences.
Les prémisses – outre la reconnaissance
de la valeur intrinsèque de ce patrimoine – résident dans la conviction que,
comme l’a encore récemment rappelé le
Maire Oldrini, à l’ occasion de la réunion
du Conseil municipal consacré à la candidature, “en l’absence d’une mémoire
appropriée il n’existe pas d’avenir” 1, et
que la conservation, la mise en valeur
et la visibilité de l’identité et de la vocation historique de la communauté
des citoyens constituent, en dépit de
leur évolution continuelle, un ancrage
et une ressource en vue de la définition
des orientations de son développement
à venir.
La conséquence en est la nécessité, en
premier lieu, d’identifier les critères généraux d’une sélection des biens à sauvegarder – comme cela a été fait d’abord
à l’occasion du Plan général d’urbanisme
de 2000, puis du catalogue des biens en
vue de la candidature et enfin avec le
nouveau Plan de aménagement du territoire – en d’autres termes, de définir cas
par cas les actions à entreprendre en vue
de rendre possible et intéressante leur
sauvegarde, tout en conservant la capacité de ramener les cas particuliers à un
cadre général cohérent.
A la lumière de l’expérience telle qu’elle
a été conduite jusqu’à présent, s’ il est
encore trop tôt pour établir un bilan, du
moins est-il possible de développer de
premières conclusions.
La réutilisation “facile”: confirmer la
fonction d’origine
Fig.4
Une image du
Village Falck.
Les habitations
Il n’y a pas de grandes difficultés quand
il s’agit d’une réutilisation qui est en effet
la continuation de l’usage originel. Parfois cela se passe sans aucune solution
de continuité: c’est le cas, surtout, des
habitations. La principale différence, en
ce cas, tient à la propriété: s’il s’agit de
propriété privée, il faut établir des règles
indiquant le prescriptions auxquelles il
faut se tenir pour faire des travaux dans
la maison.
Le Village Falck
C’est ce qui s’est fait avec les «Normes
techniques pour la mise en valeur typologique, fonctionnelle, architectonique
et décorative du Village ouvrier Falck».
Pourtant, la municipalité s’est aperçue qu’il
faut accompagner les normes avec des
aides économiques, soit pour compenser
les propriétaires face aux contraintes imposées par les normes, soit pour rendre
les normes plus efficaces. En effet le but
n’est pas de punir ceux qui ne respectent
pas les prescriptions, bien que de garder
le patrimoine: et cela se fait beaucoup
mieux si l’on rallie tous les citoyens – et,
en ce cas, les propriétaires – à l’idée qu’il
faut conserver les caractères originaux
des propriétés; ce qui, à son tour, est plus
facile s’ils voient que cette conservation
ne comporte pas de coûts plus élevés, ou
peut se révéler carrément avantageuse.
(Photo 4)
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Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni
Fig.5
La tour des
maquettes Breda,
aujourd’hui
Vetrobalsamo,
photo d’époque.
Le village Diaz et les maisons pour travailleurs
Breda
Quand, au contraire, la propriété est publique, la municipalité a choisi la voie de
la coopération formalisée avec l’organisme propriétaire en signant un accord
avec l’Agence régionale pour l’habitation
populaire (ALER), qui possède de nombreux logements et, parmi eux, le Village
Diaz et les maisons Breda, qui sont classés patrimoine historique industriel. Cet
accord mentionne de façon explicite la
classification de ces biens dans le parcours de candidature à l’UNESCO.
Les usines: Vetrobalsamo et Pompe Gabbioneta
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Il y a parfois parmi les usines une situation qui ressemble à celle qu’on a décrit
à propos des habitations: c’est quand la
même entreprise continue à fonctionner
sur son site historique. Ou, peut- être
aussi, quand une nouvelle entreprise
succède à l’antérieure sur le même site,
soit qu’elle continue la production précédente, soit qu’elle appartienne à un autre
secteur. Apparemment, en ce cas, il n’y
aura aucun problème. En réalité, nous
nous sommes aperçus que dans cette situation il y a le risque de ne pas prendre
en considération, de ne pas mettre an
valeur le patrimoine constitué par ces
entreprises. On est maintenant en train
de réfléchir sur le fait qu’il faudrait associer deux entreprises qui rentrent dans
les deux cas ci-dessus et qui n’ont pas
fait partie, jusqu’à ce moment-là, de la
mobilisation autour de la candidature.
Je me réfère à Vetrobalsamo, une grande
verrerie qui s’est installée dans la zone
Breda il y a 13 ans, tout en conservant
les bâtiments originaires, y compris la
Tour des modèles (Photo 5) et quelques
autres très intéressants, bien qu’ils ne
soient pas – jusqu’à présent – protégés
pour la candidature. Et je pense aussi
aux Pompe Gabbioneta, qui sont toujours
là depuis 1906.
Il y a deux raisons pour s’engager dans
cet enjeu.
La première est évidemment que,
comme cela est valable pour les habitations, sans la participation des propriétaires le patrimoine est à risque. Et,
face aux difficultés de projet et de budget associées à la sauvegarde du patrimoine industriel, ce serait un paradoxe
si, lorsque la conservation est assurée
par un sujet privé, pour les fonctions
mêmes pour lesquelles ce patrimoine fut
construit (ce qui à pour conséquence de
garder les murs mais aussi le contexte)
cette activité de sauvegarde, utilisation
et transmission du patrimoine n’était pas
soutenue, contrôlée et mise en valeur.
La deuxième raison est aussi que ces entreprises font elles-mêmes partie du patrimoine culturel – en plus d’être un patrimoine économique et social – si on ne
s’arrête pas aux bâtiments, si l’on prend
en compte l’importance du patrimoine
technique, des connaissances, des relations sociales qui a été constitué par les
entreprises et par le monde du travail.
Les usines: Campari et Milano Metropoli
Dans l’expérience de Sesto, je classerai
sous le titre de la continuité aussi les bâtiments industriels dont les activités restent dans le domaine économique, bien
Federico OTTOLENGHI
qu’elles changent de nature en se transformant d’entreprises de production en
entreprises du secteur tertiaire. Il y a à
ce propos au moins deux cas différents.
Dans le cas de Campari (Photo 6), qui
avait son établissement dans le centre
de la ville dès 1904, la production vient
d’être délocalisée, tandis que la direction
du groupe s’est déplacée du centre de
Milan à Sesto. Cette opération a été financée par la reconversion d’une partie
de l’établissement de production en habitations privées et en activités tertiaires
(y compris la direction de Campari),
mais ce qui en fait un cas atypique et
intéressant est que cette transformation
est réglée par un accord entre Campari et
la municipalité, qui oblige Campari:
• à restaurer le corps central de l’ancien bâtiment du 1902-1904 et à le
dédier à l’institution du musée Campari;
• à coordonner le projet du musée
avec celui du Musée de l’Industrie et
du Travail développé par la municipalité;
• à se charger de la gestion du musée.
Les travaux son presque terminés, maintenant il faut réaliser le musée. Si tout
fonctionne comme il faut, ce sera un cas
de «fonction publique» exercée et soutenue par un sujet privé. La raison de
mon appréciation favorable d’une telle
solution est qu’il faut reconnaître que
les institutions publiques – notamment
les municipalités – n’ont pas assez d’argent ni d’autres ressources pour soutenir toutes les activités de conservation,
de mise en valeur et de gestion du patri-
moine. Il faut ajouter, une fois encore,
que la participation des citoyens, des
propriétaires, des entreprises à ce projet
est très importante parce qu’elle signifie
que ce n’est pas seulement l’institution
municipale, mais aussi la communauté
urbaine qui partage l’engagement pour
le patrimoine.
Le cas de Milano Metropoli (Photo 7),
bien qu’il rentre dans la même catégorie
de réutilisation, est tout à fait différent:
agence au capital mixte, mais à majorité
publique, instituée il y a plus de dix ans
par les municipalités de Milan Nord et
par la Province, à fin d’envisager le redéveloppement du territoire après la fermeture des grandes usines, Milano Metropoli a conduit le réaménagement, en
deux phases différentes, d’une cantine
de la Falck et d’une cantine de la Breda,
et en a fait des incubateurs d’entreprises.
Ici on est donc en face d’ un sujet public, qui travaille comme une entreprise,
en réalisant une activité économique,
et qui cependant poursuit des objectifs
Fig.6
Le corps central
ancien de
la Campari.
Fig.7
LIB – Laboratoire de
l’Innovation Breda
(ex-réfectoire),
aujourd’hui siège de
Milano Metropoli.
d’intérêt public en même temps qu’il
travaille pour faire naître de nouvelles
entreprises.
Ce qui rapproche ce cas de celui de
Campari, tout à fait différent, est qu’il
s’agit d’une réutilisation dans le domaine
des activités économiques, qui doivent
se soutenir par elles-mêmes.
La réutilisation difficile: l’identification de nouvelles fonctions publiques
Enfin, il y a le cas où l’on essaie de passer
de l’ancienne fonction industrielle à une
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Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni
Fig.8
Le pont roulant et
la locomotiva Breda
830 de 1906.
Fig.9
Giovanni Sacchi
au travail
(reconstruction
d’une machine de
Leonardo da Vinci).
Fig.10
MIL – Musée de
l’Industrie et du
Travail (ex-magasin
de pièces de
rechange Breda).
nouvelle fonction publique, notamment
culturelle. Dans notre expérience, cela
a réussi quand deux conditions étaient
réunies: la propriété était publique et il y
a eu l’engagement et le soutien financier
d’autres institutions, notamment la Région et la Province, grâce à ce que l’on
appelle des «accords de programme».
Le parc archéologique Breda
C’est le cas du Pont roulant (Photo 8),
situé dans l’un des endroits les plus saisissants, dans la zone Breda entre Milan
et Sesto, qui aujourd’hui, après le réaménagement, vit comme un grand théâtre
à ciel ouvert ou site pour des concerts
et des fêtes, et qui abrite une locomotive Breda du 1906. Près du Pont roulant
s’élève le bâtiment du Spazio MIL (Museo dell’Industria e del Lavoro - Musée
de l’Industrie et du Travail) (Photo 9),
qui accueille soit les activités du Théâtre
Filodrammatici, soit l’Archive de Giovanni Sacchi, le grand artisan de Sesto
qui, travaillant avec les plus grands designers et architectes, réalisa les modèles
en bois de nombreux objets qui ont fait
l’histoire du design et de l’industrie.
(Photo 10)
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Le MAGE et l’OMC
Le MAGE (ancien dépôt général de l’établissement Falck Concordia Sud) est aujourd’hui le bâtiment industriel le plus
significatif de ceux qui appartiennent
à la municipalité. Il est prés de l’OMC,
ancienne cantine ouvrière, elle-même
propriété municipale. La requalification
et la réutilisation de ces deux bâtiments
ont été possibles grâce à la contribution
de la Région et de la Province de Milan,
qui en l’occurrence est également destinataire d’une part notable des espaces,
utilisés par une école de formation professionnelle et par d’autres activités dans
les domaines de l’orientation et du travail – et par suite contribue activement
à la gestion. Le vaste espace de presque
2.000 m² au premier étage du MAGE,
qui constitue une antenne du Musée du
Travail, est en revanche destiné aux activités culturelles, et il est soutenu par un
espace consacré à la restauration. Il a déjà
accueilli de nombreuses manifestations,
parfois de grande ampleur, que ce soit
avant ou après la restructuration. Il sera
Federico OTTOLENGHI
nécessaire, sur la base de l’expérience accumulée jusqu’ici, de mettre au point un
modèle de gestion pour assurer son fonctionnement permanent. (Photo 11)
programmation au niveau supra-communal. Dans le cas de Sesto on peut
distinguer divers agents d’intégration du
système.
Fig.11
MAGE, intérieur.
Le Plan d’ aménagement du territoire
La Tréfilerie Bliss
Il y a un cas très intéressant, dans la
grande transformation des zones Falck,
tracée par Renzo Piano. Il s’agit de deux
très grands bâtiments, dont la propriété
est privée – elle est la même que celle
de toute la zone Falck – où l’on a décidé
d’installer le nouveau siège des écoles
municipales de danse et de musique
(Tréfilerie) et de la bibliothèque municipale (Bliss). Une fois achevé le réaménagement, ils deviendront propriété
de la municipalité. Les ressources pour
le réaménagement viennent en ce cas
de la transformation de l’ensemble de
la zone dans le contexte des politiques
d’urbanisme. La base de la gestion sera
bien sûr assurée par les ressources actuellement utilisées pour la bibliothèque
et pour les écoles, mais les caractères et
l’échelle différents des nouveaux sièges
demandent aussi une augmentation significative de ressources aussi bien que
la définition d’un nouveau modèle de
gestion.
Les éléments du système
Naturellement, pour que ces interventions sur les édifices ou sur des
complexes aient un sens elles doivent
réunir un ensemble de politiques du territoire (urbanistiques, culturelles, économiques) et s’insérer dans un cadre de
Adopté en janvier par le conseil municipal, le Plan devra être approuvé définitivement en juillet; il constitue le cadre
à l’intérieur du cadre s’inscrivent toutes
les politiques territoriales. Le plan prévoit entre autres:
• la reconnaissance et la sauvegarde
des biens classés et protégés dans le
cadre de la démarche de candidature;
• le principe de la remise en état de
l’environnement, sur la base duquel
la partie nouvelle de la ville doit remédier à certaines déficiences de la
ville historique, à commencer par les
espaces vers publics;
• le principe du rééquilibrage des services et des fonctions entre ville historique et nouveaux quartiers;
• le développement de la partie nouvelle de la ville au moyen d’une mixité de fonctions, comprenant des
fonctions de production et des activités d’innovation et de recherche.
Le système culturel de la zone nord de Milan
Les sept communes de Milan Nord,
qui représentent une population totale
de plus de trois cent mille habitants,
ont développé une collaboration institutionnelle étroite dans de nombreux
domaines d’intervention. Au début de
mai a été signé un pacte «pour la programmation et la coordination du système culturel intégré de Milan Nord»,
constituant expressément une association entre les municipalités, la Province
de Milan et l’Agence de développement
Milano Metropoli, ayant pour objectif
de coordonner l’offre culturelle, les musées et les bibliothèques des villes associées, les ressources du territoire – voire
21
Le patrimoine industriel de Sesto San Giovanni
l’université ou les parcs.
Le système provincial des musées d’entreprise
Concernant les musées, il faut signaler
l’importance et la nouveauté du rôle joué
par la Province de Milan (voir la communication de Claudio Minoia, “Milan ville
du projet”): la Province regroupe et assure la promotion du circuit des musées
liées au monde de l’entreprise sur son
territoire. Sesto participe d’ores et déjà à
ce réseau avec le concours des Archives
Sacchi, du Musée de l’Industrie et du Travail et du Pont roulant, et dans un avenir
rapproché pourra y contribuer également
à travers le musée Campari qui prendra
place dans le siège historique de la firme,
aussitôt après sa restauration, par les
soins de la société Campari elle-même.
Le système touristique provincial
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C’est encore la Province qui gère les activités de développement du tourisme sur
tout son territoire, que ce soit sur une
base territoriale ou thématique. On en
est à la phase de départ, mais le projet est
prometteur et ambitieux. La municipalité
de Sesto San Giovanni a adopté en juillet
dernier l’adhésion à ce système touristique provincial en voie de constitution.
Sur ces bases a été réalisé un guide touristique provincial et a été expérimentée
une activité de visites guidées de la ville
historique et de la ville industrielle. Le
succès que cette initiative a rencontré en
ville et en dehors de la ville a incité la
municipalité à travailler à la réalisation de
nouveaux cycles de visite dans l’avenir.
Toujours dans le domaine de la mise en
valeur (et de la requalification) du territoire à des fins touristiques, il faut signaler la réalisation – en collaboration avec
l’Institut Européen du Design (IED) de
Milan – d’une carte à l’usage des piétons
et des cyclistes de tout le territoire urbain et des deux parcs qui délimitent la
commune de Sesto à l’est et à l’ouest,
mettant en évidence le patrimoine indus-
triel. Il est remarquable que le territoire
des parcs est lui-même le produit des
diverses phases de l’histoire industrielle.
Le Parc Nord, à l’ouest, s’est constitué
à partir de la zone du [del campo volo],
puis progressivement sur les terrains libérés de la production de la Breda, et la
colline qui se trouve à l’intérieur du Parc
était à l’origine un dépôt de scories de
l’établissement sidérurgique de la Breda
siderurgica. Le territoire du Parc de la
moyenne vallée du Lambro, à l’est, s’est
fortement modelé sur les activités de la
Falck, avec les collines constituées par les
scories de l’activité sidérurgique et d’extraction (carrières). Actuellement la municipalité de Sesto, avec les deux parcs
et la commune limitrophe de Bresso,
participe à un concours régional visant
à favoriser la mise en réseau des activités
de récupération et de valorisation dans
le domaine culturel, environnemental et
touristique.
La formation: écoles, universités, formation professionnelle (v. Bottega Sacchi)
Les politiques de formation sont une
formidable ressource pour deux raisons:
l’établissement de sièges de formation
aide en effet:
• l’enrichissement et la qualification du
territoire
• la création de sources intellectuelles
et de compétences qui soutiennent la
croissance du territoire même
C’est dans ce sens que l’on doit interpréter l’ouverture, en 2006, du pôle de
la communication de l’Université d’État
à Sesto Marelli, ou la conversion de
deux structures industrielles – MAGE
et OMC – l’un comme centre de formation professionnelle Achille Grandi,
et l’autre comme siège du nouvel Office pour la formation, l’orientation et le
travail (AFOL). L’attention apportée par
la Mairie à la création de conditions favorables pour l’établissement d’ activités
de formation supérieure et de recherche
Federico OTTOLENGHI
dans les zones Falck a le même objectif.
(Photo 12)
La capacité d’insérer le territoire et son
histoire dans les curricula et de faire vivre
les institutions de formation en qualité
d’acteurs du territoire a une double conséquence:
• permettre de construire dès l’école
une conscience et une capacité de
lecture du territoire urbain de la part
de ses habitants, tout en facilitant sa
protection
• donner aux compétences présentes
dans les institutions de formation la
chance de contribuer à la promotion
urbaine, ce qui fait des étudiants des
ambassadeurs potentiels du territoire
C’est dans ce cadre qu’un espace sera
réservé aux activités de formation auprès des Archives Sacchi: à l’intérieur de
l’atelier de Sacchi, reconstruit avec son
outillage et sur les plans originaux, sera
installé un laboratoire où les étudiants
pourront faire l’expérience du travail du
bois et de la création de maquettes.
et d’ intervention; c’est-à-dire, s’il sera
un facteur de stimulation, de connexion,
d’intégration – et aussi une obligation,
en cas de besoin.
Ce que nous percevons comme un besoin et que j’avance comme une proposition de travail à l’intention de tous les
participants de ce workshop, c’est d’organiser un panel permanent de contacts
– une sorte d’ observatoire – à l’aide duquel on puisse s’informer sur les expériences et mettre en commun les difficultés et les succès, acquérir et échanger des
données, construire – si ce n’est pas trop
ambitieux – des standards internationaux
de référence, tant pour les procédés que
pour les résultats, tant pour les coûts et
l’utilité sociale que pour les coûts de gestion, tant pour la recherche de ressources
économiques que pour l’engagement des
opérateurs publics et privés.
Ma conviction est que la conservation est
nécessaire à la mémoire et qu’une transformation bien conduite, socialement et
économiquement soutenable, est nécessaire à la conservation.
Fig.12
OMC (ex-réfectoire
Falck Concordia),
aujourd’hui siège
de AFOL.
Federico Ottolenghi est Directeur des Relations extérieures de la Ville de Sesto San
Giovanni
Notes:
1 - Séance du Conseil municipal, 4 mai 2009.
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citoyen www.sestosg.net
Conclusion
Pour la conservation et la réutilisation
des sites et de comme éléments d’entraînement de la croissance culturelle et
économique du territoire on est en train
de parcourir des trajets parallèles, à des
stades plus ou moins avancés.
En tout cas il est encore trop tôt pour
dresser un bilan. Le plan de gestion du
patrimoine de Sesto San Giovanni sera
efficace s’il réussit à créer une interaction
entre ces différentes politiques et l’ensemble des instruments de participation
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