ariosita et artificiosita dans les madrigaux de giovanni de macque

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ariosita et artificiosita dans les madrigaux de giovanni de macque
Université Paris Sorbonne (Paris IV)
École doctorale V, « Concepts et Langages »
Alma Mater Studiorum, Università di Bologna
« Musicologia e beni musicali »
Thèse pour obtenir le grade de
Docteur de l'Université de Paris Sorbonne
Discipline : Musicologie
Présentée et soutenue publiquement
le 5 décembre 2007
par DEUTSCH Catherine
Ariosità et artificiosità dans les madrigaux de Giovanni
de Macque (1581-1597)
Directeurs de recherche :
M. le Professeur Frédéric BILLIET
M. le Professeur Angelo POMPILIO
Jury
M. Jacques BARBIER (Université de Tours)
M. Frédéric BILLIET (Université Paris IV Sorbonne)
M. Anthony NEWCOMB (University of California)
M. Angelo POMPILIO (Università di Bologna-Ravenna)
M. Massimo PRIVITERA (Università della Calabria)
1
Remerciements
J’adresse mes plus grands remerciements à toutes les personnes qui m’ont aidée dans la
réalisation de cette thèse : mes directeurs, Frédéric Billiet et Angelo Pompilio, qui ont
patiemment guidé mon travail ainsi qu’Anthony Newcomb, qui m’orienta dès le début de mes
recherches vers le compositeur Giovanni de Macque. Mes remerciements vont également à
Lorenzo Bianconi, ainsi qu’à Gérard Geay et Massimo Privitera pour leurs conseils avisés sur
la reconstruction de la voix d’alto du Terzo libro de madrigali a cinque voci. Je remercie aussi
Riccardo Teichner, Daniele Baglioni et Valentina Bazzocchi de m’avoir éclairée sur le sens
de certaines vers italiens particulièrement obscurs, ainsi que Maryvonne Deutsch, Juliette
Mathieu, Raphaëlle Legrand, Miriam Lopes, Nicolas Mondon, Nicolas Corréard, Jalal Zaïm,
Céline Letemplé, Roberto Teichner, Javier Domingo et Natalie Lithwick pour leurs relectures
et leurs suggestions.
2
Nota bene :
Les abréviations suivantes ont été utilisées pour désigner les recueils de Macque :
I.6 : Primo libro de madrigali a sei voci
a456 : Madrigali a quattro, cinque et sei voci
MN1 : Madrigaletti et napolitane
MN2 : Secondo libro de madrigaletti et napolitane
I.5 : Primo libro de madrigali a cinque voci
I.4 : Primo libro de madrigali a quattro voci
II.5 : Secondo libro de madrigali a cinque voci
II.6 : Secondo libro de madrigali a sei voci
III.5 : Terzo libro de madrigali a cinque voci
IV.5 : Quarto libro de madrigali a cinque voci
III.4 : Terzo libro de madrigali a quattro voci
VI.5 : Sesto libro de madrigali a cinque voci
Le Répertoire International des Sources Musicales, B/I, Recueils imprimés XVIe-XVIIe
siècles, (éd. François Lesure, München/Duisburg, Henle, 1960) est désigné par le sigle RISM.
3
Introduction
Giovanni de Macque 1 (Valenciennes, vers 1550 – Naples, 1614), personnage central de la vie
musicale romaine et parthénopéenne de la fin de la Renaissance, « insigne maître de la
chapelle royale de Naples, musicien et organiste exceptionnel et très excellent ainsi qu’en
témoignent ses œuvres » 2 , comme le décrit Pietro Cerone dans son traité El melopeo y
maestro, après avoir joui d’une certaine résonance dans les écrits musicaux des premières
décennies du Seicento 3 , tomba vite, comme la grande majorité de ses contemporains, dans un
oubli quasi total.
Lorsque le nom de Macque réapparut dans les travaux des historiographes du XIXe siècle, ces
derniers installèrent une certaine confusion quant aux données biographiques le concernant 4 ,
qui ne fut levée qu’en 1930 grâce aux précieuses recherches d’Ulisse Prota-Giurleo dans les
archives napolitaines 5 . Les travaux de Prota-Giurleo, qui servent de point de référence à la
totalité des études sur Macque depuis lors, permirent en effet de déterminer avec certitude
1
Plusieurs raisons m’ont poussée à privilégier la dénomination italienne du compositeur, et non sa traduction en
français, Jean de Macque, que l’on rencontre dans certains travaux. Tout d’abord, « Jean de Macque »
n’apparaît, à ma connaissance, dans aucun document de l’époque ; il est donc tout à fait possible que personne
n’ait jamais appelé réellement ainsi le compositeur. D’autre part, le madrigaliste, considéré par Scipione Cerreto
« napolitain par ancienneté » (« per antichità napolitano », in CERRETO Scipione, Della prattica musicale vocale
et strumentale, Napoli, Carlino, 1601, p. 156), signait systématiquement ses lettres du nom de « Giovanni de
Macque », nom qui apparaît également ainsi dans l’acte notarié de son mariage.
2
« Señor Juan Demacque, dignissimo maestro de la capilla real de Naples, musica y organista singular y muy
eccelente, come sus obras dan testimonio dello. », in CERONE Pietro, El melopeo y maestro, Napoli, Gargano et
Nucci, 1613, p. 757.
3
Pour un exposé des divers témoignages ou éloges sur Macque par ses contemporains, voir CLERCX Suzanne,
« Jean de Macque et l’évolution du Madrigalisme », Festschrift Joseph Schmidt-Görg zum 60. Geburtstag, éd.
Dagmar Weise, Bonn, Beethovenhaus, 1957, p. 77. Cet inventaire est repris et amplifié dans SHINDLE Richard,
The Madrigals of Giovanni de Macque, PhD non publié (Indiana University), Ann Arbor, UMI, 1970, p. 24-29.
4
Van Maldeghem indique dans sa note biographique sur Macque que celui était né en 1525 et avait obtenu le
poste de maître de chapelle en 1540 (voir VAN MALDEGHEM Robert-Julien, Le trésor musical. Collection
authentique de musique sacrée et profane des anciens maîtres belges. Musique religieuse, Bruxelles, C.
Muquardt, 1865, vol. 1, p. viii), information reprise successivement par Fétis, qui attribua également un recueil
de Canzonette alla napolitana inexistant (voir FETIS François-Joseph, Bibliographie universelle des musiciens,
Paris, Firmin Didot, 1878, vol. 6, p. 218). Robert Eitner reporte lui aussi ces données biographiques tout en
notant qu’il semblait difficile que Macque ait été nommé maître de chapelle à l’âge de 15 ans (voir EITNER
Robert, Biographisch-bibliographisches Quellen-Lexikon der Musiker und Musikgelehrten bis zu Mitte des 19.
Jh., Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1900-1904, vol. 6, p. 266). Carlo Schmidl, conscient qu’il s’était écoulé trop
de temps entre la date de naissance présumée du compositeur et sa première publication en 1575, envisagea
ensuite l’existence de deux Macque (voir SCHMIDL Carlo, Dizionario universale dei musicisti, Milano,
Sonzogno, 1938, vol. 2). Van der Straeten, en se basant sur le nom du compositeur, affirma que Macque était
originaire du Brabant, hypothèse infirmée par la suite (voir VAN DER STRAETEN Edmond, La musique aux PaysBas avant le XIXe siècle, Bruxelles, C. Muquardt, 1867-1888, vol.4, p. 64).
5
PROTA-GIURLEO Ulisse « Notizie sul musicista belga Jean Macque, maestro della real cappella di palazzo in
Napoli », Archivi d’Italia e rassegna internazionale degli archivi, XXIV, 1957, p. 336-343 (première édition :
« Notizie sul musicista belga Jean Macque », Société internationale de musicologie. Premier congrès. Liège, 1er
au 6 septembre 1930, Nashdom Abbey, Plainsong and Mediaeval music Society, s. d., p. 191-197).
4
l’origine du compositeur, la date approximative de sa naissance, mais surtout de reconstruire
une grande partie de sa carrière à Naples depuis son arrivée à la cour de Gesualdo vers 1585
jusqu’à sa mort en 1614. Le musicologue napolitain se basa sur de nombreux documents
d’archives et sur les dédicaces des publications de Macque, riches en informations – de ses
origines valenciennoises, à sa formation auprès de Philippe de Monte, en passant par le nom
de ses protecteurs romains puis napolitains.
Outre les divers travaux confirmant la présence de Macque au sein de Compagnia dei Musici
di Roma progressivement pris en compte par les biographes 6 , deux autres articles permirent
de reconstruire des fragments de la carrière du compositeur. Des recherches d’Albert Smijers 7
dans les archives de la cour impériale viennoise, il est apparu que Macque (orthographié
Johann Mackh dans les registres), y fut Kantoreiknabe jusqu’en 1563, après quoi il mua et fut
envoyé dans un collège jésuite de la capitale 8 . La date de cette mue, qui advint probablement
autour de ses douze ou treize ans, a permis de fixer vers 1550 l’année de naissance du
musicien. Les travaux de Herman-Walter Frey sur les maîtres de chapelle de Saint Louis des
Français à Rome 9 ont ensuite pu prouver que, contrairement à l’hypothèse de Prota-Giurleo –
reprise souvent littéralement par certains musicologues –, Macque réussit à trouver dans la
ville pontificale un « poste digne de sa réputation d’excellent organiste » 10 en tenant du 1e
octobre 1580 au 31 septembre 1581 l’orgue de cette église.
La découverte de la correspondance de Macque par Friedrich Lippmann dans les années
1970 11 jeta un nouveau jour sur les connaissances biographiques relatives à Macque. Cette
quinzaine de lettres autographes retrouvées par Lippmann à l’Archivio Caetani de Rome offre
6
Notamment par Suzanne Clercx dans son article de la première édition du MGG (CLERCX Suzanne, « Giovanni
de Macque », Die Musik in Geschichte und Gegenwart, Kassel, Bärenreiter, 1960, vol. 8). Sur la Compagnia dei
Musici di Roma, voir notamment GIAZOTTO Remo, Quattro secoli di storia dell’Accademia Nazionale di Santa
Cecilia, Roma, Accademia Nazionale di Santa Cecilia, 1970. Pour plus d’information bibliographiques, voir
infra, p. 32.
7
SMIJERS Albert, « Die kaiserliche Hofmusik-Kapelle von 1543-1619 », Studien zur Musikwissenschaft, VI,
1919, p. 144 et 164-167.
8
Sauf erreur de ma part, le recoupement entre Macque et Mackh fut fait pour la première fois par Suzanne
Clercx (voir CLERCX Suzanne, « Jean de Macque et l’évolution du Madrigalisme », op. cit., p. 67).
9
FREY Herman-Walter, « Die Kapellmeister an der französischen Nationalkirche San Luigi dei Francesi in Rom
im 16. Jahrhundert », Archiv für Musikwissenschaft, XXIII, 1966, p. 32-60.
10
« un posto degno dela sua fama d’eccellente organista », in PROTA-GIURLEO Ulisse, « Notizie sul musicista
belga Jean Macque, maestro della real cappella di palazzo in Napoli », op. cit., p. 338-339. Prota-Giurleo semble
parfois poussé par un désir de défendre les couleurs de sa ville lorsqu’il parle de l’ingratitude des Romains
envers le franco-flamand : « à Naples Macque ne se sentit ni étranger, ni objet de jalousies, d’hostilités, de
rancœurs, comme cela était peut-être arrivé à Rome (« Il Macque non si sentì straniero, né oggetto di gelosie,
ostilità, rancori, come forse eragli accaduto a Roma », in PROTA-GIURLEO Ulisse, « Notizie sul musicista belga
Jean Macque, maestro della real cappella di palazzo in Napoli », op. cit., p. 339).
11
LIPPMANN Friedrich, « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi documenti », Rivista Italiana di
Musicologia, XIII, 1978, p. 243–279.
5
en effet un témoignage particulièrement précieux des rapports étroits que le compositeur
entretenait avec le monde musical romain, de sa relation avec Carlo Gesualdo dans la seconde
moitié des années 1580 ainsi que du rôle qu’il joua très probablement dans l’éducation
musicale du jeune prince.
Cette présentation succincte des données biographiques sur Macque (assez copieuses au
regard des maigres informations disponibles concernant la grande majorité de ses
contemporains) laisse entrevoir l’intérêt que put éveiller chez les musicologues la carrière de
ce Franco-flamand – sans doute le dernier à avoir obtenu un poste d’une telle envergure en
Italie – qui parvint à assumer un rôle important dans la vie musicale de deux des plus grands
centres italiens de l’époque, Rome et Naples.
La redécouverte progressive de l’œuvre de Macque suivit globalement le même parcours que
ces recherches biographiques, avec trois étapes principales, la première à la fin du XIXe
siècle, la seconde dans les années 1930, la dernière en 1970.
Robert-Julien Van Maldeghem est à ma connaissance le premier musicologue à s’être
intéressé, à la fin du XIXe siècle, à la musique de Macque. Celui-ci publia en effet ses litanies
à huit voix dans le volume de 1865 du Trésor musical 12 et dans celui de 1872, quatre
madrigaux de sa période romaine 13 .
Malgré une production madrigalesque extrêmement conséquente d’environ deux cent
cinquante numéros (au moins onze livres, treize si l’on compte les publications fantômes qui
se déduisent de la numérotation), ce sont plutôt les compositions instrumentales de Macque,
quantitativement nettement inférieures, qui attirèrent ensuite l’attention des musicologues.
En 1938, Joseph Watelet et Anny Piscaer, peut-être éveillés par les récentes découvertes
d’Ulisse Prota-Giurleo sur la carrière napolitaine de cet organiste d’origine belge, publièrent
12
Litaniae de B. Maria Virgine in VAN MALDEGHEM Robert-Julien, Le trésor musical. Collection authentique de
musique sacrée et profane des anciens maîtres belges, Bruxelles, C. Muquardt, 1865, vol. 1. Van Maldeghem ne
cite malheureusement aucune de ses sources. Shindle attribue ces litanies à un manuscrit de la Biblioteca
Vaticana de Rome, sans en préciser les références. (Voir SHINDLE Richard, « Macque, Giovanni de », Grove
Music Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.17378.1, page consultée le
29 mai 2006).
13
VAN MALDEGHEM Robert-Julien, Le trésor musical. Collection authentique de musique sacrée et profane des
anciens maîtres belges, Bruxelles, C. Muquardt, 1872, vol. 8. Van Maldeghem publia trois madrigaux à quatre
voix du recueil de 1579 (Madrigali a quattro, cinque et sei voci) : Non al suo amante più Diana piacque, Amor,
e ’l ver fu meco a dir et Se d’altro mai non vivo et Io vidi amor con pargoletta mano du Lauro verde (Ferrara,
Baldini, 1583).
6
une quinzaine de pièces instrumentales dans les Werken voor orgel of vier speeltuigen 14 .
Cette édition assez copieuse 15 permit une plus large découverte et diffusion de la musique de
Macque, qui commença ainsi à entrer dans le répertoire des organistes et des clavecinistes 16 .
Parmi cette quinzaine d’œuvres très intéressantes, quatre d’entre elles restèrent tout
particulièrement associées au nom du compositeur : les Prime et Seconde stravaganze
(Première
et
seconde
extravagances),
les
Consonanze
stravaganti
(Consonances
extravagantes) et les Durezze e ligature. Ces compositions aux noms extrêmement évocateurs
laissaient en effet présumer de l’intérêt du reste de la production de Macque, et notamment de
ses madrigaux.
Ces derniers souffrirent peut-être du tableau assez peu attractif qu’Alfred Einstein offrit du
musicien dans sa célèbre monographie sur le madrigal italien. Ce dernier voyait en effet en
Macque « plutôt un élève et successeur de Monte qu’un prédécesseur de Gesualdo, un
contemporain d’Ingegneri et Wert plutôt que de Marenzio » 17 . Ses pièces instrumentales
révèlent selon lui « un musicien d’une grande naïveté et gaîté, d’une simplicité quasi
folklorique qui se trouve, par bien des aspects, à l’extrême opposé de Gesualdo. » 18
Einstein reconnaît cependant que sa connaissance de la production madrigalesque de Macque
se limitait à la transcription de quelques pages du recueil de 1579 et d’anthologies datant du
début des années 1580 19 .
Ce n’est qu’en 1970 que les madrigaux de Macque furent enfin connus sous leur vrai jour
grâce à la thèse de doctorat de Richard Shindle, The Madrigals of Giovanni de Macque 20 ,
14
PISCAER Anny, WATELET Joseph, Werken voor orgel of vier speeltuigen, Antwerpen, Vereeniging voor
Muziekgeschiedenis te Antwerpen, 1938, p. 33-67. Monumenta Musicae Belgicae, vol. 4.
15
Cette édition laissa cependant de côté les Ricercari sui dodici toni du manuscrit Magl. XIX. 106bis de la
Biblioteca Nazionale de Florence, qui ne furent transcrits qu’en 1994. Voir DE MACQUE Giovanni, Ricercari sui
dodici toni, éd. Chrisopher Stembridge, Milan, Zanibon, 1994. Opere complete per strumenti a tastiera, vol. 1.
16
Aujourd’hui encore, l’essentiel de la discographie de Macque se concentre sur les pièces instrumentales
publiées dans le volume des Werken voor orgel of vier speeltuigen. Voir notamment MACQUE Giovanni de,
PALESTRINA Giovanni, Palestrina and De Macque : Works For Organ, Liuwe Tamminga, disque compact
Accent, 1996, 96115, et FRESCOBALDI Girolamo, PICCI Giovanni, MACQUE Giovanni de, MERULA Tarquinio,
Œuvre pour clavecin et orgue, Gustav Leonhardt, disque compact DHM, 1995, B000025OQ.
17
« rather a pupil and successor of Monte than a forerunner of Gesualdo and rather a contemporary of
Ingegneri and Wert than a contemporary of Marenzio », in EINSTEIN Alfred, The Italian Madrigal, trad.
Alexander Krappe, Roger Sessions et Oliver Strunk, Princeton, Princeton University Press, 1949, p. 698.
18
« a musician of considerable naïveté, gaiety, and folk-like simplicity who is in many respects the direct
opposite of Gesualdo », ibid., p. 698.
19
Ibid., p. 697.
20
SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, PhD non publié (Indiana University), Ann Arbor,
UMI, 1970.
7
première monographie consacrée exclusivement à sa production madrigalesque 21 . Shindle
transcrivit et analysa tous les recueils de madrigaux complets à l’époque, soit les deux
premiers livres romains de 1576 et 1579 (Il primo libro de madrigali a sei voci et Madrigali a
quattro, cinque et sei voci, imprimés tous deux à Venise par Gardano) et les trois derniers
recueils napolitains de 1599, 1610 et 1613 (Il quarto libro de madrigali a cinque voci, Il terzo
libro de madrigali a quattro voci et Il sesto libro de madrigali a cinque voci, tous trois
publiés à Naples, respectivement chez Carlino et Pace, Gardano et Nucci et enfin chez
Magni).
Par la force des choses, la thèse de Shindle laissa ainsi de côté toute la période intermédiaire
allant de 1581 à 1597, pendant laquelle Macque publia cinq livres de madrigaux et deux
recueils de Madrigaletti et napolitane (voir infra, table 1, p. 9).
21
La même année fut soutenue à Liège une autre thèse sur Macque, qui n’eut cependant pas beaucoup de
résonance (ANDERSON Lawrence, Giovanni de Macque of Valenciennes and the Evolution of Polyphonic Music
in Naples at the End of the Sixteenth Century, thèse non publiée (Université de Liège), 1970). Anderson
s’intéressa aux deux recueils de Madrigaletti et Napolitane, aux laudes et au recueil de motets de 1596, mais
sans réaliser une transcription complète de son corpus.
8
table 1 : chronologie des recueils de madrigaux de Macque
Venezia,
Shindle
1576
I.6
Gardano
Venezia,
1579
a456
Gardano
Venezia,
1581
MN1
Gardano
Venezia,
1582
MN2
Gardano
Venezia,
1583
I.5
Gardano
Venezia,
1586
I.4
Vincenti
Venezia,
1587
II.5
Vincenti
Venezia,
1589
II.6
Gardano
Ferrara,
1597
III.5
Baldini
Napoli,
1599
Shindle
IV.5
Carlino et Pace
Napoli,
1610
III.4
Gardano et Nucci
Napoli,
1613
VI.5
Magni
entre
1586 et 1610
II.4 ?
?
VI.5 ?
?
entre
1599 et 1613
La présente étude se propose de combler, dans la mesure du possible, le vide laissé par
Shindle, en analysant les recueils publiés par Macque entre ces deux dates et en s’intéressant à
l’évolution de son écriture madrigalesque pendant cette période. Un élément de poids est en
effet venu changer la donne depuis la parution du PhD de Shindle, puisqu’un exemplaire
9
complet du Primo libro a quattro voci de 1586 et du Secondo libro a cinque voci de 1587 ont
été retrouvés à la Biblioteka Jagiellonska de Cracovie, avec toute une série d’imprimés
musicaux des XVIe
et XVIIe
siècle 22 . Ces deux recueils, autrefois conservés à la Deutsche
Staatsbibliothek de Berlin, avaient en effet disparu pendant la Seconde guerre mondiale 23 . À
la fin du conflit, une partie du fonds de la Staatsbibliothek fut en effet transférée à la
Biblioteka Jagiellonska de Cracovie afin d’être mis à l’abri des bombardements, puis
redécouverte progressivement, notamment grâce à la publication du catalogue de la
bibliothèque polonaise en 1999 (signalons cependant que le Secondo libro de madrigali a
cinque voci n’y est pas indexé) 24 .
Si le Primo libro a quattro voci de la Biblioteka Jagiellonska est un unicum, d’autres
exemplaires des voix du Secondo libro a cinque sont éparpillés dans diverses bibliothèques
européennes. Un exemplaire du canto, de l’alto et du quinto est possédé par la Universitätsund Stadtbibliothek de Cologne, deux autres quinto se trouvent à la Biblioteca dell’Accademia
filarmonica de Vérone et à la Toonkunst Bibliotheek d’Amsterdam et enfin une partie d’alto
est conservée à Paris, dans le fonds du Conservatoire appartenant désormais à la Bibliothèque
Nationale. Il faut noter en outre que le RISM n’indique pas un exemplaire de la voix de basso
qui aurait permis de recomposer le livre au complet avant la redécouverte de l’exemplaire de
la Biblioteka Jagiellonska. Le Vogel reportant la présence de cette voix dans l’ancien fonds
Thibault, j’ai pu constater que celle-ci avait été regroupée à la partie d’alto de la Bibliothèque
Nationale, qui absorba une partie du fonds Thibault en 1979 (voir infra, table 2).
La transcription du Primo libro de madrigali a quattro voci a été réalisée par Giuseppina Lo
Coco et sortira dans un futur proche chez l’éditeur florentin Olschki 25 . J’ai réalisé moi-même
celle du Secondo libro de madrigali a cinque voci, (voir annexes).
22
Voir MANN Brian, « From Berlin to Cracow: Sixteenth- and Seventeenth-Century Prints of Italian Secular
Vocal Music in the Jagiellonian Library », Notes, XLIX, 1992, p. 11-27 Je remercie le Professeur Anthony
Newcomb de m’avoir indiqué cette découverte, ainsi que la présence dans ce fonds du Secondo libro de
madrigali a sei voci, qui avait échapée à l’investigation de Brian Mann.
23
Le Vogel indique erronément que l’exemplaire du Primo libro a quattro de la Deutsche Staatsbibliothek de
Berlin était incomplet (C.T.B.).
24
Les responsables de la bibliothèque berlinoise, à l’aube de la capitulation finale, redistribuèrent le précieux
fonds dans diverses bibliothèques de la périphérie du Reich afin de les préserver des bombardements. Voir
introduction au catalogue de la bibliothèque, Catalogue of Early Music Prints from the Collections of the
Former Preußische Staatsbibliothek in Berlin, Kept at the Jagiellonian Library/Katalog starodruków
muzycznych ze zbiorów bylej Pruskiej Biblioteki Panstwowej w Berline, przechowywanych w Bibliotece
Jagiellonskiej w Krakowie, éd. Aleksandra Patalas, Kraków, Musica Iagellonica, 1999.
25
Je remercie le Professeur Angelo Pompilio et le Professeur Lorenzo Bianconi de m’avoir donné accès à cette
transcription pour faciliter mon travail. En attendant la parution de ce livre, j’ai inclus en annexes les pièces du
Primo libro a quattro auxquelles je me réfère le plus fréquemment dans l’analyse.
10
Outre ces deux recueils, il m’a semblé intéressant d’intégrer au corpus de cette thèse les deux
livres de Madrigaletti et Napolitane de 1581 et 1582 et le Terzo libro de madrigali a cinque
voci de 1597.
Les raisons qui avaient poussé Shindle à laisser de côté les deux recueils de Madrigaletti et
napolitane sont au contraire celles qui m’incitèrent à les intégrer dans mon corpus. Shindle
remarque en effet à juste titre que « ces pièces, bien qu’ayant beaucoup d’attributs
madrigalesques, appartiennent à l’étude de la villanella et la canzonetta » 26 . C’est justement
l’aspect hybride de cette musique qu’il me paru intéressant de replacer dans l’évolution
stylistique du compositeur durant la période prise en considération. De ces deux recueils, et de
leur réédition par Phalèse en 1600, il existe de nombreux exemplaires complets (voir infra,
table 2). La transcription de la réédition de Phalèse a été réalisée par Carla Ursino dans son
mémoire de master 27 .
Il existe un unique exemplaire du Terzo libro de madrigali a cinque voci à la Biblioteca
Estense de Modène, dont la voix d’alto a malheureusement été perdue 28 . Plusieurs raisons
m’ont semblé justifier la nécessité de l’intégrer cependant au corpus malgré cette partie
manquante. Tout d’abord, les circonstances de publication du recueil en font un objet rare et
particulièrement intéressant. Il s’agit en effet du dernier livre dédicacé au grand mécène
ferrarais Alfonso II d’Este, et du dernier opus musical de l’éditeur ducal Baldini. D’autre part,
le contenu musical de l’imprimé m’a paru, contre toute attente, présenter une certaine
homogénéité stylistique avec le reste du corpus pris en examen, malgré la décennie qui le
sépare du Secondo libro a cinque voci et malgré les divergences profondes qui distinguent ces
madrigaux de la production antérieure du compositeur.
Restait évidemment le problème du texte musical, incomplet. Les récentes éditions des
madrigaux de Luzzasco Luzzaschi par Anthony Newcomb 29 m’ont incitée à envisager
sérieusement la possibilité de réécrire la partie manquante, travail qui, à l’épreuve, s’est révélé
26
« … these works while having many madrigalesque attributes really belonged to the study of the villanella
and the canzonetta. », in SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 3.
27
URSINO Carla, « Seguendo l’ordine di suoi Toni posti in Luce ». I Madrigaletti et canzonette napolitane a sei
voci di Jean de Macque, nell’edizione di Pierre Phalèse, master (tesi di laurea) non publié (Università della
Calabria), 2001. Je remercie le Professeur Massimo Privitera, qui dirigea ce mémoire, de m’en avoir prêté un
exemplaire. Cet ouvrage n’étant pas aisément accessible, j’ai inclus en annexes la transcription d’une petite
dizaine de madrigaletti.
28
Il est tout à fait probable que cette voix ait disparu lors du transfert de la bibliothèque ducale à Modène, qui
provoqua d’importantes pertes.
29
Newcomb a en effet réécrit les parties manquantes de certaines pièces incomplètes dans son édition des
madrigaux de Luzzaschi. Voir LUZZASCHI Luzzasco, Complete unaccompanied madrigals, éd. Anthony
Newcomb, Middleton, A-R Editions, 2003-2007. Recent Researches in the Music of the Renaissance, vol. 136,
139 et 150.
11
tout à fait réalisable. La perte de la partie d’alto est en effet bien moins handicapante que celle
de la basse, du canto ou même du quinto, dont il faut aussi déterminer la tessiture. D’autre
part, le type d’écriture très rationnelle qu’emploie Macque dans ce recueil propose de
nombreuses pistes pour la reconstruction et les « solutions » sont bien souvent suggérées par
la structure du contrepoint lui-même (voir transcription en annexe).
Ces cinq imprimés, les deux livres de Madrigaletti et napolitane de 1581-1582, le Primo libro
de madrigali a quattro voci et le Secondo libro de madrigali a cinque voci de 1586-1587 ainsi
que le Terzo libro de madrigali a cinque voci de 1597 constituent le corpus de cette étude.
Des deux autres recueils évoqués précédemment, n’est disponible aujourd’hui que la partie de
quinto du Secondo libro de madrigali a sei voci de 1589, conservée à la British Library de
Londres qui, au-delà des choix poétiques, ne permet évidemment de se faire qu’une très vague
idée des pièces.
La Biblioteca Borghese de Rome possédait autrefois un exemplaire complet du Primo libro
de madrigali a cinque voci de 1583, mais celui-ci fut vendu avec une partie du fonds à la fin
du XIXe siècle. Il n’y a malheureusement rien à ajouter aux observations de Richard Shindle :
Pendant l’hiver 1884/1885, Adrian Berwin réalisa à la main le catalogue de la collection de
musique de la Biblioteca Borghese. Parmi les entrées, le premier livre de madrigaux à cinq
voix était enregistré sous le n. 4248 :
Macque, Gio. de –. Madr. a 5v. Ven, Ang. Gardano, 1583. Compl.
(5f. in 4o Obl.).
Peu de temps après, l’administrateur de la bibliothèque décida de vendre cette collection et
commença à le faire en mettant à disposition les volumes individuels. Comme cela procédait
trop lentement, l’administrateur mit la collection aux enchères en 1892. Le contenu du
catalogue préparé pour la vente fut acheté par l’Accademia di Santa Cecilia de Rome, la
Bibliothèque du Conservatoire de Paris, le British Museum de Londres et la Biblioteca
Comunale de Palerme. Le livre de madrigaux de 1583 de Macque étant absent du catalogue
de la vente, il est évident qu’il fut vendu auparavant à une collection privée entre 1885 et
1892. Sa localisation est aujourd’hui inconnue. 30
30
« During the winter of 1884/85, Adrian Berwin prepared a handwritten catalogue of the music collection in
the Biblioteca Borghese. Amonf the items entered under No. 4248 was Macque’s first book of five-voiced
12
table 2 : état de conservation et transcription disponible des madrigaux de Macque
(1581-1597)
Bibliothèque
1581
Madrigaletti
et
napolitane réédité en 1600
Italie,
Vérone,
Biblioteca
dell’A
filarmonica : complet
Royaume-Uni, Londres, British Library
Pologne, Dantzig, Biblioteka Polskiej,
Nauk : complet
France,
Paris,
Bibliothèque
Na
C.A.T.B.Q.
Italie, Bologna, Civico Museo Bi
musicale : C.
Italie, Milan, Ufficio ricerca fondi musi
1582
Secondo
madrigaletti
libro
et
de
napolitane
réédité en 1600
Italie, Florence, Biblioteca Nazionale
complet
Italie,
Vérone,
Biblioteca
dell’A
filarmonica : complet
Pologne, Dantzig, Biblioteka Polskiej,
Nauk : complet
Italie,
Rome,
Biblioteca
C.A.T.B.Q.
1583
Primo
libro
de
Disparu
madrigali a cinque voci
madrigals: Macque, Gio. de –. Madr. A 5v Ven, Ang. Gardano, 1583. Compl. (5f. in 4o Obl.). Shortly afterwards,
the trustees of this library decided to sell this collection and began by disposing of individual volumes. As this
process moved too slowly, the trustees put the colloction up for auction in 1892. The contents of the catalogue
prepared for the auction were bought by the Accademia di Santa Cecilia in Rome, the Bibliothèque du
Conservatoire in Paris, th British Museum in London, and the Biblioteca Comunale in Palermo. The 1583
madrigal book of Macque was absent from the auction catalogue and evidently had been sold to a private
collection between 1885 and 1892. Its present whereabouts is unknown. », in SHINDLE Richard, The Madrigals
of Giovanni de Macque, op. cit., p. 33-34.
13
Santa
(Anciennement :
Italie,
Rome,
Borghese)
1586
Primo
libro
de
madrigali a quattro voci
Pologne,
Cracovie,
Biblioteka
Jag
complet
(Anciennement : Allemagne, Berlin,
Staatsbibliothek)
1587
Secondo
libro
de
madrigali a cinque voci
Pologne, Cracovie, Biblioteka Jagie
complet
(Anciennement : Allemagne, Berlin,
Staatsbibliothek)
Allemagne,
Cologne,
Unive
StadtBibliothek : C.A.Q.
France, Paris, Bibliothèque Nationale :
Hollande, Amsterdam, Toonkunst Bibli
Italie, Venise, Biblioteca Nazionale Ma
1589
Secondo
libro
de
Royaume-Uni, Londres, British Library
de
Italie, Modène, Biblioteca Estense : C.T
et
Pologne, Dantzig, Biblioteka Polskiej,
madrigali a sei voci
1597
Terzo
libro
madrigali a cinque voci
1600
Madrigaletti
Canzonetta sic napolitane a
sei voci
Nauk : complet
rééd. recueils de
1581-1582
Macque publia les cinq recueils du corpus à trois étapes bien distinctes de sa carrière. Les
deux recueils de Madrigaletti et napolitane furent en effet composés à la fin de ses années
14
romaines pour deux personnalités de la ville pontificale, au tout début des années 1580, alors
que la musique vocale profane italienne connaissait de profonds bouleversements.
Le Primo libro de madrigali a quattro voci et le Secondo libro de madrigali a cinque voci,
furent publiés peu de temps après son arrivée à Naples, en 1586-1587. Ces recueils, dédicacés
à deux membres de l’aristocratie napolitaine, peuvent être considérés comme le témoignage
de l’intégration rapide de Macque dans la société parthénopéenne.
En 1597, lorsque parut le Terzo libro de madrigali a cinque voci, dernier recueil du corpus,
Macque était alors presque arrivé au faîte de sa carrière, puisque deux ans plus tard il recevait
la charge de maître de chapelle du Vice-Roi de Naples. Ces madrigaux sont cependant aussi
intimement liés à la vie musicale ferraraise des années 1590 ainsi qu’à la figure du duc
Alfonso II d’Este, qui commandita le recueil et le fit imprimer par son propre éditeur Baldini.
Ces trois moments, ces trois lieux, ces trois environnements artistiques eurent une incidence
notable sur le contenu poétique et musical des recueils, dont il résulte une variété de factures
tout à fait évidente. Cependant, malgré cette hétérogénéité, un fil conducteur semble relier
entre eux tous les éléments de ce corpus, qui possèdent une certaine logique commune.
Ces imprimés peuvent être vus en effet comme les différentes expressions d’un phénomène
qui toucha une grande partie du répertoire madrigalesque dans les deux dernières décennies
du XVIe siècle : le rapprochement du savant et du léger, de la complexité à l’immédiateté, le
mélange des genres et des registres stylistiques.
Cet antagonisme fut fréquemment envisagé par les auteurs de l’époque en termes d’ariosità et
d’artificiosità, deux notions qui, pour plusieurs raisons, constituent à mon sens une clé de
lecture intéressante pour analyser le corpus de cette thèse. D’une part, les termes ariosità et
artificiosità – ou plutôt les formes nominales aria et artificio et leurs adjectifs correspondants
arioso et artificioso – sont utilisés dans deux documents touchant directement l’objet de cette
étude. Le premier est la dédicace du Primo libro de madrigaletti et napolitane de Macque et
concerne de très près le corpus puisqu’il s’agit d’un texte rédigé – directement ou
indirectement – par le compositeur lui-même. Le second, le Discorso sopra la musica de’ suoi
tempi de Vincenzo Giustiniani 31 sur lequel nous reviendrons bientôt est, malgré toutes ses
31
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica de' suoi tempi, in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma. Testimonianze dei contemporanei, Torino, Bocca, 1903, rééd. fac-similé, Bologna, Forni, 1980,
p. 114. Ce discours, écrit par Giustiniani en 1628, est conservé à l’Archivio di Stato lucchese avec sept autres
textes sur différents sujets (coutumes du temps, voyages, peinture, chasse, etc.) dans un manuscrit intitulé
15
imprécisions, l’un des témoignages les plus importants sur les changements stylistiques qui
affectèrent la période qui nous intéresse.
D’autre part, d’un point de vue analytique, il s’agit là de concepts assez larges, qui englobent
et permettent d’interroger un certain nombre de paramètres musicaux : questions de genres et
de registres stylistiques ainsi que considérations plus techniques sur des aspects précis de
l’écriture.
Ces termes ont cependant les défauts de leurs qualités, en ce que leur flexibilité comporte
aussi une certaine marge d’imprécision caractéristique des écrits de la Renaissance, pas
toujours soucieux de fixer les mots dans un sens strict et bien défini.
L’aria est un concept extrêmement riche au XVIe siècle, qui recouvre une multiplicité de
significations, non sans rapport les unes avec les autres. Tout d’abord, le terme est utilisé pour
désigner des schémas plus ou moins stéréotypés pour la déclamation chantée des grands
poèmes narratifs tels que l’Orlando furioso d’Arioste ou bien des formes fixes de la lyrique
italienne (par exemple les poésies du Canzoniere de Pétrarque). Ceux-ci pouvaient être
imprimés (voir notamment les Aeri racolti … dove si cantano sonetti stanze e terze rime,
Napoli, Cacchi, 1577) ou bien de tradition orale, comme les deux célèbres aria della
romanesca et aria di Ruggiero, dont il reste de nombreuses traces dans le répertoire
instrumental 32 .
Le terme aria correspond aussi à l’une des innombrables variétés de genres légers 33 en usage
au Cinquecento, caractérisée par une préférence très nette pour les formes strophiques, la
brièveté, ainsi que par une certaine simplicité de facture réalisée au moyen d’effectifs à trois
Miscellanea di cose diverse per la Curia Romana etc. Varj discorsi, instruzioni. Il fut édité pour la première fois
en 1878 par Salvatore Bongri (Lucca, Giusti). Pour plus d’informations sur ce discours, voir l’introduction de
Solerti.
32
Sur l’aria comme modèle musical pour réciter des vers, voir HAAR James, « Arie per cantar stanze
ariostesche », in Ariosto, la musica, i musicisti, éd. Maria Antonella Balsano, Firenze, Olschki, 1981, p. 31-46 et
WESTRUP Jack, « Aria, §1: Derivation and use to the early 17th century », Grove Music Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.43315.1, page consultée le 13 septembre
2006.
33
Je reprends là l’expression anglo-saxonne « light genres », appellation générique désignant tous les différents
types de genres mineurs en usage à la Renaissance : villanesca, villanella, canzone, canzonetta, aria, villotta,
napolitana, pour ne citer que les principaux. L’adjectif « light » remonte au moins au traité de Thomas Morley A
Plaine and Easie Introduction to Practicall Musicke (voir infra, p. 22). Sur les différents types de genres légers
et leur évolution, voir CARDAMONE Donna G., The Canzone villanesca alla napolitana and Related Forms,
1537–1570, Ann Arbor, UMI Research Press, 1981, pour la période allant jusqu’à 1570, et ASSENZA Concetta,
La canzonetta dal 1570 al 1615, Lucca, Libreria musicale italiana, 1997, pour la période successive. Voir aussi
DEFORD Ruth, « Musical Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth Century
», Musica disciplina, XXXIV, 1985, p. 107-168.
16
ou quatre voix. L’appellation aria est utilisée parfois dans les années 1530 comme synonyme
de villanesca (voir notamment les Madrigali a tre et arie napoletane 34 ) et sera reprise plus
tard hors du contexte parthénopéen, notamment par Marenzio et Giovannelli dans leurs
quelques recueils de canzonette, intitulés villanelle et arie alla napolitana 35 .
De manière plus générale, aria possède aussi une acception non plus liée à des questions
formelles ou de genre, mais décrivant plutôt les qualités musicales de certaines compositions.
Si le terme est utilisé parfois comme synonyme de mélodie – notamment par Zarlino, qui lui
préfère cependant le mot cantilena – la notion d’aria semble bien souvent désigner « une
qualité indéfinissable, que l’on sentait présente dans certaines pièces, mais qui manquait dans
d’autres », pour reprendre les mots de Nino Pirrotta 36 .
Vincenzo Giustiniani (1564-1637) fait constamment référence à cette notion dans son
Discorso sopra la musica de’ suoi tempi, tout en étant absolument conscient de la difficulté
d’expliquer la nature éminemment subjective de cette qualité qu’il juge cependant
indispensable à la musique :
Dalla
maggiore
parte
delle
cose Ce que je viens d’écrire aura sans doute fait
suddette forse in Vostra Signoria
naître en vous le désir et la curiosité de
risulta un desiderio e curiosità di
savoir ce qu’est l’aria et la grâce de la
sapere che cosa sia l’aria e la grazia
musique, … je dirai que répondre
della musica, … dirò che il
précisément à cette question serait une
rispondere precisamente sarà cosa
chose difficile même pour des personnes
difficile anco a persone più esperte
plus expertes que moi.
34
Madrigali a tre et arie napoletane s.l, ca. 1537. À ce propos, voir notamment CARDAMONE Donna G.,
« Madrigali a tre et arie napolitane: a Typographical and Repertorial Study », Journal of the American
Musicological Society, XXXV, 1982, p. 436-481.
35
Voir GIOVANNELLI Ruggero, Il primo libro delle villanelle et arie alla napolitana a tre voci, Venezia,
Vincenti, 1588. Le mot aria apparaît dans certaines rééditions des recueils de villanelles de Marenzio (voir par
exemple la réédition du Quarto libro delle villanelle et arie alla napolitana a tre voci, Venezia, Vincenti, 1596).
Doni assimile l’aria à la canzonetta : « Sous ce même nom madrigal on comprend à la fois les matières
musicales telles que sonnet, canzoni, mascherate et autres, et peut-être aussi les villanelles, bien que celles-ci se
rapprochent plutôt de la simplicité de ce que l’on appelle justement arie ou canzonette. » (« sotto il qual nome
madrigale si comprendono parimente in materia di musica i sonetti, canzoni, mascherate e simili, e fors’anche
le villanelle; benché s’accostino alquanto più alla semplicità di quelle che propriamente si dicono arie o
canzonette. », in DONI Giovanni Battista, Compendio del trattato de’ generi e de’ modi della musica, Rome, Fei,
1635, p. 100, in SOLERTI Angelo, Le origini del melodramma, op. cit, p. 224).
36
« In the sixteenth century … the word aria referred to some undefinable quality felt to be present in some
pieces of music and missing in others. », in PIRROTTA Nino, « Willaert and the Canzone Villanesca », in Music
and Culture in Italy from the Middle Ages to the Baroque, Cambridge/London, Harvard University Press, 1984,
p. 195.
17
di me. 37
Dans la suite du passage, l’auteur, cherchant à expliciter à son lecteur ce qu’il entend par
« l’aria et la grâce de la musique », glisse subrepticement d’un discours sur la composition à
un discours sur l’interprétation, s’éloignant progressivement du problème posé initialement.
Deux points sont cependant à retenir dans la démonstration de Giustiniani : l’aria est
constamment associée à la grazia, la grâce, et correspond à un sentiment immédiat de plaisir
et de douceur éprouvé à l’écoute (« goût et plaisir des oreilles », « gusto e diletto alle
orecchie » dit Giustiniani).
L’emploi de l’adjectif arioso dans la littérature musicale de l’époque peut aider, dans une
certaine mesure, à définir le type de sensations auditives liées à l’aria puisque, au risque
d’énoncer une lapalissade, l’aria est par nature ariosa. Cet adjectif est parfois utilisé pour
indiquer le genre d’un recueil (notamment dans les titres, à la place du mot aria 38 ) mais, le
plus souvent, il sert à évoquer et décrire de façon générale des pièces ou des techniques
musicales.
Les occurrences du mot arioso dans les écrits de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle
mettent presque toujours en relation ce terme avec une musique plaisante et l’associent à une
beauté de son, à une grâce, une douceur ou une fluidité, confirmant ainsi la conception que
Giustiniani se fait de l’aria.
L’imprimeur et compositeur romain Antonio Barrè parle par exemple de « madrigali ariosi e
piacevoli » (« madrigaux ariosi et plaisants ») dans la dédicace du premier recueil de
Madrigali ariosi à quatre voix, qui inaugura la longue série des Libri delle muse 39 . De même,
37
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica de' suoi tempi, in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 114.
38
Arascione voulait probablement attirer l’attention sur le fait que ses laudes étaient des arie en qualifiant
d’ariose ses Nuove laudi ariose della Beatissima Virgine scelte da diversi (Roma, Mutij, 1600) : forme
strophique, simplicité de facture et petit effectif vocal. Le terme arioso peut aussi se référer aux arie comme
modèle pour déclamer des vers. L’expression « choses ariose » est clairement utilisée pour désigner ce type
d’arie dans le Libro d'intavolatura di liuto, nel quale si contengono i passemezzi, le romanesche, i saltarelli, et
le gagliarde et altre cose ariose composte in diversi tempi de Vincenzo Galilei (manuscrit de 1584, conservé à la
Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze, éd. fac-similé GALILEI Vincenzo, Libro d'intavolatura di liuto :
Firenze 1584, Firenze, S.P.E.S., 1992).
39
La série des Libri delle muse commença en 1555 avec le premier recueil de Madrigali ariosi d’Antoine Barrè
(Roma, Barrè) et se conclut en 1575 avec le Quinto libro delle muse a cinque voci (Venezia, Gardano). Elle
comprend essentiellement des anthologies de madrigaux de divers auteurs, à trois, quatre et cinq voix, ainsi
qu’un recueil de motets. À l’origine imprimés par Antoine Barrè à Rome, les Libri delle muse furent repris dans
les années 1560 par les presses vénitiennes de Gardano et Scotto. Pour plus de détails, voir HAAR James, « The
18
dans la dédicace du Secondo libro delle muse a quattro voci, il est question de « madrigali
ariosi e belli » (madrigaux beaux et ariosi) 40 . Les adjectifs bello et arioso sont aussi réunis
par Giovan Battista Doni, qui parle de l’impossibilité de composer des « mélodies belles et
ariose » dans le genre enharmonique 41 .
Pietro Cerone évoque un aspect plus harmonique de l’ariosità dans le douzième chapitre dans
son traité El melopeo y maestro consacré à La manera de componer madrigales en opposant
la dureté de certains intervalles à la douceur des consonances ayrosas 42 . Quant à Caccini, il
associe au mot arioso les termes piacevole et licenzioso (agréable et libre), lui opposant ceux
de angustia et sechezza (gêne et sécheresse), dans la préface de ses Nuove musiche 43 .
Le terme ariosità se réfère donc tant aux caractéristiques de ce genre multiforme qu’est l’aria
au XVIe siècle que, plus largement, à un certain type de qualité musicale propre à ce genre –
mais pas uniquement – reposant sur la grâce, l’immédiateté, la douceur, mais surtout sur le
plaisir de l’écoute.
“Madrigale Arioso”: a Mid-Century Development in the Cinquecento Madrigal », Studi musicali, XII, 1983,
p. 204.
40
La lettre de dédicace du Primo libro delle muse a quattro voci (Roma, Barré, 1555) est transcrite
intégralement dans WERNER Luigi, « Una rarità musicale della Biblioteca Vescovile di Szombathely », Note
d’archivio per la storia musicale, VIII, 1931, p. 35. Celle du Secondo libro delle muse a quattro voci (Roma,
Barré, 1558) est disponible sur le site du Civico Museo Bibliografico Musicale,
http://badigit.comune.bologna.it/cmbm/ scripts/gaspari/scheda.asp ?id=7178, page consultée le 21 août 2007.
41
« Les mélodies enharmoniques … consistent en intervalles extrêmes, c’est-à-dire très petits ou très grands, et
pour cette raison il est plus difficile de composer avec elles des mélodies belles et ariose. » (« Le Melodie
Enarmoniche … consistono in intervalli estremi, cioè molto piccoli e molto grandi, e però tanto è più difficile
con essi comporre melodie belle e ariose. », in DONI Giovan Battista, Due trattati, in Lyra barberina, vol. I,
Firenze, Stamperia reale, 1773, p. 292 ; rééd. fac-simile, Lyra barberina, Bologna, Forni, 1974, cité in
BATTAGLIA Salvatore, « arioso », Grande dizionario della lingua italiana, Turin, UTET, 1961, vol. 1, p. 658).
42
« Il faut être particulièrement attentif à faire correspondre la mélodie au sens des paroles, et quand il s’agit de
choses dures et âpres, il faudra utiliser des passages durs et âpres, composés d’intervalles dissonants. Si le texte
parle de choses joyeuses et douces, il faudra aussi des passages gais et harmonieux, en se servant de la nature des
consonances ayrosas et de leurs positions les plus gracieuses. » (« Hase de tener cuydado particular de
corresponder con la solfa al sentido de la letra, como si tractare de cosas duras y asperas, usarsean passos
duros y asperos, compuestos con intervalos dissonates, y si de cosas alegres y dulces, hazesean tambien passos
regozijados y armoniosos serviendose de la naturaleza de las consonancias ayrosas y de sus loçanas
posturas. », in CERONE Pietro, El melopeo y maestro. Tractado de musica theorica y pratica, op. cit., p. 693,
cité in FABBRI Paolo, Il madrigale tra Cinque e Seicento, Bologna, Il Mulino, 1988, p. 16).
43
« La sprezzatura est cette grâce que l'on confère au chant en chantant plusieurs croches et doubles croches audessus de diverses notes, ce qui, fait en temps et lieu, en libérant le chant d'une certaine étroitesse et sécheresse,
le rend plaisant, libre et arioso. » (« La sprezzatura è quella leggiadria la quale si dà al canto co 'l trascorso di
più crome e semicrome sopra diuerse corde, col quale, fatto à tempo, togliendosi al canto una certa terminata
angustia e sechezza, si rende piaceuole, licenzioso, e arioso. », in CACCINI Giulio, Nuove musiche e nuova
maniera di scriverle, Firenze, Pignoni, 1614, lettre aux lecteurs ; voir l’édition et la traduction de Jean-Philippe
Navarre, CACCINI Giulio, Nuove musiche. Nuove musiche, e nuova maniera di scriverle, Paris, Cerf, 1997,
p. 146-147. Arx Musices Iuxta Consignationes Variorum Scriptorum. AMICUS. Renaissance et période
préclassique, Domaine italien, vol. 2).
19
Bien que d’un usage en réalité bien moins circonscrit que les dérivés du mot aria, l’artificio,
dans un contexte musical, est presque toujours associé au contrappunto, au contrepoint, et à
une virtuosité, une maîtrise du langage polyphonique. Il est tout à fait significatif que le terme
revienne constamment dans le compte rendu de la joute musicale qui opposa Achille Falcone
à Sebastian Raval, racontée par le père du premier, Antonio Falcone.
Dans le verdict de la première épreuve, très technique puisque consistant en un canon à cinq
voix – accompagné d’un petit texte (appelé « information ») censé défendre les choix
compositionnels opérés – le mot artificio apparaît pas moins de trois fois :
Io
Nicolò
Moi, Fra Nicolò Toscano
Toscano … dico … che
… je dis que la pièce du Seigneur
l’opera del Sigor Raval è
Raval est composée sans aucun
composta
artificio
artificio, et que l’on n’y trouve ni
niuno, e non vi si scorge cosa
art, ni talent. Le Seigneur Raval
d’arte né d’ingegno né ha il
n’a pas su non plus me démontrer
detto Sigor Raval addottomi
pour sa défense une autorité
in
suffisante.
suo
Fra
senza
favore
auttorità
On
découvre
au
relevante in sua difesa. Al
contraire, dans la pièce d’Achille
contrario in quella del Signor
un grand artificio, tant par l’entrée
Achille vi si scorge artificio
des
grande, tanto nell’intrar delle
différentes, comme savent le faire
parti per diverse consonanze,
tous les hommes de valeur, que par
sì
le fait qu’elle puisse être chantée
come
usano
tutti
i
parties
des
de
che la detta opera si canti in
(comme
otto differenti maniere (così
beaucoup
de
compositeurs
de
come
Palerme).
Et
l’information
ici
visto
molti
manières
hauteurs
valent’huomini, quanto in far
han
huit
sur
ont
pu
le
différentes
constater
compositori di Palermo), &
incluse qu’il m’a donnée prouve
nell’informatione qui inclusa
avec une autorité très convaincante
datomi
que son œuvre est composée avec
prova
con
efficacissime auttorità l’opera
artificio.
sua esser stata composta con
artificio. 44
44
FALCONE Achille, Madrigali, mottetti e ricercari. Madrigali a cinque voci, con alcune opere fatte all'improviso
a competenza con Sebastian Raval, maestro della Cappella reale di Sicilia, con una narrazione come veramente il
fatto seguisse, Venezia, Giacomo Vincenzi (1603), éd. Massimo Privitera, Firenze, Olschki, 2000, p. XIII.
20
Le terme artificio semble correspondre à la meilleure description que l’on puisse donner des
prouesses techniques d’un compositeur. On pourrait citer bien d’autres exemples, notamment
Bottrigari qui, dans son discours Il Melone, l’utilise à plusieurs reprises pour décrire les
techniques contrapuntiques de ses contemporains :
Quella
inventione
di
Cette
inventivité
contrapuntique
à
dal
laquelle se réfère Sigonio, qui est
Sigonio, la qual è l'artificio
l’artificio consistant à faire des
del far le imitationi, le
imitations, des fugues, des doubles
fughe, le fughe doppie, le
fugues,
diritte e le riversce …, di
d’autres par mouvement contraire
risposte, di antecedentie e di
…, des réponses, des antécédents,
consequentie, di repliche e
des conséquents, et autres artifici,
di
ne
contrapunto
artifici
solamente
ascoltatori
quelli.
intesa
tali
rendono
diletto
intelligenti
agli
des
procure
fugues
du
droites,
plaisir
et
qu’aux
auditeurs qui les comprennent.
di
45
Comme le fait pressentir cet extrait du Melone, le terme artificio perdit plus tard sa
connotation positive lorsque les subtilités du langage contrapuntique furent considérées
comme périmées. Le terme, autrefois synonyme d’excellence, ne semble pas avoir réussi à se
recycler et, de qualité, il devint défaut, car trop associé au stile antico (voir notamment la
défense de la « musique moderne » par Pietro della Valle 46 ).
L’artificio se réfère donc à un certain type d’écriture, basée sur la recherche contrapuntique,
caractéristique de la polyphonie du XVIe siècle, qui s’oppose à une musique plus simple et
moins sophistiquée 47 .
45
BOTTRIGARI Ercole, Il Melone. Discorso armonico, Ferrara, Baldini, 1602, p. 3-4. Cité in FABBRI Paulo, Il
madrigale tra Cinque e Seicento, op. cit., p. 30.
46
Pour Pietro della Valle, qui met les messes de Palestrina au rang de « très belles antiquités » à « mettre à l’abri
au musée » (« tenerle riposte in un museo come bellissime anticaglie »), l’excès d’artificio est à éviter
absolument dans une composition. L’auteur utilise toujours le terme artificio en référence aux techniques
contrapuntiques. Lorsqu’il parle d’excellence, il fait plutôt recours mot arte. (Voir DELLA VALLE Pietro, Della
musica dell’età nostra che non è punto inferiore, anzi è migliore di quella dell’età passata, discours manuscrit
daté de 1640, imprimé par Anton Francesco Gori dans les Trattati di musica di Gio. Battista Doni, (Firenze,
1763), et réédité in SOLERTI Angelo, Le origini del melodramma, op. cit, p. 148-179. Voir p. 173 pour le passage
sur Palestrina.
47
Voir par exemple la préface des Lodi, et canzonette spirituali. Raccolte da diuersi autori et ordinate secondo
le varie maniere de' versi (Napoli, Longo, 1608), qui oppose les pièces « artificiose et fuguées » (« artificiose e
fugate ») à celle « plus simples et sans fugue » (« più semplici e senza fuga »).
21
L’artificio, par la complexité qu’il implique, est l’apanage d’un certain registre stylistique 48 .
Zacconi, dans son traité Prattica di musica, distingue les « canzoni, madrigali e vilanelle »
qui doivent se faire « de manière joyeuse tant au début qu’à la fin » (« con maniere allegre
tanto nel principio quanto nel fine ») des « choses ecclésiastiques que sont les messes, les
vêpres, les magnificat, les motets et les litanies » (« cose ecclesiastiche che sono messe,
vesperi, magnificat, moteti e litanie ») qui doivent elles « procéder de manière grave et
artificiosa » (« andar con maniere gravi et artificiose ») 49 .
Thomas Morley, lui, dans son traité A Plaine and Easie Introduction to Practicall Musicke,
considère que le madrigal, tout en faisant partie de ce qu’il qualifie de « light music », se
trouve juste en dessous du motet dans son échelle de gravitie 50 car il est « le plus artificial et,
pour les hommes de jugement, le plus délicieux » (« the most artificial and, to men of
understanding, most delightful ») 51 .
La canzonetta, dans laquelle on ne peut trouver que « little art » n’est placée qu’au deuxième
degré de son échelle de registres stylistiques :
The second degree of gravitie
Le second degré de gravité dans cette
in this light music is given
musique
to Canzonets, that is little
canzonettes, qui
short songs (wherein little
chansons (dans lesquelles ne peut être
art can be showed …).
montré que peu d’art …).
légère
est
donné
aux
sont de petites
On voit là se dessiner un antagonisme – dont les théoriciens du XVIe siècle semblent avoir été
conscients – entre les concepts d’artificiosità et d’ariosità, la première étant l’attribut d’un
registre stylistique élevé, la deuxième étant caractéristique des genres plus modestes. D’un
côté l’ariosità, avec sa facilité, sa simplicité de facture et le plaisir immédiat qu’elle procure à
l’écoute, de l’autre l’artificio lié à une recherche contrapuntique qui peut, comme le souligne
Zarlino, entraver le plaisir immédiat de l’auditeur :
Et che sia il vero, che la Musica
48
Et il sera donc vrai que la Musique
Sur la notion de registre stylistique musical au XVIe siècle, voir FABBRI Paulo, Il madrigale tra Cinque e
Seicento, op. cit., p. 11-14 et LUZZI Cecilia Poesia e musica nei madrigali a cinque voci di Filippo di Monte
(1580-1595), Firenze, Olschki, 2003 (particulièrement le chapitre « Il concetto di ‘stile’ come categoria
retorica’ », p. 16-22).
49
ZACCONI Lodovico, Prattica di musica, Venezia, Vincenti, 1622, p. 278. Cité in FABBRI Paolo, Il madrigale
tra Cinque e Seicento, op. cit., p. 12.
50
Morley utilise le terme gravitie, sans doute calqué sur la notion bembienne de gravità, pour désigner l’échelle
des registres stylistiques.
51
MORLEY Thomas, A Plaine and Easie Introduction to Practicall Musicke, London, Peter Short, 1597, p. 180.
22
più
diletti
universalmente
délecte
semplice,
che
universelle quand elle est simple
quando è fatta con tanto
que quand elle est faite avec
artificio, et cantata con molte
beaucoup d’artifici, et chantée
parti; si può comprender da
avec de nombreuses parties. On
questo,
maggior
comprendra donc pourquoi on
dilettatione si ode cantare
entend chanter avec plus de plaisir
alcuno solo al suono di un
une seule personne accompagnée
Organo, della Lira, del Leuto,
par un orgue, une lyre ou un luth,
o di altri simili istrumenti, che
ou
non si ode molti. Et se pur
semblable, que plusieurs voix
molti
insieme
ensemble. Et même si plusieurs
non
è
voix chantant ensemble peuvent
dubbio, che universalmente
émouvoir l’âme, il n’y a pas de
con
doute
quando
è
che
con
cantando
muoveno
l'animo,
maggior
piacere
si
de
par
manière
quelque
plus
instrument
qu’on
écoutera
ascoltano quelle canzoni, le
universellement
cui parole sono da i cantori
plaisir ces chansons dont les
insieme pronunciate, che le
paroles sont prononcées ensemble
dotte compositioni, nelle quali
par les chanteurs, plutôt que celles
si odono le parole interrotte
dont
da molte parti. 52
interrompues par de nombreuses
on
avec
entend
les
plus
de
paroles
parties.
La simplicité de facture, dans le chant accompagné comme dans les pièces polyphoniques
accordales, provoque plus de plaisir à l’auditeur qu’une musique pleine d’artifici, reposant sur
une écriture contrapuntique complexe.
On retrouve la même idée dans le Discorso de Giustiniani. Dans l’énoncé des principales
règles qu’un compositeur doit suivre « selon l’opinion générale des musiciens, pour qu’une
composition de n’importe quel style ou manière réussisse à être digne des éloges et du goût de
celui qui l’entend », Giustiniani met l’accent sur le fait que « la composition en entier et
particulièrement les fugues soient faciles et fluides de telle sorte que l’artificio ne les rende
pas trop scabreux » (« la composizione tutta e particolarmente le fughe siano facili e correnti
in maniera che l’artificio non le renda scabrose »). 53 En d’autres termes, Giustiniani, sans
52
ZARLINO Gioseffo, Le Istitutioni harmoniche, Venezia, Franceschi, 1558, deuxième partie, p. 75.
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica de' suoi tempi, in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 113.
53
23
condamner en soi la complexité contrapuntique, semble suggérer qu’un artificio trop sec peut
nuire à l’ariosità 54 .
Le madrigal, tantôt considéré comme l’équivalent profane du motet, tantôt relégué au rang du
répertoire léger, à la fois vitrine de l’excellence d’un compositeur et objet destiné au plaisir du
chanteur, est probablement le genre qui cristallisa de manière la plus tangible la polarité entre
ces deux concepts. Cette dernière atteignit son point culminant précisément pendant la
période prise en considération ici, période marquée par un rapprochement des genres légers et
du madrigal (voire dans certains cas une fusion), qui donna naissance à ce que l’on appelle le
style hybride ou parfois aussi le madrigal-canzonetta 55 .
Le Discorso sopra la musica de’ suoi tempi de Vincenzo Giustiniani, on l’a évoqué, est sans
doute le meilleur témoignage des changements qui advinrent pendant cette période et pour
cette raison fut commenté de nombreuses fois par les chercheurs qui s’intéressèrent à cette
étape de l’histoire de la musique vocale profane italienne.
Sans procéder de manière systématique, l’auteur du discours suit une double logique dans sa
description, se référant tant au mélange des genres (madrigal/genres légers), qu’à la recherche
d’un nouvel équilibre entre artificio et ariosità, deux angles d’approche différents pour
expliquer un même phénomène.
Après avoir évoqué les années de son apprentissage musical (1560-1575, environ), marqués
par une division claire et nette entre le madrigal et les genres légers (Giustiniani cite les
grands classiques du madrigal, Archadelt, Roland de Lassus, Cyprien de Rore, Philippe de
Monte), l’auteur s’intéresse à la nouvelle génération de madrigalistes des années 1580 et à
leurs « inventions d’un nouveau plaisir », faites « d’aria agréable » et de « fugues faciles sans
artificio extraordinaire » :
In
54
poco
progresso
di
tempo
En peu de temps, le goût musical
s’alterò il gusto della musica e
changea
comparver le composizioni di
compositions de Luca Marenzio
Luca Marenzio e di Ruggiero
et de Ruggiero Giovannelli, avec
Giovannelli, con invenzione di
des inventions d’un nouveau
et
arrivèrent
les
En soulignant le fait que les diverses techniques contrapuntiques « ne procurent du plaisir qu’aux auditeurs qui
les comprennent », Bottrigari, dans l’extrait du Melone évoqué précédemment, exposait exactement le même
problème : trop d’artificio nuit au plaisir de la grande majorité des auditeurs.
55
Sur le style hybride, voir notamment NEWCOMB Anthony, « Madrigal, §II, 7: Italy: 16th
century: The 1570s': hybrid styles », Grove Music Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html
?section=music.40075.2.7, page consultée le 15 juillet 2007.
24
nuovo diletto, tanto quelle da
plaisir, aussi bien pour chanter
cantarsi a più voci, quanto ad
à plusieurs voix qu’à une voix
una
avec
sola
sopra
alcuno
quelques
instruments.
strumento, l’eccellenza delle
L’excellence de ces dernières
quali consisteva in una nuova
consistait en une aria agréable
aria et grata all’orecchie con
et d’un nouveau genre, avec
alcune fughe facili e senza
quelques fugues faciles sans
straordinario artificio. 56
artificio extraordinaire.
Giustiniani, qui n’était ni un compositeur ni un théoricien, mais juste un noble amateur de
musique et d’art en général, ne retrace l’évolution de la « musique de son temps » que dans
ses grandes lignes. Marenzio, Giovannelli, mais aussi Macque, on le verra, héritèrent en
réalité des nombreuses « inventions d’un nouveau plaisir » qu’Andrea Gabrieli avait
expérimentées dans ses madrigaux dès la fin des années 1560, offrant ainsi les premières
manifestations du style hybride 57 .
L’auteur continue son discours en s’intéressant au nouveau visage des genres légers à partir
des années 1575. Giustiniani les présente comme le résultat d’un mélange des genres (à michemin entre madrigal et genres légers) mais aussi comme des villanelle plus artificiose que
par le passé. Pour Giustiniani, ce processus fut déclenché par une nouvelle génération de
chanteurs (parmi lesquels Giulio Cesare Brancaccio, dont la voix de basse était très appréciée
à la cour de Ferrare, et Alessandro Merlo, virtuose romain qui fut employé par la famille d’un
des protecteurs de Macque, Camillo Caetani). Ceux-ci :
svegliarono i compositori a far
incitèrent
les
compositeurs
à
opere tanto da cantare a più
composer, pour plusieurs voix
voci come ad una sola sopra
comme
un istrumento, … ma con
accompagnée par un instrument,
procurare
…
maggiore
pour
mais
voix
en
seule
utilisant
plus
invenzione et artificio, e ne
d’artifici et d’inventions. Il en
vennero a risultare alcune
résulta
Villanelle miste tra Madrigali
mélange
di
canto
figurato
e
di
certaines
contrapuntique
de
59
villanelles,
madrigal
et de villanelle,
villanelle, delle quali se ne
dont on voit aujourd’hui beaucoup
vedono oggi di molti libri de
d’exemples,
des
auteurs
56
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica de' suoi tempi, in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 106.
57
Pour une lecture critique du texte de Giustiniani, et sur le rôle de Gabrieli, voir notamment DEFORD Ruth,
Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, PhD non publié (Harvard University), Ann Arbor, UMI, 1975,
p. 224-228.
25
Marenzio
gl’autori suddetti e di Orazio
susnommés
Vecchi et altri. Ma sì come le
Giovannelli et aussi d’Orazio
Villanelle
acquistarono
Vecchi 60 et d’autres. Mais de
maggior perfezione per lo più
même que les villanelles acquirent
artificioso
plus de perfection grâce à ce
componimento,
et
così anche ciascun autore, a
genre
fin che le sue composizioni
artificioso,
riuscissero
in
auteur, afin que ses compositions
generale, procurò d’avanzarsi
plussent au goût général, s’essaya
nel modo di comporre a più
à composer ainsi à plusieurs
voci.
58
di
gusto
de
composition
de
même
plus
chaque
voix.
Giustiniani ne peut être taxé ici d’excès de zèle terminologique et la situation qu’il décrit est
en réalité multiple. L’auteur fait référence ici aux canzonette à trois et quatre voix, nouveau
genre léger né au début des années 1580 sous l’impulsion d’Orazio Vecchi, dont Marenzio et
Giovannelli laissèrent aussi quelques recueils, intitulés arie alla napolitana.
L’auteur ne mentionne en revanche pas les noms de Giovanni Ferretti, Alessandro Romano et
Girolamo Conversi 61 qui furent en réalité les premiers compositeurs à tenter un mélange des
genres dans les années 1570, mais furent supplantés par la suite par le succès croissant de la
canzonetta. Sans rentrer dans les détails, rappelons simplement que les canzoni alla
napolitana, desquels Macque s’inspira très largement dans ses deux recueils de Madrigaletti
et napolitane, élargirent à cinq et six voix les textures classiques à trois et quatre voix, et se
débarrassèrent peu à peu des formes strophiques qui caractérisaient jusqu’alors tous les types
de genres légers 62 .
58
Ibid., p. 106-107.
Je reprends ici la traduction du terme canto figurato que choisit Ruth DeFord (DEFORD Ruth, « Musical
Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth Century », Musica disciplina,
XXXIV, 1985, p. 117, note 26). La locution canto figurato désigne le chant mesuré par opposition au plain-chant
(voir notamment ZARLINO Gioseffo, Le Istitutioni hamoniche, op. cit., première partie, p. 19), et par extension, la
musique polyphonique en général.
60
Orazio Vecchi fut l’inventeur de la forme définitive de la canzonetta, à mi-chemin entre la canzone des années
1570 et la villanella. Le premier recueil de canzonette de Vecchi parvenu jusqu’à nous date de 1580, mais il
s’agit là d’une réédition.
61
Il s’agit là des plus grands représentants du genre, qui cependant fut cultivé par d’autres compositeurs tels que
Giuseppe Caimo ou Giovanni Piccioni.
62
Sur l’évolution convergente des genres légers et du madrigal, voir notamment DEFORD Ruth, « Musical
Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth Century », Musica disciplina,
XXXIV, 1985, p. 107-168. Sur les canzoni de Ferretti, voir ASSENZA Concetta, Giovan Ferretti tra canzonetta e
madrigale, con l’edizione critica del Quinto libro di canzoni alla napolitane a cinque voci (1585), Firenze,
Olschki, 1989.
59
26
La période prise en considération dans cette thèse, 1581-1597, est sans aucun doute celle
pendant laquelle Macque fut le plus marqué par le rapprochement des genres et la recherche
d’un nouvel équilibre entre l’ariosità et l’artificiosità. Le phénomène est en effet moins
visible dans ses publications antérieures et postérieures.
Les deux premiers recueils du madrigaliste (Il primo libro de madrigal a sei voci de 1576 et
les Madrigali a quattro, cinque et sei voci de 1579) ont pu être considérés parfois par certains
musicologues comme caractéristiques du style peu novateur du madrigal romain des années
1570 63 , même si Anthony Newcomb et James Chater ont vu dans le livre de 1579 les
premiers signes d’un renouveau stylistique chez les compositeurs romains :
Ce fut un étranger, Jean de Macque, qui donna au madrigal romain une impulsion créative
décisive. Macque se trouvait à Rome au moins depuis 1574, date à laquelle il contribua au
Quarto libro delle muse, un recueil dominé par les compositeurs romains. Le tournant
stylistique eut lieu cinq ans plus tard, avec ses Madrigali a quattro cinque et sei voci de 1579,
qui placent le compositeur tout à fait à part par rapport à ses collègues romains. Une plus
grande variété rythmique et fluidité en sont les caractéristiques principales. 64
Les quelques madrigaux à six voix qui concluent le recueil de 1579, sur lesquels nous
reviendrons, sont à mon sens ceux qui préfigurent le plus le virage que prendra Macque dans
ses publications suivantes, car ils joignent à cette animation rythmique dont parle Chater, une
certaine simplification et clarification harmonique tout à fait caractéristique du style hybride.
Dans ses trois derniers recueils (Il quarto libro de madrigali a cinque voci de 1599, Il terzo
libro de madrigali a quattro voci de 1610 et Il sesto libro de madrigali a cinque voci de 1613)
63
DeFord, notamment, classe Macque parmi les compositeurs « conservateurs » de la génération pré-Marenzio :
« Le style madrigalesque de la génération la plus âgée de compositeurs romains, ceux qui commencèrent à
publier dans les années 1570, est tout à fait différent de celui de la jeune génération, qui commença à publier
dans les années 1580. … Les compositeurs les plus âgés furent influencés dans une certaine mesure par les
œuvres des plus jeunes, mais ils n’adoptèrent pas leurs innovations de bon cœur et, par conséquent, leurs pièces
des années 1580 et 1590 sont généralement nettement plus conservatrices que celles de leurs cadets. » (« The
madrigal style of the older generation of Roman composers, who began publishing in the 1570s, are quite
different from those of the younger generation, who began publishing in the 1580s. … The older composers
were often influenced to some extent in their later works by the younger ones, but they did not adopt the
innovations whole-heartedly, so their works of the 1580s and ’90s are usually recognizably more conservative
than those of their younger contemporaries. », in DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in
Rome, op. cit., p. 143).
64
« It was a foreigner, Jean de Macque, who gave the madrigal in Rome a decisive creative impetus. Macque
had been in Rome as early as 1574, in time to contribute to the Quarto libro delle muse, a collection dominated
by Roman composers. Stylistically the turning point is five years later, for the I.a 4,5,6 of 1579 sets him widely
apart from his Roman colleagues. Greater rhythmic variety and fluidity are the main characteristics. Quavers,
used rarely in the earlier madrigals, now form an integral part of his melodic thought, often appearing in a
melismatic group of four in ascending or descending motion, as with Marenzio. », in CHATER James, Luca
Marenzio and the Italian Madrigal. 1577-1593, Ann Arbor, UMI, 1981, p. 14.
27
Macque s’éloigne sensiblement de cette recherche d’ariosità pour explorer un registre souvent
beaucoup plus pathétique, qui s’exprime au travers des chromatismes et harmonies
recherchées typiques de la dernière génération de madrigalistes napolitains. La légèreté de
ton, sans disparaître complètement, deviendra alors bien plus marginale dans la production du
compositeur.
L’objectif de cette thèse est de faire le pont entre les deux périodes extrêmes de la production
madrigalesque de Macque, en analysant le corpus sous la perspective de la dynamique
d’échange entre ariosità et artificiosità qui caractérisa le style hybride dans les deux
décennies du Cinquecento. Cette problématique est cependant à entendre plus comme un fil
conducteur général que comme une grille méthodologique à appliquer de façon systématique
sur le corpus, qui ne rendrait pas justice à la complexité de ce répertoire extrêmement varié.
D’autre part, si ce travail veut améliorer nos connaissances sur Macque, il espère aussi
approfondir notre vision du style hybride et du madrigal des deux dernières décennies du
siècle en s’intéressant à l’œuvre d’un musicien qui joua sans aucun doute un rôle important
dans l’évolution stylistique du genre.
J’ai articulé la thèse selon un parcours chronologique divisant le corpus en trois parties,
proposant de mettre en évidence les différentes phases du développement stylistique du
compositeur pendant la période qui nous intéresse. Chacune de ces phases correspond à une
étape bien définie de sa carrière et est étroitement liée à la vie artistique d’une ville
déterminée : la Rome du début des années 1580 avec les deux recueils de Madrigaletti et
napolitane (première partie), la Naples de la seconde moitié des années 1580 avec le Primo
libro de madrigali a quattro voci et le Secondo libro de madrigali a cinque voci de 1586-1587
(deuxième partie) et enfin la Ferrare des années 1590 avec le Terzo libro de madrigali a
cinque voci de 1597 (troisième partie).
L’environnement social et musical du compositeur, on l’a déjà évoqué, eut un impact
considérable sur le contenu poétique et musical des recueils, c’est pourquoi il m’a semblé
utile d’essayer de reconstruire ce dernier avant d’aborder des questions plus analytiques.
Chaque partie s’ouvre donc par une introduction contextualisante, donnant un aperçu de la vie
musicale de la ville dans laquelle Macque résidait au moment de la publication des ouvrages,
faisant le point sur sa situation professionnelle, présentant le dédicataire de chacun des livres
et retraçant dans la mesure du possible la genèse des imprimés. Plusieurs ouvrages m’ont été
d’un grand secours dans cette entreprise, notamment la thèse doctorale de Ruth DeFord,
28
Giovannelli and The Madrigal in Rome pour la période romaine 65 , celle de Keith Larson sur
le madrigal napolitain, The Unaccompagnied Madrigal in Naples 66 , ainsi que la monographie
d’Anthony Newcomb sur le madrigal à Ferrare, The Madrigal at Ferrara 67 .
L’analyse des pièces se concentre ensuite sur trois paramètres fondamentaux à l’élaboration
d’un recueil de madrigaux : les choix poétiques, le recours à certaines techniques musicales
déterminées et enfin le type de représentation musicale du texte poétique.
Les textes poétiques constituent la matière première du madrigal, et de ces derniers découlent
bien des aspects de l’intonation 68 . Leur examen permet déjà de mettre en évidence les
intentions du compositeur et les attentes du commanditaire de l’œuvre, que l’on soupçonne
bien souvent derrière certains choix poétiques. L’analyse des textes est en outre absolument
indissociable de la question de l’ariosità et de l’artificiosità en ce qu’elle fait rentrer en jeu
des questions de genres et de registres stylistiques (un sonnet de Pétrarque est par exemple
bien plus sophistiqué, complexe et exigeant – on pourrait dire plus artificioso – qu’un texte de
villanelle anonyme qui aura lui des connotations bien plus légères). L’analyse des rimes
procède selon trois étapes principales, absolument interdépendantes.
Il s’agit tout d’abord de déterminer les sources poétiques et musicales des rimes (ou l’absence
de sources, qui peut aussi se révéler significative). Le texte apparaît-il dans un recueil
imprimé, qui en est l’auteur ? Fut-il musiqué par d’autres auteurs ? La version utilisée par
Macque présente-t-elle des divergences notables ?
La deuxième étape s’intéresse à des questions formelles et métriques : les différents modèles
de versification – formes fixes (sonnet, canzone, madrigal trecentesco...), madrigal
cinquecentesco, villanelle, etc. –, le type de vers utilisé, la longueur des textes.
La dernière phase s’attache à mettre en évidence les particularités stylistiques des rimes, leurs
thématiques (lyrique amoureuse, pastorale, spirituelle, encomiastique…), l’usage d’un lexique
connoté, de topoi récurrents, le recours à certaines figure de styles significatives (pluralité,
corrélations, chiasmes…).
65
DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit.
LARSON Keit, The Unaccompanied Madrigal in Naples from 1536–1654, PhD non publié (Harvard
University), Ann Arbor, UMI, 1985.
67
NEWCOMB Antony, The Madrigal at Ferrara, Princetown, Princetown University Press, 1980.
68
J’utilise ici le terme « intonation » comme synonyme de « mise en musique », calquant l’usage italien du mot
intonazione.
66
29
La grande majorité des données concernant les concordances poétiques et musicales (sources
poétiques, recueils de madrigaux comportant une autre intonation du texte) sont tirées du
Repertorio della Poesia Italiana Musicata dal 1500 al 1700 (RePIM), base de données
projetée en 1977 par Lorenzo Bianconi et Antonio Vassalli, et réalisée par Angelo Pompilio 69 ,
aujourd’hui consultable on line dans une version provisoire. Signalons en outre que, d’un
point de vue plus théorique, mes recherches sur le contenu poétique du corpus doivent
beaucoup aux réflexions de Cecilia Luzzi sur les madrigaux de Philippe de Monte 70 .
L’analyse des techniques musicales, sans procéder de manière systématique du fait de la
variété du corpus, s’attache à identifier un certain de nombre de « marqueurs » de style à
travers l’examen de différents paramètres d’écriture : la forme, les choix modaux, les
différents types de texture employés, leur proportion et leur évolution, l’harmonie, la
prosodie, le rythme, l’articulation du discours, l’emploi des cadences, le recours à certains
topoi particulièrement typés. Il s’agira de montrer comment chacun de ces paramètres
musicaux se décline selon les différents dosages entre artificiosità et ariosità recherchés par
le compositeur et/ou déterminés par le texte poétique, penchant vers un plus ou moins grand
degré de complexité, de sophistication, de standardisation ou de légèreté et empruntant tantôt
au madrigal classique, tantôt aux genres légers, tantôt au style hybride. Une grande partie des
outils d’analyse et de la terminologie utilisée provient des travaux des musicologues qui se
sont intéressés à la période. La littérature musicologique ne couvrant cependant pas
systématiquement les nécessités du parcours analytique, d’autres ont souvent été créés afin de
répondre plus précisément aux différents cas de figure qui se présentaient.
Dans la dernière étape de l’analyse, j’ai envisagé la représentation musicale du texte poétique
comme un paramètre stylistique variable, partant du principe que celle-ci pouvait également
se décliner de différentes manières selon le degré d’artificiosità voulu par le compositeur
d’une part, mais aussi selon l’évolution globale du langage madrigalesque qui ne fut pas figé
dans son rapport au texte. Plusieurs points m’ont paru significatifs : le choix des mots
représentés, la concentration des figures, leur plus ou moins grande standardisation et les
différents types de rapports établis entre le signifié et le signifiant musical. D’autre part,
même si les madrigalistes se sont attachés avant tout à traduire le contenu sémantique des vers
qu’ils musiquaient, l’analyse a pris en compte, lorsque la matière musicale s’y prêtait,
69
POMPILIO Angelo, Repertorio della Poesia Italiana in Musica, 1500-1700 (RePIM),
http://repim.muspe.unibo.it/, page consultée le 6 juin 2007. Je remercie le Professeur Angelo Pompilio de
m’avoir donné accès aux données concernant les madrigaux de Macque avant la mise en ligne du RePIM.
70
LUZZI Cecilia, Poesia e musica nei madrigali a cinque voci di Filippo di Monte (1580-1595), Firenze, Olschki,
2003.
30
d’autres aspects de la lecture musicale des vers, tels que le rythme poétique et l’organisation
syntaxique.
Chaque étape de l’analyse a essayé de garder la vision la plus large possible sur le reste de la
production vocale profane de l’époque. La délimitation de ce « corpus parallèle » destiné à
l’analyse comparative est cependant problématique, celui-ci restant forcément à la fois
réducteur et aléatoire. Mon choix s’est porté tout particulièrement sur les intonations par
d’autres auteurs des poésies du corpus et sur la production des auteurs présentant des affinités
stylistiques avec le compositeur ou qui partagèrent avec lui le même environnement musical à
Rome et Naples.
Plusieurs « foyers » ont ainsi été délimités. Dans la première partie, mon attention s’est
focalisée sur la production légère des années 1570-1580, et tout particulièrement les canzoni
de Ferretti et Conversi. Dans la deuxième partie, j’ai voulu mettre en regard les deux premiers
recueils napolitains de Macque avec la production romaine et napolitaine des années 1580.
Les deux anthologies des Musici di Roma, Dolci affetti (1582) et Le Gioie (1589) 71 offrent un
précieux panorama de la production romaine de la période, qui a été complété par les
transcriptions de pièces Giovannelli et d’autres auteurs romains proposées par DeFord dans
son PhD ainsi que par les premiers recueils de Marenzio 72 . Ma connaissance du madrigal
napolitain se fonde essentiellement sur les analyses et les transcriptions proposées par Keith
Larson dans son PhD 73 . La troisième partie s’est concentrée sur le trio napolitano-ferrarais,
Gesualdo, Luzzaschi, Fontanelli.
La thèse est divisée en deux volumes : le premier se concentre sur l’analyse du corpus, le
second comporte l’édition des textes poétiques de l’ensemble des recueils, la transcription du
Secondo libro de madrigali a cinque voci et du Terzo libro de madrigali a cinque voci ainsi
que de quelques autres pièces évoquées au cours de la thèse, auxquels vient s’ajouter la
traduction en français de la correspondance de Macque. Les critères d’édition, de
transcription, de reconstruction et de traduction
sont précisés dans l’introduction du
deuxième tome.
Sauf précision de ma part, toutes les traductions sont de l’auteur.
71
Sur ces anthologies, voir infra, p. 33.
Voir les deuxième et troisième volumes de DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome,
op. cit.
73
LARSON Keit, The Unaccompanied Madrigal in Naples from 1536–1654, op. cit.
72
31
P REMIERE PARTIE – LES DEUX RECUEILS DE
M ADRIGALETTI ET NAPOLITANE (1581-1582) :
LE STYLE HYBRIDE
… persuadendomi che dopo molte compositioni
artificiose, non le debbiano esser discare queste
mie, che sono alquanto ariose massime per esser
cose di sì affettionato servitore …
… tachant de me persuader qu’après de
nombreuses compositions artificiose, ne seraient
pas écartées les miennes, qui sont aussi ariose
que peuvent l’être celles d’un serviteur aussi
attaché que moi …
Giovanni de Macque, dédicace du Primo libro de
madrigaletti et napolitane
Macque à Rome dans les années 1580
Macque et la Compagnia dei musici
En 1581, lorsque le Primo libro de madrigaletti et napolitane sortit des presses vénitiennes de
Gardano, Macque se trouvait à Rome depuis au moins huit ans. La première trace de sa
présence dans la ville pontificale est révélatrice de ce qui fut sans doute son principal milieu
musical pendant toutes ses années romaines. En 1574, Macque participa en effet au Quarto
libro delle muse 74 , anthologie de madrigaux compilée par Tommaso Benigni qui lança sur le
marché éditorial une nouvelle génération de madrigalistes actifs à Rome, parmi lesquels
Dragoni, Soriano, G.M. Nanino et Macque. Ce recueil constitue en outre le premier imprimé à
rassembler un nombre important de membres de la future Compagnia dei musici di Roma,
74
Il quarto libro delle muse a cinque voci, Venezia, Gardano, 1574.
32
congrégation qui joua vraisemblablement un rôle essentiel dans la vie professionnelle de
Macque.
Les origines de cette congrégation sont assez floues, mais il semble qu’à l’arrivée du
compositeur à Rome, celle-ci commençait à s’organiser de manière informelle. Elle
regroupait un certain nombre de musiciens actifs à Rome (mais pas nécessairement d’origine
romaine 75 ), parmi lesquels, à côté de Giovanni de Macque, on retrouve, entre autres,
Marenzio, Palestrina, Giovannelli, G.M. Nanino, Anerio, Moscaglia, Soriano, Stabile,
Dragoni et Bellasio 76 .
Même s’il fallut attendre le premier mai 1585 pour que le groupe soit finalement officialisé
par la bulle de Sixte Quint Rationi congruit sous le nom de Congregazione dei musici di
Roma posta sotto l’invocatione della Beata Vergine, di San Gregorio Magno e di Santa
Cecilia 77 , plusieurs documents témoignent du dynamisme de la Compagnia avant cette date.
Macque semble avoir participé à presque toutes les activités documentées de la future
congrégation et, à travers la carrière romaine du compositeur, on peut suivre pas à pas
l’évolution de la Compagnia (même si, paradoxalement, le madrigaliste quitta Rome au
moment même où cette dernière fut officialisée par la bulle de Sixte Quint).
Macque contribua en effet à presque toutes les anthologies comportant des madrigaux de
plusieurs de ces musiciens romains. J’ai déjà évoqué le Quarto libro delle muse de 1574.
Dans la première moitié des années 1580, Macque participa encore à cinq autres anthologies.
En 1582, il écrivit deux madrigaux pour le recueil Dolci affetti. Madrigali a cinque voci de
diversi eccellenti musici di Roma 78 , dans lequel les futurs membres de la Compagnia
s’autoproclament pour la première fois « Musiciens de Rome ». Puis, en 1582 et 1583,
Macque composa deux madrigaux pour les anthologies ferarraises Il Lauro secco et Il Lauro
75
Macque n’était pas le seul musicien de cette congrégation à avoir des origines franco-flamandes. Barlolomeo
Roy et Nicolas Perué venaient respectivement de Bourgogne et de Liège. Parmi les musiciens italiens, une
grande partie était aussi des romains d’adoption (par exemple Marenzio et Bellasio, le premier originaire de
Brescia, le second de Vérone).
76
Pour plus de renseignements sur la Compagnia dei musici di Roma voir ALFIERI Pietro, Brevi notizie storiche
sulla congregazione ed accademia di Santa Cecilia, Roma, Perego-Salvioni, 1845 ; CASIRIMI Raffaelle,
« L’antica Congregazione di Santa Cecilia fra i musici di Roma nel secolo XVII », Note d’Archivio, I, 1924,
p. 116 ; GIAZOTTO Remo, Quattro secoli di storia dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Roma,
Accademia Nazionale di Santa Cecilia, 1970, PIRROTTA Nino, I musici di Roma e il madrigale, Dolci affetti
(1582) e Le Gioie (1589), Lucca, Libreria Musicale Italiana, 1994 et SUMMERS William J., « The compagnia dei
Musici di Roma 1584-1604: a Preliminary Repot », Current Musicology, 34, 1982, p. 7-25.
77
La bulle est reproduite dans GIAZOTTO Remo, Quattro secoli di storia dell’Accademia Nazionale di Santa
Cecilia, op. cit., p. 9-11.
78
Dolci affetti. Madrigali a cinque voci de diversi eccellenti musici di Roma (Venezia, Scotto, 1582) est
dédicacée au Référendaire Bandini. La lettre de dédicace est signée par l’Accademico Anomato.
33
verde en l’honneur la célèbre chanteuse du duc d’Este Laura Peverara. Même si ces deux
recueils ne sont pas à proprement parler une réalisation de la Compagnia dei musici, ces
derniers semblent avoir été très impliqués dans ce projet puisque cinq d’entre eux
participèrent au premier recueil, et dix au deuxième 79 . En 1583, on retrouve le nom de notre
compositeur dans De floridi virtuosi d’Italia. Il primo libro a cinque voci au côté de cinq
autres musiciens de la Compagnia 80 . Enfin, probablement à l’époque de son départ pour
Naples, Macque participa au Secondo libro de madrigali a quattro voci : con alcuni di diversi
eccellenti musici di Roma de Giovanni Battista Moscaglia 81 . Ce dernier déclare dans la
préface être l’auteur de tous les textes poétiques, mais avoir délégué la musique à certains
compositeurs romains par manque de temps (« non potendo per la brevità del tempo metterli
tutti musica »).
L’appartenance de Macque à ce réseau de musiciens va plus loin que ces anthologies de
madrigaux. En effet, l’unique poste que semble avoir occupé le madrigaliste pendant son
séjour à Rome est celui d’organiste à Saint Louis des Français, dont tous les maîtres de
chapelle entre 1570 et 1590 furent liés de près ou de loin à la Compagnia 82 . D’après les livres
de comptes de Saint Louis des Français, Macque fut employé comme organiste du premier
octobre 1580 au 21 septembre 1581, alors que Francesco Soriano y était maître de chapelle 83 .
Après avoir quitté Rome, Macque resta en contact avec les membres de la congrégation.
Quatre ans après son départ, il participa en effet à la dernière anthologie de la Compagnia,
publiée par l’imprimeur vénitien Amadino en 1589 (Le gioie. Madrigali a cinque voci di
diversi eccl.mi musici della Compagnia di Roma), pour laquelle il écrivit le madrigal Nei
vostri dolci baci. Mais c’est surtout la correspondance que le compositeur entretint avec
Camillo Norimberghi, écuyer (scalco) au service de Camillo Caetani (le dédicataire du
79
Participèrent au Lauro secco (Ferrara, Baldini, 1582) Giovannelli, Macque, Perué, Stabile et Zoilo et au Lauro
verde (Ferrara, Baldini, 1583) Bellasio, Giovannelli, Locatello, Macque, Marenzio, Perué, Roy, Soriano et
Stabile. On aura l’occasion de revenir sur ces premiers liens entre Macque et la cour de Ferrare dans la troisième
partie.
80
Les six compositeurs de la Compagnia qui participèrent à De floridi virtuosi d’Italia. Il primo libro a cinque
voci (Venezia, Vincenti et Amadino, 1583) sont Dragoni, Macque, Marenzio, Perué, Stabile et Zoilo.
81
Participèrent au Secondo libro de madrigali a quattro voci : con alcuni di diversi eccellenti musici di Roma de
Giovanni Battista Moscaglia (Vincenti et Amadino, Venezia, 1585) : G. M. Nanino, Macque, Stabile, Roy,
Zoilo, Perué, Crivelli, Giovannelli, Marenzio, Locatello, Bellasio, Iosquino della Sala et Giovanni Pellio.
82
Se succédèrent au poste de maître de chapelle de Saint Louis des Français entre 1572 et 1591 : Bartolomeo
Roy (1572-1575), G.M. Nanino (1575-1577), Giovanni Pellio (1577-1578), Francesco Soriano (1578-1581),
Johannes Pellio (1581-1583) et Ruggiero Giovannelli (1583-1591).
83
Voir FREY Herman-Walter, « Die Kapellmeister an der französischen Nationalkirche San Luigi dei Francesi in
Rom im 16. Jahrhundert », op. cit., p. 39.
34
Secondo libro de madrigaletti et napolitane) 84 , qui témoigne de la solidité de ces liens. Dans
la première lettre qui nous est parvenue, datée du 31 janvier 1586, Macque fait par exemple
référence à Palestrina, à propos d’une lettre provenant d’Espagne :
Onde
Vostra
Votre Seigneurie me rendrait
Signoria mi farà gratia di
donc un grand service en allant voir
vedere un poco se fra le
un peu si parmi les vieilles lettres de
lettere vecchie della posta
la poste d’Espagne, il n’y en aurait
di Spagna vene fussero
pas une adressée à moi, ou à vous, ou
qualcheduno dirette a me,
s’il a été écrit quelque chose à ce
o, a lei o, pur se al
sujet à Palestrina.
Palestrina è stato scritto
cosa alcuna di questo
negotio. 85
Encore plus intéressante, la lettre du 13 novembre 1586, dans laquelle Macque s’intéresse à la
vie de ceux qu’il appelle les virtuosi.
84
Ces lettres, conservées à l’Archivio Caetani de Rome, sont transcrites intégralement dans DEFORD Ruth,
Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 277-294. De larges extraits sont aussi commentés
dans LIPPMANN Friedrich, « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi documenti », op. cit., p. 243–279.
85
Archivio Caetani, n. 4301. Voir annexes.
35
Ho inteso con mio gran
J’ai
appris
avec
un
grand
87
dispiacer la morte del Pervue,
déplaisir la mort de Pervue , paix à son
che sia in gloria, et con piacer
âme, et avec plaisir que Soriano lui
che il Soriano habbi havuto il
succèdera, et s’il arrive quelque autre
loco suo et se qualche altre
nouvelle
novità
quelli
Seigneurie me fera un immense plaisir en
virtuosi, Vostra Signoria mi
m’en tenant informé, et puisque notre
farà sommo piacer di farmela
Seigneur
intendere, et per essere mancato
désormais privé de son maître le cardinal
al Signor Locatello nostro, il
San Sistro 89 , de grâce, avisez-moi auprès
Cardinale
de qui il demeure présentement.
seguirà
San
fra
Sisto
suo
de
ces
virtuoses,
Locatello 88
se
Votre
retrouve
padrone, per gratia avisami con
chi si tratiene al presente. 86
Macque fut apparemment rapidement mis au courant de la disparition de Perué, puisque la
lettre ne fut écrite que dix-huit jours après sa mort, survenue le 26 septembre 1586 90 .
Enfin, dans la lettre du 28 avril 1589, Macque fait allusion à l’amitié qui le lie avec
Giovannelli et Santini, dont il ne semble avoir retrouvé l’équivalent à Naples :
Che
86
per
altra
Si ce n’était cela, je m’en
Archivio Caetani, n. 28365. Voir annexes.
Nicolas Peruve (Peruue, Pervue, ou Perue) succède à Orazio Caccini à Santa Maria Maggiore vers 1581.
Soriano reprend son poste en 1586 (voir O’REGAN Noel, « Soriano, Francesco », Grove Music Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.26258, page consultée le 5 septembre
2007). Pervue mourut le 26 septembre 1586, c’est-à-dire seulement 18 jours avant que Macque ne rédige cette
lettre. Sur la mort de Pervue voir notamment MORELLI Arnaldo, Il tempio Armonico, musica nell’oratorio dei
Filippini in Roma (1575-1705), op. cit., p. 11.
88
Giovanni Battista Locatello faisait partie, comme Macque, de la Compagnia dei musici di Roma (il composa
en effet un madrigal dans les deux anthologies de madrigaux de la congrégation). Il fut aussi organiste à Saint
Pierre de Rome dans les années 1580, ainsi qu’à Santo Spirito in Saxia de 1579 à 1595 (voir O’REGAN Noel,
« Locatello,
Giovanni
Battista »,
Grove
Music
Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section= music.16842, page consultée le 5 septembre
2007).
89
Le cardinal Filippo Boncompagni, neveu du Pape Grégoire XIII, mourut 7 juin 1586 et fut enterré à Santa
Maria Maggiore. Paolo Bellasio lui dédicaça son Secondo libro de madrigali a cinque voci en 1582. Voir
COLDAGELLI Umberto, « Boncompagni Filippo », Dizionario biografico degli Italiani, Roma, Treccani, 1960-,
vol. 11, p. 687.
90
Sur la mort de Perué voir MORELLI Arnaldo, « Il tempio Armonico musica nell’oratorio dei Filippini in Roma
(1575-1705) », Analecta musicologica, XXVII, 1991, p. 11.
87
36
occasione non mi partirei
irais déjà d’ici pour retrouver la
già di qua che per la realità
qualité de la conversation à Rome,
del conversare di Roma, et
et pour tous les amis que j’y ai, car
per li molti amici che ci ho,
je peux dire qu’ici je n’ai pas trouvé
ove qua posso dire di non
un seul vrai ami, moi qui pourtant
haver in tanti anni ancora
en ai une infinité. Je ne peux
acquistato un vero amico,
cependant m’y fier comme je le
che io pur ne ho infiniti,
ferais d’un Norimberghi ou d’un
non però mene posso fidare
Giovannelli ou d’un Santino ou de
come
d’uno
tant d’autres encore, à cause du peu
d’un
de bienveillance qui règne entre les
Giovanelli et d’un Santino
amis dans ce royaume, où l’on ne
et di tant’altri, mercè della
peut se fier à personne. Cela est tout
poca benevolenza che regna
ce que j’ai à écrire à Votre
in questo regno fra li amici,
Seigneurie
per il che non bisogna
sentiments.
farei
Norimberghi
à
propos
de
mes
fidarsi di nissuno, et questo
è a ponto quanto mi occorre
di
scrivere
Signoria
mio.
a
circa
Vostra
l’animo
91
Giovannelli fut l’un des principaux acteurs du renouvellement de l’écriture madrigalesque
dans les années 1580. Même s’il est difficile de déterminer ce que Macque entendait
précisément par « véritable ami », cette locution laisse cependant penser à des contacts étroits
entre les deux madrigalistes.
L’essor du madrigal romain
C’est donc un compositeur extrêmement intégré dans la vie musicale romaine qui publie chez
Gardano les deux livres de Madrigaletti et napolitane en 1581 et 1582. Quel visage a le
madrigal romain en ce début des années 1580 ?
Macque avait sans aucun doute contribué à un début de renouveau dans le paysage musical
romain des années 1570 en publiant chez l’imprimeur vénitien Gardano ses premiers livres de
madrigaux (Il primo libro de madrigali a sei voci en 1576, suivi trois ans plus tard par son
Primo libro de madrigali a quattro, cinque e sei voci). En effet, si jusqu’à la fin des années
91
Archivio Caetani, n. 58194. Voir annexes.
37
1560 92 , le madrigal ne trouve pas à Rome un terrain très propice à son épanouissement (dans
les années 1560, seul un musicien romain, Annibale Zoilo, publia sous son nom un recueil
complet de madrigaux 93 ), quinze recueils voient le jour dans les années 1570, parmi lesquels
deux de Macque (voir table 3).
table 3 : recueils publiés par des madrigalistes romains dans les années 1570 94
Auteur
Nombre
de
Année
recueils
publication
Bellasio
1
1578
Dragoni
3
1575,
de
1575,
1579
Macque
2
1576, 1579
Moscaglia
2
1575, 1579
G. M. Nanino
1
1572
Tartaglino
1
1576
Stabile
1
1572
Anthologies
4
1573,
1574,
1576, 1577
L’activité éditoriale romaine continue à s’animer dans les années 1580, sans doute stimulée
par l’arrivée de Luca Marenzio dans la vie musicale 95 , mais aussi par le boom éditorial que
connaît le madrigal dans son ensemble à cette période 96 . Lorsque, en 1581, le premier recueil
de Madrigaletti et napolitane sort des presses de Gardano, le madrigal romain est en pleine
renaissance. Six livres de madrigalistes romains voient en effet le jour cette année-là et, entre
1581 et le départ présumé de Macque pour Naples en 1585, ces derniers ne publieront pas
92
Toutes les données relatives aux imprimés romains sont tirées de la « Chronological Table of Secular
Publications by Roman Composers », in DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome,
op. cit., p. 330-336.
93
ZOILO Annibale, Il secondo libro de madrigali a quattro e cinque voci, Roma, Blado, 1563. On a souvent
imputé à la Contre-Réforme cette réticence romaine envers le madrigal.
94
D’après DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 331.
95
En 1580, Luca Marenzio publia son tout premier recueil de madrigaux, Il primo libro de madrigali a cinque
voci (Venezia, Gardano).
96
Voir BIANCONI Lorenzo, Il Seicento, Torino, EDT, 1991, p. 4. Storia della musica a cura della Società
Italiana di Musicologia, vol. 4.
38
moins de vingt-huit recueils, soit une multiplication par quatre de l’activité éditoriale des
années 1570 97 .
L’année 1581 marque un autre tournant dans le panorama musical de la ville. Le premier livre
de Madrigaletti et napolitane de Macque est en effet le tout premier imprimé de genres légers
publié par un compositeur romain. Suivront douze autres livres jusqu’à la fin des années
1580 98 . À Rome, comme ailleurs en Italie, le goût musical commence à changer, et
l’engouement pour les pièces légères à se faire sentir.
« All’Illustrissimo Signor mio » : Macque et ses padroni
En dehors de ses activités de membre de la Compagnia dei Musici di Roma, Macque, comme
n’importe quel compositeur de l’époque, chercha à se placer sous la protection de mécènes
susceptibles de l’aider matériellement. Comme l’ont souligné Ruth DeFord et Nino Pirrotta 99 ,
Rome, du fait de sa situation politique particulière, était alors un lieu particulièrement attractif
pour les musiciens :
Rome était, on peut le dire, la ville des nombreuses cours. À celle du pape, qui ne dédaignait
pas complètement le madrigal, s’ajoutaient celles qui entouraient les principales familles de la
noblesse, les ambassades, les cardinaux et les prélats de la curie 100 .
Macque avait déjà placé ses premiers recueils sous la protection de deux futurs cardinaux.
Serafino Razzali, dédicataire du Primo libro de madrigali a sei voci (1576), qui semble avoir
accueilli Macque à son arrivée à Rome 101 , était un important dignitaire ecclésiastique. Sans
être originaire d’une grande lignée, il fut nommé cardinal en 1604, quelques années avant sa
mort en 1608 102 . Quant à Scipione Gonzaga, dédicataire du Primo libro de madrigali a
97
On s’étonne que Macque, dans sa lettre du 10 octobre 1587, fasse allusion au déclin musical de la ville
pontificale. Il se référait sans doute plus aux activités musicales des diverses chapelles et églises de la ville qu’à
la pratique profane de salon.
98
Pour le détail des imprimés, voir DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit.,
p. 331-332.
99
DEFORD Ruth, «The composers and their Patrons » in Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome,
op. cit., p. 8-30 ; PIRROTTA Nino, “Dolci affetti”: i musici di Roma e il madrigale’, Studi musicali, XIV, 1985,
p. 59–104 et introduction de I musici di Roma e il madrigale, Dolci affetti (1582) e Le gioie (1589), op. cit.,
p. ix-xlvii.
100
« Roma era, si può dire, la città delle molte corti – non del tutto schiva nei riguardi del madrigale quella
papale, le si aggiungevano quelle che ruotavano intorno alle principali casate nobiliari, alle ambasciate e ai
cardinali e prelati presenti in curia. », in PIRROTTA Nino, I musici di Roma e il madrigale, op. cit., p. x.
101
Dans la dédicace du Primo libro de madrigali a sei voci, Macque précise que ces madrigaux sont « nés et ont
grandi » chez Serafino Razzali (« nati et allevati in casa sua »).
102
La vie de Serafino Razzali est racontée de manière assez précise dans plusieurs dictionnaires historiques des
XVIIe et XVIIIe siècles. Celui-ci naît à Lyon vers 1531, mais se rend avec sa mère et son beau-père à Bologne où
39
quattro, cinque e sei voci (1579) et cardinal lui aussi à partir de 1587, il faisait partie des
grandes figures du mécénat de l’époque 103 .
Ventura Maffetti
En dédicaçant son Primo libro de madrigaletti et napolitane à Ventura Maffetti, Macque ne
plaça pas ce nouveau recueil sous la protection d’une importante personnalité politique, ni
d’un membre d’une illustre lignée comme il l’avait fait pour ses imprimés précédents. De
Ventura Maffetti, nous ne savons que peu de choses. Ce dernier venait certainement d’une
famille bourgeoise de la province de Bergame. Selon le Dizionario Storico de Giovanni
Battista Di Crollalanza, la lignée Maffetti se divise en effet en deux branches, l’une originaire
de Brescia, l’autre des environs de Bergame. Ventura Maffetti faisait sans doute partie de la
deuxième puisqu’une bulle papale datant de 1585 le définit comme bergamasque 104 .
Di Crollalanza consacre les quelques lignes suivantes à cette branche de la famille Maffetti :
Maffetti de Venise (XVIIe
Maffetti di Venezia
(sec. XVII): Originaria di
Sovere,
comune
provincia
di
trapiantata
della
Bergamo,
da
siècle) :
Originaire
e
un
commune
de la
de
Sovere,
province
de
Marcantonio in Venezia. –
Bergame, et transplantée à Venise
Avendo offerto per la guerra
par un
di Candia cento mila ducati fu
Ayant donné cent mille ducats
ascritta alla nobiltà nel 1654.
pour la guerre de Candia, elle fut
certain
Marcantonio.-
inscrite à la noblesse en 1654. 105
il étudie le droit civil, à la suite de quoi lui est confiée une chaire à l’université de Bologne. Il se rend ensuite à
Rome où il obtient différentes charges ecclésiastiques. Il est Auditeur du tribunal de la Rote, puis évêque de
Rennes, patriarcat d’Alexandrie et enfin cardinal. Voir ALIDOSI-PASQUALI Giovanni Nicolò, Li dottori bolognesi
di legge canonica e civile, Bologna, Tebaldini, 1620, p. 210 ; BENTIVOGLIO Guido, Memorie e lettere, éd.
Costantino Panigada, Bari, Laterza, 1934 ; FANTUZZI Giovanni Notizie degli scrittori bolognesi, Bologna,
Stamperia di San Tommaso d’Aquino, 1791-1794 ; rééd. fac-similé Bologna, Forni, 1965.
103
Ami et protecteur du Tasse, Scipione Gonzaga était membre de l’Accademia degli Invaghiti de Mantoue et
fonda l’Accademia degli Etterei. Luca Marenzio lui dédia son premier livre de motets à quatre voix (Motectorum
pro festis totius anni cum communi sanctorum, Roma, Gardano, 1585).
104
Voir KETTERBACH Bruno, Referendarii Utriusque signaturae a Martino V ad Clementem IX et praelati
signaturae supplicationum a Martino V ad Leonem XIII, Roma, Bilioteca apostolica Vaticana, 1931, p. 62.
Studi e testi, vol. 55.
105
DI CROLLALANZA Giovanbattista, Dizionario storico-blasonico delle famiglie nobili e notabili italiane estinte
e fiorenti, Pisa, sous la direction du Giornale araldico, 1886/1890, rééd. fac-similé Bologna, Forni, 1986, vol. 2,
p.45.
40
Lorsque Macque publia le recueil de Madrigaletti et napolitane, les Maffetti ne faisaient donc
pas encore partie de la noblesse italienne. Cela n’avait pas empêché Ventura de faire carrière
à la curie et de devenir Référendaire Apostolique, comme le déclare la dédicace du recueil de
Macque 106 . Cette dernière nous apprend aussi que Ventura était lieutenant à Ancône, dans les
Marches. Ce fait est corroboré par une anecdote relatée par Achille Sansi dans la Storia del
comune di Spoleto dal secolo XII al XVII 107 , qui évoque la « luogotenenza di Ventura
Maffetti ». Dans le même ouvrage, Sansi relate comment Ventura obtint aussi la charge de
vice-gouverneur du gouvernement de Spoleto (petite ville d’Ombrie, au sud-est d’Assise).
Ventura Maffetti devait donc passer beaucoup de temps hors de Rome, et l’on ne s’étonne pas
que Macque fasse allusion à son absence dans sa lettre de dédicace :
All’Illustre
Reverendissimo
et
À mon Seigneur Illustre
mio
et très révéré, le très respecté
Monsignor
Monseigneur Ventura Maffetti,
Signor
osservandissimo
Ventura Maffetti, Referendario
Référendaire
Apostolico, et Luogotenente in
Lieutenant à Ancône
Apostolique
et
Ancona
Sachant
Sapendo che Vostra
Seigneurie
que
a
Votre
l’habitude
Signoria Reverendissima suol
quelquefois, quand ses graves
talhora, quando le è permesso
occupations le lui permettent, de
dalle sue gravi occupationi,
se récréer avec la musique, et
ricreasi con la Musica, e
tachant
persuadendomi
qu’après
che
doppo
de
me
de
persuader
nombreuses
molte compositioni artificiose,
compositions
non le debbiano esser discare
seraient
queste mie, che sono alquanto
miennes, qui sont aussi ariose
ariose massime per esser cose
que peuvent l’être celles d’un
di
servitore,
serviteur aussi attaché que moi,
quanto io le sono. Ho ricevuto,
j’ai décidé, devant les imprimer,
dovendole
di
de vous les dédicacer, à vous
dedicarle a Lei, dalla quale sò
grâce à qui, j’en suis convaincu,
quanta riputatione riceverano.
elles
Oltra che ella potrà ancho da
réputation.
sì
affettionato
dar
in
luce
artificiose,
ne
écartées
les
pas
recevront
En
une
bonne
outre,
vous
106
Cette information est confirmée dans les quelques lignes consacrées à Maffetti dans KETTERBACH Bruno,
Referendarii Utriusque signaturae, op. cit., p. 62.
107
SANSI Achille, Storia del comune di Spoleto dal secolo XII al XVII seguita da alcune memorie dei tempi
posteriori, Foligno, Sgariglia, 1879-1884, vol. 2, p. 248-249.
41
ciò conoscere, che nonostante
pourrez ainsi savoir que malgré
l’assenza sua, continua tuttavia
votre absence, je continue tout
in me l’osservanza ch’io le
de même à vous porter le plus
porto, et Le baccio le mani. Di
grand respect. Je vous baise les
Roma alli 10 di Maggio 1581.
mains. De Rome, le 10 mai 1581.
Di
Vostra
Signoria
Illustrissima
Affettionatissimo
De votre Illustrissime
Seigneurie
Le serviteur affectionné
Servitore
Giovanni de Macque
Giovanni de Macque
Il est possible que Ventura Maffetti ait commandité le recueil de Madrigaletti et napolitane à
Macque afin afin d’asseoir sa position sociale auprès de la noblesse romaine par cet acte de
mécénat musical.
Camillo Caetani
En dédicaçant son deuxième livre de Madrigaletti et napolitane à Camillo Caetani (15521602), Macque plaça cette fois-ci son recueil non seulement sous la protection d’une des plus
grandes lignées de la noblesse romaine mais aussi sous celle d’une importante famille de
mécènes.
La maison Caetani, dont les origines remontent au XIIe siècle, avait déjà donné à la Papauté
deux papes 108 et pas moins de dix-sept cardinaux.
Comme beaucoup de membres de la noblesse romaine de la fin du XVIe siècle, la famille
Caetani avait une tradition de mécénat artistique et musical bien enracinée. Selon le biographe
de la famille 109 , l’oncle de Camillo, le cardinal Nicolò Caetani (1526-1585), était un grand
amateur d’art. Giovanni Battista Conforti lui dédicaça son Primo libro de ricercari a quattro
voci (Roma, Dorico, 1558), dont la page de titre présente les armes de la famille Caetani. Il
108
Gelasio II et Bonifacio VIII, respectivement papes de 1118 à 1119 et 1294 à 1303.
CAETANI Gelasio, Domus Caietana. Storia documentata della famiglia Caetani, Sancasciano, Val di Pesa,
Stianti, 1933, vol. 2, p. 171.
109
42
entretenait aussi à sa cour les deux chanteurs et frères Giovanni Antonio et Alessandro
Merlo 110 .
Au tournant du siècle, c’est un autre cardinal, Bonifacio Caetani (1568-1617) 111 , qui fut
l’objet de trois dédicaces : Il primo libro de madrigali a quattro voci d’Emilio Virgelli
(Venezia, Gardano, 1594), Il primo libro de madrigali a sei voci de l’organiste du dôme
d’Orvieta Giovanni Piccioni (Venise, Gardano, 1598) et enfin les Canzonette a tre voci d’un
noble génois, Borlasca Bernardino (Venezia, Vincenti et Amadino, 1611).
Camillo Caetani (1552-1602) est le troisième fils de Bonifacio I Caetani (1514-1574) et de
Catherine Pie de Savoie. Il grandit avec son frère Enrico (futur cardinal) et embrasse la
carrière ecclésiastique dès l’âge de dix ans. D’après le biographe de la famille, son oncle
Nicolò Caetani, Alessandro Farnese et le secrétaire de la famille, l’humaniste Gio. Francesco
Peranda (personnage récurant dans les lettres de Macque) jouent un rôle important dans son
éducation. Camillo étudie le droit civil et canonique à Pérouse. Après avoir obtenu divers
bénéfices ecclésiastiques, il tombe en disgrâce auprès de Sixte Quint. Il est nommé patriarche
d’Alexandrie en 1588 et accomplit sa première mission politique en 1589. Il devient ensuite
nonce apostolique en 1591 et meurt en 1602, sans avoir réussi à obtenir la charge de
cardinal 112 .
En 1582, lorsque Macque lui dédicace son Secondo libro de madrigaletti et napolitane,
Camillo a exactement trente ans, et vit vraisemblablement à Rome dans le palais familial situé
sur les rives du Tibre 113 . Par la suite, deux autres recueils lui seront dédicacés : le Secondo
libro delle canzonette alla napolitana a tre voci raccolte per Attilio Gualtieri de Luca
Marenzio (Venezia, Vincenti et Amadino, 1585) 114 , et le quinzième livre à cinq voix de
Philippe de Monte (Venezia, Gardano, 1592) 115 .
110
Alessandro Merlo (c. 1540-1601) fit partie des chanteurs de la chapelle Giulia et de la chapelle Sixtine.
Giustiniani le cite en exemple pour sa large tessiture de vingt-deux notes. Son frère Giovanni Antonio Merlo
(mort en 1590) était un chanteur papal.
111
Bonifacio Caetani était le neveu de Camillo Caetani.
112
Pour plus de renseignements sur la vie de Camillo Caetani voir LUTZ Georg, « Caetani, Camillo », in
Dizionario biografico degli Italiani, op. cit., vol. 16, p. 137.
113
Voir LIPPMANN Friedrich, « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi documenti », op. cit., note 39,
p. 253.
114
La dédicace de ce recueil de Marenzio, signée par Gualtieri, est transcrite dans LIPPMANN Friedrich,
« Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi documenti », op. cit., note 37, p. 251.
115
La dédicace de ce recueil de Monte est disponible sur le site du Civico Museo Bibliografico Musicale,
http://badigit.comune.bologna.it/cmbm/gaspari/html/index.htm.
43
La dédicace de Macque s’en tient à des formules d’usage et ne nous apprend rien de
particulier sur ses relations avec le dédicataire (tout au plus peut-on entrevoir que Macque
attendait avant tout une récompense pour son travail 116 ) :
116
Le mot amorevolezze (traduit ici par bontés), est utilisé par Macque dans sa correspondance pour décrire les
bons traitements de Carlo Gesualdo et semble se référer à une sorte d’avantage matériel (voir lettre du 30 juillet
et du 4 septembre 1586 en annexes).
44
All’Illustrissimo
À
l’Illustrissime
Signor Camillo Caetano Signor
Seigneur Camillo Caetano, mon
Mio Osservandiss.
Seigneur très Respecté
Io
ho
pensato
col
J’ai
pensé,
en
dedicare a Vostra Signoria
dédicaçant à Votre Seigneurie
Illustrissima questo mio novo
Illustrissime
cette
parto
récolte
Madrigaletti
de
Madrigaletti
et
de
nouvelle
et
napolitane, far in uno istesso
napolitane, faire en un moment
tempo doppio acquisto, l’uno di
une
manifestarle con questo poco
première
segno, rispetto al merito suo,
manifester avec ce geste, petit
ma grande rispetto alle forze
par rapport à votre mérite, mais
mie, qual sia l’osservanza, et
grand par rapport à mes forces,
devotione mia verso di lei ;
quels sont mon respect et ma
l’altro di dar tal protettore a
dévotion
queste mie fatiche, che quella
deuxième est de donner un tel
gratia, che forze da sé non
protecteur à mon labeur, que
troveriano appresso de molti, la
cette grâce qu’il n’aurait peut-
conseguiscano sotto l’ombra
être acquis tout seul auprès de
del nome suo, Ma come che si
beaucoup, il l’obtiendra sous
sia,
l’ombre de votre nom. Mais quoi
haverò
interamente
double
acquisition.
est
de
envers
La
pouvoir
vous.
La
sodisfatto a me stesso, quanto
qu’il
saperò che non le siano state
pleinement satisfait que lorsque
discare, prezzando io sopra
je saurai qu’il n’aura point été
tutte l’altre cose il giudizio suo
rejeté par vous, estimant plus
accompagnato
quella
que toute autre chose votre
cortesia, et amorevolezza con
jugement, accompagné de cette
che si fa schiavo chiunque la
courtoisie et de ces bontés qui
conosce. Di Roma alli 25
rendent esclave quiconque vous
Settembre 1582.
connaît.
da
en
soit,
De
je
ne
Rome
serai
le
25
septembre 1582.
Di
Vostra
Signoria
Illustrissima
De
Votre
Seigneurie
Illustrissime
Affettionatissimo
Servitore
Le
serviteur
très
45
Giovanni
de
affectionné
Macque
Giovanni de Macque
Si la lettre de dédicace de Macque ne nous apprend que peu de choses sur les liens qu’il
entretenait avec la maison Caetani, sa correspondance avec Norimberghi, qui vivait chez le
dédicataire du recueil, nous donne quelques informations supplémentaires.
Macque resta apparemment attaché – au moins formellement – à Camillo Caetani ainsi qu’à
son frère le cardinal Enrico après son départ de Rome. Le compositeur fait en effet allusion
assez fréquemment à ces deux personnages dans sa correspondance. Plusieurs fois, Macque y
évoque ses relations diplomatiques – apparemment délicates – avec le Cardinale et le Sr
Camillo. Dans une lettre du 7 mars 1586, Macque écrit :
46
Ringratio
Vostra
Je remercie infiniment
Signoria per infinite volte de la
Votre Seigneurie de la révérence
reverenza che a nome mio ha
qu’elle a faite en mon nom au
fatto al Signor Cardinale et al
Cardinal et au Seigneur Camillo,
Signor Camillo et se ben persiste
et bien que vous persistiez à
tuttavia
che
essayer de me convaincre d’écrire
scrivi a loro Signori Illustrissimi
à leurs Illustrissimes Seigneurs, je
Nondimeno non mi son risoluto
ne me suis pas encore résolu à le
ancora a farlo, si per parermi
faire. Il me semble en effet que je
ch’io potrei essere fasciato, se
risquerai d’être insolent, ou qu’au
non in altro almeno di haver
moins j’ai trop tardé à le faire, et
tardato troppo a farlo come
encore que cet office que Votre
ancora per parermi che questo
Seigneurie a réalisé en mon nom
offitio che Vostra Signoria ha
suffit ; mais s’il vous semble que je
fatto a nome mio basti, ma se pur
doive le faire à tout prix, je le ferai
le pare ch’io debba farlo in ogni
sans égard à ce qui pourrait
modo,
advenir.
in
il
persuadermi
farò
senza
haver
riguardo a quello che ne possa
avenire. 117
Dans une autre lettre du 2 juillet 1588, Macque dit espérer pouvoir avoir « le plaisir de jouir
pendant quelques jours de la très agréable conversation de son très cher Seigneur Camillo »
(« … godere per alcuni giorni la dolcissima conversatione del mio carissimo Sr Camillo
… ») lors d’un de ses prochains séjours à Rome 118 . Cependant, lorsque Norimberghi lui
suggère de revenir au service des Caetani en cas d’obtention du poste d’organiste à Saint Jean
de Latran, Macque ne cache pas ses réticences à l’idée de se retrouver au service d’un
cardinal. Dans la lettre du 28 avril 1589, il répond ainsi aux propositions de Norimberghi :
117
118
Archivio Caetani, n. 49315. Voir annexes.
Archivio Caetani, n. 28368. Voir annexes.
47
Entre-temps, si jamais
In tanto, se per sorte il
Signori
le parti que m’offrent ces
Illustrissimi m’offerissero, fusse
Illustrissimes Seigneurs était
tale
di
tel que je me résolusse à
lasciare questa per quella stanza,
laisser ce poste-ci pour celui-
di gratia, favoriscami di farmi
là, de grâce, informez-moi des
intendere quale suggettione et
assujettissements
qual obligo saria il mio nel
obligations qui seraient les
servitio di questi Signori,
miens
partito
che
ch’io
questi
mi
risolvesse
aciò
au
et
service
des
de
ces
che prima di risolvermi io sia
Seigneurs, afin qu’avant de me
instrutto di ogni cosa, che a dirgli
décider, je sois instruit de toute
il vero, io che quasi posso dire di
chose. À vous dire la vérité, il
essere stato tutto il tempo della
me semble, à moi qui peux
vita mia libero, parmi che saria
presque dire avoir été libre
quasi da trattare dell’impossibile
toute ma vie, qu’il serait peine
di ridurmi al presente in una
perdue de vouloir me réduire
servitù troppo soggetta, come
au jour présent à une servitude
sogliono
trop assujettie, comme le sont
essere
quelle
delli
Cardinali con tanta assiduità in
d’ordinaire
far continue guardie, et altre cose
cardinaux, que l’on doit, entre
simili, delle quali vorrei se non in
autre, aider en permanence et
tutto, almeno nella magior parte
avec grande d’assiduité. Je
essere essente, senza riconoscere
voudrais
altri
essere
sinon complètement, au moins
comandato da altri che dalli
de la majeure partie, et ne
patroni. Che a dire il vero a
devoir
Votra Signoria, s’io non stesse
supérieur, ni être commandé
più che commodo, parmi che
par un autre que mes maîtres.
farei una gran pazzia di lasciar
À vrai dire, si je ne devais y
Napoli, ove io son ben voluto, et
vivre
molto
questi
confortablement, il me semble
Signori, per andar a stentar
que je ferais une grande folie
supperiori,
altrove.
accarezzato
né
da
119
celles
en
être
des
exempté,
reconnaître
plus
aucun
que
de quitter Naples où je suis
apprécié et très bien traité par
ces
Seigneurs
souffrir ailleurs.
119
Archivio Caetani, n. 28368. Voir annexes.
48
pour
aller
L’intérêt que put revêtir ce second recueil de Madrigaletti et napolitane aux yeux de son
dédicataire provient peut-être du fait que ce dernier fut probablement en contact dès son
enfance avec certains pionniers du renouveau stylistique des années 1570. En effet, Camillo
Caetani eut certainement l’occasion d’entendre dans sa jeunesse le chanteur Alessandro
Merlo, cité par Vincenzo Giustiniani dans son Discorso sopra la musica parmi les interprètes
qui incitèrent les compositeurs à composer des « villanelles, mélanges de madrigal
contrapuntique et de villanelle » (« Villanelle miste tra Madrigali di canto figurato e di
villanelle ») 120 . Alessandro Merlo rentra en effet en 1559 au service de l’oncle de Camillo,
Nicolò Caetani, qui, d’après le biographe de la famille, était responsable de l’éducation de son
neveu. Camillo Caetani était donc probablement bien informé des nouveautés musicales de
son temps. L’intérêt de ce dernier pour ce nouveau type de pièces légères est en outre attesté
par le fait que, deux ans à peine après la parution des Madrigaletti et napolitane, Attilio
Gualtieri lui ait dédicaçé le Secondo libro delle canzonette alla napolitana a tre voci de Luca
Marenzio.
Madrigaletti ou napolitane ? Textes poétiques et
questions formelles
Introduction : les Madrigaletti et napolitane ou l’ambiguïté
des genres
Le titre choisi par Macque pour ses deux nouveaux recueils, Madrigaletti et napolitane, a déjà
attiré à plusieurs reprises l’attention des musicologues qui se sont intéressés aux frontières et
aux interférences entre genres légers et madrigal. Il s’agit en effet d’un titre à la fois
inhabituel et révélateur.
Le terme napolitane isolé était utilisé dans les années 1570 comme synonyme de canzone alla
napolitana 121 , notamment par Ferretti qui publia à la suite de son Secondo libro delle canzoni
alla napolitana a cinque voci (1569) deux recueils intitulés Terzo et Quarto libro delle
120
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica de' suoi tempi, op. cit., in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 107.
121
Le recueils sera d’ailleurs rebatisé Madrigaletti et canzonetti sic napolitane par Phalèse dans sa réédition de
1600.
49
napolitane a cinque voci (1570 et 1571) 122 . Madrigaletto étant un terme peu usité à la fin du
XVIe siècle, son sens est moins aisément définissable. Selon Ruth DeFord, Macque fut le
premier compositeur à l’utiliser dans un titre de recueil 123 . Cette dernière a relevé deux autres
occurrences du mot madrigaletto comme désignation de genre dans un titre, l’une utilisée par
Rinaldo del Mel dans ses quatre recueils de Madrigaletti a tre voci 124 , l’autre par Orazio
Scaletta dans ses Amorosi pensieri. Il secondo libro de madrigaletti a cinque voci (Venezia,
Scotto, 1590), auxquelles on peut ajouter le Primo libro di canzoni e madrigaletti a tre et a
quattro voci de Marcello Albano (Napoli, Carlino, 1616). Le terme madrigaletto est
évidemment utilisé aussi de manière plus informelle en dehors des titres de recueils,
notamment dans quelques lettres de dédicace. Madrigaletto est le diminutif de madrigal, au
même titre que canzonetta est celui de canzone. Par analogie, il est assez clair que, de même
que la canzonetta constitue la version « allégée » de la canzone 125 , le madrigaletto désigne un
madrigal de facture plus légère, moins travaillée.
L’intitulé Madrigaletti et napolitane laisse entendre qu’il y aurait deux types de pièces à
l’intérieur des recueils, d’un côté les madrigaletti, de l’autre les napolitane. Or, rien ne permet
de distinguer ces deux genres dans les imprimés, ni la table des matières, ni une quelconque
indication précisant la nature de chacun des numéros pris séparément. Il ne s’agit sans doute
pas d’une négligence de la part de l’éditeur ou de l’auteur. Ce dernier semble en effet avoir
été plutôt attentif à la finition de ses imprimés, si l’on en croit sa lettre du 7 juin 1586 :
Fra tanto mi farà
gratia
di
emendare
feriez-vous la grâce de corriger les
quell’errore ch’io le dissi
erreurs dont je vous parlais à votre
alle sua 126 partenza alli
départ à propos de mon livre à
miei libri a 4 cioè alla
quatre voix, en remplaçant, dans la
sestina nel principio, et ove
sextine
dice
strophe » et « deuxième strophe »,
prima
stanza
et
seconda stanza per fare che
122
Entre autres choses, me
par
du
début,
« première
« première
partie »
et
Sur la connotation du choix des titres des recueils de canzoni alla napolitana voir DEFORD Ruth, « Musical
Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth Century », op. cit., p. 115 et
ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit, p. 228.
123
Voir DEFORD Ruth, « Musical Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth
Century », op. cit., p. 119.
124
DEL MEL Rinaldo, Il primo libro delli madrigaletti a tre voci, rééd. Milano, Tini, 1590 ; Il primo sic. libro
delli madrigaletti a tre voci, rééd. Venezia, Gardano, 1593 ; Il secondo libro delli madrigaletti a tre voci,
Venezia, Gardano, 1586 ; Il terzo libro delli madrigaletti a tre voci, Venezia, Gardano, 1594.
125
Ruth DeFord définit la canzonetta comme « a miniature version of the canzone » (voir DEFORD Ruth,
« Musical Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth Century », op. cit.,
p. 117).
126
Macque a corrigé sue en sua, sans cependant corriger alle en alla.
50
dichi prima parte et seconda
« deuxième partie », et ainsi de suite
parte, et così tutte le altre
jusqu’à la sixième et dernière
sino alla sesta et ultima
partie, en m’excusant pour ce
parte,
dérangement dont je vous serai
perdonandomi
il
fastidio del quale le resterò
obligatissimo in eterno.
éternellement reconnaissant.
127
En outre, comme l’a noté Ruth DeFord, les auteurs prenaient généralement le soin de préciser
le genre de chaque pièce dans les recueils mixtes publiés dans la seconde moitié du XVIe
siècle :
L’importance de la distinction entre les différents genres profanes italiens est révélée par le
soin avec lequel les recueils publiés étaient dénommés. Les madrigaux étaient toujours
distingués clairement des autres genres, sauf dans les rares cas de styles ambigus. La
distinction entre madrigal et genres légers était encore plus évidente dans les recueils qui
regroupaient les deux types de pièces. Sur les vingt livres connus qui les mentionnent tous deux
dans leur page de titre, quinze indiquent clairement à quelle catégorie appartient telle ou telle
pièce (dans la table des matières ou sur chacune des pièces, ou bien les deux). 128
Selon Ruth DeFord, l’absence d’indication sur le genre de chacun des numéros peut être lue
comme un choix délibéré de la part du compositeur, destiné à exprimer la nature hybride de
cette musique. Toujours selon cette dernière, les Madrigaletti et napolitane seraient les
premiers recueils mixtes à laisser planer ainsi une ambiguïté sur leur genre 129 . Ces pièces sont
donc à la fois madrigaletti et napolitane, ou bien à mi-chemin entre ces deux genres.
Une partie de cette ambiguïté peut cependant être levée grâce à l’analyse des textes poétiques
et de la forme musicale, et surtout grâce la mise en évidence des squelettes métriques et
formels à la base des intonations. Le contenu des recueils, on le verra, n’est en effet pas
totalement uniforme et, sans pouvoir établir un classement rigide des numéros en deux
127
Archivio Caetani, n. 4311. Voir annexes.
« The importance of the distinctions among the Italian secular genres in the sixteenth century is evinced by
the care with which published collection were labelled. Madrigals were always distinguished clearly from the
other genres, except in the rare case of ambiguous styles. The distinction between madrigals and light genres
was most apparent in the published collections in which both types appeared together. Of the twenty known
books in which both were mentioned on the title page, fifteen contained clear indication (in the table of contents,
over the individual pieces, or both) of which pieces belonged to which category. », in DEFORD Ruth, « Musical
Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth Century », op. cit., p. 108-109.
129
Par la suite, seuls trois autres recueils n’opèreront pas la distinction entre les différents genres présents dans
leur titre : les Madrigali et canzonette a cinque voci de Orazio Caccini (Venezia, Vincenti, 1585), les Canzoni et
madrigali a quattro voci … libro secondo (Venezia, Amadino, 1591) de Nicolò Dalla Casa et enfin les Ardori
amorosi. Madrigali e canzonette a tre voci de Bartolomeo Ratti (Venezia, Amadino, 1599) ; voir DEFORD Ruth,
« Musical Relationships between the Italian Madrigal and Light Genres in the Sixteenth Century », op. cit.,
p. 110.
128
51
catégories, il est cependant souvent possible de déterminer de quel côté penche tel ou tel
numéro.
Choix poétiques
Sources et style130
Macque fit essentiellement appel à des textes anonymes pour ces deux recueils de
Madrigaletti et napolitane 131 . Seule une demi-douzaine d’entre eux se retrouve dans des
recueils de poésies, mais ces derniers datent généralement d’après la parution des deux
recueils 132 . Il s’agit le plus souvent d’anthologies de textes de villanelles et de napolitaines
ayant probablement acquis leur autonomie poétique grâce au succès de leur mise en musique.
À part quelques cas isolés, Macque eut certainement recours à des textes manuscrits. Même si
la totalité du premier livre et une grande partie du second constituent la première mise en
musique imprimée, il est possible que le compositeur ait aussi repris des textes de pièces
légères dont l’intonation circulait sous forme manuscrite.
Sans être de nature parfaitement homogène, les textes des Madrigaletti et napolitane sont tous
relativement courts (de quatre à sept vers, avec un unique exemple de trois vers) et écrits avec
l’attirail rhétorique, thématique et lexical pétrarquiste qui caractérise la presque totalité du
répertoire vocal italien de la fin du XVIe siècle 133 . Dans certains cas, ces techniques poétiques
sont utilisées de manière tellement systématique que le résultat peut atteindre les limites de la
versification mécanique :
Deh, non più strali, Amor,
Ah, plus de flèches, amour, ah, plus de feu !
deh, non più foco!
130
Toutes les informations sur les concordances poético-musicales proviennent du Repertorio della poesia
italiana in musica, 1500-1700 (RePIM), base de données on line réalisée sous la direction d’Angelo Pompilio et
disponible sur le site http://repim.muspe.unibo.it/repim/.
131
À part Quel si cocente fuoco de Pompilio Venturi (MN1, n. 17) et Amor io sento un respirar si dolce de Luigi
Cassola (MN2, n. 3) ; voir infra, tables 5a, 5b, p. 74.
132
Seuls deux textes furent publiés dans des recueils de poésies datant d’avant la parution des Madrigaletti et
napolitane : Amor io sento un respirar si dolce (in CASSOLA Luigi, Madrigali, Venezia, Di Ferrarii, 1544) et
Vorrei morir, poème anonyme publié vers 1561 dans une anthologie padouane (Opera nova, Padova, Pasquato,
pas avant 1561). Les autres sources poétiques des Madrigaletti et napolitane datent de 1590 (Napolitane e
vilanelle nove, Milano, s. éd., c. 1590) et de 1600 (Terzo fiore di vilanelle e arie napolitane, Venezia,
Zoppini, vers 1600 et Settimo fiore di vilanelle e arie napolitane, Venezia, Zoppini, c. 1600).
133
Les inflexions dialectales et les thématiques colorées qui caractérisaient les premières villanesche avaient déjà
commencé à se raréfier à partir de la fin des années 1550, au profit d’un registre plus élevé et plus neutre, proche
de celui du madrigal.
52
Ecco, son tutto vive fiamme
Voilà, je ne suis plus que vives flammes et feu,
e foco,
à quoi bon déchaîner les flammes et le feu ?
ché giova saettar le fiamme
Que sur Cloris soient lancés les flèches, les
e ’l foco?
flammes et le feu !
In Clori aventa e strali e
fiamme e foco!
L’immense majorité des poésies sont, comme le texte ci-dessus, des variations sur le thème de
la souffrance amoureuse, sujet privilégié des madrigalistes. De rares textes, cependant,
détournent les clichés de la poésie pétrarquiste en malmenant quelque peu l’image de l’être
aimé, comme par exemple Se del mio mal non curi (MN1, n. 15) :
Se del mio mal
Si tu ne soignes pas mon mal
non curi,
au moins prends pitié
almen
abbi
de toi, car ta beauté
pietade
di te, che tua
beltade
fuit plus vite que le vent
et tes cheveux d’or se font déjà d’argent.
fugge via più
che vento
e i capei d’oro
già si fan d’argento.
Cette description du vieillissement anticipé de l’ancien objet du désir du poète s’éloigne
passablement de l’esprit du madrigal, en se rapprochant d’autant plus de celui du répertoire
léger des origines. La villanesca des premiers temps, en effet, mettait souvent en scène des
amants acides, maltraitant voire insultant leur maîtresse trop revêche134 . Ce genre de texte
disparut progressivement (mais jamais complètement) lorsque, à partir des années 1560, le
répertoire léger commença à se policer, tant au niveau lexical que thématique.
La référence inversée à Pétrarque peut se faire aussi de manière détournée, en intégrant,
réécrivant et dévoyant certains vers célèbres du Canzoniere. Le premier recueil de
134
Voir par exemple Madonna non è più lo tiemp’antico des Canzon villanesche de Giovan Thomaso di Maio
(Venezia, Gardano, 1545) : Madonna non è più lo tiemp’antico/a qu’ell’uzanza che l’aucell’arava/non esser
tanto brava/s’io so de Sarn’e tu si de la Cava … (Madame, les temps anciens sont révolus/ainsi que les
manières chantées par les oiseaux./ne soit pas si prétentieuse/alors que je viens de Sarno et toi de Cava …).
53
Madrigaletti et napolitane s’ouvre par exemple sur une parodie du premier vers de la sextine
de Pétrarque Mai non vo’ più cantar come soleva (Je ne veux plus chanter comme j’en avais
l’habitude), qui devient Mai non vo’ pianger più come solea (Je ne veux plus pleurer comme
j’en avais l’habitude). Le résultat est d’autant plus parodique qu’il présente un amant délivré
des chaînes de l’amour, attitude antipétrarquiste par excellence :
Mai non vo’ pianger
più come soleva
Je ne veux plus pleurer comme je le
faisais
un
tempo
autrefois, quand j’étais tout ardent.
quand’ardeva.
Maintenant que je ne meurs plus en
Mo ch’io non moro
aimant,
amando
je veux aller toujours chantant,
vo'
andar
sempre
la corde est desserrée et la chaîne est
cantando,
rompue,
sciolto è lo laccio e
je suis libre et ne souffre plus.
rotta è la catena,
libero son e non pato
più pena.
La réécriture de grands modèles de la littérature est un procédé tout à fait courant dans le
répertoire poétique des genres légers. Quelques années plus tard, ce texte sera repris et
détourné encore une fois dans le Primo libro delle toscanelle a quattro voci de Gabriele
Villani 135 :
Mai non vo’ più cantar
come solea,
Je ne veux plus chanter comme j’en avais
l’habitude
allor che lieto ardea;
alors que, joyeux, j’étais tout ardent.
ora
Maintenant que je meurs d’amour,
ch’io
moro
amando,
j’irai toujours criant,
andrò
gridando,
sempre
la corde et la chaîne sont trop serrées
je suis prisonnier et souffre une double
135
VILLANI Gabriele, Il primo libro delle toscanelle a quattro voci, Venezia, Gardano, 1587.
54
troppo ristretto è ’l
peine.
laccio e la catena,
io son prigion e pato
doppia pena.
Les exemples de textes s’éloignant quelque peu des thématiques habituelles du madrigal sont
cependant très rares. Contrairement aux recueils de canzone alla napolitana de Ferretti par
exemple, les Madrigaletti et napolitane ne jouent pas avec les métaphores colorées
animalesques ou culinaires, ni avec la saveur des formes dialectales, dont l’origine remonte au
premier répertoire léger 136 . Fidèle à son projet d’écriture hybride, Macque a probablement
voulu éviter tout ce qui était trop connoté stylistiquement.
Formes métriques : origines et manipulations
Si les choix poétiques du compositeur reflètent une volonté de rester relativement neutre au
niveau de leur contenu thématique afin de ne pas pencher trop clairement vers un genre bien
déterminé, les schémas métriques des textes des Madrigaletti et napolitane trahissent, eux,
différentes origines.
Il est possible de retracer l’histoire de ces poésies grâce aux autres intonations parvenues
jusqu’à nos jours, l’examen des différentes versions nous renseignant en effet sur leur
appartenance à tel ou tel genre poétique.
a. Textes de madrigaux
À peu près la moitié des textes des Madrigaletti et napolitane furent musiqués par d’autres
compositeurs, et certains d’entre eux connurent même jusqu’à une vingtaine de versions
différentes. Si l’on compare toutes les autres intonations des textes, il apparaît que seul un
faible nombre d’entre eux fut remis en musique sous forme de madrigal de manière
systématique et, par conséquent, appartenait à plein titre au répertoire madrigalesque. Dans le
premier livre, quatre pièces furent musiquées uniquement comme madrigal, dont deux par
136
On trouve encore dans le dernier recueil de Giovan Ferretti (Il quinto libro di canzoni alla napolitana a
cinque voci, Venezia, Scotto, 1585) quelques pièces de caractère plus populaire : Berlinghin, berlinghin, dove
nasce ’sto bon vin ? (Berlinghin, berlinghin, d’où vient donc ce bon vin ?) ou Miracol in natura voglio
dire/d’aver sentito al castel di Barletta/’n asinel sardignolo che ragliava/e un Gallo contrapunti si cantava (Je
veux vous raconter un miracle de la nature :/j’ai entendu au château de Barletta/un âne sarde qui braillait/et un
coq qui chantait du contrepoint).
55
Macque lui-même dans son Quarto libro de madrigali a cinque voci (La salamandra se nel
foco dura et Non sentirò mai pena). Dans le deuxième livre, seuls deux textes sont tirés du
fonds poétique madrigalesque. Le premier, Amor io sento un respirar sì dolce de Luigi
Cassola, constitue un classique du genre. Il fut mis en musique une dizaine de fois entre 1569
et 1612, et toujours comme madrigal. Le deuxième, Quando sorge l'aurora, a une histoire
intéressante qui nous renvoie à l’émulation qui semble avoir existé entre Marenzio et Macque
dans les années 1580. Jusqu’en 1622, Macque et Marenzio furent les seuls madrigalistes à se
l’approprier. Marenzio, le premier, le mit en musique dans son Secondo libro de madrigali a
cinque voci de 1581. Macque en proposa ensuite trois intonations successives. La première
apparut dans son Secondo libro de madrigaletti et napolitane, soit un an à peine après la
parution de la version de Marenzio. Il ne s’agit probablement pas là d’une coïncidence
chronologique : comme on le verra, il existe de fortes ressemblances entre ces deux pièces. En
1586, Macque en composa une deuxième intonation dans son Primo libro de madrigali a
quattro voci et enfin, une dizaine d’années plus tard, une ultime version dans son Quarto libro
de madrigali a cinque voci (1599-1600).
Ces quelques poésies d’origine madrigalesque se distinguent des autres par plusieurs aspects
formels. Leurs dimensions sont globalement plus étendues que le reste des autres textes ; Non
sentirò mai pena, Amor io sento un respirar sì dolce et Quando sorge l’aurora ont par
exemple une longueur de sept vers, qui est le maximum atteint dans les Madrigaletti et
napolitane. D’autre part ces textes se rapprochent du madrigal poétique au niveau formel.
Leurs schémas métriques ne répondent en effet à aucun modèle de versification standard,
mais sont caractérisés au contraire par une libre alternance d’hendécasyllabes et de
septénaires, comme dans l’exemple suivant :
La Salamandra se nel foco dura
A 137
miracolo non è che ’l fa natura,
A
ma che voi nel mio core,
b
ch’è tutto fiamme e fuoco,
c
essendo ghiaccio ritroviate loco,
C
questo sì ch’è miracolo d’Amore.
B
b. Textes strophiques
137
J’utilise pour tous les schémas de versification les conventions habituelles de la métrique italienne : lettres
majuscules pour les hendécasyllabes (ABC…), minuscules pour les septénaires (abc), lettres minuscules avec un
indice indiquant le nombre de syllabes dans les autres cas (a5, b5, c5). L’indice t indique un vers tronco, c’est-àdire un vers accentué sur la dernière syllabe (a5t, b5t, c5t).
56
Si quelques textes des Madrigaletti et napolitane appartiennent, comme on vient de le voir, à
la tradition madrigalesque, la plupart d’entre eux font clairement partie du répertoire poétique
mineur. Dix textes du premier recueil et cinq du second ne furent en effet mis en musique que
comme genre léger 138 .
Au niveau formel et métrique, ces textes présentent de nombreuses ressemblances. Les deux
tiers d’entre eux ont en effet une longueur de quatre vers et sont construits sur le même
modèle de versification AABB (avec variante dans la disposition des septénaires et des
hendécasyllabes). Ce schéma métrique a une forte saveur de villanelle en ce qu’il nous
renvoie à la première strophe du type métrique le plus usité pour la versification des genres
légers à partir des années 1580 : AABB CCDD EEFF GGHH (Concetta Assenza a en effet
dénombré pas moins de 490 exemples de ce type dans les recueils de pièces légères publiés
entre 1580 et 1615 139 ).
Il n’est donc pas étonnant de retrouver une grande partie de ces textes comme premières
strophes de villanelle ou de canzonetta dans d’autres intonations, ce qui rend possible la
reconstitution du texte « entier » d’un certain nombre de poésies utilisées par Macque. En
général, les versions complètes comportent quatre strophes – ce qui correspond à la forme
standard des genres légers – comme dans l’exemple suivant :
Macque : MNI, n. 17
Croce
Quel sì cocente foco,
Quel sì cocente foco,
ch'al mio misero petto in ogni loco
ch'al mio misero petto in ogni loco
dava pena e tormento,
mi die pene e tormento,
sdegno per mia ventura oggi l’ha
sdegno per mia ventura oggi l’ha spento.
spento.
Quella dura catena,
cagion d’ogni mio affano, e aspra pena
138
139
Voir infra, table 5a et 5b, p. 74.
ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit., p. 109.
57
ove legommi Amore,
sdegno l’ha rotta, e risanato il core.
Quella piaga mortale,
che col pungente e velenato strale
amor mi fè nel petto,
sdegno l’ha risanato al suo dispetto.
Tal che saldato il core,
mercè del cielo, è spento il fiero ardore,
fuor dell’indegno laccio,
la cara libertà stringo et abbraccio. 140
Lorsqu’il existe plusieurs autres intonations, il n’est pas rare de constater de fortes variantes
entre les textes, comme l’illustrent les trois versions suivantes de Cercai fuggir Amore, dont
voici la leçon choisie par Macque (MN1, n. 18) :
Cercai fuggir Amore
per non sentir dolore,
or tal è la mia sorte
ch’ognor bramo la morte.
140
CROCE Giovanni, Canzonette a quattro voci, Venezia, Vincenti, 1588.
58
et celles de Rossi (1589), Orologio (1594) et Albano (1618), (les variantes sont mises en
évidence en caractère gras ; noter le déplacement des vers ma amor in ogni loco/cresce
fiamm’al mio foco de la troisième à la deuxième strophe chez Orologio) :
Rossi
Orologio
Albano
Cercai
Cercai
Cercai
fuggir amore
per
fuggir amore
non
sentir dolore,
fuggir amore
per non
sentir dolore,
or son a sì
ria sorte
per
sentir dolore,
or son a
sì ria sorte
ch’ognor
non
or son a sì
ria sorte
ch’ognor
ch’ognor
bramo la morte.
bramo la morte.
Cercai
Cercai
Cercai
d’allontanarmi
d’allontanarmi
d’allontanarmi
per più non
consumarmi,
et
per
più
non consumarmi,
or
novello strale
ma amor
in ogni loco
rinova ogni
mio male.
al
per
più
non consumarmi,
et
or
novello strale
cresce
fiamme
desio la morte.
mio
rinova
ogni mio male.
foco.
Cercai che
col partir
Credea
Credea
che col fuggir
che col fuggire,
finisse
il
mio martire,
finisse
finisse il
il
mio languire,
mio martire,
ma Amor in
141
142
ma Amor
ROSSI Salomone, Il primo libro delle canzonette a tre voci, Venezia, Amadino, 1589.
OROLOGIO Alessandro, Secondo libro di canzonette a tre voci, Venezia, Gardano, 1594.
59
e
ogni luoco
pur
in ogni luoco
l’antico strale
cresce
fiamme
al
in
cresce
rinova
mio
fiamme
ogni mio male.
fuoco.
Tal
più
mi
consumo e struggo,
consumo
mio
fuoco.
che
Ahi,
quanto più fuggo,
quanto più fuggo,
più
Tal
che
al
in
quanto più fuggo,
mi
più
e
consumo e struggo,
mi
struggo,
ch’eterna
ch’eterna
ch’eterna
vuol che sia
vuol che sia
vuol che sia
amor
pena mia.
la
141
amor
amor la
pena mia.
pena mia.
143
142
Dans certains cas, les strophes ajoutées peuvent n’avoir absolument rien à voir entre elles,
comme en témoignent les deux autres versions de Donna leggiadra e bella, texte musiqué par
Bellasio en 1592 et par Orologio en 1593. Voici la leçon choisie par Macque (MN2, n. 15) :
Donna leggiadra e bella,
voi sete la mia stella
a cui si volge il core
nelle tempeste del crudel Amore.
et celles de Bellasio et Orologio :
Bellasio
143
144
Orologio
ALBANO Marcello, Il primo libro di canzoni e madrigaletti a tre et a quattro voci, Napoli, Carlino, 1616.
BELLASIO Paolo, Villanelle a tre voci, Venezia, Gardano, 1592.
60
la
Donna
leggiadra
Donna
e
leggiadra
e
bella,
bella,
voi sete la mia stella
voi sete la mia stella
e ’l cor tolto m’avete,
a cui si volge il core,
perché
non
me
nelle
’l
tempeste
del
crudel Amore.
rendete?
Voi sete il mio tesoro,
E con volto amoroso,
quella che sol onoro,
sete il vero riposo
e voi senza pietate
che da conforto e lena
ognor più m’involate.
all’alma stanca sotto
grave pena.
Rendemi il cor mio,
Poi con soave sguardo,
che questo sol desio;
quanto più nel foco
e se ’l vostro m’è dato,
ardo,
mi sarà assai più grato.
sete la mia dolce aura
che tutto mi consola e
Così di pari ardore,
ristaura.
vivrem senza dolore,
In somma sete tale,
e l’amoroso foco
li farà festa e gioco. 144
che nel mio maggior
male,
corro a voi per aita
se essa risposo et ansa
145
OROLOGIO Alessandro, Canzonette a tre voci, Venezia, Gardane, 1593.
61
e di mia vita. 145
Seuls les deux premiers vers convergent. Il s’agit là d’un des innombrables exemples de
réécriture de textes de genre léger qui, loin de constituer des objets fixes, se déconstruisaient
et se reconstruisaient entre les mains des différents compositeurs.
Dans un cas, Macque a sans doute repris deux couplets d’un texte strophique, pour en faire
deux pièces différentes. Il s’agit des numéros quatre et cinq du second livre : Vorrei morire,
suivi immédiatement de S'io non t'adoro. Les deux poèmes mélangent les pentasyllabes,
(mètre résolument peu standard en Italie à la fin du XVIe siècle) 146 à des septénaires tronchi
(accentués sur la dernière syllabe), en suivant le même schéma métrique a5 a5 b5 b5 c7t c7t :
MN2, n. 4
Vorrei
a5
morire
per
presto
a5
uscire
d’affanni
e
b5
mio
b5
Ma se vita
c7t
pene,
dolce
bene.
non ho,
crudel, come
c7t
S’io
non
a5
o mio tesoro,
a5
se
questo
b5
per te non
b5
farò?
MN2, n. 5
t’adoro,
core
146
L’usage généralisé d’autres mètres que le septénaire et l’hendécasyllabe n’apparaît qu’avec le succès des
œuvres de Chiabrera (1552-1638), à la toute fin du XVIe siècle.
62
more,
non
regni
c7t
tua
c7t
mai pietà
nella
gran beltà!
Etant donnée la nature peu usuelle de ce schéma de versification, il est tout à fait probable que
ces deux poésies aient appartenu à un unique texte, découpé en plusieurs parties. Les deux
intonations, qui présentent de nombreuses correspondances, confirment cette hypothèse. De
plus, les deux pièces furent reprises dans le second recueil de contrafacta en latin Hortus
musicali, quinq, et sex vocibus imprimé par Berg en 1609 avec les indications prima parte,
seconda parte, comme s’il s’agissait-là d’une unique pièce 147 . La version strophique de
Vorrei morir par Magri 148 ne présente cependant pas la moindre trace de cette hypothétique
deuxième strophe. 149
Les textes de trois, cinq et six lignes nous renvoient à des schémas métriques plus anciens ou
plus rares. L’unique exemple de trois lignes (MN2, n. 7) :
Vaga bellezza e bionde treccie
A
vedi per te ch’io moro,
b
oimè, non più martoro!
b
d’oro,
correspond à une variante de l’une des formes poétiques plus couramment utilisées dans les
années 1540 et 1550, ABb ABb ABb CCb 150 . Cette dernière présente la particularité de
conclure chaque strophe par un vers fixe. La version de Torti possède en effet un refrain, avec
une variante dans le dernier couplet 151 :
Vaghe bellezze e bionde treccie d’oro,
147
Voir infra, p. 144.
DE MAGRI Floriano, Canzonette vilanelle et arie a due voci, Milano, Tini, 1611.
149
Le texte musiqué par Magri présente quatre strophes :
Vorrei morire/per prest’uscire/di guai e pene/dolce mio bene./Ma se vita non ho,/crudel come farò?
E tu ben sai/ ch’alli miei guai/al mio dolore/nutrisce ’l core/se vita non ho più/forz’è che mori tù.
Non mi celare/tue luci rare/che se mi fuggi/poi più mi struggi/e se te non vedrà/quest’alma morirà.
Vinca pietade/tua crudeltate/non far che mora/ma ch’ad ognora/con pura è vera fè/si strugge amando te.
150
Voir ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit., p. 102.
151
Les variantes du vers fixe (tormento replace martoro dans la dernière occurrence) peuvent s’expliquer par un
désir d’assouplir la forme couplet-refrain, aux connotations trop rustiques et populaires pour le goût des années
1580.
148
63
vedi per te ch’io moro,
ahimè, non più martoro!
Petto di neve, et occhi di zafiro,
per voi piango, e sospiro,
ahimè, non più martoro!
Somme bellezze, e sempre in augumento,
per voi morir mi sento,
ahimè non più tormento! 152
Certains textes de cinq et six lignes proviennent eux aussi de formes moins courantes de
villanelles à refrain, comme par exemple la deuxième pièce du deuxième livre :
Preso son io nelle più belle braccia
A
che fece mai natura.
b
Deh, dolce mia ventura!
b
Non so che far mi deggia,
c
il meglio è ch’io mora amando, e
C
taccia.
qui dérive d’une forme à refrain (AbbcC DeecC FggcC IjjcC), que l’on retrouve chez
Zappasorgo :
152
Preso son io nelle più belle braccia
A
che fecce mai natura.
b
Deh, dolce mia ventura!
b
Non so che far mi deggio,
c
il meglio è ch’io mi mora amando, e taccia.
C
Pur or mi specchio in la più bella faccia,
D
che mai creasse ’l mondo.
e
Deh, viso mio giocondo!
e
TORTI Lodovico, Il secondo libro delle canzoni a tre voci, Venezia, Vincenti et Amadino, 1584.
64
Non so che far mi deggia,
c
il meglio è ch’io mi mora amando, e taccia.
C
Ahimè! che ’l cor nel mio petto s’aggiaccia
F
e mi sento morir,
g
pensando al mio partire.
g
Non so che far mi deggia,
c
il meglio è ch’io mi mora amando, e taccia.
C
Ecco Febo, che viene, e mi disfaccia
I
dal dolce amato seno.
j
Ahi, sol d’invidia pieno!
j
Non so che far mi deggia,
c
il meglio è ch’io mi mora amando, e taccia.
C
153
En choisissant de mettre en musique les strophes initiales de pièces strophiques, Macque fait
un choix stylistique tout à fait significatif qui correspond parfaitement à son projet d’écriture
hybride. Aux genres légers, il emprunte certaines structures métriques fixes qui, au-delà de
leur capacité à évoquer un registre stylistique précis, induisent souvent, on le verra, un type
d’organisation formelle bien déterminé de la matière musicale. Cependant, en amputant les
textes de leurs autres strophes, Macque s’affranchit de ce qui caractérise le plus les genres
légers : leur structure strophique, impliquant l’utilisation d’une même musique pour des
paroles différentes. Il s’agit là de la plus grande différence formelle entre le madrigal et les
genres légers. Le madrigal est en effet par nature durchkomponiert. L’aspect sémantique du
texte dictant à la pièce sa structure musicale, deux mots différents ne peuvent théoriquement
recevoir une même intonation, sauf si cela se justifie au niveau rhétorique 154 . C’est la raison
pour laquelle l’aspect « informe » du madrigal poétique s’adapte parfaitement à son
homologue musical. Les genres légers, au contraire, cherchent la coïncidence entre la forme
poétique et la forme musicale et font prévaloir l’aspect structurel. Si deux strophes de
villanelle sont façonnées sur le même modèle métrique, elles peuvent recevoir la même
intonation, même si leur contenu sémantique est de nature opposée.
153
154
ZAPPASORGO Giovanni, Napolitane a tre voci, Venezia, Scotto, 1571.
Par exemple dans certains types de constructions syntaxiques (accumulations et anaphores notamment).
65
Macque se trouve exactement à mi-chemin entre ces deux approches antithétiques. Il récupère
un certain carcan formel caractéristique des genres légers, à l’intérieur duquel, s’étant
émancipé de la structure strophique, il peut opérer à la manière d’un madrigaliste. Les textes
strophiques ont été en quelque sorte « madrigalisés ». Macque ne fut pas le premier
compositeur à réaliser cette synthèse ; il s’inspira en effet de la canzone alla napolitana des
années 1570. À partir du début des années 1570, Giovanni Ferretti, Alessandro Merlo et
Girolamo Conversi utilisèrent
en effet essentiellement des textes monostrophiques, qui
provenait en majorité de premiers couplets de villanelles 155 .
c. Textes mixtes
Les quelques textes mixtes appartenant à la fois au fonds poétique du répertoire léger et du
madrigal (un seul dans le premier recueil, trois dans le second 156 ) sont sans doute ceux qui
répondent le mieux à l’esprit hybride des Madrigaletti et napolitane. Ces textes sont placés au
croisement du répertoire poétique des genres légers et du madrigal, et sont le reflet des
échanges intenses qui s’établirent entre ces deux genres à la fin du Cinquecento 157 . Les textes
ne passaient pas d’un répertoire à l’autre sans quelques petits ajustements, comme en
témoignent les diverses versions de Non vedo oggi il mio sole. Macque fut le premier à
utiliser une forme « allégée » de ce texte qui, depuis sa première intonation par Francesco
Corteccia en 1542, appartenait pleinement à la tradition madrigalesque158 .
Les modifications opérées par Macque sont tout à fait significatives :
Madrigal original
Macque, MN2, n. 1
Non vedo oggi il mio sole
Non veggio oggi ’l mio sole
splender del loco usato,
splender nel loco usato,
155
Voir ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit. p. 227 et du même auteur, Giovan Ferretti
tra canzonetta e madrigale, con l’edizione critica del Quinto libro di canzoni alla napolitane a cinque voci
(1585), op. cit., p. 41.
156
Voir infra, tables 5a et 5b, p. 74.
157
Voir DEFORD Ruth, « The Influence of the Madrigal on Canzonetta Texts of the Late Sixteenth Century »,
Acta musicologica, LIX, 1987, p. 127-139.
158
Le texte ne connut pas moins de six différentes versions musicales entre 1542 et 1581.
159
Je ne vois aujourd’hui mon soleil/rayonner à l’endroit d’autrefois/et n’entends les très douces paroles/qui
pouvaient me rendre heureux./Comment alors puis-je rester en vie/sans l’aide que j’avais autrefois ?/Où est la
lumière de mon âme ? où a-t-elle disparu ? /Je suis contraint de la suivre et où mes pieds me portent/mes yeux
seront à mon cœur une fidèle escorte,/cherchant ma Déesse/que j’adore en cette terre/afin de donner paix ou
trêve à ma guerre.
66
né sento le dolcissime parole
né sento le dolcissime parole
che mi pon far beato.
che mi pon far beato.
Come
dunque
posso
Come viver posso io senz’alma e
io
tenermi in vita
senza l’usata aita?
core?
Porgimi aita, Amore! 160
Ov’è l’alma mia luce, ov’è
sparita?
Seguirla è forza e dove i piè
mi porta
gl’occhi saranno al cor fidata
scorta,
cercando la mia Dea,
ch’io adoro in terra,
per dar o pace o tregua alla
mia guerra. 159
Les quatre premières lignes du poème, qui forment une unité syntaxique, ne sont affectées par
aucune modification. La seconde partie, plus complexe au niveau stylistique avec sa
conclusion très pétrarquiste, est remplacée par une simple invocation à l’amour, à mi-chemin
entre le refrain de canzonetta et la conclusion spirituelle de madrigal épigrammatique 161 .
Par la suite, toutes les intonations du texte appartiendront au répertoire léger, sous forme
monostrophique (Macque, Del Mel ou Wert), ou bien strophique. Les versions strophiques
présentent de nombreuses variantes – lexicales, dans la disposition du refrain, dans le choix et
160
Je ne vois aujourd’hui mon soleil/rayonner à l’endroit d’autrefois/et n’entends les très douces paroles/qui
pouvaient me rendre heureux./comment donc puis-je vivre sans âme et sans cœur ?/Viens à mon aide, Amour !
161
Sur le madrigal épigrammatique, voir infra, p. 179.
67
le nombre de strophes, etc. – comme l’illustre la table 2 qui reporte les versions de Hassler,
Dragoni, Giovannelli, Orologio, Mogavero :
table 4 : six versions de Non vedo oggi il mio sole
Hassler/Dragoni/Giovannelli
Mogavero
Orologio
Non vedo oggi il mio sole
Non
Non veggio
veggio
oggi il mio sole
oggi il mio sole
splender nel loco usato,
splender
né sento le dolcissime parole
né
Porgimi aita, Amore!
sento
le
né sento le
dolcissime parole
dolcissime parole
alma e core?
splender nel
loco usato,
loco usato,
che mi pon far beato.
Come viver posso io senza
nel
che mi pon
che mi pon
far beato.
far beato.
Come
viver
Come viver
posso io senza ’l
posso io
mio core?
Valli riposte e monti,
senza alma e
deserte e apriche piagge,
Porgimi
senza core?
aiuta, Amore!
Porgimi aita,
limpidi freschi e cristallini
amore!
fonti,
Non veggio
antri e fiere selvagge,
il biondo crine
Si
voi godete il sereno almo
rassereni
sparger
l’aria
splendore.
al
sol le chiome,
Porgimi aita, Amore!
e
a
mostri cara
162
me
si
né sento più
HASSLER Hans Leo, Canzonette a quattro voci, Norimberga, Gerlach, 1590 ; DRAGONI Giovanni Andrea, Il
primo libro delle villanelle a cinque voci, Venezia, Scotto, 1588 ; GIOVANNELLI Ruggiero, Primo libro delle
villanelle et arie alla napolitana, Venezia, Vincenti, 1588.
163
MOGAVERO Antonio, Canzonette alla napolitana, Venezia, Vincenti, 1591.
68
quella
ch’ha
cantar soave rime
nel suo grembo il
Ite rime dolenti,
del
Paradiso,
suo
leggiadro nome.
trovate il mio bel lume
Piena
e cantando narrate i miei
tormenti
di
Come viver
grazia cara.
posso io senza ’l
Come
viver
mio core?
posso io
e con un largo fiume,
Porgimi
spargo da gl’occhi miei a
senza alma e
aiuta, Amore!
senza core?
tutte l’ore.
Porgimi aita,
Porgimi aita, Amore!
Non veggio
amore! 163
le viole
poste
Or dammi, amor, aita,
nel
bianco petto,
con un breve ritorno,
né veggio in
conduci in qua quella beltà
specchio remirarsi
al sole
infinita
mirando
che rende luce al giorno,
il
vago aspetto.
ma se non mi contenti io
Come viver
dirò forte:
posso io senza ’l
« Guidami,
morte! ».
Amor,
a
162
mio core ?
Porgimi
aiuta, Amore! 164
164
OROLOGIO Alessandro, Canzonette a tre voci, Venezia, Gardano, 1594.
69
Macque conclut le deuxième livre, par un dialogo qui constitue l’unique poésie strophique de
tous les Madrigaletti et napolitane. L’appellation dialogo renvoit à la structure dialogique du
texte :
Tre graziosi Amanti
a
Trois gracieux amants,
a la sua donna avanti:
a
se trouvaient devant leur
«Se tu mori, cor mio, disser
B
dame :
« Si tu meures, mon cœur,
d’accordo,
B
dirent-t-ils ensemble,
e che ne lascierai per tuo ricordo?»
que laisseras-tu en souvenir
c
de toi ? »
Con le labbra di rose
c
al primo ella rispose:
D
«La mia corona avrai perché tu
D
possa
Avec des lèvres de rose
au premier elle répondit :
« Tu auras ma couronne,
impetrar pace a l’alma e requie a
l’ossa.»
afin de pouvoir
e
impétrer la paix à l’âme et le
e
Poi soggionse al secondo,
con sembiante giocondo:
F
F
«Il mio orologio tuo voglio che sia,
per rimembrar talor la vita mia.»
repos aux os. »
Puis elle ajouta au second,
avec
un
même
visage
souriant :
g
« Je veux que tu aies mon
g
Al fin le luci affisse
H
H
70
horloge
pour que tu te souviennes
nel vero amante e disse,
parfois de ma vie. »
sospirando: «Ben mio, ti lascio il
core,
Enfin, elle fixa les yeux
che
specchio
ti
sarà
d’eterno
amore.»
sur son véritable amant et
elle dit,
en soupirant : « Mon bienaimé, je te laisse mon cœur,
qui te sera le miroir de mon
éternel amour. »
Malgré sa structure strophique, ce texte a été mis en musique aussi bien comme genre léger
que comme madrigal sans subir presque aucune modification. Il n’est pas inutile de comparer
les différentes solutions opérées par les compositeurs qui musiquèrent le texte. Molinaro, dans
son Primo libro di canzonette a tre e a quattro voci (Venezia, Gardano, 1595), respecte les
canons de la canzonetta et met en musique le texte de manière strophique : une unique
intonation pour tous les couplets (voir Ill. 1). Del Mel, dans son Secondo libro delli
madrigaletti a tre voci (Venezia, Gardano, 1586) adopte au contraire une attitude de
madrigaliste et découpe le texte en quatre parties différentes, avec les indications prima parte,
seconda parte etc., caractéristiques du madrigal165 .
Macque, encore une fois, se trouve à mi-chemin entre ces deux approches. Il opte pour une
intonation durchkomponiert en une seule partie, avec un certain nombre de rappels
thématiques rythmant la structure strophique du texte, notamment au début des strophes (voir
exemples musicaux 5a et 5b) 166 .
165
166
Voir transcription en annexes.
Voir transcription en annexes.
71
Ill. 1 : MOLINARO Simone, Primo libro di canzonette a tre e quattro voci, Venezia,
Gardano, 1595, basso, p. 8 167
exemple musical 1a : Tre
graziosi amanti (MN2, n. 21) incipit
167
exemple musical 1b : Tre
graziosi amanti (MN2, n. 21) brève 20
L’imprimé est consultable au Civico Museo Bibliografico Musicale de Bologne (cote T. 129).
72
Sur la base de l’étude et la comparaison des différentes versions des textes des Madrigaletti et
napolitane, il est possible, par analogie, de formuler des hypothèses quant à l’origine des
poésies dont il n’existe que l’intonation de Macque. Certaines d’entre elles ont un schéma
métrique suffisamment caractérisé pour ne laisser que peu de doutes sur leur provenance.
Selon toute probabilité, Mentre al mio chiaro e vivo sol mirava (MN1, n. 4) :
Mentre al mio chiaro e vivo
A
sol mirava,
come cigno cantava,
a
et or che ne son privo,
b
come
palustre
augel
B
piangendo vivo.
provient d’une strophe de pièce légère, de même que Altro non voglio altro non cerco e
bramo (AaBB) du premier livre, Bacciami vita mia (aABB) et Fammi pur guerra ognor o mia
guerriera (AaBB) du deuxième livre. Se nel leggiadro viso (abcbcAA), ou Talor mi s'avicina
(abBccDD) du deuxième recueil, appartiennent par contre très probablement au répertoire
madrigalesque.
Les choix poétiques des Madrigaletti et napolitane sont tout à fait révélateurs du style hybride
recherché par leur auteur. Les textes des deux recueils se situent en effet dans le mince
interstice qui sépare les genres légers du madrigal, espace suffisamment large cependant pour
permettre un petit éventail stylistique, allant de la napolitana au madrigaletto, de la poésie
d’origine strophique « madrigalisé » au petit madrigal, en passant par les textes mixtes
réalisant une passerelle entre les deux genres.
73
table 5a : textes des MN1, sources, intonations et formes
autres intonations
ex
première
intonation
d’u
int
n
Textes
auteur ou source
madriga
genres
mixt aucu
chez
str
ux
légers
e
Macque
e
x
ne
1.Mai non vo' pianger più come
soleva
3
x
2.Per pianto lo mio core
1
x
1
x
Napolitane
e
vilanelle
nove,
Milano, sans nom
3.Tanti martir mi date
d’étiteur, 1590?
4.Mentre al mio chiaro e vivo sol
mirava
x
x
5.Dico spesso al mio core
3
x
x
6.Una fiammella viva
2
x
x
x
x
Terzo
vilanelle
fiore
&
di
arie
napolitane, Venezia,
7.Vola vola pensier fuor del mio Zoppini,
petto
1600]
[vers
1
4
x
8.Fuggi pur quanto sai
x
x
9.Se tu vuoi pur ch'io muoia
x
x
10.O begli occhi sereni
1
x
moro
1
x
12.Vorria saper da voi occhi mortali
2
x
11.Scoprirò l'ardor mio con dir ch'io
13.S'io potessi cantando
14.Questi leggiadri fiori
74
x
2
x
x
x
15.Se del mio mal non curi
1
x
16.Altro non voglio, altro non cerco
e bramo
17.Quel sì cocente foco
x
Pompilio Venturi
18.Cercai fuggir Amore
x
3
x
x
7
x
x
19.La salamandra se nel foco dura
1
x
20.Non sentirò mai pena
1
x
21.Poi che non posso dire
x
x
75
table 5b : textes des MN2, sources, intonations et formes
autres intonations
première
genre
intonation
s
Textes
auteur ou source
1.Non veggio oggi il mio sole
léger
mixt aucu
chez
madrigaux
s
e
Macque
7
14
x
2.Preso son io nelle più belle braccia
ne
2
Luigi
Cassola,
Madrigali, Venzia,
3.Amor io sento un respirar sì dolce
Di Ferrarii, 1544
Opera
Padova,
7
nova,
Lorenzo
Pasquato,
[pas
avant 1561]
4.Vorrei morire
3
x
5.S'io non t'adoro
x
x
6.Bacciami vita mia
x
x
7.Vaga bellezza e bionde treccie d'oro
1
2
x
x
8.Deh non più strali amor deh non più
foco
x
x
9.Vorrei nel chiaro lume
x
x
10.Se nel leggiadro viso
x
x
11.Se quel vital umore
x
x
12.A che più tender l'arco
x
x
13.Clori dunque mi lasci ahi non
x
x
76
fuggire
14.Quando sorge l'aurora
7
15.Donna leggiadra e bella
6
x
16.Talor mi s'avicina
x
x
guerriera
x
x
19.Amor scorse dagli occhi di mia diva
x
x
17.Tu ridi sempre mai
5
18.Fammi pur guerra ognor o mia
20.Amar donna ch'è bella
2
Settimo
fiore
vilanelle
&
di
arie
napolitane,
Venezia,
21. Tre graziosi amanti
Zoppini,
[vers 1600]
2
3
x
x
De la forme métrique à la forme musicale
Diversité formelle
L’analyse de la forme musicale est intimement liée aux schémas de versification mis en
évidence précédemment. De même que la nature hybride des Madrigaletti et napolitane se
reflète dans les différents types métriques des textes, la forme musicale des pièces constitue
un aspect révélateur de la fusion des styles.
Au-delà de leur approche différente à la forme globale (strophique dans un cas, nonstrophique dans l’autre), les genres légers et le madrigal ont une organisation interne
antinomique. La grande majorité du répertoire léger répond en effet à des canons standardisés
dans l’organisation de la strophe, même s’il est possible d’identifier une multitude de types
formels. Le dénominateur commun de tous ces modèles formels est la répétition de section.
77
Celle-ci est notée bien souvent avec des signes de reprise (voir par exemple infra, Ill. 2, p.
81) 168 , ce qui renforce l’impression de carcan rigide, ne laissant aucune place à la variation.
Le madrigal ne répond au contraire à aucun schéma fixe dans son organisation formelle.
Certains vers peuvent être répétés plusieurs fois (généralement avec quelques variantes), mais
sans pour autant suivre de manière précise un canevas structurel bien déterminé. Même si l’on
peut déceler une tendance des madrigalistes à répéter le dernier vers ou les deux derniers vers
des pièces, cet aspect est cependant considéré plus comme une influence des genres légers sur
le madrigal que comme une particularité intrinsèque du genre.
Les Madrigaletti et napolitane mélangent schémas formels stéréotypés et pièces structurées
de manière beaucoup plus libre. Il est possible de mettre en évidence un lien entre la nature du
schéma de versification, plus ou moins connoté génériquement, et le degré de standardisation
de la forme musicale, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit bien sûr plus d’une tendance que
d’une règle rigide.
a. Amplification de villanelles
Les textes à la plus forte saveur de napolitana, on l’a évoqué précédemment, répondent au
modèle de versification AABB (avec variantes dans la disposition des septénaires et des
hendécasyllabes). Il est tout à fait significatif que Macque ait utilisé presque
systématiquement la même articulation musicale pour l’intonation de ce type de texte. Le
compositeur a en réalité repris la forme musicale traditionnellement associée à ce schéma
métrique, ce qui rend la comparaison entre les autres versions et celle de Macque tout à fait
intéressante.
Dans le premier recueil, huit textes 169 sont construits sur ce modèle de deux distiques à rimes
plates. Sur ces huit textes, sept sont articulés exactement de la même manière 170 , selon le
schéma suivant :
Schéma
Forme musicale
métrique
168
À ce propos, voir CARDAMONE Donna G., « Forme metriche e musicali della canzone villanesca e della
villanella alla napolitana », Rivista italiana di musicologia, XII, 1977, 25–72 et ASSENZA Concetta,
« Declinazioni di stile musicale nella canzonetta tra il secolo XVI e XVII » in La canzonetta dal 1570 al 1615,
op. cit., p. 123-190.
169
Voir supra, tables 5a et 5b, p. 74.
170
Seul Quel sì cocente foco (MN1, n. 17) est articulé de manière différente.
78
A
AA
A
B
BB
B
comme dans les exemples suivants, Vorria saper da voi (MN1, n. 12), O begli occhi
sereni (MN1, n. 10) et Cercai fuggir Amore (MN1, n. 18 171 ):
Schéma métrique
Vorria saper da voi occhi mortali
A
Se voi fiammelle sete o strali,
A
perché quando girate
b
ferite i cori e i petti fulminate.
B
O begli occhi sereni
a
a
e d’ogni grazia pieni,
perché col vostro sguardo sì possente
AA
BB
AA’
B
B
abbruciate il mio cor in fiamma ardente?
Cercai fuggir Amore
a
per non sentir dolore,
a
or tal è la mia sorte
a
ch’ognor bramo la morte.
b
171
Forme musicale
BB
AA
BB’
Voir transcription en annexes.
79
Les répétitions ne sont cependant jamais identiques. Outre le fait que Macque n’utilise aucun
signe de reprise, il échange généralement les parties entre les voix de même tessiture
(tenore/quinto ou canto/sesto) lors des répétitions, intégrant parfois de petites variantes.
Cependant, l’articulation poético-musicale de cette forme binaire provient clairement du
répertoire léger. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les versions de Macque avec les
intonations des autres compositeurs, lorsqu’elles existent. Ci-dessous, le fac-similé de Cercai
fuggir amore par Rossi, extrait de son Primo libro di canzonette a tre voci :
80
Ill. 2 : ROSSI Salomone, Primo libro di canzonette a tre voci, Venezia, Gardano, 1589,
basso, p. 15 172
Macque utilise exactement le même type d’organisation formelle que Rossi : il divise le texte
en deux parties, composées d’un distique de rimes plates, et répète chacune des parties deux
fois.
Cette forme AABB (avec ses variantes AA’BB’, AABB’, AA’BB) est l’une des plus usitées
du répertoire léger des années 1580 et 1590. Concetta Assenza en a relevé pas moins de 709
exemples sur un échantillon de 1670 pièces légères publiées dans les années 1580 et 1590 173 .
172
L’imprimé est consultable au Civico Museo Bibliografico Musicale de Bologne (cote BB. 228).
Voir ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit., p. 109. Pour un exemple de ce type de
pièce, voir en annexes la transcription de Tu ridi sempre mai de Givanni Croce.
173
81
D’une manière générale, la brièveté du texte est proportionnelle à sa conformation à un
schéma formel musical standard. L’articulation poético-musicale de l’unique poésie de trois
lignes des Madrigaletti et napolitane, par exemple, correspond exactement à celle de Torti
dans son Secondo libro delle canzoni a tre voci (Venezia, Vincenti et Amadino, 1584).
Schéma
Forme musicale
métrique Macque
Vaga bellezza e bionde treccie d’oro,
vedi per te ch’io moro,
A
AA'
Torti
A
QuickTime™ e un
decompressore
TIFF (non quest'immagine.
compressé)
sono necessari
per visualizzare
b
b
BB'
QuickTime™ e un
decompressore
TIFF (non quest'immagine.
compressé)
sono necessari
per visualizzare
QuickTime™
un
decompressore
TIFF (none quest'immagine.
compressé)
sono necessari
per visualizzare
B
QuickTime™ e un
decompressore
TIFF (non quest'immagine.
compressé)
sono necessari
per visualizzare
oimè, non più martoro!
Il s’agit là des exemples les plus clairs d’adhésion de la forme musicale à la forme poétique à
l’intérieur des deux livres. L’intonation des autres textes issus de strophes de villanelles, tout
en déclinant les différents types formels des genres légers – et notamment les variantes de
l’autre grand modèle de ce répertoire AABCC 174 – ne lient pas systématiquement un schéma
de versification à une forme musicale. Il faut cependant relever qu’il n’existe pas de règles
précises quant à l’articulation poético-musicale dans le répertoire des genres légers, mais qu’il
s’agit plutôt de tendances et d’habitudes.
b. Liberté formelle madrigalesque
Dans les textes plus longs ou moins connotés au niveau métrique, la volonté de se détacher
des schémas formels des genres légers pour se raprocher des canons madrigalesques est
parfaitement tangible. L’un des aspects les plus évidents de cette prise de distance est
l’absence de répétition des premières sections, élément quasi omniprésent dans le répertoire
léger 175 , mais beaucoup plus rare dans le madrigal.
Les textes du répertoire poétique madrigalesque sont presque tous mis en musique selon un
même principe (propre à ce genre), en un bloc, avec la répétition du dernier vers ou des deux
derniers vers. Amor, io sento un respirar sì dolce de Cassola (MN2, n. 3) est traité de cette
manière :
174
La forme AABCC et ses variantes est utilisée neuf fois dans l’ensemble des deux recueils (voir supra, tables
5a et 5b, p. 74).
175
ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit., p. 170. Sur un échantillon de 1670 pièces, seules
55 d’entre elles ne répètent pas leur première section, soit à peu près 3% du total.
82
de même que les deux textes repris par Macque dans son Quarto libro de madrigali a cinque
voci, La Salamandra se nel foco dura (MN1, n. 19) et Non sentirò mai pena (MN1, n. 20) :
Macque fait preuve ici d’une grande sensibilité aux paramètres métriques et formels des
textes, sans pourtant opérer de manière absolument systématique. Fammi pur guerra ognor, o
mia guerriera, tout en étant construit sur le schéma de versification AABB ne répond pas à la
forme musicale standard AABB :
83
de même que Bacciami, vita mia, mis en musique en une unique section, à la manière d’un
madrigal.
Les Madrigaletti et napolitane se trouvent encore une fois à la croisée des chemins, tantôt
madrigaletto, tantôt napolitana, tantôt genre intermédiaire, calquant ici la forme musicale des
genres légers, adhérant là aux canons du madrigal, et sortant parfois des schémas standards
pour créer de véritables hybrides, à la forme poétique de villanelle et à la forme musicale de
madrigal.
Répétitions internes
Malgré leur grande variété formelle, les deux recueils de Madrigaletti et napolitane sont
unifiés par un procédé d’écriture qui donne une certaine homogénéité à l’ensemble des
numéros.
Macque met en œuvre deux échelles de répétition dans ces pièces. La première, que l’on peut
envisager comme « macrorépétition » concerne les sections d’une certaine dimension et
imprime aux compositions leurs formes globales, comme on l’a évoqué précédemment. La
seconde échelle de répétition, « microrépétition » ou répétition interne, concerne les sections
plus petites, (un vers, une partie de vers, ou même un mot) et s’intègre dans la forme globale
sans la modifier véritablement. Les répétitions internes sont véritablement omniprésentes dans
les deux recueils au point de pouvoir être considérées comme l’un des éléments stylistiques
les plus représentatifs de l’écriture de ces livres. En effet, plus de trois phrases sur cinq sont
énoncées au moins deux fois de suite et environ un tiers trois fois ou plus. Il n’est pas rare que
certaines phrases fassent l’objet de quatre ou cinq occurrences :
exemple musical 2 : Se tu vuoi pur ch’io muoia (MN1, n. 9, brève 11)
84
Ce type de répétition n’est pas caractéristique de tous les genres légers. Les pièces les plus
simples, et notamment les pièces strophiques, ne font en général pas appel à ce genre de
répétitions internes ; à l’intérieur des sections, le texte se déroule de manière linéaire 176 . Il ne
fait aucun doute que la structure strophique empêche de s’étendre trop longtemps sur chacun
des vers sans quoi la durée totale de la pièce dépasserait le cadre des genres légers.
Dans le répertoire du madrigal, la répétition de courtes sections deviendra de plus en plus
courante, mais jamais systématique. Dans les Madrigali a quattro, cinque e sei voci, par
exemple, à peu près un tiers des phrases sont répétées, soit moitié moins que dans les
Madrigaletti et napolitane 177 . Il est rare cependant qu’une phrase soit énoncée plus de deux
fois dans un madrigal, sauf dans quelques cas particuliers, pour mettre l’accent sur un mot
précis 178 .
Les répétitions internes semblent provenir plutôt des genres légers d’une certaine ampleur,
notamment de la canzone alla napolitana des années 1570. Leur fonction est multiple. D’une
part, elles permettent de donner une certaine dimension aux pièces, sans rentrer dans un
travail contrapuntique trop sophistiqué. Ces répétitions internes dessinent en quelque sorte
une structure alvéolaire qui amplifie la forme de base et compense la brièveté résultant de la
176
Voir par exemple Cercai fuggir amore de Rossi (voir supra, Ill. 2, p. 81).
On verra que les répétitions internes deviendront de plus en plus fréquentes au fil des recueils de Macque.
178
Voir par exemple la péroraison de Ohimè! se tanto amate du Quarto libro de madrigali a cinque voci de
Monteverdi, ou certains madrigaux de Gesualdo (voir l’incipit de Ahi, dispietata e cruda du Terzo libro de
madrigali a cinque voci de Gesualdo).
177
85
structure monostrophique. Comparons par exemple les deux versions de Vaga bellezza e
bionde treccie d’oro - le texte le plus court des Madrigaletti et napolitane – par Torti et par
Macque. Les deux pièces, on l’a vu, ont exactement la même structure poético-musicale 179 .
La première, cependant, a une durée d’une dizaine de brèves (répétitions comprises, mais sans
compter toutes les strophes), alors que la seconde se prolonge sur vingt-huit brèves, soit
presque trois fois plus. Cette différence est due en partie aux nombreuses répétitions internes
de l’intonation de Macque, qui contrastent avec le déroulement textuel quasi linéaire de celle
de Torti, ce dernier ne se concèdant que la répétition du mot Ahimè :
table 6 : Vaga bellezza e bionde treccie d’oro, répartition des répétitions (Macque, Torti)
180
Macque
Torti
A
A
Vaga bellezza e bionde treccie
Vaga bellezza e bionde treccie
d’oro
d’oro
A’
A
Vaga bellezza e bionde treccie
Vaga bellezza e bionde treccie
d’oro
d’oro
e bionde treccie
B
d’oro
Vedi che per te moro
e bionde treccie d’oro
Ahimè
e bionde treccie d’oro
Ahimè
B
Ahimè non più martoro.
179
Voir supra, p. 82.
Le décompte des répétitions des deux tableaux suivants se base sur la perception du texte à l’écoute, ce qui
laisse évidemment une certaine marge de subjectivité, minorée cependant par le grand nombre de passages
homophones des intonations.
180
86
Vedi per te ch’io moro
B
Oimè
Vedi che per te moro
Oimè
Ahimè
Oimè
Ahimè
Oimè
Ahimè non più martoro.
Oimè
Oimè non più martoro
B’
Vedi per te ch’io moro
Oimè
Oimè
Oimè
Oimè
Oimè
Oimè non più martoro
La répétition peut aussi servir à donner du relief au texte poétique, parfois de manière
humoristique, comme dans Bacciami, vita mia 181 . Ce texte, bien que n’ayant pas connu
d’autre intonation, est une variation sur texte abondamment fréquenté depuis les années 1540,
tant par les madrigalistes que par les auteurs de pièces légères 182 .
En écho au jeu de répétition du mot bacio (baiser) et de ses dérivés sur lequel se fondent les
trois premières lignes du texte, Macque accentue et exagère les répétitions en créant ainsi un
mouvement frénétique qui se prolonge jusqu’au point de rupture du texte e poi, venant mettre
181
182
Voir transcription en annexes.
Basciami vita mia basciami ancora/né ti spiaccia basciarmi un’altra volta.
87
fin à l’exaltation du baiser. Après quoi, le rythme se ralentit, avec une simple reprise des deux
derniers vers :
table 7 : Bacciami, vita mia, répartition des répétitions
bacciami
Bacciami
a bacci invita
ancor,
, vita mia,
bacciami
Bacciami
bacciami
Bacciami
bacciami
Bacciami
a bacci invita
ancor,
, vita
ti
e
ecco
ti
e
ribaccio
baccio
ecco
ti
baccio
bacciami
Bacciami
ancor,
, vita
Bacciami
, vita
Il s’agit là d’un cas à la fois extrême et unique dans les deux recueils. Pour donner à la
répétition tout son potentiel expressif, Macque doit en effet s’affranchir des carcans formels
des genres légers. L’intonation anonyme de la variante de ce texte, (Basciami vita mia,
basciami ognor/basciami tanto che contento sia) du Secondo libro delle villotte alla
napolitana … a tre voci (Venezia, Gardano, 1566), qui au contraire se conforme à la forme
musicale standard AABB, semble beaucoup plus timide par rapport à la version de Macque
(voir Ill. 3, page suivante).
Pour conclure, au-delà de l’aspect purement formel ou rhétorique, il est fort probable que les
répétitions internes des Madrigaletti et napolitane aient aussi été conçues pour renforcer le
caractère ludique de ces pièces. Les répétitions donnent en effet très souvent lieu à des effets
88
ti
ti
ribaccio
baccio
ch’amor
e
ribaccio
ecco
ch’amor
a bacci invita
ancor,
, vita mia,
ti
baccio
ch’amor
a bacci invita
ancor,
, vita mia,
ecco
ch’amor
ti
de cori spezzati entre les voix – rendus possibles grâce à l’effectif à six parties – et
témoignent d’un goût de faire « tourner le son » entre les chanteurs, ce dont se souviendra
Marenzio dans ses premiers recueils de madrigaux. Ces jeux de cori spezzati contribuent sans
aucun doute à créer l’esprit de légèreté et de divertissement qui règne dans la majorité des
numéros.
Ill. 3 : ANONYME, Libro delle villotte alla napolitana diversi con due moresche a tre voci
(Venezia, Gardano, 1566), canto, p. 11 183
183
In ASSENZA Concetta, Giovan Ferretti tra canzonetta e madrigale, con l’edizione critica del quinto libro di
canzoni alla napolitane a cinque voci (1585), op. cit., p. 96.
89
Nouvel esprit, nouvelles techniques
Tous les paramètres de l’écriture – texture, rythme, harmonie – constituent des « marqueurs »
de style pouvant se décliner selon le registre stylistique du texte poétique et le niveau de
complexité recherché par le compositeur. De même que les Madrigaletti et napolitane, au
niveau métrique et formel, résultent d’une fusion ou d’une juxtaposition des genres, leur
intonation répond également à une recherche de juste équilibre entre les deux pôles du
répertoire. Dans la dédicace du Primo libro de madrigaletti et napolitane, Macque évoque
plus ou moins ouvertement cette recherche d’un compromis entre la légèreté et l’ariosità de la
napolitana et la facture plus travaillée, l’artificiosità, du madrigal :
… persuadendomi che
dopo
compositioni
qu’après de nombreuses compositions
artificiose, non le debbiano esser
artificiose, ne seraient pas écartées les
discare queste mie, che sono
miennes, qui sont aussi ariose que
alquanto
peuvent l’être celles d’un serviteur aussi
esser
molte
… tachant de me persuader
ariose
cose
di
massime
sì
per
affettionato
attaché que moi …
servitore …
L’imperfection du don musical est un tel topos dans les dédicaces de l’époque, qu’il est
difficile de déterminer si Macque entendait réellement s’excuser pour le style volontairement
peu artificioso de ses pièces (par comparaison avec le madrigal), résultant de leur facture
particulière et non d’un manque de maîtrise contrapuntique, ou bien s’il ne s’agissait là que
d’un lieu commun, à travers lequel le musicien exprimait sa peur de ne pas être à la hauteur
des attentes de son commanditaire. Quoi qu’il en soit, l’ariosità semble présentée ici comme
un substitut à l’artificiosità, celle-là compensant en quelque sorte un défaut (voulu ou subi) de
celle-ci.
Techniques contrapuntiques et registre stylistique
Le choix de textures est sans doute le paramètre qui exprime de la manière la plus évidente les
intentions stylistiques du compositeur, les techniques imitatives renvoyant en effet presque
90
automatiquement à un certain niveau de complexité d’écriture et l’écriture homophone à un
registre stylistique plus bas.
Dans les Madrigaletti et napolitaine, Macque fait appel à l’homophonie de manière beaucoup
plus constante que dans ses autres recueils (voir infra, table 8, p. 92). Si l’on compare avec
son livre précédent, les Madrigali a quattro, cinque et sei voci, la différence est tout à fait
flagrante. Dans ce dernier, l’homophonie représentait approximativement un tiers des phrases.
Dans les Madrigaletti et napolitane, les proportions s’inversent puisque environ deux tiers des
phrases sont homophones.
Le type d’homophonie choisie par Macque est aussi révélatrice du registre stylistique qu’il
visait. Dans le répertoire du madrigal, les frontières entre homophonie et contrepoint sont en
réalité extrêmement poreuses. Il existe en effet d’infinies nuances permettant de passer très
souplement d’une technique à l’autre. L’homophonie peut en effet respecter une scansion
franchement accordale du texte (que j’appelerai ici « homophonie parfaite »), mais aussi se
diluer dans une synchronisation moins précise des différentes voix (« homophonie
imparfaite »), dans laquelle une ou plusieurs parties évoluent de manière autonome sur une
base homophone.
D’autre part, l’aspect rythmique influe aussi très fortement sur l’impression qui se dégage
d’un passage homophone, selon qu’il se base sur les rythmes animés de la canzonetta et fait
usage de fuses déclamées (« homophonie rythmique »), ou bien sur un débit plus lent, plus
emphatique et plus libre (« homophonie déclamative ») 184 .
Dans les Madrigaletti et napolitane, Macque tranche en général pour une homophonie
parfaite, laissant peu de place aux petites variantes entre les voix, et préfère très nettement les
contours rythmiques vifs et énergiques à une déclamation plus souple (voir infra, tables 8 et 9,
p. 92). Tout en restant d’ordre très général, ces observations sont les indicateurs les plus
évidents du caractère léger et de l’écriture volontairement peu artificiosa recherchés par
Macque dans ces deux recueils.
184
J’ai repris le principe de cette distinction à Cecilia Luzzi (voir le chapitre introductif « L’analisi stilistica nel
madrigale polifonico cinquecentesco » in LUZZI Cecilia, Poesia e musica nei madrigali a cinque voci di Filippo
di Monte (1580-1595), op. cit., p. 35).
91
table 8 : choix de textures des Madrigaletti et napolitane 185
Contrepoint
Homophonie
Techniques
mixtes
MN1
31%
61%
8%
MN2
17%
63%
10%
table 9 : différents types d’homophonie des Madrigaletti et napolitane
Homophonie
parfaite
Homophonie
imparfaite
Homophonie
rythmique
Homophon
déclamative
MN1
91%
19%
69%
31%
MN2
77%
23%
64%
36%
Soggetti et fuses déclamées
Tout en favorisant largement l’écriture accordale, Macque ne renonça pas complètement aux
techniques contrapuntiques dans les Madrigaletti et napolitane, et profita aussi des
possibilités offertes par l’effectif à six voix qu’il avait retenu pour ces pièces.
Au milieu du flux majoritairement homophone, sont en effet insérés des épisodes
contrapuntiques, essentiellement imitatifs. Ces derniers sont d’un genre tout à fait nouveau
par rapport aux premiers recueils de Macque. En effet, le compositeur inaugure dans les
Madrigaletti et napolitane un type d’écriture imitative basée sur des motifs vifs, aux contours
bien définis, très rythmiques et relativement courts, au détriment des soggetti plus fluides de
ses premiers madrigaux. L’une des caractéristiques principales de ce nouveau type de soggetti
est l’utilisation massive de fuses déclamées consécutives.
Il ne s’agit pas là d’un simple détail d’écriture ni d’un élément stylistique négligeable. Au
XVIe siècle, l’aspect rythmique était en effet très important dans la catégorisation des styles.
Selon Pietro Cerone, si des phrases trop étendues pouvaient faire pencher le madrigal vers le
style du motet, une utilisation trop marquée des fuses et notamment des fuses déclamées
risquait au contraire de donner une forte saveur de canzonetta :
185
L’unité de tous les calculs sur les textures est la phrase musicale. Le premier chiffre de la table 6 est donc à
lire ainsi : 31% des phrases sont musiquées de manière contrapuntique. Les répétitions ne sont pas prises en
compte.
92
los
Les inventions des madrigaux
madrigales han de ser breves, no
doivent être brèves, pas plus longues
mas largas del valor de dos
que la valeur de deux ou trois semi-
semibreves o de tres siendo a
brèves si l’on utilise le tempo minore,
compas menor : y es, porque si las
et ceci car si les inventions étaient plus
invenciones
no
longues, elles ne seraient pas adaptées
mas
aux madrigaux mais plutôt propres
fueran proprias de los motetes y
aux motets et aux messes. Leur
missas. Su proprio es tener su
particularité est d’utiliser beaucoup de
compostura muschas semiminimas,
semi-minimes, et aussi de minimes et
y tambien de las minimas, y
de semi-brèves syncopées (qui n’ont
semibreves sincopadas (las quales
pas lieu d’être dans les compositions
ya deximos no tener lugar en las
ecclésiastiques) et avec une syllabe par
composiciones ecclesiasticas) y con
note, qu’elle soit semi-brève, minime
la palabra denaxo casi de cada
ou
nota,
o
vocalises, comme on les trouve dans les
no
motets. On y met aussi quelques fuses
vocalizar con tantos puntos como
et parfois quelques doubles fuses (afin
se haze en los motetes. Hazense en
de fleurir l’œuvre), mais très peu, et
ellos algunas corcheas y algunas
pas dans toutes les parties en même
vezes (para florear mas la obra)
temps, mais seulement dans quelques
algunas semicorcheas, pero muy
unes, sinon elle s’éloignerait de son
pocas, y no en todas las partes
genre, et pourrait s’appeler œuvre
juntamente, sino en algunas dellas,
diminuée.
que de otra manera saldrà de su
disposées de manière à ne pas porter
orden, y podriase llamar obra
de syllabes, et à ne pas comporter de
glosada: y han de ser ordenadas,
sauts, car les fuses ainsi disposées sont
sin levar sylaba particolar, y sin
réservées pour les canzonette et pour
saltos; pues estas aussì ordenadas,
les strambotti et frottole.
Las
serian
invenciones
para
fuessen
largas,
madrigales,
semibreve,
semiminima
de
que
minima
sea,
por
semi-minime,
Celles-ci
sans
trop
doivent
de
être
se reservan para las chanzonetas y
para los estrambotes y fròtolas. 186
186
CERONE Pietro, El melopeo y maestro. Tractado de musica theorica y pratica, op. cit., p. 692 ; cité par
FABBRI Paolo, Il madrigale tra Cinque e Seicento, op. cit., p. 15.
93
Dans la suite du chapitre, Cerone admet lui-même que ces règles n’étaient plus observées par
les madrigalistes de l’époque (Il Melopeo y maestro fut imprimé en 1613), et notamment par
les madrigalistes napolitains. Cependant, à la fin des années 1570, les fuses déclamées étaient
encore relativement circonscrites au répertoire léger 187 , et la règle énoncée par Cerone était
encore parfaitement valable.
Même s’il est toujours un peu risqué de se focaliser sur de courts extraits musicaux pour
mettre en évidence les caractéristiques de livres entiers, la comparaison des deux passages
suivants, le premier tiré des Madrigali a quattro, cinque et sei voci, le second des
Madrigaletti et napolitane, peut aider à comprendre le changement stylistique advenu entre
ces deux recueils.
exemple musical 3a : Il vago e lieto aspetto (a456, n. 21, brèves 5-8) 188
187
Voir DEFORD Ruth, « The Evolution of Rhythmic Style in Italian Secular Music of the Late Sixteenth
Century », Studi musicali, X, 1981, p. 43-73.
188
D’après SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 380.
94
95
exemple musical 3b : Vorrei nel chiaro lume (MN2, n. 9, brèves 8-10)
96
97
Les deux passages cherchent indubitablement à exprimer la notion d’éblouissement
(abbagliar et abbagliò) en faisant passer rapidement un même motif d’une voix à l’autre, afin
d’obtenir une texture éparpillée. Le résultat est cependant différent. Alors que du premier se
dégage une impression de masse sonore un peu confuse (confusion qui correspond sans aucun
doute à l’idée d’éblouissement), le second est beaucoup plus structuré et parvient à tirer profit
du jeu de réponses entre les voix grâce à un motif plus concis et plus vif, facilement
identifiable à l’écoute au milieu de la polyphonie.
Macque avait déjà introduit des sujets basés sur des fuses déclamées dans ses Madrigali a
quattro, cinque et sei voci, mais ceux-ci se limitaient presque toujours à la cellule rythmique
q. e. Dans les Madrigaletti et napolitane, un nouveau pas est très clairement franchi. Il est
en effet rare de trouver un sujet qui ne soit égayé par quelques fuses déclamées ou, le cas
échéant, vocalisées. De plus, Macque s’autorise ici et là de longues suites de fuses déclamées,
absolument inédites dans ses premiers volumes :
exemple musical 4 : Talor mi s’avicina (MN2, n. 16)
Si l’on se réfère au passage du Melopeo y maestro de Cerone évoqué précédemment, il
émanait sans doute de ce type de motif une forte saveur de genres légers pour l’auditeur des
années 1580. Certains compositeurs de pièces légères avaient en effet commencé à explorer
les possibilités d’un travail contrapuntique basé sur ce type de sujets vivants, rapides et
nerveux dès le début des années 1570. À côté des auteurs de canzoni alla napolitane
(notamment Ferretti et Conversi), Zappasorgo, auteur de pièces moins ambitieuses à trois
98
voix 189 , fait figure de précurseur en la matière, comme en témoigne cet extrait des Napolitane
a tre voci (1571) :
exemple musical 5 : Giovanni Zappasorgo, Sì traviato è ’l folle mio desio (Napolitane a tre
voci, Venezia, Scotto, 1571) 190
Il ne fait aucun doute que Macque se fit l’héritier de ces expériences dans les Madrigaletti et
napolitane. Il leur donna cependant l’ampleur que lui permettait l’effectif à six voix.
L’exemple musical 6, basé sur une imitation doublée à la tierce par mouvement contraire, est
un exemple de travail contrapuntique relativement élaboré (peut-être serait-il plus juste de
parler ici de travail motivique), difficilement imaginable dans une petite pièce à trois voix.
exemple musical 6 : O begli occhi sereni (MN1, n. 10, brèves 13-17)
189
Voir ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit., p. 142.
D’après ASSENZA Concetta, Giovan Ferretti tra canzonetta e madrigale, con l’edizione critica del quinto
libro di canzoni alla napolitane a cinque voci (1585), op. cit, p. 110.
190
99
L’utilisation de ce type de motifs très ciselés et faisant appel aux fuses déclamées constitue un
changement important dans le style de Macque. Celui-ci, comme on le verra, ne reviendra
plus en arrière. En cela, le compositeur suivit la marche du madrigal qui, à partir des années
1580, généralisa l’utilisation de ces sujets, relativement rare dans le répertoire des années
1570, mais caractéristique du style des madrigalistes de la génération de Marenzio et
Giovannelli 191 .
Homophonie et standardisation rythmique
Le vocabulaire rythmique utilisé par Macque dans les passages homophones est peut-être
encore plus connoté que les soggetti en fuses déclamées évoqués précédemment. Le
compositeur structure en effet la grande majorité des passages homophones selon des schémas
rythmiques prédéterminés, provenant du répertoire léger. Ces modèles rythmiques sont au
nombre de quatre ; chacun d’entre comportent sept notes afin s’adapter à la prosodie du
septénaire, d’une première partie d’hendécasyllabe a-maiore ou éventuellement d’une
seconde moitié d’hendécasyllabe a-minore 192 . Ces rythmes sont utilisés en général sans trop
de variantes, les petites différences étant dues à des questions de versification (par exemple,
pour s’adapter à un vers tronco).
Rythme A
Le premier modèle rythmique, appelé ici rythme A est le plus utilisé. Macque s’en sert en
effet pour l’intonation de quarante-trois vers, soit approximativement un vers sur cinq, ce qui
est considérable (voir infra, table 11, p. 106). Ce rythme se décline en deux formes
principales (fréquemment superposées), la première commençant par une minime, la seconde
par une semi-minime :
exemple musical 7 : rythme A
191
Sur l’émergence d’un nouveau type d’écriture madrigalesque dans les années 1580 voir particulièrement
NEWCOMB Anthony, The Madrigal at Ferrara, Princetown, Princetown University Press, 1980 et DEFORD Ruth,
Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit.
192
A-maiore se dit d’un hendécasyllabe dont l’accent principal est placé sur la sixième syllabe ; le rythme de la
première partie du vers correspond donc à celui d’un septénaire. A-minore se dit au contraire d’un
hendécasyllabe sont l’accent principal est placé sur la quatrième syllabe. C’est alors le rythme de la deuxième
partie du vers qui peut être calqué sur celui d’un septénaire (voir BELTRAMI Pietro, La metrica Italiana, Bologna,
Il Mulino, 1991, p. 394).
100
Dans quelques cas, le modèle peut subir de légers changements afin de s’adapter à un
fragment de vers plus court, ou plus long :
exemple musical 8a : variante du rythme A, Se tu vuoi pur ch’io muoia (MN1, n. 9)
exemple musical 8b : variante du rythme A, Questi leggiadri fiori (MN1, n. 14)
Ce rythme, dont les origines sont difficiles à déterminer, est utilisé abondamment par les
compositeurs de pièces légères 193 . Parmi ses innombrables occurrences, on peut citer les deux
passages suivants (exemples musicaux 9a et 9b), extraits de napolitaines de Mogavero et
Ferretti :
exemple musical 9a : Antonio Mogavero, Non
veggio oggi il mio sole (Canzonette alla napolitana, Venezia, Vincenti, 1591)
193
Cet aspect hautement stéréotypé de la prosodie au sein du répertoire léger doit être absolument pris en compte
dans les analyses comparatives avant de conclure à une imitation ou un échange entre deux auteurs.
101
exemple musical 9b : Giovanni Ferretti, Occhi dell’alma mia, (Quinto libro di
canzoni alla napolitana, Venezia, Scotto, 1585)194
Rythme B
Le second modèle rythmique utilisé par Macque (rythme B) était déjà présent dans le premier
répertoire des villanesche 194 :
exemple musical 9a : rythme B
Une vingtaine de vers sont musiqués sur ce rythme et sur sa variante plus courte :
exemple musical 10b : rythme B’
utilisée généralement pour la première partie d’hendécasyllabes a-minore, (par exemple :
Vivrebbe lieto - senza mai languire ou Tacerò dunque - o pur vorrò morir, voir infra, table
12, p. 107).
194
Voir par exemple le refrain de Madonna tu mi fai lo scorucciato, pièce anonyme du tout premier recueil de
villanesche (Canzoni villanesche alla napolitana, Napoli, Colonia, 1537). À propos de ce rythme, Concetta
Assenza parle d’une « séquence très ancienne, utilisée dans le répertoire mineur depuis ses origines et tout aussi
fréquente dans le répertoire de la canzonetta. » (« una sequenza di antica data, in uso nel repertorio minore fin
dalla prima produzione e ancora quanto mai diffusa nel repertorio canzonettistico », in La canzonetta dal 1570
al 1615, op. cit., p. 133).
102
Rythme C
Le troisième modèle rythmique (rythme C) est le suivant :
exemple musical 11 : rythme C
Ce rythme n’est utilisé que pour la mise en musique de onze vers, mais de manière quasiment
invariante. Il s’agit là d’un rythme un peu moins fréquenté par les compositeurs de pièces
légères, mais que l’on peut cependant retrouver chez certains auteurs :
exemple musical 12 : Paolo Bellasio, Mai non vo’ pianger (Villanelle a Tre Voci, Venezia,
Gardano, 1592)
Rythme D
Le dernier rythme, rythme D, est le seul à être utilisé de manière régulière dans une forme à
cinq et à sept notes (la première étant utilisée pour les septénaires ou la première partie
d’hendécasyllabes a-maiore, et la seconde pour la première partie d’hendécasyllabes aminore). Chacune d’entre elles sert à l’intonation d’une dizaine de vers.
exemple musical 13a : rythme D1
exemple musical 13b : rythme D2
103
Encore une fois, il s’agit là d’un rythme tout à fait classique dans le répertoire léger, dont il
existe de nombreux exemples :
exemple musical 14a : Orazio Caccini, Tanti martir mi date (Madrigali et canzonette a
cinque voci, Venezia, Vincenti et Amadino, 1585
exemple musical 14b : Giovanni Ferretti, Basciami vita mia (Il primo libro delle canzoni
alla napolitane a cinque voci, Venezia, Scotto, 1567) 195
195
D’après ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615, op. cit., p. 98.
104
Modèles prosodiques
Ces quatre modèles rythmiques offrent la possibilité de s’adapter aux divers types
d’accentuation du septénaire. Le rythme A met l’accent sur la deuxième, la quatrième et
l’avant-dernière syllabe : 1 2 3 4 5 6 7 , comme dans les exemples suivants :
un tempo quando ardeva
si strugge a tutte l’ore
e voi crudel e fela
ou, plus rarement, uniquement sur la quatrième et l’avant-dernière syllabe, 1 2 3 4 5 6 7 :
della mia donna Amore
Les rythmes B et D, eux, accentuent la première, la quatrième et l’avant-dernière syllabe, 1 2 3
4 5 6 7 , comme dans les vers qui suivent :
Rythme B :
sete d’Amor rubella
d’ogni mio ben mi priva
Rythme D :
quante bellezze avete
fingi volermi bene
Enfin, le rythme C met l’accent sur la première, troisième et avant-dernière syllabe, 1 2 3 4 5 6
7 , comme dans l’exemple suivant :
quant’avete beltate
ou, plus fréquement, uniquement sur la troisième et l’avant-dernière syllabe :
uccidendo mi fia
che val esser costante
105
La cinquième et la septième syllabe ne pouvant en aucun cas être accentuées 196 , ces quatre
formes sont en mesure de répondre à tous les cas de figure d’accentuation du septénaire ou de
l’hémistiche le plus long d’un hendécasyllabe (voir table 10).
table 10 : combinaisons prosodiques
syllabe
1
2
3
4
accentuée
schéma
rythmique
A
(x)
B/D
x
C
(x)
x
x
x
Macque sort relativement peu de ces schémas rythmiques standardisés dans les passages en
homophonie rythmique (il n’existe en effet que quatorze exemples de passages homophones
faisant usage de fuses déclamées qui ne répondent pas à ces modèles prédéfinis). La table
suivante donne un aperçu de la répartition des différents modèles d’homophonie rythmique, et
démontre à quel point le compositeur désirait se conformer à des prototypes de déclamation
bien déterminés :
table 11 : répartition des modèles d’homophonie rythmique
196
Selon les règles de la métrique italienne, un vers de sept syllabes accentué sur la dernière ou sur l’avant avantdernière syllabe cesse d’être un septénaire pour devenir dans le premier cas un sénaire tronco (accentué sur la
dernière syllabe), dans le deuxième cas un octosyllabe sdrucciolo (accentué sur l’avant avant-dernière syllabe).
106
5
table 12 : liste exhaustive des vers mis en musique sur les rythmes A, B, C et D
Rythme B
Rythme A
QuickTime™ e un
decompressore TIFF (non compressé)
sono necessari per visualizzare quest'immagine.

Rythme C

QuickTime™ e un
decompressore TIFF (non compressé)
sono necessari per visualizzare quest'immagine.

1 (2) 3 4 5 6 7
(1) 2 3 4 5 6 7
(1) 2 3 4 5 6 7
un tempo quando ardeva
sete d’Amor rubella
vo’
si strugge a tutte l’ore
d’ogni mio ben mi
andar
sem
cantando
priva
e non pato più pena
e voi crudel e fela
eccoti lo mio core
quant’avete beltate
quel sì cocente foco
uccidendo mi fia
sdegno per mi ventura
che val esser costante
porgimi aita Amore
ch’ognor
et or che ne son privo
come palustre augel
e voi che ben sapete
che piaga di tua man
bramo
morte
fuggi pur quanto sai
e quanto più la miro
vuoi ch’io celi la fiam
bacciami vita mia
o sfortunato amante
trovo grata mercede
ma la ninfa mia bella
a che più tender l’arco
almen abbi pietade
donna
deh vedimi morire
e faccia quanto vuol
or tal è la mia sorte
ma quel ch’ha per costume
ch’Amor a bacci invita
e bionde treccie d’oro
leggiadra
e
bella
liquide perle uscire
chi ama per destino
tu me la mostri amore
che tra le fresche rose
tre graziosi amanti
107
che giova saetar
o pur vorrò morire
voi sete la mia stella
miracolo d’Amore
poiché non posso dire
e farmi ogni alma ancella
per quel ch’io provo e
sento
nelle più belle braccia
che fece mai natura
non regni mai pietà
il mio nemico Amore
felice lo mio core
se nel leggiadro viso
e ne begli occhi stai
della mia donna Amore
poiché tanti n’accende
la mia corona avrai
al fin le luci affisse
che specchio ti sarà
Variante du rythme A
108
Variante du rythme B
Variante du rythme
1.
bacci mi vita
ma stringimi
ch’al
petto
ch’al mormorar
ecco ti baccio
e d’ogni grazia piena
e ti ribaccio
perché
le
chiome
te
tacerò dunque
n’adorni e ‘l volto
vivrebbe lieto
se nel foco dura
senza mai languire
l’anima si more
dimmi perché non vai
Autres modèles d’homophonie
Même si les passages homophones sans fuses déclamées répondent moins souvent à des
schémas rythmiques standards, il est toutefois possible d’identifier quelques modèles
récurrents.
Le premier modèle nous renvoie encore une fois au répertoire des genres légers197 . Il s’agit
d’une intrusion ternaire dans un déroulement rythmique binaire (de type 3+3+2 ou 3+3+3+2),
qui intervient sans aucun changement de notation. L’origine de ce rythme remonte aux toutes
premières villanesche 198 .
Ces passages sont facilement identifiables lorsqu’ils répondent à un schéma rythmique
régulier – généralement trochaïque – comme dans l’exemple ci-dessous :
exemple musical 15 : rythme 3+3+2, Mai non vo pianger più (MN1, n. 1)
197
Voir DEFORD Ruth, « The Evolution of Rhythmic Style in Italian Secular Music of the Late Sixteenth
Century », op. cit., p. 45.
198
Voir Dolce mi saria du Secondo libro di canzone napolitane a tre voci de Giovanni Leonardo Primavera
(Venezia, Rampazetto, 1566), transcrit in DEFORD Ruth, « The Evolution of Rhythmic Style in Italian Secular
Music of the Late Sixteenth Century », op. cit., p. 57.
109
mio
mi
Certains passages sont cependant travaillés de manière plus complexe. Le rythme suivant, par
exemple, fut sans aucun doute pensé comme un alternance de trochaïque et de iambique, sans
quoi les accents toniques seraient presque tous mal placés :
exemple musical 16: Vorrei morire (MN2, n. 4)
Les derniers modèles rythmiques identifiables font appel aux schémas A, B, C et D traités en
augmentation et apparaissent habituellement en fin de pièce, clairement associés à leur
modèle de base, comme dans les exemples suivants :
exemple musical 17a : rythme A en augmentation, Amor scorse da gl’occhi di mia
diva (MN2, n. 19, dernières mesures)
exemple musical 17b : rythme B en augmentation, Amor donna ch’è bella (MN2, n. 20,
dernières mesures)
exemple musical 17c : rythme C en augmentation, Una fiammella viva (MN1, n. 6,
dernières mesures)
110
Il s’agit en général plus de reproduire un contour rythmique global que de réaliser une
augmentation à proprement parler 199 .
Modèles prosodiques et ariosità
On peut s’étonner face à une telle standardisation du matériau rythmique mais sans doute
faut-il considérer cette stéréotypation non comme un appauvrissement du langage mais plutôt
comme un moyen d’arriver à créer cette sensation d’ariosità annoncée par Macque dans la
dédicace.
Ces modèles venus tout droit du répertoire léger avaient problement démontré leur efficacité
au niveau prosodique ainsi que leur capaciter à adhérer au rythme naturel de la versification
italienne. Bien avant les expériences de la camerata fiorentina et les airs mesurés à l’antique
de l’Académie de Baïf, s’était apparemment créé de manière pragmatique et naturelle tout un
fonds de figures rythmiques adaptées à la prosodie du vers italien dans lequel puisaient
constamment les compositeurs. Dans un contexte madrigalesque, faire appel à ces modèles
signifiait non seulement donnner un petit parfum de canzonetta à son intonation, mais
probablement aussi privilégier l’adéquation de la musique à la cadence poétique (et peut-être
aussi sa compréhention), plutôt que la dilution rythmique et contrapuntique du vers.
Cet aspect standardisé du rythme et de la prosodie semble avoir joué un rôle important dans la
notion d’aria à la fin du XVIe siècle, ce qui n’a rien d’étonnant si l’on se rappelle que les
modèles de déclamation des vers de la poésie narrative italienne étaient justement appellés
arie.
Zarlino confirme d’ailleurs cette hypothèse lorsqu’il assimile les arie modernes, aux
différents genres rythmiques de la poésie antique. Au chapitre 79 du livre III, intitulé Delle
cose che concorrevano nella compositione de i Generi, l’auteur compare en effet les arie du
XVIe siècle aux modes rythmiques gréco-romains ; ceux-ci, nous apprend Zarlino, ne peuvent
être altérés sans risquer de défigurer l’aria (ou mode) :
199
Seule l’augmentation du rythme A possède une véritable autonomie et est utilisée indépendamment de sa
matrice (onze occurrences au total).
111
Era
poi
la
parola
Ensuite
venait
la
Dithirambica contenuta sotto
parole
alcuni
caractérisée par certains pieds
piedi
veloci
più
dithyrambique,
d'ogn'altro piede; et da cotali
plus
piedi, che erano posti ne i
autres ; et ces pieds, qui étaient
Versi, haveano la Misura delli
utilisés dans les vers, donnaient
movimenti dell'Harmonia; et
la mesure des mouvements à
da cotali piedi, che erano posti
l’harmonie.
ne i Versi, haveano la Misura
était déterminée et constituée
delli
dell'
selon un certain mode, ou aria,
Harmonia; la quale Harmonia
pour ainsi dire, de chanter. Il
era terminata, et costituita
en est de même pour cette
sotto un certo Modo, overo
manière
Aria, che lo vogliamo dire, di
laquelle on chante aujourd’hui
cantare; si come sono quelli
les sonnets, ou les canzoni de
modi di cantare, sopra i quali
Pétrarque, ou bien les rimes
cantiamo al presente li Sonetti,
d’Arioste. Et ces modes ne
o
Petrarca,
peuvent
changer,
ni
même
Rime
altérer,
certaines
de
leurs
movimenti
Canzoni
overamente
del
le
rapides
de
que
Cette
tous
les
harmonie
chanter,
sur
dell'Ariosto. Et cotali Modi
parties en sortant du nombre ou
non si possono mutare, overo
mètre qui les caractérisent, sans
alterare in parte alcuna fuora
que cela n’offense l’ouïe.
del loro terminato Numero, o
Metro, senza offesa dell' udito.
200
Clarification et organisation des structures harmoniques
Un autre paramètre de l’écriture semble avoir contribué également à la sensation d’ariosità
pour les musiciens du XVIe siècle. Certains musicologues ont en effet souligné l’importance
du versant harmonique de cette notion, notamment Nino Pirrotta, pour qui le concept d’aria
serait indissociable d’un certain type de logique accordale :
Un élément de base des arie, que la théorie du XVIe siècle n’était pas encore préparée à
reconnaître et à évaluer, a certainement été une séquence harmonique « logique », entièrement
réalisée dans une composition polyphonique ou bien simplement sous-entendue par
l’agencement d’une mélodie, une séquence dont la logique ne coïncidait pas forcément avec
200
ZARLINO Gioseffo, Le Istitutioni harmoniche, op. cit., troisième partie, p. 289.
112
la logique de l’harmonie tonale. Cette logique harmonique a été déterminante pour le succès
d’un certain nombre de schémas de basse tels que passamezzo, romanesca, Ruggiero, et autre,
qui n’étaient pas des mélodies mais étaient tout de même appelés arie car ils dictaient des
séquences harmoniques caractéristiques et donnaient l’air d’avoir quelque chose en commun
aux mélodies construites sur elles 201 .
Cette vision très harmonique de l’ariosità est aussi partagée par Howard Mayer Brown qui,
dans son article « Verso una definizione dell’armonia nel sedicesimo secolo », affirme, à
propos des Madrigali ariosi d’Antonio Barrè :
il paraît tout aussi vraisemblable que les « qualités ariose » des madrigaux en question
résident aussi en partie dans leur configuration harmonique, étant donné que leurs
compositeurs possédaient une sensibilité tout à fait particulière pour les accords et les
sonorités simultanées contrôlés par les mouvements de la voix de basse202 .
Sur la base de ces observations, il m’a paru intéressant d’essayer de déterminer si les
configurations harmoniques des Madrigaletti et napolitane possédaient une logique interne
allant dans le sens de cette ariosità.
Réduction des configurations modales
Avant même de se plonger dans les mécanismes harmoniques en tant que tels, il convient de
s’arrêter un instant sur les choix modaux du compositeur. Par chance, il est relativement aisé
de savoir quel système modal avait adopté Macque car ce dernier nous a laissé une série de
ricercari composés dans les douze tons 203 . De ces derniers, il apparaît que Macque, comme
beaucoup de ses contemporains, avait adopté le système modal tel qu’il est décrit dans le
Dodecachordon de Glarean et dans la première version des Istitutioni harmoniche de Zarlino
201
« One basis element, which sixteenth-century theory was still unprepared to recognize and assess, must have
been a “logical” sequence of harmonies, either fully realized in polyphonic composition or merely implied in the
statement of a melody, a sequence whose logic was not yet necessarily fully consistent with the logic of tonal
harmony. Such logic is what determined the success of a number of bass patterns such as passamezzo,
romanesca, Ruggiero, and the like, which were not melodies and yet were called arie because they dictated
typical harmonic sequences and thus imparted to every melody built on them the air of having something in
common. », in PIRROTTA Nino, « Willaert and the Canzone Villanesca », in Music and Culture in Italy from the
Middle Ages to the Baroque, op. cit., p. 195.
202
« appare altrettanto verosimile che le “qualità ariose” dei madrigali in questione risiedano in parte anche
nella loro configurazione armonica, dato che i loro compositori ebbero una sensibilità affatto particolare per gli
accordi e le sonorità simultanee controllati dai moti della voce del Basso. », in BROWN Howard Mayer, « Verso
una definizione dell’armonia nel sedicesimo secolo : sui « madrigali ariosi » di Antonio Barrè » Rivista italiana
di musicologia, XXV, 1990, p. 30.
203
Le manuscrit de ces douze ricercari à quatre voix est conservé à la Biblioteca Nazionale di Firenze ; éd.
STEMBRIDGE Chrisopher, Ricercari sui dodici toni, op. cit.
113
(1558) 204 . C’est le système que j’adopterai ici pour désigner les modes, en indiquant à chaque
fois le type tonal correspondant 205 .
Macque, dans les deux recueils, n’utilise pratiquement que six modes. Il privilégie en effet
largement les modes 11 et 12 sur fa – {fa/b/c1} et {fa/b/g2}, douze pièces en tout – les modes
7 et 8 non transposés – {sol/§/c1} et {sol/§/g2}, onze pièces – et enfin les modes 1 et 2 sur
sol – {sol/b/c1} et {sol/b/g2}, douze pièces au total. Seules cinq pièces sur quarante-deux
sont écrites dans des modes différents (voir tables 13 et 14). Dans ses recueils précédents,
Macque, tout en favorisant aussi ces six modes, était tout de même beaucoup plus diversifié
dans ses choix 206 .
table 13 : MN1, MN2, choix modaux
Type
{ré/§/c1}
{ré/§/g2}
{mi/§/c1}
{mi/§/g2}
MN1
1
---
---
---
MN2
---
---
---
---
Total
1
---
---
---
tonal
Recueil
table 14 : MN1, MN2, classement modal des pièces
MN1
MN2
Mai non vo’ pianger più come
1.
solea
{fa/b/c1}
1.
Non veggio og
2.
Per pianto lo mio core
{fa/b/c1}
2.
Preso son io ne
Amor,
3.
Tanti martir mi date
204
{fa/b/c1}
3.
dolce
La classification modale de Glarean part de la finale ré pour le premier et le second mode, pour arriver à do
pour le onzième et le douzième. Le mode de fa avec bémol y est considéré comme une transposition du mode de
do (modes 11 et 12). L’étude de référence sur la modalité polyphonique reste l’ouvrage fondamental de MEIER
Bernhard, The Modes of Classical Vocal Polyphony, New York, Broude, 1988 (traduction anglaise de l’original
allemand Die Tonarten der klassischen Vokalpolyphonie, Utrecht, Oosthoek, Scheltema & Holkema, 1974). Voir
aussi POWERS Harold, « Mode », New Grove Dictionary of Music and Musicians, 2001, vol. 16, p. 775-860.
205
Pour une définition des types tonals voir POWERS Harold « Tonal Types and Modal Categories in
Renaissance Polyphony », Journal of the American Musicological Society, XXXIV, 1982, p. 428-470 et, du
même auteur, « Is Mode Real? Pietro Aron, the Octenary System, and Polyphony », Basler Jb für historische
Musikpraxis, XVI, 1992, 9–52.
206
Un tiers des madrigaux du Primo libro a sei voci et des Madrigali a quattro, cinque et sei voci sortent de ces
configurations modales, contre un dixième dans les Madrigaletti et napolitane.
114
io se
Mentre al mio chiaro e vivo sol
4.
mirava
{fa/b/c1}
4.
Vorrei morire
5.
Dico spesso al mio core
{sol/§/g2}
5.
S’io non t’ador
6.
Una fiammella viva
{sol/§/g2}
6.
Bacciami vita m
Vola vola pensier fuor del mio
7.
petto
{sol/§/g2}
7.
Vaga bellezza
8.
Fuggi pur quanto sai
{sol/§/c1}
8.
Deh non più st
9.
Se tu vuoi pur ch’io muoia
{sol/§/c1}
9.
Vorrei nel chia
10.
O begli occhi sereni
{sol/§/c1}
10.
Se nel leggiadr
11.
Scoprirò l’ardor mio
{la/§/g2}
11.
Se quel vital hu
12.
Vorria saper da voi occhi mortali {la/§/g2}
12.
A che più tend
Clori dunque
13.
S’io potessi cantando
{sol/b/g2}
13.
fuggire
14.
Questi leggiadri fiori
{sol/b/g2}
14.
Quando sorge l
15.
Se del mio mal non curi
{ré/§/c1}
15.
Donna leggiadr
16.
Altro non voglio,
{sol/b/c1}
16.
Talor mi s’avv
17.
Quel sì cocente foco
{sol/b/c1}
17.
Tu ridi sempre
Fammi pur gu
18.
Cercai fuggir Amore
{sol/b/c1}
18.
guerriera
Amor scorse
19.
La Salamandra se nel foco dura
{fa/b/g2}
19.
diva
20.
Non sentirò mai pena
{fa/b/g2}
20.
Amor donna ch
21.
Poi che non posso dire
{fa/b/g2}
21.
Tre graziosi am
Dans les Madrigaletti et napolitane, Macque chercha probablement à se limiter aux
configurations modales les plus couramment utilisées dans le répertoire profane 207 , ainsi qu’à
éviter les ethos trop sombres traditionnellement associés aux modes 3 et 4 (mode de mi).
Macque se conforme ainsi aux habitudes des genres légers. On retrouve exactement la même
207
On retrouve la même prédilection pour la finale sol avec ou sans bémol dans les recueils de Giovannelli et
Marenzio des années 1580. Les modes 1 et 2, quasiment absents des Madrigaletti et napolitane, sont aussi très
peu utilisés chez ces deux auteurs. La même tendance est perceptible dans l’anthologie romaine Dolci affetti
(Venezia, Scotto, 1582), dans laquelle les finales ré et mi et do ne sont pas du tout représentées.
115
tendance dans les recueils de canzonette et de villanelles de Marenzio et Giovannelli 208 , qui
privilégient les mêmes modes que Macque dans les Madrigaletti et napolitane 209 .
La finale du mode joue généralement un rôle structurel important. La table suivante (table 15)
donne un aperçu de la position des cadences principales des pièces (cadences de fin de parties,
facilement identifiables étant donnés les canevas formels utilisés, sans tenir compte
évidemment des cadences finales).
table 15 : position des cadences principales
Les cadences principales sont placées très majoritairement sur la finale, puis à sa quarte et
quinte ascendantes ou descendantes (quatrième et cinquième « degrés » du mode). À peine
plus d’un dixième des cadences principales est réalisé sur une autre hauteur. Même s’il est
impossible de mettre en évidence un processus bien déterminé dans la conjugaison des
cadences et des formes musicales, on discerne cependant une forte tendance à utiliser la finale
aux points d’articulation majeurs des compositions.
Au-delà de cette organisation à grande échelle, les pièces possèdent très souvent une logique
harmonique interne. Pour l’appréhender, il convient de distinguer deux types d’écritures :
d’une part la texture homophone, on l’a vu, largement majoritaire, d’autre part la texture
contrapuntique, généralement imitative. À ces deux types d’écritures correspondent autant
d’organisations harmoniques.
208
Pour plus de détails, voir NEWCOMB Anthony, “Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie”, in Music
in the Mirror, University of Nebraska Press, 2002, p. 65.
209
Au niveau modal, la seule différence notable entre les Madrigaletti et napolitane de Macque et les recueils de
canzonette et villanelles de Giovannelli et Marenzio est l’absence dans les premiers du mode 11 et 12 non
transposés {do/§/c1} et {do/§/g2}, assez fréquents dans les seconds.
116
Contrepoint et « ancrage » harmonique
Contrairement à ce que l’intuition laisserait présumer, l’organisation harmonique des passages
contrapuntiques est souvent plus facilement descriptible et intelligible que celle des passages
homophones. Macque généralise en effet l’usage d’une technique contrapuntique basée sur
une forte structure harmonique, procédé dont on trouve les toutes premières manifestations
dans les pièces à six voix des Madrigali a quattro, cinque et sei voci de 1579.
Il s’agit d’un type d’écriture, généralement imitative qui, tout en sonnant comme une
superposition de lignes horizontales, est en réalité conçue de manière résolument verticale, sur
un canevas harmonique d’un unique accord (ce que j’appelle « imitation monoaccordale »,
voir infra, exemple musical 18, p. 118), ou sur une alternance de deux ou trois accords
(« imitation biaccordale » et « triaccordale », voir infra, exemple musical 19, p. 118).
Dans ces passages contrapuntiques, l’harmonie cesse en quelque sorte d’être la résultante de
la superposition mélodique, mais c’est le soggetto lui-même qui vient épouser le schéma
harmonique.
Selon Anthony Newcomb, qui surnomme cette technique pseudocontrepoint (ou moins
sérieusement chordal noodling 210 ), la première occurrence de ce type d’imitation dans le
répertoire du madrigal se trouverait dans les Madrigali a quattro, cinque et sei voci de
Macque 211 . Ce procédé d’écriture s’inscrit cependant dans un phénomène de clarification et
de simplification des structures harmoniques qui caractérise les genres légers depuis leur
naissance 212 . Dans un contexte madrigalesque, on retrouve une sensibilité harmonique
similaire dans certaines pièces d’Andrea Gabrieli dès le début des années 1570 213 . Dans les
Madrigaletti et napolitane, le procédé revêt cependant une importance tout à fait nouvelle, et
envahit littéralement le matériau imitatif. Les trois quarts des passages contrapuntiques sont
en effet construits sur la base d’imitations monoaccordales, biaccordales, ou triaccordales.
210
NEWCOMB Anthony, « Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie”», op. cit., p. 61-75.
Il semble que Macque ait voulu varier les styles selon le nombre de voix qu’il employait. Les techniques
contrapuntiques des madrigaux à quatre voix ainsi que la grande majorité de ceux à cinq voix sont en effet tout à
fait différentes. Ce n’est que dans les madrigaux à six voix que Macque montre clairement une volonté de
simplifier les structures harmoniques des passages imitatifs.
212
Le même type de technique était cependant utilisé depuis longtemps, quoique de façon moins évoluée, en
dehors du répertoire madrigalesque, et notamment par Janequin dans ses grandes fresques narratives (voir
LOWINSKY Edward, Tonality and Atonality in Sixteenth-Century Music, Berkeley, University of California Press,
1961).
213
Voir par exemple l’incipit de Amor, che de’ mortali du Secondo libro de madrigali a cinque voci de Gabrieli,
in GABRIELI Andrea, Il secondo libro di madrigali a cinque voci, éd. David Butchart, Milano, Ricordi, 1996,
p. 148.
211
117
exemple musical 18 : imitation monoaccordale, Dal suo volto scendea dolcezza e grazia
(a456, n. 17) 214
exemple musical 19 : imitation biaccordale, Una fiammella viva (MN1, n. 6)
L’impression de lisibilité et de prévisibilité harmonique qui résulte de ce type de techniques
imitatives est en outre renforcée par un autre facteur : l’ « ancrage » très marqué dans la
finale. Les trois quarts des imitations biaccordales et triaccordales sont en effet construites
autour de la finale, alternée le plus souvent avec ce qui serait appelé dominante et sousdominante dans une pièce tonale. Quant aux imitations monoaccordales, elles sont faites dans
plus de la moitié des cas sur la finale elle-même.
Certaines pièces poussent très loin l’ancrage dans la final au moyen de ce procédé, et pour
cette raison, résultent à nos oreilles extrêmement tonales (Newcomb parle à ce propos
d’exemples de prototonalité fonctionnelle 215 ). C’est le cas notamment de Vorria saper da
214
215
D’après SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 340.
Voir NEWCOMB Anthony, « Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie”», op. cit.
118
voi 216 (l’un des rares numéro écrit en mode 10, {la/§/g2}), dont le déroulement harmonique
est schématisé dans la table 14.
L’axe horizontal du schéma représente le déroulement temporel de la pièce, l’axe vertical,
l’harmonie. Au centre de ce dernier, la triade finale la/do/mi (sans tenir compte de l’ordre
vertical des notes) ; en haut, l’accord de la quinte supérieure mi/sol#/si, sorte de dominante ;
en bas, l’accord de la quinte inférieure, ré/fa/la, sorte de sous dominante ; et pour finir,
l’accord placé sur la corda mezzana, do/mi/sol. Les deux passages rayés correspondent aux
moments où l’harmonie n’est pas organisée autour de ces accords.
table 16 : schéma du déroulement harmonique de Vorria saper da voi (MN1, n. 12)
Il ressort très clairement de ce schéma que la presque totalité de la pièce n’utilise que les trois
accords de finale, de sa quinte supérieure et de sa quinte inférieure. Toutes les pièces ne
poussent bien évidemment pas aussi loin le procédé, mais cet exemple illustre clairement la
sensation extrêmement tonal que cette technique peut donner aux madrigaletti.
En mettant en évidence le caractère prototonal de ces pièces, il ne s’agit évidemment pas de
dire que Macque commença de manière consciente à changer sa conception de la composition
pour s’acheminer doucement vers la tonalité fonctionnelle. Ce serait absurde, faux au niveau
historique et infirmé en outre par le reste de la production de Macque qui, on le verra,
abandonna presque complètement ce type d’écriture à partir des années 1590.
216
Voir transcription en annexes.
119
Son intérêt momentané pour cette technique était certainement moins dû à une réelle
aspiration à changer radicalement le langage musical qu’à sa recherche d’un langage clair,
simplifié, euphonique, facile à chanter et doux à l’oreille, qui rappelle, comme le souligne
Newcomb 217 , les « fugues faciles sans artificio extraordinaire » (« fughe facili e senza
straordinario artificio ») dont parle Giustiniani à propos des madrigaux de Marenzio 218 .
Homophonie et « dérive » harmonique
a. Séquences harmoniques
Les passages homophones des Madrigaletti et napolitane, comparés aux sections imitatives
que nous venons d’évoquer, ont une organisation harmonique beaucoup plus complexe.
Comprendre la logique d’enchaînement de chacun des maillons du flux harmonique d’une
pièce accordale de la Renaissance est évidemment une entreprise extrêmement ardue. L’une
des méthodologies possibles pour aborder le problème est de raisonner par petites séquences
harmoniques stéréotypées, comme le firent entre autre Kirkendale et Lowinsky 219 en
s’intéressant aux pas de danse, ou plus récemment, Howard Mayer Brown 220 . Même si bien
souvent les successions accordales ne semblent répondre à aucun modèle préexistant, il est
cependant possible d’identifier un certain nombre de schémas harmoniques présents tout au
long des deux recueils.
Il s’agit essentiellement de séquences rythmico-harmoniques stéréotypées, résultant de
mélodies de basse associées aux modèles rythmiques mis en évidence précédemment 221 . Les
deux séquences harmoniques les plus récurrentes sont construites sur le rythme q q. e q
q h h (rythme A).
Séquence a
La première séquence (exemple musical 20a), très courte, est la plus fréquemment utilisée.
Elle présente deux formes : la première commence par une seconde descendante, la seconde,
par une quarte ascendante, ou une quinte descendante. Macque utilise cette séquence pour
musiquer huit vers, chacun des vers étant répété au moins trois ou quatre fois.
217
Voir NEWCOMB Anthony, « Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie”», op. cit.
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica de' suoi tempi, in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 106 (voir supra, p. 25). Cette hypothèse est soutenue in NEWCOMB Anthony,
« Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie”», op. cit.
219
KIRKENDALE Warren, L’aria di Fiorenza, id est Il ballo del gran duca, Firenze, Olschki, 1972 ; LOWINSKY
Edward, Tonality and Atonality in Sixteenth-Century Music, op. cit.
220
BROWN Howard Mayer, « Verso una definizione dell’armonia nel sedicesimo secolo : sui « madrigali ariosi »
di Antonio Barrè », op. cit., p. 18-60.
221
Voir supra, p. 100 et suivantes.
218
120
exemple musical 20a : séquence harmonique a
Séquence b
La deuxième séquence est un peu plus longue et caractérisée :
exemple musical 20b : séquence harmonique b
Cette séquence est utilisée pour mettre en musique cinq vers, eux aussi répétés trois ou quatre
fois.
Les tables 17 et 18 (voir page suivante) listent toutes les occurrences de ces deux séquences
(sans les répétitions ni les transpositions, qui peuvent présenter parfois de légères variantes),
avec une réduction de l’harmonie respectant la mélodie de la voix supérieure.
Ces deux schémas harmonico-rythmiques ne sont pas propres à Macque. Même s’il paraît
délicat de chercher à remonter à leur origine, et de leur donner un nom spécifique –
contrairement aux pas de danse Ruggiero, Folia ou de Romanesca –
ils faisaient
probablement partie du vocabulaire commun utilisé par les compositeurs de l’époque pour
composer des sections accordales, notamment dans le répertoire léger.
Parmi les schémas harmoniques récurrents que l’on peut identifier dans Madrigaletti et
napolitane, ces deux séquences sont sans doute les plus intéressantes : d’une part, elles
apparaissent trop souvent pour ne pas être le fruit d’une simple coïncidence, d’autre part, elles
sont les seules, parmi celles que j’ai pu identifier, à ne pas se limiter à une succession de
triades à l’état fondamental. Cette distinction importante est la preuve que ces séquences
n’étaient pas seulement envisagées en tant que modèle mélodique (question que l’on peut se
121
poser lorsqu’on s’intéresse à certains pas de danse 222 ) mais aussi comme véritable modèle
harmonique sur lequel construire le reste de la polyphonie.
table 17 : séquence harmonique a
table 18 : séquence harmonique b
222
La question est posée par KIRKENDALE Warren, L’aria di Fiorenza, op. cit., p. 15-21.
122
Autres séquences harmoniques
Il est possible d’identifier d’autres enchaînements harmoniques récurrents, limités cependant
à une succession de triades à l’état fondamental. Ces derniers sont toujours liés à des rythmes
particuliers.
Le schéma rythmique 3+3+2, notamment, est presque systématiquement mis en musique
selon un unique principe harmonique utilisant l’aspect répétitif propre au trochaïque pour
créer une sorte de petite marche harmonique de tierce, de quarte ou de quinte (voir table 13).
table 19 : séquences harmoniques liées au schéma rythmique 3+3+2 (1)
123
Les deux seules occurrences de ce rythme qui ne respectent pas ce principe utilisent
exactement la même séquence harmonique :
table 20 : séquences harmoniques liées au schéma rythmique 3+3+2 (2)
L’identification de séquences harmoniques récurrentes ne permet évidemment pas de
comprendre l’ensemble des successions accordales utilisées par Macque dans les deux
recueils, puisque seules peu d’entre elles recourent aux modèles que j’ai pu mettre en
évidence. Cependant, l’existence même de ces séquences est déjà en soi significative car elle
prouve la capacité du compositeur à raisonner selon des canevas harmoniques prédéfinis.
b. Organisation à grande échelle
Ancrage et dérive
124
Raisonner par petites séquences a toutefois ses limites, car celles-ci ne proposent qu’une vue à
très petite échelle de l’organisation harmonique des pièces. En prenant en peu de recul, on
s’aperçoit que les directions harmoniques des sections accordales sont dans l’ensemble
extrêmement fluctuantes et mobiles. Celles-ci contrastent fortement avec les passages
imitatifs, caractérisés par un « ancrage » très marqué dans la finale. À ce terme d’« ancrage »,
on pourrait opposer celui de « dérive » pour décrire les passages homophones des deux
recueils, et ceci pour plusieurs raisons.
Premièrement, il est rare qu’une phrase commence et finisse par le même accord. Dans la
majorité des cas, l’accord final d’une phrase se trouve à la quinte supérieure ou inférieure de
son premier accord (41%), ou à sa tierce (24%), ou plus rarement à sa seconde (16%). Seul
19% des phrases débutent et se concluent sur le même accord.
D’autre part, à cette instabilité interne de la phrase, vient s’ajouter un autre facteur de dérive :
la transposition quasi systématique lors des répétitions textuelles. Rares sont en effet les
répétitions identiques ; en règle générale, une répétition entraîne une transposition 223 à la
quinte supérieure ou inférieure, mais aussi à la tierce ou à la seconde (voir exemples musicaux
21a et 21b).
exemple musical 21a : transposition à la quinte Una fiamella viva (MN1, n. 21)
exemple musical 21b : transposition à la tierce Mentre al mio chiaro e vivo sol mirava
(MN1, n. 4)
223
Les transpositions concernent environ 83% des répétitions internes.
125
La dérive interne des phrases combinée aux nombreuses transpositions nous éloigne
sensiblement du sentiment prototonal qui pouvait se dégager des passages imitatifs étudiés
auparavant, mais également des règles du contrepoint modal. En effet, en dehors des
articulations principales fortement centrées sur la finale, les hauteurs cadentielles semblent
plutôt résulter de la logique de transposition que d’une volonté de respecter les cadences
régulières du mode de la pièce.
Cependant, une analyse plus attentive des transpositions et des enchaînements révèle que
ceux-ci ne sont pas organisés de manière anarchique ; au contraire, il est souvent possible de
dégager une logique formelle et harmonique.
Comme nous l’avons vu 224 , les répétitions génèrent souvent des effets de cori spezzati : une
partie des chanteurs énonce une phrase, qui est répétée ensuite par un groupe de chanteurs
différents (voir supra, exemples musicaux 21a et b, p. 125). Macque utilisa abondamment ce
que l’on pourrait appeler « le principe de la note commune » pour passer d’un groupe à
l’autre, principe consistant à faire commencer une nouvelle phrase sur l’accord final de la
phrase précédente, peut-être dans le but de faciliter l’enchaînement d’un groupe de chanteur à
l’autre 225 .
Les cycles
224
Voir supra, p. 84 et suivantes.
Il ne s’agit là que d’une hypothèse. Il est possible que ces enchaînements n’aient pas été organisés selon ce
principe de « note commune », mais résultent tout simplement de la transposition majoritairement à la quinte de
phrases dont le premier et le dernier accord sont distants généralement d’une quinte. Deux éléments me font
cependant pencher pour le principe de la note commune. Premièrement, les phrases dont le premier et le dernier
accord sont distants d’une tierce ne sont presque jamais transposées à la quinte et vice versa. Deuxièmement, le
principe de la note commune concerne aussi bien l’enchaînement d’une phrase à sa transposition, que celui de
deux phrases différentes. Au total, environ deux tiers des enchaînements se font par note commune.
225
126
Tentons maintenant de relier ensemble ces différentes observations. La distance entre le
premier et le dernier accord d’une phrase type est généralement d’une quinte ou d’une tierce :
table 21a : agencement des transpositions selon le cycle des quintes et des tierces (1) 226
Si la phrase est répétée, et que la répétition engendre une transposition (comme il advient dans
la majorité des cas), il est probable que la phrase suivante reparte sur l’accord final de la
phrase précédente et que, par conséquent, si la transposition est régulière, le dernier accord de
cette nouvelle phrase se trouvera non seulement à la quinte ou à la tierce de son premier
accord, mais à la quinte de la quinte, ou à la tierce de la tierce du début de la première phrase :
table 21b : agencement des transpositions selon le cycle des quintes et des tierces (2)
et ainsi de suite pour les transpositions suivantes :
table 22c : agencement des transpositions selon le cycle des quintes et des tierces (3)
226
Dans les tables 19a,b,c, le début et la fin des phrases sont représentés par des crochets ; ne sont reportées que
les directions harmoniques, c’est à dire l’accord initial et final, disposés selon le cycle des quintes à gauche, des
tierces à droite. Ces schémas n’envisagent que la direction descendante des cycles, mais le processus peut
évidemment se faire dans l’autre sens.
127
En d’autres termes, les accords initiaux et finaux des phrases transposées ont une forte
propension à dessiner des cycles de quintes (dans le cas le plus fréquent) ou bien, plus
rarement, de tierces.
En raisonnant de cette manière, on parvient à trouver une logique à une grande partie des
passages accordaux des Madrigaletti et napolitane, qui effectuent bien souvent un trajet d’un
point à un autre à travers le cycle des quintes ou des tierces, s’éloignant des points d’ancrage
principaux du mode, pour y revenir plus tard aux articulations les plus importantes de la
pièce.
L’un des exemples plus significatifs de ce type d’organisation est la fin de la première pièce
du premier livre Mai non vo’ più pianger (en mode 12 sur fa – {fa/b/c1}) 227 . Le dernier vers,
Libero son e non pato più pena, est sectionné en deux parties. Chacune de ces parties est
répétée trois fois, et chaque répétition donne lieu à une transposition. La table suivante
propose une vue d’ensemble de ce passage, indiquant l’accord initial et final de chacune des
phrases disposés selon le cycle des quintes. Le texte est reporté en dessous de chaque section.
table 22 : schéma de l’agencement des transpositions du dernier vers de Mai non vo’ più
pianger (MN1, n. 1)
227
Voir transcription en annexes.
128
Ce schéma synoptique met en évidence la manière dont Macque organisa le passage de
manière parfaitement symétrique, en effectuant un aller retour entre la finale fa et l’accord de
ré selon un parcours qui respecte parfaitement le cycle des quintes, processus que l’on ne peut
décrire ni en terme de contrepoint modal, ni selon les principes d’une prototonalité
fonctionnelle naissante.
129
À petite comme à grande échelle, Macque s’appuya manifestement sur une forte logique
harmonique pour structurer ses Madrigaletti et napolitane. Pour revenir aux réflexions de
Pirrotta et Brown évoquées au début du chapitre 228 , cette logique harmonique contribua
probablement, par sa capacité à insuffler une direction aux phrases, à créer cette sensation
d’ariosità dont parle Macque dans sa dédicace. Celle-ci était entre outre indispensable pour
charpenter et donner une cohérence à un discours qui, tout en renonçant le plus souvent aux
artifices du contrepoint, possédait des dimensions bien plus vastes que celles d’une simple
canzonetta de quelques lignes.
Cette attention particulière à la simplification et l’organisation harmoniques deviendra un
élément important du madrigal des années 1580, notamment chez les madrigalistes
romains 229 . Macque, qui fut probablement l’un des pionniers en la matière, ne renoncera pas
non plus à cet aspect de l’écriture dans ses recueils successifs, dans des proportions cependant
moindres par rapport aux Madrigaletti et napolitane.
Une rhétorique musicale simplifiée
Les rapports texte-musique constituent eux aussi un élément de l’écriture pouvant être décliné
de diverses manières selon les registres stylistiques. Alors que le madrigal reste l’un des lieux
privilégiés de la rhétorique musicale 230 , les genres légers, par leur nature strophique et leur
facture peu sophistiquée, s’attardent généralement peu sur l’expression d’un mot en
particulier, même si, à partir des années 1570, mais surtout dans les années 1580-90, certains
auteurs commencent à introduire de petits madrigalismes à l’intérieur de leurs pièces 231 .
228
Voir supra, p. 112.
« Il y a un aspect de plus en plus harmonique et accordal dans la musique romaine des années 1580, à tel
point que l’on peut être tenté de parler d’élément de prototonalité fonctionnelle. » (« There was an increasingly
harmonic, chordal aspect to Roman secular music in the 1580s, even that on might be temped to talk of element
of proto-functional tonality. », in NEWCOMB Anthony, « Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie”»,
op. cit., p. 61.)
230
Les compositeurs, tout comme les théoriciens insistent en effet sur l’importance de donner un équivalent
musical aux principaux concepts du texte poétique dans l’écriture madrigalesque. Pour un exposé détaillé de la
littérature théorique du XVIe siècle sur la poétique du madrigal, et notamment sur les rapports texte-musique,
voir le chapitre introductif de FABBRI Paolo, Il madrigale tra Cinque e Seicento, op. cit., p. 9-38.
231
Notamment les chez Zappasorgo ou Ferretti (voir ASSENZA Concetta, La canzonetta dal 1570 al 1615,
op. cit., p. 143 et 227).
229
130
Concentration des figures
Macque, dans les Madrigaletti et napolitane, adopte une attitude intermédiaire. Il cible
quelques mots-clés de la poésie (parfois seulement un ou deux), auxquels il trouve un
correspondant musical, et met en musique le reste du texte de manière relativement neutre, en
ignorant bien souvent certains concepts pourtant facilement traduisibles en musique.
Le texte suivant, (numéro 11 du premier recueil), par exemple, regorge d’occasion de
madrigalismes (ardore, moro, bella, oimè, stella, celi, fiamma, martire, tacerò, morire) :
Scoprirò l’ardor mio con dir
ch’io moro,
Je dévoilerai mon ardeur en disant
que je meure,
ma la mia Ninfa bella,
mais ma belle Nymphe,
per forza oimè di stella,
à cause, hélas, de la volonté des
étoiles,
vuol ch’io celi la fiamma e ’l
mio martire.
veut que je cache ma flamme et
mon martyre.
Tacerò dunque o pur vorrò
morire.
Je me tairai donc, ou bien je veux
mourir.
Macque ne se concentre cependant que sur le mot martire. Les autres vers reçoivent une
intonation tout à fait standard, basée presque uniquement sur les rythmes A, B, C et D 232 :
Scoprirò l’ardor moi con
Homophonie sur rythme D
dir ch’io moro,
ma la mia Ninfa bella,
Homophonie sur rythme B
per forza oime di stella,
Homophonie sur rythme A
en augmentation
vuol ch’io celi la fiamma
e’l
Homophonie sur rythme D
Contrepoint, retards
mio martire.
Tacerò dunque
232
Homophonie sur rythme B
Voir supra, p. 100 et suivantes.
131
o pur vorrò morire.
Homophonie sur rythme A
Le mot martir est cependant prétexte à une série de dissonances assez tendues, faisant
entendre simultanément le retard et sa résolution :
exemple musical 22 : Scoprirò l’ardor moi con dir ch’io moro (MN1, n.11)
Le texte suivant (Dico spesso al mio core, numéro 5 du premier recueil), répond à un principe
identique, même si les moyens déployés sont différents :
Dico spesso al
homophonie
mio core:
solo fuggendo
imitation sur motif en fuses
déclamées
può
vincer
homophonie
Amore,
e
chi
non
sa
fuggire,
déclamées
resti sicuro
di
perire.
233
imitation sur motif en fuses
sua
homophonie sur rythme D
man
homophonie
233
Je dis souvent à mon cœur/on ne peut vaincre Amour qu’en fuyant,/et qui ne sait fuir/peut être certain de périr
de sa main.
132
Macque décide de s’attarder sur les deux mots-clés fuggendo et fuggir qu’il traite de manière
presque identique, en imitation sur un motif en fuses déclamées. Les autres mots-clés (core,
vincer’Amore, perire) sont mis en musique de manière tout à fait neutre.
L’impression qui ressort de ce procédé est que Macque veut se concentrer sur un ou deux
effets par pièce, en créant une occasion pour insérer dans le flux musical homophone un
passage imitatif sur un sujet vocalisant ou sur des fuses déclamées, ou bien un passage plus
pathétique. Ces derniers peuvent être parfois beaucoup plus tendus que dans ses recueils
précédents, malgré la relative neutralité de ton adoptée le reste du temps. Le passage suivant,
par exemple, qui combine notes de passage dissonantes et retards, anticipe déjà une technique
qui deviendra de plus en plus fréquente dans la production du compositeur, notamment dans
le Terzo libro de madrigali a cinque voci (1597) et que l’on retrouve aussi dans certains
madrigaux de Gesualdo des années 1590 234 :
exemple musical 23: Fammi pur guerra (MN2, n. 18)
Choix des mots-clés
Même si Macque peut s’attarder à traduire quelques fois le champ lexical de la
souffrance et des peines, il privilégie en général les concepts pouvant être mis en musique
avec des passages imitatifs très enlevés et légers. Comparons par exemple les diverses
occurrences des mots fuggire, fiamma d’un côté et de morire de l’autre (et leurs dérivés), trois
grands topoi madrigalesques.
234
Voir infra, p. 387. Keit Larson a remarqué que ce type de motif descendant en blanches pointées, souvent
doublé à la tierce ou à la sixte était particulièrement fréquent chez la dernière génération de madrigalistes
napolitains (voir LARSON Keit, The Unaccompanied Madrigal in Naples from 1536–1654, op. cit., p. 404).
133
Le terme fuggire reçoit un véritable traitement de faveur tout au long des deux recueils
puisque ses neuf occurrences font chacune l’objet d’un madrigalisme. Les différentes
intonations de ce concept répondent parfaitement aux stéréotypes du genre : petite « fugue »
pour traduire l’idée de fuite, sur des sujets en fuses déclamées ou vocalisées (voir infra, table
23a, p. 138).
Ce petit madrigalisme très courant fut l’objet des sarcasmes de Vincenzo Galilei, dans ce
célèbre passage du Dialogo della musica antica et della moderna, publié en 1581, la même
année que le premier recueil de Madrigaletti et napolitane :
Altra
volta,
D’autres
fois,
les
ils
diranno imitar le parole
contrapuntistes
quando tra quei lor concetti
imiter les paroles quand, au milieu de
ve ne siano alcune che
leurs
dichino
o
quelques uns qui disent « fuir » ou
quali
« voler » ; ils les proféreront alors
profferiranno con velocità
avec une telle vitesse et avec si peu de
tale e con sì poca gratia,
grâce qu’il suffit à certain de se
quanto basti ad alcuno
l’imaginer.
« fuggire »
« volare »,
imaginarsi.
le
concepts,
modernes
il
s’en
diront
trouvera
235
Les railleries de Galilei prouvent que cette figure était déjà passablement usée ou du moins
stéréotypée à l’époque de la parution des Madrigaletti et napolitane.
Le mot fiamma, lui aussi parfait support aux motifs vocalisés ou en fuses déclamées, est traité
de la même manière. On le retrouve une dizaine de fois dans les deux recueils et seule une
occurrence du terme est musiqué de manière neutre (voir infra, table 23b, p. 139).
Le mot morire, qui évidemment n’est pas du tout adapté à ce genre de technique imitative, est
au contraire rarement mis en valeur. Sur treize apparitions, seules trois donnent lieu à un
traitement particulier (congerie, syncopes et retards en notes blanches). Les autres
occurrences sont mises en musique sans aucun madrigalisme (voir infra, table 23c, p. 140 et
suivantes).
Macque privilégie donc les concepts pouvant être traduits par des techniques contrapuntiques
reposant sur l’agilité et la rapidité, afin de rester dans l’esprit léger qui caractérise ces
recueils. De plus, le compositeur opte bien souvent pour un traitement stéréotypé du rapport
235
GALILEI Vincenzo, Dialogo della musica antica et della moderna, Firenze, Marescotti, 1581, p. 88.
134
texte-musique, préférant les figures familières aux figures plus recherchées, et donc moins
directement reconnaissables et intelligibles par le lecteur/auditeur.
Le lieu privilégié de l’expression du texte reste l’écriture contrapuntique, que celle-ci se base
sur des sujets vifs et légers ou bien sur des sujets en valeurs longues, générateurs de
dissonances. Les passages homophones sont souvent beaucoup plus neutres dans leur rapport
au texte, et notamment ceux qui sont construits sur les modèles prosodiques stéréotypés.
Cependant, Macque réussit à donner un caractère expressif à certains passages homophones,
grâce à de légères inflexions mélodiques ou/et harmoniques sur les mots-clés, souvent par
l’utilisation du demi-ton ré-mi bémol au sommet de la phrase :
exemple musical 24 : inflexion expressive du mi bémol
Déclinaison des rapports texte/musique
Le degré de standardisation et de précision du rapport au texte dépend cependant beaucoup du
support poétique. En effet, certaines pièces entièrement homophones, composées sans presque
aucun madrigalisme (telles que Vorrei morire et S’io non t’adoro, numéros 4 et 5 du second
recueil) côtoient de véritables petits madrigaux. Les moyens rhétoriques employés dans
Vorrei nel chiaro lume (numéro 9 du second recueil), par exemple, dont le schéma métrique
135
abaCB est relativement éloigné d’une strophe de pièce légère, sont largement supérieurs à la
moyenne des Madrigaletti et napolitane 236 :
Vorrei nel chiaro lume
imitation
talor fermar quest’occhi,
Déclamation sur un accord de do
prolongé
ma quel c’ha per costume
rythme A
d’abbagliar
texture éclatée entre les voix
com’il Sol
solmisation sol sur sol combinée avec
une anabasis
ch’il mira fisso
note tenue basso, quinto, et canto
solmisation sol sur le so de fisso
fa
solmisation fa sur fa
ch’in abisso
e ’n tenebre trabocchi.
saut d’octave
237
Chute vers le registre grave
cadence évaporée
Les figures utilisées, sans atteindre le degré d’abstraction et de complexité que l’on
rencontrera dans les recueils successifs, font preuve d’une relative diversité ainsi que d’une
assez grande précision (notamment dans les deux derniers vers, qui font chacun l’objet de
trois madrigalismes). Il s’agit cependant là d’un cas particulier, la plupart des pièces des deux
recueils n’atteignent pas ce niveau de particularisation des concepts poétiques.
Le type de rapport au texte contribue sans aucun doute à la détermination du registre
stylistique et au degré de complexité d’une pièce ; de même que les choix poétiques ou que
l’utilisation de telle ou telle technique contrapuntique, l’aspect rhétorique contribue à définir
un certain niveau de raffinement d’écriture. Deux aspects rentrent en ligne de compte.
Premièrement, le grain plus ou moins fin de la lecture musicale du texte, le degré zéro étant
atteint dans certaines villanelles strophiques, entièrement homophones, dont la musique
pourrait s’adapter à n’importe quel texte poétique de même forme métrique.
Deuxièmement, le niveau de stéréotypation et de complexité des figures employées. Certains
madrigalismes très répandus étaient sans doute reconnus immédiatement par le lecteurauditeur, au même titre que les rythmes stéréotypés du répertoire léger ou que certaines
236
Voir transcription en annexes.
Je voudrais dans ce regard lumineux/parfois arrêter mes yeux,/mais celle qui a comme habitude/d’éblouir
comme le soleil qui le regarde fixement/fait que dans l’abysse et dans les ténèbres je me précipite.
237
136
séquences harmoniques. Complexifier le rapport au texte (notamment en enfreignant les
règles du contrepoint), c’était courir le risque d’être incompris par la frange la moins avisée
des musiciens, comme en témoigne la célèbre querelle entre Monteverdi et Artusi 238 .
Dans ses deux recueils de Madrigaletti et napolitane, Macque, tout en réagissant
musicalement aux concepts poétiques, démontre une volonté de simplifier le rapport au texte,
à la fois quantitativement et qualitativement. Il se limite en effet très souvent à n’exprimer que
quelques mots choisis du texte poétique, qu’il traduit généralement par des figures assez
standardisées et directes pour être comprises par un public non rompu aux subtilités du
répertoire madrigalesque. Ses recueils successifs démontreront qu’il ne s’agit là en aucun cas
d’un manque d’imagination et de créativité, mais plutôt d’une capacité à composer dans un
registre stylistique plus modeste ainsi qu’à s’adapter aux exigences d’un certain type de
public.
238
Pour une analyse détaillée de la querelle de Monteverdi et Artusi voir FABBRI Paolo, Monteverdi, Torino,
EDT, 1985, p. 48 et suivantes.
137
table 23a : intonations du mot fuggire
138
table 23b : intonations du mot fiamma
139
table 23c : intonations du mot morire
140
table 23c (suite)
Parmi tous les recueils de madrigaux publiés par Macque pendant sa carrière, les Madrigaletti
et napolitane sont sans aucun doute ceux qui furent accueillis avec le plus grand succès, et qui
bénéficièrent de la plus grande diffusion, notamment auprès du public oltremontano.
Ce n’est en effet pas tant en Italie que les deux recueils connurent le meilleur accueil – même
si la publication du deuxième livre de Madrigaletti et napolitane en 1582, un an à peine après
celle du premier volume, laisse penser que ce genre inhabituel avait rencontré une certaine
fortune auprès des mélomanes italiens – mais plutôt dans le reste de l’Europe, et en particulier
à Anvers, où les pièces semblent avoir profité d’une bonne réception.
141
Dès 1583, un an après leur parution, deux madrigaletti du second livre – Amor io sento un
respirar sì dolce et Tre graziosi amanti – sont en effet repris dans le recueil anversois
Harmonia celeste di diversi eccelentissimi musici, au côté du madrigal Dal suo volto extrait
des Madrigali a quattro, cinque et sei voci. Harmonia celeste est la première anthologie de
madrigaux italiens sortie des presses de Pierre Phalèse le jeune, ainsi que le premier grand
succès éditorial anversois en matière de madrigal. On peut penser que les deux recueils de
Madrigaletti et napolitane avaient rencontré un bon accueil auprès du public pour qu’Andrea
Peverage, l’éditeur d’Harmonia celeste, en reprennent deux numéros dans son anthologie si
peu de temps après leur parution. Les deux madrigaletti font partie des pièces les plus
récentes du recueil, ce dernier étant composé de madrigaux de diverses époques, des années
1560 et 1570 mais aussi du début des années 1580 239 .
Un an après, Phalèse réédite l’un des madrigaletto publié dans cette première anthologie (Tre
graziosi amanti) dans son recueil de tablatures pour luth Pratum musicum de 1584. Enfin, une
année plus tard, Waelrant reprend lui aussi deux madrigaletti du premier et second recueil
(Vorria saper da voi et Bacciami mia vita) dans l’anthologie Symphonia angelica, imprimée
également chez Phalèse en 1585.
Harmonia celeste et Symphonia angelica connurent une immense fortune éditoriale auprès du
public anversois. Chacune de ces deux anthologies fut en effet l’objet de nombreuses
rééditions 240 . C’est sans aucun doute par le biais de ces deux imprimés que les Madrigaletti et
napolitane se diffusèrent parmi les mélomanes flamands. Les madrigaletti des anthologies
anversoises furent assez appréciés par la clientèle de Phalèse pour que ce dernier se lançât, en
1600, dans la réédition de la totalité des deux livres en un unique recueil de quarante-et-un
titre 241 intitulé Madrigaletti et canzonetti sic napolitane a sei voci.
Pierre Phalèse dédicace le recueil à un Flamand amateur de musique du nom de Carolo Van
Salinghen. Dans la dédicace, Phalèse fait allusion au goût de Van Salinghen pour les
instruments de musique, ce qui laisse présumer que ces compositions étaient interprétées avec
un accompagnement instrumental :
… Fra tutte gli arti
239
… Entre tous les arts
Sont mélangées des pièces de madrigalistes de différentes générations : Roland de Lassus, Andrea Gabrieli,
Philippe de Monte, Marenzio, etc.
240
Harmonia celeste et Symphonia angelica connurent respectivement cinq et sept rééditions.
241
Phalèse republia toutes les pièces des deux recueils sauf une, Tre graziosi amanti, sans doute car cette
dernière était déjà connue du public anversois grâce à l’anthologie Harmonia celeste.
142
liberali,
che
danno
à
gli
libéraux,
qui
donnent
aux
huomini qualche contentezza,
hommes quelque satisfaction,
la
la
Musica
è
una
delle
musique
est
l’un
des
principale, perche coloro che in
principaux, car ceux qui se
detta arte si dilettano, per
plaisent à un tel art, par
l’harmonia delle voci, e delli
l’harmonie des voix et des
stromenti Musicali, mandano
instruments
fuora
melancolia,
repoussent toute mélancolie, en
recreandosi in quella honesta
se récréant avec cette honnête
occupatione.
questa
occupation. C’est pour cette
cagione ho raccolto e ridotto in
raison que j’ai recueilli et
un Corpo questi Madrigaletti
réduit en un seul livre ces
Napolitane à Sei Voci del
Madrigaletti napolitane à six
Eccellente Musico Giovanni de
voix de l’excellent musicien
Macque. Li quali Signor mio
Giovanni
come à grandissimo Amatore,
pièces, mon Seigneur, je vous
(non solamente della Musica,
les dédie tout plein de respect,
m’a anchora delli stromenti
comme à un grand amateur
sopradetti) io gli dedico con
(non seulement de musique
ogni riverenza. …
mais aussi des instruments
ogni
Per
musicaux,
de
Macque.
Ces
susdits). …
La réédition de recueils consacrés à un unique auteur italien (ou vivant en Italie) n’était pas
encore une pratique très courante chez les éditeurs anversois. Les Madrigaletti et napolitane
ne sont en effet que le sixième exemple de tel imprimé dans le catalogue de Pierre Phalèse 242 .
Il s’agit là d’un autre indicateur du succès des Madrigaletti et napolitane, qui répondaient
probablement au goût du public anversois (et flamand en général) pour ce type de
répertoire 243 .
En dehors des imprimés de Phalèse, les Madrigaletti et napolitane connurent aussi une
certaine diffusion en Allemagne (à Nuremberg, Munich et Heidelberg) sous des formes
variées (contrafacta en latin et français et tablature de luth).
En 1588, l’imprimeuse nurembergeoise Katherina Gerlach inclut une pièce du premier livre
(Vola, vola, pensier fuor del mio petto) dans le premier tome de son anthologie de madrigaux
italiens Gemma musicalis. Puis, en 1597, c’est Jérôme Commelin, éditeur flamand installé à
242
Avant 1600, Phalèse imprima deux livres de madrigaux de Marenzio, un de Felice Anerio, les Baletti de
Gastoldi et enfin Il convito musicale de Orazio Vecchi. Tous ces recueils avaient été publiés pour la première
fois à Venise.
243
Voir HOEKSTRA Gerald, « The reception and cultivation of the Italian madrigal in Antwerp and the low
contries 1555-1620 », Musica disciplinae, 48, 1994, p. 158.
143
Heidelberg, qui publie un contrafactum de Amor io sento un respirar sì dolce (Donner au
Seigneur gloire) dans son recueil de Cinquante pseaumes de David, avec la musique a cinq
parties d’Orlande de Lassus. Vingt autres pseaumes a cinq et six paries, par divers excellents
musiciens de nostre temps. En 1610, un autre imprimeur d’Heidelberg, Johann Rude, intégre
à son recueil de tablatures pour luth Flores musicae celle de trois pièces du second recueil,
Amor io sento un respirar sì dolce, Tre gratiosi amanti et Bacciami vita mia 244 . Un an
auparavant, à Munich, Berg avait imprimé deux contrafacta de madrigaletti du second livre
dans son deuxième tome d’Hortus musicali, quinq, et sex vocibus, publié en 1609 (S’io non
t’adoro devient Ave Maria dulcis et pia et Vorrei morire, Te invocamus).
Après avoir circulé entre les Flandres et l’Allemagne, les Madrigaletti et napolitane font une
dernière apparition dans le circuit éditorial italien. En 1609, Simone Molinaro publie en effet
deux recueils de contrafacta sacrés, réunis sous le nom de Fatiche spirituali dans lesquels, au
côté de compositions d’Andrea Gabrieli, Striggio, Marenzio, Monte et Vecchi, se trouvent les
deux premiers numéros de chacun des recueils de Madrigaletti et napolitane : Per pianto lo
mio core (Vieni Creator Spiritus), Mai non vuò pianger più (O mundi lumina), Non veggio
oggi il mio Sole (Virgo immaculata) et Preso son io (Audite me).
La facture très particulière des pièces, leur ariosità, l’esprit léger qui règne dans les recueils,
combinés à une polyphonie d’une certaine ampleur, sont sans doute autant de facteurs qui
expliquent le succès et la diffusion des Madrigaletti et napolitane auprès du public d’Europe
du Nord, ainsi que leur apparition sous des formes variées dans le circuit éditorial. Comme
l’ont noté Franco Piperno et Gerald Hoekstra dans leurs études sur la réception du madrigal
italien à Anvers et en Europe en général 245 , ce type de musique correspondait tout
particulièrement au goût du public européen de l’époque. Il ne faut donc pas s’étonner que ce
furent les recueils les moins élaborés, les moins complexes au niveau de l’écriture de toute la
production de Macque – mais pour ces raisons même les plus accessibles et les plus ariosi –
qui aient été le vecteur de sa reconnaissance au niveau européen.
244
On peut faire l’hypothèse d’un canal de diffusion anversois car il s’agit des mêmes pièces imprimées par
Phalèse dans ses anthologies des années 1580.
245
Voir HOEKSTRA Gerald, « The reception and cultivation of the Italian madrigal in Antwerp and the low
contries 1555-1620 », op. cit., p. 58 et suivantes et PIPERNO Franco, « Il madrigale italiano in Europa », in Il
madrigale oltre il madrigale, éd. Alberto Colzani, Andrea Luppi, Maurizio Padoan, Como, A.M.I.S., 1994,
p. 46.
144
D EUXIEME PARTIE – I L PRIMO LIBRO DE
MADRIGALI A QUATTRO VOCI ET I L SECONDO
LIBRO DE MADRIGALI A CINQUE VOCI
(1586-
1587) : LE RETOUR AU MADRIGAL
… una nuova aria et grata all’orecchie con
alcune fughe facili e senza straordinario artificio
 …
… une aria agréable et d’un nouveau genre,
avec quelques fugues faciles sans artificio
extraordinaire …
Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica de’ suoi
tempi
Les premières années napolitaines
Après un premier recueil à cinq voix, imprimé par les presses vénitiennes de Gardano en 1583
et aujourd’hui disparu, Macque publia coup sur coup deux recueils de madrigaux en 1586 et
1587. Avec ces deux nouveaux imprimés, dédicacés à des membres de la noblesse
napolitaine, Macque chercha probablement à asseoir sa position dans la société
parthénopéenne, où il venait de se transférer.
La date exacte de l’arrivée de Macque à Naples n’est pas connue avec précision, mais elle
peut se déduire des informations fournies par ses publications et par les anthologies
auxquelles le compositeur participa entre 1583 et 1585 ainsi que, dans une moindre mesure,
par sa correspondance.
Le premier indice d’une possible présence de Macque à Naples est sa contribution au Quarto
libro de madrigali a cinque voci, con alcuni a sei, et echo a otto alla fine de Stefano Felis
(Venezia, Gardano, 1585), dont la dédicace, signée à Bari (où Felis était maître de chapelle),
145
est datée du 15 février 1585. Felis, sans être à proprement parler un musicien napolitain246 ,
était en étroits contacts avec ces derniers et avait l’habitude d’intégrer à ses recueils des
pièces d’auteurs parthénopéens, de la ville de Bari ou du reste du Royaume des DeuxSiciles 247 . Il est tout à fait probable que Macque se soit déjà trouvé à Naples lors de la
publication du Quarto libro, ce qui ferait remonter son arrivée au début de 1585 ou à la fin de
1584, voire même avant. Le second recueil de Madrigaletti et napolitane, dont la dédicace est
signée de Rome le 25 septembre 1582, constitue en effet la dernière trace tangible de la
présence du madrigaliste dans la ville pontificale. On pourrait objecter que Macque, les
années suivantes, participa à d’autres anthologies au contenu fortement romain, à De floridi
virtuosi d’Italia et à Il lauro verde en 1583 et surtout, en 1585, au Secondo libro de madrigali
con alcuni di diversi eccellenti musici di Roma de Moscaglia 248 . La dédicace de ce dernier
livre remonte cependant au 10 septembre 1582. De plus, Macque aurait tout à fait pu
participer à ces recueils en étant basé à Naples, comme il le fit en 1589, avec l’anthologie
Dolci affetti.
L’échange épistolaire entre le compositeur et son ami romain Camillo Norimberghi ne permet
pas de trancher la question. La première lettre conservée ne remonte en effet qu’au 31 janvier
1586, mais semble faire état d’une correspondance bien entamée – quoique trop irrégulière
aux yeux de Macque – et évoque deux courriers datant d’avant Noël 1585.
1585, année généralement retenue dans les notes biographiques sur Macque, est donc à
considérer comme la date la plus tardive de l’arrivée du compositeur à Naples, cette dernière
pouvant remonter au moins jusqu’à 1583.
Panorama du madrigal napolitain dans les années 1580
Macque, on l’a vu, quitta une Rome en pleine effervescence madrigalesque, ainsi qu’un
réseau de musiciens extrêmement bien organisé. Quelle vie musicale trouva-t-il à Naples ?
246
Felis passa une grande partie de sa carrière à Bari et à Prague. Celle-ci fut entrecoupée cependant de quelques
séjours napolitains. Sur Stefano Felis, voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol.
Patricia
Ann,
« Felis,
Stefano »,
Grove
Music
Online,
1,
p. 339-360
et
MYERS
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.09445, page consultée le 12 juillet 2007.
247
Pomponio Nenna participa aussi au Quarto libro de Felis ainsi qu’à son Primo libro de madrigali a cinque
voci (Venezia, Gardano, 1585), et à son Quinto libro de madrigali a cinque voci (Venezia, Gardano, 1583).
Scipione Dentice, Mutio Effrem et Rocco Rodio participèrent au Sesto libro de madrigali a cinque voci
(Venezia, Gardano, 1591). On retrouve aussi dans les publications de Felis les noms de nombreux compositeurs
de la ville de Bari, Gio. Battista Pace, Gio. Donato Vopa, Gio. De Marinis, ainsi que ceux de Gio. Francesco
Violanta, Gio. Battista Venelli et de Ridolfo Romano. Le seul compositeur éloigné de la vie musicale du
Royaume des Deux-Siciles qui participa aux recueils de Felis est Philippe de Monte, qui toutefois passa une
partie de sa vie à Naples, et resta toujours en contact avec la vie musicale napolitaine.
248
Sur ces recueils, voir supra, p. 33.
146
Par qui était pratiqué le madrigal en ce milieu des années 1580 ? Dans quel environnement
musical furent conçus ses deux premiers recueils napolitains ?
Il est possible que Macque, à son arrivée à Naples, n’ait pas retrouvé dans un premier temps
une situation tout à fait aussi stimulante en matière de madrigal que celle de la ville qu’il
venait de quitter, même si, suivant l’évolution générale des activités éditoriales du reste de
l’Italie, le panorama madrigalesque napolitain commençait alors à s’animer, après des
décennies de production relativement anecdotique, tout particulièrement dans les années
1570 249 . En effet, les madrigalistes actifs à Naples dans les années 1580 publièrent
apparemment beaucoup moins que leurs collègues romains 250 et restèrent relativement isolés
de la vague d’anthologies qui déferla alors sur Rome et sur l’Italie septentrionale. La nostalgie
pour les virtuosi romains dont on trouve trace dans la correspondance de Macque n’était peutêtre pas une formule rhétorique de pure complaisance envers son ami Norimberghi 251 .
Après ce réveil un peu tardif, les Napolitains feront cependant preuve d’un engouement
inégalé pour le madrigal polyphonique, qu’ils continueront à cultiver bien après la
249
Si l’on se base sur la liste des imprimés d’auteurs actifs à Naples réalisée par Larson dans son PhD (The
Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 1, p. 158, 255 et 311), nous n’avons la trace que de deux
recueils de madrigaux entre 1570 et 1579, contre huit pendant la décennie 1560-1569 et douze dans la décennie
1580-1589. La chronologie générale effectuée par le même auteur et Angelo Pompilio (« Cronologia delle
edizoni musicali napoletane del Cinque-Seicento », in Musica e cultura a Napoli dal XVI al XIX secolo, éd. L.
Bianconi et R. Bossa, Firenze, Olschki, 1983, p. 103-139), qui retient des critères plus larges incluant aussi la
seule dédicace à un membre de la société napolitaine, fait état de neuf imprimés entre 1570 et 1579, contre
quinze dans la décennie 1560-1569 et trente-six dans la décennie 1580-1589. Ces chiffres sont évidemment à
considérer avec précaution, une partie de la production éditoriale de ces années ayant complètement disparu sans
laisser de traces.
250
Pour la décennie 1580-1589, le nombre de recueils identifiés comme appartenant à la sphère des madrigalistes
romains est presque trois fois supérieur à la production des madrigalistes napolitains (trente-trois imprimés
romains contre douze imprimés napolitains, sans compter les nombreuses anthologies). Ces chiffres sont établis
sur la base de la table chronologique réalisée par Ruth DeFord (Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome,
op. cit., p. 330-336), qui adopte des critères relativement similaires à ceux du PhD de Larson.
251
Cet extrait d’une lettre d’un ambassadeur ferrarais au duc d’Este, datée du 28 avril 1582 semble confirmer le
retard napolitain en termes de madrigal au début des années 1580 (il est cependant difficile de mesurer le degré
d’objectivité de ce type de document) : « J’ai fait en sorte de me procurer un peu de musique, comme me l’avait
ordonné Votre Altesse, et j’ai entendu plusieurs fois chanter, aussi les dames, et il ne m’a pas semblé entendre de
musique qui, en ce qui concerne les madrigaux, soit digne que je vous la rapporte, car on ne chante ici que des
madrigaux imprimés et très vieux, et de ces villanesche que j’ai déjà recueillies en grand nombre et que je
rapporterai moi-même à Votre Altesse, bien qu’elles ne le méritent pas, même si je sais qu’elles sont ce que l’on
estime le plus dans cette ville. Les dames ne chantent que des pièces très anciennes de Dentice …. » (« Ho
procurato in Napoli d’haver qualche cosa di musica secondo l’ordine di V.A., et hò sentito più volte cantare, et
anco delle Dame, e non mi è parso di sentir musica quanto a’ madrigali ch’io habbia giudicata degna d’esserle
portata, perché non si canta se non madrigali in stampa, et molto vecchii, e di quelle sue villanesche, delle quali
ne ho avute molte, ch’io stesso Le porterò all’A. V. se ben non vi è cosa che lo meriti, pur son di quelle che so
più estimate in quella Città. Le Dame non cantano se non cose antichissime del Dentice …. », cité en anglais
in NEWCOMB Anthony, « Carlo Gesualdo and a Musical Correspondence of 1594 », The Musical Quarterly,
LIV, 1968, p. 411. Anthony Newcomb n’ayant pas reporté la version originale des lettres dans cet article, je me
réfère à la traduction italienne de Barbara Pizzichelli pour les références des extraits cités, « Carlo Gesualdo e
una corrispondenza musicale del 1594 », in Carlo Gesualdo: principe di Venosa, éd. Ennio Speranza, Roma,
ISMEZ, 1998, p. 32).
147
désaffection de ce genre dans le reste de l’Italie. Il faudra cependant attendre les premiers
imprimés ferrarais de Gesualdo (1594 252 ) et surtout le développement de l’imprimerie
musicale à Naples pour assister à cet essor 253 .
Cependant, dans les années 1580, on ne trouve encore à Naples aucun madrigaliste du relief
de Marenzio ou de Giovannelli. Le compositeur le plus prolifique de cette période fut sans
doute Stefano Felis. Entre 1579 et 1591, ce dernier publia en effet six recueils de madrigaux à
cinq voix (la plupart de ces livres ont aujourd’hui disparu). Felis, même s’il ne séjourna que
peu à Naples, semble avoir été une figure importante et influente de la vie musicale de la
ville 254 .
À côté de Stefano Felis, les deux madrigalistes actifs à Naples les plus prolifiques des années
1580 furent Macque lui-même, avec ses trois recueils publiés entre 1586 et 1589 et un autre
Franco-flamand francophone, Ambroise Marien 255 , dont les trois livres de madrigaux furent
imprimés entre 1580 et 1585 256 .
Macque occupe une position tout à fait particulière parmi les madrigalistes parthénopéens car
il est l’un des rares compositeurs à faire la transition entre la phrase « prégésualdienne » du
madrigal napolitain et la nouvelle génération des dernières années du XVIe siècle et du début
du XVIIe siècle 257 . Scipione Dentice, Giovan Domenico Montella, qui font partie des auteurs
252
Rappelons que le second livre ferrarais de Gesualdo avait déjà connu une impression antérieure sous le nom
de Gioseppe Pilonij (aucun exemplaire de cet imprimé n’a été conservé). Pour cette raison, ce second livre est
considéré comme l’opus 1 du compositeur (à ce propos voir WATKINS Glenn, Gesualdo. The Man and His
Music, 2e éd., Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 56 et 133).
253
Le véritable envol de la production napolitaine n’aura cependant lieu qu’à début du XVIIe siècle (à ce propos,
voir POMPILIO Angelo, VASSALLI Antonio, « Il madrigal a Napoli nel Cinque-Seicento », La musica a Napoli
durante il Seicento, Atti del Convegno internazionale di Studi, Napoli, 11-14 aprile 1985, éd. Domenico Antonio
D’Alessandro et Agostino Ziino, Roma, Torre d’Orfeo, 1987, p. 9-11).
254
On a déjà évoqué le fait que de nombreux compositeurs napolitains – dont Macque et Gesualdo lui-même –
publièrent quelques pièces dans les recueils de Felis. De plus, Felis semble avoir eu aussi un certain nombre
d’élèves. Giovann Battista Pace et Giovann Donato Vopa sont déclarés explicitement « disciple de Felis »
(« discepolo del Felis ») dans l’un de ses recueils. Il est possible que Pomponio Nenna, qui intégra à son premier
recueil publié en 1582 un madrigal de Felis – pratique courante entre maître et élève –, fit aussi partie des
disciples de ce dernier. Felis fut peut-être aussi le premier maître de Gesualdo (voir infra, p. 155).
255
Ambroise Marien était au service d’une autre branche de la famille Gesualdo. Sur ce compositeur voir
LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 1, p. 382-391.
256
Les autres madrigalistes napolitains actifs dans les années 1580 sont Girolamo Conversi, Benedetto Serafico
di Nardò, Pomponio Nenna, Giovanni Battista Califano, Giovanni Leonardo Primavera, Giovanni Tommaso de
Benedictis di Pascarola et Rocco Rodio. Pour un tableau complet du madrigal de cette période voir LARSON
Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 1, p. 311-444.
257
Seuls deux autres compositeurs, Felis et Nenna, sont dans une situation similaire. Il s’agit là cependant de cas
particuliers. Les recueils de madrigaux de Felis sont en effet tous concentrés entre 1579 et 1591 à l’exception de
son tout dernier recueil de 1602 (avec un saut dans la numérotation entre le sixième livre de 1591 et le neuvième
de 1602). Pomponio Nenna semble avoir au contraire marqué une pause de près de vingt ans entre son premier
recueil de 1582 et le reste de sa production. La numérotation des recueils de Nenna passe cependant directement
du premier livre à cinq au quatrième livre à cinq. Angelo Pompilio a formulé l’hypothèse que les deuxième et
148
napolitains les plus prolifiques de cette nouvelle génération, Pietro Antonio Cinque ou
Manilio Caputi commencèrent en effet à publier à peu près en même temps que Gesualdo,
alors que Macque avait déjà à son actif sept recueils de madrigaux. Giovanni Maria Trabaci,
Ascanio Maione, Francesco Genuino ou Crescenzio Salzilli, eux, ne publièrent leurs premiers
madrigaux qu’au début du XVIIe siècle. Macque, on le verra, semble avoir tenu un rôle
important auprès de cette génération, certains musicologues ayant même vu en lui le chef de
file de cette nouvelle « école napolitaine » 258 .
Replacer la production de Macque dans la vie musicale napolitaine reflète sans aucun doute
une certaine réalité car les compositeurs et musiciens de la ville constituaient probablement
son principal environnement artistique 259 . Cependant, Macque n’était certainement pas
cloisonné au milieu musical parthénopéen. Celui-ci, on l’a vu, resta en contact avec les
membres de la Compagnia dei musici di Roma après son départ. Sa correspondance prouve
aussi qu’il se tenait aux aguets des innovations musicales de ses collègues romains ; la lettre
du 29 mars 1586 est à ce propos tout à fait révélatrice :
Mi piace che messer
Je
suis
heureux
Prospero sij riusciuto in tutta
d’apprendre que messer Prospero
perfettione
a
in
queste
parfaitement
réussi
ces
261
et,
compositioni di concerti, et
compositions concertantes
per che Vostra Signoria dice
puisque Votre Seigneurie me dit
che ha trovato inventioni
qu’il
nove in questo genere di
inventions pour ce genre de
componere, io gli ho pregato
composition, je lui ai demandé
per una mia che mi favorisca
dans une lettre de me faire la
di avisarmi in che consistino
grâce de m’informer en quoi
queste inventioni, aciò io me
consistent ces inventions, afin
ne
que je puisse m’en servir dans les
possi
valere
nelle
a
trouvé
qui
de
nouvelles
occasioni che mi potessero
occasions
pourraient
se
occorrere all’avenire. Ma se
présenter à l’avenir. Mais si
in questo per modestia sua
celui-ci, par modestie, ne voulait
non mi volesse compiacere,
me satisfaire, de grâce, que Votre
troisième livres à cinq voix ne furent jamais publiés du fait de la jalousie de Gesualdo (voir POMPILIO Angelo,
« Vita, opere e fortuna di Pomponio Nenna », in Madrigali a quattro voci di Pomponio Nenna, Firenze, Olschki,
1983, p. 13-14).
258
Voir en particulier CARAPEZZA Paolo Emilio, « ‘Quel frutto stramaturo e succoso’: il madrigale napoletano
del primo Seicento », in La musica a Napoli durante il Seicento, op. cit., p. 22.
259
Le panorama musical napolitain ne peut évidemment être réduit à sa production madrigalesque. Il ne faut en
effet pas oublier que la musique profane ne représente qu’une faible proportion de la musique d’auteurs
napolitains dans ces années. À ce propos, voir POMPILIO Angelo, « Editoria musicale a Napoli e in Italia nel
Cinque-Seicento », op. cit., p. 102.
149
di gratia supplisca Vostra
Signoria al difetto suo.
Seigneurie y supplée à sa place.
260
Cette curiosité – à la limite de l’espionnage artistique – qui a ici pour objet le motet
polychoral, reflète un état d’esprit qui peut sans aucun doute s’étendre aussi au madrigal,
genre bénéficiant d’une bien meilleure diffusion.
Si la réalité quotidienne et sociale de Macque était probablement très ancrée dans la vie
napolitaine – à en croire les lettres du compositeur, la perspective d’un voyage à Rome
semblait se heurter à de nombreuses complications – son horizon musical débordait sans
aucun doute des frontières du royaume des Deux-Siciles, en témoigne notamment sa
participation à l’anthologie romaine Le gioie de 1589 ou au Trionfo di Dori en 1592 262 .
À la cour des Gesualdo
À son arrivée à Naples Macque, selon toute vraisemblance, rentra directement au service de
Fabrizio Gesualdo de Venosa et de son fils Carlo. Sans nous étendre sur les détails
biographiques de cette grande famille de la noblesse napolitaine 263 , rappelons simplement que
les Gesualdo de Venosa se trouvaient depuis les années 1560 dans une situation tout à fait
avantageuse, à la fois politiquement et financièrement, détail probablement décisif pour
expliquer le départ de Macque de la ville pontificale. D’une part, Philippe II avait accordé le
titre de prince à Luigi Gesualdo, le grand-père de Carlo, en 1561 (titre dont héritera Carlo à la
mort de son père), d’autre part le mariage de Fabrizio Gesualdo à la nièce du pape Pie IV
260
Archivio Caetani n. 4312, voir annexes.
Dans la lettre précédente, Macque promet à Norimberghi de lui envoyer un motet à trois chœurs. Le terme
« compositioni di concerti » désigne ici le type de motet polychoral pratiqué à Rome. Plusieurs motets
polychorals de Macque sont conservés à Rome sous forme manuscrite, à la Biblioteca Santa Cecilia (G-Mss792-795) et à la Biblioteca Nazionale (MSS-Musicali 117-121).
262
Il trionfo di Dori descritto da diversi, et posto in musica, a sei voci, da altretanti autori, (Venezia, Gardano,
1592) contient des pièces d’auteurs de divers horizons, de Rome (Luca Marenzio, Ruggiero Giovannelli, Felice
Anerio, Giovanni Palestrina, entre autres), de Venise (Giovanni Gabrieli), et de l’Italie septentrionale (Giulio
Eremita Lelio Bertani, Orazio Vecchi). Macque est le seul compositeur napolitain à avoir participé à cette
anthologie.
263
Pour plus de détails sur la famille Gesualdo voir les articles « Gesualdo » du Dizioniario biografico degli
Italiani, op. cit., vol. 53, p. 488-505 et aussi LARSON Keith, « The Gesualdo Family and Its Fortunes» et « The
Gesualdo as Patrons », in The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 2, p. 457-486, qui donne en
outre de nombreux renvois bibliographiques. Voir aussi WATKINS Glenn, Gesualdo. The Man and His Music,
op. cit., p. 3-6.
261
150
Geronima Borromeo, en 1562, leur avait assuré une solide alliance avec la Papauté. C’est de
ce mariage que naquit Carlo le 8 mars 1566 264 .
Lorsque Macque rentra au service de cette famille, les Gesualdo de Venosa résidaient depuis
une quinzaine d’années dans un prestigieux palais napolitain 265 et entretenaient le type de
cour qu’exigeait leur nouveau statut de prince, (les chroniques rapportent en effet que Carlo,
lors de son voyage à Ferrare en 1593-94, était accompagné de quatre-vingt-dix personnes 266 ).
On peut imaginer que la présence d’un ou plusieurs musiciens de cour contribua à renforcer le
nouveau prestige social de la famille.
Macque avait, au moins dans les premiers temps, deux padroni : Carlo et son père Fabrizio.
Dans deux lettres de dédicace adressées l’une au père, l’autre au fils, le compositeur dit en
effet de manière explicite avoir été au service de ces deux personnages. Dans la dédicace des
Ricercate et canzoni francesi (Roma, Gardano, 1586) à Carlo Gesualdo, Macque déclare qu’il
s’agit là « d’une œuvre composée par moi, pendant mon service auprès de Votre Seigneurie
Illustrissime » (« opera uscita da me ne i servitij di Vostra Signoria Illustrissima ») 267 . En
1589, Macque utilise – au passé – le même type de formule dans la dédicace de son Secondo
libro de madrigali a sei voci, mais en s’adressant cette fois-ci à Fabrizio Gesualdo :
Puisque je ne peux d’une
Poi ch’io non posso
con
altro
manifestar
al
autre
manière
manifester
au
mondo, d’essere ricordevole
monde que je garde mémoire des
de gli oblighi infiniti ch’io
obligations infinies que je dois à
tengo a Vostra Eccelenza,
Votre
per tanti favori ricevuti da
nombreuses
lei, nel tempo ch’io sono
reçues de votre part à l’époque où
stato alli suoi servitij, che col
j’étais à votre service, qu’en vous
dedicarle
dédicaçant ce deuxième livre de
questo
mio
Excellence,
faveurs
pour
les
que
j’ai
264
La date de naissance de Gesualdo a longtemps été ignorée (pour plus de précisions sur cette question, voir
LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 466). La date du 8 mars 1566 est retenue
dans l’article du Dizioniario biografico degli Italiani, op. cit., p. 495, mais ignorée dans celui du New Grove
(BIANCONI Lorenzo « Gesualdo, Carlo, Prince of Venosa, Count of Conza, §1: Life'», Grove Music Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.10994.1, page consultée le 5 juin 2007).
265
Voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 466-467.
266
Voir NEWCOMB Anthony, « « Carlo Gesualdo and a Musical Correspondance of 1594 », op. cit., p. 411 et
Larson Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 471-472. Les témoignages relatifs à la taille
de la cour de Gesualdo sont cependant extrêmement variables.
267
Cette lettre, rédigée par Peranda, le secrétaire des Caetani, est conservée à l’Archivio Caetani (Archivio
Caetani n. 4303) avec le reste de la correspondance du compositeur. Il s’agit apparemment là de la version
définitive de la dédicace du recueil. Une version antérieure de cette lettre, rédigée par Macque et conservée elle
aussi à l’Archivio Caetani (Archivio Caetani n. 69415) désignait les ricercari comme : « fruit de mon labeur,
produit chez Votre Seigneurie Illustissime » (« frutto delle mie fatiche, prodotto in casa di Vostra Signoria
Illustrissima »).
151
Secondo Libro de Madrigali
madrigaux à six, fruits produits
a sei, frutti prodotti nelli suoi
dans vos très agréables terres …
amenissimi Stati …
Fabrizio est décrit comme un homme de culture par ses contemporains 268 . Avant la naissance
de son fils Carlo, il entretenait déjà à sa cour le compositeur Giovanni Leonardo Primavera,
dont la présence à son service est documentée au début des années 1560 269 . Dans la suite de la
dédicace précédemment citée, Macque fait allusion au fait que Fabrizio était « doué, comme
chacun sait, de la parfaite connaissance de la théorie musicale, en plus de tant d’autres
sciences, grecques et latines » (« dotata come ogn’uno sa, della perfetta cognitione della
Teoria Musicale, oltre tante scienze, et Greche et Latine »). Même s’il s’agit là d’un
compliment de circonstance, Fabrizio était très probablement un mélomane et un mécène
éclairé.
La lettre de dédicace du Secondo libro a sei voci est datée du 25 octobre 1589. À cette date,
Macque ne résidait manifestement plus chez Fabrizio puisqu’il est question « du temps où il
était à son service ». Avait-il suivi Carlo, qui quitta probablement le domicile paternel après
son mariage avec Maria d’Avalos en 1586, pour aller s’installer dans le palais Sangro, situé
sur la piazza San Domenico à Naples 270 ? Cette hypothèse est tout à fait valide mais pas
entièrement certaine. En effet, si Macque dans un premier temps fait allusion plusieurs fois au
« Seigneur Prince, son maître » dans sa correspondance, cela ne se reproduit plus après sa
lettre du 4 septembre 1586. À partir de cette date, Macque signe toutes ses lettres avec le
terme très générique da Napoli, ce qui n’implique pas forcément une présence physique chez
Carlo Gesualdo. Le 28 avril 1589, le compositeur dit être très bien traité par « ces Seigneurs »
(« questi Signori »). Peut-être s’agit-il effectivement encore de Fabrizio et Carlo Gesualdo,
mais rien ne permet de l’assurer. Cependant, la lettre de dédicace du Secondo libro de
madrigali a sei voci datée, on le rappelle, du 25 septembre 1589, fait allusion au fait que ces
madrigaux furent composés dans les terres des Gesualdo. En partant de l’hypothèse que
Macque se réfère à l’été qui précéda leur publication, il est possible qu’en 1589, ce dernier ait
été encore au service de Carlo mais quitté celui de Fabrizio. Cette lecture des informations
aujourd’hui disponibles a toujours été privilégiée par les musicologues 271 .
268
À ce propos, voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit, p. 480-482.
Sur Primavera, voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit, p. 287-293 et 376-381.
270
Voir LARSON Keith, « The Gesualdo Family and Its Fortunes», in The Unaccompanied Madrigal in Naples,
op. cit, p. 468.
271
Voir notamment SHINDLE Richard, « Macque, Giovanni de, §1: Life », Grove Music Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.17378.1, page consultée le 4 janvier 2007.
269
152
Quoi qu’il en soit, Macque fut engagé comme second organiste à la Santissima Annuziata le 9
mai 1590 272 , ce qui signifie qu’à cette date, il avait probablement quitté le service de Carlo
Gesualdo s’il ne l’avait pas encore fait auparavant273 .
Macque fut apparemment très bien traité par Gesualdo. Il fait en effet allusion par deux fois
dans ses lettres aux « bontés » (amorevolezze) qu’il reçoit de son prince, et dit avoir à Naples
une situation très confortable. On comprend aussi à travers sa correspondance qu’il n’était pas
prêt à envisager de vivre sans serviteur et qu’il gagnait suffisamment d’argent pour pouvoir
faire des économies. Dans la lettre du 13 novembre 1586, Macque écrit :
D’autre
Nel resto Signor mio io
part,
mon
tuttavia
Seigneur, je me trouve toujours
allegramente sano et gagliardo
aussi bien ici, en bonne santé,
per gratia de Dio, et attendo a
vigoureux et, par la grâce de
avanzare quanto più posso, per
Dieu,
potermi finalmente ritirare a
économiser le plus possible afin
godere
di
de pouvoir enfin me retirer à
Roma, che piaccia a sua divina
Rome pour jouir de cette noble
Maiestà far nascere qualche
ville. Qu’il plaise à sa divine
occasione, acciò segua quanto
Majesté de faire naître quelque
me
ne
prima.
sto
qui
quell’Alma
città
274
et
je
m’applique
à
circonstance favorable afin que
cela se produise le plus tôt
possible !
La lettre du 10 octobre 1587 témoigne du fait que Macque caressait l’espoir de vivre enfin
« indépendamment », (ce qui sous-entend probablement indépendamment d’un quelconque
mécène) :
Et
fra
tanto
mi
Je
me
réjouis
entre-
des
bonnes
ralegro infinitamente della
temps
buona speranza che lei ha di
espérances
accrescimento
fortuna,
d’améliorer votre situation grâce
mediante il favore delli suoi
aux faveurs de vos Seigneurs
di
infiniment
que
vous
avez
272
La grande majorité des informations concernant la carrière de Macque après son départ de la cour de
Gesualdo a été recueillie par Ulisse Prota-Giurleo (« Notizie sul musicista belga Jean Macque, maestro della real
cappella di palazzo in Napoli », Archivi d’Italia e rassegna internazionale degli archivi, XXIV, 1957, p. 336–
343).
273
En réalité, ces deux événements ne sont pas forcément liés. En effet, Macque, dans les lettres du 7 et 28 avril
1589, envisage la possibilité de demeurer chez les Caetani à Rome tout en assurant le poste d’organiste à Saint
Jean de Latran ; on peut tout à fait imaginer qu’il ait procédé de la même manière, en cumulant son poste à la
Santissima Annunziata et son service auprès de Carlo Gesualdo.
274
Archivio Caetani n. 28365, voir annexes.
153
Signori
et
Illustrissimes, et plaise à Dieu
piacia a Dio segua presto
que cela s’ensuive bientôt afin
aciò Vostra Signoria possi
que
dar un calcio alla povertà, et
donner un coup de pied à la
potere finalmente vivere da
pauvreté et que vous puissiez
sé
enfin
senza
Illustrissimi,
haver
bisogno
Votre
vivre
Seigneurie
puisse
indépendamment,
d’altri, che questo è pur
sans avoir besoin des autres. Cela
quanto io vo’ procurando per
est d’ailleurs tout ce que je
me stesso, et essendo già a
souhaite me procurer pour moi-
bon termine, spero presto,
même, et comme j’en suis déjà à
con l’agiuto di Dio arivare al
bon point, j’espère bientôt, avec
275
l’aide de Dieu, arriver au port
desiato porto.
désiré.
Comme le dit la dédicace du Secondo libro a sei voci, être au service des Gesualdo impliquait
aussi faire des séjours dans leurs terres. Le 4 septembre 1586, Macque signe en effet une lettre
de Gesualdo et le 13 novembre 1586, de Caletri. Ce séjour dans l’arrière-pays napolitain est
d’ailleurs annoncé par Macque dans sa lettre du 12 juillet 1586. Quelques jours avant le
départ, ce dernier informe Norimberghi des détails pratiques nécessaires à la poursuite de leur
correspondance et écrit : « mon Prince et Seigneur partira dans trois ou quatre jours pour ses
terres, et moi avec lui » (« il Principe mio Signor partirà fra 3 o 4 giorni per andare al suo
stato et io con lui »).
Macque et Carlo Gesualdo
Lorsque Macque rentra au service des Gesualdo, Carlo n’avait pas encore vingt ans mais
commençait déjà à s’intéresser à la composition. Celui-ci publia en effet en 1585 sa toute
première pièce, le motet Ne reminiscaris Domine, dans le Liber secundus motectorum de
Felis 276 , raison pour laquelle le nom de ce dernier a été avancé parmi les potentiels maîtres de
Gesualdo 277 . Toutefois, Felis ne se trouvait plus à Naples lorsque Gesualdo était adolescent.
Sa présence à Bari est en effet documentée à partir de 1579, alors que Carlo Gesualdo n’avait
que 13 ans 278 . D’autre part, Felis, on l’a vu, inclut de nombreuses pièces de compositeurs
275
Archivio Caetani n. 128637, voir annexes.
FELIS Stefano, Liber secundus motectorum quinis senis octonisque vocibus, Venezia, Gardano, 1585.
277
Voir notamment PICCARDI Carlo, « Carlo Gesualdo: l’aristocrazia come elezione », Rivista Italiana di
musicologia, IX, 1974, p. 67-116.
278
La présence de Felis comme maître de chapelle du dôme de Bari est documentée en 1579, 1583, 1585 et
1588, et il est fortement probable qu’il ait aussi tenu ce poste pendant les années intermédiaires.
276
154
napolitains dans ses recueils. Si certains faisaient partie de ses élèves, d’autres ne l’étaient en
aucun cas (notamment Macque, dont la première publication napolitaine, le madrigal Io son di
neve al Sol fut imprimée, rappelons-le, dans le Quinto libro de madrigali a cinque de Felis).
La place de Macque dans l’éducation musicale de Gesualdo – qui n’exclut pas forcément le
rôle de Felis dans la formation du tout jeune prince – est nettement plus documentée.
L’hypothèse d’un rapport maître-élève entre les deux compositeurs, réfutée par Alfred
Einstein pour des raisons stylistiques 279 , est avancée par Friedrich Lippmann de manière tout
à fait convaincante 280 . La découverte de la correspondance de Macque qui, lui, vécut
quotidiennement à côté du prince de Venosa pendant une période relativement longue alors
que Gesualdo était en âge d’apprendre le contrepoint, a en effet jeté un jour tout à fait
nouveau sur leurs relations, en révélant notamment la présence de trois ricercari du prince
dans le recueil de Ricercate et canzoni francesi de Macque publié en 1586 et aujourd’hui
disparu 281 . Macque, contrairement à Felis, n’avait pas l’habitude d’inviter d’autres auteurs
dans ses compositions, détail qui incite à considérer cette adoption comme une preuve de son
importance dans l’éducation musicale du prince.
Même si dans les années 1585-1587, le prince n’en était qu’au début de son développement
musical, Macque le décrit déjà comme un luthiste et un compositeur d’exception dans sa
correspondance (c’est-à-dire dans un cadre moins formel qu’une dédicace). Dans sa lettre du
30 juillet 1586, Macque décrit Carlo en ces termes :
… questo signore,
… ce seigneur qui,
che … è gran amatore di
en
questa scienza, è riuscito tanto
amateur de cette science la
perfetto in essa, che nel sonare
musique,
di liuto et nel componere ha
parfaitement
pochi pari
282
plus
d’être
la
un
grand
maîtrise
qu’il
a
si
peu
d’égaux, tant pour jouer du
luth que pour composer
Carlo semble avoir laissé beaucoup de temps libre à Macque pour étudier et composer,
comme en témoigne la suite de cette même lettre :
… io me ne sto qua
je me trouve très bien
279
Voir EINSTEIN Alfred, The Italian Madrigal, op. cit., p. 697.
Voir LIPPMANN Friedrich, « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi documenti », op. cit., p. 277.
281
Voir ibid. p. 243 et SARTORI Claudio, « Madrigali del Passerini e ricercari di De Macque e Gesualdo »,
Quadrivium, XIV, 1973, p. 181-186.
282
Archivio Caetani n. 4303, voir annexes.
280
155
fuora alegramente spendendo
ici hors de Naples, car je passe
la magior parte del tempo a
la plus grande partie de mon
studiare sonando, componendo
temps à étudier, jouant de la
et legendo, siché li giorni
musique, composant et lisant, si
passono ch’io non me ne
bien que les jours passent sans
n’aveggo, et tanto più per le
que je ne m’en rende compte, et
solite amorevolezze ch’io ricevo
ceci d’autant plus grâce aux
giornalmente
bontés quotidiennes que j’ai
dal
Signor
Principe mio padrone.
l’habitude
de
recevoir
du
Seigneur Prince, mon maître.
Dans la lettre du 29 mars 1586, Macque fait allusion aux grands progrès qu’il a réalisés
depuis son arrivée à Naples :
Ma sia come si
Mais quoi qu’il en soit,
voglia l’havermi scritto mio
comme mon cousin m’a écrit qu’il
cugino che lui non ha fatto
le capitaine Petit ne m’a pas
per me quelli boni offitij
rendu les bons offices qu’il aurait
che havria potuto fare, mi
pu me rendre,
fa credere che ciò habbi
croire qu’il ait pu agir ainsi dans la
fatto, forsi dubitando che
peur qu’aille vivre en Espagne
andasse a star in Spagna
quelqu’un qui sache mieux jouer
un
sonar
que lui. Que cela soit la vérité est
meglio di lui. Et che questo
une chose par trop évidente car,
sia il vero, è cosa troppo
partout où nous nous sommes
manifesta che ovunque si
retrouvés
che
siamo
ritrovati
insieme,
ensemble,
toujours retiré
284
il
s’est
en disant qu’il ne
esso sempre ha ceduto, con
se consacrait plus beaucoup à la
dire che non attende più
musique ; cela est la récompense
alla musica, mercè del gran
du grand travail que j’ai réalisé
studio ch’io ho fatto doppoi
depuis que je suis parti de Rome.
ch’io
Roma.
283
sapesse
je commence à
son
partito
di
283
Archivio Caetani n. 4312, voir annexes.
J’ai traduit « esso sempre ha ceduto » par « il s’est toujours retiré », ce qui sous-entend que le Capitaine Petit
a toujours refusé la confrontation musicale avec Macque. Il est possible que le compositeur voulait dire « il s’est
toujours montré inférieur ».
284
156
On déduit aussi de la correspondance de Macque que celui-ci avait un clavecin à sa
disposition, instrument qu’il avait fait parvenir de Rome par voie maritime, par
l’intermédiaire de Norimberghi 285 .
Il n’est pas nécessaire de revenir sur l’intérêt passionnel du jeune Gesualdo pour la musique,
ni sur ses manières « très napolitaines », dont on trouve largement écho à travers la
correspondance des diverses personnes qui le croisèrent sur la route de son voyage pour
Ferrare (1593-1594) 286 . La correspondance du compositeur témoigne elle aussi de manière
tout à fait intéressante de l’estime dans laquelle Gesualdo tenait la musique. La dédicace du
recueil de ricercari de Macque à Gesualdo, qui comporte, on le rappelle, trois pièces de ce
dernier, fait l’objet de plusieurs courriers successifs 287 . On y voit là s’opposer deux visions du
prince mélomane : d’un côté Macque, qui désire que soit exaltée ouvertement la qualité des
compositions du commanditaire, de l’autre celle de Peranda, le secrétaire des Caetani, qui
considère que la recherche de louanges sur les aptitudes musicales n’est pas digne d’une
personnalité de ce rang. Macque était certainement très attentif à ne pas froisser la
susceptibilité de son maître, qui ne réagissait manifestement pas comme la plupart des
aristocrates, pour qui, à en croire Peranda, la pratique musicale ne pouvait rentrer
véritablement en jeu dans les mérites, les vertù, du prince.
Être musicien de cour chez Gesualdo constituait probablement un poste très stimulant. En
effet, même si l’hypothèse d’une académie stricto sensu, crée et dirigée par Gesualdo a été
réfutée à juste titre par les historiens les plus méticuleux 288 , il est avéré que le prince
entretenait à sa cour un grand nombre de musiciens. Cet extrait de Della prattica musica,
traité de Scipione Cerreto publié à Naples en 1601, et donc du vivant de Gesualdo, ne laisse
que peu de doutes à cet égard :
A questo principe di
Ce
prince
ne
se
più non basta, che si diletti
satisfait pas uniquement de
della Musica, ma ancora per
prendre plaisir à la musique,
suo gusto et intertenimento
mais en plus, par goût et par
tiene in sua Corte, a sue spese,
divertissement, il entretient à sa
molti Compositori, Sonatori, e
cour, à ses frais, de nombreux
285
Voir lettre du 12 juillet 1586.
À ce propos, voir en particulier NEWCOMB Anthony, « Carlo Gesualdo and a Musical Correspondance of
1594 », op. cit., et PIRROTTA Nino, « Gesualdo, Ferrara e Venezia », Studi sul teatro veneto fra Rinascimento ed
età barocca, éd. Maria Teresa Muraro, Firenze, Olschki, 1971, p. 305-319.
287
Voir notamment la lettre du 30 juillet 1586.
288
L’hypothèse d’une « académie » de musique au sens strict a été réfutée par Keith Larson (voir The
Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit, p. 481, et annexe K, p. 953-958).
286
157
Cantori eccellenti. 289
compositeurs,
instrumentistes
et chanteurs excellents.
L’entourage musical du prince était-il déjà aussi fleurissant au milieu des années 1580 ? Il est
difficile de le savoir, ainsi que de définir avec précision qui pouvaient être les éventuels
« collègues » de Macque à la cour.
La photographie la plus digne de foi des musiciens qui peuplaient la cour de Gesualdo se
trouve dans la préface de Musica vaga et artificiosa de Romano Micheli (Venezia, Vincenti,
1615), qui passa quelques années au service du prince. Ce dernier évoque en effet le temps où
il était « au service de l’Illustrissime et Excellentissime Seigneur Prince de Venosa avec les
Seigneurs musiciens Scipione Stella, Gio. Battista Di Paula, Mutio Effrem et Pomponio
Nenna, au temps où les Seigneurs Bartolomeo Roy et Gio. Macque étaient maître de chapelle
et organiste de la chapelle du vice-roi » (« al servitio dell’Illustrissimo et Eccelentissimo
Signore Prencipe di Venosa con li Signori Musici Scipione Stella, Giovanni Battista Di Paula,
Mutio Effrem, e Pomponio Nenna, in tempo che erano li Signori Bartolomeo Roi Maestro di
capella, e Gio: Macque organista nella capella del Vice Re »). Micheli fait cependant
référence à une période postérieure au séjour de Macque chez Gesualdo puisqu’il évoque le
temps où celui-ci était organiste du vice-roi (1594-1599). Les musiciens dont parle Micheli
n’étaient probablement pas déjà au service de Gesualdo dans les années 1580 290 .
Macque, dans sa correspondance, ne fait aucune allusion à d’hypothétiques collègues résidant
à la cour de Gesualdo en même temps que lui 291 . Il est cependant tout à fait possible que
Carlo ne fut entièrement libre de gérer financièrement sa cour qu’après la mort de son père
Fabrizio (c. 1591), et ne commença qu’alors à réunir autour de lui de nombreux
instrumentistes et compositeurs.
Avant cette date, il n’existe que peu de données relatives aux musiciens qui entouraient Carlo
Gesualdo. Giovanni Primavera fut peut-être l’un de ceux qui, sans forcément vivre
quotidiennement aux côtés du prince, fréquentaient la vie musicale de ses salons. Ce
compositeur
289
qui, on l’a vu, était rentré au service de Fabrizio Gesualdo dans les années
CERRETO Scipione, Della prattica musica vocale e strumentale, op. cit., p. 155-156, cité in LARSON Keith,
The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 2, p. 954.
290
Dans les années 1580, Stella était alors maestro di cappella à la Santissima Annunziata de Naples ; Effrem
rentra probablement au service de Gesualdo vers 1593 ; Nenna se trouvait dans les environs de Bari au début des
années 1580 et l’on ne retrouve sa trace à Naples que dans les années 1590.
291
Les seuls musiciens napolitains mentionnés par Macque dans sa correspondance sont Bartolomeo Roy (qui
faisait lui aussi partie de la Compagnia dei musici di Roma et qui précéda Macque au poste de maître de chapelle
du vice-roi) et Christobal Obregòn, qui n’est cité cependant qu’indirectement en tant qu’organiste de la chapelle
du vice-roi (Macque dit avoir déjeuné avec eux dans sa lettre du 31 janvier 1586).
158
1560 avant de s’éloigner de la capitale du royaume des Deux-Siciles 292 , dédicaça en effet son
Settimo libro de madrigali a cinque à Carlo Gesualdo le 1e mars 1585.
Macque fait allusion aux soirées – voire aux journées – musicales qui se déroulaient en
compagnie de membres de la noblesse napolitaine dans sa lettre du 12 juillet 1586 :
Sono passate già doe hore di
Il est déjà plus de deux heures
notte, mercè di questo bell’humore
du matin en raison de la bonne
del Duca di Traietta, il quale è
humeur du Duc de Traietta, qui est
venuto a casa nostra subito subito
venu chez nous juste après le
dopoi disnare et vi è stato sino alla
déjeuner et est resté jusqu’au soir ;
sera, onde non ho fatto altro tutto
je n’ai donc aujourd’hui rien fait
hoggi che cantare et sonare.
293
d’autre que chanter et jouer.
Ce type d’événement musical informel, qui rythmait sans aucun doute la vie de Macque à la
cour, offrit probablement au compositeur la possibilité de faire découvrir sa musique aux
membres de la noblesse napolitaine. Le duc de Traietta (ou Traetto) auquel fait référence cette
lettre fut en effet le commanditaire du manuscrit de Canzone Francese de la British Library,
ouvrage qui contient de nombreuses œuvres de Macque 294 . On peut facilement conjecturer
que Scipione Pignatelli et Cesare d’Avalos, dédicataires respectifs du Primo libro de
madrigali a quattro voci et du Secondo libro de madrigali a cinque voci, rentrèrent en contact
avec Macque de façon similaire.
Les commanditaires des œuvres
Macque évoque brièvement les commanditaires des deux recueils dans sa lettre du 14 juin
1586 :
Mando qui incluse le
Je joins ici les deux
292
Voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 287-293 et 376-281.
Archivio Caetani n. 4305, voir annexes.
294
Le Libro di Canzone francese, manuscrit conservé à la British Library (Ms. Add. 30491), s’ouvre en effet par
cette phrase : « Le duc de Traeta fit faire ce livre pour moi, Luigi Rossi » (« Questo libro lo fece fare il duca di
Traeta, per me Luigi Rossi »). Ce manuscrit est généralement considéré comme étant de main de Luigi Rossi,
hypothèse cependant fortement remise en question par Anthony Newcomb (voir NEWCOMB Anthony,
« Frescobaldi’s Toccatas and their Stylistic Ancestry », Proceeding of the Royal Musical Association, CXI,
1984-1985, p. 34).
293
159
per
lettres dédicatoires des livres de
mettere nelli miei libri di
madrigaux. J’ai envoyé celle
Madrigali
ché
quella
des Ricercate à notre Sieur
Ricercate
l’ho
mandata
due
lettere
dedicatorie
delle
al
Prospero. De grâce, que Votre
Signor Prospero nostro. Onde
Seigneurie
Vostra Signoria mi farà gratia
ainsi :
di farle scrivere cioè quella per
l’Illustrissime
diretta all’Illustrissimo Signor
D’Avalos est pour un de ces
Don Cesare D’Avalos a un
livres à cinq voix et celle
libro di quelli a cinque voci et
adressée au Seigneur Marquis
l’altra
Signor
de Lauro pour un de ces livres
Marchese di Lauro a un libro
à quatre voix. Mais, je vous en
di quelli a quattro voci. Ma per
prie, qu’elles soient écrites
cortesia
scritte
élégamment, et rédigées comme
cosa
dans ma version, avec tous les
diretta
che
politamente,
al
sieno
et
ogni
les
celle
fasse
écrire
adressée
Don
mêmes
con tutti li medesmi ponti senza
aucune sorte d’abréviation, car
far
elles doivent être imprimées
sorte
abbreviationi,
perché
vogliono esser in stampa.
di
così
sans
Cesare
disteso come sta nelle copie mie
niuna
points
à
faire
ainsi.
295
En post-scriptum, Macque réitère sa requête, afin de s’assurer de la diligence de la personne
qui imprimera les deux lettres de dédicace car, dit-il, « ces gens-là sont si sophistiqués qu’ils
font attention à la moindre lettre ou au moindre point » (« questa gente è tanto sofisticata, che
fa caso di una minima lettera o punto »). Cette lettre prouve en outre que Macque s’occupa de
la rédaction des dédicaces des deux recueils absolument au même moment, même si ces
dernières sont datées l’une du 11 novembre 1586 et l’autre du 20 mai 1587.
Scipione Pignatelli
Scipione II Pignatelli, dédicataire du Primo libro de madrigali a quattro voci, fut le seul
enfant qui naquit du mariage de Camillo Pignatelli et de Donna Lucrezia Carafa 296 . À la mort
de son grand-père en 1581, Scipione hérita des titres de ce dernier, et devint ainsi comte
Pignatelli et marquis de Lauro 297 . À ce titre de marquis de Lauro, Macque semble faire
295
Archivio Caetani n. 4898, voir annexes.
Larson indique par erreur que Scipione est le fils de Camillo Pignatelli et de Girolama Colonna. Cette
dernière avait bien épousé un Camillo Pignatelli mais celui-ci appartenait à une autre branche de la famille. Pour
une généalogie complète de la famille Pignatelli voir SHAMA Davide, Genealogie delle famiglie nobili italiane,
http://www.sardimpex.com/index.htm, page consultée le 3 décembre 2006.
297
Camillo Pignatelli, le père de Scipione, étant décédé avant son propre père, il n’hérita jamais des titres de la
famille Pignatelli.
296
160
allusion dans le choix de la sextine de Pétrarque qui ouvre le recueil, Là ver’ l'aurora che sì
dolce l'aura. La forme poétique de la sextine impliquant la répetition des derniers mots de
chacun des vers exposés dans la première strophe, le mot Laura et son senhal l’aura sont
répétés six fois au cours du poème (sept fois si l’on compte le congedo, qui n’est cependant
pas musiqué par Macque). Le choix de cette poésie peut se lire comme un discret et délicat
hommage à son dédicataire, qui voit son nom intégré à l’intérieur même de la forme poétique
et par conséquent de la polyphonie. Le texte anonyme Quando sorge l’aurora, qui suit
directement la sextine, reprend dans une moindre mesure le même procédé.
La vie de Scipione Pignatelli est racontée dans ses grandes lignes par Carlo de Lellis dans ses
Discorsi delle famiglie nobili del regno di Napoli 298 . Scipione épousa en 1582 Vittoria
Frangipani della Tolfa dont il eut deux fils, Camillo et Carlo et deux filles Lucrezia et Livia.
À la mort de sa femme, il décida de se retirer de la vie publique et rentra dans les ordres 299 ,
léguant tous ses biens à son fils aîné, qui, selon De Lellis, dilapida son patrimoine en peu de
temps.
La date de naissance de Scipione reste inconnue, mais l’on sait qu’il mourut le 20 octobre
1620. Celui-ci était donc probablement un jeune homme quand Macque lui dédicaça son
Primo libro de madrigali a quattro voci en 1586.
La famille de ce commanditaire semble avoir montré un certain intérêt pour les arts, la
littérature et les sciences. L’oncle de Scipione, Ascanio, poète pétrarquiste qui fréquenta le
Tasse lors de ses séjours napolitains, trouve encore aujourd’hui sa place dans les anthologies
de poésie du Cinquecento 300 . Un autre de ses oncles, Muzio, était selon Tommaso Costo 301
astrologue, mathématicien, architecte et poète, et fut cité par le Tasse dans plusieurs de ses
298
DE LELLIS Carlo, Discorsi delle famiglie nobili del regno di Napoli, Napoli, Savio/Paci/Roncagliolo, 16541671, éd. fac-similé Bologna, Forni, 1968, vol. 2, p. 164-165.
299
« … méprisant la vanité du monde, il consacra le reste de sa vie au Seigneur, accédant à la dignité
sacerdotale et léguant toutes ses terres et titres à Camillo, son premier fils. » (« … dispregiando egli la vanità
del mondo, consacrò il rimanente de’ suoi anni al Signore, con ascendere alla dignità sacerdotale, rinunciando
tutti i suoi stati, e titoli a Camillo suo primo genito. » in DE LELLIS Carlo, Discorsi delle famiglie nobili del
regno di Napoli, op. cit., p. 164.
300
Les rimes d’Ascanio Pignatelli (c. 1533-1601) furent publiées en un recueil, intitulé Rime del sig. Ascanio
Pignatello cavaliero napoletano (Napoli, Stigliola, 1593). Sur Ascanio Pignatelli voir AMMIRATI Luigi, Ascanio
Pignatelli, poeta del secolo XVI. Notizie bio-bibliografiche, Marigliano, Anselmi, 1966.
301
Tommaso Costo était le secrétaire de Scipione II.
161
écrits 302 . Tommaso Costo nous apprend en outre que Muzio « donna des œuvres à la
musique » (« diede opera alla Musica »).
Plusieurs autres membres de cette famille furent dédicataires de recueils de madrigaux à cette
période. Macque, notamment, adressa son Quarto libro de madrigali a cinque voci (Napoli,
Carlino, 1599) à Liberio Pignatelli 303 .
Sur l’intérêt de Scipione pour la musique, nous ne savons que peu de choses. La dédicace de
Macque suggère que le marquis aurait interprété ces madrigaux, en les transfigurant de sa
noble voix :
All’Illustrissimo
Signore
et
Padrone
À mon Illustrissime
mio
osservandissimo
Seigneur et Maître, le très
respecté
Seigneur
Don
Scipione Pignatello Marquis de
Il Signor Don Scipione
Lauro
Pignatello Marchese di Lauro
Ho
sì
desiderato
Vostra
Cela fait si longtemps
Signoria Illustrissima qualche
que je désire donner à Votre
segno della servitù, che per le
Seigneurie
rare qualità, le ho dedicata già
quelque signe de la servitude
gran tempo fa, che dovendo
que depuis longtemps déjà je
mandar in stampa il mio primo
vous ai dédiée que, devant
libro de Madrigali a quattro
envoyer
voci,
saputo
premier livre de madrigaux à
considerare occasione migliore
quatre voix, je n’ai pu trouver
di conseguire l’intento mio, che
de
di farne un dono a Vostra
réaliser mon intention que d’en
Signoria
non
faire don à Votre Seigneurie
della
Illustrissime, non comme une
grandezza sua, ma come cosa,
chose digne de votre grandeur,
nella quale il valor suo haverà
mais comme une chose dans
come
302
lungamente
dare
non
a
ho
Illustrissima
cosa
degna
Illustrissime
sous
meilleure
presse
occasion
mon
de
Voir NICODEMO Leonardo, Addizioni copiose alla biblioteca napoletana, Napoli, Castaldo, 1683, p. 177.
Nicomedo cite les passages du Compendio dell’istoria del Regno di Napoli de Tommaso Costo (Venezia, 1613,
p. 80-81) relatifs à Muzio Pignatelli.
303
Liberio Pignatelli ne fait pas partie de la même branche de la famille. Macque dit dans sa dédicace que celuici est « doué comme chacun sait, entre autres vertus, de la parfaite connaissance de la musique » (« dotato come
ogn’uno sa, oltra tant’altre virtù, della perfetta cognitione della Musica »).
162
largo campo di esercitarsi,
laquelle votre valeur aura libre
proteggendola, e facendo, che
champ de s’exercer, tout en la
quel che forsi è rozzo e aspro,
protégeant, et en faisant que ce
diventi piacevole, e grato; come
qui est peut-être grossier et
al sicuro sarà, mentre verrà
âpre
favorito e gradito da sic
agréable,
Signore, che in questa nobil
adviendra sans aucun doute
virtù della Musica, non men
lorsqu’elle recevra les faveurs
che nelle altre si diletta, e
et
compiace
Supplico
Seigneur qui, avec cette noble
Signoria
vertu qu’est la musique, non
Illustrissima che si degni di
moins qu’avec des autres, se
accettare questo mio primo
délecte, et plaît autant. C’est
tributo, e lasciargli godere sotto
pourquoi
il suo felice, e valoroso nome
Seigneurie
prospera
e
daigner accepter ce premier
le
hommage, et de le laisser jouir
perciò
tanto.
Vostra
fortuna,
riverentemente
le
bacio
devienne
sera
plaisant
comme
appréciée
je
et
cela
par
supplie
un
Votre
Illustrissime
de
sous son nom heureux et
mani.
valeureux
Di Napoli alli xj di
Novembrino MDLXXXVI
Di
Vostra
Signoria
Illustrissima
Affettionatissimo
Servitore
fortune
prospère, et je vous baise les
mains avec révérence.
De
Naples,
le
11
novembre 1586
De Votre Seigneurie
Illustrissime
Le
Giovanni de Macque
d’une
Serviteur
Affectionné
Giovanni de Macque
Cesare d’Avalos
Sept mois après ce premier volume napolitain, Macque dédicaça son Secondo libro de
madrigali a cinque voci à un membre d’une très illustre famille de la noblesse napolitaine,
Don Cesare d’Avalos (1536-1614) 304 . Il n’est pas difficile d’imaginer comment Macque eut la
possibilité de rencontrer ce nouveau dédicataire. Don Cesare d’Avalos était en effet l’oncle de
Maria d’Avalos, la première femme de Carlo Gesualdo. On a vu que cette dédicace, signée du
304
Sur la famille d’Avalos, voir les articles « Avalos » du Dizionario biografico degli Italiani, op. cit., vol. 4,
p. 627-636.
163
20 mai 1587, fut probablement écrite dès juin 1586, soit plus ou moins à l’époque du mariage
de Carlo Gesualdo avec Maria d’Avalos 305 .
Cesare d’Avalos reçut probablement une éducation qui favorisait les arts et la littérature.
Celui-ci est en effet le troisième né d’un couple d’importants mécènes napolitains, Alfonso
d’Avalos et Maria d’Aragona 306 . Le premier était général des armées italiennes de Charles
Quint, mais selon Scipione Ammirato « était plein d’éloquence, non seulement militaire mais
aussi courtisane » (« era pieno d’eloquenza non che militare, ma cortigiana » 307 ) ; Maria
d’Aragona, réputée pour sa beauté et sa forte personnalité était une figure importante de la vie
humaniste napolitaine. Cesare grandit dans un environnement culturel de haut vol puisque ses
parents étaient les protecteurs d’artistes et d’écrivains tels que Titien, le Tasse, l’Arétin, qui
dédicaça trois recueils à Alfonso d’Avalos, ou encore Luigi Tansillo, qui écrivit de nombreux
hommages à Maria 308 . Il n’est pas inutile de rappeler qu’Alfonso d’Avalos a longtemps été
considéré comme l’auteur du texte d’un des plus célèbres madrigaux de l’histoire du genre,
Ancor che col partir de Cyprien de Rore, avant que cette paternité ne soit remise en question
par James Haar en 1990 309 .
Cesare d’Avalos, le dédicataire du recueil, était grand chancelier du royaume de Naples (gran
cancelliere del regno di Napoli, titre énoncé aussi dans la dédicace de Macque), cavalier
d’Alcantara et capitaine général de la marine napolitaine. Il épousa Lucrezia del Tufo en
1577, avec qui il eut deux enfants, Iñigo et Giovanni 310 . Son frère, le cardinal Iñigo, était un
académicien très actif, et fut momentanément le protecteur du madrigaliste Dattilo Roccia 311 .
La dédicace de Macque nous apprend que Cesare d’Avalos avait déjà entendu et apprécié les
madrigaux du Secondo libro avant même leur publication, ce qui prouve encore une fois
305
Voir supra, p. 160. La date précise du mariage de Carlo Gesualdo et Maria d’Avalos n’est pas connue.
Sur Maria d’Aragona, voir « Aragona, Maria », in Dizionario biografico degli Italiani, op. cit., vol. 3, p. 701702.
307
AMMIRATO Scipione, Delle famiglie nobili napoletane. Parte seconda, Firenze, Massi da Furli, 1651, éd. facsimilé Bologna, Forni, 1973, p. 111.
308
Voir Dizionario biografico degli Italiani, op. cit., vol. 4, p. 615.
309
Voir HAAR James, « Popularity in the Sixteenth-century Madrigal: a Study of Two Instances’, Studies in
Musical Sources and Styles: Essays in Honor of Jan LaRue », éd. Eugene K. Wolf et Edward H. Roesner,
Madison, A-R Editions, 1990, p. 191–212.
310
Larson indique par erreur le nom de Margherita d’Avalos parmi les enfants de Cesare. Celle-ci était en fait la
fille de Giovanni, et donc la petite fille de Cesare (voir SHAMA Davide, Genealogie delle famiglie nobili italiane,
op. cit.).
311
Iñigo d’Avalos unifia en 1546 les académies napolitaines dei Sereni et degli Ardenti (voir Dizionario
biogafico degli Italiani, op. cit., vol. 4, p. 636). Dattilo Roccia, dans la dédicace de son Secondo libro de
madrigali a cinque voci (Napoli, Vitale, 1603), déclare que ses premiers madrigaux virent le jour sous la
protection d’Iñigo.
306
164
l’importance des salons de la noblesse pour la diffusion et l’impression de la musique profane
à la fin de la Renaissance :
All’Illustrissimo
Signor
Mio
et
À mon Illustrissime
Patrone
Seigneur et Maître très respecté
osservandissimo
le
Il Signor Don Cesare
d’Avalos,
d’Aragona,
Cancelliero
del
Gran
Regno
di
Seigneur
Don
Cesare D’Avalos, D’Aragona,
Grand Chancelier du Règne de
Naples
Napoli
Je vis avec tant de
Io
vidi
con
tanta
bonté être appréciés et favorisés
benignità graditi, et favoriti da
par
Vostra Signoria Illustrissima li
Illustrissime mes madrigaux à
miei Madrigali a cinque voci
cinq
radunati
questo
aujourd’hui dans ce second
secondo Libro, che animato
livre, qu’animé par l’espérance
dalla speranza di dover essere
qu’ils puissent avec non moins
non men benignamente da lei
de bienveillance être reçus par
ricevuti
ho
vous une fois imprimés, j’ai
deliberato di darli in luce come
délibéré de leur donner le jour
fo, sotto la protettione del nome
comme je le fais, sous la
suo, la grandezza del quale,
protection de votre nom, dont je
supplico
prie
hora
in
in
Stampa,
Vostra
Signoria
Votre
Seigneurie
voix
regroupés
Votre
Seigneurie
Illustrissima a stendere sopra
Illustrissime de répandre la
questo mio debol parto, acciò
grandeur sur ce faible produit
quel che per hora forsi pare
enfanté par moi, afin que ce
indegno di comparire inanzi a
qui pour le moment paraît
lei, diventi con l’occasione di
peut-être
indigne
de
così buona fortuna, degno di
comparaître
devant
vous,
non essere sprezzato, per la
devienne
cette
bonne
debolezza mia; et con ogni
fortune, digne de ne pas être
riverenza le bascio le mani.
méprisé pour ses faiblesses ; et
par
tout plein de révérence, je vous
Di Napoli alli 20 di
baise les mains.
Maggio 1587
De Naples le 20 mai
Di
Vostra
Signoria
1587
165
Illustrissima
De Votre Seigneurie
Illustrissime
Affettionatissimo
servitore
Le
Serviteur
Affectionné
Giovanni di Macque
Giovanni de Macque
Cesare d’Avalos avait apparemment quelques connections avec la vie musicale de la cour
ferraraise, assez en tout cas pour être cité dans une lettre du gentilhomme madrigaliste
Scipione Dentice à Alfonso II d’Este datée du 14 septembre 1591, lettre envoyée
conjointement au Primo libro de madrigali a cinque voci du compositeur (Napoli, Cancer,
1591), dédicacé au duc de Ferrare :
Certificato da molti
Certains
chevaliers
Cavalieri nostri Napolitani, e
napolitains,
et
tout
particolarmente dal Signor
particulièrement
le
Seigneur
Don Cesare Davalos, quanto
Don Cesare d’Avalos, m’ayant
Vostra Altezza Serenissima
assuré combien Votre Altesse
godendo
questa
Sérénissime, jouissant de cette
professione di Musica, sia
profession qu’est la musique, est
anco fautrice de li professori
aussi protecteur de ceux qui la
di essa …
professent …
di
312
Impression des recueils
Macque, après être resté fidèle à l’éditeur Angelo Gardano pendant près de dix ans, décida de
faire appel au tout jeune éditeur vénitien Vincenti pour ses deux nouveaux recueils. Vincenti,
qui avait ouvert son atelier en 1583, était à cette époque l’éditeur privilégié des compositeurs
napolitains, ce qui peut expliquer la décision de Macque 313 .
Des données précieuses sur la genèse des livres nous sont fournies par la correspondance de
Macque, celui-ci ayant eu très souvent recours à son ami Norimberghi pour résoudre les
problèmes techniques et financiers soulevés par l’impression.
312
Cette lettre, conservée à l’Archivio di Stato di Modena, est cité in NEWCOMB Anthony, « Carlo Gesualdo e
una corrispondenza musicale del 1594», op. cit., p. 33.
313
À ce propos, voir POMPILIO Angelo, « Editoria musicale a Napoli e in Italia nel Cinque-Seicento », op. cit., p.
85-86.
166
En juin 1586, on l’a vu, les lettres de dédicace des deux recueils étaient déjà rédigées et prêtes
à l’impression. Le 7 juin 1586, Macque fait allusion au payement de l’impression à Vincenti,
ainsi qu’à celui du livre de ricercari, publié à Rome en 1586 par Alessandro Gardano :
Et a questo efetto ho
C’est à cet effet que
mandato con questo procaccio
j’ai envoyé avec ce courrier
una lettera di Cambio a detto
une lettre de change de vingt-
Signor Prospero di vinticinque
cinq écus d’or au Sieur
scudi d’oro in oro che li sarano
Prospero, qui lui seront payés
pagati da Battista d’Arcangelo
par
Cavalcanti, che sta com’io credo
Cavalcanti qui, je crois, vit
in casa di Bernardo Olgiati.
chez Bernardo Olgiati. En
Onde alla ricevuta di questa,
recevant la présente, de grâce,
Vostra Signoria mi farà favore
que
di informarsi da esso se ha
demande s’il a déjà reçu cette
ricevuto detta lettera acioché se
lettre
per disgratia si fusse smarrita
malchance, elle s’était perdue
come già sene sono smarrite
comme se sont déjà perdues
parechie di Vostra Signoria per
plusieurs des vôtres par le
il passato, possi avisare subito
passé, je puisse avertir tout de
detto mercante che non paghi
suite ce marchand qu’il ne
deti denari a nissuno, et se per
paie cet argent à personne
sorte con detti denari mancasse
d’autre. Et si jamais il devait
qualche mezzo scudo d’oro per
manquer
complimento del pagamento di
quelques demi-écus d’or en
quella stampa di Roma et di
complément du payement de
quella di Venetia, mi farà gratia
ces imprimés de Rome et de
di
Venise, de grâce, payez les au
pagarlo
al
detto
Signor
Battista
Votre
d’Arcangelo
Seigneurie
afin
que
à
si,
cette
lui
par
somme
Prospero, et reimborzarsene poi
Sieur
da quello che caverà di quella
remboursez-vous ensuite de ce
mia guarnitione di spada e
vous
pugnale.
314
Prospero,
obtiendrez
équipement
et
de
d’épées
mon
et
de
poignards.
On constate encore une fois, que les frais de publication de ce type de recueil d’auteur
n’étaient absolument pas pris en charge par l’éditeur. Les commanditaires Scipione Pignatelli
et Cesare d’Avalos en assumèrent peut-être une partie, mais l’on voit aussi Macque faire une
sorte d’emprunt à son ami pour finir de payer l’impression. La suite de la correspondance
314
Archivio Caetani n. 4311, voir annexes.
167
nous apprend que Norimberghi consentit à avancer cet argent, sans pourtant réussir à écouler
la garnison du compositeur, dont il sera question jusqu’à la lettre du 10 juillet 1587.
Même si dans la lettre précédemment citée, Macque fait allusion au payement de « cet
imprimé de Venise » au singulier, il se référait sans doute aussi au Secondo libro a cinque
puisque le 14 juin 1586, il est dit explicitement que les deux recueils sont déjà prêts à être
expédiés à l’éditeur :
detto
Et quand ledit Sieur
Signor Prospero vorrà detti
Prospero voudra lesdits livres
libri per mandarli in Venetia,
pour les envoyer à Venise, de
Di gratia Vostra Signoria cegli
grâce, que Votre Seigneurie les
dij sì come le ho scritto per
lui donne, comme je vous l’ai
Et
l’ultima mia.
quando
315
écrit dans ma dernière lettre.
Le 12 juillet 1586, Macque parle encore de « ses livres » sans plus de précision, même si l’on
peut déduire du contexte qu’il s’agit encore une fois des deux recueils de madrigaux.
À
Circa poi la stampa
propos
de
delli miei libri ne scrivo a longo
l’impression de mes livres, j’ai
al Signor Prospero nostro, dal
écrit
quale se Vostra Signoria sarà
Seigneur Prospero, qui viendra
ricercata di qualche denari per
vous demander quelque argent
il porto di essi.
316
longuement
à
notre
pour le port.
Les exemplaires imprimés furent apparemment expédiés par la suite à Naples par voie
maritime, au moins en ce qui concerne les Ricercate et canzoni francese. Dans la suite de la
lettre précédemment citée, Macque commence en effet à se préoccuper du transport des livres
de ricercari, pour lequel, explique-t-il, il a fait appel au compositeur romain Prospero Santini
:
Scrivo
315
316
al
J’écris
au
Sieur
Prospero nostro che mi mandi
Prospero qu’il m’envoie les
questi libri miei per mare diretti
livres par la mer, adressés au
al Signor Hettore nostro, et per
Sieur Hettore, et, puisque Votre
che Vostra Signoria sa già
Seigneurie sait déjà comment il
come si ha da fare per il
faut faire, grâce au clavecin
cimbalo che mi mandò, di
que
Archivio Caetani n. 4898, voir annexes.
Archivio Caetani n. 4305, voir annexes.
168
Signor
vous
m’envoyâtes,
de
gratia Vostra Signoria l’agiuti
grâce, aidez-le un peu, et
un poco, et l’avisi come ha da
informez-le sur la manière de
fare.
procéder.
Malgré l’année qui sépare la publication des deux recueils de madrigaux, ces derniers datent
donc probablement plus ou moins de la même période. Ce délai est sans doute à expliquer par
des raisons – ou stratégies – éditoriales, plutôt que par deux époques de composition
différentes 317 .
Choix poétiques : entre deux époques
De Pétrarque au Tasse : nouvelles tendances de la poesia per
musica
Macque adopta deux attitudes relativement contrastées dans les choix poétiques de ses
nouveaux recueils. Le Primo libro a quattro voci reste en effet très attaché à la poésie de
Pétrarque, qui représente à peu près la moitié des textes choisis, alors que ce dernier est
totalement absent du Secondo libro a cinque voci. Ce recueil inaugure en revanche les
premières intonations des rimes du Tasse par le
madrigaliste.
Ces choix poétiques sont le reflet des nouvelles orientations littéraires que prit le répertoire du
madrigal dans son ensemble à cette période. En effet, même si Pétrarque reste encore le poète
préféré des madrigalistes dans les années 1580 318 , les vers du Canzoniere entrent cependant
dans une phase de déclin irréversible à cette période, alors qu’on assiste à la rapide émergence
des poésies du Tasse et de ses imitateurs dans les imprimés musicaux. Parallèlement, les
formes fixes, le sonnet en premier lieu mais aussi la sextine, la ballata ou la canzone,
cultivées par Pétrarque et largement privilégiées par les poètes les plus strictement
317
Il est probable cependant qu’une partie du livre à quatre voix soit réellement antérieure aux madrigaux à cinq
voix. En effet, Macque ayant publié son premier recueil à cinq en 1583, on peut raisonnablement considérer que
le Secondo libro a cinque ne contient que des pièces composées après les madrigaux de 1583. Les derniers
madrigaux à quatre voix de Macque remontent au contraire au recueil à quatre, cinq et six voix de 1579, ce qui
permet de penser qu’une partie des pièces du Primo libro a quattro ait pu être composée dès le début des années
1580. D’autre part, Macque réédita dans ces deux livres presque toutes ses contributions aux anthologies ou
recueils d’auteur publiés entre 1583 et 1585. On retrouve en effet dans le Secondo libro a cinque les madrigaux
Posso cor mio partir et Io son di neve al sol de l’anthologie De Floridi virtuosi d’Italie (1583) ainsi que Gelo ha
Madonna il seno et Dolci sdegni e dolce ire, deux pièces du Quarto libro de madrigali a cinque voci de Felis
(1585). Non veggio ohimè, publié pour la première fois dans le Secondo libro de madrigali a quattro voci de
Battista Moscaglia (1585), trouvera aussi sa place dans le Primo libro a quattro voci.
318
Sur l’évolution des choix poétiques des madrigalistes, voir BIANCONI Lorenzo, « Il Cinquecento e il
Seicento », op. cit., et tout particulièrement les pages 330 et 331.
169
pétrarquistes (Pietro Bembo, mais aussi Bernado Tasso 319 ou Giovanni Della Casa par
exemple) commencent à être supplantées par le madrigal poétique 320 qui, après avoir été tenu
longtemps dans l’ombre du sonnet et des autres genres, commence à acquérir ses lettres de
noblesse dans les dernières décennies du Cinquecento 321 . Comme le note Antonio Vassalli à
propos des choix poétiques des madrigalistes, « si le rapport quantitatif entre sonnet et
madrigal est à peu près de 10 pour 1 jusqu’à 1580, dans la décennie 1580-1590, la
prédominance du sonnet chute sensiblement (3 pour 1), alors que dans la décennie successive
1590-1600, la situation se renverse (1 pour 3), pour ensuite se stabiliser plus ou moins sur des
proportions égales dans les deux premières décennies du Seicento » 322 .
Cet inversement de tendance trahit des expectatives différentes face aux textes poétiques. Les
rimes du Canzoniere représentent le courant le plus élevé de la poésie italienne, dont le style
exigeant s’exprime à travers les formes métriques sophistiquées du sonnet, genre noble par
excellence, mais aussi de la canzone, de la sextine ou de la ballade. Les rimes du Tasse
privilégiées par les madrigalistes des années 1580-1590 (qui ne correspondent pas forcément
aux textes les plus estimés par leur auteur), ne répondent pas aux mêmes exigences littéraires.
À la rigueur des formes fixes est préférée la souplesse du madrigal, « composition la plus
informe de toute la tradition poétique italienne » selon Alessandro Martini 323 ; à la longueur
du sonnet ou plus encore, de la canzone et de la sextine – genres offrant aux compositeurs la
possibilité d’élaborer de vastes compositions multipartites –, la brièveté et la concision de
319
Macque mit en musique huit textes de Bernardo Tasso dans son tout premier recueil de madrigaux.
Le madrigal cinquecentesco est à distinguer de son homonyme trecentesco, forme fixe en tercets conclue par
un distique en rime plate, encore utilisée ponctuellement par Pétrarque dans son Canzoniere. Sur le madrigal
cinquecentesco voir en particulier SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das Madrigal. Zur Stilgeschichte der
italienischen Lyrik zwischen Renaissance und Barock, Bad Homburg von der Höhe, Gehlen, 1969 ; MARTINI
Alessandro, « Ritratto del madrigale poetico fra Cinque e Seicento », Lettere italiane, XXXII, 1981, p. 529-548 ;
DANIELE Antonio, « Teoria e prassi del madrigale libero nel Cinquecento (con alcune note sui madrigali
musicati da Andrea Gabrieli) », Andrea Gabrieli e il suo tempo, éd. Francesco Degrada, Firenze, Olschki, 1987,
p. 75-169 ; LA VIA Stefano, « ‘Madrigale’ e rapporto fra poesia e musica nella critica letteraria del
Cinquecento », Studi musicali, XIX, 1990, p. 33-70.
321
À ce propos, voir tout particulièrement LA VIA Stefano, « ‘Madrigale’ e rapporto fra poesia e musica nella
critica letteraria del Cinquecento », op. cit., p. 37-55.
322
« Se il rapporto quantitativo fra sonetti e madrigali è all’incirca di 10 a 1 fino al 1580, nel decennio 15801590, il predominio del sonetto cala sensibilmente (3 a 1) mentre nei successivi anni 1590-1600 la situazione
addirittura si ribalta (1 a 3), per poi stabilizzarsi più o meno sulla parità dei valori nel primo ventennio del
Seicento », in VASSALI Antonio, « Sull’edizione delle Rime di B. Guarini: una riflessione », Forme e vicende per
Giovanni Pozzi, éd. Ottavio Bessomi, Giulia Gianella, Alessandro Martini et Guido Pedrojetta, Padova,
Antenore, 1988, p. 228, cité in LUZZI Cecilia, Poesia e musica nei madrigali a cinque di Filippo di Monte,
op. cit., p. 25.
323
« … il componimento più informe di tutta la tradizione lirica italiana », in MARTINI Alessandro, « Ritratto
del madrigale poetico fra Cinque e Seicento », op. cit., p. 536.
320
170
petites pièces de quelques vers ; à la complexité conceptuelle du modèle pétrarquéen, les
pointes d’esprit et les tournures brillantes du madrigal épigrammatique 324 .
Cette évolution des choix poétiques des madrigalistes est bien sûr la conséquence des
transformations du goût littéraire ambiant. Cependant, celle-ci reflète aussi la recherche d’un
support poétique adapté à un langage madrigalesque toujours plus concis et cherchant à
particulariser avec un souci du détail de plus en plus méticuleux les images poétiques prises
dans leur individualité. À ce propos, ce fameux extrait d’une lettre du poète Muzio Manfredi
au compositeur Claudio Merulo (datée du 24 mars 1591) est particulièrement révélateur :
Prima
mi
Avant que je ne parte
partissi di Italia, avendo inteso
d’Italie, ayant appris que vous
che gli desideravate, vi mandai
les désiriez, je vous ai envoyé
i
madrigali
mes cent madrigaux imprimés,
stampati, ed alcune altre mie
ainsi que quelques-unes de
picciole poesie scritte a mano,
mes petites poésies écrites à la
di quelle a punto che voi altri
main, de celles que vous autres
musici cercate da far loro il
musiciens cherchez à mettre
canto, cioè brevi, e più di
en
parole che di concetti, e più di
brèves, et plus de paroles que
parole dilicate e quasi vane
de concepts, et plus de paroles
miei
cento
ch’io
che nobili ed espressive.
325
musique,
c’est-à-dire
délicates et presque vaines que
nobles et expressives.
Les choix poétiques effectués par Macque dans ses deux premiers recueils napolitains sont à
replacer dans cette période de transition, appartenant à une génération de compositeurs (et
sans doute aussi de commanditaires) encore traditionnellement liée à la lyrique pétrarquéenne
mais aussi de plus en plus séduite par une poésie moins élaborée mais s’adaptant
particulièrement bien à l’évolution du langage musical madrigalesque.
324
Sur le madrigal épigrammatique voir SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das Madrigal, op. cit., et tout
particulièrement le chapitre V, « Das epigrammatische Madrigal ».
325
MANFREDI Muzio, Lettere brevissime, Venezia, Meietti, 1606, p. 64, cité in BIANCONI Lorenzo, « Il
Cinquecento e il Seicento », op. cit., p. 340.
171
Il primo libro de madrigali a quattro voci
Pétrarque et les formes fixes
Dix des vingt-et-un numéros qui constituent le Primo libro de madrigali a quattro voci sont
composés sur des vers pétrarquéens 326 . Macque choisit de mettre en musique trois textes
pluripartites, appartenant tous à la première partie « in vita di madonna Laura » des Rerum
vulgarium fragmenta : les six strophes de la sextine 327 CCXXXIX Là ver’ l'aurora che sì
dolce l'aura (sans le tercet finale), et les sonnets CCXXX I' piansi or canto che 'l celeste lume
et LXVII Del mar Tirreno a la sinistra riva. Un ton souvent gracieux et bucolique domine
dans ces trois poésies (comme souvent dans les rimes in vita di madonna Laura), notamment
grâce à une large utilisation du champ lexical de la nature 328 . Le reste du recueil, nous y
reviendrons, est composé sur des vers anonymes.
Cette place réservée au Canzoniere peut étonner car Macque, suivant en ceci la tendance
générale de l’époque, avait presque abandonné la poésie de Pétrarque après la publication
d’un premier recueil encore très centré sur ce poète (dans le Primo libro de madrigali a sei
voci, douze numéros sur vingt-neuf sont en effet composés sur des textes du Canzoniere –
toutes proportions gardées, ce chiffre reste cependant inférieur à celui du Primo libro de
madrigali a quattro voci, voir infra, table 24, p. 177). Cette tendance se confirmera dans ses
recueils successifs, puisque Macque ne musiquera par la suite que très peu de textes
pétrarquéens, et souvent dans le cadre de madrigaux spirituels.
D’autre part, décider de musiquer une sextine en entier (la seule de toute la production de
l’auteur) peut paraître une option légèrement passéiste pour l’époque. En effet, ces grandes
formes poétiques connurent leur plus grande fortune auprès des madrigalistes dans les années
1560-1570 329 . On ne s’étonnera donc pas que la version de Macque constitue l’une des toutes
dernières intonations que connurent les six strophes de la sextine Là ver’ l’aurora 330 après
avoir été musiquées par les grands noms du madrigal des années 1560-1570, comme Roland
326
Sont comptées comme des numéros distincts les différentes parties d’un même texte.
La sextine ou sestina est une forme particulière de la canzone, constituée de six strophes de six vers ne rimant
pas entre eux à l’intérieur de la strophe. Le schéma de versification utilise des mots-rime identiques dans toutes
les strophes, alternant selon le principe de rétrogradation croisée : l’ordre des mots-rime de chaque strophe est
issu d’une transformation de celui la strophe précédente, selon le procédé suivant : ‘dernier/premier/avantdernier/deuxième/avant-avant-dernier/trosième’. (Voir BELTRAMI Pietro, La metrica italiana, op. cit., p. 411.)
328
Voir en particulier la sextine, dont deux des six mots-rime ont trait à la nature (fiori, fleur, et l’aura, la brise).
329
À ce propos, voir BIANCONI Lorenzo, « Il Cinquecento e il Seicento », op. cit., p. 328.
330
Après Macque, seul Tiburzio Massaino mettra en musique la totalité de ce texte dans son dernier recueil, le
Quarto libro de madrigali a cinque voci, Venezia, Gardano, 1594 voir infra, table 26, p. 187).
327
172
de Lassus ou Pietro Vinci. Cela n’empêchera cependant pas que chacune des strophes soit
remise en musique séparément jusqu’au début du XVIIe siècle.
Le même processus se produit avec le sonnet I' piansi or canto che 'l celeste lume, qui est lui
aussi mis en musique pour la dernière fois dans le premier livre à quatre voix de Macque,
après avoir connu sept intonations différentes par des compositeurs tels que Adrian Willaert
en 1559 ou Philippe de Monte en 1570 (voir infra, table 26, p. 187). Quant au dernier sonnet,
Del mar Tirreno a la sinistra riva, il ne fut semble-t-il mis en musique que par Macque.
Au-delà de l’analogie entre le nom du commanditaire et l’un des mots-rime de la sextine qui,
on l’a évoqué, pourrait être à l’origine de l’intonation de Là ver’ l’aurora 331 , il est possible
que Macque ait orienté ainsi ses choix poétiques afin de répondre à la formation vocale à
quatre voix de ce recueil, formation plus archaïsante que les traditionnelles cinq voix qui
constituaient la norme de l’écriture madrigalesque depuis Cyprien de Rore. Marenzio ne
réagit pas différemment dans son unique recueil à quatre voix, imprimé un an avant celui de
Macque 332 , dans lequel presque la moitié des numéros sont composés sur des vers du
Canzoniere, alors que ses livres à cinq voix des années 1580 ne contiennent pas plus d’une ou
deux poésies de Pétrarque par recueil.
D’autre part, même si le Canzoniere attire globalement moins les madrigalistes italiens à
partir des années 1580, les compositeurs napolitains continuent en revanche à composer
massivement sur ses vers à cette période. Ambroise Marien, qui est avec Macque le
madrigaliste actif à Naples le plus prolixe des années 1580, consacre en effet la totalité de ses
deux recueils de 1580 et 1584 aux rimes du Canzoniere 333 , de même qu’environ un tiers du
Secondo libro de madrigali a quattro voci de Rocco Rodio est composé sur des textes de
Pétrarque 334 .
En outre, on constate que la première strophe de la sextine Là ver’ l’aurora fut aussi
musiquée par Giovanni Leonardo Primavera dans le recueil qu’il dédicaça à Carlo Gesualdo
331
Voir supra, p. 160.
MARENZIO Luca, Il primo libro de madrigali a quattro voci, Roma, Gardano, 1585. Transcription in The
Complete Four Voice Madrigals, éd. John Steel, New York, Schaffner Publishing Company, 1995.
333
MARIEN Ambroise, Il primo libro de madrigali a quattro (Venezia, Gardano, 1580) et Il secondo libro e
madrigali a quattro voci (Venezia, Vincenti et Amadino, 1584). Ces recueils sont dédicacés à deux membres de
la famille Gesualdo, respectivement Scipione et Michele Gesualdo, parents éloignés de Carlo Gesualdo.
334
RODIO Rocco, Il secondo libro de madrigali a quattro voci (Venezia, Scotto, 1587). Onze texte sur vingt-neuf
sont extraits du Canzoniere.
332
173
en 1585 335 alors que Macque se trouvait déjà à sa cour. Ce même imprimé contient aussi une
intonation d’une autre sextine complète du Canzoniere, Chi è fermato di menar sua vita.
Jusqu’au milieu des années 1580, musiciens et commanditaires parthénopéens semblent donc
être restés encore très attachés aux grands modèles de la poésie italienne, et tout
particulièrement à Pétrarque. Macque, qui avait presque abandonné ce poète après le recueil
de 1576, s’est peut-être adapté au goût ambiant dans son premier livre napolitain, réservant
une sélection plus moderne pour son Secondo libro de madrigali a cinque voci.
Autres textes anonymes : formes et styles
Sur les onze textes qui constituent le reste du Primo libro de madrigali a quattro voci, un seul
a pu être attribué, Non veggio ohimé quei leggiadretti lumi. La première publication de ce
madrigal appartient en effet au Secondo libro de madrigali de Moscaglia, qui se déclare
l’auteur de tous les textes poétiques dans la dédicace, affirmation qui peut cependant être
sujette à caution. Les dix autres textes sont anonymes, et jusqu’à aujourd’hui aucune source
poétique n’a pu être identifiée. La moitié d’entre eux ne connurent semble-t-il aucune autre
intonation (voir infra, table 26, p. 187).
Ces textes, qui, à part un, sont tous composés dans le style libre qui caractérise le madrigal
cinquecentesco, présentent une relative variété stylistique. Certaines poésies sont écrites dans
un registre relativement élevé, notamment Quel dolce nodo che mi strinse il core, dont la
forme métrique d’octave 336 impose l’usage exclusif d’hendécasyllabes (vers noble et grave
par excellence selon la catégorisation bembienne 337 ). Ce texte, déjà musiqué par Jacopo
Corfini en 1565, se conclut par une triple corrélation 338 tout à fait recherchée, renvoyant ces
vers à la plus pure tradition pétrarquiste :
Quel dolce nodo che mi
335
Ce doux nœud qui me serra le cœur
PRIMAVERA Giovanni Leonardo, Il settimo libro de madrigali a cinque voci, Venezia, Vincenti, 1585.
L’octave (ottava) est une strophe composée de huit hendécasyllabes respectant le schéma métrique
ABABABCC, utilisée notamment dans les poèmes épiques tels que L’Orlando furioso d’Arioste ou La
Gerusalemme liberata du Tasse.
337
« Tout retard et toute demeure dans les choses est naturellement caractéristique de la gravité ; cette demeure,
étant plus importante dans le vers entier hendécasyllabe que dans le vers rompu septénaire, rend le premier
d’autant plus grave, et d’autant moins plaisant que le second. » (« Ogni indugio e ogni dimora nelle cose è
naturalmente di gravità inditio; la qual dimora, perciò che è maggiore nel verso intero che nel rotto, alquanto
più grave rendendolo, men piacevole il lascia essere di quell’altro. »), in BEMBO Pietro, Prose della volgar
lingua, Venezia, Tacuino, 1525, livre 2, chapitre 13, p. 63 (édition consultée : BEMBO Pietro, Prose della volgar
lingua. éd. Claudio Vela, Bologna, Clueb, 2001, p. 82).
338
Pour une définition de la pluralité et de la corrélation voir infra, p. 280.
336
174
ne se déliera ni avec le temps, ni avec la
strinse il core
mort
non si sciorrà per tempo né
et l’on ne verra jamais s’éteindre la douce
per morte,
ardeur
né mai spenger vedrassi il
qui orne et éclaire mon sort obscur.
dolce ardore
ch’orna e rischiara la mia
Alors ma blessure sera moins grande
oscura sorte.
car le jour apporte les étoiles, et la nuit, le
Alor
la
piaga
mia
sarà
Soleil
minore,
tant sont doux le nœud, le feu et les flèches
ch’il dì le stelle e ’Sol la notte
avec lesquels amour me lie, m’enflamme et
apporte,
m’assaille.
tanto son dolci e nodo e foco e
strale,
onde mi lega amor, arde et
assale.
D’autres textes, sans forcément déployer un arsenal rhétorique extrêmement élaboré, penchent
très clairement vers une gravité de ton quasiment absente du Secondo libro de madrigali a
cinque voci. Nel morir si diparte/l’anima del suo velo ou Crudel se m’uccidete, par exemple,
pourront servir de départ à la recherche d’une palette musicale plus expressive.
Ce type de textes côtoie cependant des poésies beaucoup plus légères, qui parfois ne
détonneraient pas dans un recueil de canzonetta. Le schéma métrique de O fammi, Amor,
gioire, composé entièrement de septénaires en rimes plates (mètre et rime de la grâce et de la
piacevolezza selon Bembo 339 ) pourrait parfaitement convenir à une strophe de pièce légère :
O fammi Amor
a
Ô fais-moi jouir, Amour,
a
ô tu me fais mourir,
gioire,
o
339
tu
mi
fa’
Voir supra, note 337.
175
morire,
però che senza
b
puisque, sans aucune joie,
b
le mieux est encore que je me
meure,
gioia
c
il meglio è ch’io
car ce qui mène à la mort
c
mi muoia:
me sortira au moins de mes peines.
ché
quel
ch’a
morte mena
trarammi almen
di pena.
De même, le caractère mélique et pastoral de Quando sorge l’aurora, une mise en scène
bucolique d’un paysage arcadien composée presque entièrement de septénaires, avait-il trouvé
sa place dans le deuxième livre de Madrigaletti et napolitane de Macque 340 :
Quando
sorge
a
Quand l’aurore pointe,
b
les petites herbes et les fleurs
l’Aurora,
ridon l’erbette e i
rient
b
fiori
et les petits amours
e i pargoletti amori
c
se rendent avec les Nymphes
van
con
le
Ninfe
auprès de mon beau soleil tout
intorno
al
a
mio
bel
Sole
adorno,
scherzando ad or ad
A
orné
en jouant de temps en temps
là où le ciel et la terre tombent
amoureux.
ora
onde la terra e ’l ciel
se n’inamora.
340
c
Voir supra, p. 55.
176
table 24: textes de Pétrarque mis en musique par Macque
Année
Titre
Total Types formels
Incipit
1576
Primo libro de madrigali a sei voci
12
Mille fiate o
Cinq sonnets en deux parties
Or s'io lo sc
Dolce mio c
Onde qua gi
Già fiammeg
Quando mia
Dolci durezz
Divino sgua
Vago augell
I' non so se l
Deux premières moitiés de sonnet
Gl'occhi sere
Poi che 'l ca
1579
Madrigali a quattro, cinque et sei 2
Une première moitié de sonnet
Amor e 'l ve
Un madrigal trecentesco
Non al suo a
voci
1581
Primo libro de madrigaletti et 0
---
napolitane a sei voci
1582
Secondo libro de madrigaletti et 0
---
napolitane a sei voci
1586
Primo libro de madrigali a quattro 10
Une sextine en six parties
Là ver’ l'aur
voci
Temprar pot
Quante lagri
177
Uomini e dè
A l'ultimo b
Ridon or per
Deux sonnets en deux parties
Io piansi or
Sì profondo
Del mar Tirr
Solo ov'io er
1587
Secondo libro de madrigali a 0
---
cinque voci
1589
Secondo libro de madrigali a sei 1
une première moitié de sonnet
Per divina b
voci
1597
Terzo libro de madrigali a cinque 3
Un
capitolo
voci
spirituel)
des
Trionfi
(madrigal La morte è f
I' vo piangen
Un sonnet en deux parties (madrigal
spirituel)
1599
Sì che s'io v
Quarto libro de madrigali a cinque 3
Un sonnet en deux parties (madrigal Padre del cie
voci
spirituel)
Or volge Sig
Une première moitié de sonnet
Poi che 'l ca
1610
Terzo libro de madrigali a quattro 1
Un capitolo des Trionfi
voci
1613
Sesto libro de madrigali a cinque 0
voci
178
---
Pallida no m
Il secondo libro de madrigali a cinque voci : rimes tassiennes
et madrigaux épigrammatiques
Le Tasse, Macque et les madrigalistes napolitains
À côté des choix poétiques relativement éclectiques du Primo libro de madrigali a quattro
voci, les textes du Secondo libro de madrigali a cinque voci apparaissent au contraire
extrêmement homogènes. Ce livre, on l’a déjà évoqué, inaugure la toute première intonation
de textes du Tasse par Macque. Le compositeur choisit en effet de musiquer trois madrigaux
du poète bien connus des madrigalistes, Gelo ha madonna il seno, Mentre, mia stella, miri et
Questa vostra pietate. Même si ces trois textes font figure d’exception parmi les autres
poésies du recueil, toutes anonymes, il convient de s’arrêter un instant sur les raisons qui
poussèrent Macque à effectuer un tel choix.
L’adoption des rimes tassiennes par Macque n’est peut-être pas entièrement étrangère au fait
que ce recueil ait été dédié à un membre de la famille Avalos, les relations entre le poète et
cette grande famille napolitaine étant en effet avérées. Le Tasse écrivit en effet de nombreuses
poésies pour célébrer les membres de cette maison, notamment lors du mariage de Maria
d’Avalos et de Carlo Gesualdo. Ce dernier, qui ne commença à fréquenter le Tasse que plus
tard dans le siècle, ne fut probablement pas à l’origine de la nouvelle orientation poétique de
Macque 341 .
Cet intérêt pour les textes du Tasse, peut-être motivé en partie par le commanditaire du recueil
Cesare d’Avalos, répond aussi à l’engouement généralisé pour les rimes du poète qui, on l’a
évoqué, connut son point culminant à la fin des années 1580. Cependant, à Naples, où le
Tasse ne se rendit pour la première fois qu’en 1588, Macque fait figure de précurseur 342 . Ce
dernier fut apparemment le seul compositeur napolitain à être touché par la vague de
popularité de la poésie tassienne dans les années 1580 et il faudra attendre encore une dizaine
341
À ce propos, voir DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, « Tasso, Luzzaschi e il Principe di Venosa », in
Tasso, la musica, i musicisti, éd. Maria Antonella Balsano et Thomas Walker, Firenze, Olschki 1988, p. 34.
342
Il est étonnant que Larson semble ignorer les livres de Macque lorsqu’il déclare : « Bien que les Rime du
Tasse aient été publiées depuis la première moitié des années 1580, les compositeurs napolitains ne
commencèrent pas à mettre en musique ses vers avant son séjour à Naples de 1588. » « Although Tasso’s Rime
were being published in the first half of the 1580s, Neapolitan composers did not begin to set his poems until
after his visit there in 1588. », in LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 1, p. 316.
179
d’années pour que les autres madrigalistes parthénopéens commencent véritablement à
s’intéresser à ces vers 343 .
Macque, cependant, continuera sur cette lancée en 1589, choisissant trois nouveaux textes du
poète pour son Secondo libro de madrigali a sei voci dédicacé à Fabrizio Gesualdo 344 – ainsi
que deux madrigaux attribués par erreur à cet auteur dans la troisième partie des Rime du
Tasse éditée par Giulio Vasalini en 1583 345 – avant de délaisser presque définitivement cet
auteur dans ses recueils successifs 346 . Il n’est pas impossible que la teneur très tassienne des
deux premiers imprimés de Gesualdo 347 soit due à l’influence de Macque sur celui qui fut très
probablement son élève. Cette hypothèse est en partie corroborée par le fait que Gesualdo,
dans son premier recueil, choisit de se confronter à l’intonation des madrigaux Mentre, mia
stella, miri et Gelo ha madonna il seno, deux textes du Tasse déjà musiqués par Macque dans
son Secondo libro a cinque.
Sources
Les vers tassiens du Secondo libro a cinque comparaissent tous dans les premières éditions
des Rime du poète 348 . Cependant, deux des trois textes présentent des leçons sensiblement
différentes par rapport aux sources imprimées, ce qui laisse présumer que le madrigaliste
n’eut pas directement recours à ces dernières. Dans le madrigal Questa vostra pietate, le vers
343
Sur les choix poétiques des madrigalistes napolitains de la génération de Gesualdo, voir POMPILIO Angelo,
VASSALLI Antonio, « Il madrigal a Napoli nel Cinque-Seicento », op. cit., p. 12-16 et LARSON Keith, The
Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 2, p. 547.
344
Les choix poétiques de ce recueil dont, on le rappelle, seule la voix d’alto a été conservée, privilégient
largement les madrigaux (16 numéros sur 21) tout en laissant encore une certaine place aux formes fixes (deux
sonnets, l’un de Pétrarque et l’autre de Bembo et deux strophes d’une ballade de Bembo).
345
Il s’agit des madrigaux Stavasi il mio bel sole al sol assiso et Come sì m’accendete. Cette attribution erronée
a été discutée par Angelo Solerti dans le premier volume de son édition des Rime du Tasse (voir TASSO
Torquato, Le rime di Torquato Tasso. Edizione critica sui manoscritti e le antiche stampe. Bibliografia, éd.
Angelo Solerti, Bologna, Romagnoli-Dall'Aacqua, 1898-1902, vol. 1, p. XVI et 508). Stavasi il mio bel sole al
sol assiso comparait dans les Madrigali de Giovan Battista Strozzi le vieux (Firenze, Sermatelli, 1593).
L’attribution de Come sì m’accendete a été remise en question par Solerti sur la base d’une annotation
autographe du poète qui, dans un exemplaire des Rime conservé à la Biblioteca Angelica de Rome, indique que
le texte n’était pas de lui. Cette attribution erronée est reprise dans certaines rééditions successives.
346
Après le recueil de 1589, Macque ne musiquera plus qu’un seul texte du Tasse (Mentre volgea 'l mio sole,
III.4, n. 18).
347
Sur les choix poétiques de Gesualdo, voir CECCHI Paolo, « Le scelte poetiche di Carlo Gesualdo: Fonti
letterarie e musicali », in La musica a Napoli durante il Seicento. Atti del Convegno internazionale di Studi,
Napoli, 11-14 aprile 1985, éd. Domenico Antonio D’Alessandro et Agostino Ziino, Roma, Torre d’Orfeo, 1987,
p. 47–75. Pour Elio Durante et Anna Martellotti, l’abandon successif des rimes tassiennes par Gesualdo serait dû
à une influence de Luzzaschi sur ce dernier (« Le Tasse est définitivement sorti de la scène, et Gesualdo, en
abandonnant sa première et indéniable prédilection, s’est rangé clairement à l’école de Luzzaschi … » (« Il
Tasso è dunque definitivamente uscito della scena, e Gesualdo nell’abbandono di questa sua primitiva
innegabile predilezione, si è messo decisamente alla scuola di Luzzaschi ... »), in Tasso, Luzzaschi e il principe
di Venosa, op. cit., p. 40.
348
La première édition des Rime du Tasse date de 1581 (Rime del sig. Torquato Tasso. Parte prima. Insieme con
altri componimenti del medesimo, Venezia, Manuzio). D’autres éditions suivirent dans les années succesives.
180
ma da forza a l’ardore devient en effet dans la version de Macque ma giunge esca a l’ardore
et dans Mentre, mia stella, miri, les vers perché ne gli occhi miei/fiso tu rivolgessi sont
distribués de manière différente (perché tu rivolgessi/fisso ne gli occhi miei) et le mot lumi du
vers conclusif est remplacé par occhi 349 .
Il est possible que Macque se soit procuré ces textes sous forme manuscrite, dans une version
circulant de compositeur en compositeur – ou en commanditaire – avant les premières
éditions des Rime, voire même qu’il ait recopié directement le texte à partir d’un autre
imprimé musical. En effet, si les variantes de Questa vostra pietate ne se retrouvent dans
aucune des autres intonations du poème que j’ai pu consulter 350 , la version de Mentre, mia
stella, miri retenue par Macque est exactement la même que celle de la première intonation du
texte par Pietro Vinci (Il quarto libro de madrigali a cinque voci, Venezia, Scotto, 1573),
version que l’on retrouve aussi dans le Primo libro de madrigali a quattro voci du padouan
Marc’Antonio Pordenon 351 . Macque semble en outre se référer au madrigal de Vinci dans la
mise en musique de certains vers. Les correspondances musicales entre les deux pièces,
quoique concernant des figures relativement communes, sont en effet trop nombreuses pour
être un simple fait du hasard (voir infra, table 25, p. 182). Il est donc tout à fait envisageable
que Macque ait recopié directement le texte poétique à partir du recueil du compositeur
sicilien, ce type de circulation des textes poétiques semblant en effet avoir été monnaie
courante à l’époque 352 . Les intonations postérieures de Mentre, mia stella, miri que j’ai pu
consulter (cinq sur dix), reportent en revanche la version des sources imprimées, à l’exception
de celle de Gesualdo qui, contrairement aux madrigalistes napolitains Mayone et Spano,
reprend une version relativement proche du madrigal de Macque (seul le mot occhi est
remplacé par luci dans le dernier vers, sans revenir cependant aux lumi de la source
imprimée). Ces similitudes peuvent aisément s’expliquer étant donné la proximité des deux
compositeurs à l’époque de la publication du Secondo libro a cinque.
349
Cette leçon se retrouve aussi dans deux manuscrits de la fin du XVIe siècle, voir TASSO Torquato, Le rime di
Torquato Tasso. Edizione critica sui manoscritti e le antiche stampe, op. cit., vol. 3, p. 79.
350
Les intonations antérieures à celle de Macque (Paolo Cavalieri, 1585 et Giulio Eremita, 1586) reportent toutes
deux le texte de l’édition des Rime, ainsi que les intonations postérieures que j’ai pu contrôler (six sur neuf).
351
PORDENON Marc’Antonio, Il primo libro de madrigali a quattro voci, Venezia, Gardano, 1580. Le texte
retenu deux ans plus tôt par Paolo Bellasio dans son Primo libro de madrigali a cinque voci (Venezia, Scotto,
1578) s’éloigne au contraire sensiblement de la version de Macque comme de la source future source
imprimée (Mentre mia stella miri/i bei celesti giri/il ciel esser vorrei/acciò tu rivolgessi/spesso ne lumi miei/le
tue ardenti faville/io vagheggiar potessi/mille bellezze tue con occhi mille).
352
À ce propos, voir en particulier BIANCONI Lorenzo, VASSALLI Antonio, « Circolazione letteraria e
circolazione musicale del madrigale: il caso G. B. Strozzi », Il madrigale tra Cinque e Seicento, op. cit., p. 12138.
181
table 25 : concordances musicales entre les deux versions de Mentre, mia stella, miri par
Macque (II.5) et Vinci (IV.5)
182
Les dix-neuf autres textes du recueil sont tous anonymes et ne comparaissent dans aucune
source poétique. Dans la très grande majorité des cas (quinze numéros sur dix-neuf), Macque
fut apparemment le seul madrigaliste à musiquer ces vers, ce qui laisse penser que ces poésies
furent écrites pour l’occasion, peut-être directement fournies par le commanditaire de
l’œuvre 353 . La structure très alambiquée de certaines de ces rimes – parfois à la limite du
compréhensible 354 – trahit une démarche poétique sans grandes prétentions littéraires,
caractéristique d’une « poésie de consommation » écrite dans la seule vue d’une intonation
musicale.
Formes et styles
Les textes du Secondo libro de madrigali a cinque voci appartiennent à la tendance la plus
légère et la plus humble du courant poétique pétrarquiste, contrastant singulièrement avec le
style élevé des textes pétrarquéens du livre précédent. Le Secondo libro a cinque est le
premier recueil de madrigaux de l’auteur à n’utiliser aucun sonnet 355 ; ce livre se focalise au
contraire presque exclusivement sur le madrigal cinquecentesco, forme poétique libre, à la
structure métrique ouverte (seul le treizième numéro, Io son di neve al Sol, di cera al foco,
répond à une forme métrique fixe, celle de l’octave – ABABABCC). Par la suite, Macque,
comme beaucoup de ses contemporains, ne reviendra plus que sporadiquement au sonnet et
aux formes fixes en général 356 .
Les textes mis en musique par Macque dans ce nouveau recueil appartiennent à la veine la
plus piacevole du madrigal poétique de l’époque, dont Giovan Battista Strozzi le jeune nous
laissa une précieuse description dans sa Lettione sopra i madrigali (« Leçon sur le madrigal »)
de 1574 357 .
À part une composition encomiastique, Le Ninfe del mar d’Adria, chantant les louanges d’une
ville de la mer adriatique (pour Keith Larson, il pourrait s’agir de Vasto, propriété de la
353
Il arrive que certains auteurs précisent dans la dédicace que le contenu littéraire du recueil leur a été fourni
directement par le dédicataire. Voir par exemple la dédicace de l’anthologie Il trionfo di Dori (Venezia,
Gardano, 1592), à laquelle participa Macque.
354
Voir particulièrement la conclusion du madrigal Prendi, Signor, vendetta (II.5, n. 10) : « Ahi! che, dubbio del
fin, più ti diletta/viver in pace, amore,/che con l’armi cercar d’averne onore! » (littéralement : « Ah, qui, doutant
de la fin, plus te délectes,/de vivre en paix, amour,/qu'avec les armes chercher à en avoir honneur ! » ; c’est-àdire : « Ah, amour, toi qui, doutant de l'issue du combat, préfères vivre en paix plutôt que vaincre
honorablement par les armes ! »).
355
À l’exclusion évidemment des deux recueils de Madrigaletti et napolitane.
356
Voir supra, note 344 pour le contenu poétique du recueil de 1589.
357
Cette leçon, prononcée en 1574 à l’Accademia fiorentina, ne fut publiée qu’en 1635 (Lettione sopra i
Madrigali, recitata l’anno 1574 nell’Accademia Fiorentina, in Orazioni et altre prose, Roma, Grignani). De
larges extraits de cette leçon sont proposés dans SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das Madrigal, op. cit., p. 113-120.
183
famille d’Avalos à une soixantaine de kilomètres au sud de Pescara) 358 , les autres textes sont
tous des madrigaux amoureux écrits dans un ton généralement plus gracieux et plaisant que
tourmenté et pathétique, dans une relative homogénéité sémantique, rhétorique et stylistique.
Les textes sont tous relativement courts (entre sept et neuf lignes) et en une unique partie.
Cette brièveté, qui reste l’une des caractéristiques essentielles du madrigal de la fin du
Cinquecento, est accentuée en outre par un usage soutenu du septénaire, qui représente plus
de la moitié des vers 359 . La prédominance de ce mètre, selon Strozzi « plus agréable qu’aucun
autre … et que l’on doit, du fait de sa grâce, utiliser dans notre poème » 360 , est tout à fait
caractéristique de ce type de madrigal.
Une certaine douceur de ton prédomine dans ces textes. Les vers privilégient largement un
chant lexical plaisant et gracieux au détriment d’expressions violentes, pathétiques ou trop
conceptuelles, et ceci même dans les descriptions des peines d’amour. Le discours se focalise
sur la description des parties du corps de l’aimée, souvent évoquées au moyen d’images
visuelles immédiates (soleil, neige, étoiles, ciel, rubis, perles, etc.) sans trop s’appesantir sur
les souffrances de l’amant, ni sur des raisonnements trop abstraits. Afin de créer une douce
musicalité, les textes n’hésitent pas à répéter fréquemment les mêmes mots, ou les mêmes
sonorités, à l’intérieur du poème 361 .
On retrouve encore une fois l’esthétique madrigalesque prônée par Strozzi, qui préconise en
effet l’usage de « paroles … à la sonorité … agréable et gracieuse » (« parole … di
suono … piacevole e gratioso ») et non celles « à la sonorité … âpre, désagréable et trop
sonore » (« di suono … aspro, spiacevole, troppo sonante »), ainsi que le choix de matière
358
Voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., vol. 1, p. 398. Le titre de marquis de
Vasto ne fut pas transmis à Cesare d’Avalos mais, en sautant une génération, ce fut son fils Iñigo, mort à Vasto,
qui en hérita.
359
Les septénaires sont en effet légèrement majoritaires (environ 53%), alors qu’ils ne représentaient que 30%
dans le Primo libro a quattro, 13% dans le Primo libr a sei et 35% dans les Madrigali a quattro, cinque et sei
voci.
360
« … più d’ogn’altro dilettevole … per la gratia e diletto suo si deve in questo nostro Poema accettare » in
STROZZI Giovann Battista, Lettione sopra i Madrigali, op. cit., p. 184, cité in SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das
Madrigal, op. cit., p. 116.
361
Voir par exemple le dernier vers de Mentre, mia stella, miri (II.5, n. 11), mille bellezze tue con occhi mille, ou
encore Dolci sdegni e dolce ire (II.5, n. 6). Ce procédé est aussi évoqué par Strozzi, qui parle à ce propos de
« jeux, de répétitions de paroles et de quelques jeux de mots » (« gli scherzi e le repiche delle parole e alcune
fredde allusioni »), in Lettione sopra i Madrigali, op. cit., p. 174, cité in SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das
Madrigal, op. cit., p. 118.
184
amoureuse évitant « la mort et autres accidents malheureux, qui sont trop dignes de larmes »
(« le morti e gli sventurati accidenti, che troppo son degni di lagrime ») 362 .
Le célèbre madrigal du Tasse, Mentre mia stella miri, numéro onze du Secondo libro a
cinque, est un exemple particulièrement significatif de ce type de texte, défini par SchulzBuschhaus « madrigal mélique », sur la base de la Lettione de Strozzi :
mille.
Mentre, mia stella, miri
Alors que, mon étoile, tu mires
i bei celesti giri,
les beaux mouvements célestes,
il ciel esser vorrei,
je voudrais être le ciel
perché tu rivolgessi
pour que tu tournes,
fiso ne’ lumi miei
fixées dans mes yeux,
le tue dolci faville,
tes douces étincelles,
io vagheggiar potessi
et que je puisse admirer
mille bellezze tue con occhi
tes mille beautés avec mille
yeux.
Comme le note Schulz-Buschhaus 363 à propos de ce madrigal, le Tasse, en évitant de conclure
par un distique à rime plate contenant la pointe spirituelle tant attendue dans ce type de
composition poétique, s’éloigne délibérément du caractère épigrammatique vers lequel tend la
grande majorité de la production madrigalesque de la fin du XVIe siècle. Le reste des textes
du recueil penche cependant très nettement vers ce style épigrammatique, caractérisé par ses
conclusions pleines de brio (ou, pour reprendre un terme cher aux poètes de l’époque, ses
arguties) cherchant à résoudre par des raisonnements spirituels les situations problématiques
et paradoxales exposées dans le poème et généralement liées aux danni d’amore (les méfaits
362
STROZZI Giovann Battista, Lettione sopra i Madrigali, op. cit., p. 182, cité in SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich,
Das Madrigal, op. cit., p. 115.
363
Schulz-Buschhaus remarque en effet, à propos des rimes conclusives de ce texte : « Une rime plate
conclusive, qui pourrait augmenter le brio de l’image poétique et diminuer l’harmonie du melos, est cependant
évitée. » (« Ein konklusiver Paarreim, der die Brillanz der Gedankenfigur steigern und die Harmonie des Melos
mindern könnte, wird jedoch vermieden », in SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das Madrigal, op. cit., p. 133).
185
364
d’amour)
. Le texte suivant offre un bon exemple de ce type de composition
épigrammatique 365 :
Ben poté fede a pieno
farvi,
perché,
da
La foi put bien pleinement
me
vous combler, car, en me fuyant, mon cœur
fuggendo, il core
s’en est allé à vous, ô mon céleste feu,
a voi sen vien, o mio
celeste foco,
dei vostri chiari Soli il bel
sereno.
Ma com’in me senza di lui
ha loco
ciel beau et serein de vos clairs soleils.
Mais comment est possible sans lui
la vie, qu’amour le dise,
lui pour qui l’on vit dans les autres et l’on meurt
en soi-même.
la vita, il dica amore,
per cui si vive in altri e ’n
sé si more!
Les textes du Secondo libro de madrigali a cinque voci regorgent de ce type de pointes
pleines d’esprit, de ces arguties destinées à provoquer l’émerveillement du lecteur par
l’ingéniosité de leurs formulations. Elles sont généralement disposées en distique à rime
plate 366 , comme le préconise Strozzi, et font appel aux oxymores ou aux oppositions
disposées en pluralités, corrélations, chiasmes et autres procédés rhétoriques recherchés. Les
extraits suivants donnent quelques exemples significatifs de ce type de pointes conclusives :
II.5, n. 3
364
Ce type de conclusion brillante, souvent un distique à rime plate, est elle aussi évoquée par Strozzi dans sa
Lettione : « Infailliblement, les vers conclusifs doivent rimer ensemble, et en outre, être spirituels de concept et
(comme disent les latins) piquants. Autrement, la fin serait insipide et froide. Un si petit corpuscule ne peut
plaire s’il n’est fait tout de substance et de vivacité. » (« Infallibilmente ha da esser rimata la chiusa, ed
oltracciò arguta di concetto e (e come dicono i latini) aculeata. Altrimenti sarebbe insipida fine e fredda. Né può
un sì picciolo corpicello aggradare, quando egli non sia tutto sostanza e tutto vivacità. », in STROZZI Giovann
Battista, Lettione sopra i Madrigali, op. cit., p. 205, cité in SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das Madrigal, op. cit.,
p. 119).
365
On notera en outre la structure bipartite de ce texte, caractéristique du madrigal épigrammatique. À ce propos,
voir SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das Madrigal, op. cit., p. 164.
366
Seize cas sur vingt-et-un.
186
che, se mi diede nel partir
qui, s’il me donna au départ tant de douleur,
dolore,
dans le retour comble de joie mon cœur.
nel ritorno di gioia abonda
il core.
II.5, n. 7
che
fass’in
me,
sovra
ogn’uman efetto,
qu’elle fait sur moi, au-delà de tout effet
humain,
l’amaro dolce e la pena
l’amer doux et la peine plaisir.
diletto.
II.5, n. 18
perch’ella vi desia
car celle-ci vous désire
o in estremo crudel o in
ou extrêmement cruelle ou toute pleine de
tutto pia..
pitié.
Macque, comme beaucoup de madrigalistes des années 1580, fut certainement séduit par les
possibilités musicales offertes par ces petites compositions poétiques qui, en quelques vers,
offrent un véritable réservoir d’images visuelles, de contrastes et d’oppositions marquées. Ces
textes sont en effet particulièrement adaptés à l’écriture du madrigal, « genre musical
concentré sur l’amplification et la mise en évidence des images poétiques, mais inadapté à
articuler des discours soutenus et étendus », selon Lorenzo Bianconi 367 .
table 26 : textes poétiques du Primo libro de madrigali a quattro voci (Venezia, Vicenti,
1586) 368
incipit
f
septénaires/
longueur
367
« … genere musicale concentrato sull’amplificazione e l’evidenziazione delle immagini poetiche ma inabile
ad articolare discorsi sostenuti e diffusi », in BIANCONI Lorenzo, « Il Cinquecento e il Seicento », op. cit.,
p. 327.
368
La presque totalité des informations de ces tableaux sont tirées de POMPILIO Angelo, Repertorio della poesia
italiana musicata dal 1500 al 1700 (RePIM), op. cit.
187
so
age
orme
ètre
hendécasyllabes
(en
poétique
brèves)
Là ver’
l’aurora,
sì
che
dolce
l’aura/al
tempo
s
extine
36
32
BC
DE
Francesc
0/36
Canzoni
Einaudi,
F
novo
302
suol movere i
AE
fiori 1p
Tempr
ar potessi io in
BD
C
35
sì soavi note/i
miei
sospiri
FD
ch'addolcissen
AB
l'aura 2p
E
Quante
33
lagrime, lasso,
e
quanti
CB
già
FA
versi/ho
sparto al mio
tempo
e
quante
3p
Uomini
e
Dei
vincer
D
'n
note
solea
EA
CF
B
29
per
forza/Amor
DF
come si legge
369
Sont indiquées comme sources poétiques les premières éditions individuelles et collectives (sans les
rééditions), précédées de l’éventuelle édition moderne de référence. Le nom de l’auteur du texte est indiqué entre
crochets pour les éditions collectives ou bien s’il diffère de l’auteur principal du recueil.
370
Les sources musicales indiquent par ordre chronologique tous les recueils présentant une intonation du même
texte (sans les rééditions). Les abrévations ont été utilisées (numéro du livre en chiffres romains suivi de nombre
de voix en chiffres arabes, ou premiers mots des titres plus fantaisites) suivis du numéro du Nuovo Vogel
(VOGEL Emile, EINSTEIN Alfred, LESURE François, SARTORI Claudio, Bibliografia della musica italiana vocale
profana publicata dal 1500 al 1700, nuova edizione aumentata, Pomezia/Genève, Staderini/Minkoff, 1977, ici
NV), et du numéro du RISM lorsqu’il existe.
188
P
'n prosa e 'n
EB
versi 4p
A
A
26
l’ultimo
bisogno,
miser
o
alma/
accampa ogni
tuo
'ngegno
ogni tua forza
5 p
Ridon
or
per
27
le
piagge erbette
e fiori/ esser
non può che
quell'angelica
alma 6 p
189
190
Quand
o
m
sorge
l’aurora/ridon
l'erbette
fiori
e
adrig
7
35
so
poétique
b
6/1
al
i
cc
C
191
Nel
m
morir
si
diparte/l'anim
adrig
8
41
so
poétique
bc
5/3
al
a dal suo velo
cD
E
Quel
o
dolce nodo che
mi strinse il
core/non
sciorrà
192
si
per
ctave
8
BA
B
0/8
43
so
poétique
tempo né per
BC
morte
C
Donna,
0
m
quando
adrig
volgete/i vostri
al
9
45
so
poétique
bBa
5/4
chiari lumi
Ac
D
Crudel,
1
se
adrig
m’uccidete/pu
r
m
voi
11
35
so
poétique
abb
6/5
al
stessa
cD
offendete
EF
F
I’
2
piansi,
s
or
canto, che ’l
onnet
14
P
35
BB
A
Francesc
0/14
Canzoni
celeste
p. 292
lume/quel vivo
sol agli occhi
miei non cela
BB
A
1p
Sì
3
DC
31
profondo era e
di
sì
larga
vena/il pianger
CD
mio e sì lungi
193
la riva 2p
O
4
m
6
fammi, Amor,
adrig
abb
gioire/o tu mi
al
cc
28
so
poétique
6/0
fa morire
Del
5
s
mar Tirreno a
la
sinistra
onnet
14
22
BB
A
Francesc
0/14
Canzoni
riva/dove rotte
dal
p. 90
vento
piangon l'onde
BB
A
1p
Solo
6
15
ov’io era tra
boschetti
DC
e
colli/vergogna
ebbi
194
di
me
P
CD
ch'al
cor
gentile 2p
Non
7
veggio,
m
oimè,
quei
adrig
5
B
26
B
Moscagl
2/5
al
leggiadretti
cC
lumi/come
solea ch'ognor
mi davan vita
Al sol le
8
chiome
m
adrig
avea/sciolte la
9
29
so
bBa
poétique
6/3
al
donna mia
dC
C
Donna,
9
se
per
amarvi/con
m
adrig
8
35
so
bBa
poétique
5/3
al
vera e salda
C
fede
D
O
0
d’Amor
m
opre
rare/col torme
adrig
al
8
34
so
Bc
poétique
5/3
195
da me stesso
mi trasforma
C
Aa
Chi
1
m
prima il cor
adrig
mi tolse/ancor
al
so
6
poétique
bAb
3/3
per sé lo tiene
C
table 27 : textes poétiques du Secondo libro de madrigali a cinque voci (Venezia, Vicenti,
1587)
Incipit
p
a
g
e
s
sources
or
ètr
epténai
ong
me
e
res/
ueu
Source
imprimées
r
h
endécas
yllabes
(en
brè
ves
)
Fuggendo il
1
troppo
adr
lume/abbassai
igal
gl'occhi
source
8
7
B
aucune
poétique inconnue
3
/5
in
aC
quell'intatta neve
C
D
2
Posso,
cor
mio, partire/senza
farvi morire
adr
8
a
poétique inconnue
1583 -
I a 5, Venezia
6
igal
/2
Bc
196
source
8
1585 1656 ; RISM
1587 -
C
(NV 1539 ; M
1589 -
a
Anversa (NV
1594
Anversa (NV
1600
virtuosi a 5,
05a/06)
1608
Noribergae (
1608 2294 ; RISM
Felice
3
ritorno/che
farà
veder
mio
mi
quel
source
9
adr
8
Ba
aucune
poétique inconnue
4
igal
/5
vivo sole
Cc
DD
Gelo
4
ha
Madonna il seno e
fiamma il volto/io
son
fore
ghiaccio
TASSO
7
adr
0
ba
4
igal
/3
di
Cc
1578 -
Torquato, Opere, éd.
Bruno
296 ; RISM 1
Meier,
1579 -
Milano, Rizzoli, vol.
1, 1963, p. 417
1579-1 ; RISM
B
1585 -
TASSO
Torquato, Rime del
Signor
460 ; RISM)
Torquato
371
Pour un exposé détaillé des différentes éditions de chacune des poésies du Tasse, voir l’édition critique de
Solerti (TASSO Torquato, Le rime di Torquato Tasso. Edizione critica sui manoscritti e le antiche stampe,
op. cit.).
197
Tasso. Parte prima,
1585 -
Venezia, Aldo, 1581 371
525 ; RISM C
CASONI
Girolamo,
1587 Gioie
(NV 1539 ; RI
poetiche di madrigali,
Venezia,
Somascho,
1593
Torquato
Tasso
1587 -
2748 ; RISM)
1590 -
775 ; RISM M
Ghilranda
[sic]
dell'aurora,
1590 -
scelta di madrigali,
1762 ; RISM
Venezia,
Ciotti,
Giunti
et
1609
Torquato Tasso
1593 amorosa a 4,
1594 1153 ; RISM
1594 2932 ; RISM
1596
musicale, Anv
1599 -
Venezia (NV
1611
Recreatione a
A1120)
1613 -
a 5, Genova (
1616 198
(NV 817 ; RIS
1621 -
RISM C2224)
Quel
5
ben,
source
9
ch’aura
adr
pietosa/agl'avidi
igal
6
bB
aucune
poétique inconnue
6
/3
occhi aperse
dD
ca
Dolci
6
sdegni
e
ire/nate
source
6
dolci
adr
bB
un
igal
a
da
3
aucune
poétique inconnue
4
/2
dolce errore
C
Di pianto e
7
di
lamento/gran
tempo
e
senza
source
9
adr
igal
Bb
6
aucune
poétique inconnue
5
A
/4
speme i pasco il
core
dc
DD
Tra
8
bei
dorati
adr
crini/negletti
arte
così
ad
source
8
7
BC
aucune
poétique inconnue
3
igal
/5
vago
aB
apparse
D
9
Quando
Madonna
guardo/ver
source
9
il
adr
ba
me
igal
B
5
aucune
poétique inconnue
5
/4
199
pietoso move
dC
D
1
0
Prendi,
Signor,
source
8
vendetta/
adr
bcc
di quest'empia e
igal
B
3
aucune
poétique inconnue
5
/3
superba
dD
1
1
Mentre,
mia stella, miri/i
bei celesti giri
TASSO
8
adr
4
a
7
igal
1573 -
Torquato, Opere, op.
; RISM V167
cit., vol. 1, p. 566
/1
1578 TASSO
cbd
296 ; RISM 1
Torquato, Rime del
Signor
D
Torquato
Tasso. Parte prima,
Venezia, Aldo, 1581
1579
Venezia (NV
1580
Venezia (NV
Il
gareggiamento
1586 -
poetico del Confuso
(NV 2752 ; RI
Accademico, Venezia,
Barezzi,
1611
Torquato Tasso
1587 -
(NV 1539 ; RI
1588 -
(NV 1282 ; RI
1591 -
(NV 797 ; RIS
1594 1153 ; RISM
200
1597 -
(NV 520 ; RIS
1599 Venezia (NV
1600 1332 ; RISM
1603 -
(NV 39 ; RISM
1604 1760 ; RISM
1608 -
(NV 2630 ; RI
1610
Anversa (NV
1613 -
a 5, Genova (
1616 -
3, Venezia (N
1630 -
villa, Venezia
1
2
Le
Ninfe
del mar d’Adria,
adr
BB
in
igal
A
così
sin’al
petto/a
dolce
source
9
7
aucune
poétique inconnue
3
/6
suon
s'alzan da l'onda
Cd
cd
1
3
Io
son
di
neve al Sol, di cera
source
8
cta
BA
3
1583 -
poétique inconnue
201
al foco/che se l'un
mi
disfa,
ve
0
B
l'altro
a 5, Venezia (
/8
1587 –
m'accende
(NV 1539 ; RI
BC
C
1
4
Al
fiammegiar
de’
adr
poétique inconnue
/3
Ben
Norimberga (
poté
fede a pieno/farvi
da
me
source
7
adr
igal
(NV 1539 ; RI
1604
cB
dolcemente gira
1587 -
3
lucenti/che
perché
0
bc
igal
begl’occhi
1
5
source
6
BC
8
aucune
poétique inconnue
2
A
/5
fuggendo il core
bB
1
6
Così soave è
’l foco e dolce il
adr
nodo/con
igal
m'incendi
che
source
6
0
B
poétique inconnue
0161 ; RISM
2
/4
Amor
1555 -
B
con che mi leghi
1539 -
RISM 1555-2
1587 -
(NV 1539 ; RI
C
1
7
Chiara
source
7
fontana, intorno/al
adr
bel seggio d'amore
igal
8
bB
aucune
poétique inconnue
4
/3
Cd
D
1
8
Questa
vostra pietate/non
refrigerio al core
TASSO
8
adr
7
bb
6
igal
Torquato, Opere, op.
525 ; RISM C
cit., vol. 1, p. 397
/2
1586 TASSO
202
1585 -
cc
Torquato, Rime del
Signor
892 ; RISM E
Torquato
1587 -
Tasso. Parte prima,
D
Venezia, Aldo, 1581
(NV 1539 ; RI
1587 1956 ; RISM
1591 -
(NV 797 ; RIS
1594 1335 ; RISM
1598 -
809 ; RISM D
1600 -
Anversa (NVA
1603 Napoli (NV 1
1604 -
(NV 1531 ; RI
1610 -
Anversa (NVA
1616 -
3, Venezia (N
1616 -
(NV 817 ; RIS
1616
Filippo I a 5,
1617 203
1533 ; RISM
1
9
Quando
source
8
l’amante parte/da
adr
l'unico suo bene
igal
5
ba
aucune
poétique inconnue
5
/3
c
DD
2
0
Non
può
source
6
l’alma forzarsi/se
adr
voi la possedete
igal
6
bb
aucune
poétique inconnue
5
/1
cC
2
1
Quando dal
mio bel Sole/m'è
forza di partire
source
8
adr
igal
bb
9
aucune
poétique inconnue
4
C
/4
Cd
D
table 28 : textes poétiques du Secondo libro de madrigali a sei voci (Venezia, Gardano,
1589)
p
a
g
e
Incipit
v
orm
ètr
e
e
sources imprimées
Sourc
TASSO Torquato, Rime
1554 -
ers
s
epténai
re/
h
endécas
yllabe
1
Come
204
sì
8
m’accendete/se
adri
ab
tutto ghiaccio sete
gal
Bc
C
4
/4
et prose del signor Torquato
a 5, Venezia
Tasso. Parte terza, Venezia,
Vasalini,
1583
texte
anonyme 372 
D
1567
Giulio, III a
16)
CASONI
Girolamo,
Gioie poetiche di madrigali,
Venezia, Somascho, 1593 
1569 RISM F0001
texte anonyme 
Il
poetico
Accademico,
1584 -
gareggiamento
del
1761 ; RISM
Confuso
1585 -
Venezia,
0600 ; RISM
Barezzi, 1611  texte anonyme
1585 -

0879 ; RISM
1585 2649 ; RISM
1587
Venezia (NV
1589 -
(NV 1544 ; R
1590 -
(NV 0775 ; R
1593 -
Nuova spogli
RISM 1593-0
1596 -
372
Voir TASSO Torquato, Le rime di Torquato Tasso. Edizione critica sui manoscritti e le antiche stampe.
Bibliografia, op. cit., vol. 1, p. 497 et 508.
205
Venezia (NV
1605 1562 ; RISM
1611
madrigali, Le
1615 Venezia (NV
1616 -
(NV 0817 ; R
2
Chi
vuol
5
veder un sole/in
adri
negro velo avolto
gal
source
inconnue
bC
2
poétique
1583 -
Floridi virtu
RISM 1583-1
/3
D
1584 2929 ; RISM
1585 Venezia (NV
1586 -
Floridi virtu
RISM 1586-0
1589 -
(NV 1544 ; R
1590 0299 ; RISM
1593 2323 ; RISM
206
1595 -
1600 -
Anversa (NV
1604 -
Bernardo, I a
1604 -
Napoli (NV 1
1620 3028 ; RISM
1623 2780 ; RISM
1627 -
; RISM Z034
In quei bei
3
crini
d'oro/ch'avea
la
mia
al
nemica
1
adri
Bc
gal
Ab
source
poétique
aucun
inconnue
1
5
C
/6
vento sparsi 1p
Cc
Et
4
ben
or
se
EE
il
chiaro/tornar non
cura e di me ride
amore 2p
207
Amatemi
5
ben
mio/perché
sdegna il mio core
TASSO
9
adri
bB
Torquato,
Opere, op. cit., vol. 1, p. 399
1585 0347 ; RISM
6
gal
/3
dD
TASSO Torquato, Rime
et prose del signor Torquato
1585
Venezia (NV
Tasso. Parte terza, Venezia,
1586 -
Vasalini, 1583
eE
(NV 1211 ; R
Il
gareggiamento
poetico
del
Accademico,
Barezzi,
Tasso
1611
Confuso
Venezia,
Torquato
1588 2055 ; RISM
1588 -
(NV A1588-0
1589 -
(NV 1544 ; R
1589 2460 ; RISM
1591 -
(NV 0418 ; R
1591 1665 ; RISM
1594
Anversa (NV
1594 -
Napoli (NV 1
1600
Madrigali a
H2345)
1605
208
Copenaghen
1606 -
Anversa (NV
1608
Hamburg (N
1608
Noribergae
1612 2708 ; RISM
1625
(NV 2499 ; R
1629
(NV 2522 ; R
Pur che la
6
dolce
vista/amor
non mi si toglia
8
adri
bC
gal
C
source
poétique
aucun
poétique
1589 -
inconnue
5
/3
aD
d
7
Pallidette
viole/che del vivo
mio sole
8
adri
source
inconnue
aB
(NV 1544 ; R
5
gal
/3
C
1590 Venezia (NV
1604 cb
Anversa (NV
209
8
Per divina
bellezza
indarno
6
onne
mira/chi gl'occhi
t
di costei giamai
(ters
non vide
ines)
BA
PETRARCA Francesco,
Canzoniere, op. cit., p. 215
1547 0469 ; RISM
0
/6
AB
1550 0471 ; RISM
1554 -
(NV 0087 ; R
1554
Venezia (NV
1555
madrigali,, V
1557 1434 ; RISM
1559 1435 ; RISM
1559 -
(NV 1448 ; R
1559
Venezia (NV
1561 2498 ; RISM
1563 2434 ; RISM
1564 0473 ; RISM
210
1565 1303 ; RISM
1568 0007 ; RISM
1569 -
(NV 0557 ; R
1570 -
Louvain (NV
1571 -
; RISM V167
1571 –
(NV 0759 ; R
1583
Andrea, Har
A1583-01 ; R
1588
transalpina, L
1589 -
(NV 1544 ; R
1604 -
(NV 1579 ; R
1605 2058 ; RISM
1609 Firenze (NV
9
Occhi miei
che vedeste/il bel
8
adri
Raccolto
d'alcune
1574 -
piacevoli rime, Parma, Viotto,
211
idolo
vostro
in
gal
4
BA
1582 Battista Guarini
v. (NV M050
/4
preda altrui
cc
GUARINI Battista, Delle
1579 -
opere del cavalier Battista
2459 ; RISM
Guarini. Tomo secondo nel
D
quale si contengono le Rime,
Verona, Tumermani, 1737
1583 -
(NV 1556 ; R
1584
2923 ; RISM
1586 2843 ; RISM
1587
Venezia (NV
1587 -
(NV 1055 ; R
1588
(NV 1282 ; R
1589 -
(NV 1544 ; R
1590 2897 ; RISM
1590
Venezia (NV
1591
(NV 0388 ; R
1591 -
(NV 0580 ; R
1591
212
Orazio, La r
RISM 1591-2
1593 2573 ; RISM
1601
madrigali, An
1602 a 3, Venezia
1603 2356 ; RISM
1604
Orfeo, Scielt
1604-11)
1605 -
; RISM C221
1606 Venezia
(NV
1609
(NV 2020 ; R
1613
Venezia (NV
1613 -
Londra (NV
1624
(NV 2772 ; R
1633 213
Venezia (NV
1
0
La
mia
leggiadra
e
candida
1
alla
BB
de
Ac
angioletta/cantan
Dd
do a par de le
E
sirene
BEMBO
Pietro,
Gli
Asolani e le rime, éd. Carlo
5
Dionisotti-Casalone,
5
Torino,
1589 -
(NV 1544 ; R
UTET, 1932, p. 171
/10
antiche
1p
Intona
cFf
cA
1
1
intona
E
1569
A
già
(NV 0738 ; R
dicevo io meco o
1580
stelle o dei/o soave
Venezia (NV
concento 2p
1569
(NV 1746 ; R
1
2
Stavasi
il
7
mio bel sole al sol
adri
bA
assiso/che
gal
C
par
dC
1554 -
et prose del signor Torquato
3
/4
altri non trova
TASSO Torquato, Rime
Tasso. Parte terza, Venezia,
Vasalini,
Giovan
1583
Battista Strozzi
373
STROZZI

nezia
1554
Venezia (NV
Giovan
1559 -
Battista, Madrigali, Firenze,
0859 ; RISM
Sermatelli, 1593
1567
Il
poetico
Accademico,
373
Ibid., p. XVI.
214
gareggiamento
del
Confuso
Venezia,
Giulio, III a
1567-16)
Barezzi,
1611
Giovan
1567
BONAGIUNTA
Battista Strozzi
A1567-06)
1575 2839 ; RISM
1583 -
Li amorosi a
RISM 1583-1
1584
(NV 1761 ; R
1585
(NV 2649 ; R
1586
gaudio I a 3,
12)
1587
(NV 2531 ; R
1589 -
(NV 1544 ; R
1590 -
(NV 0775 ; R
1
3
Al tuo vago
pallore/la rosa il
pregio cede
9
adri
bB
TASSO
1583
Torquato,
Opere, op. cit., vol. 1, p. 615
(NV 2531 ; R
5
gal
/4
cC
TASSO Torquato, Rime
1586 -
del Signor Torquato Tasso.
(NV 0772 ; R
Parte prima, Venezia, Aldo,
1589 215
DD
(NV 1544 ; R
1581
Ghirlanda dell'aurora,
1594 -
scelta di madrigali, Venezia,
1335 ; RISM
1609 Torquato Tasso
Il
poetico
gareggiamento
del
(NV 2495 ; R
Confuso
Accademico,
Barezzo
1598
Venezia,
Barezzi,
1611
1616 -
(NV 0828 ; R
Torquato Tasso
1
4
Già fu mia
8
dolce speme/assai
adri
debile e lenta
gal
bB
TASSO
Torquato,
Opere, op. cit., vol. 1, p. 420
1585 0347 ; RISM
5
TASSO Torquato, Rime
1587 -
cC
et prose del signor Torquato
(NV 0929 ; R
cD
Tasso. Parte terza, Venezia,
D
Vasalini, 1583
/3
1588
transalpina,
Il
poetico
gareggiamento
del
Accademico,
Barezzo
Confuso
Venezia,
Barezzi,
Torquato Tasso
29)
1611
1589 -
(NV 1544 ; R
1590 3, Venezia (
1591 -
(NV 0797 ; R
1591 0807 ; RISM
1601
madrigali, An
216
1604 -
Anversa (NV
1
5
Luci vaghe
e serene/in quel
ponto ch'al cor a
source
9
adri
gal
Bb
poétique
aucun
poétique
aucun
inconnue
7
A
/2
mill'a mille 1p
dce
1
6
Amor
e
di
speme
privo/devria nato
morire
2p
1
7
Allor ch'a'
bei coralli/e alle
adri
inconnue
bC
5
gal
vermiglie rose
source
7
/2
cd
D
1
8
1
Son questi
quei begl'occhi in
onne
BB
cui mirando/senza
t
A
1
9
Pietro,
Gli
Intona
Asolani e le rime, op. cit.,
4
1550 -
p. 174
0
difesa far perdei
/14
me stesso 1p
BEMBO
0471 ; RISM
I fiori delle rime de
BB
poeti illustri, Venezia, Sessa
A
fratelli, 1558 Pietro Bembo
1589 -
(NV 1544 ; R
Parmi
veder ne la tua
fronte
amore/tener
DC
Intona
suo
maggior seggio, e
d’una parte 2p
1566 CD
2438 ; RISM
1571
(NV 2189 ; R
217
2
0
Se invidia
nol
consente/or
adri
come
il
gal
fer
le
Rime et versi in lode
1554 -
della ill.ma et ecc.ma s.ra
1183 ; RISM
6
bB
3
/3
stelle
Giovanna Castriota Carafa,
1585 -
Vico Equense, Cacchi, 1585
CC
Lisabetta Aiutami Cristo
2529 ; RISM
1589 -
(NV 1544 ; R
2
1
Or
nel
candido
adri
BC
seno/bianco
gal
bD
ligustro
or
source
8
C
poétique
inconnue
3
/5
vermiglietta rosa
E
Madrigal et style hybride
Considérations générales
Après avoir goûté, dans ses Madrigaletti et napolitane, à la tendance la moins sophistiquée du
style hybride, Macque retourne à une écriture plus adaptée au genre madrigal dans ses deux
nouveaux recueils. Le compositeur renonce évidemment au style très majoritairement
homophone qui caractérisait ses Madrigaletti et napolitane pour revenir à des proportions
plus équilibrées (voir infra, table 29). On constate cependant que les techniques imitatives
sont moins prépondérantes que dans les madrigaux de 1579 374 et ne concernent plus
qu’approximativement la moitié des phrases. Elles cèdent la place aux textures homophones,
mais surtout aux techniques intermédiaires, à mi-chemin entre l’homophonie et l’imitation.
table 29 : évolution de l’utilisation des textures (a456-II.5)
374
Il est difficile de réaliser de telles statistiques avec le Primo libro de madrigali a sei voci de 1576 car le
compositeur ne se fixe en général pas sur une technique bien déterminée mais passe librement du contrepoint
libre à l’homophonie au cours de la phrase. On notera juste le très faible nombre de passages en homophonie
rythmique et en homophonie parfaite.
218
aucun
imitation/contrepoint
homophonie
formes
mixtes
a456
68%
28%
4%
MN1
31%
61%
8%
MN2
37%
63%
10%
I.4
52%
35%
13%
II.5
51%
39%
10%
La plupart des passages homophones sont de type déclamatif, mais les techniques
d’homophonie rythmique (sections accordales utilisant les fuses déclamées) sont aussi
beaucoup plus présentes que dans les premiers recueils, particulièrement dans le Primo libro a
quattro voci :
table 30 : évolution de l’utilisation des textures homophones (a456-II.5)
homophonie
rythmique
homophonie
déclamative
a456
11%
89%
MN1
69%
31%
MN2
64%
36%
I.4
30%
70%
II.5
19%
21%
Ces chiffres quelque peu arides sont le reflet de partis pris stylistiques allant dans le sens d’un
allègement de l’écriture et sont caractéristiques du style hybride qui domine la scène musicale
dans ce milieu des années 1580.
Les choix modaux du compositeur répondent globalement au même souci de légèreté et de
clarté (voir infra, table 31, p. 219). Macque privilégie en effet largement les modes aux ethos
les plus positifs, les plus adaptés à l’expression d’affects doux, amoureux ou pastoraux.
table 31 : I.4 et II.5, choix modaux
219
Type
{ré/§/c1} {ré/§/g2} {mi/§/c1} {mi/§/g2} {fa/b/c1} {fa/b/g2} {sol/§/c1} {sol/§/g2} {so
tonal
Recueil
I.4
---
---
1
---
2
7
3
2
3
II.5
---
---
---
---
3
1
3
3
2
Total
---
---
1
---
5
8
6
3
5
table 32: I.4, II.5, classement modal des pièces
I.4
II.5
1.
Là
ver’
1.
l’aurora, che sì dolce
Fuggen
troppo lume
l’aura 1p
2.
Temprar
2.
potess’io in sì soavi
Posso,
partire
note 2p
3.
Quante
lagrime,
3.
lasso,
e
quanti versi 3p
4.
Uomini e Dei
Felice
ritorno
{fa/b/g2}
4.
Gelo
solea vincer per forza
Madonna
4p
fiamma il volt
5.
A
l’ultimo
5.
bisogno, o miser alma
il
Quel
ch’aura pieto
5 p
6.
Ridon or per le
6.
piagge erbette e fiori
Dolci
dolci ire
6 p
7.
Quando sorge
{fa/b/g2}
7.
lamento
l’aurora
8.
Nel
morir
si
{sol/§/c1}
8.
diparte
9.
Quel
Tra
b
crini
dolce
nodo che mi strinse il
220
Di pia
{sol/§/c1}
9.
Quand
Madonna il gu
core
10.
Donna, quando
{sol/§/c1}
10.
volgete
11.
vendetta
Crudel,
se
{sol/b/c1}
11.
m’uccidete
12.
I’
piansi,
or
lume 1p
12.
{sol/b/c1}
13.
e di sì larga vena 2p
O
fammi,
{la/§/c1}
14.
Al
f
de’ begl’occhi
Del
mar
15.
Tirreno a la sinistra
riva 1p
16.
Io son
Sol, di cera al
Amor, gioire
15.
Le Nin
d’Adria, in sin
Sì profondo era
14.
Mentr
stella, miri
canto, che ’l celeste
13.
Prendi
Solo ov’io era
Ben p
pieno
{la/§/c1}
16.
tra boschetti e colli
Così s
foco e dolce il
2p
17.
Non
veggio,
{sol/§/g2}
17.
oimè, quei leggiadretti
Chiara
intorno
lumi
18.
Al
sol
le
{sol/§/g2}
18.
pietate
chiome avea
19.
Donna, se per
{fa/b/c1}
19.
amarvi
20.
O d’Amor opre
Quand
parte
{fa/b/c1}
20.
rare
21.
Questa
Non p
forzarsi
Chi prima il
cor mi tolse
{mi/§/c1}
21.
Quand
bel Sole
Les modes 11 et 12 dans leur forme naturelle ({do/§/c1}, {do/§/g2}), mais surtout dans leur
forme transposée ({fa/b/c1} et {fa/b/g2}) sont les plus utilisés (quinze pièces au total, en
221
comptant comme une entité les différentes parties de la sextine et des sonnets) 375 . Pour
Zarlino, le mode 11 est adapté aux danses (atto alle danze e a i balli 376 ) et la forme plagale,
quoique originairement adaptée aux arguments tristes (cose lamentevoli), est indispensable au
« compositeur qui désire faire quelque mélodie allègre » (« compositore che desidera di fare
alcuna cantilena che sia allegra ») 377 . Dans le même esprit, les modes 7 et 8 non transposés
sont très souvent employés (neuf pièces au total). La forme authente convient, selon Zarlino,
aux « paroles ou matières lascives » (« parole, o materie che siano lascive ») et la forme
plagale a pour lui « une suavité naturelle et une grande douceur, qui remplit d’allégresse
l’âme des auditeurs, dans un mélange de joie et de douceur » (« una certa naturale soavità, e
dolcezza abondante che riempe di allegrezza gli animi de gli ascoltanti, con somma
giocondità e soavità mista ») 378 .
De l’autre côté du spectre, le mode de mi (mode 3 et 4) n’est utilisé qu’une unique fois, dans
sa forme authente, dans le dernier madrigal du Primo libro a quattro, dont l’expressivité, on
le verra, fait figure d’exception dans les deux recueils 379 . Macque lui préfère les modes 9 et
10 (six numéros en tout) qui, selon Zarlino, sont étroitement associés aux modes 3 et 4.
Cependant, l’ethos sombre et, selon Vecchi, « apte aux paroles plaintives et menaçantes »
(« atto alle parole flebili, et minaciose ») 380 du mode 10, dont le potentiel expressif est
clairement exploité par Macque dans ses Ricercari sui dodici toni 381 , ne se retrouve pas
réellement dans les madrigaux discutés ici. C’est plutôt la version authente du même mode
(mode 9) qui peut se teinter parfois d’un caractère grave, même si Zarlino le considérait aussi
apte à l’expression des « matières allègres, douces, suaves et sonores » (« materie allegre,
dolci, soavi e sonore »).
375
À la même époque, on retrouve la même tendance chez Giovannelli, alors que Marenzio utilise en proportions
égales la forme naturelle et la forme transposée (voir NEWCOMB Anthony, « Marenzio and the “nuova aria e
grata all’orecchie », op. cit., p. 64-65).
376
Toutes les citations sur l’ethos des modes selon Zarlino sont extraites du chapitre « Della Natura, o proprietà
delli Modi. Capitolo 5 » du quatrième livre des Istitutioni harmoniche (p. 301-304).
377
Cette opinion est globalement partagée par Orazio Vecchi, qui déclare le mode 11 « apte aux sujets dansants
et gais » (« atto a soggetti danzevoli e giocosi »), et le mode 12 « apte aux paroles victorieuses et triomphantes »
(« atto alle parole Vittoriose, et Trionfanti »). Voir VECCHI Orazio, Mostra delli tuoni della musica, Bologna,
Civico museo bibliografico musicale, Ms. C 30, fol. 22.
378
Pour Vecchi, les modes 7 et 8 sont respectivement aptes aux « paroles lascives et amoureuses (« parole
lascive, et amorose ») et aux « paroles suaves et pleines de douceur » (« parole soavi et piene di dolcezza »), voir
Mostra delli tuoni della musica, op. cit., fol. 22.
379
Giovannelli, l’un des hérauts du style hybride, n’écrira pas un seul madrigal en mode de mi à la même période
(voir NEWCOMB Anthony, « Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie », op. cit., p. 65).
380
VECCHI Orazio, Mostra delli tuoni della musica, op. cit., p. 22.
381
Voir MACQUE Giovanni de, Ricercari sui dodici toni, opere complete per strumenti a tastiera, op. cit., p. 30.
222
Le mode de ré (mode 1 et 2) dans sa forme naturelle ({ré/§/c1}, {ré/§/g2}), dont on trouvait
encore quelques exemples dans les recueils précédents, est totalement abandonné au profit de
sa transposition sur sol ({sol/b/c1}, {sol/b/g2}) (neuf pièces au total). Selon Diruta, cette
transposition vers l’aigu, très fréquentée par les madrigalistes 382 , fait perdre au mode plagal le
caractère triste et grave qui caractérise au contraire sa version non transposée 383 . Quant à la
forme authente, elle fait partie de ces modes mixtes dont il est délicat de définir un ethos
particulier – Zarlino parle à son propos d’« un certain effet à mi-chemin entre la tristesse et
l’allégresse » (« un certo mezano effetto tra il mesto e lo allegro »).
Malgré cette orientation plutôt positive des modes, Macque ne favorise pas particulièrement
le système de clés hautes (chiavette) qui prédomine chez certains auteurs de la même période
(notamment chez Giovannelli) 384 . Cette relative indifférence pour la couleur brillante des voix
aiguës se reflète aussi dans le choix de la tessiture du quinto dans le Secondo libro a cinque.
Ce dernier se répartit en effet de manière à peu près équilibrée entre la tessiture de tenore (six
pièces), celle du canto (neuf pièces) et celle de l’alto (cinq pièces) 385 . À la même période,
certains auteurs (Wert, Monte, Monteverdi, Dragoni, par exemple) 386 auront une préférence
beaucoup plus marquée pour les voix féminines aiguës. Macque se rapproche en ceci des
choix de Marenzio qui, dans ses premiers recueils à cinq voix, donne une importance égale
aux quinto-tenore et aux quinto-canto 387 .
Le caractère léger de ces madrigaux se reflète aussi dans certains détails d’écriture. Macque
continue à faire usage d’imitations monoaccordales et biaccordales dans ces deux nouveaux
recueils. Le compositeur, rappelons-le, avait commencé à utiliser ce procédé dans les
madrigaux à six voix du recueil de 1579, et l’avait répandu dans ses Madrigaletti et
napolitane. Macque revient ici à une utilisation moins systématique de ce procédé peu
artificioso. Cette technique est cependant disséminée un peu partout dans les recueils
puisqu’elle gagne jusqu’à certaines intonations de textes de Pétrarque, préférant tout de même
la teneur globalement plus légère du Secondo libro a cinque (trente-trois passages en
382
Encore une fois, on retrouve la même tendance chez Marenzio et surtout chez Giovannelli qui utilise la forme
transposée des modes 1 et 2 cinq fois plus que leur forme naturelle.
383
Voir DIRUTA Girolamo, « Discorso sopra le modulationi delli toni », Il transilvano. Dialogo sopra il vero
modo di sonar, Venezia, Vincenti, 1625, troisième partie, p. 11.
384
Voir DEFORD Ruth, Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 34-35 et NEWCOMB Anthony,
« Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie », op. cit., p. 64-65.
385
Le choix de la tessiture des voix ne semble pas entièrement lié au caractère des pièces. En effet, si les
madrigaux les plus sombres, composés en mode 9, doublent tous la partie de ténor, le quinto-tenore peut être
aussi utilisé dans des pièces plus légères (voir notamment Le Ninfe del mar d’Adria, II.5, n. 12).
386
Voir CHATER James, Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., p. 39.
387
Ibid.
223
imitation mono ou biaccordale au total) à celle du Primo libro a quattro (douze occurrences
en tout).
Macque généralise aussi l’usage des fuses déclamées, utilisées de manière à la fois plus
fréquente et plus exposée que dans les Madrigali a quattro, cinque et sei voci de 1579. En
effet, alors que, comme l’a noté Ruth DeFord, la plupart des exordes des madrigaux de 1576
et 1579 commençaient par le rythme  388 , dans le Secondo libro a cinque, Macque
privilégie très nettement le rythme (ou ) pour initier ses pièces, (voir infra, table 9,
p. 224) – on ne constate cependant pas la même tendance dans le Primo libro a quattro, dont
les exordes sont beaucoup plus variés. Ce motif récurrent donne à ces premières mesures un
caractère léger et sautillant typique du style hybride des années 1580. Certains exordes
utilisent aussi des textures homophones écrites dans l’esprit des genres légers (voir tout
particulièrement les premières mesures de Posso, cor mio, partir, sur le modèle de
déclamation , ou celles de Tra bei dorati crini et de Questa vostra pietate, sur le
rythme trochaïque ).
table 33 : motifs  placés en exorde (II.5)
De plus, les motifs en fuses déclamées consécutives, très présents dans les Madrigaletti et
napolitane, mais quasiment absents des recueils précédents, font désormais partie intégrante
du langage de Macque, à quatre comme à cinq voix.
exemple musical 25 : Le Ninfe del mar d’Adria (II.5, n. 12, brèves 26-27)
388
Voir DEFORD Ruth, Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 177.
224
Les fuses vocalisées, en revanche, occupent une place moindre par rapport au Madrigali a
quattro, cinque et sei voci, qui reste le recueil le plus vocalisant de toute la production de
Macque 389 . Les vocalises ne disparaissent pas pour autant de ces deux nouveaux recueils,
mais se limitent généralement à des petites cellules très stéréotypées de quatre ou, dans
quelques cas, huit fuses, disposées sur les mots-clés. Macque est apparemment plus tenté par
la veine légère du madrigal, que par le style virtuose et luxuriant, même si quelques
madrigaux dérogent à cette tendance 390 . Le compositeur – qui, on le rappelle, avait participé
aux anthologies ferraraises en l’honneur de la chanteuse de duc de Ferrare Laura Peverara –
s’adapte sans doute aux interprètes auxquels il s’adressait, Naples étant encore relativement
isolé des petites cours du nord de l’Italie et de leurs ridotti virtuoses en ce milieu des années
1580 391 .
Dans ces deux nouveaux recueils, Macque ne change donc pas radicalement son style
madrigalesque, mais accentue fortement les tendances déjà observées dans les Madrigali a
quattro, cinque et sei voci de 1579, tout en revenant à une écriture plus travaillée que celle des
Madrigaletti et napolitane. En ceci, le compositeur ne se démarque pas de ses contemporains,
qui adoptèrent massivement le style hybride à partir des années 1580 392 , style qui, en termes
quantitatifs, continuera à dominer le répertoire madrigalesque jusqu’à la fin du XVIe siècle.
389
Le total des vers comportant des vocalises s’élève à 59 dans les Madrigali a quattro, cinque et sei voci contre
45 dans le Primo libro a quattro et 22 dans le Secondo libro a cinque.
390
Voir notamment Quel dolce nodo (I.4, n. 9) ou la péroraison de Dolci sdegni e dolci ire (II.5, n. 9).
391
À ce propos voir NEWCOMB Anthony, The madrigal at Ferrara, op. cit., p. 53-89.
392
Sur le style hybride et le style luxuriant voir NEWCOMB Anthony, « Madrigal, §II, 8: Italy: 16th century: The
1580s' », Grove Music Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.40075.2.8,
page consultée le 5 mai 2007.
225
Registres poétiques et déclinaison des styles
Ces observations d’ordre très général ne permettent cependant pas de saisir les variations et
les nuances stylistiques qui caractérisent les différentes pièces prises dans leur individualité,
reflet des différentes typologies textuelles présentes dans les deux recueils.
Comme l’a récemment noté Cecilia Luzzi dans sa monographie sur Philippe de Monte,
certains madrigalistes démontrent avoir très clairement conscience d’une « hiérarchie de
techniques, de topoi, convenant à certaines formes et à certains registres stylistiques,
constituant une grille de départ, une structure mentale guidant les choix musicaux sur le
principe d’une adéquation au contenu et à la forme de la poésie » 393 .
Les choix poétiques des deux recueils étudiés ici, on l’a vu, présentent une gamme de
registres stylistiques et de formes assez vaste, quoique penchant tendanciellement vers des
thématiques plutôt légères. Les textes vont du petit madrigal épigrammatique anonyme aux
rimes de Pétrarque, sextine et sonnets, en passant par des formes intermédiaires. Les
différentes attitudes du compositeur face à cette diversité poétique peuvent être mis en
évidence par l’examen et la comparaison des procédés d’écriture de certains madrigaux isolés.
On remarque tout d’abord que Macque tend à éviter les caractéristiques stylistiques de la
canzonetta pour l’intonation des vers pétrarquéens, et ceci tout particulièrement dans la
sextine Là ver’ l’aurora. Dans ce grand cycle de madrigaux, la texture, très majoritairement
contrapuntique, n’est presque jamais parfaitement homophone et accordale. Les passages
verticaux présentent en effet quasiment toujours un petit travail contrapuntique et évitent
systématiquement les rythmes de déclamation de la canzonetta tels qu’on les trouvait
abondamment dans les Madrigaletti et napolitane. Les exordes imitatifs sont généralement en
notes blanches, favorisant les soggetti plutôt fluides et étalés. Le discours sait aussi s’animer
pour répondre aux évocations pastorales du texte, mais l’on remarque que, jusqu’à la dernière
pièce conçue comme un final brillant et animé, l’emploi des fuses déclamées reste très
contenu par rapport aux autres numéros, se limitant à la cellule rythmique q. e.
La particularité de ce type d’écriture se perçoit lorsque l’on compare l’intonation de la sextine
avec celle de Quando sorge l’aurora, petit texte anonyme déjà mis en musique par Macque
393
« … una gerarchia delle tecniche, dei topoi convenienti a certe forme e a certi registri stilistici poetici, che
costituiscono una griglia di partenza, una struttura mentale che guida le scelte musicali in base alla
proporzionata “convenienza” con i contenuti e la forma della poesia. », in LUZZI Cecilia, Poesia e musica nei
madrigali a cinque di Filippo di Monte, op. cit., p. 11.
226
dans son Secondo libro de madrigaletti et napolitane 394 . Les deux premiers vers de ce
madrigal, placé juste après la sextine dans le recueil et écrit dans le même mode qu’elle,
semblent faire écho au texte de Pétrarque :
Quando
sorge
l’aurora 395
Ridon l’erbette
e i fiori 397
Là ver’ l’aurora, che sì dolce l’aura (vers 1 de la
sextine) 396
Ridon or per le piagge erbette e fiori (vers 35 de
la sextine) 398
Placée à cet endroit, la pièce s’entend comme une réponse légère à la sextine qui la précède.
La différence d’écriture est cependant tout à fait nette, et se note dès les premières mesures.
Dans ces dernières, Macque opte pour un soggetto beaucoup plus court que ceux des exordes
de la sextine, scindé en deux parties, mettant très nettement en valeur le rythme de canzonetta
. Cette animation ne se limite pas à l’exorde puisque la presque totalité des soggetti
font usage de fuses déclamées, jusqu’à quatre fuses consécutives (brève quinze).
D’autre part, le seul passage homophone de ce madrigal (E i pargoletti amori) est construit
sur le modèle rythmique déclamatif , (absent, on le rappelle, de la sextine de
Pétrarque), qui renvoie au répertoire léger.
Cependant, si Macque s’adapte au registre stylistique du texte poétique, il cherche aussi ici à
ne pas « descendre » au-dessous d’un certain degré d’artificiosità – qui est celui qu’il
considère le plus adapté au genre madrigal.
La comparaison de cette lecture musicale du texte, avec celle du Secondo libro de
madrigaletti et napolitane est à ce propos tout à fait révélatrice. Même si ce madrigaletto était
l’un des plus élaborés du recueil de 1582, la version du Primo libro a quattro présente un
travail contrapuntique nettement plus sophistiqué, qui reprend cependant une partie du
matériau motivique de la première version.
Retournée à un contexte madrigalesque, la teneur légère de ce texte n’empêche absolument
pas le compositeur d’utiliser une écriture contrapuntique beaucoup plus recherchée que dans
sa première intonation (voir infra, table 34, p. 228, pour le détail des techniques
394
Voir la transcription des deux versions en annexes.
Quand l’aurore pointe
396
Là, vers l’aurore, qu’une si douce brise
397
Les petites herbes et les fleurs rient
398
Les petites herbes et les fleurs rient de par les champs.
395
227
contrapuntiques utilisées). Le caractère fluide de l’écriture, accentué par les très nombreux
tuilages et par le faible nombre de cadences nettement articulées, renforce encore le contraste
entre les deux versions.
Macque, dans ce madrigal, trouve un équilibre entre le caractère léger du texte poétique et une
certaine recherche d’écriture. Cet équilibre n’est d’ailleurs pas exactement le même que celui
de la version du même texte par Marenzio, parue quelques années auparavant dans son
Secondo libro de madrigali a cinque voci (Venezia, Gardano, 1581) 399 . Même si Macque
s’est probablement inspiré très largement de l’intonation de son ancien collègue romain,
notamment dans le choix des techniques et des motifs, il est tout à fait clair qu’il souhaitait
conserver une certaine complexité contrapuntique absente chez Marenzio. Ce dernier propose
en effet une version plus homophone (voir infra, table 34, p. 228) et faisant moins recours aux
superpositions et aux combinaisons motiviques (notamment dans la péroraison). Même si
Macque reprend le contour de certains soggetti de la version de Marenzio (voir infra, table 35,
p. 229), il s’éloigne aussi sensiblement de la clarté et simplicité harmonique obtenue par
Marenzio grâce à de nombreuses imitations monoaccordales et biaccordales 400 . Le madrigal
de Macque a au contraire un rythme harmonique beaucoup plus aléatoire et moins
systématique. Ses sections sont aussi moins clairement définies car, contrairement à
Marenzio, Macque fuit presque systématiquement la cadence.
table 34 : comparaison des techniques contrapuntiques de trois versions de Quando
sorge l’aurora (Macque MN2 et I.4, Marenzio II.5) 401
Macque
Macque I.4
MN2
Quando
II.5
imitation
sorge l’aurora,
Marenzio
simple
imitation à
double sujet
imitation
monoaccordale
à
double sujet
ridon
imitation
l’erbette e i fiori
simple
imitation à
double sujet
imitation
biaccordale
à
double sujet
e
399
i
homophonie
homophonie
homophonie
Transcription du madrigal in MARENZIO Luca, Madrigale für fünf Stimmen, Buch I-III, éd. Alfred Einstein,
Hildesheim, Olms, 1967, p. 57-58.
400
Pour une définition de ces termes, voir supra, p. 117 et suivantes.
401
Voir transcription des pièces de Macque en annexes.
228
pargoletti amori
rythmique
sur
rythme B
van con le
Ninfe intorno
rythmique
sur
rythme A
imitation
rythmique
rythme A
imitation
simple
sur
homophonie
doublée à la tierce
rythmique
sur
rythme B
al mio bel
sole adorno,
homophonie
rythmique
sur
imitation
technique
simple
mixte
rythme A
scherzando
ad or ad ora,
imitation
imitation
biaccordale
par
imitation
mouvement
biaccordale
contraire
onde
la
homophonie
terra e ’l ciel se
rythmique
n’inamora 402 .
rythme D
sur
imitation à
double
sujet
déclamation
imparfaite
(superposition
textuelle
doublure
et
à
la
tierce du premier
sujet)
table 35 : concordances motiviques entre les deux versions de Quando sorge l’aurora par
Macque et Marenzio
402
Voir traduction en annexes.
229
Néanmoins, le compositeur sait aussi parfois se rapprocher d’une écriture plus simple et
directe. La pièce la moins artificiosa des deux recueils est sans doute Posso, cor mio, partire
(II.5, n. 2), que Marenzio musiqua également dans son Terzo libro de madrigali a sei voci
(Venezia, Gardano, 1585). La version du Franco-flamand – qui en réalité est antérieure à celle
de Marenzio puisqu’elle fut publiée pour la première fois en 1583 dans l’anthologie De
Floridi virtuosi d’Italia – n’a rien à envier à la légèreté et la clarté de celle de Marenzio. Cette
dernière se rapproche d’ailleurs par bien des aspects de celle de Macque.
Le texte de ce madrigal se distingue par sa forme très particulière, qui joint à une certaine
liberté formelle madrigalesque une structure répétitive qui rappelle la forme couplet-refrain
des anciennes villanelles. Le texte reprend en effet en conclusion les premiers vers du poème :
230
Posso, cor mio, partire
Puis-je, mon cœur, partir
senza farvi morire?
sans vous faire mourir ?
Ch’amor, giusto Signore,
Puisqu’Amour,
juste
Seigneur,
vuol che se meco porto il
vostro core,
veut que j’emporte avec moi
votre cœur,
con voi ne resti il mio,
qu’avec vous reste le mien,
onde non morirem né voi ned
nous ne mourrons ainsi ni
io.
vous ni moi.
Posso dunque partire
Je peux donc partir
senza farvi morire.
sans vous faire mourir.
C’est probablement en réponse à cette structure poétique tout à fait inusuelle que Macque
décide de musiquer le texte de manière très homophone, en utilisant largement les modèles de
déclamation rythmique de la canzonetta. Peu de concessions sont faites à l’artificiosità dans
cette pièce. Macque répète presque littéralement la première section à la fin de la pièce – fait
rare dans le madrigal – et insère une longue imitation biaccordale au milieu du madrigal sur
les mots né voi ned io. La plupart de ses choix de texture seront repris par Marenzio, ainsi que
certains motifs 403 .
Ce style très proche de la canzonetta se retrouve dans O fammi, Amor, gioire, numéro 14 du
Primo libro a quattro 404 . En écho au texte poétique, dont le schéma métrique composé
entièrement de septénaires à rimes plates (aabbcc) pourrait convenir à une strophe de
canzonetta, Macque propose une intonation qui fait clairement référence aux techniques du
répertoire léger. Le compositeur utilise en effet le même schéma prosodique (rythme A) pour
l’intonation de la moitié du poème, allant jusqu’à répéter trois fois de suite le dernier vers,
exactement comme il l’aurait fait dans les Madrigaletti et napolitane.
403
Transcription du madrigal in MARENZIO Luca, Third and fourth books of madrigals for 6 voices in Opera
omnia, éd. Bernhard Meier et Roland Jackson, Neuhausen-Stuttgart, AIM, Hänssler, 1976, vol. 5, p. 49-51.
404
Voir transcription en annexes.
231
O fammi, amor, gioire
imitation
o tu mi fa’ morire,
imitation
però che senza gioia
déclamation rythmique sur rythme A
il meglio è ch’io mi muoia,
déclamation rythmique sur rythme A
però che senza gioia
déclamation rythmique sur rythme A
il meglio è ch’io mi muoia:
déclamation rythmique sur rythme A
ché quel che a morte mena,
imitation
ché quel che a morte mena,
augmentation
rythmique
de
la
phrase
précédente
trarammi almen di pena,
déclamation rythmique sur rythme A
trarammi almen di pena,
déclamation rythmique sur rythme A
trarammi almen di pena,
déclamation rythmique sur rythme A
ché quel che a morte mena,
transposition de la première énonciation en
augmentation
trarammi almen di pena,
déclamation rythmique sur rythme A
trarammi almen di pena,
déclamation rythmique sur rythme A
trarammi
almen
pena. 405
di
déclamation rythmique sur rythme A en
augmentation
L’emprunt à l’univers des genres légers est parfaitement lisible, même si encore une fois,
Macque ne renonce pas à un certain travail contrapuntique pour l’intonation du vers ché quel
che a morte mena, traité en augmentation, puis transposé à la seconde inférieure lors de la
répétition.
Il serait cependant faux de prétendre que ce type de déclamation vive et rythmique n’est
circonscrite qu’aux textes les plus légers. Celle-ci peut se retrouver aussi dans l’intonation des
rimes de Pétrarque mais teintée d’une inventivité et d’une souplesse rythmique dont on ne
trouve pas l’équivalent dans les pièces que nous venons d’évoquer.
Sur l’ensemble des poésies de Pétrarque, seule la seconde partie du sonnet Del mar Tirreno a
la sinistra riva, Solo ov’io tra boschetti e colli (I.4, n. 16) exploite véritablement les
possibilités d’une déclamation homophone sur fuses déclamées.
Mais, alors que Macque, on l’a vu, répondait à la simplicité métrique et formelle de Fammi,
amore, gioire par une totale standardisation rythmique des passages homophones, le
405
Voir traduction en annexes.
232
compositeur cherche manifestement à se démarquer de ces schémas lorsqu’il se confronte aux
vers de Pétrarque. La prosodie se fait alors beaucoup plus recherchée, décalant les accents
toniques des appuis rythmiques habituels :
exemple musical 26 : Solo ov’io era tra boschetti e colli (I.4, n. 16, brèves 6)
ou bien s’éloignant des rythmes de déclamation les plus usuels :
exemple musical 27 : Solo ov’io era tra boschetti e colli (I.4, n. 16, brèves 8-9) et 10.
De même, l’exorde de cette pièce, construit sur un soggetto scindé en deux motifs contrastés,
l’un en notes blanches, l’autre en fuses déclamées, diffère de l’utilisation habituelle de ce type
de technique. L’animation rythmique qui caractérise ces premières mesures se justifie par le
tableau bucolique dépeint dans ces vers, à travers l’évocation des bois et des collines
(boschetti e colli). Mais, alors que, comme l’a noté Ruth DeFord dans son étude sur
l’évolution rythmique de la musique vocale italienne de la fin du XVIe siècle 406 , ce type de
motif en fuses déclamées entraîne généralement une régularité rythmique proche de nos
carrures modernes, l’exorde de Solo ov’io era tra boschetti e colli évite une coïncidence trop
marquée entre appuis rythmiques et accents toniques ainsi qu’une régularité trop évidente.
Les accents toniques principaux de ce morceau de vers, le ‘e’ de boschetti et le ‘o’ de colli,
sont en effet placés tantôt sur la première partie de la minime, tantôt sur la seconde, créant
ainsi une riche polyphonie rythmique :
406
DEFORD Ruth, « The Evolution of Rhythmic Style in Italian Secular Music of the Late Sixteenth Century »,
op. cit., p. 43-73.
233
exemple musical 28 : Solo ov’io era tra boschetti e colli (I.4, n. 16, brèves 1-2)
Il ne s’agit pas là d’un hasard puisque Macque réitère exactement le même type de procédé
dans la péroraison :
exemple musical 29 : Solo ov’io era tra boschetti e colli (I.4, n. 16, brèves 11-12)
Pour mesurer la particularité de ces passages, il suffit de comparer l’exorde de ce madrigal
avec celui de Non veggio, oimè, quei leggiadretti lumi qui vient juste après dans le même
recueil. Dans ce madrigal, les fuses sont disposées de manière parfaitement régulière, par
groupe de quatre, procédé qui accentue la division de la brève en autant de minimes.
exemple musical 30 : Non veggio, oimè, quei leggiadretti lumi (I.4, n. 17, brèves 1-4)
Macque fait donc preuve d’une certaine sensibilité poétique dans ses intonations et sait
adapter son écriture au registre et au style des textes. Le compositeur évite ou revisite en effet
les topoi du madrigal léger lorsqu’il se confronte aux textes de Pétrarque, même lorsque ceux234
ci tendent vers une évidente piacevolezza. Dans les textes de facture moins sophistiquée, les
procédés d’écriture des genres légers sont au contraire parfaitement assumés.
Macque sait aussi modérer cette légèreté de ton, notamment dans les quelques textes qui
explorent un registre un peu plus grave. Seuls trois textes penchent véritablement vers une
certaine gravitas et traitent de thématiques déconseillées par Strozzi dans sa Lettione sopra i
madrigali comme étant « trop dignes de larmes » 407 .
Deux d’entre eux appartiennent au Primo libro a quattro – Nel morir si diparte (I.4, n. 8) et
Crudel se m’uccidete (I.4, n. 11) – et le dernier au Secondo libro a cinque – Di pianto e di
lamento (II.5, n. 7). Macque décide aussi de traiter de manière très expressive le dernier
numéro du Primo libro a quattro, dont le texte pourtant se limite à une évocation
métaphorique du rapt du cœur de l’amant, sans épanchements trop pathétiques :
Chi prima il cor mi tolse
Qui m’enleva le cœur en premier
ancor per sé lo tiene.
se le tient encore pour soi.
Con
sì
stretto
ligame
allor
Avec des liens si forts il fut alors accueilli,
l’accolse,
que j’ai perdu toute espérance
onde, lasso, ogni spene
de pouvoir aimer à nouveau et en vain tu
ch’altra amar possa, e ’ndarno il
t’y emploies,
tenti, Amore
Amour,
ch’accender tu non puoi chi non
car tu ne peux enflammer qui n’a pas de
ha core.
cœur.
Même si ces quatre textes font figure d’exception dans les deux recueils, arrêtons-nous un
instant à détailler les différentes solutions adoptées par Macque pour exprimer ces affects.
407
Voir supra, p. 185.
235
Crudel se m’uccidete est un texte tripartite relativement long – onze vers, longueur maximale
du madrigal selon certains théoriciens de l’époque 408 – de type discursif 409 . En réponse à ce
style poétique plus grave que les petites compositions épigrammatiques et déjà en relative
disgrâce auprès des madrigalistes dans les années 1580, Macque musique ces vers de manière
tout à fait classique. Ce dernier écrit en effet un exorde en notes blanches, comme il aurait pu
le faire avec un texte de Pétrarque (comparer notamment avec les premières mesures de
Quante lagrime, lasso, quanti versi, la troisième partie de la sextine qui ouvre le recueil). Le
reste de la pièce s’anime un peu, mais de manière relativement mesurée.
On retrouve un exorde en notes blanches pour le premier distique de Di pianto e di lamento,
l’une des trois pièces en mode 10 du Secondo libro a cinque. Pour ce madrigal
épigrammatique, conclu par une argutie paradoxale en double oxymore, Macque fait ici une
curieuse synthèse entre le style léger qui caractérise l’ensemble du Secondo libro a cinque et
le caractère grave de ces vers. En effet, le soggetto en brèves et semi-brèves est disposé en
imitation biaccordale (mi/la) – technique qui, on le rappelle, est née avec le style hybride –
agrémentée ponctuellement de quelques retards de tierce.
Les deux dernières pièces sont plus novatrices dans leur recherche d’expressivité. Il s’agit de
deux madrigaux épigrammatiques relativement courts (six et huit lignes), conclus par un
distique à rime plate en forme de pointe. Nel morir si diparte s’ouvre par une section
déclamative dont les deux premiers accords génèrent un chromatisme ascendant.
exemple musical 31 : Nel morire si diparte (I.4, n. 8, brèves 1-3)
408
Notamment Girolamo Ruscelli et Antonio Minturno. À ce propos, voir LA VIA Stefano, « ‘Madrigale’ e
rapporto fra poesia e musica nella critica letteraria del Cinquecento », op. cit., p. 42-43.
409
Sur la différence entre madrigal discursif et madrigal épigrammatique et l’abandon du premier au profit du
second dans les dernières décennies du XVIe siècle voir SCHULZ-BUSCHHAUS Ulrich, Das Madrigal, op. cit.,
p. 66-101 et p. 163-166.
236
Macque avait évidemment déjà employé cet enchaînement harmonique avec saut de tierce à la
basse – déjà un classique à l’époque – mais jamais de façon aussi exposée et directe. Toute la
première section est répétée, fait rare dans les madrigaux du compositeur et normalement
réservé aux compositions les plus légères. Le procédé est évidemment utilisé ici pour
emphatiser ce début très pathétique. Macque offre par la suite une lecture musicale riche en
dissonances, violant parfois les règles du contrepoint par un emploi assez libre du retard. Dans
l’extrait suivant, par exemple, l’alto devrait normalement attendre la résolution de la
dissonance du canto pour remonter sur le fa :
exemple musical 32 : Nel morire si diparte (I.4, n. 8, brèves 9-12)
On retrouve cette même recherche d’expressivité dans Chi prima il cor mi tolse, dernier
numéro du Primo libro a quattro et seul madrigal des deux recueils à être composé en mode
de mi 410 . La pièce s’ouvre elle aussi par un passage déclamatif très expressif, dans un style
assez proche de certains exordes du Terzo libro a quattro de 1610 411 , quoique encore un peu
moins aventureux au niveau harmonique.
exemple musical 33 : Chi prima il cor mi tolse (I.4, n. 21, brèves 1-3)
410
Voir transcription en annexes.
Voir par exemple dans le Terzo libro de madrigali a quattro voci, l’exorde de Amorosi pensieri, Non è d’aspe
o di fera ou S’è ver ch’io t’ami, ah cruda (transcription in SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de
Macque, op. cit., vol. 3, p. 624, 646, 651)
411
237
À la brièveté de ce madrigal épigrammatique de six lignes, Macque répond en outre par une
intonation exceptionnellement courte de 25 brèves, concision que l’on retrouvera dans les
imprimés ferrarais de Gesualdo, Luzzaschi et Fontanelli412 . Les recherches de déclamation
expressive des deux madrigaux que l’on vient d’évoquer sont relativement nouvelles dans
l’œuvre du compositeur. Il faut voir là les premiers germes d’un style qui trouvera toute sa
réalisation dans le style fortement pathétique qui caractérise certains madrigaux des derniers
recueils du madrigaliste, et notamment dans son Terzo libro de madrigali a quattro voci de
1610.
Dans les textes plus légers, Macque peut obscurcir ponctuellement l’intonation, en s’éloignant
sensiblement du caractère euphonique pour se risquer à des couleur harmoniques plus
tendues, préfigurant parfois certains traits stylistiques de ses recueils successifs.
Deux types de procédés sont utilisés. Macque peut d’une part faire preuve d’une certaine
liberté dans le traitement des retards. Non seulement les dissonances sont parfois résolues de
manière simultanée comme dans l’exemple précédent, mais elles peuvent aussi se cumuler
sans aucune transition. Dans l’extrait suivant, la septième si-la est résolue directement sur le
triton do#-sol, lui même enchaîné à un autre retard de septième la-sol, procédé réitéré une
brève plus tard :
exemple musical 34 : Dolci sdegni e dolci ire (II.5, n. 6, brèves 7-8)
412
Voir NEWCOMB Anthony, « The New Ferrarese Style of the 1590’s », in The madrigal at Ferrara, op. cit.,
p. 113-143.
238
Les notes de passages en semi-minimes et minimes dissonantes constituent l’autre moyen
grâce auquel le compositeur parvient à générer des tensions harmoniques intéressantes,
parfois un peu étranges, comme le montre l’extrait suivant :
exemple musical 35 : Donna, quando volgete (I.4, n. 10, brèves 17-22)
Il faut noter que ce procédé se retrouve fréquemment dans les madrigaux des anthologies
romaines Dolci affetti et Le Gioie, dans les pièces de Marenzio et Macque, mais aussi dans
celles de Dragoni ou Stabile, par exemple 413 . Macque pousse le procédé encore plus loin en
faisant passer une triple note de passage parallèle sur une basse fixe :
413
Dans l’anthologie Dolci affetti de 1582, voir par exemple Se dal soave ed amoroso sguardo de Dragoni, et
notamment les mesures 33 et 71-72 dans l’édition de Pirrotta (PIRROTTA Nino, I musici di Roma e il madrigale,
op. cit., p. 37 et 39)
239
exemple musical 36 : Io son di neve al Sol (II.5, n. 13, brève 22)
Cette technique, encore exceptionnelle, deviendra récurrente dans les madrigaux successifs de
Macque, ainsi que chez Gesualdo et chez certains compositeurs parthénopéens de la fin du
Cinquecento et du début du Seicento 414 . Larson se référait probablement à ce type de passages
harmoniquement très suggestifs, surgissant brusquement au milieu d’un discours globalement
plus léger, lorsqu’il voyait dans le Secondo libro de madrigali a cinque la racine du style
« modéré » de la dernière génération de madrigalistes napolitains 415 .
Macque et ses contemporains : citations, imitations et topoi
La question des origines et de la circulation de certains procédés d’écriture déterminés, qui
vient d’être évoquée à propos des notes de passages dissonantes, se pose de manière tout à
fait évidente dans les deux premiers recueils napolitains, ceux-ci ressemblant parfois à un
patchwork de figures caractéristique du madrigal des dernières décennies du Cinquecento, et
tout particulièrement du style hybride. Composer des madrigaux à la fin du XVIe siècle, c’est
en effet adhérer à certains principes de base de l’écriture polyphonique et de la poétique du
madrigal en général, mais c’est aussi partager, reprendre et renouveler un certain nombre de
procédés, de tics de langage communs à de nombreux auteurs à un moment donné. Macque,
comme la plupart de ses contemporains, absorbe dans son style de nombreux topoi
compositionnels. Si certains d’entre eux sont hérités des générations de madrigalistes
précédentes, d’autres semblent être circonscrits au style léger qui caractérise les deux
dernières décennies du XVIe siècle. Ces procédés d’écriture, trop particularisés pour être
décrits en termes génériques, sont aussi trop diffus pour pouvoir être déclarés spécifiques à un
414
Notamment chez Montella et Dentice. Voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit.,
p. 555 et 570-571.
415
Voir infra, p. 291.
240
auteur précis. Ils sont la preuve tangible du rôle déterminant de l’imitation dans le processus
de composition musicale – et de création artistique en général – à la fin du XVIe siècle :
Dans les dernières décennies de la Renaissance, les poètes, les artistes mais aussi les
musiciens empruntaient non seulement aux artistes du passé, mais aussi à leurs
contemporains. Ces emprunts incitaient évidemment à une compétition musicale animée entre
les cercles des différentes cours, pendant qu’au même moment les artistes rivaux tendaient de
plus en plus à mesurer leur virtuosité en remettant en musique les mêmes textes poétiques 416 .
Comme le relève Glenn Watkins, l’imitation d’un auteur par un autre peut se manifester de
manière particulièrement évidente lorsque ce dernier se confronte à un texte déjà musiqué
avant lui. Macque ne déroge pas à cette coutume et cite parfois de manière tout à fait explicite
l’œuvre d’autres madrigalistes. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer les correspondances
entre certaines intonations de Marenzio ou de Vinci et celles de Macque. Les citations les plus
évidentes sont cependant celles qui parsèment la sextine de Pétrarque Là ver’ l’aurora (I.4,
n.1-6). Macque fait en effet continuellement référence, de manière plus ou moins explicite, à
l’intonation du même texte par Lassus (Quarto libro de madrigali a cinque voci, Venezia,
Gardano, 1567) 417 . La dernière partie, Ridon or per le piagge erbette e fiori, semble presque
modelée sur la version de son aîné 418 :
exemple musical 37 : Roland de Lassus, Ridon or per le piagge erbette e fiori (Il quarto
libro de madrigali a cinque voci, Venezia, Gardano, 1567, brèves 1-2) 419
416
« During the waning decades of the Renaissance, poets, artists and musicians alike borrowed not only from
the past, but from their contemporaries. Such borrowing had the residual potential, of course, of inspiring a
lively musical competition between courtly circles, as artistic rivals increasingly pitted their skills against one
another in the overt re-setting of poetic texts. », in WATKINS Glenn E., « ‘‘Imitatio’’ and ‘‘emulatio’’: Changing
Concepts of Originality in the Madrigals of Gesualdo and Monteverdi in the 1590s », Claudio Monteverdi:
Festschrift Reinhold Hammerstein, éd. L. Finscher, Laaber, 1986, p. 453-487. Sur cette question voir aussi
BROWN Howard Mayer, « Emulation, Competition, and Homage: Imitation and Theories of Imitation in the
Renaissance », Journal of American Musicological Society, XXXV, 1982, p. 1-48 et HAAR James, « Selfconciousness about Style, Form and Genre in 16th-century Music », Studi musicali, III, 1974, p. 219-227.
417
Transcription in DI LASSO Orlando, Sämtliche Werke, Neue Reihe, éd. Adolf Sandberger, Breitkopf & Härtel,
Wiesbaden, 1986, vol. 4, p. 78.
418
Voir aussi les correspondances entre les intonations de Macque et de Lassus dans les vers i miei sospiri
ch’addolciscen Laura (deuxième partie), Uomini e Dèi solea vincer per forza et trarre o di vita o di martir
quest’alma (quatrième partie) ainsi que se nostra ria fortuna è di più forza (sixième partie). Ces citations sont la
preuve que Macque gardait un oeil tourné vers la production de ses aînés, même dans le cas d’un auteur comme
Lassus qui resta relativement imperméable aux mutations stylistiques de la fin du XVIe siècle, et ceci en dépit de
la notion de progrès et de distance générationnelle que l’on peut lire dans certains écrits de l’époque (voir
notamment la dédicace du Sesto libro de madrigali a cinque voci de Luzzasco Luzzaschi (Ferrara, Baldini, 1596)
de la main d’Alessandro Guarini, cité in BIANCONI Lorenzo, « Il Cinquecento e il Seicento », op. cit., p. 319).
419
D’après DI LASSO Orlando, Sämtliche Werke, op. cit., p. 78.
241
exemple musical 108 : Giovanni de Macque, Ridon or per le piagge erbette e fiori (I.4, n.
6, brèves 1-2)
exemple musical 39 : Roland de Lassus, Ridon or per le piagge erbette e fiori (Il Quarto
libro de madrigali a cinque voci, op. cit., brèves 32-33) 420
exemple musical 40 : Giovanni de Macque, Ridon or per le piagge erbette e fiori (I.4, n. 6,
brèves 23-25)
420
Ibid., p. 80.
242
Ces citations restent cependant relativement anecdotiques et n’ont, à mon sens, pas de
réelles implications sur le style de l’auteur421 . En revanche, le recours fréquent à certains
topoi madrigalesques, indépendamment du texte poétique choisi, sont probablement
beaucoup plus significatif des choix stylistiques d’un compositeur. Ceux-ci peuvent être
liés à des concepts ou à des mots précis, et peuvent être assimilé dans ce cas à des
madrigalismes ; d’autres sont au contraire « asémantiques » et s’utilisent dans des
situations les plus variées.
Sans chercher à faire une étude exhaustive de ces procédés d’écriture, qui dépasserait le
cadre de ce travail, je m’arrêterai simplement sur ceux d’entre eux qui semblent
particulièrement emblématiques du style hybride des années 1580. Il ne s’agira
évidemment pas de prouver la précédence de notre madrigaliste dans l’utilisation de ces
techniques, mais plutôt de montrer comment les madrigaux de Macque participèrent à un
flux stylistique continu entre les auteurs.
Congeries
La première de ces techniques a été observée plusieurs fois par les musicologues qui se
sont penchés sur la période qui nous intéresse. Il s’agit d’un type d’imitation dans laquelle
une paire de voix à la tierce rentre en imitation très rapprochée avec une autre partie, ou
vice-versa, généralement dans un principe d’alternance textuelle. Très souvent, ce procédé
prend la forme d’une variante du faux-bourdon, auquel Burmeister donnera le nom de
421
Malgré les concordances poético-musicales qui existent entre le Secondo libro a cinque de Macque et la
production napolitaine de la génération suivante, notamment les trois textes du Tasse (mis en musique par
Gesualdo, Montella, Dentice et Spano), on ne trouve que peu de similitudes avec les intonations du Francoflamand. Celles-ci ne sont jamais évidentes, et se limitent bien souvent à des choix de textures ou à des
contours motiviques assez vagues. (À ce propos, voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in
Naples, op. cit., p. 477-487, 583 et 628). Les seules correspondances véritablement convaincantes sont celles
des deux versions de Mentre mia stella miri par Macque et Gesualdo (Il primo libro de madrigali a cinque
voci, Ferrara, Baldini, 1594, transcription in GESUALDO DI VENOSA, Erstes Buch, éd. Wilhelm Weismann et
Glenn Watkins, Leipzig, Deutscher Verlag für Musik, 1962, p. 57. Sämtliche Werke, vol. 1). Gesualdo
reprend en effet tous les choix de texture opérés par Macque, mais en complexifiant sensiblement les
techniques contrapuntiques. Il est possible que cette absence de référence à celui qui fut probablement son
maître soit symptomatique de la relation Macque-Gesualdo, ce dernier n’estimant avoir, au dire de
Fontanelli, qu’un unique rival, Luzzasco Luzzaschi, et se moquer de tous les autres (« … il dit venir à
Ferrare muni d’une forteresse d’œuvres (c’est le terme qu’il utilise) qui lui suffiront à se défendre contre
Luzzasco, rival qu’il craint, alors qu’il se moque de tous les autres. » (« … dic’egli di venir a Ferrara con
tanti Belloardi d’opere (questo è il termine ch’egli usa) che bastino a difendersi contro il Luzzasco del qual
nemico egli teme, et d’ogni altro si burla » (lettre du 23 mai 1594 au duc de Ferrare, cité in NEWCOMB
Anthony, « Carlo Gesualdo e una corrispondenza musicale del 1594 », op. cit., p. 29).
243
congeries au début du siècle suivant 422 . Celle-ci consiste en une accumulation d’accords
se déplaçant en mouvements conjoints ascendants ou descendants et engendrant le plus
souvent une séquence harmonique de type :
5
6
5
6
3
3
3
3
Cette technique, qui existait depuis longtemps dans le répertoire du madrigal 423 ,
commence à être utilisée de manière relativement systématique par Andrea Gabrieli dès le
début des années 1570. En voici un exemple, parmi les nombreuses occurrences :
exemple musical 41 : Andrea Gabrieli, Alma serena e bella (Il secondo libro de
madrigali a cinque voci, Venezia, Gardano, 1570, brèves 26-28) 424
Dragoni et Macque, parmi d’autres, s’en emparent eux aussi à la fin des années 1570.
Dans les deux premiers recueils napolitains de Macque, le procédé réapparaît
fréquemment, mais sous des formes à la fois plus dissonantes et rythmiquement plus
dessinées, :
exemple musical 42 : Giovanni de Macque, Questa vostra pietate (II.5, n. 18, brèves
19-22)
422
Sur les congeries voir BARTEL Dietrich, Musica Poetica. Musical-Rhetorical Figures in German Baroque
Music, Universtity of Nebrasca Press, 1997, p. 229-231, PERLINI Silvano, Elementi di retorica musicale. Il
testo e la sua veste musicale nella polifonia del ’500-’600, Milano, Ricordi, 2002, p. 33-34 et CHATER
James, Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., p. 60.
423
Lassus utilise souvent les congeries dans son Quarto libro de madrigali a cinque voci et notamment dans
la sextine Là ver’ l’aurora.
424
D’après GABRIELI Andrea, Il secondo libro de madrigali a cinque voci éd. David Butchart, Milano,
Ricordi, 1996, p. 145. Edizione nazionale delle opere di Andrea Gabrieli, vol. 3.
244
Ruth DeFord a elle aussi noté la récurrence de cette figure dans les madrigaux de
Ruggiero Giovannelli 425 , de même que James Chater chez Marenzio 426 . Le résultat final
peut ne différer que de très peu d’un auteur à l’autre, comme le montrent les deux extraits
des madrigaux suivants, le premier tiré du Primo libro de madrigali a cinque voci de
Giovannelli, le second du Secondo libro a cinque de Macque, deux recueils publiés à un
an d’intervalle :
exemple musical 43 : Ruggiero Giovannelli, Ardo ma non t'amo. Prima parte (Il primo
libro de madrigali a cinque voci, Venezia, Gardano, 1586, brèves 6-11) 427
exemple musical 44 : Giovanni de Macque, Prendi, Signor, vendetta (II.5, n. 10,
brèves 8-10)
425
DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., vol. 1, p. 66.
CHATER James, Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., vol. 1, p. 60.
427
D’après DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., vol. 2, p. 48-49.
426
245
En 1589, ce procédé envahit l’anthologie romaine Le gioie (Nino Pirrotta le considère
comme l’une des principales particularités stylistiques du recueil 428 ). On retrouvera ce
procédé dans le Terzo libro a cinque de Macque ainsi que dans les premiers recueils de
Gesualdo, libéré toutefois du caractère douloureux qu’il tendait à exprimer jusqu’à là 429 .
Par la suite, Gesualdo et Macque pousseront très loin le potentiel dissonant de cette
technique dans certains de leurs madrigaux, s’éloignant sensiblement de l’utilisation qu’en
faisait le madrigal des années 1580.
Dans cet extrait de O mal nati messagi, qui rappelle fortement le passage de Questa vostra
pietate de Macque cité précédemment, Gesualdo attaque par exemple directement
l’imitation sur une dissonance non préparée :
exemple musical 45 : Carlo Gesualdo, O mal nati messaggi (Il terzo libro de madrigali
a cinque voci, Ferrara, Baldini, 1595, brèves 1-3) 430
428
« … ce modèle de deux voix homorythmiques avec une troisième en imitation très rapprochée … est
l’un des éléments stylistiques récurrents du recueil. » (« … quel modello delle due voci omoritmiche e la
terza in imitazione ravvincinata … è uno degli stilemi ricorrenti nella raccolta », in PIRROTTA Nino, I
musici di Roma e il madrigale, op. cit., p. xxi-xxii). Voir par exemple l’intonation du vers Ch’a poco a poco
dans le madrigal de Felice Anerio, Da questa pietra amore, p. 165-166.
429
Voir notamment le début de Sian le rose rubini (III.5, n. 11), au caractère très pastoral.
430
D’après GESUALDO DI VENOSA, Drittes Buch, éd. Wilhelm Weismann et Glenn Watkins, Leipzig,
Deutscher Verlag für Musik, 1960, p. 37. Sämtliche Werke, vol. 3.
246
Quant à Macque, il ira jusqu’à rajouter une doublure de sixte à la celle de tierce dans ses
derniers recueils, créant ainsi une véritable imitation en faux-bourdon :
exemple musical 46 : Giovanni de Macque, S’è ver ch’io t’ami, ah cruda (III.4, n. 15,
brèves 23-25) 431
Mise en valeur des mots-clés et jeux polyphoniques
Une autre technique commune à Macque et à ses contemporains consiste à isoler un motclé au moyen d’un motif vif et court de deux ou trois notes, échangé rapidement entre les
différentes voix. Ce procédé, que l’on pourrait appeler jeu polyphonique en référence aux
giochi de la classification des mouvements mélodiques d’Artusi 432 , donne un aspect très
orchestral à la texture et correspond bien au caractère léger et pétillant si apprécié dans ces
années. James Chater et Alfred Einstein ont souligné la virtuosité de Marenzio en la
431
D’après SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., vol. 3, p. 654.
Dans son traité l’Arte del contraponto (Venezia, Vicenti et Amadino, 1586), Artusi classe les différents
mouvements mélodiques en plusieurs catégories. Les giochi (jeux) correspondent à un « groupe de notes
répété plusieurs fois » (« reiterata percussione fatta spesse volte »), voir CHATER James, Luca Marenzio and
the Italian Madrigal, op. cit., p. 50. Le procédé fait penser à son homonyme poétique, qui consiste à répéter
plusieurs fois le même mot (ou ses dérivés sémantiques) au sein d’un même texte (voir supra, p. 185).
432
247
matière 433 , mais ce dernier, tout comme Macque, en hérita probablement des madrigaux
d’Andrea Gabrieli, qui semble encore une fois faire figure de précurseur. Les jeux
polyphoniques se retrouvent souvent sur le même type de mots, quel que soit le
compositeur. C’est souvent ainsi que sont traités les pronoms personnels voi, io, lei, i miei,
me (vous, je, mes, moi), peut-être pour mettre en relief l’expression de d’individualité :
433
Voir EINSTEIN Alfed, The Italian Madrigal, op. cit., tome 2, p. 621 et CHATER James, Luca Marenzio and
the Italian Madrigal, op. cit., p. 74.
248
exemple musical 47 : Andrea Gabrieli, Se vuoi ch’io mora, (Il secondo libro de
madrigali a sei voci,Venezia, Gardano, 1580, n. 7, brèves 19-20) 434
exemple musical 48 : Giovanni de Macque, Posso cor mio partir (II.5, n. 2, brèves 1921) 435
exemple musical 49 : Luca Marenzio, Nel più fiorito Aprile, (Il primo libro de
madrigali a sei voci, op. cit., brèves 20-21) 436
434
D’après GABRIELI Andrea, Il secondo libro de madrigali a sei voci, éd. Franco Colussi, Milano, Riccordi,
2001, p. 72. Edizione nazionale delle opere di Andrea Gabrieli, vol. 8.
435
Voir aussi l’intonation du vers di sé la migliore parte lassa (II.5, n. 19, brèves 9-10).
436
D’après MARENZIO Luca, First and second books of madrigals for six voices, éd. Bernhard Meier et
Roland Jackson, Neuhausen-Stuttgart, AIM, Hänssler, p. 43. Opera omnia, vol. 5.
249
Les mots perché (pourquoi), sol (soleil), amor (amour) font aussi très souvent l’objet de ce
type de traitement :
250
exemple musical 50 : Andrea Gabrieli, Amor mi strugge ’l cor (Il primo libro de
madrigali a sei voci, Venezia, Gardano, 1574, brèves 1-3) 437
exemple musical 51 : Giovanni de Macque, Non veggio, oimè, quei leggiadretti lumi
(I.4, n. 17, brèves 12-13) 438
exemple musical 52: Luca Marenzio, Non è questa la mano (Il primo libro de
madrigali a sei voci, op. cit., brèves 34-35) 439
437
D’après GABRIELI Andrea, Madrigals of the Primo libro a 6, éd. A. Tillman Merritt, Madisson, AR,
1983, p. 69. Complete madrigals, vol. 7/Recent Resarches in the Music of the Renaissance, vol. 47.
438
Voir aussi l’intonation du vers ch’Amor, giusto Signor (II.5, n. 2, brèves, 7-8).
439
D’après MARENZIO Luca, First and second books of madrigals for six voices, op. cit., p. 74.
251
exemple musical 53 : Ruggiero Giovannelli, Rallegrami poss'io (Il secondo libro de
madrigali a cinque voci, Venezia, Gardano, 1593) 440
Macque avait déjà commencé à faire régulièrement usage des jeux polyphoniques dans ses
Madrigali a quattro, cinque et sei voci, ainsi que dans ses Madrigaletti et napolitane 441 .
On les retrouve dans les madrigaux de plusieurs auteurs romains, et notamment dans les
440
D’après DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., vol. 1, p. 55.
Pour un jeu polyphonique sur amor voir l’intonation du vers Amor il mio gioire (MN1, n. 21, brève 3), sur
un pronom personnel, celle de di tu, ch’al mormorare delle chiare onde (MN1, n. 21, brèves 5-6), sur le mot
perché celle de perché quando girate (MN1, n. 12, brève 18).
441
252
anthologies Dolci affetti et Le gioie 442 . Gesualdo les utilisera lui aussi sporadiquement
quoique de manière beaucoup plus discrète 443 .
Les jeux polyphoniques se feront un peu plus rares dans les madrigaux de Macque à partir
du Terzo libro a cinque, probablement à cause de la connotation légère qui leur était
associée, mais sans jamais toutefois disparaître complètement.
Combinaisons motiviques : motto et foil
Si Macque montra toute sa vie une sensibilité particulière pour les superpositions
motiviques, certains types de combinaisons utilisées dans les recueils étudiés ici semblent
provenir directement du vocabulaire des madrigalistes des années 1580. C’est le cas
notamment pour deux techniques dénommées par Ruth DeFord motto et foil dans sa thèse
sur Giovannelli 444 .
Le premier terme désigne une superposition de motifs contrastés dont l’un ne consiste
qu’en quelques notes en valeurs longues, ne portant que les premiers mots du vers. Cette
technique paraît avoir eu une durée de vie relativement courte et ne fait qu’une apparition
éclair dans les madrigaux de Macque. Contrairement aux congeries et aux jeux
polyphoniques, ce procédé n’est pas utilisé à ma connaissance par Andrea Gabrieli. Ruth
DeFord a noté la récurrence de cette technique dans les madrigaux de Giovannelli445 , et on
la retrouve également chez Marenzio 446 . Les motti sont utilisés par Macque presque
exclusivement dans son Primo libro a quattro et quasiment toujours dans l’exorde 447 .
442
Voir par exemple l’intonation du vers di noi sempre Vittoria ha con begli occhi du madrigal d’Annibale
Stabile Qual vaga pastorella, in PIRROTTA Nino, I musici di Roma e il madrigale, op. cit., p. 35.
443
Voir par exemple l’intonation du vers in voi tutto ripose de la seconda parte du premier madrigal du
Primo libro de madrigali a cinque de Gesualdo (transcription moderne in GESUALDO DI VENOSA, Erstes
Buch, op. cit., p. 18).
444
Voir DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 39-40.
445
Ibid.
446
Voir notamment l’exorde de Quando sorge l’aurora du Secondo libro de madrigali a cinque voci de
Marenzio ou celui de Occhi sereni e chiari du Primo libro de madrigali a sei voci de Marenzio
(transcription moderne in MARENZIO Luca, Third and fourth books of madrigals for six voices, op. cit.,
p. 56).
447
Le motto est souvent utilisé par Macque pour les évocations de la nature (voir par exemple l’exorde de
Quando sorge l’aurora (I.4, n. 7), ou celui de Solo ov’io tra boschetti e colli (I.4, n. 16). Toutefois, le
compositeur peut aussi y avoir recours pour traiter des thèmes complètement différents, voir par exemple
l’exorde de Non veggio, oimè, quei leggiadretti lumi (I.4, n. 17) ou de Donna quando volgete (I.4, n. 10), ou
encore l’intonation du vers lasso, Amor no ’l consente (I.4, n. 19).
253
Le terme foil (ou scalar skeleton pour Anthony Newcomb) désigne la superposition de
motifs portant tous deux l’intégralité du texte, contrastant rythmiquement de manière plus
ou moins marquée. Selon Newcomb, cette technique viendrait du répertoire de la
villanelle, et serait associée à l’esprit pastoral qui caractérise une bonne partie des textes
du madrigal des années 1580 448 . Anthony Newcomb, tout comme Ruth DeFord, a noté la
récurrence de ce procédé dans les madrigaux de Giovannelli et de Marenzio 449 . Encore
une fois, les similitudes entre ces auteurs et Macque sont tout à fait frappantes :
exemple musical 54 : Ruggiero Giovannelli, Ardo ma non t'amo. Prima parte (Il primo
libro de madrigali a cinque voci, op. cit., brèves 60-62) 450
exemple musical 55 : Giovanni de Macque, Donna, quando volgete (I.4, n. 10, brèves
34-37)
448
Voir NEWCOMB Anthony, « Marenzio and the “nuova aria e grata all’orecchie », op. cit., p. 72-73.
Idem.
450
D’après DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., vol. 2, p. 48-49.
449
254
Macque utilise parfois cette technique de manière beaucoup plus spectaculaire, notamment
dans le Secondo libro a cinque (voir en particulier les dernières mesures de Dolci sdegni e
dolci ire, II.5, n. 6).
De l’examen de ces différents procédés, il ressort clairement que Macque imita volontiers
ses contemporains, de même que ses madrigaux furent très probablement une source
d’inspiration pour ces derniers. Il serait pourtant tout à fait hors de propos de crier au
plagiat ou de se désoler de constater que la plupart des techniques utilisées par notre
auteur se révèlent appartenir à un style global, commun à de nombreux madrigalistes. La
poétique du madrigal polyphonique, comme d’ailleurs de la littérature pétrarquiste de la
fin du Cinquecento, consiste en effet plus à réassembler des figures préexistantes, tout en
faisant évoluer ce vocabulaire et en le renouvelant dans une certaine mesure, plutôt qu’à
prendre à contre-courant le reste de la production en créant un style entièrement neuf et
original.
Texte et musique
Du mot à l’intonation
Alors que les démonstrations de virtuosité contrapuntique, on l’a vu, n’étaient plus
vraiment à l’ordre du jour dans années 1580, la complexité des rapports entre le texte
poétique et la musique, que les théoriciens de la Renaissance considéraient déjà à l’époque
comme l’essence même de l’écriture madrigalesque451 , semble au contraire avoir
grandement stimulé les compositeurs de cette période et plu à leur public. L’inventivité
rhétorique d’un madrigaliste faisait probablement partie des raisons de son succès auprès
des musiciens du XVIe siècle.
451
Les correspondances entre texte et musique ne sont bien sûr pas réservées au répertoire du madrigal mais
ce genre requiert une attention toute particulière à cet aspect de l’intonation. Cerone est tout à fait explicite à
cet égard : « Il faut être particulièrement attentif au fait que dans les madrigaux, plus que dans tout autre
genre de composition, le compositeur est tenu d’exprimer le sens des paroles » (« Adviertendo que ne los
madrigales, mas que en otro genero de composicion, es tenido el composidor de explicar el sentido de la
letra »), in CERONE Pietro, El melopeo y maestro, op. cit., p. 693, cité in FABBRI Paolo, Il madrigale tra
Cinque e Seicento, op. cit., p. 16.
255
Comme le note Bernhard Meier, plusieurs méthodologies peuvent être adoptées pour
décrire le système rhétorique en usage à la Renaissance :
Une description de ce système peut prendre deux points de départ : elle peut commencer
par énumérer les différents types de mots qui inspirent une expression musicale, mais elle
peut aussi prendre départ sur les différents phénomènes musicaux utilisés généralement
pour l’expression des mots au XVIe siècle 452 .
Je voudrais proposer ici une autre méthodologie analytique, dont le point de départ ne
serait ni le mot ou concept poétique, ni les différentes techniques musicales utilisées pour
leur intonation, mais la nature du lien tissé entre les deux, selon son plus ou moins grand
degré d’abstraction. Cette démarche, qui veut mettre l’accent sur la complexité des
rapports texte-musique, est évidemment critiquable dans la mesure où elle pose un
problème épistémologique difficilement résoluble : ce qui paraît aujourd’hui abstrait et
complexe était-il déjà perçu ainsi à la fin de la Renaissance ? Probablement pas.
Cependant, ce que l’on a coutume d’appeler aujourd’hui madrigalisme n’était en aucun
cas accepté comme une évidence par tous les contemporains. Au contraire, les
madrigalismes avaient déjà un certain nombre de détracteurs dans la seconde moitié du
XVIe siècle, le plus célèbre d’entre eux étant sans doute le florentin Vincenzo Galilei. Ce
dernier doutait en effet profondément de l’effet réel de l’attirail rhétorique mis au point par
les « contrapuntistes modernes », et de son impact sur l’auditeur 453 .
Même si Galilei, dans ses écrits, s’en prend plus à la polyphonie elle-même qu’à un trop
grand degré d’abstraction des figures, il est tout à fait significatif que ce tenant de la
monodie naissante se soit placé tout à coup du côté de l’auditeur et intéressé à la portée
émotionnelle de la musique sur ce dernier 454 . Le constat d’une déconnection totale entre
les artifices – rhétoriques ou non – du contrepoint et leurs effets sur le spectateur entraîna
452
« A description of this system can take two points of departure: it can start by enumerating the kind of
words that inspire musical expression; but it can also depart from the various musical phenomena
commonly used for word expression in the sixteenth century. », in MEIER Bernhard, The Modes of Classical
Vocal Polyphony, op. cit., p. 240.
453
Voir la célèbre diatribe de Vincenzo Galilei contre les « contrapuntistes modernes » (Dialogo della
musica antica et della moderna, Firenze, Marescotti, 1581, p. 88-89). Galilei est le seul à s’en prendre si
précisément aux techniques rhétoriques des madrigalistes, mais ses profonds doutes concernant le pouvoir
expressif de la polyphonie sont partagés par les principaux protagonistes de la camerata fiorentina.
454
Dans sa diatribe contre les « contrapuntistes modernes », Galilei met en effet en scène des auditeurs qui, à
l’écoute d’un madrigal, loin d’être touchés par la musique, se mettent au contraire à rire.
256
une condamnation sans appel de la polyphonie par les membres de la camerata fiorentina.
Il s’agissait évidemment là d’une vision partiale, voire partisane, mais il est tout à fait
probable que pour la plupart des contemporains, la question de l’expression du texte
poétique ne se posait effectivement pas uniquement en termes d’effet auditif sur le
spectateur. D’une part, la grande majorité du répertoire madrigalesque fut écrite pour être
chantée a libro, sur le livre, et non pour être écoutée par un auditoire 455 ; d’autre part
l’homme de la Renaissance, comme l’a montré Michel Foucault 456 , était habitué à
raisonner dans un vaste entrelacs de signes régi par l´analogie et la ressemblance, dans
lequel le système de correspondance musico-poétique du madrigal trouve parfaitement sa
place, sa logique et sa cohérence. L’analogie ou, pour reprendre un terme aristotélicien
caractéristique de la Renaissance, l’imitation, pouvait emprunter plusieurs canaux tout en
restant parfaitement valable. Le premier canal, et pour une oreille moderne le moins
abstrait et le plus direct, est celui qui relie le concept poétique à la sensation et/ou à
l’émotion auditive. C’est ce type d’expression qui triomphera dans les madrigaux de
Monteverdi, Gesualdo ou du dernier Marenzio. Le second type d’imitation, dénommée par
Alfred Einstein Augenmusik – musique visuelle – s’adresse non plus aux oreilles de
l’auditeur mais aux yeux du chanteur-lecteur 457 . Comme l’a montré Alfred Einstein,
l’Augenmusik ne touche qu’un registre stylistique relativement élevé (madrigal et motet)
mais n’est presque jamais utilisée dans les genres légers, ce qui dénote une certaine
complexité d’écriture.
Le dernier type de madrigalismes, le plus abstrait selon nos critères, utilise des codes
extérieurs – le plus souvent liés aux techniques contrapuntiques ou au vocabulaire musical
– savamment imbriqués entre le texte poétique et son intonation. Ceux-ci ne touchent ni
l’oreille, ni les yeux du lecteur-auditeur, mais sont conçus pour être compris uniquement
par son intellect.
455
Voir EINSTEIN Alfred, The Italian Madrigal, op. cit., p. 243.
Michel Foucault a souligné le rôle de l´analogie et la ressemblance dans pensée de la Renaissance :
« Jusqu´à la fin du XVIe siècle, la ressemblance a joué un rôle bâtisseur dans le savoir de la culture
occidentale. C´est elle qui a conduit pour une grande part l´exégèse et l´interprétation des textes : c´est elle
qui a organisé le jeu des symboles, permis la connaissance des choses visibles et invisibles, guidé l´art de les
représenter .... », in FOUCAULT Michel, Les mots et les choses une archéologie des sciences humaines,
Paris, Gallimard, 1966, p. 32. Au siècle suivant, Descartes marquera une rupture radicale dans
l´épistémologie du XVIIe siècle en proposant une méthode scientifique fondée sur l´ordre et la distinction.
457
Voir EINSTEIN Alfred, « Eye Music », in The Italian Madrigal, op. cit., p. 243.
456
257
Ces trois types d’imitation musicale des mots et des concepts poétiques – auditive,
visuelle, intellectuelle – constituent la grille de lecture avec laquelle j’analyserai les
rapports texte-musique des deux premiers recueils napolitains de Macque. Cette démarche
n’est évidemment pas parfaite car bien souvent, une figure musicale peut s’adresser à la
fois aux yeux, aux oreilles et à l’intellect 458 . D’autre part, il est fort probable que ce qui
requiert aujourd’hui un raisonnement intellectuel pouvait être perçu de manière beaucoup
plus directe et intuitive par les musiciens de la Renaissance 459 . Cette grille de lecture a
cependant l’intérêt d’interroger le degré de complexité des rapports texte-musique – on
pourrait être tenté de parler d’artificiosità, même si le terme n’était pas utilisé en ce sens
par les contemporains – partant du principe (déjà évoqué dans le chapitre précédent 460 )
que plus le lien entre le mot et son intonation est abstrait, caché et difficilement
perceptible, plus l’écriture se veut recherchée et raffinée.
Figures à entendre et/ou ressentir
Cette première catégorie de figures englobe les procédés les plus communs et les plus
répandus, les premiers qui viennent à l’esprit lorsqu’on évoque les madrigalismes. Ce sont
ces effets très directs auxquels font généralement référence les théoriciens de la
Renaissance lorsqu’ils traitent de la manière d’« accommoder » la musique aux paroles 461 .
Parmi ces paramètres éminemment auditifs figurent le rythme (lent ou rapide 462 , avec ou
sans vocalises ornementales 463 ), la tessiture (grave ou aiguë), la direction des mouvements
mélodiques 464 (anabasis ou katabasis 465 ), l’usage de certains intervalles mélodiques
458
À
ce
propos,
voir DART
Thurston,
« Eye
Music », Grove Music
Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.09152, page consultée le 5 juin 2007.
459
Voir infra, note 482.
460
Voir supra, 112.
461
Pour un exposé des principaux écrits théoriques du XVIe siècle sur les rapports texte-musique, voir
FABBRI Paolo, Il madrigale tra Cinque e Seicento, op. cit, p. 18-29.
462
Pour un exemple de variation rythmique de ce type dans les deux premiers recueils napolitains de
Macque, voir l’intonation du vers poi ch’il duol frena e stringe a darli loco (II.5, n. 21, brèves 18-21), qui
joue avec l’opposition des mots frena (freine) et stringe (pousse).
463
Macque utilise généralement les vocalises pour évoquer les éléments mobiles de la nature, le feu (foco,
fiamme, ardente), l’eau (onde, mare, rio), le vent (vento), les mouvements (move, giri), ou bien le chant
(canto).
464
Voir par exemple l’exorde de Sì profondo era e di sì larga vena (I.4, n. 13) pour une tessiture ramassée
vers le bas et l’intonation du vers Che non invidio il ciel al sommo Giove (II.5, n. 9, brèves 11-12) pour une
tessiture aiguë.
465
L’anabasis consiste à faire monter la ligne mélodique pour exprimer une idée de hauteur, d’ascension,
etc. La katabasis est le procédé contraire, et s’utilise pour transcrire les concepts de descente, de profondeur,
etc. Ces deux figures de rhétorique musicale ont été codifiées par Athanasius Kircher dans son traité
258
particuliers 466 , l’harmonie consonante ou dissonante, l’utilisation de « cordes naturelles »
ou altérées.
L’utilisation que fait Macque de ces différents ingrédients, communs à tous les auteurs de
l’époque, va du topos le plus banal aux effets les plus recherchés.
Comparer par exemple la katabasis extrêmement classique de l’intonation du vers
Abbassai gl’occhi (j’abaissai les yeux) :
exemple musical 56 : Fuggendo il troppo lume (II.5, n. 1, brèves 2-4)
à l’utilisation beaucoup plus subtile des mouvements mélodiques de l’exorde de Mentre
Madonna il guardo/ver’ me pietoso move, (Alors que Madonna le regard/vers moi,
apitoyé, tourne) :
exemple musical 57 : Quando Madonna il guardo (II.5, n. 9, brèves 1-5)
Macque met en scène le regard de cette Madonna presque sacralisée (anabasis), opposée
au terrestre poète (katabasis) par un mouvement mélodique ascendant puis descendant 467 .
Dans le même ordre d’idée, le passage suivant sait tirer habilement profit des
balbutiements de la ligne mélodique pour exprimer le questionnement du vers come sarà
Musurgia Universalis, sive Ars Magna consoni et dissoni, Roma, Corbelletti, 1650, deuxième partie, livre
VIII, p. 145. Voir aussi PERLINI Silvano, Elementi di retorica musicale, op. cit., p. 16 et 26.
466
Voir l’utilisation expressive de la tierce mineure dans l’exorde de Crudel, se m’uccidete (I.4, n. 11), de la
sixte mineure dans l’intonation du vers né ’l pianger mio (I.4, n. 4, brève 19-20) et du demi-ton dans
l’exorde de Così soave è ’l foco (II.5, n. 16).
467
Ce procédé est utilisé dès le XVe siècle dans les chansons de Busnois (voir MEIER Bernhard, The Modes
of Classical Vocal Polyphony, op. cit., p. 241).
259
mia forma ? (comment sera ma forme ?), effet renforcé par le choix d’une imitation par
mouvement contraire.
exemple musical 58 : O d’Amor opre rare (I.4, n. 20, brèves 9-11)
L’utilisation des variations rythmiques peut aussi s’avérer parfois très raffinée. Dans
l’intonation de ces vers de Pétrarque, Amor, che dentro l’anima boliva/…/mi spinse,
onde
in
un
rio
l’erbe
asconde/cadi
(Amour,
qui
dans
mon
âme
bouillonnait/…/m'entraîna, tant qu’en un ruisseau caché sous l’herbe), Macque réussit à
provoquer une véritable sensation de déséquilibre grâce à un léger décalage rythmique
entre le canto et les autres voix :
exemple musical 59 : Del mar Tirreno a la sinista riva (I.4, n. 15, brève 16)
260
Macque sait revisiter parfois certains procédés très classiques avec humour. Dans le
passage déjà cité du madrigal Posso cor mio partire (voir supra, p. 249), Macque emploie
par exemple une cadence évaporée 468 – utilisée en général pour illustrer des idées de fuite,
d’évanouissement, ou de mort 469 – en conclusion du vers onde ne morirem né voi ned io
(Nous ne mourrons donc ni vous, ni moi). Le compositeur semble vouloir peindre
l’individualité du mot io (moi) avec la note isolée du ténor, puis la négation (né voi ned io,
ni vous ni moi, c’est-à-dire personne) avec le silence qui suit.
De même les notes tenues, utilisées maintes fois pour dépeindre la fixité et
l’immobilité 470 , prennent-elles une saveur toute particulière lorsqu’elles servent à évoquer
les murmures d’une fontaine 471 :
exemple musical 60 : Chiara fontana intorno (II.5, n. 17, brèves 6-7)
fore
Chiara fontana intorno
Une claire fontaine, autour
al bel seggio d’Amore
du beau siège d’Amour,
mormorando sorgea da un lato
en murmurant jaillissait d’un
côté
468
Sur la cadence évaporée (evaporated cadence), voir NEWCOMB Anthony, The madrigal at Ferrara,
op. cit., p. 120.
469
Voir par exemple l’intonation du vers onde vo’ consumando a poco a poco (II.5, n. 21, brèves 12-14) ou
les dernières mesures de Bene poté fede a pieno (II.5, n. 15) qui se conclut par une cadence évaporée sur les
mots e ’n sé si more (et qui meurt en soi-même).
470
Voir par exemple l’intonation du vers stan tutti per mirarla, fissi e intenti (II.5, n. 14, brèves 13-15).
471
Le même procédé est utilisé dans Poichè non posso dire, le dernier numéro du Primo libro de
madrigaletti et napolitane (brève 7-8).
261
L’effet est d’autant plus réussi que le statisme cesse sur l’accent tonique du mot sorgea
(jaillissait).
Le charme de certains madrigalismes peut venir aussi de leur exagération. Dans le
madrigal Quel dolce nodo che mi strinse il core (Ce doux nœud qui me serra le cœur) :
Macque musique deux fois le mot nodo (nœud) au moyen de vocalises, une fois de
manière relativement conventionnelle, une autre fois de manière beaucoup plus exubérante
et libre :
exemple musical 61 : Quel dolce nodo che mi strinse il core (I.4, n. 9, brève 24)
262
exemple musical 62 : Quel dolce nodo che mi strinse il core (I.4, n. 9, brève 2)
Figures à voir
Beaucoup des madrigalismes décrits plus haut peuvent aussi se lire comme Augenmusik,
notamment tous les mouvements mélodiques ascendants et descendants qui ont un impact
autant visuel que sonore. Cependant, Macque utilise aussi des figures qui ont un pouvoir
suggestif beaucoup plus graphique qu’auditif, voire d’autres qui ne sont manifestement
destinées qu’à la seule vue du lecteur ou ne peuvent s’entendre qu’au moyen d’une
reconstitution a posteriori de la partition.
Forme
Une première catégorie de musique visuelle joue avec les courbes dessinées par la
succession des notes sur la portée. Macque montre un penchant particulier pour les formes
sinusoïdales, comme le montre cet extrait de I’ piansi, or canto, che ’l celeste lume (I.4, n.
12), exubérance graphique probablement plus perceptible à l’œil qu’à l’oreille :
263
La régularité des valeurs rythmiques employées semble souligner en outre le caractère
fluide de l’écoulement de l’eau. Autre exemple de modelage plus visuel que sonore, cette
plongée vers le grave sur mot s’inchina, s’incline :
exemple musical 63 : Le Ninfe del mar d’Adria (II.5, n. 12, brèves 28-29)
Si Macque avait voulu s’en tenir à un simple effet auditif, l’intervalle d’octave n’était
probablement pas nécessaire.
Couleur
Les madrigalismes les plus strictement visuels sont cependant ceux qui recourent aux
couleurs de la notation musicale – évidemment limitées dans les imprimés au noir et au
blanc 472 . Macque ne se sert pas des notes noires du système de mensuration ternaire dans
ces recueils, mais utilise très souvent le contraste entre semi-minimes et fuses d’un côté et
minimes et semi-brèves de l’autre, les premières pour évoquer le noir, la nuit, l’obscurité,
les secondes pour la blancheur, la transparence ou la clarté (jour, neige, glace). Dans
l’extrait suivant, les effets sont même combinés :
exemple musical 64 : Quel dolce nodo che mi strinse il core (I.4, n. 9, brève 14-15)
472
Comme le note Alfred Einstein, il n’est pas impossible que certains auteurs aient utilisé des encres
colorées pour peindre les rubis ou les vertes prairies dans les pièces manuscrites (voir EINSTEIN Alfred, The
Italian Madrigal, op. cit., vol. 1, p. 242).
264
On remarque dans ce passage que l’Augenmusik n’empêche en rien un niveau
d’expression plus auditif, les effets pouvant en effet tout à fait se superposer. Le
compositeur ne néglige en effet pas ici l’aspect sonore de l’intonation : le point le plus
aigu du canto est placé sur l’accent tonique de rischiara (éclaire) alors que le mot oscura
(obscure) donne lieu à une descente générale vers le grave de la tessiture.
Les notes noires peuvent aussi être liées à l’idée d’aveuglement, comme dans l’intonation
du vers che resta cieco ognun che la rimira (que deviennent aveugles tous ceux qui la
regarde) 473 :
exemple musical 65 : Al fiammegiar de’ begl’occhi lucenti (II.5, n. 14, brèves 19-20)
473
Comme l’a montré Alfred Einstein (The Italian Madrigal, op. cit., p. 239), ce traitement du mot cieco
(aveugle) est un classique du répertoire madrigalesque, qui remonte au moins aux madrigaux de Giovanni
Nasco.
265
Dans l’exorde de Ben poté fede a pieno/farvi (littéralement, « La foi put bien vous faire
pleine ») Macque se sert des notes noires pour exprimer l’idée de plénitude (celles-ci sont
en effet pleines, contrairement aux notes blanches qui sont vides) :
exemple musical 66 : Ben poté fede a pieno (II.5, n. 15, brèves 1-3)
Ces deux types de peinture (forme et couleur) peuvent se combiner pour des effets visuels
particulièrement recherchés. Dans certains vers, Macque montre en effet une sensibilité à
ce genre de techniques tout à fait proche de celle de Marenzio 474 .
474
Même Alfred Einstein, pourtant assez peu enclin à apprécier les qualités visuelles de l’Augenmusik,
reconnaissait que Marenzio avait porté cette dernière à un effet de raffinement inégalé (voir The Italian
Madrigal, op. cit., p. 237 et 241.
266
L’intonation du dernier vers du madrigal Al sol le chiome avea (I.4, n. 18), « fra le nubi
s’ascose pien di scorno » (« entre les nuages, il se cacha plein de honte ») ne peut se
comprendre que par une analyse visuelle. La basse, l’alto et le canto représentent
manifestement les nuages avec leur suite de semi-brèves, rondes et blanches comme des
cumulus. La transcription moderne casse malheureusement l’effet pictural du passage, qui
ressort au contraire clairement dans l’imprimé original :
Ill. 4 : Al sol le chiome avea (I.4, n. 18, alto, brèves 24-29)
Au milieu de ce ciel nuageux, le ténor semble errer en une ligne mélodique cassée et
anguleuse, probablement censée représenter le soleil se cachant entre les nuages.
Ill. 5 : Al sol le chiome avea (I.4, n. 18, tenore, brèves 24-29)
On déduit du Discorso de Galilei que ces madrigalismes visuels étaient considérés par
leurs auteurs comme un raffinement délicat et recherché, même si le théoricien florentin
ne pouvait que condamner ce type de procédé et relever le lien erroné établi entre la vue et
l’ouïe :
Quando ne hanno trovate che
Quand ils les compositeurs
dinotino diversità di colori, come
modernes trouvent des paroles qui
“brune” o “bianche chiome” e simili,
évoquent la diversité des couleurs,
hanno fatto sotto ad esse note bianche
comme
e nere per esprimere a detto loro quel
chevelure » ou autre, ils posent sous
« brunes »
ou
« blanche
267
sì fatto concetto astutamente e con
celles-ci des notes blanches et noires
garbo, sottoponendo in quel mentre il
pour exprimer, à leurs dires, ces
senso dell’udito agli accidenti delle
concepts
de
forme e de’ colori, i quali oggetti sono
délicate,
soumettant
particolari della vista e del tatto nel
temps-là
le
corpo solido. 475
accidents de la forme et des couleurs,
manière
sens
subtile
et
pendant
ce
de
l’ouïe
aux
lesquels sont propres à la vue et au
toucher des corps solides.
Figures à penser
Terminologie musicale
Les analogies qui relient le concept poétique au lexique musical et/ou aux techniques
contrapuntiques sont sans doute celles dont l’accès reste le moins direct et le plus abstrait.
La figure la plus facile et la plus communément utilisée est probablement le recours aux
syllabes de la solmisation. Ce procédé consiste à considérer le mot comme un assemblage
de syllabes, retranscrites musicalement au moyen des noms de notes. Le signifié du mot
est alors totalement négligé au profit de son signifiant, fait relativement rare dans
l’écriture madrigalesque, qui accepte volontiers d’extraire un mot de son contexte (quitte à
aller à l’encontre du sens global du passage), mais plus difficilement de lui ôter toute sa
signification 476 . Le procédé de solmisation, hérité des soggetti cavati des messes
polyphoniques, fait cependant partie des principaux topoi du madrigal. Macque n’innove
pas beaucoup en la matière puisqu’il traite de cette façon les mots les plus généralement
touchés par ce procédé : solo, seul (sol-la) 477 , sole, soleil (sol) 478 , fammi, fais-moi (fa-mi).
Les deux premiers vers du madrigal O fammi, Amor, gioire (I.4, n. 14) poussent
particulièrement loin le procédé. Ces vers paraissent avoir été écrits spécialement pour être
mis en musique au moyen des syllabes de la solmisation :
O fammi, Amor, gioire,
475
GALILEI Vincenzo, Dialogo della musica antica et della moderna, op. cit., p. 88.
Les madrigalistes ne montrent généralement pas une sensibilité particulière aux paramètres sonores du
texte poétique (malgré la catégorisation éminemment musicale de la théorie bembienne qui analyse la poésie
de Pétrarque en termes de suono, numero et variazione). Les madrigalistes préfèrent généralement s’attacher
à exprimer le signifié plutôt que le signifiant.
477
Voir par exemple l’exorde de Solo ov’io erat ra boschetti e colli (I.4, n. 16).
478
Voir par exemple l’exorde de Al Sol le chiome avea (I.4, n. 18).
476
268
o tu mi fa’ morire
ce dont profite évidemment Macque, qui construit un exorde entièrement basé sur les
demi-tons fa-mi, do-si et sib-la pour le premier vers, et mi-fa et si-do pour le second 479 :
exemple musical 67: O fammi, Amor, gioire (I.4, n. 14, brèves 1-8)
Le vocabulaire technique du langage musical sert souvent à faire le lien entre le concept
poétique et l’idée musicale, de manière plus ou moins raffinée. Macque utilise par
exemple la ligature pour exprimer l’idée de lien ou de nœud, procédé apprécié également
479
Ce procédé, fort peu auditif, rencontre la désapprobation de Vicentino dès 1555. Ce dernier ne le
considère en effet que comme un « truc » destiné à venir au secours des chanteurs malhabiles. « Souvent,
certains compositeurs ont une belle manière de composer quand, dans leurs compositions, ils accompagnent
les voyelles par les syllabes des notes ; ce procédé n’apporte que peu de choses, et l’on ne trouve rien de bon
en cette combinaison si ce n’est que les paroles sont un peu plus faciles à prononcer pour le chanteur, mais
auprès du bon chanteur, il ne faudra pas tenir compte de cette combinaison ; on voit donc qu’elle est de peu
d’importance. » (Molte fiate alcuni compositori hanno per una bella maniera di comporre, quando nelle
compositioni loro accompagnano le vocali delle sillabe delle note; quest’ordine dà poco guadagno, et non si
ritrova in questa compagnia se non che le parole sono un poco più agili al Cantante da pronunciare, ma
appresso il buon Cantante non si terrà conto di questa tal compagnia; sì che si vede che è di poca
importanza), in VICENTINO Nicola, « Modo di pronuntiare le sillabe lunghe e brevi sotto le note; e come si
dè imitare la natura di quelle, con altri ricordi utili. Cap. XXIX », L’antica musica ridotta alla moderna
prattica, Roma, Barrè, 1555, livre 4, p. 85.
269
par Marenzio 480 . Il ne s’agit pas là à proprement parler d’Augenmusik, puisque pour
comprendre l’effet recherché, le lecteur doit non seulement voir la notation musicale de la
partition mais aussi faire le rapprochement avec le terme ligature (ou legature chez
Zarlino) qui vient bien sûr du mot legare, lier.
L’intonation du vers ch’in mezzo del mio core (Car au milieu de mon cœur) du madrigal
Crudel se m’uccidete est un autre exemple de parallélisme entre un mot et le vocabulaire
technique musical. Le compositeur a en effet recours à ce que Zarlino appelle corda
mezzana, note qui divise en deux la diapente en une tierce majeure et une tierce mineure.
La pièce étant en mode 2 sur sol ({sol/b/c1}), la corda mezzana est le si bémol. Le ténor et
le canto, les deux voix qui traditionnellement portent le mode, font coïncider l’accent
tonique du mot mezzo et la corda mezzana du mode de la pièce, dans un soggetto qui met
particulièrement en relief la position médiane du si bémol :
exemple musical 68 : Crudel se m’uccidete (I.4, n. 11, canto, brève 10)
Dans la péroraison du madrigal Dolci sdegni e dolci ire, Macque fait une aussi allusion
indirecte à la technique du cantus firmus (chant « ferme », donc stable) dans l’intonation
du dernier vers Qual torre ai venti e qual all’onde scolglio (tel une tour au milieu des
vents et tel un rocher dans les vagues). Les valeurs longues donnent en effet à la basse un
aspect de cantus firmus :
exemple musical 69 : Dolci sdegni e dolci ire (II.5, n. 6, brèves 25-32)
480
Voir CHATER James, Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., p. 62. Pour un exemple de
ligature, voir par exemple l’intonation du mot nodo dans le madrigal Così soave è 'l foco (II.5, n.16, tenore,
brèves 6-7).
270
L’effet obtenu est évidemment aussi auditif. Le contraste entre l’agitation des voix
supérieures 481 et la fermeté de la basse se perçoit sans qu’il soit nécessaire de faire le lien
avec le terme cantus firmus. Cependant, cette sorte de jeu de mot musical rajoute un
niveau de lecture supplémentaire au passage.
Clausula peregrina et commixtio tonorum
À mi-chemin entre l’effet auditif et le jeu intellectuel se trouvent toutes les infractions aux
règles du contrepoint modal 482 , notamment par le biais de la clausula peregrina 483
(cadence réalisée en dehors des hauteur régulière du mode). Macque montre une certaine
virtuosité dans l’usage de ces procédés, notamment lorsqu’il s’intéresse au thème du
départ et du retour. Toute la première moitié du madrigal Quando l’amante parte est
construite autour du principe d’éloignement et de retour au mode de la pièce (mode 11 sur
fa, {fa/b/c1}).
481
Voir le passage entier, II.5, n. 6, brèves 25-33.
La question du degré d’abstraction de tels effets est problématique. Pour l’immense majorité des
auditeurs d’aujourd’hui, ces procédés ne sont absolument pas perceptibles à l’écoute et n’ont absolument
aucune charge émotionnelle, mais était-ce déjà le cas à la Renaissance ? Cela dépendait probablement du
public. Les écrits de l’époque témoignent en effet du risque couru par le compositeur qui transgresse les
règles du contrepoint car ce dernier s’expose à l’incompréhension de l’auditeur suffisamment instruit pour
repérer l’irrégularité, mais pas assez fin pour comprendre qu’il s’agit là d’un moyen expressif. À ce propos,
Paolo Fabbri cite la lettre de Marco da Gagliano contenue dans la partie de Bassus generalis de son
Sacrarum cantionum … Liber secondus (Venezia, Magni, 1622). L’auteur déclare : « parfois, sortir de la
règle accroît sensiblement la beauté de l’œuvre, … ces beautés irrégulières peuvent cependant être tenues
par celui qui n’est pas trop expérimenté comme de très grosses inadvertances, et comme des erreurs de
débutant » (« tal volta l’uscir di regola cresce non poca bellezza all’opera …, le quali sregolate bellezze, a
chi non s’avanza tropp’oltre nell’esperienza, posson essere tenute grossissime inavertenze ed erori da
principianti. »), in FABBRI Paolo, Il madrigale tra Cinque e Seicento, op. cit., p. 29. À ce propos, voir aussi,
MEIER Bernhard, The Mode of the Classical Vocal Polyphony, op. cit., p. 238-239.
483
Sur la clausula peregrina, voir en particulier MEIER Bernhard, The Mode of Classical Vocal Polyphony,
op. cit., p. 89-122 et p. 248-285. Sur l’usage expressif des cadences dans le madrigal, voir LA VIA Stefano,
« ‘Natura delle cadenze’ e ‘natura contraria delli modi’, punti di convergenza fra teoria e prassi nel
madrigale cinquecentesco », Il saggiatore musical, IV/1, 1997, p. 5-51, CHATER James, « The Structural
Function of the Cadence », in Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., p. 76-89 et CECCHI Paolo,
« Cadenze e modalità nel ‘Quinto libro’ di Carlo Gesualdo », Rivista italiana di musicologia, XXIII, 1988,
p. 93-131.
482
271
Quando
l’amante
Quand l’amant part
cadence sur fa
parte
cadence
sur
bémol
cadence sur sol
De son unique bien-aimée
da l’unico suo bene
cadence sur fa
cadence sur fa
di sé la miglior parte
La meilleure partie de luimême
lassa,
Il laisse,
cadence sur sol
cadence sur sol
portando sol seco la
spene
emportant
avec
seulement l’espoir
del subito ritorno.
Du très prochain retour.
lui
cadence
phrygienne sur ré
imitation
biaccordale sur ré-sol
cadence sur fa
Le premier vers, Quando l’amante parte, (Quand l’amant part) fait l’objet de trois
cadences successives, qui nous éloignent de plus en plus des cadences régulières du
mode 484 . La première cadence est sur fa, la seconde sur si bémol, et la troisième sur sol,
qui, à ma connaissance, n’est reconnu par aucun théoricien de la Renaissance comme une
cadence régulière de ce mode. Il s’agit très clairement d’un cas de clausula peregrina. Fa
et sol vont ensuite être respectivement les hauteurs cadentielles du retour et de
l’éloignement.
La bien-aimée (l’unico suo bene) donne lieu à deux cadences sur fa, puis Macque repart
sur sol pour le mot lassa (laisse). L’intonation du cinquième vers est particulièrement
484
La détermination des cadences régulières des modes est un argument particulièrement délicat. Pour
Bernhard Meier, les cadences régulières du mode 11 sur fa – ou mode de fa authente, mode 5 pour l’auteur –
sont fa et do (voir MEIER Bernhard, The Mode of the Classical Polyphony, op. cit., p. 162).
272
si
intéressante. Macque joue en effet avec l’effet d’attente du « très prochain retour » (del
subito ritorno). Ce dernier étant annoncé comme imminent mais pas encore présent, le
compositeur fait une série de cadence sur sol grâce à une longue imitation biaccordale sur
ré-sol, conclue par une cadence sur fa, qui réalise le retour tant espéré.
exemple musical 70 : Quando l’amante parte (II.5, n. 19, brèves 16-19)
La pièce suivante, Non può l’alma forzasi (L’âme ne peut se forcer) est un autre exemple
d’utilisation virtuose de la cadence. Le madrigal s’ouvre par une série de cadences évitées
(ce que Zarlino appelle fuggire la cadenza 485 ), qui dévient les phrases des directions
normalement attendues, et semblent exprimer l’impossibilité de forcer le parcours des
lignes mélodiques. La fin de la première phrase devrait se conclure naturellement par une
cadenza perfetta sur l’octave do-do entre quinto et canto sur la troisième brève, cadence
annoncée par le retard de la voix supérieure, mais celle-ci est évitée par le canto, qui
descend sur la au lieu de remonter sur do.
exemple musical 71 : Non può l’alma forzarsi (II.5, n. 20, brèves 1-3)
485
« … il suffira de dire que fuir la cadence est (comme on a vu), une certaine action que font les parties,
qui semblent vouloir aller faire une terminaison parfaite, selon l’un des moyens montrés ci-dessus, et se
retrouvent ailleurs. » (« … bastarà solamente dire, che 'l Fuggir la Cadenza sia (come havemo veduto) un
certo atto, il qual fanno le parti, accennando di voler fare una terminatione perfetta, secondo l'uno de i modi
mostrati di sopra, et si rivolgono altrove. »), in ZARLINO Gioseffo, « Il modo di fuggir le Cadenze …
Capitolo 54 », Le istitutioni harmoniche, op. cit., troisième partie, p. 226. Le terme cadenza fuggita est
utilisé aussi pour désigner les passages en tuilage, dans lesquels une ou plusieurs voix abandonne ou intègre
la polyphonie avant la cadence, sans participer à celle-ci.
273
Le même procédé se reproduit aux mesures 3, 7 et 8.
Commixtio tonorum
Cette transgression des règles du contrepoint modal n’a pas lieu qu’aux cadences. Macque
peut aussi sortir volontairement du mode pendant des passages entiers. Il est souvent
délicat de savoir si le compositeur fait appel ou non à la mixtio tonorum (passage d’un
mode à son correspond plagal ou authente) ou à la commixtio tonorum (passage d’un
mode à un autre complètement étranger) 486 car le respect des schémas mélodiques modaux
est loin de constituer une règle absolue dans le répertoire du madrigal. Les intentions du
compositeur sont cependant parfois extrêmement lisibles. Tel est le cas par exemple dans
la dernière partie de Donna quando volgete. Le madrigal se conclut par ces vers : Dura
legge d’Amore/che in ogn’evento è travagliato il core (Dure loi d’Amour/puisque le cœur
est travaillé à chaque événement). Macque musique la dura legge d’Amore en violant
ostensiblement des lois du mode de la pièce (mode 8, {sol, §, c1}.
exemple musical 72 : Donna, quando volgete (I.4, n. 10, brèves 31-34)
486
Sur les concepts de mixtio tonorum et commixtio tonorum, voir MEIER Bernhard, The Mode of Classical
Vocal Polyphony, op. cit., 287-294, CHATER James, Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., p. 4547, et LA VIA Stefano, « ‘Natura delle cadenze’ e ‘natura contraria delli modi’, punti di convergenza fra
teoria e prassi nel madrigale cinquecentesco », op. cit., p. 14-22. Voir aussi ZARLINO Gioseffo, « Delli modi
communi e delli misti », Le istitutioni harmoniche, op. cit., quatrième partie, p. 315. Zarlino utilise les
termes de modi communi dans les compositions qui font fusionner plagal et authente, et de modi misti dans
celles qui mélangent deux modes étrangers.
274
L’infraction modale est d’autant plus évidente qu’à la répétition, le passage est transposé
un ton en dessous, à une hauteur qui respecte cette fois-ci le mode et les cadences
régulières de la pièce (cadence sur sol, brève 39), avant d’être directement enchaîné à la
version non-transposée, répétée une deuxième fois :
exemple musical 73 : Donna, quando volgete (I.4, n. 10, brèves 37-42)
275
Ce passage joue aussi avec la connotation dure du dièse, par analogie avec le bécarre,
bequadro ou duro 487 .
Marenzio utilise le même motif en augmentation dans les premières mesures de Dura
legge d’Amor du Nono libro de madrigali a cinque voci, publié presque quinze ans plus
tard (Venezia, Gardano, 1599). Marenzio fait peut-être allusion à l’intonation de Macque,
à moins que ce type de soggetto ne soit déjà devenu un topos récurrent du répertoire.
exemple musical 74 : Luca Marenzio, Dura legge d’Amor (Il nono libro de madrigali a
cinque voci, Venezia, Gardano, 1999, brèves 1-8) 488
Techniques contrapuntiques
Le degré d’abstraction majeur est sans doute atteint lorsque Macque transcrit un concept
poétique par une technique contrapuntique. Contrairement aux transgressions modales, qui
pouvaient probablement être entendues ou ressenties par certains auditeurs cultivés, ou
aux effets visuels qui restent d’un accès relativement directs à condition d’avoir la
partition devant les yeux, ces procédés ne sont compréhensibles que par une analyse
rationnelle de l’écriture.
Une des techniques les plus classiques consiste à faire correspondre le nombre de voix
utilisées à une quantité numérique exprimée plus ou moins clairement dans le texte.
L’effet obtenu peut être tout à fait évident lorsqu’il s’agit d’exprimer la solitude, ou la
487
Pour une utilisation équivalente des termes voir par exemple ZARLINO Gioseffo, « Della inventione delle
Chiavi, et delle Figure cantabili. Capitolo 2. », Le istitutioni harmoniche, op. cit., troisième partie, p. 148.
488
D’après MARENZIO Luca, Il nono libro de madriglai a cinque voci, éd. Paolo Fabbri, Milano, Zerboni,
2000, p. 14.
276
totalité d’un groupe 489 , mais aussi bien plus caché, si la quantité n’est pas évoquée
explicitement dans le poème. Dans l’extrait suivant la réduction de la texture aux deux
seules voix supérieures – procédé rarement utilisé par Macque – fait très probablement
référence aux deux yeux du poète (nei lumi miei, dans mes yeux), subtilité difficilement
saisissable à l’écoute :
exemple musical 75 : Mentre, mia stella, miri (II.5, 11, brèves 11-12)
Plus complexe est l’analogie entre le concept poétique de duplicité et la technique
contrapuntique de contrappunto doppio (contrepoint double), telle qu’on la trouve décrite
chez Zarlino 490 . Rappelons que pour Zarlino, un contrappunto doppio s’obtient « en
échangeant les parties de telle manière que l’aigu devienne grave et que le grave devienne
aigu, sans aucune variation de mouvement » 491 . Le contrappunto doppio de Zarlino
correspond à ce que l’on appelle aujourd’hui contrepoint renversable.
489
Pour une réduction de la texture liée à l’idée de solitude, voir par exemple les exordes de Solo ov’io era
tra boschetti e colli (I.4, n. 16) et de Non veggio, oimè, quei leggiadretti lumi (I.4, n. 17). Pour un emploi de
l’effectif complet pour exprimer la totalité, voir l’intonation du vers Stan tutti per mirarla (II.5, n. 14, brèves
13-14).
490
Voir aussi VICENTINO Nicola, « Modo di comporre il contrapunto doppio, avero compositione doppia.
Capitolo XXXIIII », in L’antica musica ridotta alla moderna prattica, op. cit., livre 4, p. 90.
491
« … mutando le parti in questo modo, che l' acuta diventi grave, et la grave acuta, senza variatione
alcuna di movimenti. » in ZARLINO Gioseffo, « Delli Contrapunti doppij, et quello che siano. Capitolo 56 »,
Le istitutioni harmoniche, op. cit., troisième partie, p. 229.
277
Dans la péroraison du madrigal, Nel morir si diparte, Macque met en musique les mots
doppio dolore sentendo (en éprouvant une double douleur) par un contrappunto doppio,
dans lequel basso et canto échangent leur soggetto :
exemple musical 76: Nel morir si diparte (I.4, n. 8, brèves 33-36)
Le madrigalisme le plus abstrait et raffiné de l’ensemble des deux recueils est
probablement l’usage de contrepoint par mouvement contraire 492 pour l’intonation des
paradoxes et des oxymores, figure de rhétorique qui juxtapose des concepts opposés. Le
procédé – bien que n’étant pas uniquement réservé aux oxymores – réapparaît trop
souvent pour être le fruit d’un simple hasard 493 (notamment dans le Secondo libro a
cinque, dont les textes poétiques, on l’a vu, se prêtent particulièrement bien à cette
subtilité stylistique) :
492
La locution mouvements contraires (movimenti contari) était déjà utilisée par les théoriciens du XVIe
siècle (voir notamment ZARLINO Gioseffo, « Che le parti della Cantilena debbeno procedere per movimenti
contrarij. Capitolo 35 », Le Istitutioni harmoniche, op. cit., troisième partie, p. 184).
493
Voir aussi l’exorde de Dolci sdegni e dolci ire (II.5, n. 6) et l’intonation des vers in un pietosa e cruda
(II.5, n. 1, brèves 26-28) et l’amaro dolce e la pena diletto (II.5, n. 7, brèves 34-36).
278
exemple musical 77: Così soave è ’l foco (II.5, n. 16, brèves 1-2)
Così soave è il foco
Le feu est si doux
exemple musical 78 : Ben poté fede a pieno (II.5, n. 15, brèves 21-23)
per cui si vive in altri
pour qui l’on vit dans les autres
279
On mesure l’abîme qui sépare les oxymores gésualdiennes – qui s’expriment de manière
essentiellement sensitive et plongent l’auditeur dans une atmosphère ambiguë 494 – de ces
jeux de correspondances musico-poétiques, qui procurent des satisfactions bien plus
intellectuelles qu’émotionnelles.
Syntaxe et musique
Introduction
L’expression musicale du contenu sémantique du texte poétique est sans aucun doute l’un
des aspects les plus significatifs de la poétique du madrigal italien. Cependant, Macque,
comme beaucoup de ses contemporains, sait aussi se montrer sensible à d’autres
paramètres
littéraires,
et
notamment
à
certaines
tournures
logico-syntaxiques
caractéristiques du courant pétrarquiste.
Le madrigaliste s’attache tout particulièrement à trouver des correspondants musicaux aux
variations du rythme poétique et de la progression syntaxique engendrées par ce que le
critique littéraire Dàmaso Alonso a défini par le terme pluralité 495 .
Rappelons brièvement en quoi consiste ce procédé littéraire éminemment pétrarquiste 496 ,
qui se propagea dans toute la poésie européenne du XVIe et XVIIe siècle. La pluralité
consiste en une accumulation de mots ou syntagmes ayant une fonction syntaxique
équivalente au sein de la phrase.
Les pluralités sont souvent disposées de manière équilibrée et symétrique au sein du vers,
comme dans l’exemple suivant :
494
À ce propos, voir notamment WALKINS Glenn, Gesualdo. The Man and His Music, op. cit., p. 164.
ALONSO Dàmaso, Pluralità e correlazione in poesia, Bari, Adriatica, 1971.
496
« Le jeu entre les pluralités .. et l’expression monomembre est presque le moyen normal et habituel de
l’expression de la pensée poétique de Pétrarque, est peut-être la caractéristique la plus constante de son
style », (« Il giuoco fra le pluralità … e l’espressione monomembre è quasi il mezzo normale e abituale
del pensiero poetico del Petrarca, è forse la caratteristica più costante del suo stile. », in ALONSO Dàmaso,
« La poesia del Petrarca e il pertrarchismo », Saggio di metodi e limiti stilistici, Bologna, Il Mulino, 1965,
p. 311.
495
280
Dolci sdegni – e dolci ire 497
Doux dédains – et douces colères
Alonso parle alors de vers plurimembres parfaits498 – le plus souvent bimembres mais
aussi trimembres, quadrimembres, etc. Les pluralités peuvent aussi se répartir de manière
asymétrique, notamment lorsque le vers n’est pas rempli entièrement par la pluralité,
comme dans l’exemple suivant :
tanto son dolci e nodo – e foco – e strale
tant sont doux les noeuds, – le feu – et les
flèches 499
(Alonso parle alors de vers plurimembres imparfaits500 ).
Pour Alonso, l’une des fonctions essentielles de la pluralité est de varier le rythme
syntaxique de la phrase 501 , l’absence de pluralité procurant une sensation de fluidité, et
leur présence créant des ruptures dans le déroulement du discours, qui résulte alors moins
continu, car brisé en de petites unités qui ralentissent le débit 502 . Alonso insiste sur le
mouvement balancé et équilibré que procure l’expression bimembre chez Pétrarque 503 .
497
Ce madrigal du Secondo libro a cinque de Macque (n. 6) fait référence au premier vers du sonnet CCV de
Pétrarque, qui commence par une pluralité de sept membres : Dolci ire, dolci sdegni e dolci paci,/dolce mal,
dolce affanno e dolce peso/dolce parlar e dolcemente inteso/ or di dolce ora,/or pien di dolci faci.
498
Voir ALONSO Dàmaso, « La poesia del Petrarca e il petrarchismo », op. cit., p. 307-308.
499
I.4, n. 9, dernier vers.
500
Alonso admet que la distinction entre plurimembres parfaits et imparfaits est difficile à définir (voir « La
poesia del Petrarca e il petrarchismo », op. cit., p. 308).
501
À propos de l’usage des pluralités chez Cervantès, Alonso remarque : « Peu ou rien n’est gagné en
pittoresque, et très peu (et seulement quelques fois) au niveau conceptuel. … Ce sont en réalité les
nécessités rythmiques de la prose de Cervantès (repos, gravité, équilibre) qui poussent à une constante
bimembration. » (« Poco o niente si guadagna così nel pittoresco, molto poco (e solamente a volte) nel
concettuale. … Sono, in realtà, necessità ritmiche sentite dalla prosa cervantina (riposo, gravità,
equilibrio) quelle che la portano a una costante bimembrazione. », in ALONSO Dàmaso, Pluralità e
correlazione in poesia, op. cit., p. 17).
502
« Le sonnet de Pétrarque, en général, est caractérisé par une très forte tendance à la pluralité et à la
plurimembration. Celle-ci donne la sensation d’un cours d’eau divisé constamment en plusieurs bras, parfois
deux, parfois trois, et même plus. Le cours d’eau retourne presque toujours se reposer dans la division
binaire ; d’autres fois, il court uni dans un seul lit. » (« Il sonetto del Petrarca, in genere, è caratterizzato da
un’enorme tendenza alle pluralità e alle plurimembrazioni dell’endecasillabo. Dà la stessa sensazione di un
corso d’acqua diviso costantemente in bracci, a volte due, a volte tre, e anche più. Il corso torna poi quasi
sempre a riposarsi nella divisione binaria ; altre volte scorre unito in un solo alveo. », in ALONSO Dàmaso,
« La poesia del Petrarca e il petrarchismo », op. cit., p. 316-317).
503
« Les profondes nécessités esthétiques qui cherchaient une forme dans l’esprit de Pétrarque, tendaient à
s’exprimer, à se modeler, selon un système équilibré par un mouvement binaire, qui jaillit, pourrait-on dire,
d’une bimembration de la pensée poétique. » (« Le profonde necessità estetiche che cercavano una forma
nello spirito del Petrarca miravano ad esprimersi, a modellarsi, secondo un sistema equilibrato da un
281
Rythme poétique et répartition du vers
Cet aspect particulièrement rythmique de la poésie pétrarquiste trouve son équivalent dans
les intonations de Macque, dont les textes font très souvent appel aux pluralités. Même s’il
est difficile de généraliser – les madrigalistes opérant rarement de manière systématique –,
les ruptures syntaxiques générées par les pluralités se traduisent très souvent par un
fractionnement du vers en autant de parties qu’il y a d’entités dans la pluralité,
contrairement aux vers monomembres, qui sont plus souvent musiqués en un bloc. La
pluralité semble faire partie des principales raisons qui poussent le compositeur à déroger
à la règle de la correspondance « phrase musicale = vers ». Il ne s’agit évidemment pas
d’une règle absolue, mais d’une tendance assez nette pour mériter d’être signalée 504 . En
effet, plus de 70% des vers parfaitement bimembres des deux recueils sont sectionnés aux
frontières des conposantes de la pluralité, contre environ 30% des vers monomembres.
(Lorsque Macque sectionne un vers monomembre, c’est souvent pour en isoler un mot-clé
(amor, ahimè, perché, etc.) ou bien pour privilégier la syntaxe de la phrase au détriment de
la métrique en cas d’enjambement 505 ).
Ci-dessous sont reportés trois exemples de texte respectant parfaitement la correspondance
vers bimembre parfait => deux unités musicales, vers monomembres => une seule unité
musicale.
Le premier texte s’ouvre et se conclut par deux vers parfaitement bimembres, dont
l’intonation musicale isole les membres de la pluralité. (Chaque unité musicale est
soulignée, les pluralités musicales sont indiquées en caractères gras.)
Dolci sdegni
e dolci ire,
Doux dédains
et douces colères,
movimento binario, che sorge, potremmo dire, da una bimembrazione del pensiero poetico, in ALONSO
Dàmaso, « La poesia del Petrarca e il petrarchismo », op. cit., p. 316).
504
Certains madrigaux ne fonctionnent en effet pas du tout selon ce principe. Voir en particulier Le Ninfe del
mar d’Adria, dont la majorité des vers sont découpés en deux parties sans la présence de pluralités (le
rythme ample des hendécasyllabes ne correspondait probablement pas à l’atmosphère recherchée par
Macque dans la pièce).
505
Sur la mise en valeur des mots-clés par un découpage du vers, voir supra, p. 247. Pour des exemples
d’enjambements, voir particulièrement l’intonation des vers suivants : lo spietato costume/penso (II.5, n. 1),
perché tu rivolgessi/fisso (II.5, n. 11), Ben pote fede a pieno/farvi et ma com’in me senza di lui ha loco/la
vita (II.5, n. 15), di sé la migliore parte/lassa (II.5, n. 19) et né può dal vostr’amor/distormi (II.5, n. 20).
282
nés d’une douce erreur,
nate da un dolce errore,
cessez désormais de pénétrer mon coeur
cessate omai di penetrarmi il core
et de me martyriser,
e di darmi martire!
que je redevienne celui que j’ai toujours
été,
Ch’io son qual esser soglio,
tel une tour dans les vents
qual torre ai venti
e qual
et tel un
rocher dans les
all’onde scoglio!
vagues.
Le texte suivant, presque entièrement construit sur une pensée binaire réunifiée dans le
dernier distique, se présente comme une succession de pluralités reliées entre elles par ce
qu’Alonso a définit corrélation 506 . Macque ne divise en deux que les vers parfaitement
bimembres (nous verrons par la suite qu’il existe d’autres moyens pour exprimer les
pluralités de plus petite taille).
Così soave è ’l foco
e dolce il
Si suave est le feu, et si doux le nœud
nodo
avec lequel tu m’incendies, Amour,
con che m’incendi, Amor,
con che
avec
lequel tu me
mi leghi,
lies,
ch’arso e preso mi godo,
qu’ardent et emprisonné je jouis
né cercherò giamai s’estingua o
et ne chercherai jamais à l’éteindre ou le
506
La corrélation est définie par Alonso comme une suite de pluralités dont les membres sont reliés entre
eux par un même lien logico-syntaxique (dans le madrigal Così soave è ’l foco, il s’agit d’une double
corrélation qui met en parallèle la description et les effets du feu et du nœud sur l’amant). Nous ne nous
attarderons pas sur la corrélation, car celle-ci n’a pas de vraies implications musicales dans les madrigaux
étudiés ici (voir ALONSO Dàmaso, « Teoria della correlazione », Pluralità e correlazione in poesia, op. cit.,
p. 117-280).
283
sleghi,
dénouer,
anzi, desio che sempre
au contraire, je désire que toujours
si strugga il cor in sì soavi tempre.
mon cœur se détruise dans un étau si suave.
Le dernier poème ne contient aucune pluralité. L’intonation de Macque respecte alors
parfaitement l’équivalence vers=unité musicale 507 .
Crudel, se m’uccidete,
Cruelle, si nous me tuez
pur voi stessa offendete,
vous vous blessez vous-même,
ch’in mezzo del mio core
car au milieu de mon cœur
vi scolpì viva Amore,
Amour vous a gravée toute vive
tal che voi non potrete
de telle sorte que vous ne puissiez
ferirmi con begli occhi,
me blesser de vos beaux yeux
che parte de la piaga a voi
sans qu’une partie de la plaie ne vous touche
non tocchi.
vous-même.
Ma se tanto crudel esser vi
Mais s’il vous plaît d’être si cruelle
piace,
ne faites alors usage que de votre visage
adoperate almen solo la face,
car je serai content de mourir par le feu
che contento sarò morir di
afin que vous restiez embrasée encore un peu.
foco,
perch’ancor
507
voi
restiate
Pour un autre exemple de texte entièrement monomembre, voir Quando Madonna il gardo (II.5, n. 9).
284
accesa un poco.
Les moyens mis en œuvre pour diviser les différentes parties de la pluralité sont variables.
Ils vont de la séparation en blocs plus ou moins imperméables au moyen de cadences bien
définies et/ou de contraste de tessiture 508 , à la juxtaposition de techniques contrapuntiques
différentes 509 , en passant par la simple scission du vers en deux soggetti combinés 510 . Ces
différents procédés peuvent bien évidemment se combiner, comme dans l’intonation de ce
vers bimembre, « che l’arde a un tempo – e fa divenir gielo » (« qui l’embrase – tout en le
transformant en glace ») :
exemple musical 79 : Nel morir si diparte (I.4, n. 8, brèves 22-28)
Cet extrait illustre aussi un autre aspect important de la mise en musique des pluralités. En
effet, Macque ne s’attache pas seulement à respecter le rythme poétique résultant de
l’utilisation de vers plurimembres, mais il cherche généralement aussi à exprimer le lien
sémantique qui unit leurs différents composants.
508
Voir par exemple l’intonation du vers Sua dolce forza e suo santo costume (I.4, n. 12).
Voir par exemple l’exorde de Così soave è ’l foco e dolce il nodo (II.5, n. 16).
510
La plupart des vers bimembres des textes précédents sont traités de cette manière (voir par exemple
l’intonation de l’exorde et de la péroraison de Dolci sdegni e dolce ire (II.5, n. 6).
509
285
Contraste et identité
Envisagé sous un angle sémantique, le principe de la pluralité est d’accumuler des
concepts qui ont à la fois un dénominateur commun et un élément qui les distingue 511 .
Chaque membre de la pluralité est en quelque sorte une variation conceptuelle sur un
thème, généralement celui des danni d’amore 512 . La variation peut être minime si les
concepts sont apparentés, voire nulle en cas de synonyme, mais aussi, topos bien connu de
la poésie pétrarquiste, en opposition brutale.
Dans l’exemple précédent, Macque met très clairement l’accent sur le contraste entre les
deux membres de la pluralité, exprimant l’opposition du couple arde/fa divenir gielo par
l’utilisation de techniques radicalement opposées (imitation/homophonie ; rapidité des
vocalises/lenteur de la déclamation ; diatonisme/chromatisme). Cette tendance à accentuer
de manière très marquée les oppositions du texte poétique – et pas uniquement dans le
cadre de pluralités – se renforcera de plus en plus chez la dernière génération de
madrigalistes, Macque compris 513 .
Dans les deux recueils qui nous intéressent ici, l’expression des contrastes encore reste
relativement mesurée 514 . Macque s’intéresse plutôt à exprimer la relation d’identité qui
s’établit entre les différentes parties des pluralités. Le procédé généralement utilisé
consiste à répéter un même motif, celui-ci pouvant être mélodique et/ou rythmique, et/ou
harmonique :
exemple musical 80 : pluralité mélodique, Ben poté fede a pieno (II.5, n. 15, brèves 22
et 26)
per cui si vive in altri – e ’n sé si more
pour qui l’on vit dans les autres – et l’on meurt
en soi-même
511
Voir ALONSO Dàmaso, « La poesia del Petrarca e il petrarchismo », op. cit., p. 307.
Sur les danni d’amore, voir ALONSO Dàmaso, « La poesia del Petrarca e il petrarchismo », op. cit.,
p. 335-342.
513
À ce propos, voir BIANCONI Lorenzo, Il Seicento, op. cit., p. 7-9.
514
Pour un autre exemple d’opposition marquée entre deux membres d’une pluralité voir l’exorde de I’
piansi, or canto, ché ’l celeste lume (I.4, n. 12) et aussi dans une certaine mesure l’intonation du vers Non
lauro o palma, ma tranquilla oliva (I.4, n. 13), voir infra, exemple musical 82, p. 287.
512
286
exemple musical 81 : pluralité rythmique, A l’ultimo bisogno (I.4, n. 5, brèves 4-6)
accampa ogni tuo ingegno – ogni tua forza tout ton talent aligne – et puis tout ton pouvoir
exemple musical 82 : pluralité harmonique, Sì profondo era e di sì larga vena (I.4, n.
13, brèves 11-15)
non lauro, – o palma, – ma tranquilla olive
non laurier – ou palme, – mais pacifique
olive
Le caractère anaphorique de certaines pluralités s’adapte particulièrement bien à ce genre
de procédés 515 :
exemple musical 83 : Dolci sdegni e dolci ire (II.5, n. 6, brèves 27-30)
515
Pour une analyse des anaphores musicales du Quinto libro de madrigali a cinque voci de Monteverdi,
voir notamment FABBRI Paolo, Monteverdi, op. cit., p. 84-85.
287
qual torre ai venti – e qual a l’onde scoglio
tel une tour dans les vents – et tel un rocher
dans les vagues.
exemple musical 84 : Così soave è ’l foco (II.5, n. 16, brèves 7-9)
con che m’incendi Amor, – con che mi leghi
avec qui tu m’incendies, Amour, –
avec qui tu me lies,
Le morcellement du vers n’est cependant pas obligatoire pour produire l’effet recherché,
la répétition pouvant s’opérer à l’intérieur même du soggetto :
exemple musical 85 : Nel morir si diparte (I.4, n. 8, brèves 12-16)
Gran dolor, – pena grave
Grande douleur, – peine grave
La répétition d’un même motif à l’intérieur du soggetto, procédé plus discret que la
division du vers, est souvent préférée pour les vers bimembres imparfaits et
asymétriques 516 :
exemple musical 86 : Così soave è ’l foco (II.5, n. 16, brèves 13-14)
516
Voir aussi l’intonation des vers gran tempo e senza speme, i’ pasco il core (II.5, n. 6), fra le perle e i
rubini (II.5, n. 8) et né cercherò giamai s’estingua o sleghi (II.5, n. 16).
288
ch’arso – e preso mi godo
qu’ardent – et emprisonné je jouis
Dans un cas, la pluralité est même tout simplement exprimée par le retour continuel sur la
même hauteur de la ligne mélodique, et ceci dans toutes les voix (sauf une fois à la
basse) :
289
exemple musical 87 : Quel dolce nodo che mi strinse il core (I.4, n. 9, brèves 27-32)
onde mi lega Amor, – arde – et assale
avec lesquels Amour me lie, – m’enflamme –
et m’assaille
Le caractère obsessionnel de la ligne mélodique correspond particulièrement bien à cette
description accumulative des danni d’amore.
Contrairement aux deux livres de Madrigaletti et napolitane, qui conjuguait légèreté de
ton et simplicité des rapports texte-musique, les deux premiers recueils napolitains de
Macque ne renoncent en rien aux subtilités et au raffinement de la rhétorique
madrigalesque. Le compositeur réalise au contraire ici un véritable travail d’orfèvre,
récupérant et renouvelant l’attirail de figures hérité des générations de madrigalistes (et
motettistes) précédentes. Si l’on en croit Ruth DeFord, qui considère que dans les deux
premiers recueils romains de Macque, « la musique n’a généralement que peu de rapport
290
avec le texte » et que leur auteur « n’a presque aucun souci d’exprimer le contenu
émotionnel du texte en musique » 517 , cette attention au texte poétique serait relativement
nouvelle dans la production du madrigaliste. Ces observations méritent cependant sans
doute d’être relativisées car beaucoup des procédés utilisés dans les deux premiers livres
napolitains de Macque étaient déjà présents dans ses recueils romains des années 1570.
S’il est vrai que le compositeur peut avoir, on l’a vu, une attitude extrêmement abstraite
par rapport au texte poétique, et ne pas toujours exprimer les concepts poétiques de
manière « émotionnelle », l’attention au texte est, elle, bien réelle et s’attache à en
retranscrire tant le niveau sémantique que syntaxique et logique.
Les deux premiers recueils napolitains de Macque adhèrent par bien des aspects à la
légèreté du style hybride qui caractérise une grande partie de la production madrigalesque
des années 1580 : choix poétiques très centrés sur les petits madrigaux épigrammatiques,
importance croissante des techniques homophones, utilisation de soggetti caractérisés par
leur vivacité rythmique et leurs contours bien ciselés, recours aux schémas rythmiques
stéréotypés de canzonetta, clarté harmonique, intonations parsemées de topoi du madrigal
léger, jeux symboliques entre la musique et le mot poussés à l’extrême, etc.
Tout en démontrant une préférence très nette pour cette légèreté de ton et cette simplicité
de facture, Macque ne s’enferma cependant pas dans un style unique et continua, comme
beaucoup de ses contemporains, à cultiver aussi d’autres types d’écritures, liées à
l’intonation plus exigeante des rimes du Canzoniere, ou bien à la recherche d’un langage
plus expressif et plus sombre.
Pour Keith Larson, qui ne connaissait cependant que le Secondo libro a cinque sous une
forme incomplète :
517
« The music usually has little relationship to the text », « Macque … has virtually no interest in
expressing the emotional content of his texts in music », in DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the
Madrigal in Rome, op. cit., p. 178-179.
291
« Macque combina dans le Secondo libro a cinque pour la première fois dans l’histoire
du madrigal napolitain, et avec maestria, beaucoup d’aspects caractéristiques de ce qui
deviendra par la suite la tradition centrale du madrigal post-gésualdien » 518 .
Cette combinaison d’éléments nouveaux aux madrigalistes napolitains, fait de
légèreté matinée ponctuellement de passages plus tendus harmoniquement, doit sans doute
beaucoup au passé romain du compositeur, à l’émulation qui semble avoir existé entre lui
et Marenzio – figure majeure et incontournable du madrigal de cette période – à ses
relations apparemment assez proches avec Giovannelli et les autres musiciens de la
Compagnia dei musici di Roma, qui surent cueillir avant leurs collègues parthénopéens les
transformations du langage madrigalesque. La musique de Macque démontre clairement
que celui-ci avait un regard très large sur le madrigal, englobant non seulement la
production de ses connaissances romaines Marenzio et Giovannelli, mais aussi celle de
Lassus, de Gabrieli et même du grand maître sicilien Vinci et probablement de bien
d’autres. Macque, comme tous les grands noms du madrigal, sut se montrer extrêmement
sensible aux moindres sursauts stylistiques de ce genre mouvant par excellence, résultant
de l’inventivité constante des compositeurs et de l’évolution du goût de leurs
commanditaires et de leur public.
Même si une conception trop cloisonnée des vies musicales locales ne reflète certainement
pas fidèlement la réalité, il est possible que Naples ait été plus isolée que la ville
pontificale dans les années 1580, au moins en matière de musique profane. Les
observations de Keith Larson incitent même, de manière peut-être un peu simpliste, à
envisager l’arrivée de Macque à Naples comme un élément d’ouverture dans le panorama
musical parthénopéen, « important » à Naples ces « inventions procurant un nouveau
plaisir » (« invenzione di nuovo diletto ») dont parle Giustiniani à propos de la musique de
Marenzio et Giovannelli 519 , et assumant peu à peu le rôle de chef de file et de capo scuola
qu’on lui a souvent prêté.
518
« Macque combined for the first time in the Neapolitan madrigal, and in a masterful way, most of the
features of what would later become the central stylistic tradition of the post-Gesualdo madrigal », in
LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 396.
519
Voir supra, p. 25.
292
293
T ROISIEME PARTIE – I L TERZO LIBRO DE
MADRIGALI A CINQUE VOCI
L’ ARTIFICIOSA ARIOSITA
(1597) OU
520
… procurava con ogni sforzo et industria
fare elezione di fughe, che, se ben rendevano
difficoltà nel componerle, fossero ariose o
riuscissero dolci e correnti a segno …
… il s’ingéniait avec tous ses efforts et tout
son art à choisir des fugues qui, bien que
difficiles à composer, soient ariose et
résultent douces et fluides …
Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica de’
suoi tempi
Naples et Ferrare dans les années 1590
De la Santissima Annunziata à la chapelle royale
Après la publication de trois recueils en quatre ans pendant ses premières années
napolitaines, Macque marqua une longue pause avant la parution de son Terzo libro de
madrigali a cinque voci en 1597, pendant laquelle sa production madrigalesque se résuma
à quelques participations à des anthologies 521 . La seule publication de Macque pendant
cette période est son premier et unique livre de motet, imprimé quelques mois avant la
520
Je remercie le Professeur Massimo Privitera de m’avoir suggéré cette élégante expression.
Ces contributions se limitent cependant généralement à des rééditions d’anciennes pièces – notamment
dans les anthologies anversoises – et, on y reviendra, à des canzonette spirituelles. Sa participation à Il
trionfo di Dori (Venezia, Gardano, 1592), Vaghe Ninfe selvagge, est le seul madrigal inédit de ces
anthologies.
521
294
parution du Terzo libro 522 . Mis à part ces motets, nous n’avons la trace d’aucun autre
imprimé du compositeur entre 1589 et 1597, même si la numérotation des recueils à quatre
voix passe directement du premier livre (1586) au troisième (1610), ce qui signifie qu’un
second livre à quatre voix fut probablement publié entre ces deux dates523 .
Pendant les années qui séparèrent la publication du Secondo libro de madrigali a sei voci
de celle du Terzo libro de madrigali a cinque voci, la carrière napolitaine du madrigaliste
prit un tournant décisif.
Dans sa lettre du 7 avril 1589, Macque confessait à son ami Norimberghi se trouver dans
un « labyrinthe » face aux possibilités qui se présentaient à lui : rester à Naples, partir en
Sicile ou revenir à Rome. Macque, « très irrésolu quant à la manière de finir le cours de
sa vie », faisait allusion d’une part à l’éventualité de devenir maître de chapelle du viceroi de Sicile, et donc de se transférer à Palerme 524 , d’autre part à un poste d’organiste à
522
MACQUE Giovanni de, Johannis Macque, Valentinatis Belgae, Motectorum quinque, sex, et octo vocum,
Liber primus, Mutium, Roma, 1596.
523
Plusieurs éléments peuvent expliquer ce silence de huit ans. La relation du compositeur avec Giovenale
Ancina qui, selon une anecdote sur laquelle nous reviendrons, ne voyait pas d’un très bon œil le contenu
frivole des poésies choisies par Macque peut sans doute expliquer ce silence (voir infra, p. 307). Plusieurs
grands noms du madrigal cessèrent de publier pendant quelques années à cette période. Pour Anthony
Newcomb, cela pourrait être le fait d’une réflexion profonde sur le langage musical, qui amena aux
changements stylistiques radicaux des dernières années du Cinquencento : « La question de la réponse à ces
enjeux la seconda pratica fut apparemment problématique pour tous les compositeurs concernés puisque
chacun d’entre eux, en temps normal relativement prolifique, cessa presque de publier pendant plusieurs
années. Luzzaschi publia seulement une poignée de pièces individuelles entre 1582 et 1594. Marenzio, qui
avait publié plus d’une douzaine de livres au début des années 1580, n’en publia qu’un seul entre 1588 et
1594 ; Monteverdi, qui était le plus jeune des trois, était légèrement décalé par rapport à ses aînés : il publia
ses trois premiers livres en 1587-1592, pour s’arrêter ensuite pendant plus de dix ans. Chacun d’entre eux,
lorsqu’il recommença à publier, composa d’une manière tout à fait différente, en utilisant des harmonies plus
osées, plus de dissonances, plus de contrastes rythmiques et d’intervalles mélodiques inhabituels. » (« The
problem of how to respond to this summons was apparently troublesome for all the composers involved, for
each of them, normally quite prolific, virtually stopped publishing for several years. Luzzaschi published
only a handful of individual pieces between 1582 and 1594; Marenzio, who had published over a dozen
books in the first years of the 1580s, published only one between 1588 and 1594; Monteverdi, who was
much the youngest of the three, went through the cycle somewhat later, publishing his first three books in
1587–92, then stopping for over ten years. Each man, when he began to publish again, composed in a
markedly different style, using bolder harmonies, a higher level of dissonance, and more rhythmic contrast
and unusual melodic intervals …. », in NEWCOMB Anthony, « Madrigal, §II, 11: Italy: 16th century: The
1590s:
the
rise
of
the
‘seconda
pratica’ », Grove Music Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.4007
5.2.11, page consultée le 5 juin 2007). En ce qui concerne Macque on notera aussi plus prosaïquement que
ce moment de silence correspond à une période très intense de la carrière du compositeur, pendant laquelle
celui-ci n’eut peut-être tout simplement pas le temps de s’occuper de la publication d’un autre recueil.
524
Le poste de maestro de la Cappella Palatina de la cathédrale de Palerme sera assigné à Sebastian Raval
en 1595.
295
Saint Jean de Latran, qui lui aurait permis de retrouver les musici di Roma et enfin à un
mariage avec une jeune Napolitaine, qui l’aurait définitivement fixé à Naples. Maque opta
apparemment pour la troisième solution puisqu’il contracta un mariage avec la Napolitaine
Isabella Tonto le 4 avril 1592, union dont naîtront au moins quatre enfants 525 . Il est
significatif que les parties intéressées aient jugé nécessaire de préciser dans l’acte de
mariage que Macque aurait dû verser la somme de mille ducats au cas où il décidait de
laisser Naples sans le consentement de son épouse, clause en effet prudente étant donné la
mobilité du compositeur jusqu’alors 526 .
Connaissant l’issue heureuse du labyrinthe dans lequel se trouvait Macque, nous pouvons
considérer aujourd’hui que son choix fut tout à fait judicieux. Macque fut en effet
successivement nommé second organiste à la Santissima Annunziata en mai 1590 527 puis,
en septembre 1594, organiste à la chapelle du vice-roi de Naples 528 , institution dont il
deviendra le maître de chapelle en décembre 1599 529 . En l’espace de quelques années, la
525
Ulisse Prota-Giurleo a retrouvé dans les archives de Naples les actes de baptême de Pietro Philippo et
Maria Macque (datant respectivement de juillet 1603 et de juin 1605) ainsi que le contrat de mariage de
Giovanna Macque datant de mai 1617. Voir PROTA-GIURLEO Ulisse, « Notizie sul musicista belga Jean
Macque, maestro della real cappella di palazzo in Napoli », op. cit., p. 345-346. De plus, il est question
d’une autre fille de Macque, Anna Antonia, dans une anecdote miraculeuse de la vie de Giovenale Ancina
narrée par Carlo Lombardo (voir LOMBARDO Carlo, Della vita di Giovenale Ancina, libro V, Naples,
Gaffaro, 1656, p. 119). Voir infra, p. 312.
526
« Il a été convenu expressément entre les parties que le Seigneur Giovanni ne pourra en aucun cas
emmener vivre hors de Naples la demoiselle Isabelle, sa future femme, contre sa volonté et hors et sans son
consentement écrit, sans quoi, s’il violait le pacte, c’est-à-dire si la demoiselle Isabella ne voulait pas s’en
aller, et que le Seigneur Giovanni partait de cette ville de Naples pour aller habiter hors de Naples contre la
volonté de la Mademoiselle Isabella, dans ce cas, il sera tenu, comme il le promet et à partir de maintenant y
est obligé, de payer une peine statim et incontinenti de mille ducats à Isabelle, car il en a été convenu ainsi
entre les parties. » (« Item è stato espressamente convenuto tra dette parti, che esso Sigore Giovanni in nullo
modo possa portare fora Napoli per abitazione detta Sigora Isabella, sua futura moglie, contra la sua
volontà e consenso in scriptis, altramente, contravenendo al patto o vero non volendoci andare detta Sigora
Isabella, si partesse esso Sigore Giovanni da questa Città di Napoli, et andasse ad abitare fora Napoli,
contro la volontà di detta Sigora Isabella, in tal caso sia tenuto, come promette e da mo s’obbliga, pagare
de pena statim et incontinenti ducati mille a detta Isabella, perchè così è stato convenuto tra dette parti
… », Archivio Notar. Napoli – Nr. Luigi Giordano, Vol. Capit. Matrim. Fol 711, cité in PROTA-GIURLEO
Ulisse, « Notizie sul musicista belga Jean Macque, maestro della real cappella di palazzo in Napoli »,
op. cit., p. 340-341)
527
La Santissima Annunziata venant de se pourvoir d’un deuxième orgue, elle engagea Macque en tant que
second organiste le 9 mai 1590 (voir PROTA-GIURLEO Ulisse, « Notizie sul musicista belga Jean Macque,
maestro della real cappella di palazzo in Napoli », op. cit., p. 340 et 344).
528
L’organiste espagnol Christobal Obregon démissionna de ce poste pour des raisons de santé et Macque
fut proposé comme second organiste de la chapelle du vice-roi le 11 septembre 1594 et se licencia de la
Santissima Annunziata le premier décembre 1594 (voir PROTA-GIURLEO Ulisse, « Notizie sul musicista
belga Jean Macque, maestro della real cappella di palazzo in Napoli », op. cit., p. 341 et 346).
529
Bartolomeo Roy, maître de chapelle du vice-roi et ancien collègue de la Compagnia dei musici di Roma
étant décédé le 2 février 1599, Macque fut nommé à sa place le 12 décembre 1599.
296
carrière de Macque connut donc une ascension tout à fait remarquable, qui le fit passer de
l’état de musicien de cour à celui de maître de chapelle du vice-roi de Naples 530 , sans
aucun doute l’un des postes les plus prestigieux de la ville et peut-être même de toute
l’Italie méridionale 531 .
Le compositeur, désormais fortement ancré dans le tissu social et musical parthénopéen,
exerça apparemment une certaine influence sur les jeunes musiciens de la ville, influence
dont il est cependant délicat de mesurer la portée réelle. Il est en effet difficile de
déterminer avec précision qui furent réellement les élèves de Macque car seuls deux
d’entre eux se déclarent ouvertement disciples du Franco-flamand : Donato Antonio
Spano 532 et Luigi Rossi 533 . La tradition a aussi rangé parmi les disciples de Macque
certains musiciens qui travaillèrent sous sa direction à la Santissima Annunziata et/ou à la
chapelle du vice-roi, ou bien qui prirent sa succession dans ces deux grandes institutions
musicales napolitaines : Giovanni Maria Trabaci, Ascanio Maione, Francesco Lambardi et
Andrea Falconieri, auxquels fut ajouté parfois aussi le nom de Giovanni Domenico
Montella 534 .
530
Les vice-rois napolitains que servirent Macque furent Juan de Zuñica, comte de Miranda (1586-1595),
Don Enrique de Gusman, comte d’Olivares (1595-1599), Don Ferrante Ruiz de Castro, comte de Lemos
(1599-1603), Don Juan Alfonso Pimental d’Herrera, comte de Benavente (1603-1610) et Don Pedro
Fernante de Castro, comte de Lemos (1610-1616).
531
Cette ascension sociale fut aussi accompagnée d’une sensible amélioration financière : le compositeur vit
en effet son salaire tripler en treize ans. Les dix ducats mensuels de ses débuts à la Santissima Annunziata en
devinrent douze en 1591, puis seize lorsque le compositeur se transféra à la chapelle du vice-roi, dix-neuf en
1598, vingt-six à sa nomination comme maître de chapelle, pour finir à trente ducats en 1603. Ces précisions
sur le salaire de Macque sont dues encore une fois aux recherches minutieuses de Ulisse Prota-Giurleo.
532
Dans la page de titre de ses Madrigaletti ariosi et villanelle a quattro voci (Napoli, Sottile, 1607), Spano
se déclare disciple de Macque et précise que ces pièces furent composées sous la tutelle du compositeur. Ce
recueil fait probablement écho aux deux livres de Madrigaletti et napolitane de son maître. Sur Spano, voir
LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 626-631.
533
Dans la première page du manuscrit 30491 de Canzone francese de la British Library, il est en effet
question de Macque en ces termes : « Giovanni de Macque qui fut le maître de l’infortuné Luigi Rossi »
(« Gioanni Demaqque/ Che fù maestro di Luigi Rossi sfortunato »).
534
Il semble que cette tradition remonte aux recherches de Ulisse Prota-Giurleo sur la vie musicale
napolitaine. Celui-ci ne cite malheureusement pas les sources qui lui permirent d’arriver à ces conclusions.
Voir, outre l’article déjà cité « Notizie sul musicista belga Jean Macque, maestro della real cappella di
palazzo in Napoli », op. cit., p. 342, PROTA-GIURLEO Ulisse, « La musica a Napoli nel Seicento », Samnium,
I/4, 1928, p. 67-90 et du même auteur, « Giovanni Maria Trabaci e gli organisti della real cappella di palazzo
di Napoli », L’Organo, 1960, p. 185-195. Cette lignée fut ensuite reprise par Alfred Einstein (The Italian
Madrigal, op. cit., p. 697), Susanne Clerx-Lejeune (« Jean de Macque et l’évolution du madrigalisme à la fin
du XVIe siècle », op. cit., p. 77), puis par Shindle dans son PhD et dans l’article du New Grove consacré à
Macque. Keith Larson, en revanche, ne mentionne pas ces informations dans son PhD.
297
Même s’il n’existe aucun document prouvant de manière irréfutable le statut de maestro
dont jouissait Macque auprès de ces nombreux musiciens napolitains, il est tout à fait
vraisemblable que celui-ci joua un rôle important dans l’apprentissage de certains
chanteurs ou instrumentistes qui travaillèrent sous sa direction, notamment lorsqu’il prit la
peine de recommander leur candidature auprès du vice-roi comme ce fut le cas pour
Lambardi 535 et Maione 536 . Trabaci et Maione, après avoir travaillé tous deux pour la
Santissima Annunziata 537 , devinrent respectivement premier et second organiste de la
chapelle du vice-roi à partir de 1601-1602 (alors que Macque était maître de chapelle) et
développèrent une écriture pour clavier tout à fait proche de celle de Macque, ce qui laisse
présumer de l’importance du rôle du Franco-flamand dans leur formation 538 . Les liens de
Giovanni Domenico Montella et Macque sont moins documentés. Celui-ci devint membre
de la chapelle du vice-roi en 1591, d’abord en tant que luthiste et par la suite comme
organiste. Montella fut un madrigaliste extrêmement prolixe 539 , peut-être stimulé par la
personnalité de Macque comme l’ont suggéré certains musicologues 540 . Fonder
l’hypothèse d’un rapport maître-disciple entre ces deux compositeurs sur la base d’une
certaine similitude entre leur écriture madrigalesque me semble cependant un peu
hasardeux étant donné la circulation extrêmement fluide des techniques d’écriture de ce
535
Macque recommanda la candidature de Francesco Lambardi auprès du vice-roi en ces termes : « Il est
l’un des meilleurs éléments de la Chapelle Royale, très habile et adroit tout particulièrement au monocorde »
(« E uno dei migliori soggetti che siano nella Real Cappella, molto habile e destro specialmente nel
monocordo », cité in PROTA-GIURLEO Ulisse, « Giovanni Maria Trabaci e gli organisti della real cappella di
palazzo di Napoli », op. cit. p. 193). Au début des années 1590, Macque était aussi en contact avec le père de
Francesco Lambardi, Camillo. Ce dernier déclare en effet dans la dédicace de ses Responsorii della
settimana santa a due cori (Napoli, D’Ausilio, 1592) que Macque et Stella jouaient ses compositions
pendant le service liturgique de la Santissima Annuziata.
536
Voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 612. Larson ne cite
malheureusement pas la source de cette information.
537
Trabaci commença sa carrière comme ténor à la Santissima Annunziata (1594-1601) avant de rentrer à la
chapelle du vice-roi, dont il devint maître de chapelle à la mort de Macque. Maione fut engagé comme
organiste à la Santissima Annunziata en 1593.
538
À ce propos, voir notamment NEWCOMB Anthony, « Frescobaldi’s Toccatas and their Stylistic
Ancestry », op. cit., p. 33 et du même auteur, « When the ‘style antico’ was young », Trasmissione e
recezione delle forme di cultura musicale: atti del XIV Congresso della Società internazionale di
musicologia, Torino, EDT, 1990, p. 175-81. Voir aussi WITZENMANN Wolfgang, « Rapporti fra la musica
strumentale di Trabaci e quella di Frescobaldi », La musica a Napoli durante il Seicento, op. cit., p. 237-251
et dans le même ouvrage FISCHER Klaus, « La posizione di Ascanio Mayone e di Giovanni Maria Trabaci
nello sviluppo del ricercare », p. 253-306.
539
Après ses deux premiers livres de 1594 et 1596, Montella publia pas moins de douze recueils entre 1602
et 1607.
540
Voir notamment SHINDLE Richard, CHOU Chih-Hsin « Montella, Giovanni Domenico », Grove Music
Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.19009, page consultée le 5
juin 2007.
298
genre à l’époque 541 . Quant à Andrea Falconieri, rien dans sa biographie ne permet à ma
connaissance de conclure qu’il ait pu suivre les enseignements de Macque 542 .
Le madrigal napolitain et la cour ferraraise
Macque était donc devenu une personnalité musicale d’une certaine stature lorsqu’il
dédicaça son Terzo libro de madrigali a cinque voci à Alfonso II d’Este le 15 janvier
1597. Il s’agit là du tout dernier recueil de madrigaux dédicacé au duc, qui mourut
quelques mois plus tard, le 27 octobre 1597. Même si cette dédicace est présentée par
Macque comme un acte spontané, ce nouveau livre de madrigaux répondit selon toute
vraisemblance à une commande du duc, qui finança très probablement l’impression. Le
recueil fut en effet édité par Baldini, l’imprimeur ducal, dont la production était réservée
au cercle limité des amateurs de musique de la cour de Ferrare et ne poursuivait
apparemment aucun but commercial 543 . L’édition, relativement luxueuse, large et lisible,
541
Les avis sont partagés sur la question des rapports entre Macque et Montella. Pour Paolo Emilio
Carapezza, « le grand maestro de tous, Giovanni de Macque et son élève Gian Domenico Montella » (« il
grande maestro di tutti, Giovanni de Macque, e il suo allievo Gian Domenico Montella ») constituent le
noyau dur du madrigal napolitain, la source de toutes les expériences compositionnelles de Gesualdo et
Nenna, « le couple principal, central, les classiques par excellence du madrigal napolitain, … le Haydn et
le Mozart de la fin de la Renaissance napolitaine » (« la coppia principale, centrale, … i classici per
antonomasia del madrigale napoletano … lo Haydn e il Mozart del tardo Rinascimento napoletano », in
CARAPEZZA Paolo Emilio, « ‘Quel frutto stramaturo e succoso’: il madrigale napoletano del primo
Seicento », op. cit., p. 21-22). Pour Larson, Macque ne figure pas parmi les auteurs qui auraient pu
influencer Montella dans son écriture madrigalesque. Pour lui, « Dentice et Gesualdo furent les sources
principales des idées de Montella » (« Dentice and Gesualdo were Montella’s most frequent sources for
ideas »), même si « son style musical se développa dans une direction opposée au leur : loin de la
complexité contrapuntique et vers une texture plus accordale » (« his musical style developed in a direction
the opposite of their: away from contrapuntal complexity and toward more chordal texture »), in LARSON
Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 582 et 592).
542
Falconieri quitta en effet Naples relativement jeune et passa toute la première partie de sa vie en Italie
septentrionale. Il retourna à Naples lorsqu’il fut nommé maître de chapelle du vice-roi, à la mort de Trabaci
Timms,
« Falconieri,
Andrea »,
Grove
Music
Online
en
1647
(voir
COLIN
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.09258, page consultée le 6 juillet
2007).
543
« Bien qu’aucune documentation sur les arrangements économiques concernant ces imprimés n’ait
survécu, ceux-ci semblent avoir été une petite activité éditoriale mise en place avec les évènements qui
accompagnèrent les visites de Gesualdo à la cour ferraraise. J’ai émis l’hypothèse que ces premières éditions
aient été distribuées de façon quasi privée à quelques personnes particulièrement favorisées, comme une
démonstration des brillantes activités qui se déroulaient à l’intérieur des frontières de la cour de Ferrare.
Quelles qu’en soient les raisons, les parties conservées de cette première série de publication sont rares »
(« Although no documentations has survived as to the economic arrangements surrounding these prints, they
seem to have been small press runs put out as part of the activities surrounding the visits of Gesualdo to the
Ferrarese court. I have surmised that these first editions were distributed almost privately to the specially
favored, as a demonstration of the brilliant musical activity of taking place within the confines of the
299
sans atteindre le niveau de raffinement des anthologies Il lauro secco et Il lauro verde
publiées par Baldini en 1582-1583, contraste avec le format économique des imprimeurs
vénitiens auquel Macque avait fait appel jusqu’alors. Comme beaucoup d’imprimés de la
collection de la famille d’Este, l’exemplaire du duc, conservé à la Biblioteca estense de
Modène, fut en outre recouvert d’une pellicule dorée, revêtu de parchemin et fermé avec
un ruban de soie, tout comme le précise l’inventaire de la bibliothèque ducale, réalisé en
1625 par Matteo Bidelli 544 .
Cet inventaire fait aussi état de la présence du tout premier recueil de Macque, Il primo
libro de madrigali a sei voci de 1576 dans la bibliothèque du duc, ce qui témoigne d’un
certain intérêt de la part d’Alfonso II ou de ses chanteuses pour la musique de notre
compositeur, et ceci dès le début de sa carrière. Cet intérêt se manifeste en outre par la
présence de Macque dans les deux anthologies en l’honneur de Laura Peverara, la perle
musicale de la cour, Il lauro secco (1582) et Il lauro verde (1583).
Macque n’était donc pas un inconnu à la cour de Ferrare, et ceci avant même que les liens
politiques et artistiques entre Naples et la famille d’Este n’aient été renforcés par le
mariage de Carlo Gesualdo et de Leonora d’Este, la petite nièce d’Alfonso II, le 21 février
1594.
Il n’existe aucun document témoignant de la présence de Macque au côté de Gesualdo lors
du séjour ferrarais occasionné par ses noces et il est d’ailleurs tout à fait improbable que le
compositeur ait participé à cette expédition. Tout d’abord, car Macque ne faisait plus
partie de l’entourage du prince lorsque celui-ci entreprit son voyage en 1593 ; ses
obligations à la Santissima Annunziata étaient en outre certainement incompatibles avec
un séjour de plusieurs mois en dehors du royaume des Deux-Siciles et, de plus, la période
Ferrarese court. Whatever the reason, surviving part books from this first series of publications are rare. »,
in introduction d’Anthony Newcomb à FONTANELLI Alfonso, Primo libro di madrigali a cinque, éd.
Anthony Newcomb, Madison, A-R, 1999, p. xi. Complete madrigals, vol. 1/Recent researches in the music
of the Renaissance, vol. 119. Voir aussi l’introduction du même auteur à LUZZASCHI Luzzasco, Il quarto
libro de' madrigali a cinque voci (Ferrara, 1594) and madrigals published only in anthologies, 1583-1604,
op. cit., p. x. Complete unaccompanied madrigals, vol. 2/ Recent researches in the music of the
Renaissance, vol. 139.Voir aussi, toujours du même auteur, The Madrigal at Ferrare, op. cit., p. 114.
544
Nota dei libri di musica, che si sono trovati nell’Armario grande posto nella camera ove stanno gli
Instromenti Musicali di S. A. S. che havea in custodia il già D. Nicolò in Canonica, e consegnati di
commissione dell’A. S. a D. Matteo Bidelli il dì 24 Ottobre 1626 (Archivio di Stato di Modena, Archivio per
materia, Musica e Musicisti, Busta 4a). Pour une description des inventaires de la bibliothèque ducale, voir
NEWCOMB Anthony, The Madrigal at Ferrara, op. cit., p. 213-250.
300
1594-1596 correspond exactement à sa nomination et à ses débuts à la chapelle du viceroi. On notera aussi que Macque venait de s’engager auprès de son épouse à ne pas résider
en dehors de Naples et, même si ce voyage à Ferrare ne violait pas précisément les termes
du contrat de mariage, il est possible qu’il n’aurait pas été approuvé in scriptis par Isabella
Tonto.
Le Terzo libro est à replacer dans le contexte des fructueux échanges musicaux entre
Naples et Ferrare qui accompagnèrent les noces et le séjour ferrarais du prince. D’une part,
le recueil se rattache au nouvel intérêt du duc pour la musique parthénopéenne,
probablement déclenché par cette union. En plus du Terzo libro de Macque, Alfonso II fut
en effet dédicataire du Primo libro de madrigali de Scipione Dentice (Napoli, Cancer,
1591) 545 , du Primo libro de madrigali a cinque voci de Bartolomeo Roy (Roma, Coattini,
1591) 546 et du Motectorum liber primus de Scipione Stella publié par Baldini en 1595547 .
D’autre part, le recueil de Macque conclut la célèbre série de recueils de madrigaux du
triumvirat napolitano-ferrarais Gesualdo-Luzzaschi-Fontanelli, sortie des presses de
Baldini entre 1594 et 1597 548 .
Du fait de sa dédicace, de son lieu de composition et de la date tardive de sa publication,
le recueil de Macque occupe une place tout à fait particulière au sein de cette série
d’imprimés. Tout d’abord, il s’agit du seul recueil dédicacé au duc d’Este, ce qui incite à
penser que ce dernier fut peut-être plus impliqué dans la genèse de ce livre que dans celle
des autres volumes, pour lesquels, comme le suggère Anthony Newcomb, le duc assuma
peut-être un rôle plus auxiliaire 549 . En outre, s’il est vrai que les imprimés de Baldini
545
DENTICE Scipione, Il primo libro de madrigali a cinque voci, Napoli, Cancer, 1591. Dentice était un
gentilhomme de la noblesse napolitaine.
546
Roy précéda Macque au poste de maître de chapelle du vice-roi de Naples. Cette dédicace est cependant
ambiguë car elle est signée par le romain Paulo Quartieri, qui s’occupa aussi de recueillir les pièces.
Bartolomeo Roy semble avoir été relativement peu impliqué dans l’élaboration de l’imprimé (un extrait de la
dédicace est fourni in VOGEL Emil, EINSTEIN Alfred, LESURE François, SARTORI Claudio, Bibliografia della
musica italiana vocale profana, op. cit., vol. 2, p. 947)
547
Stella était organiste à la Santissima Anunziata. Ce recueil de motets, publié après l’arrivée de Gesualdo à
la cour de Ferrare, semble avoir été projeté avant même le départ de Naples du prince. À ce propos, voir
NEWCOMB Anthony, « Carlo Gesualdo and a Musical Correspondance of 1594 », op. cit., p. 415.
548
Rappelons que les presses ducales avaient cessé leurs activités musicales depuis 1586 lorsqu’elles
publièrent coup sur coup ces neuf recueils de madrigaux en quatre ans. Le Terzo libro a cinque de Macque
constitue le dernier opus de la série. Sur ces imprimés, voir NEWCOMB Anthony, The Madrigal at Ferrara,
op. cit., p. 113-143.
549
Ibid., p. 114. Tous les recueils de Gesualdo (publiés sans nom d’auteur) et le quatrième livre de
Luzzaschi furent dédicacés à Carlo Gesualdo. Luzzaschi dédicaça ses cinquième et sixième livres
301
furent le résultat d’une émulation artistique nourrie d’intenses discussions entre Luzzaschi,
Gesualdo et Fontanelli, qui portèrent aux premières manifestations de la seconda pratica,
Macque resta inévitablement très isolé de cette compétition musicale, se trouvant
physiquement à Naples. On notera en outre que Macque ne bénéficiait pas de l’auréole de
noblesse dont jouissait Gesualdo, mais aussi Fontanelli, qui portait le titre de comte de
Reggio, et même indirectement Luzzaschi, qui représentait musicalement le duc de
Ferrare 550 .
Macque fait référence au très haut niveau musical de la cour d’Alfonso II dans sa lettre de
dédicace, et l’on peut être tenté d’y lire une allusion aux récents imprimés de Baldini :
Al
Serenissimo
Signor
e
Au Sérénissime Seigneur, mon
maître très respecté, le Seigneur Duc
patron mio Colendissimo
de Ferrare, etc.
Il Signor Duca di Ferrara,
ecc.
Alors que, poussé par mes
amis, je pense mettre au jour mon
Mentre
per
la
violenza
fattami da miei amici, penso à
metter’ in luce questo mio Terzo
Libro de Madrigali, conosco, che la
bassezza dell’Opera ricerca appunto
l’Altezza
di
qualche
grande
Principe, sotto la cui ombra, e
troisième livre de madrigaux, je sais
que la bassesse de l’œuvre recherche
justement la grandeur de quelque
grand prince, sous l’ombre et la
protection
duquel
elle
puisse
acquérir un peu de cet honneur dont
elle est indigne par elle-même. Ayant
respectivement à la duchesse Margherita et à Lucrezia d’Este. Le recueil de Fontenelli, publié lui aussi
anonymement, ne porte pas de dédicace.
550
Le soin avec lequel Fontanelli met en valeur le nom de Luzzaschi dans sa correspondance avec le duc ne
laisse que peu de doute quant à la valeur symbolique du musicien auprès d’Alfonso II. On notera en outre
que Scipione Dentice, qui dédicaça un recueil au duc de Ferrare en 1591 et un autre en 1598 à sa nièce
Leonora d’Este, la femme de Gesualdo, faisaient lui aussi partie de la noblesse puisque sa famille était
inscrite au seggio de Capuana. Sur la généalogie de Scipione Dentice, voir LARSON Keith, The
Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit. p. 557-558 et plus précisément DENTICE Luigi, Storia di Casa
Dentice, Roma, Tip. del Senato, 1934. Le même élitisme social sévissait apparemment à Naples dans
l’entourage de Gesualdo où la compétition madrigalesque ne pouvait apparemment s’exprimer que dans une
relative homogénéité de classe. À ce propos, voir POMPILIO Angelo, « Vita, opere e fortuna di Pomponio
Nenna », op. cit., p. 13.
302
protettione possa acquistar alcuna
donc choisi entre tous votre Altesse,
parte di quell’honore del qual per se
dont l’amour particulier pour la
stessa è indegna; Onde havendo
musique démontre clairement la
scelto fra tutti l’Altezza vostra, nella
douce harmonie que, dans votre âme,
quale il particolare diletto della
produisent les nombreuses et insignes
Musica dimostra apertamente la
vertus qui règnent en celle-ci, je viens
dolce armonia, che nell’animo suo
vous dédicacer, et vous présenter
fanno le molte e eccelse virtù, che
avec une grande humilité ce fruit de
regnano in esso. Vengo à dedicarle, e
ma grossière intelligence, car c’est
presentarle con tanta humiltà questo
votre bienveillance qui me l’a fait
frutto del mio rozzo ingegno, quantà
oser,
è la sua benignità, che me ci hà fatto
qu’avec vos très nobles oreilles, vous
ardito,
non
l’honoriez plus que de le faire
ch’elle
con
pretendendo
le
sue
però,
nobilissime
sans
prétendre
comparaître
entre
cependant
les
choses
orecchie lo facci degno di maggior
exceptionnelles
honore, che di comparir tra le cose
l’habitude d’entendre quelquefois,
elettissime,
volta
mais juste pour vous rendre encore
godere, solo per rendere tanto più
plus goûteuse l’excellence de celle-ci.
gustosa
De
che
suole
tal
all’Altezza
vostra
ceci,
je
que
vous
vous
supplie
avez
avec
l’eccelenza di quelle: Di ciò la
révérence, et comme un serviteur
supplico riverentemente, e come suo
minime, mais très dévoué, je prie
minimo, ma devotissimo servitore:
Dieu pour votre longue félicité.
prego Dio per lunga felicità.
De Naples, le 15 janvier 1597
Di Napoli à’ 15 di Genaro
De Votre Altesse Sérénissime,
1597
Di
Vostra
Serenissima,
Altezza
Le serviteur dévoué
Giovanni de Macque
Devotissimo Servitore
Giovanni de Macque
303
Quelles raisons amenèrent le duc à commissionner ce recueil, et à faire rentrer Macque
dans le cercle très fermé des madrigalistes publiés par Baldini ? La question reste
évidemment ouverte, mais l’on peut formuler quelques hypothèses.
Plusieurs personnes sont susceptibles d’avoir joué un rôle dans la naissance de cet
imprimé et d’avoir recommandé Macque auprès du duc Alfonso. Gesualdo, en premier
lieu, qui gardait peut-être une certaine estime pour celui qui fut vraisemblablement son
professeur et vécut plusieurs années à ses côtés ; Fontanelli qui, dans son enquête sur la
musique napolitaine lors de son séjour parthénopéen, ne put passer à côté de l’une des
principales personnalités musicales de la ville, même s’il n’en reste absolument aucune
trace dans sa correspondance 551 . Luzzaschi enfin, probablement informé de la réputation
de ce collègue organiste 552 qui cultivait un style relativement proche du sien dans ses
ricercari 553 .
Pour compléter ce tableau, signalons encore deux autres personnalités qui purent être, de
près ou de loin, impliquées dans le réseau napolitano-ferrarais de Macque. Deux
protecteurs du compositeur étaient en contact avec la vie musicale de la cour de Ferrare.
On a déjà évoqué la figure de Cesare d’Avalos, le dédicataire du Secondo libro de
madrigali a cinque, qui recommanda apparemment Scipione Dentice auprès du duc de
Ferrare pour la dédicace de son Primo libro de madrigali a cinque de 1591. Le duc de
Traetto, qui connaissait personnellement Macque puisque ce dernier évoque une journée
musicale passée à ses côtés dans sa correspondance, et qui fut le commanditaire manuscrit
du Add. 30491 de Canzone francese de la British Library, fut peut-être un autre
intermédiaire entre Macque et la cour de Ferrare. Le duc de Traetto était en effet aux côtés
551
Dans sa description de la vie musicale napolitaine pour le duc de Ferrare, Fontanelli ne se concentra
manifestement que sur la musique de cour (voir NEWCOMB Anthony, « Carlo Gesualdo and a Musical
Correspondance of 1594 », op. cit.).
552
Macque jouissait d’une certaine réputation comme organiste à la fin de sa vie. Celle-ci perdura
apparemment après sa mort, puisqu’en 1640, Pietro della Valle le cite parmi les « très grands hommes de
valeur » (« grandissimi valentuomini ») au côté de Luzzaschi, Andrea et Giovanni Gabrieli, dans le passage
dédié à la musique instrumentale de son discours Della musica dell’età nostra che non è punto inferiore,
anzi è migliore di quella dell’età passata (voir SOLERTI Angelo, Le origini del melodramma, op. cit, p. 157).
553
Macque semble aussi avoir eu une certaine influence sur Frescobaldi, qui fut l’élève de Luzzaschi. À ce
propos, voir NEWCOMB Anthony, « Frescobaldi’s Toccatas and their Stylistic Ancestry », op. cit.
304
de Gesualdo lors de son voyage et fut, semble-t-il, relativement impliqué dans les
évènements de la vie musicale ferraraise 554 .
Macque et l’Oratorio napolitain
Si l’intensification des relations artistiques entre la cour ferraraise et la vie musicale
napolitaine fut sans aucun doute le moteur principal de la publication du Terzo libro de
madrigali a cinque voci de Macque, un autre facteur joua probablement un rôle important
dans l’élaboration d’une partie du livre.
Dans le Terzo libro, Macque inclut pour la première fois quelques pièces spirituelles à un
recueil de madrigaux, inaugurant ainsi une pratique qui perdura jusqu’à son dernier livre,
quoique dans des proportions moindres 555 . Les madrigaux spirituels occupent en effet une
place relativement conséquente dans l’imprimé (six numéros en tout, deux compositions
en deux parties, et deux en une partie).
Sous l’influence de la Contre-Réforme, intégrer un ou plusieurs madrigaux spirituels à un
recueil de musique profane était devenu une habitude tout à fait courante, et il se peut que
Macque n’ait fait que suivre la tendance générale. Il est cependant difficile de ne pas faire
le lien entre la présence de ces pièces dans le Terzo libro et les relations très étroites que le
compositeur avait tissé avec la congrégation napolitaine de l’Oratorio de Filippo Neri à
partir de la fin des années 1580.
L’Oratorio napolitain fut fondé en 1586, peu après l’arrivée de Macque, par deux
membres de la congrégation romaine, Francesco Maria Tarugi et Antonio Talpa, comme
554
Le 21 Novembre 1593, le duc de Ferrare écrit personnellement au violiste Orazio Bassano, detto Orazio
della Viola da Cento, pour l’appeler à Ferrare afin de le faire jouer devant le duc de Mantoue et le duc de
Traietta : « Très cher, l’illustrissime duc de Mantoue qui se trouve ici avec nous, comme le fait aussi le duc
de Traietta, montre un grand désir de vous entendre, et nous a demandé de vous faire venir. » (« Dilettissimo
Nostro, L’Illustrissimo Duca di Mantova il quale si trova quì con noi siccome fa anche il Duca di Traietta
mostra molto desiderio di sentirvi, et ci ha richiesto che vi facciamo venire », in NEWCOMB Anthoy, The
Madrigal at Ferrara, op. cit., p.195).
555
Par la suite Macque, consacrera systématiquement les deux dernières pages de ses recueils à des
madrigaux spirituels. Signalons en outre l’intonation de O gran stupor/o grave errore dans le Sesto libro de
madrigali a cinque voci de 1613, extrait de la Rappresentazione di Anima et di Corpo d’Agostino Manni,
mis en musique par Emilio Cavalieri (Roma, Mutii, 1600).
305
une antenne de la maison-mère fondée à Rome par Filippo Neri 556 . Macque contribua aux
améliorations successives de l’Oratorio en prêtant deux cents ducats pour la réalisation du
largo, la place adjacente à l’église, en 1598 557 . En octobre 1586, quelques mois après la
création de la congrégation napolitaine, celle-ci accueillit un autre père oratorien mandé de
Rome par Filippo Neri, Giovenale Ancina, qui semble avoir joué un rôle important dans la
vie spirituelle de Macque.
Giovenale Ancina 558 (1545-1604), qui resta à Naples jusqu’en automne 1596, était
fortement marqué par les idées de Filippo Neri sur le renouvellement du culte catholique
et, en fervent défenseur de la Contre-Réforme, il eut un rôle actif dans la diffusion de la
poésie sacrée et de la musique spirituelle. Sa réalisation la plus marquante est l’anthologie
Il tempio armonico della beatissima vergine (Roma, Mutii, 1599), à laquelle Macque
participa 559 .
Macque, qui était très certainement en contact avec les oratoriens dès le début des années
1580 560 , se rapprocha sensiblement de la communauté par l’intermédiaire de Giovenale
556
Pour une chronologie de la fondation des divers Oratorios, voir GASBARRI Carlo, L’Oratorio romano dal
Cinquecento al Novecento, Roma, Arti Grafiche D’Urso, 1963, p. 203-205. Sur la création de l’Oratorio
napolitains, voir BORRELLI Mario, Le costitutioni dell’Oratorio napoletano, Napoli, Congregazione
dell’Oratorio, 1968. Sur les rapports entre les congrégations romaines et napolitaines, voir MORELLI
Arnaldo, « L’Oratorio dei Filippini : Rapporti tra Roma e Napoli », La musica a Napoli durante il Seicento,
op. cit, p. 456.
557
Voir BORRELLI Mario, Il largo dei Girolamini, Napoli, D’Agostino, 1962, p. 81-82, cité in MORELLI
Arnaldo, « L’Oratorio dei Filippini : Rapporti tra Roma e Napoli », La musica a Napoli durante il Seicento,
op. cit, p. 457.
558
Giovenale Ancina naquit le 19 octobre 1545 dans la région de Cuneo. Il venait d’une famille
aristocratique, et étudia la médecine, la philosophie et la rhétorique et probablement aussi la musique à
Montpellier puis à Padoue et à Turin. Il se rendit à Rome en novembre 1574, où il rencontra deux ans plus
tard Filippo Neri, qui exerça une influence considérable sur ses idées. Ancina rentra le premier octobre 1580
dans la Congrégation de l’Oratorio et fut ordonné prêtre en 1582. Après son séjour napolitain, il retourna à
Rome en 1596, puis se rendit dans le nord de l’Italie. Deux ans avant sa mort en 1604, il fut nommé évêque
de Saluzzo. Giovenale Ancina fut béatifié en 1890. Sur Giovenale Ancina, voir DAMILANO Piero, Giovenale
Ancina, musicista filippino (1545–1604), Firenze, Olschki, 1956 ; MORELLI Arnaldo, « L'Oratorio dei
Filippini: rapporti tra Roma e Napoli », La musica a Napoli durante il Seicento, op. cit., p. 455–63 et dans le
même volume ROSTIROLLA Giancarlo, « Aspetti di vita musicale religiosa nella chiesa e negli Oratori dei
padri Filippini e Gesuiti di Napoli a cavaliere tra Cinque e Seicento », in La musica a Napoli durante il
Seicento, op. cit., p. 643–704.
559
Ce recueil est constitué de laudes à trois voix, récoltées par Ancina entre 1575 et 1599. La pièce de
Macque s’intitule In te la vita nasce.
560
Il est en effet tout à fait probable que Macque, comme beaucoup de musiciens romains, avait déjà
commencé à fréquenter les oratoriens lorsqu’il se trouvait à Rome. Quelques pièces de Macque faisaient
partie du répertoire des oratoriens romains et figurent dans le Secondo libro delle laudi, anthologie publiée
1583 (Roma, Gardano, rééditée en 1589 dans le Libro delle laudi spirituali) ainsi que dans le manuscrit Z.
122-130 de la Bibliothèque Vallicella de Rome (voir MORELLI Arnaldo, « Il tempio armonico: Musica
306
Ancina. Selon Carlo Lombardo, qui publia en 1656 une biographie du père oratorien,
Macque était son pénitent, ce qui dut en effet créer une certaine intimité entre les deux
hommes 561 .
Les relations entre le compositeur et Giovenale Ancina furent assez étroites pour que le
nom de Macque apparaisse à plusieurs reprises dans l’ouvrage de Carlo Lombardo. Dans
une première anecdote, citée dans divers travaux sur Ancina et sur les Oratoriens
napolitains 562 , l’auteur fait référence aux nombreux musiciens qu’Ancina fréquenta et
remit sur le droit chemin et, après avoir évoqué la conversion d’une jeune chanteuse
napolitaine (Giovanna Sanchez), celui-ci relate un épisode tout à fait pittoresque mettant
en scène le « célèbre compositeur flamand, appelé Giovanni Macque, qui fut ensuite
maître de la chapelle royale de Naples » (« il celebre compositore chiamato Giovanni
Macque Fiammingo che fù poi maestro della Regal Cappella di Napoli » :
Macque essendo penitente di
Giovenale
ricevè
di
fresco
dalla
Macque, qui était pénitent de
Giovenale, avait reçu depuis peu des
stampa di Vinegia due mute da se
presses
composti : del che datone avviso al
composés par lui. Ayant avisé le père
Padre [Ancina], se le fece egli subito
Ancina,
portar tutte in camera. Li vide il
immédiatement
zelante
e
chambre. Ce défenseur zélé de la pureté
trovatele imbrattate da parole poco
les vit, et les ayant trouvés souillés de
honeste,
paroles peu honnêtes, qui sans aucun
difensore
e
della
senz’altro
Purità,
havrebbero
vénitiennes
celui-ci
deux
se
apporter
recueils
les
fit
dans
sa
nell'Oratorio dei Filippini in Roma (1575–1705) », op. cit. p. 67-68). De plus, le compositeur collabora avec
la Confraternità della Santissima Trinità dei Pellegrini, fondée en 1548 par Filippo Neri, pour laquelle il
écrivit un certain nombre de motets polychorals (pour plus de détails, voir O’REGAN Noel, Institutional
Patronage in Post-Tridentine Rome: Music at Santissima Trinità dei Pelegrini, 1580–1650, London, Royal
Musical Association, 1995, particulièrement p. 40 et 69-71).
561
LOMBARDO Carlo, Della vita di Giovenale Ancina da Fossano della congregatione dell’Oratorio, e poi
vescovo di Saluzzo descritta dal padre Carlo Lombrado della medesima congregazione, Napoli, Gaffaro,
1656. Les liens de Macque avec le milieu oratorien sont loin d’être un cas particulier. Scipione Dentice est
un autre exemple de compositeur en contact avec les pères de l’Oratorio. Celui-ci faisait partie de la liste des
bienfaiteurs de la congrégation et publia deux recueils de madrigaux spirituels en 1629 et 1640 (voir
MORELLI Arnaldo, « L'Oratorio dei Filippini: rapporti tra Roma e Napoli », op. cit., p. 458).
562
Notamment par DAMILANO Piero, « Giovanni Giovenale Ancina ed il suo contributo allo sviluppo della
lauda Filippina cinquecentesca », Rivista musicale italiana, LIV, 1952, p. 9-10. Voir aussi MORELLI
Arnaldo, « L’Oratorio dei Filippini: rapporti tra Roma e Napoli » in La musica a Napoli durante il Seicento,
op. cit., p. 457. Suzanne Clerx fait également référence à cet épisode dans son article sur Macque (« Jean de
Macque et l’évolution du madrigalisme », op. cit., p. 74.)
307
apportato
pregiuditio
alla
purità
doute auraient porté préjudice à la
dell’incauta gioventù ; mosso dallo
pureté de la jeunesse imprudente, mû
spirito di Dio, prese le forbici e
par l’esprit de Dieu, prit les ciseaux et
tagliolle tutte in minuti pezzi ; poi
les
chiamatosi Giovanni in sua camera, in
morceaux. Puis il rappela Giovanni
vece di lodare le compositioni, come
dans sa chambre, et au lieu de louer les
quegli credeva, gli mostrò il nuovo
compositions,
sacrificio, che di quelle haveva fatto al
l’attendait, il lui montra le nouveau
suo Signore. Restò il buon huomo a tal
sacrifice, qu’il avait fait à son Seigneur.
vista tutto arrossito e scornato, ma
À cette vue, le bon homme resta tout
entrando subito in sé medesimo e
rouge de confusion, mais, sachant avec
conoscendo con qual spirito fosse stato
quel esprit cela avait été fait par le
ciò fatto dal servo di Dio, rasserenata
serviteur de Dieu, une fois son esprit et
la mente, e’l volto, rese molte gratie al
son visage rassérénés, il remercia
suo padre, approvando quanto haveva
grandement le père, en approuvant ce
fatto, e promettendogli di non più
qu’il avait fait, et en lui promettant de
comporre
opere
ne plus composer d’œuvres avec de
parole,
come
con
puntualissimamente. 563
poi
simiglianti
esegui
découpa
telles
tous
paroles,
deux
comme
ce
en
celui-ci
qu’il
petits
s’y
respecta
d’ailleurs par la suite de manière très
stricte.
Même s’il est difficile de faire rentrer ce type d’anecdote dans un cadre historique précis,
ce récit se base sûrement sur un fonds de vérité. En effet, bien que la conclusion de Carlo
Lombardo soit évidemment erronée puisque Macque continua jusqu’à sa mort à publier
des madrigaux sur des textes aussi impudiques que ceux qu’il avait musiqués par le
passé 564 , force est de constater que la période napolitaine de Giovenale Ancina coïncide à
peu près avec la pause éditoriale de Macque, même si ce silence eut peut-être d’autres
motivations 565 . Les deux recueils évoqués par Carlo Lombardo pourraient parfaitement
563
LOMBARDO Carlo, Della vita di Giovenale Ancina, op. cit., p. 60.
Voir notamment certains textes du Terzo libro de madrigali a quattro voci de 1610, par exemple Vaga
Clori amorosa,/che di tanti diletti hai colmo il seno (Gracieuse Clori amoureuse/dont, parmi tous les
charmes, le plus beau est ton sein).
565
Voir supra, note 523.
564
308
correspondre au Primo libro a quattro et au Secondo a cinque qui, on l’a vu, furent
imprimés plus ou moins au même moment, et sortirent des presses vénitiennes en 15861587, soit à l’arrivée d’Ancina à Naples. On peut facilement conjecturer qu’un texte
comme Quel ben, ch’aura pietosa du Secondo libro a cinque, qui met en scène une partie
non précisée du corps de l’aimée découverte par une « brise charitable » devant les « yeux
avides » du poète 566 , n’ait pas trouvé grâce à ceux d’Ancina, comme d’ailleurs une bonne
partie des textes du recueil. On constate d’ailleurs que le Terzo libro a cinque est presque
purgé de ce type d’évocations érotiques extrêmement explicites, encore présentes dans le
recueil de 1589, et l’on peut se demander si Ancina, qui quitta Naples à l’automne de
l’année 1596, soit quelques mois avant l’impression du recueil, ne joua pas un rôle de
censeur dans les choix poétiques du compositeur.
Si les années 1589-1597 ne furent pas fastes en matière de musique profane, Macque
publia en revanche de nombreuses laudes spirituelles 567 à cette période, peut-être sous
l’impulsion de ses fréquentations oratoriennes (voir infra, table 36, p. 310). Le
madrigaliste participa en effet aux trois anthologies du graveur Verovio, les Canzonette
sprirituali a tre voci de 1591, Il devoto pianto della gloriosa Vergine de 1592 et les Laudi
della musica de 1595 puis au Tempio harmonico della beata vergine d’Ancina de 1599
(Roma, Mutii) et enfin en 1600 aux Nuove laudi ariose della Beatissima Vergine du
Romain Giovanni Arascione (Roma, Mutii) 568 . Rappelons aussi qu’en 1610, Simone
Molinaro publia quatre contrafacta spirituels de madrigaletti de Macque dans ses deux
recueils de Fatiche spirituali (Venezia, Amadino) 569 .
566
II.5, n. 5.
Les laudes spirituelles post-tridentines se diffusèrent sous l’impulsion de Filippo Neri à Rome, puis dans
le reste de l’Italie, parallèlement aux congrégations oratoriennes. Celles-ci étaient destinées à la dévotion
personnelle et collective dans le milieu oratorien, dans un contexte paraliturgique. Le but poursuivi était
d’impliquer plus efficacement le fidèle dans la prière (apparemment plus par l’écoute que par la pratique).
Les laudes déclinèrent à la fin du XVIe avec la naissance de l’oratorio en tant que genre musical. Sur les
laudes, voir notamment MORELLI Arnaldo, « Il tempio armonico: Musica nell'Oratorio dei Filippini in Roma
(1575–1705) », Analecta Musicologica, XXVII, 1991.
568
Giovanni Arascione était un ami de Giovenale Ancina. Il contribua, aux côtés de Filippo Neri, à la
diffusion des laudes post-tridentines dans la société romaine. Ses Nuove laudi ariose della Beatissima
Virgine scelte da diversi autori furent conçue comme la suite du Tempio armonico d’Ancina. Macque publia
quatre pièces dans cette anthologie : L’alto Fattor, che l’Univeso regge, S’io di te penso, Passato è il verno
et O donna gloriosa, mais à part la seconde, toutes sont des rééditions du Secondo libro delle laude de 1583
(voir infra, table 36, p. 310).
569
Voir supra, p. 144.
567
309
De plus, il est fort possible la congrégation oratorienne ait été impliquée directement dans
la publication de l’unique recueil de motet de Macque datant de 1596. Celui-ci est en effet
dédicacé à Francesco Maria Tarugi, l’un des fondateurs de l’Oratorio napolitain 570 , et fut
imprimé non par les presses vénitiennes auxquelles le compositeur faisait généralement
appel, ni par un imprimeur napolitain, mais fut confié à Mutii, éditeur romain proche des
oratoriens, qui publia entre autres le Tempio harmonico d’Ancina et les Nuove laudi
ariose d’Arascione 571 . D’autre part, le seul exemplaire de ces motets est conservé à
Biblioteca del Monumento nazionale dell’Oratorio dei Girolamini (bibliothèque des pères
hiéronymites de Naples), héritiers de la congrégation oratorienne de la ville 572 .
table 36 : publications spirituelles de Macque
Publications des pères oratoriens, Ancina, Arascione
Il
secondo
delle
Libro
libro
laudi,
Roma
delle
laudi
Tempio
spirituali
a
della
voci,
R
beatissima
Beatissima
Verovio,
Vergine,
Vergine,
Roma, Mutii,
Roma,
laudi
spirituali,
della
Roma,
Gardano
1589
1583
ariose
1591
Mutii,
1599
1600
570
Voir supra, p. 305.
Nicolà Mutii est aussi l’éditeur de la Rappresentatione di Anima et di Corpo d’Emilio de’ Cavalieri,
œuvre présentée pour la première fois à l’Oratorio de Santa Maria in Vallicella (rebaptisée par les oratorien
Chiesa Nuova) en 1600 et publiée la même année.
572
La congrégation des oratoriens de Naples, après une première période de dépendance envers la maisonmère romaine, rentra en conflit avec cette dernière. Dans les premières années du Seicento, les deux
congrégations se séparèrent définitivement. Par la suite, les oratoriens napolitains abandonnèrent le nom de
filippini au profit de l’adjectif girolamini (hiéronymites), terme qui fait référence à la toute première
communauté oratorienne créée par Filippo Neri à San Girolamo della Carità.
571
310
Canz
Nuove
armonico
Gardano
Publ
Di
te
la
x
vita nasce
Passato è
x
x
x
x
x
x
il verno
L'
alto
fattor
che
l'universo regge
S'io di te
x
penso
O
donna
x
x
x
gloriosa
O
dolce
x
rimembranza
Dolcissimo
x
amor mio
Fa
buon
Fa
ch’io
x
Gesù
rimanga esangue
Così
di
croce armato
Spesso
il
canto ad amare
E
sopra
gl'arbuscelli
E
i
travagliati amanti
Se dunque
il dolce canto
Vieni
311
Creator Spiritus
(Per
pianto
lo
mio
core)
O
mundi
lumina
(Mai non
vo’ pianger più)
Virgo
immaculata
(Non
veggio oggi il mio
Sole)
Audite me
(Preso son
io)
En me reportant à l’index de l’ouvrage de Lombardo, j’ai retrouvé deux autres anecdotes
concernant le compositeur. Celles-ci sont racontées avec une certaine verve par leur auteur
et n’ont, à ma connaissance, jamais été évoquées dans la littérature musicologique. Même
si ces deux extraits concernent moins directement le propos, ils témoignent cependant des
liens très étroits qui semblent avoir existé entre Macque et Giovenale Ancina, c’est
pourquoi je les cite ici dans leur intégralité :
Di alcune cose maravigliose
Des choses merveilleuse opérées
operate dal Signore per mezzo del
par le Seigneur au moyen de son
suo servo Giovenale, ancor vivente.
serviteur Giovenale. Chapitre II
Cap. II
312
Anna Antonia Macque, la fille
unique et très aimée de Giovanni
Si
ritrovava
in
Napoli
gravamente inferma Anna Antonia
Macque
figliuola
unica,
e
amatissima di Giovanni Macque
maestro della regal Cappella, e
figliuolo spirituale del servo di Dio,
più volte nominato di sopra. Era la
bambina di undici mesi, e non
havendo preso latte per due giorni,
nè giovandole i molti rimedij
applicati da valenti medici, era
ridotta all’estremo della vita ; e di
già il Padre, disperata la sua salute,
haveva fatto preparare la cassa da
morto, aspettando da hora in hora
il
suo
passaggio.
Piagneva
inconsolabilmente Isabella Tonto
sua
madre ;
venutagli
à
laonde
memoria
Giovanni,
il
suo
benedetto Padre giovenale, partissi
da casa, e andossene all’Oratorio, e
ritrovatolo pregollo colle lagrime à
gli occhi ad andar seco à casa, per
consolar’almeno l’afflitta Madre.
S’inviò tosto il servo di Dio, e
giunto in casa di Giovanni, in
veder la madre della moribonda
figliula
dirottamente
piagnere,
intenerito proruppe anch’egli à
573
Macque, maître de la chapelle royale
et fils spirituel du serviteur de Dieu,
déjà nommé plusieurs fois ci-dessus,
s’était retrouvée gravement malade à
Naples. L’enfant avait onze mois et
n’avait plus pris de lait depuis deux
jour ;
les
nombreux
remèdes
appliqués par des médecins habiles ne
lui ayant pas réussi, elle en était
réduite aux dernières extrémités de sa
vie. Et déjà son père, sa santé étant
dans une situation désespérée, avait
fait préparer le cercueil, en attendant
d’heure en heure son trépas. Sa mère
Isabella Tonto pleurait inconsolable.
C’est alors que Giovanni, son père
béni Giovenale lui étant venu à
l’esprit, partit de la maison et s’en alla
à l’Oratorio, et l’ayant retrouvé, il le
pria
les
larmes
aux
yeux
de
l’accompagner chez lui, pour consoler
au moins la mère affligée. Le serviteur
de Dieu se mit tout de suite en route, et
arrivé
chez
Giovanni,
et
voyant
pleurer abondamment la mère de la
petite fille moribonde, attendri, il
éclata lui aussi en sanglots. Mais il se
retourna vers Giovanni et lui dit :
« Allons prier à Santa Maria del
LOMBARDO Carlo, Della vita di Giovenale Ancina, op. cit., p. 119.
313
lagrimare. Ma rivoltosi à Giovanni,
Principio ».
andiamo, gli disse à fare oratione à
l’église, il ajouta : « Nous serons
Santa Maria del Principio ; e
écoutés. », ressentant peut-être dans
nell’entrar
della
Chiesa,
son for intérieur qu’il allait obtenir sa
soggiunse :
haveremo
buona
grâce. Ils firent ensemble une prière à
udienza, sentendosi forse inspirato
la vierge, et puis, se retournant vers le
nell’interno di dover ottenere la
père affligé, il lui dit : « Ne doute pas,
gratia.
Fecero
car ta fille ne mourra pas ». Il
oratione
alla
rivoltosi
all’afflitto
giuntamente
Vergine,
Et,
en
entrant
dans
e
poi
retourna ensuite avec Giovanni chez
Padre,
gli
lui et voyant l’enfant presque morte, il
disse : Non dubitare, che la figlia
dit avec une grande foi : « Elle ne
non morirà. Indi ritornò con
mourra pas ! ». Et c’est précisément ce
Giovanni à casa, e in veder la
qui se produisit, car, à peine Giovenale
bambina poco men che morta,
avait tourné le dos pour s’en retourner
disse con gran fede : non morirà.
à l’Oratorio, l’enfant étant un peu
E’ così appunto seguì ; poiche in
revenue à elle, elle commença à téter le
voltar le spalle Giovenale per
lait, et son état s’améliora tant qu’en
tornarsene all’Oratorio, rivenuta
quelques heures, elle ne souffrait plus
al quanto la figliula cominciò à
du tout, sans qu’aucun autre remède
succhiare il latte, e migliorò di
n’ait été appliqué. Plusieurs fois, la
modo, che fra poche hore fanò
même
affatto, senza che le fosse applicato
entendit raconter tout ceci par ses
altro rimedio ; Il che più volte
parents, qui souvent lui disaient : « Tu
l’istessa figliuola fatta poi grande
es vivante grâce au père Ancina. ».
enfant,
devenue
grande,
udì raccontare da’ suoi parenti,
che spesso le dicevano : tu sei viva
per il Padre Giovenale 573 .
Lombardo était apparemment bien informé des détails de la vie de Macque (qu’il
connaissait sans doute personnellement), puisqu’il cite le nom exact de sa femme, Isabella
Tonto, ainsi que celui du nouveau-né, Anna Antonia. Dans le récit suivant, l’auteur précise
même le nom du médecin que consultait le compositeur :
314
Nè fu di minor maraviglia
Et
cela
ne
fut
pas
moins
quello, che il benedetto Padre operò
merveilleux lorsque le père béni opéra
nella
dell’istesso
sur la propre personne du même
Giovanni Macque, due anni dopo la
Giovanni Macque, deux ans après avoir
salute
rendu la santé à sa fille. Giovanni avait
propria
persona
impretrata
alla
figliuola.
Haveva dunque Giovanni per lo spatio
donc
d’un’anno intiero patito sì eccessivo
souffert d’une extrême douleur dans
dolore in tutto il braccio destro, che
tout le bras droit. Après avoir appliqué
dopo molti rimedij applicativi, non
de nombreux remèdes, et ne sentant
sentendo
aucune
giovamento
alcuno,
gli
pendant
une
amélioration,
année
son
entière,
docteur
haveva detto apertamente Giovanni di
Giovanni
Vita suo medico, che tal dolore non
ouvertement qu’une telle douleur ne
poteva più guarirsi, e che però
pouvait se guérir, et que, pour cette
lasciasse di farvi altri medicamenti,
raison, il pouvait cesser de faire
poiche, à suo giuditio, il male era
d’autres traitements, car à son avis, le
incurabile. Stava per questo molto
mal était incurable. Le patient était
afflito il patiente ; ma ricordandosi un
pour cela très affligé mais, se souvenant
giorno
Giovenale
un jour des vertus de Giovenale,
sperimentata da lui nella persona di
expérimentées par lui sur la personne
sua figliuola, uscì di casa aggravato
de sa fille, il sortit de chez lui, un jour
molto dal dolore, dicendo : Anderò à
où la douleur s’était particulièrement
ritrovare
e
aggravée, en disant : « J’irai trouver le
raccomanderommi alle sue orationi.
père, et je me recommanderai à ses
Nell’entrar’in Chiesa esso s’incontra
prières. » En entrant dans l’église, il
con Giovenale, e tutto mesto gli
rencontra Giovenale, et tout triste, se
racconta
si
mit à lui raconter l’affliction dans
ritrovava per causa del suo dolore
laquelle il se trouvait à cause de cette
incurabile. Lo compatisce il servo di
douleur incurable. Le serviteur de Dieu
Dio, e tutto pietoso gli dice : dove
compatit et tout plein de pitié, il lui dit :
havete il dolore? Gli addita il luogo
« Où avez-vous mal ? » Giovanni lui
della
virtù
il
l’afflittione
di
Padre,
in
cui
di
Vita
lui
avait
dit
315
Giovanni, e egli colle sacre mani gli
indiqua l’endroit, et celui-ci, de ses
tocca tutto il braccio. Mirabile Dio ne’
mains sacrées, lui toucha tout le bras. Ô
servi suoi ; al tocco di Giovenale
Dieu admirable dans ses serviteurs ! À
svanisce in un’instante il dolore, senza
peine Giovenale l’avait-il touché, la
che mai più lo sentisse in tutto il resto
douleur s’évanouit en un instant, sans
di sua vita. Ritornossene dunque à
qu’il ne la ressente plus jamais pendant
casa
e
tout le reste de sa vie. S’en retournant
piagnendo per l’allegrezza, raccontò
donc chez lui parfaitement guéri, et
a’ suoi quanto gli era accaduto con
pleurant de joie, il raconta à sa famille
Giovenale,
il
ce qu’il lui était arrivé avec Giovenale,
per
et tous se mirent à remercier le
l’avvenire in maggior concetto di
seigneur Dieu, et tinrent par la suite
Santo, in cui per il passato l’havean
celui-ci pour un plus grand saint encore
tenuto 574 .
que ce qu’ils ne pensaient par le passé.
perfettamente
signor
guarito,
ringratiandone
Iddio,
e
tutti
tenendolo
Si l’on accorde quelque crédit aux détails délivrés par le récit de Lombardo, ces
événements se seraient déroulés deux ou trois ans après la naissance du premier enfant de
Macque (rappelons que celui-ci épousa Isabella Tonto en 1592) et avant le départ de
Giovenale Ancina en 1596, c’est-à-dire au moment où Macque devint organiste de la
chapelle du vice-roi. Encore une fois, on ne peut pas accuser ces lignes d’une totale
invraisemblance car il est tout à fait possible que Macque, organiste de métier, ait été
atteint d’une tendinite, mal assez fréquent chez les instrumentistes.
Etant donné les nombreuses évidences témoignant des rapports étroits que Macque
entretint avec la congrégation napolitaine, il paraît tout à fait envisageable que certains
madrigaux spirituels du Terzo libro a cinque voci aient pu être à l’origine créés pour
l’Oratorio napolitain, voire même interprétés entre ses murs. En effet, si le madrigal
spirituel a longtemps été envisagé comme le cousin du madrigal profane, composé et
interprété pour un même public de cours ou d’académies, on admet aujourd’hui qu’il ait
aussi pu être utilisé comme la version raffinée des laudes post-tridentines, destiné à un
574
Ibid., p. 119-120.
316
public oratorien (mais aussi jésuite) plus exigent musicalement 575 . On aura l’occasion de
voir que le contenu des textes poétiques renforce encore l’hypothèse d’une origine et/ou
d’une destination oratorienne d’une partie de ces pièces.
Choix poétiques : poésie pastorale et rimes
spirituelles
Les choix poétiques du Terzo libro de madrigali a cinque voci sont très clairement divisés
en deux genres bien distincts, distribués avec une certaine logique à l’intérieur du recueil.
Le premier type de textes, que l’on pourrait définir comme poésie pastorale, occupe les
deux premiers tiers du livre. À peu près la moitié d’entre eux sont des textes d’auteurs
(Battista Guarini, Filippo Alberti, Maffío Venier, Cristoforo Castelletti) et apparaissent
dans des sources imprimées datant d’avant la parution du Terzo libro. Les autres rimes
pastorales du recueil, peut-être composées pour l’occasion, sont anonymes et ne furent
musiquées que par Macque. Le recueil se conclut par une série de textes de caractère
spirituel ou moral, d’origine et de facture variées. Afin de respecter le classement modal,
l’un d’entre eux, La morte è fin d’una prigione oscura en mode 4 {mi/§/c1}, ne comparaît
pas à la fin du volume mais a été regroupé avec les autres madrigaux en mode de mi.
Textes pastoraux : sources et style
Même si aucun des textes de caractère pastoral n’a été attribué aux poètes ferrarais locaux
(Ridolfo Arlotti ou Annibale Pocaterra par exemple, qui intéressèrent Luzzaschi,
575
Je reprends ici la thèse défendue par David Nutter (voir NUTTER David, « On the Origins of the NorthItalian ‘Madrigale Spirituale’ », Trasmissione e recezione delle forme di cultura musicale: atti del XIV
Congresso della Società internazionale di musicologia, op. cit., p. 877–889 et particulièrement la note 3
p. 887). La musique spirituelle semble aussi être devenue une manière d’attirer les amateurs de musique
entre les murs de l’oratorio. Pietro della Valle confessera en effet dans son Della musica dell’età nostra de
1640, avoir choisi son église en fonction de la qualité musicale de son répertoire, préférant fréquenter les
oratoriens ou les hiéronymites « pour la bonne musique que l’on entendait tous les soirs ». L’auteur ajoute
ensuite : « sans elles, je ne serais peut-être pas allé de nombreuses fois de nuit ou par mauvais temps et
mauvaises routes, à l’église à faire le bien ; et ce qui m’est arrivé, je pense avec raison que cela puisse
advenir à d’autres » (« per le buone musiche che ogni sera si sentivano; le quali se non fossero state, non
forse sarei andato molte volte di notte per mali tempi e cattive strade, alle chiese a far del bene; e quello che
avviene a me, con ragione penso che possa avvenire ad ogni altro, in DELLA VALLE Pietro, Della musica
dell’età nostra che non è punto inferiore, anzi è migliore di quella dell’età passata, op. cit., in SOLERTI
Angelo, Le origini del melodramma, op. cit., p. 176).
317
Fontanelli et Gesualdo dans les années 1590), un certain nombre d’entre eux n’en sont pas
moins étroitement connectés avec la cour ferraraise.
Les choix poétiques les plus clairement orientés vers les goûts poétiques du
commanditaire du recueil sont les extraits du Pastor fido de Battista Guarini, tragicomédie
pastorale qui, rappelons-le, fut écrite et crée à Ferrare dans la première moitié des années
1580, avant que son auteur ne quitte la cour d’Alfonso II en 1588.
Macque musiqua deux extraits de la pastorale : Al subito apparir del primo raggio (et sa
deuxième partie E s’alor non si coglie) et Non son, non son questi sospiri ardenti.
Même si Macque aurait parfaitement pu se procurer le texte du Pastor fido sans
l’intermédiaire de la cour de Ferrare puisque la pièce avait déjà connu plusieurs éditions à
l’époque de la parution du Terzo libro 576 , il est difficile de ne pas faire le lien entre la
présence de Guarini dans le recueil et le nom de son dédicataire. L’intérêt du compositeur
pour les rimes du poète reste en effet presque exclusivement circonscrit au Terzo libro.
Malgré le succès croissant des rimes guariniennes auprès des madrigalistes à la fin du
Cinquecento et au début du Seicento 577 , aucun texte de cet auteur n’est présent dans les
autres recueils du Franco-flamand, à l’exception du madrigal Occhi miei che vedeste, du
Secondo libro a sei de 1589 – le choix de ces vers était toutefois probablement plus
motivé par la cohorte de compositeurs qui musiquèrent le texte avant Macque que par le
nom de leur auteur 578 .
D’autre part, même si dans les années 1590, certaines anthologies poétiques avaient
permis la diffusion des madrigaux du poète ferrarais auprès des musiciens 579 , tel n’était
576
La première édition du Pastor fido date de 1589 même si le recueil est daté de 1590 (ll pastor fido
tragicomedia pastorale, Venezia, Bonfadino, 1590). La pièce fut rééditée l’année suivant par Baldini,
l’éditeur ducal ferrarais. Sur la genèse et les premières éditions du Pastor fido, voir ROSSI Vittorio, Battista
Guarini ed « Il pastor fido ». Studio biografico-critico con documenti inediti, Torino, Loescher, 1886.
577
Dans les premières décennies du XVIIe siècle, la fortune des rimes guariniennes auprès des compositeurs
atteignit presque celle du Canzoniere de Pétrarque. À ce propos, voir BIANCONI Lorenzo, « Il Cinquecento e
il Seicento », op. cit., p. 331-333.
578
Ce texte, qui comparaît dans une anthologie poétique du début des années 1580 (Raccolto d'alcune
piacevoli rime, Parma, Viotto, 1582) fut en effet musiqué une dizaine de fois avant la parution du Secondo
libro a sei de Macque, et une quinzaine de fois par la suite.
579
Même si la première édition des rimes de Guarini ne vit le jour qu’en 1598 (GUARINI Battista, Rime,
Venezia, Ciotti), la diffusion d’un certain nombre de textes avait été rendue possible grâce à diverses
anthologies. À ce propos, voir VASSALLI Antonio, « Appunti per la storia della scrittura guariniana: le rime a
318
pas encore le cas pour les vers du Pastor fido 580 . Seule une petite dizaine de madrigalistes
musiquèrent des extraits de la pastorale avant la parution du Terzo libro, et presque tous
étaient liés à la cour de Ferrare ou à sa voisine, la cour de Mantoue 581 (voir infra, table
37).
table 37 : recueils de madrigaux publiés avant 1597 dans lesquels sont musiqués un
ou plusieurs extraits du Pastor fido
Date
Compositeur –
recueil
1587
Nombre
de
pièces
Luca Marenzio
1
Annibale Coma
1
Filippo
di
1
Leone Leoni –
1
Claudio
1
– IV.6
1588
– II.4
1590
Monte – XIV.5
1591
II.5
1592
Monteverdi – III.5
1593
Girolamo Belli
1
Philippo
1
– III.6
1593
di
Monte – XVI.5
stampa prima del 1598 », Guarini, la musica, i musicisti, éd. Angelo Pompilio, Lucca, Libreria Musicale
Italiana Editrice, 1997, p. 3-12 et du même auteur, en collaboration avec Angelo Pompilio, et dans le même
ouvrage, « Indice delle rime di Battista Guarini poste in musica », p. 185-225.
580
Voir CHATER James, « ‘Un pasticcio di madrigaletti’? The Early Musical Fortune of Il Pastor fido »,
Guarini, la musica, i musicisti, op. cit., p. 150.
581
Les liens de Marenzio, Monteverdi et Wert avec les cours ferraraise et mantouane sont bien connus.
Annibale Coma naquit et mourut à Mantoue après avoir effectué toute sa carrière dans cette ville. Philippe
de Monte dédicaça son Quartodecimo libro de madrigali a cinque voci (Venezia, Gardano, 1590) au duc
Alfonso II. Girolamo Belli fut un élève de Luzzaschi et commença sa carrière comme membre de la chapelle
de Mantoue. Il dédicaça ses deux premières publications au duc et à la duchesse de Ferrare (voir NEWCOMB
Anthony, The Madrigal at Ferrara, op. cit., p. 167). Leone Leoni était membre de l’Accademia Olimpica de
Vérone, qui était elle aussi connectée avec Ferrare. Les deux compositeurs les plus éloignés de la cour de
Ferrare sont Rinaldo del Mel, un Franco-flamand plutôt lié au milieu musical romain, et Rodiano Barera,
musicien de Crémone.
319
1594
Luca Marenzio
5
Marenzio Luca
15
– VI.5
1595
– VII.5
madrigal
(dont
un
d’Antonio
Bicci)
1595
Giaches
de
10
Del
1
Rodiano Barera
1
Wert – XI.5
1595
Rinaldo
Mel – III.6
1596
– I.5
On notera en outre que les passages du Pastor fido choisis par Macque, contrairement au
madrigal Occhi miei che vedeste, ne font pas partie des textes à la mode parmi les
madrigalistes 582 . Macque fut le seul à musiquer la première partie de Al subito apparir del
primo raggio et la deuxième partie E s'alor non si coglie, ne connut que deux autres
intonations, toutes deux postérieures au Terzo libro 583 . Non son, non son questi sospiri
ardenti fut en revanche musiqué pour la dernière fois par Macque, après les intonations de
Coma (1588) et de Monte (1593) 584 . Ces versions présentent cependant des divergences
textuelles tout à fait nettes qui rendent peu probable l’existence d’un lien entre les trois
pièces 585 .
Il est donc extrêmement vraisemblable que ces choix poétiques aient été suggérés par le
duc Alfonso II ou par un intermédiaire, voire même que les textes aient été fournis
directement par la cour de Ferrare, sous forme imprimée ou plus probablement
manuscrite. Les versions des extraits du Pastor fido musiqués par Macque présentent en
582
Certains textes du Pastor fido de Guarini connurent jusqu’à une trentaine d’intonations (Ah dolente
partita fut musiqué 37 fois, Cruda Amarilli, 27 fois, O primavera, gioventù dell’anno, 22 fois). Voir
CHATER James, « ‘Un pasticcio di madrigaletti’? », op. cit., p. 154.
583
GASTOLDI Giovanni Giacomo, Il quarto libro de madrigali a cinque voci, Venezia, Amadino 1602 et
BERNARDI Stefano, Il primo libro de madrigali a tre voci, Roma, Zannetti, 1611.
584
COMA Annibale, Il secondo libro de madrigali a quattro voci, Venezia, Vincenti, 1588 et MONTE Filippo
di, Il sestodecimo libro delli madrigali a cinque voci, Venezia, Gardano, 1593. La pièce de Coma constitue
l’une des premières intonations du Pastor fido éditées dans un recueil de madrigaux.
585
La version de la source imprimée n’apparaît dans aucune des intonations du texte. Celle de Monte reporte
la version suivante : Non son, Tirsi, non sono/ questi sospiri ardenti et celle d’Annibale Coma : Non
sospirar cor mio non sospirare/non son come a te pare.
320
effet quelques variantes par rapport à la source imprimée, tout en lui restant globalement
très fidèle 586 . L’une d’entre elles correspond à un petit arrangement syntaxique, dû à
l’isolement du passage de son contexte 587 , les autres sont opérées sans raisons structurelles
apparentes et ne concernent que le premier vers 588 .
Signalons en outre la présence d’un madrigal très clairement modelé sur un passage de la
pastorale de Guarini : Quel rossignol che plora. Le texte constitue une variation poétique
sur un extrait de la première scène du premier acte de la pièce, emprunte cependant d’une
plus grande mélancolie 589 :
Macque, III.5
Il Pastor fido, acte I, scène 1, vers
175-186
Quel rossignol che plora
Quell’augellin, che canta
sì dolcemente, e tra le verdi
sì dolcemente e lascivetto vola
fronde
or da l’abete al faggio
scompagnato s’asconde,
ed or dal faggio al mirto
or che, fuggendo il Sole,
s’avesse umano spirto,
l’oscura
notte
discolora,
il
mondo
direbbe: «Ardo d’amore, ardo
d’amore.» 591
s’avesse le parole,
586
Contrairement à certains compositeurs, Macque n’eut apparemment pas recours aux extraits du Pastor
fido publiés dans certaines anthologies avant l’édition du texte complet. Une variante de Non son, come a te
pare comparaît bien dans l’anthologie éditée par Varoli (Della nova scelta di rime di diversi eccellenti
scrittori dell’età nostra, éd. Benedetto Varoli, Casalmaggiore, Guerino e compagno, 1590, p. 77), mais
celle-ci s’éloigne sensiblement de la version de Macque. La version de Coma provient en revanche très
probablement de cette édition.
587
Dans le madrigal Al subito apparir del primo raggio, le sujet de la phrase, Rosa gentil, est tiré d’un vers
antérieur.
588
Non son, non son questi sospiri ardenti est une fusion de deux vers de la pastorale Non son, come a te
pare/questi sospiri ardenti. Dans la deuxième partie de Al subito apparir del primo raggio les premiers mots
Ma s’alhor, sont changés en E s’alhor.
589
Ce texte fait aussi probablement référence au sonnet CCCXI de Pétrarque Quel rosignuol, che sì soave
piagne.
321
diria: «Piango i miei danni,
le mie fiere fortune e i lunghi
affanni.» 590
Elio Durante et Anna Martellotti ont souligné la présence, dans les madrigaux de
Luzzasco Luzzaschi, de nombreux textes anonymes élaborés à partir de vers guariniens et
notamment à partir d’extraits du Pastor fido (ceux-ci parlent à leur propos d’alio
modo) 592 .
Sur la base de ces correspondances, les auteurs ont ainsi proposé d’attribuer un certain
nombre de ces textes à Guarini qui, on le sait, remania considérablement ses rimes entre le
début des années 1580 et ses premières éditions. Pour les mêmes raisons, on peut sans
doute se risquer à attribuer Quel rossignol che plora à l’auteur du Pastor fido, à moins que
ces vers ne constituent un hommage à Guarini de la part d’un poète ferrarais moins
illustre 593 .
Le dialogue de Filippo Alberti 594 , Di questi fiori ond'io et sa deuxième partie Sian le rose
rubini, perle i ligustri sont aussi à mettre en relation avec la famille d’Este. D’une part, le
texte apparaît dans le recueil Rime piacevoli édité par Caporali, anthologie poétique
590
Ce rossignol qui pleure/si doucement, et dans le vert feuillage/se cache, esseulé,/maintenant que, alors
que le soleil fuit,/la nuit obscure décolore le monde,/s’il possédait la parole/il dirait : « Je pleure mes
malheurs,/mon sort cruel et mes longues douleurs. »
591
Ce petit oiseau, qui chante/si doucement et vole lascivement tantôt du sapin au hêtre, tantôt du hêtre au
myrte /s’il avait un esprit humain/il dirait : « Je brûle d’amour, je brûle d’amour ».
592
Voir DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, Le due “scelte” napoletane di Luzzasco Luzzaschi, op. cit.,
vol. 1, p. 51-79.
593
Durante et Martellotti ont souligné l’importance de la pratique de l’alio modo au sein de l’académie
ferraraise : « … c’est justement dans l’atmosphère d’une académie fermée que les exercices sur un même
sujet, les alio modo, ainsi que les imitations de poètes plus talentueux, ou même carrément le plagiat évident
du Tasse ou de Guarini, perdent leur connotation négative pour prendre la forme d’un hommage affectueux
ou d’une respectueuse citation.(« … è proprio nell’ambito di una chiusa accademia che le esercitazioni su
un medesimo soggetto, gli alio modo, così come le imitazioni dei poeti più dotati, o addirittura i palesi plagi
di Tasso o di Guarini, perdendo la loro connotazione negativa si configurano come affettuoso omaggio o
come deferente citazione. », ibid., p. 67).
594
Filippo Alberti (1548-1612) était un poète de Pérouse, membre de l’Accademia degli Insensati. Il était
aussi un ami du Tasse, dont il corrigea la Gerusalemme liberata. Ses vers furent musiqués par des
compositeurs de toute l’Italie. Dans le milieu napolitano-ferrarais, signalons notamment les intonations de
Scipione Dentice, qui inclut un texte d’Alberti dans le recueil dédicacé à Alfonso II en 1591 (Cogli la vaga
rosa), celle du Primo libro a cinque de Gesualdo (Non mirar, non mirare) et Odio et amo infelice, du Terzo
libro de madrigali a sei voci de Girolamo Belli (Venezia, Amadino, 1593).
322
extrêmement prisée par les madrigalistes 595 , dont l’une des premières éditions fut réalisée
par l’imprimeur du duc de Ferrare Baldini en 1586 596 . Même s’il serait réducteur de
vouloir cantonner cette anthologie au seul milieu ferrarais (celle-ci connut en effet un
grand succès éditorial pendant les deux dernières décennies du Cinquecento), il ne fait
aucun doute qu’elle devait faire partie des recueils de poésies appréciés à la cour
d’Alfonso II.
D’autre part, le texte de ce madrigal en deux parties correspond aux premières strophes
d’un dialogue de Filippo Alberti « fait à l’instance de l’Illustrissime Seigneur Alessandro
d’Este, désigné ici sous le nom d’Alessi » (« fatto ad instanza dell’Illustrissimo Signor
Alessandro d’Este, inteso sotto il nome d’Alessi »), comme le précise l’édition de
Caporali. Ce dialogue met en scène deux personnages : Alessi (qui, si l’on en croit la
didascalie, fait référence au commanditaire du texte Alessandro d’Este) et Iride597 . À part
une petite variante qui s’apparente plus à une coquille de l’éditeur 598 , ces deux textes
suivent à la lettre la source imprimée.
Il vezzoso Narciso, le madrigal qui précède directement les deux parties de Di questi fiori
ond'io dans le Terzo libro, fait en outre très clairement écho au dialogue d’Alberti, qui en
est peut-être l’auteur. Cet autre exemple d’alio modo est en effet construit comme une
réplique d’Alessi (« Moi, Alessi inconsolable », « Io sconsolato Alessi », vers 4), qui
évoque son amour pour une fleur, allusion évidente au personnage d’Iride (Iris) :
595
À ce propos voir BIANCONI Lorenzo, « Il Cinquecento e il Seicento », op. cit., p. 150 et LUZZI Cecilia,
Poesia e musica nei madrigali a cinque voci di Filippo di Monte, op. cit., p. 107.
596
Parmi les éditions qui se sont conservées jusqu’à nos jours, la plus ancienne date de 1585 (Le piacevoli
rime di m. Cesare Caporali perugino. Di nuovo in questa terza impressione accresciute d'altre gravi per
l'adietro non più date in luce, Milano, Tigri). Tigri précise cependant qu’il s’agit là déjà de la troisième
édition. L’anthologie connut par la suite plusieurs rééditions dont une par les presses ducales de Baldini en
1586 (Rime piacevoli di Cesare Caporali, del Mauro, et d'altri auttori/Accresciute in questa quarta
impressione di molte rime gravi, & burlesche del si g. Torq. Tasso, e di diversi nobilissimi ingegni) et deux
autres par l’imprimeur ferrarais Mamarello en 1590 et 1592.
597
Alessandro d’Este (1568-1624) fut élevé par Alfonso II de Ferrare. Il fut le protecteur de nombreux
artistes, écrivains et musiciens (il fut notamment dédicataire de l’Antiparnaso d’Orazio Vecchi). Il obtint la
charge de cardinal en 1599. Sur Alessandro d’Este voir Dizionario biografico degli Italiani, op. cit., vol. 43,
p. 310-312.
598
Dans l’imprimé du Terzo libro apparaît la variante suivante : Sian le rose i rubini, perle i ligustri au lieu
de la leçon de Caporali Sian le rose rubini, perle i ligustri. Il s’agit sans doute d’une erreur de l’éditeur, car
cette leçon n’a pas de sens (c’est pourquoi j’ai rétabli le texte de Caporali dans la transcription du madrigal).
323
Il vezzoso Narciso,
Le gracieux Narcisse,
per la sua crudeltate in varie
en étant cruel de diverses façons,
tempre,
vécut toujours en lui-même et pour
visse in se stesso e per se
lui-même.
stesso sempre.
Moi, Alessi inconsolable,
Io, sconsolato Alessi,
entre les verts lauriers et les pâles
fra verdi allori e pallidi
cyprès
cipressi,
je vis, grâce à Amour,
vivo, mercè d’Amore,
non en moi, mais en une fleur et pour
non in me, ma in fiore e per
une fleur.
un fiore.
Deux autres madrigaux du Terzo libro apparaît dans les Rime piacevoli de Caporali :
Uscia da i monti fuora et Il matutino vento, deux strophes d’une canzone du poète vénitien
Maffío Venier 599 . Il est cependant tout à fait improbable que Macque ait eut recours à
l’anthologie de Caporali, car les deux poèmes présentent des variantes sensiblement
différentes de la source imprimée. Si la leçon de Uscia dai monti fuora choisie par
Macque se contente d’une petite intervention syntaxique (le cinquième vers ajoute en effet
le sujet de la phrase Aminta gentil, transformant un septénaire en hendécasyllabe), Il
matutino vento est un exemple de remaniement assez conséquent de texte poétique. La
structure syntaxique a en effet été entièrement remodelée (et nettement complexifiée),
même si le texte reste tout à fait reconnaissable :
Macque, III.5
599
Caporali, Le piacevoli rime
Maffío Venier (1550-1586), neveu du poète Domenico Venier, faisait partie de l’aristocratie vénitienne et
devint poète à la cour médicéenne à partir de 1575 (sur cet auteur, voir VENIER Maffío, Poesie diverse, éd.
Attilio Carminati, préface de Manlio Cortelazzo, Venezia, Corbo e Fiore, 2001.
324
Il matutino vento
Al matutino vento
tremolar fa le fronde,
tremolavan le frondi
e i fiumi onde d’argento
il fiume onde d’argento
mandar alle lor sponde,
mandava a la lor spondi
e i verdeggianti prati
e si vedeano i pratti
dolcemente ondeggiar da tutti i
dolcemente ondeggiar da tutti i
lati. 600
lati. 601
Macque est le premier madrigaliste à avoir musiqué Uscia da i monti fuora et, s’il existe
deux versions antérieures de Al matutino vento, aucune d’entre elles ne reporte les
variantes du Terzo libro 602 . Encore une fois, Macque eut probablement recours à des
textes circulant sous forme manuscrite, même s’il est difficile d’en définir l’origine, sans
doute ferraraise.
Sparge la bella Aurora et Or che ridente e bella, les deux madrigaux anonymes qui
ouvrent le Terzo libro sont peut-être une citation plus ou moins explicite d’un madrigal
anonyme musiqué par Luzzaschi dans son Sesto libro de madrigali a cinque de 1596.
Même s’il peut s’agir là d’un hasard, les incipit de deux textes semblent en effet faire écho
aux deux premiers vers d’un madrigal du Sesto libro de madrigali a cinque voci de
Luzzaschi (Ferrara, Baldini, 1596) :
Sorge la vaga Aurora
La gracieuse Aurore se lève,
tutta ridente e bella
toute riante et belle,
e
seco
adduce
l’amorosa
et porte avec elle l’étoile
600
Le vent du matin/fait trembloter les feuilles/et des vagues argentées/envoyer les fleuves à leurs rives/et
les prés verdoyants/doucement ondoyer de tous côtés.
601
Au vent du matin,/les feuilles tremblotaient/le fleuve des vagues argentées/envoyait à ses rives/et l’on
voyait les prés/doucement ondoyer de tous côtés.
602
Uscia dai monti fuora connut par la suite sept intonations dont une par un compositeur des environs de
Naples (CERBELLO Giovanni Battista, Il primo libro de madrigali a tre voci, Napoli, Vitale, 1619).
325
stella,
amoureuse
che lieto il mondo infiora;
qui
fait
fleurir
l’heureux
monde ;
poi sorge il mio bel sole
puis mon beau soleil se lève,
bello com’esser suole
beau comme il sait l’être,
e seco adduce Amore
et porte avec lui Amour
ch’incende l’alme di soave
ardore.
qui
enflamme
l’âme
de
douces ardeurs.
Qu’il s’agisse là d’une citation ou d’une simple parenté stylistique, ces correspondances
argumentent en faveur d’une origine ferraraise de ces vers.
L’empreinte ferraraise des autres textes de caractère pastoral du Terzo libro est moins
facilement discernable. Les gracieuses évocations bucoliques qui se dégagent des trois
numéros précédant la série de textes spirituels (A l'apparir de la novella Aurora, sa
deuxième partie Ogni pianta, ogni fera, si sente il petto et Al mormorar de l’onde)
présentent d’évidentes affinités stylistiques avec les autres rimes pastorales du recueil,
mais rien ne permet cependant d’affirmer que ces textes soient liés de près ou de loin à la
cour ferraraise.
Quant au madrigal Corron d’argento i fiumi de Cristoforo Castelletti 603 , il semble plutôt
lié au milieu artistique romano-napolitain. Les rimes de ce poète et dramaturge romain,
apparemment très implanté dans la vie artistique de la ville pontificale, connurent en effet
un certain succès auprès des madrigalistes romains et méridionaux, mais intéressèrent peu
les compositeurs de l’Italie septentrionale. Les vers sont extraits de sa pastorale L'Amarilli
qui, aux côtés de sa comédie Le stravaganze d’Amor, constitue la source principale des
603
Sur Christoforo Castelletti, voir notamment CHATER James, « Castelletti’s ‘Stravaganze d’Amore’
(1585): a Comedy With Interludes », Studi musicali, VIII, 1979, p. 85–148 ; GRECO Aulo, « Le stravaganze
romane del Castelletti », L’istituzione del teatro comico nel rinascimento, Napoli, Liguori, 1976, p. 139-179
et du même auteur, La vita romana nella commedia del rinascimento, Rome, Reale Istituto di Studi romani,
1945, p. 16-20. Pour une biographie relativement détaillée, voir l’article sur Christoforo Castelletti du
Dizionario biografico degli Italiani, vol. 21, p. 671-673.
326
rimes de l’auteur musiqués par les madrigalistes 604 . Les quatre actes de L’Amarilli sont
encadrés par des madrigaux poétiques, qui, d’après les témoignages, étaient conçus
comme des intermèdes mis en musique et chantés lors des premières représentations de la
pastorale 605 . Corron d’argento i fiumi est le dernier de ces intermèdes et conclut la pièce.
Il est précédé de la didascalie « Madrigal à chanter à la fin de l’acte (« Madrigale per
cantare nel fine dell’Atto »). Il est toutefois peu probable que l’intonation de Macque ait
été destinée à une représentation théâtrale. Le compositeur n’eut en outre peut-être pas
accès à la source imprimée, car encore une fois, la version qu’il choisit ne correspond pas
exactement au texte original 606 .
Malgré un ancrage résolument ferrarais, les choix poétiques du Terzo libro n’ont au
niveau stylistique que bien peu en commun avec ceux des recueils publiés par Gesualdo,
Luzzaschi et Fontanelli pendant les années 1594-1596. Ces derniers s’intéressèrent en
effet relativement peu aux rimes de caractère pastoral et privilégièrent largement les
madrigaux épigrammatiques amoureux, qui sont au contraire totalement absents du recueil
de Macque 607 .
Les profondes divergences entre le contenu poétique du Terzo libro et celui des autres
imprimés de Baldini s’expliquent probablement par la place très particulière que tient ce
recueil au sein de la production ferraraise de ces années. En effet, le Terzo libro fut
604
Corran d’argento fut aussi musiqué par Stefano Felis (Il nono libro de madrigali a cinque voci, Venezia,
Vincenti et Amadino, 1602) et par son élève Giovanni Battista Pace (Il primo libro de madrigali a cinque
voci, Venezia, Gardano 1585). À Naples, Montella et Spano musiquèrent aussi quelques textes de Castelletti
et à Rome Marenzio et Giovannelli. Un extrait de L’Amarilli fut en outre choisi pour la joute
compositionnelle entre Sebastian Raval et Achile Falcone, qui se déroula à Palerme au tout début du
Seicento (à ce propos, voir FALCONE Achille, Madrigali, mottetti e ricercari. Madrigali a cinque voci, con
alcune opere fatte all'improviso a competenza con Sebastian Raval, maestro della Cappella reale di Sicilia,
con una narrazione come veramente il fatto seguisse, Venezia, Giacomo Vincenzi (1603), éd. Massimo
Privitera, Firenze, Olschki, 2000).
605
La première représentation de la pièce eut lieu à Rome en 1580. La pièce fut ensuite publiée à Venise en
L'Amarilli pastorale, Venezia, Berichio) et connut plusieurs rééditions
1582 (CASTELLETTI Cristoforo,
les années suivantes.
606
Le premier vers reporte en effet Corron d'argento i fiumi au lieu du Corran d’argento i fiumi de la source
imprimée et l’avant-dernier remplace in pace gira par e ’n riso gira. Il est cependant possible que ces petites
interventions aient été réalisées par Macque lui-même.
607
Les textes de caractère pastoral ne sont pas totalement absents des madrigaux de ces auteurs (voir
notamment les derniers numéros du premier livre de Gesualdo, Felice Primavera, Danzan le ninfe oneste,
Son sì belle le rose) mais sont largement sous représentés et, au moins dans le cas de Gesualdo, ces pièces
furent composées avant le séjour du prince à Ferrare. À ce propos, voir notamment l’introduction d’Anthony
Newcomb de l’édition des madrigaux de Luzzaschi (LUZZASCHI Luzzasco, Il quarto libro de' madrigali a
cinque voci (Ferrara, 1594) and madrigals published only in anthologies, 1583-1604, op. cit, p. xiv et du
même auteur The Madrigal at Ferrara, op. cit., p. 130.
327
vraisemblablement plus conçu pour satisfaire les attentes musicales du duc de Ferrare que
comme une réponse aux enjeux stylistiques soulevés par le trio Luzzaschi-GesualdoFontanelli, dans lesquels Alfonso II ne fut probablement qu’indirectement impliqué 608 .
L’extrême brièveté des textes constitue peut-être l’unique point de convergence entre le
Terzo libro et les autres imprimés ferrarais 609 . Macque s’éloigne en effet sensiblement de
la teneur sombre et pathétique de ces derniers pour privilégier une poésie mélique, fraîche
et gracieuse dans laquelle les effusions sentimentales trop explicites sont manifestement
évitées.
Les extraits du Pastor fido retenus par Macque – ou par le commanditaire – sont à ce
propos tout à fait significatifs. Nombre de madrigalistes, Marenzio, Monteverdi, Wert
notamment, furent attirés par le style affettuoso de Guarini, par les épanchements
amoureux de Mirtillo et d’Amarilli, conçus comme des petits madrigaux poétiques
autonomes 610 . Macque privilégia au contraire le discours moralisateur d’Ergastro sur les
méfaits de l’amour (Non son, non son questi sospiri ardenti) qui clôt la scène 2 de l’acte 1
et fait suite au célèbre lamento de Mirtillo Cruda Amarilli 611 , ainsi que le discours
métaphorique de Titiro, le père d’Amarilli, sur les bienfaits du mariage (Al subito apparir
del primo raggio, acte 1, scène 4). Si on les replace dans leur contexte dramatique, ces
textes semblent presque faire écho aux madrigaux spirituels qui concluent le recueil.
Même si la grande majorité des textes pastoraux penchent vers une évidente piacevolezza,
un certain nombre d’entre eux sont cependant construits sur une opposition d’affetti plus
608
Comme le note Anthony Newcomb, le manuscrit anonyme Mus. F. 1525 de la Biblioteca Estense de
Modène, qui contient vraisemblablement des madrigaux de Fontanelli composés vers 1590 pour le duc de
Ferrare, présente plus d’affinités avec les thématiques pastorales (voir NEWCOMB Anthony, The Madrigal at
Ferrara, op. cit., p. 132 et du même auteur « Alfonso Fontanelli and the Ancestry of the Seconda Pratica
Madrigal », Studies in Renaissance and Baroque Music in Honor of Arthur Mendel, éd. Robert Marshall,
Kassel, Bärenreiter, 1974, p. 47–68).
609
La longueur moyenne des textes pastoraux du recueil est 5,9 vers (en comptant les différentes parties
d’une même pièce comme un numéro séparé). Cette brièveté est accentuée en outre par une large utilisation
des septénaires, qui représentent approximativement la moitié des vers.
610
La pièce a souvent été décrite comme un patchwork de madrigaux affettuosi (à ce propos, voir CHATER
James, « ‘Un pasticcio di madrigaletti’? The Early Musical Fortune of Il Pastor fido », op. cit., p. 139-140.
611
Il est amusant de constater que dans l’édition de Varoli (Della nova scelta di rime di diversi eccellenti
scrittori dell’età nostra, op. cit., p. 77), ce discours moral est transformé en complainte amoureuse, par le
simple ajout du vers initial Non sospirar, cor mio, non sospirare (Ne soupire pas, mon cœur, ne soupire pas)
qui renverse complètement la perspective. À ce propos, voir DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, « Il
cavalier Guarini e il Concerto delle Dame », Guarini, la musica, i musicisti, op. cit., p. 132.
328
ou moins marquée. Au milieu d’un paysage idyllique, dépeint par une très large utilisation
du champ lexical de la nature, le ou les derniers vers offrent souvent un net contraste,
assombrissant l’atmosphère générale par l’exposition d’un sentiment plus triste, ou
simplement par un mot assez connoté pour permettre une plus grande variété d’affetti.
C’est le cas notamment du madrigal Or che ridente e bella qui, après avoir exposé dans les
six premiers vers les images les plus gracieuses (les petites herbes, les fleurs pourpres, les
odeurs orientales, le chant des hirondelles etc.) finit par une évocation de la douleur de
Philomène 612 (« e Filomena alterna i suoi dolori »). Le même procédé se retrouve dans le
madrigal en deux parties A l'apparir de la novella Aurora-Ogni pianta, ogni fera, si sente
il petto. Après une description des chaudes couleurs de l’aurore, le madrigal se conclut par
les vers : « mais, hélas, la belle et claire lumière/ redouble mes pleurs et me fait soupirer »
(« ma, lasso, a me la bella e chiara luce/raddoppia il pianto e a sospirar m'induce »).
Ce type de construction, qui pousse à l’extrême le principe de varietà entre piacevolezza et
gravità, trouve sans aucun doute ses origines dans certains vers du Canzoniere tels que le
sonnet CCCX Zephiro torna, e ’l bel tempo rimena. Replacés dans un contexte musical,
ces choix poétiques visaient probablement à créer des occasions de juxtapositions de
gammes expressives musicales antithétiques ce qui, du point de vue du résultat sonore, est
particulièrement judicieux.
Textes spirituels
Contrairement aux madrigaux pastoraux, dont les textes sont d’une évidente homogénéité
stylistique, les pièces spirituelles du Terzo libro sont composées sur des vers sensiblement
différents les uns des autres et répondent à des canons stylistiques résolument opposés.
Le sonnet de Pétrarque en deux parties, I’ vo piangendo i miei passati tempi – Sì che, s’io
vissi in guerra et in tempesta qui conclut le recueil, appartient à la tradition la plus noble
de la lyrique italienne. L’atmosphère recueillie et religieuse de ces vers, qui constituent le
dernier sonnet et l’avant-dernier texte du Canzoniere, en fit l’un des textes privilégiés pour
612
Ce madrigal fait référence au mythe de Philomène, raconté par Ovide dans ses Métamorphoses (livre 6,
vers 412-721). Philomène, abusée par son beau-frère, fut métamorphosée en hirondelle et sa sœur Procné, en
rossignol. Le texte musiqué par Macque reprend la tradition des poètes romains qui firent généralement de
Philomèle le rossignol, son nom évoquant davantage la musique (« qui aime le chant »).
329
les méditations du Vendredi saint 613 . I’ vo piangendo fait partie des sonnets pétrarquéens
les plus appréciés des madrigalistes. Le texte connut en effet pas moins d’une
cinquantaine d’intonations entre 1542 et 1623, par des compositeurs tels que Archadelt en
1554, Wert en 1561, Andrea Gabrieli en 1562, Lassus en 1567, pour ne citer que les plus
célèbres (voir infra, table 38, p. 333). Signalons en outre que Fontanelli musiqua le texte
dans son Primo libro de madrigali a cinque voci, publié par Baldini un an avant la
parution du Terzo libro. On ne peut exclure que l’intonation de Macque soit une réponse à
celle de Fontanelli, même si les deux madrigaux n’ont pas grand chose en commun
musicalement 614 .
De diffusion beaucoup plus confidentielle parmi les madrigalistes est en revanche l’extrait
du Trionfo della morte de Pétrarque, La morte è fin d’una prigione oscura. Paolo Cecchi a
noté l’importance du milieu intellectuel napolitain pour la valorisation des Trionfi lors des
premières décennies du Cinquecento, ainsi que la primauté des musiciens parthénopéens
dans les premières intonations de l’œuvre 615 . Les capitoli pétrarquéens connurent une
certaine fortune madrigalesque – incomparable cependant à celle du Canzoniere – entre le
milieu des années 1550 et celui des années 1580 616 . À partir de 1585, toutes les
intonations des passages des Trionfi qui précédèrent celle de Macque sont liées de près ou
de loin au royaume des Deux-Siciles 617 . Le choix de ce texte est donc probablement à
replacer dans une tradition plus napolitaine que ferraraise.
613
Le sonnet fut d’ailleurs édité dans deux anthologies de rimes spirituelles napolitaines de la fin des années
1560 et du début des années 1570 (Rime spirituali di sette poeti illustri, Napoli, Boy., 1569 et Rime
spirituali di diversi eccellenti poeti toscani, Napoli, Salviani, 1574). Voir infra, table 38, p. 333.
614
On notera que la musique spirituelle était aussi pratiquée à Ferrare, même si cela ne transparaît pas
véritablement dans les imprimés de Baldini. Signalons notamment le madrigal spirituel qui ouvre le
manuscrit M. F. 1525 de la Biblioteca Estense (voir NEWCOMB Anthony, The Madrigal at Ferrara, op. cit.,
p. 132) et, en remontant dans le temps, la dédicace du Quarto libro de madrigali a cinque voci de Roland de
Lassus (Venezia, Gardano, 1567) à Alfonso II, qui contient diverses pièces spirituelles. À ce propos voir
FERRARI BARASSI Elena, « Il madrigale spirituale nel Cinquecento e la raccolta monteverdiana del 1583 »,
Claudio Monteverdi e il suo tempo, éd. Raffaello Monterosso, Verona, 1968, p. 232.
615
Voir CECCHI Paolo, « Gravitas, devozione e poesia morale nelle intonazioni dei 'trionfi' di Orlando di
Lasso », publication électronique des actes du colloque international Petrarch and the Flemish Composers,
http://www.unisi.it/tdtc/petrarca/ad_documenti.htm, page consultée le 4 juillet 2007, p. 2-3.
616
On dénombre au total une cinquantaine d’intonations de passage des Trionfi, c’est-à-dire à peu près
autant que celles du seul sonnet I’ vo piangendo. Sur les intonations des Trionfi, Voir CECCHI Paolo,
« Gravitas, devozione e poesia morale nelle intonazioni dei 'trionfi' di Orlando di Lasso », op. cit., p. 10-12.
617
Stefano Felis (1585), Giovanni Donato Vopa (1585), Roland de Lassus (1585) et Rocco Rodio (1587).
Voir CECCHI Paolo, « Gravitas, devozione e poesia morale nelle intonazioni dei 'trionfi' di Orlando di
Lasso », op. cit., p. 11-12.
330
La morte è fin d’una prigione oscura, invitation à l’exaltation de la mort comme libération
de la vie terrestre et de ses basses considérations, adhère parfaitement aux thématiques du
répertoire spirituel post-tridentin, et son intonation peut être considérée pour cette raison
comme une pièce à vocation morale, sinon spirituelle.
Le madrigal en deux parties Ami chi vuol amare - La bellezza superna se trouve à
l’antithèse du style élevé qui caractérise les rimes pétrarquéennes et appartient plutôt à la
veine utilitaire de la poésie spirituelle. Il s’agit d’une compilation de strophes de deux
canzonette appartenant à une anthologie de rimes spirituelles en neuf volumes, Del
gioiello di canzonette spirituali, éditée par les presses vénitiennes de Vincenti
(malheureusement sans date de publication). Chacun de ces imprimés est constitué d’une
dizaine de feuillets, publiés sans dédicace ni nom d’auteur. La seule précision fournie par
l’imprimé est que les pièces furent « recueillies à l’instance de vertueuses et dévotes
personnes » (« raccolte a compiacenza de Virtuose, e Devote Persone »), sans plus de
précisions. Cette édition peu ostentatoire, probablement destinée à la dévotion privée, fut
vraisemblablement constituée des textes de canzonette populaires à l’époque. Ami chi vuol
amare apparaît en effet dans plusieurs recueils de laudes spirituelles, dans le Tempio
armonico de Giovenale Ancina de 1599 (intonation de Giovanni Maria Nanino) et dans les
Lodi e canzonette spirituali (Napoli, Longo, 1608, intonation anonyme) ainsi que dans le
Teatro armonico spirituale de Giovanni Francesco Anerio (1619) 618 . L’origine de ce texte
est sans aucun doute à chercher du côté de l’Oratorio napolitain.
Le procédé de compilation des vers choisis par Macque rappelle celui des pièces légères
de l’époque. Les deux parties de la canzonetta correspondent en effet à des strophes
éditées dans deux volumes différents du Gioello di canzonette spirituali (voir infra, table
38, p. 333). La première partie se situe dans le quatrième volume et la seconde dans le
troisième. La forme métrique absolument standard de ces rimes (aaBB) rend extrêmement
aisé ce type d’intervention. On constate en outre que, à l’intérieur des strophes, la source
imprimée et le Terzo libro ne présentent absolument aucune divergence. L’enchaînement
des strophes répond même à une certaine logique commune. La seconde strophe de la
version de Macque est en effet construite comme l’antithèse de celle du quatrième volume
618
ANERIO Giovanni Francesco, Teatro armonico spirituale di madrigali a cinque, sei, sette et otto voci
concertati con il basso per l'organo, Roma, Robletti, 1619.
331
du Gioiello, la première énumérant tous les bienfaits de la « beauté céleste » (« bellezza
superna »), la seconde, tous les défauts de la « beauté terrestre » (« bellezza terrena »).
Dans les deux cas, ces vers s’accordent bien avec la première strophe Ami chi vuol amare,
qui est conçue comme une opposition entre la « beauté qui fait souffrir » (« beltà che fa
penare ») et la « beauté céleste », qui « ne donne aucune douleur » (« beltà celeste, e non
mi dà dolore »).
Il vero Amore e vivo, le madrigal qui suit directement la canzonetta spirituelle, est un texte
anonyme qui ne fut mis en musique apparemment que par Macque. Celui-ci reprend le
même principe d’opposition entre amour spirituel et amour charnel et pourrait
parfaitement faire partie d’un recueil de canzonette spirituali comme le Gioiello. Son
schéma métrique aBaBCC ne détonnerait pas non plus dans ce type d’anthologie et il est
possible que ces vers aient aussi fait partie du répertoire des laudes de l’Oratorio
napolitain.
Rimes spirituelles et pastorales donnent donc le ton de ce nouveau recueil, le dernier du
compositeur à laisser un tel espace au versant le plus frais, gracieux et léger de la poesia
per musica. Dans ses publications postérieures, les choix poétiques de Macque se
porteront souvent vers l’expression de sentiments plus dramatiques et pathétiques, sans
cependant jamais renoncer complètement aux paysages arcadiens et aux jeux amoureux
entre nymphes et bergers, auxquels le madrigaliste réservera toujours une certaine place, et
ce jusqu’à son dernier recueil 619 .
table 38 : textes poétiques du Terzo libro de madrigali a cinque voci (Ferrara, Baldini,
1597) 620
incipit
um
f
orme
619
sep
ètre
source
ongu
poétique
Dans le Quarto libro de madrigali a cinque voci de 1599, les rimes pastorales occupent encore à peu près
la moitié du recueil. Dans le Terzo libro de madrigali a quattro voci de 1610, celles-ci se font beaucoup plus
discrètes pour réapparaître enfin dans le tout dernier recueil, le Sesto libro de madrigali a cinque voci de
1613. Dans ce dernier livre, Macque retourne même aux sources de la poésie pastorale en musiquant quatre
strophes de L’Arcadia de Iacopo Sannazaro – aux accents cependant bien plus pathétiques que bucoliques –
renouant ainsi avec les grands modèles de la littérature italienne.
620
Pour plus détail sur les informations de ce tableau, voir supra, p. 187.
332
éro
ténaires/
eur
621
he
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(en
bes
brèv
es)
Sparge la
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Venier
Cesare,
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1588,
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CAPORALI
621
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Entre crochets le numéro de la pagination de l’édition de Baldini, qui commence à la page trois.
333
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Il matutino
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rime, op. cit. Maffio
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Cesare,
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op.
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Maffio Venier
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del
xtrait de
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pastoral
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1
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GUARINI
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Battista, ll
pastor
fido, éd. Elisabetta
Selmi,
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Marsilio, 1999
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7
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rime,
op.
cit.
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le
rose rubini, perle
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4
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CAPORALI
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piacevoli,
op.
cit.
Filippo Alberti
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Filippo,
Rime,
Venetia, Ciotti, 1602
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d'argento i fiumi
astorale
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bbC
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L'Amarilli,
pastorale,
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non son questi
xtrait de
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tragicomedia
pastorale, op. cit.
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La morte
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3
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RISM
Ricciardi, 1951, p.
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524
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poétique inconnue
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336
m
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source
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6/2
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C
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piangendo i miei
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1
vissi in guerra et
23
in tempesta 2p
2
BBA
0/1
passati tempi 1p
Sì che, s’io
Rime
14
di
sette
poeti illustri, Napoli,
4
BBA
spirituali
Ven
Boy., 1569
5
Rime
spirituali di diversi
DC
eccellenti
toscani,
CD
Ven
poeti
Napoli,
Ven
Salviani, 1574
PETRARCA
(NV
Francesco,
Canzoniere, op. cit.
(NV
Ven
Ven
(NV
Ven
Ven
338
Giov
RISM
Leon
RISM
Giul
1566
Ven
Ven
4-6,
Ven
Ven
(NV
5, V
II a
339
(NV
(NV
(NV
a 6-1
16)
Ven
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Ven
Ven
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(NV
Ferr
Ven
340
Ven
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2, R
part
Ven
Giro
RISM
Mad
RISM
Del
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Gian
RISM
341
Ven
3, V
Arie
(NV
Mon
Ven
Ven
1, V
Ven
Une légèreté savante
Le registre stylistique et le contenu des textes poétiques, on l’a déjà évoqué à maintes
reprises, conditionnent fortement l’orientation générale des techniques musicales que le
madrigaliste donne à ses intonations. Les choix poétiques du Terzo libro penchant
342
essentiellement vers des rimes à caractère pastoral et mélique, le compositeur se devait
automatiquement d’écarter deux types d’écritures : le style grave et austère des intonations
classiques de vers pétrarquéens ainsi que le traitement très expressif réservé aux
madrigaux poétiques d’inspiration plus pathétique. L’atmosphère bucolique qui règne
dans les textes imposait au contraire le choix d’un registre plus léger, dans la continuité du
style hybride des décennies précédentes.
Cependant, d’autres facteurs entrent évidemment en ligne de compte dans le choix de tel
ou tel type d’écriture, parmi lesquels figure notamment le commanditaire de l’œuvre, qui
peut jouer un rôle non négligeable dans l’élaboration d’un recueil. En ce qui concerne le
Terzo libro, il est extrêmement probable que le duc de Ferrare, et son environnement
musical de haut niveau, eurent un impact tout à fait notable sur le résultat musical final de
ce nouveau recueil.
La dédicace du Terzo libro, on l’a vu, permet d’entrevoir que Macque était conscient des
exigences artistiques des « très nobles oreilles » (« nobilissime orecchie ») d’Alfonso II.
Le style rhétorique de cette lettre, toute empreinte d’une humilité courtisane, laisse
transparaître que Macque se plaçait dans la continuité des « choses exceptionnelles que
le duc de Ferrare avait l’habitude d’entendre quelques fois » (« le cose elettissime, che
suole tal volta godere »), même si le musicien prétend ne chercher qu’à « rendre encore
plus goûteuse l’excellence de celle-ci » (« rendere tanto più gustosa all’Altezza vostra
l’eccelenza di quelle ») par comparaison avec le « fruit de son grossier esprit » (« frutto
del mio rozzo ingegno »).
Macque avait vraisemblablement conscience de l’enjeu que constituait pour lui le fait de
suivre directement la série d’imprimés du trio Gesualdo-Luzzaschi-Fontanelli, imprimés
qui avaient définitivement tiré un trait sur le côté simple et direct de la veine la plus
légère du madrigal.
D’autre part, presque dix ans étaient passés depuis les dernières publications de Macque et
il aurait été étonnant qu’un compositeur généralement prêt à saisir les évolutions du
langage madrigalesque pour faire évoluer son propre style, ressuscite intact un style
343
hybride désormais bien moins en phase avec la modernité en cette toute fin de
Cinquecento.
Cette conjonction de facteurs contribue sans doute à expliquer pourquoi Macque plaça ce
nouveau recueil – et particulièrement l’intonation des textes à caractère pastoral – sous le
signe d’une double exigence stylistique, cherchant à concilier la recherche d’une écriture
plus élaborée et travaillée que dans ses madrigaux précédents à une certaine légèreté de
ton héritée du style hybride.
Il est quelque peu rassurant que les termes de cette synthèse, qui pourrait sembler une pure
projection analytique, aient été formulés à l’époque par un contemporain, même si cela ne
concernait pas directement la musique de Macque.
Dans son Discorso sopra la musica, Vincenzo Giustiniani place en effet sa description de
la musique de Gesualdo sous une perspective relativement similaire, rapprochant à la fin
du passage le style du Prince, à celui des compositeurs de son entourage (Nenna, Stella) et
à celui de Fontanelli :
E
cominciò
il
Prencipe
Et le Prince Gesualdo di
Gesualdo di Venosa, che sonava
Venosa,
anche per eccellenza di Leuto e di
excellemment du luth et de la
Chitarra napoletana, a componere
guitare napolitaine, commença à
Madrigali pieni di molto artificio e
composer
di contraponto esquisito, con fughe
d’artifices et de contrepoint exquis,
difficile e vaghe in ciascuna parte,
avec
intrecciate fra loro, prese in tale
gracieuses dans chacune des parties,
proporzioni che non vi fussero note
et imbriquées les unes dans les
superflue
fuga
autres de telle façon qu’il ne reste
incominciata, la quale sempre anche
aucune note en trop et en dehors de
restava poi messa alla rovescia della
la fugue commencée, laquelle était
prima. E perché questa esquisitezza
toujours composée à l’envers de la
di regola soleva talvolta render la
première. Et comme cette exquisité
composizione
pouvait
344
e
fuori
dura
della
e
scabrosa,
des
qui
des
jouait
madrigaux
fugues
rendre
aussi
pleins
difficiles
parfois
et
la
procurava
et
composition dure et compliquée, il
industria fare elezione di fughe, che,
s’ingéniait avec tous ses efforts et
se ben rendevano difficoltà nel
tout son art à choisir des fugues qui,
componerle,
o
bien que difficiles à composer, soient
riuscissero dolci e correnti a segno,
ariose et apparaîssent douces et
che paressero nell’atto del cantare
fluides afin qu’elles semblent à tous
facili da comporsi da ciascuno, ma
faciles à composer lorsque qu’on les
alla prova poi si trovassero difficili e
chante, mais qu’en s’y penchant de
non da ogni compositore. Et in
plus près, on les trouve difficiles et
questa guisa compose lo Stella, il
pas du premier compositeur venu.
Nenna
Ritici
Et les Napolitains Nenna et Scipione
napoletani, che seguivano il suddetto
de Ritici, qui suivaient la manière
modo del Principe di Venosa e del
susdite du Prince de Venosa et du
Conte Alfonso Fontanella sic 622 .
Comte
e
con
ogni
fossero
Scipione
sforzo
ariose
de
Alfonso
Fontanelli,
composèrent aussi de cette manière.
Le témoignage de Giustiniani est par bien des aspects problématique. D’une part, car
celui-ci ne mentionne pas le nom de Macque – dont il ne connaissait probablement pas la
musique – parmi les Napolitains proches du prince de Venosa. D’autre part, car on peine à
reconnaître dans cet extrait la représentation que l’on a généralement donnée de la
musique de Gesualdo 623 , au point que l’on est en droit de se demander si Giustiniani ne
projeta pas tout simplement sur cette dernière son propre idéal musical. En effet, si
l’adjectif artificioso s’adapte parfaitement aux madrigaux gésualdiens, les termes doux et
fluides sont assez éloignés de leur l’univers sonore ; Giustiniani se référait peut-être aux
pièces de ses premiers recueils dans lesquels, comme l’ont noté à plusieurs reprises les
622
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica, op. cit., in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 109.
623
À ce propos, Pietro della Valle est beaucoup plus proche de notre conception de l’art gésuadien. Celui-ci
parle en effet de cantare affettuoso à propos la musique de Gesualdo, le rapprochant des auteurs des
premiers opéras, Claudio Monteverdi et Jacopo Peri. Voir DELLA VALLE Pietro, Della musica dell’età nostra
che non è punto inferiore, anzi è migliore di quella dell’età passata, in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit, p. 153. Voir infra, p. 376.
345
musicologues, Gesualdo s’attacha visiblement à faire démonstration de virtuosité
contrapuntique tout en conservant une certaine légèreté de ton 624 .
Quelle que soit la réalité artistique sur laquelle se base l’analyse de Giustiniani, il est
toutefois intéressant que celle-ci ait été formulée aussi clairement par un mélomane de
l’époque. Il semble en effet que cette synthèse entre légèreté apparente et complexité de
facture, ne renonçant ni à ariosità ni à l’artificio mais proposant plutôt une fusion totale de
ces deux aspects de l’écriture (et non un compromis comme le faisait le style hybride), ait
fait partie des préoccupations musicales de cette fin de siècle.
Les madrigaux pastoraux et l’héritage revisité du style
hybride
Renouvellement du vocabulaire rythmique
La marque la plus évidente d’une recherche de légèreté dans les intonations de textes à
caractère pastoral est l’absolue omniprésence des fuses déclamées dans les passages
imitatifs. Celles-ci envahissent littéralement le matériel contrapuntique, comme jamais
dans les recueils précédents de Macque. La table suivante met très clairement en évidence
cette tendance :
table 39 : total des motifs contrapuntiques en fuses déclamées (I.6-III.5)
624
Voir notamment WATKINS Glenn, Gesualdo. The Man and His Music, op. cit., p. 133-140. Einstein est
assez dur avec le premier Gesualdo, surtout en ce qui concerne ses quelques tentatives pastorales. À propos
de son intonation de Tirsi morir volea du Primo libro, celui-ci remarque : « S’il y a un endroit où l’on peut
voir l’amateur de haute naissance que personne n’avait le courage de critiquer, c’est bien ici. Dans cette
pièce, Gesualdo cultive en réalité le contraste entre les ritenutos écrits des passages accordaux et les
élaborations polyphoniques en motifs déclamés rapidement, mais ces motifs sont secs et prosaïques, et l’on
ne trouve aucune intuition pour la sensualité pastorale de la pièce, une sensualité qui est sa vie et sa
justification. (« If anywhere, it is here that we see the high-born dilettante whom no one dared to criticize. In
this piece Gesualdo admittedly cultivates the contrast of written-out chordal ritenutos and the polyphonic
elaboration of rapidly declaimed motifs, but these motifs are dry and prosaic, and there is no feeling for the
pastoral sensuality of the scene, a sensuality which is its life and justification. » », in EINSTEIN Alfred, The
Italian Madrigal, op. cit., vol. 2, p. 695).
346
100
90
80
70
60
une seule (q.
fuse e)
plusieurs croches
total
50
40
30
20
10
0
I.6
a456
MN1
MN2
I.4
II.5
III.5
Cette vivacité rythmique a cependant un visage totalement différent de celle des recueils
précédents. On constate en effet que le rythme q. e, qui prédominait largement dans les
deux premiers recueils napolitains, n’est utilisé que très marginalement dans le Terzo
libro, et souvent en combinaison avec d’autres cellules rythmiques animées 625 . Cette
figure possédait probablement trop d’affinités avec le répertoire léger, et était peut-être
même passablement démodée à la fin des années 1590.
Macque lui préfère au contraire un motif plus complexe, h. e e avec sa variante
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h
e e, au riche potentiel contrapuntique et harmonique, qui réapparaît pas moins d’une
trentaine de fois dans le recueil, généralement en début de phrase (voir infra, table 40,
p. 348). D’un point de vue rythmique, l’intérêt de ce motif est d’éviter, grâce à la syncope,
la division trop claire de la brève en quatre minimes.
Ce rythme, qui ne comparaît que de manière anecdotique dans les madrigaux antérieurs du
compositeur 626 , est aussi très présent chez Luzzaschi, notamment dans son Quinto libro
(1595) 627 . En conclure que Macque se serait directement inspiré du madrigaliste ferrarais
625
Voir notamment l’exorde de Di questi fior ond’io sur le rythme h. e e q. e h h
Le compositeur utilise le rythme h. e e deux fois dans le deuxième livre de Madrigaletti et
napolitaine, ainsi que dans le Primo libro a quattro voci et une fois dans le Secondo libro a cinque voci.
627
Dans le Quinto libro de Luzzaschi, la cellule h. e e et sa variante h e e apparaissent dans
l’intonation d’une trentaine de vers, de manière souvent combinée. Gesualdo a recours à ce rythme de
manière moins constante, souvent pour les exclamatio (deh, ahi, o, etc.).
626
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347
est peut-être un peu hâtif, mais cette hypothèse n’est pas à exclure car, si l’on retrouve la
même cellule rythmique dans certains madrigaux de Marenzio et Monteverdi datant de la
même période 628 , ces derniers en font cependant un usage bien plus modéré 629 .
table 40 : motifs  et sa variante 
QuickTime™ e un
decompressore TIFF (non co
sono necessari per visualizzare
a. début de phrase
628
On rencontre assez fréquemment ce motif rythmique dans le Terzo libro de madrigali a cinque voci de
Monteverdi (Venezia, Amadino, 1592) et un peu plus occasionnellement dans les derniers recueils à cinq
voix de Marenzio.
629
Macque continuera à faire un abondant usage de la cellule rythmique h. e e dans ses trois derniers
recueils. Le madrigal spirituel O gran stupor du Sesto libro de madrigali a cinque voci de 1613 est même
presque entièrement construit sur ce rythme (voir SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque,
op. cit., p. 722-734).
348
a. début de phrase (suite)
349
b. milieu de phase
Ce goût pour la syncope, doublé d’un souci d’enrichir, de renouveler et de complexifier le
vocabulaire rythmique, est extrêmement lisible dans ce nouveau recueil, et se ressent
notamment par l’utilisation nouvelle que fait Macque de la cellule eeee, souvent disposée
à cheval sur le temps et non entre deux temps, comme le compositeur le faisait auparavant.
L’extrait suivant est un exemple tout à fait heureux de balancement rythmique, évitant
350
toute lourdeur grâce au décalage des accents toniques et des appuis rythmiques
naturellement attendus 630 :
exemple musical 88 : Or che ridente e bella (III.5, n. 2, brèves 3-5)
Dissonances de couleur et variété modale
Très fréquemment, ces passages animés sont parsemés de légères dissonances passagères,
qui viennent donner plus de relief aux évocations des paysages arcadiens. Le retard
engendré par la syncope du rythme  génère ainsi de nombreuses dissonances, mais
celles-ci peuvent être aussi tout simplement attaquées sans préparation, directement sur la
deuxième partie de la minime, comme dans l’exemple suivant :
exemple musical 89 : Or che ridente e bella (III.5, n. 2, brève 1)
Il peut s’agir aussi de notes de passage de la durée d’une semi-minime disposées sur la
deuxième partie de la semi-brève :
630
À ce propos, voir supra, p. 234.
351
exemple musical 90 : Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1, brèves 27-29)
Le Terzo libro est plein de ces dissonances de couleur, conçues manifestement dans le but
de pimenter agréablement la polyphonie 631 . Il s’agit là d’une ouverture notable dans la
conception harmonique du compositeur qui, jusqu’alors, se servait des dissonances pour
exprimer les affects négatifs mais rarement en simple ornement du contrepoint.
Antonio Falcone a discuté ce type de procédé dans le compte-rendu de la joute musicale
qui se déroula à Palerme entre l’espagnol Sebastian Raval et son fils Achille, jointe à
l’édition des Madrigali, mottetti e ricercari de ce dernier publiée en 1603 632 . Celui-ci se
moque des corrections opérées par le musicien espagnol sur un madrigal de son fils, dans
un passage faisant usage de ce type de dissonances de couleur :
e quando viene quel
et quand arrive ce passage qui dit a
passo che dice a te Vezzosa
te Vezzosa Clori à toi gracieuse Clori,
Clori, egli non si vergogna
celui-ci Raval n’a pas honte de le
emendarlo per esservi quella
corriger à cause de cette neuvième, car il
nona non intendendo bene
ne connaît pas bien l’art et l’efficacité des
l’arte
delle
dissonances bien disposées, ni combien
dissonanze ben poste, quanto
elles peuvent améliorer l’harmonie. Mais
e
la
efficacia
rendano maggior armonia. Ma
631
On dénombre en tout 109 fuses dissonantes disposées sur la seconde partie de la minime et une quinzaine
de semi-minimes de passage sur la minime (sans compter évidemment la partie d’alto).
632
Pour plus de détails sur cette joute musicale et sur l’imprimé des madrigaux d’Achille Falcone et des
épreuves de la compétition, voir l’introduction de l’édition de Massimo Privitera, (FALCONE Achille,
Madrigali, mottetti e ricercari (1603), éd. Massimo Privitera, Olschki, Firenze, 2000).
352
egli, faccendo la sua fuga tutta
lui, en faisant sa fugue toute consonante,
consonante,
di
et en procédant simplement de tierce en
terza in terza incomposta, la
tierce, la rend bien inférieure, comme on
rende molto inferiore, come
peut le voir dans ce passage de Raval :
procedendo
ponno vedere in questo di
Raval:
Et in quel di Achille, per
Et dans celui d’Achille, il me
esserci quella dissonanza, pare a me
semble que la dissonance apporte
che maggior vaghezza e diletto
plus de grâce et de plaisir à la
apporti all’udito e a l’andamento del
conduite du passage, comme ici :
passo, come qui: 633
L’euphonie harmonique, clé de voûte d’une grande partie du style hybride des années
1580, était apparemment en passe de devenir synonyme de banalité au tournant du siècle,
banalité que Macque s’efforce manifestement d’éviter dans le Terzo libro.
Cette attention à l’enrichissement de la palette sonore est aussi perceptible dans les choix
modaux du compositeur. Si Macque fait évidemment appel aux modes les plus classiques
et les plus en usage dans le répertoire madrigalesque (le recueil s’ouvre en effet avec
quatre pièces en mode 11 sur fa {fa,b,g2}, suivies de trois numéros en mode 7 {sol/§/c1},
633
FALCONE Achille, Madrigali, mottetti e ricercari. Madrigali a cinque voci, con alcune opere fatte
all’improviso a competenza con Sebastain Raval, maestro della Cappella Reale di Sicilia, con una
narrazione come veramente il fatto seguisse, Venezia, Vincenti, 1603, p. 17-18. Voir l’édition de Massimo
Privitera pour le fac-similé (p. 143-144).
353
et d’un madrigal en deux parties en mode 1 sur sol {sol/b /g2}), celui-ci laisse également
une place tout à fait conséquente au mode de mi, mode sensiblement éloigné de l’univers
léger du madrigal-canzonetta et très peu utilisé par Macque dans ses derniers recueils
(voir infra, table 41 et 42, p. 355). Ce mode, très chargé affectivement, est choisi pour
musiquer les textes au caractère plus sombre 634 . Jusqu’alors, Macque lui préférait le mode
9 {la/§/g2} pour musiquer ce type d’affect, mode que le compositeur ne néglige pas
totalement dans le Terzo libro, mais réserve à un madrigal en deux parties de caractère
ambigu, mélangeant atmosphère pastorale et effusion sentimentale (A l’apparir de la
novella Aurora-Ogni pianta, ogni fera).
Dans ses recueils successifs, Macque n’utilisera plus le mode de mi que dans l’intonation
du sonnet de Pétrarque Padre del ciel dopo i perduti giorni dans le Quarto libro de
madrigali a cinque voci de 1599. Malgré une tendance tout à fait nette vers une
dramatisation du discours, le madrigaliste, dans ses deux derniers livres, ne fera plus appel
au mode de mi, réservant plutôt le mode 10 ({la/§/c1}) à certaines de ses pages les plus
expressives 635 . Il est possible que cette forte présence du mode de mi dans le Terzo libro
soit inspirée des madrigaux ferrarais de Luzzaschi, Fontanelli et Gesualdo. Ces derniers
laissèrent en effet toujours une certaine place au mode phrygien dans leurs recueils 636 .
634
Trois pièces sont composées en mode de mi : Non son questi sospir, qui se conclut par un catalogue des
tourments amoureux, Quel rossignol che plora qui se focalise sur les malheurs d’un rossignol et La morte è
fin d’una prigione oscura, méditation sur la mort.
635
Voir notamment Non è d’aspe o di fera et Donna, se ’l cor hai di diamante e ’l petto dans le Terzo libro a
quattro voci, ainsi que Tu ti lagni al mio pianto et la quatrième et dernière partie de I tuoi capelli, o Filli, in
una cistola, Io piango, o Filli, il tuo spietato interito sur un texte de Sannazaro dans le Sesto libro de
madrigali a cinque voci (voir SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 641650, 773-780 et 781-791)
636
À partir de 1595, chacun des imprimés de Baldini (le quatrième livre de Gesualdo, le cinquième de
Luzzaschi et le premier de Fontanelli en 1595, le sixième et septième de Luzzaschi en 1596 et 1597)
comportent deux pièces en mode de mi. Les deux premiers imprimés de Gesualdo, qui ne laissent pas
beaucoup d’importance à ce mode, ne furent selon toute vraisemblance pas composés avant le séjour
ferrarais de Gesualdo. Pour les choix modaux de Luzzaschi et Fontaneli, voir notamment l’introduction des
éditions d’Anthony Newcomb, FONTANELLI Alfonso, Primo libro di madrigali a cinque voci (Ferrara,
1595), op. cit., p. xi et LUZZASCHI Luzzasco, Il quarto libro de' madrigali a cinque voci (Ferrara, 1594) and
madrigals published only in anthologies, 1583-1604, op. cit., p. xviii et xix.
354
Le mode 1 non transposé {ré/§/g2}, moins lumineux que sa transposition sur sol,
réapparaît aussi dans le Terzo libro. Ce mode, généralement peu favorisé dans le répertoire
léger, était totalement absent de ses deux livres précédents 637 .
Macque s’attache manifestement à varier les couleurs modales dans ce recueil,
l’homogénéité des textes poétiques n’empêchant en effet pas le compositeur de déployer
un spectre modal relativement large.
table 41 : choix modaux du Terzo libro de madrigali a cinque voci : total
Type
{ré/§/c1}
{ré/§/g2}
{mi/§/
III.5
1
---
3
tonal
table 42 : ordre modal des pièces
N
1 3
2 4
3 5
4 6
5 7
6 8
7 9
8 10
9 11
637
638
incipit
Sparge la bella
Or che ridente
Uscia
dai
Il
matutino
Al
subito
E s’alor non si
Il
vezzoso
Di questi fiori
Sian le rose
Type
{fa/b/g2}
{fa/b/g2}
{fa/b/g2}
{fa/b/g2}
{sol/§/c1}
{sol/§/c1}
{sol/b/g2}
Voir supra, tables 31 et 32, p. 219.
Entre crochets le numéro de la pagination de l’édition de Baldini, qui commence à la page trois.
355
10 12
11 13
12 14
13 15
14 16
15 17
16 18
17 19
18 20
19 21
20 22
21 23
Corron
Quel rossignol
Non son, non
La morte è fin
A l'apparir de
Ogni pianta,
Al mormorar
Ami chi vuol
La
bellezza
Il vero Amore
I'
vo
Sì che, s’io
{ré/§/c1}
{mi/§/c1}
{mi/§/c1}
{mi/§/c1}
{la/§/g2}
{sol/§/g2}
{sol/§/g2}
{sol/b/c1}
{sol/b/c1}
vissi in guerra et in
tempesta 2p
Artificiosità contrapuntique
À l’intérieur de ce cadre résolument tourné vers une vivacité rythmique, conjugué à une
recherche de variété modale et harmonique, Macque s’applique à déployer toutes les
subtilités d’une écriture contrapuntique raffinée, réservant aux techniques imitatives la
part la plus conséquente des pièces 639 .
table 43 : répartition des textures du III.5
imitation/contrepoint
homophonie
formes
mixtes
63%
23%
14%
La majorité des passages imitatifs font en effet appel aux combinaisons motiviques
(généralement de deux sujets en miroir) et aux doublures (à la tierce ou à la sixte) laissant
moins de place qu’auparavant à l’imitation simple. Macque est d’autre part devenu
beaucoup plus strict dans les imitations si l’on compare avec ses recueils précédents, et
évite presque systématiquement d’avoir recours au contrepoint libre. Les sujets sont en
effet quasiment toujours choisis de manière à ne subir presque aucune modification en
passant aux autres voix.
639
Voir supra, tables 29 et 30, p. 218 pour les proportions des autres recueils.
356
La table suivante met en évidence cet inversement de tendance entre les premiers recueils
napolitains de Macque et le Terzo libro :
table 44 : techniques utilisées dans les passages imitatifs (I.4-III.5)
Il est difficile de ne pas faire le lien entre ces observations et l’évocation des « fugues
difficiles et gracieuses de toutes les parties, imbriquées les unes dans les autres de telle
façon qu’il ne reste aucune note en trop et en dehors de la fugue commencée, laquelle était
toujours composée à l’envers de la première » faite par Giustiniani à propos des
madrigaux de Gesualdo 640 .
On pourrait être tenté de remarquer que certains passages imitatifs en fuses déclamées
peuvent être traités de manière relativement similaire dans les Madrigaletti et napolitane
(doublures, mouvements contraires, traitement strict du sujet) et que les commentaires de
Giustiniani ne sont pas forcément synonymes d’artificiosità. La grande différence réside
cependant dans le soubassement harmonique qui est généralement à la base de ces
élaborations contrapuntiques dans les Madrigaletti et napolitane (et dans le style hybride
en général). Celui-ci fait le plus souvent défaut au Terzo libro, dont la logique
640
Voir supra, p. 344.
357
contrapuntique est résolument horizontale et fait relativement peu appel aux procédés de
simplification harmonique tels qu’on les trouvait dans les recueils précédents du
compositeur 641 .
La comparaison des deux extraits suivants, le premier tiré du Primo libro de madrigaletti
et napolitane, le second du Terzo libro, construits tous deux sur un contrepoint par
mouvement contraire, met en évidence le fossé existant entre les deux types d’écriture. Le
premier ne s’échappe pas de l’accord de sol majeur et constitue plutôt un exemple de
pseudo-contrepoint, pour reprendre l’expression d’Anthony Newcomb, que de virtuosité
contrapuntique :
exemple musical 91 : Dico spesso al mio core (MN1, n. 5, brèves 8-10)
Le parcours harmonique de cet extrait du Terzo libro, basé lui aussi sur un soggetto en
gamme ascendante et descendante, est au contraire bien plus fluctuant, et semble plutôt
résulter de la logique interne du contrepoint que d’un enchaînement accordal prédéfini :
exemple musical 92 : Di questi fiori ond’io (III.5, n. 8, brèves 14-15)
641
Les imitations biaccordales ne sont pas totalement absentes du Terzo libro, mais leurs apparitions sont
généralement très fugitives. À l’exception du madrigal La morte è fin d’una prigione oscura (voir infra,
p. 371), l’alternance harmonique reste peu systématique et ne concerne généralement qu’une petite partie de
la phrase (voir par exemple, dans le premier numéro, l’intonation du vers Facciamo risonar).
358
Même si le compositeur cherche la plupart du temps à conserver une certaine clarté dans
ses choix de textures, certaines élaborations contrapuntiques – notamment dans les
péroraisons – ne sont pas sans rappeler ce que Anthony Newcomb a dénommé l’écriture
kaléidoscopique, caractéristique du style de Luzzaschi et reprise successivement par
Gesualdo et Fontanelli 642 . Celle-ci consiste à découper le matériel contrapuntique en
petites sections, répétées et échangées entre les différentes parties.
Dans l’intonation du dernier vers du madrigal Il vezzoso Narciso, par exemple, Macque
fragmente le vers en trois motifs très brefs (non in me – ma in un fior – e per un fior) qu’il
dissémine entre les voix. Cette imbrication motivique qui, contrairement à certains jeux
contrapuntiques typiques du madrigal-canzonetta, n’est pas soutenue par une forte
structure harmonique mais semble encore une fois répondre à une logique purement
horizontale, correspond sans aucun doute à une recherche de grand raffinement d’écriture
643
:
exemple musical 93 : Il vezzoso Narciso (III.5, n. 7, brèves 19-27)
642
Voir NEWCOMB Anthony, The Madrigal at Ferrara, op. cit., p. 120-121.
Pour d’autres exemples de ce type d’élaborations contrapuntiques, voir par exemple la péroraison de Sian
le rose rubini ou celle de Al mormorar de l’onde.
643
359
Cette finesse d’écriture est perceptible également dans les passages homophones. Macque
n’hésite pas à puiser dans le fonds de modèles rythmiques de la canzonetta pour les
passages accordaux, mais il les utilise de manière beaucoup plus travaillée qu’auparavant.
Ceux-ci, en plus de présenter généralement un petit travail contrapuntique évitant la
scansion parfaitement synchronisée du texte, sont souvent composés sur la base d’une
logique contrapuntique. La conclusion du madrigal en deux parties Al subito apparir del
primo raggio – E s’alor non si coglie est à ce propos tout à fait significative. Les quatre
répétitions du dernier vers, construites sur deux schémas rythmiques de canzonetta accolés
( ) sont un rappel évident au répertoire léger. Cependant, lors des
deux premières occurrences, la ligne du canto vient briser la verticalité de l’écriture, en
360
entrant en imitation trois minimes plus tard et tout le passage est construit sur deux motifs
traités par mouvement contraire :
exemple musical 94 : E s’alor non si coglie, (III.5, n. 6, brèves 15-21)
Il ne s’agit certes pas là d’un exploit contrapuntique, mais cette petite particularité prouve
cependant une attention tout à fait évidente au détail de l’écriture.
Le même souci du détail se retrouve dans l’exorde de la pièce. Le passage est construit sur
le rythme , utilisé ici de manière parfaitement homophone. À la répétition, le
compositeur réécrit toute la phrase par mouvement contraire et en contrepoint renversable,
subtilité d’écriture qui contraste sensiblement avec l’apparente facilité qui se dégage de
ces premières mesures, au point qu’on pourrait parler ici d’artificiosità cachée. Cette
opposition entre impression de simplicité à l’écoute et complexité d’écriture
n’apparaissant qu’à l’analyse rappelle encore une fois les commentaires de Giustiniani sur
les madrigaux de Gesualdo évoqués précédemment.
exemple musical 95: Al subito apparir del primo raggio (III.5, n. 5, brèves 1-2)
361
Ce type de construction concerne la majorité des passages homophones qui sont très
souvent traités par mouvement contraire ou en contrepoint renversable aux répétitions 644 .
On peut être tenté de faire le lien avec l’écriture de Gesualdo qui, comme l’a noté Glenn
Watkins dans sa monographie sur ce compositeur, fait très souvent appel à ce type de
procédés dans les passages déclamatifs homophones 645 .
Imitation alternée
Macque sait cependant parfois renoncer à cette complexité contrapuntique dans un souci
de compréhension du texte poétique. La polyphonie se répartit alors par paire de voix,
selon un principe d’alternance textuelle assez proche des congeries (et peut-être dérivant
de ces dernières), permettant une plus grande clarté d’énonciation. Le motif rythmique h.
e e h, avec sa juxtaposition de notes tenues et de fuses déclamées, se prête
particulièrement bien à ce type de procédé. Celui-ci réapparaît aussi fréquemment chez
Luzzaschi et Gesualdo dans des formes extrêmement proches, même si le résultat sonore
final peut s’avérer sensiblement différent :
644
Un certain nombre de répétitions de passages homophones utilisent les mouvements contraires, au moins
à certaines voix (voir par exemple dans la première pièce du recueil Sparge la bella aurora, l’intonation des
vers Che s’apre a noi et Cantiamo pur ou bien dans Corron d’argento i fiumi (numéro 10), le vers Cantate o
vaghi augelli ou encore l’exorde de A l’appartir de la novella Aurora).
645
Voir WATKINS Glenn, Gesualdo. The Man and His Music, op. cit., p. 135-140 et 151-153.
362
exemple musical 96 : Giovanni de Macque, Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1,
brèves 3-5) 646
exemple musical 97 : Luzzasco Luzzaschi, Non guardar ché se guardi (Il Quinto libro
de madrigali a cinque voci, Ferrara, Baldini, 1595, brève 6) 647
exemple musical 98 : Carlo Gesualdo, Arde il mio cor (Il quarto libro de madrigali a
cinque voci, Ferrara, Baldini, 1596, mesure 26) 648
646
Voir aussi dans la même pièce, l’intonation du vers Da vaghi augelli il giorno et dans E s’alor non si
coglie, la péroraison de la pièce suivante Or che ridente e bella (brève 16-17 et 20-21) ou encore dans Ogni
pianta, ogni fera, l’intonation du vers Raddoppia il pianto.
647
D’après DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, Le due « scelte » napoletane di Luzzasco Luzzaschi,
Firenze, S.P.E.S., 1998, vol. 2, p. 38-39. Voir aussi dans le Quinto libro de Luzzaschi Lungi da te cor mio
dont beaucoup de passages sont construits sur le même principe d’alternance textuelle.
648
D’après GESUALDO DI VENOSA, Viertes Buch, éd. Wilhelm Weismann et Glenn Watkins, Leipzig,
Deutscher Verlag für Musik, 1958, p. 26. Sämtliche Werke, vol. 4
363
Les deux extraits suivants, tirés du Quinto libro de Luzzaschi (1595) et du Terzo libro de
Macque, proposent un autre type de solution au problème de la compréhension du texte
dans un contexte contrapuntique, jouant toujours avec le principe d’énonciation alternée.
Macque avait-il sous les yeux le madrigal de Luzzasco lorsqu’il composa le passage ?
exemple musical 99 : Luzzaschi Luzzasco, Io vissi anima mia (Il quinto libo de
madrigali a cinque voci, op. cit.) 649
649
D’après DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, Le due « scelte » napoletane di Luzzasco Luzzaschi,
op. cit., vol. 2, p. 112-113.
364
exemple musical 100 : Giovanni de Macque, Uscia dai monti fuora (III.5, n. 3, brèves
7-10) 650
Ce type de procédé contrapuntique aéré est évoqué par Pietro della Valle, dans un passage
de Della musica dell’età nostra. L’auteur discute des nouvelles formes de fugues en usage
parmi ses contemporains et fait l’éloge des compositeurs qui savent sacrifier la complexité
contrapuntique pour permettre une plus grande clarté des paroles :
Non fanno caso che le
Ils
n’attachent
pas
fughe paiano troppo facili, purché
d’importance au fait que les fugues
non confondano le parole nè il loro
paraissent trop faciles, tant qu’elles
senso: le interrompono bene spesso
ne confondent pas les paroles et leur
con pause, acciocchè le parti si diano
sens. Ils les interrompent bien
tempo l’una all’altra, e ciascuna di
souvent avec des pauses, afin que les
esse spicchi bene le sue parole. 651
parties se donnent le temps les unes
aux autres, et que chacune d’entre
elles détache clairement ses paroles.
Miniaturisme, morcellement et ambiguïté cadentielle
Un même souci de synthèse entre l’héritage du madrigal-canzonetta et une écriture plus
recherchée est perceptible dans l’organisation globale des pièces. Tout d’abord, Macque
650
L’alto peut sembler peut-être un peu trop dissonant, cependant, comme on l’a évoqué, ce type de note de
passage en semi-minime tombant sur la minime se rencontre relativement fréquemment dans le recueil. Voir
supra, p. 351 et suivantes.
651
DELLA VALLE Pietro, Della musica dell’età nostra, op. cit., in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 152.
365
propose des intonations de très petites dimensions dans ce nouveau recueil, notamment
pour les textes de caractère pastoral, dont la brièveté se rapproche plus des Madrigaletti et
napolitane que de ses madrigaux précédents. La longueur moyenne des compositions est
en effet de 29, 2 brèves si l’on compte tous les numéros du recueil, mais seulement de 26,
9 brèves si l’on exclut les madrigaux spirituels, soit presque six brèves de moins que dans
Secondo libro a cinque et à peine plus que dans le premier recueil de Madrigaletti et
napolitane 652 . Cette concision est probablement à mettre en rapport avec le style ferrarais
des années 1590 653 mais aussi avec une tendance générale du compositeur à composer des
pièces de plus en plus courtes 654 .
Macque combine à la brièveté des pièces, une évidente clarté d’articulation des différentes
phrases musicales. Les cadences se succèdent en effet avec une grande fréquence, créant
ainsi des sections musicales de petite taille, généralement répétées, dont les contours sont
très clairement définis 655 .
Ce cadre extrêmement structuré et sectionné est compensé en partie par la grande liberté
avec laquelle Macque use des cadences, celles-ci possédant souvent un caractère très
faiblement conclusif. Les cadences parfaites avec saut de quarte ou de quinte à la basse ne
constituent en effet pas la norme dans ce recueil et ne représentent même pas la moitié des
cadences du recueil (environ 45%, contre un peu moins de 60% dans les deux premiers
652
La longueur moyenne des pièces du Primo libro de madrigaletti et napolitane est de 26,7 brèves, soit
légèrement plus que celle du Secondo libro (24,9 brèves).
653
Certaines intonations de Gesualdo n’arrivent même pas à une vingtaine de brèves, notamment lorsqu’il
s’agit de prima parte. Voir par exemple, dans le Quarto libro, Cor mio, deh, non piangete (dix-sept brèves),
Moro, e mentre sospiro (dix-huit brèves), ou encore Ecco, morirò dunque (dix-sept brèves).
654
Cette tendance est particulièrement perceptible dans le dernier recueil du compositeur, dont les pièces ont
une durée moyenne de 25 brèves. Il peut être intéressant de faire le lien entre la brièveté de ces madrigaux et
les remarques de Cerone à propos de l’usage des différents rythmes. Le théoricien s’insurge en effet contre
les madrigalistes napolitains qui passent outre le bon usage des différentes valeurs rythmiques : « Il est vrai
que certains compositeurs modernes (et en particulier les musiciens napolitains), au lieu de faire usage des
quatre figures sur les syllabes, c’est-à-dire la brève, la semi-brève, la minime et la semi-minime, utilisent la
semi-brève, la minime, la semi-minime et la fuse, et pour les chanter bien à l’aise, ils élargissent de telle
manière la battue qu’il y passerait commodément un char avec ses bœufs » (« Verdad es que algunos
modernos (y en particular los musicos napolitanos) en lugar de poner en obra las quatro figuras breve,
semibreve, minima y semiminima con palabras, ponen la semimibreve, minima, semiminima et crochea, et
para cantarlas bien, alargan de tal manera el compas, que passara comodamente un carro con sus
bueyes », in CERONE Pietro, El melopeo y maestro, op. cit., p. 692, cité in FABBRI Paolo, Il madrigale tra
Cinque e Seicento, op. cit, p. 15). Il est possible que, les tempos étant considérablement ralentis, les
madrigalistes aient par conséquent préféré composer des pièces plus courtes.
655
L’intervalle moyen entre deux cadences est de 2,3 brèves dans le Terzo libro a cinque, chiffre qui tombe
à 1,9 brèves si l’on ne compte que les pièces pastorales, contre 3,1 dans le Primo libro a quattro voci, et 2,6
dans le Secondo libro a cinque.
366
recueils napolitains). Cette diminution est compensée par une forte présence de cadences
alternatives, qui n’ont guère en commun avec les cadences classiques que la fonction
syntaxique et la position dans la phrase musicale.
On remarque notamment une forte propension à laisser les phrases en suspens au moyen
d’enchaînements du type
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ou
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(vingt-six occurrences au total), introduits parfois de
manière tout à fait étonnante 656 :
exemple musical 101: Or che ridente e bella (III.5, n. 2, brèves 5-6)
Certaines formules cadentielles sont assez peu orthodoxes 657 et il arrive même
fréquemment que la pause syntaxique soit réalisée par la simple répétition d’un même
accord, précédé d’une séquence harmonique sans aucun caractère cadentiel 658 . La phrase
semble alors s’arrêter au milieu de sa course :
exemple musical 102 : Il vezzoso Narciso (III.5, n. 7, brèves 16-18)
656
Voir tout particulièrement la seconde partie de Di questi fiori ond’io, Sian le rose rubini pour un exemple
d’utilisation massive de ce type de cadences suspendues.
657
Voir notamment l’exorde de Al subito appari del primo raggio.
658
Les passages de ce type ne manquent pas dans le Terzo libro. Voir en particulier les premières mesures de
la seconde partie du madrigal A l’apparir de la novella Aurora, Ogni pianta, ogni fera.
367
On peut être tenté de voir une influence de Luzzaschi – grand virtuose des discours
morcelés, ponctués par des cadences très faibles et inclassables 659 – dans le choix de ce
vocabulaire cadentiel peu conclusif, même si Macque n’utilise qu’occasionnellement les
cadences évaporées si chères au ferrarais 660 et qu’on ne trouve pas l’équivalent des
liquidations cadentielles très particulières concluant souvent les madrigaux de ce dernier.
L’impression qui se dégage de ces pièces est que Macque, suivant en ceci le trio ferrarais,
renonce au débit continu, fluide et étalé de l’écriture contrapuntique traditionnelle – que
l’on trouvait encore ponctuellement dans ses deux premiers recueils napolitains – en
même temps qu’aux articulations franches et prévisibles du style hybride, pour explorer
une troisième voie intermédiaire, faite de concision et de clarté sans pourtant renoncer à la
variété et à la complexité d’écriture.
Madrigaux spirituels
Les madrigaux spirituels qui concluent le recueil reprennent dans une certaine mesure les
mêmes problématiques que les pièces pastorales, tout en démontrant de façon
particulièrement évidente la capacité du compositeur à faire correspondre son écriture
musicale au registre stylistique des textes poétiques. Macque, on l’a évoqué, choisit de
musiquer deux types de rimes spirituelles : d’un côté, des poésies anonymes utilitaires,
659
Anthony Newcomb a en effet noté le penchant de Luzzaschi pour ce type de cadences (voir The Italian
Madrigal, op. cit., p. 120-121). Le premier madrigal du Quinto libro de Luzzaschi offre de nombreux
exemples de ces cadences à faible potentiel conclusif.
660
Je n’ai trouvé qu’un véritable cas de cadence évaporée dans le recueil (voir Il matutino vento, brève 7),
alors que le compositeur les utilisait assez fréquemment le Secondo libro de madrigali a cinque (cinq
occurrences en tout).
368
tirées du courant poétique conséquent à la Contre-Réforme, de l’autre des vers
pétrarquéens traditionnellement associés à la méditation morale ou religieuse. L’adhérence
de l’écriture musicale au contenu poétique, qui reformule une fois de plus la polarité et la
dynamique d’échange entre complexité et simplicité, est ici encore parfaitement lisible.
Dans ses intonations des textes de Pétrarque, et tout particulièrement dans le sonnet qui
conclut le recueil, Macque fait appel à un éventail de technique qui contraste sensiblement
avec le reste du recueil.
Tout d’abord, le madrigaliste propose une intonation bien plus longue que le reste des
pièces puisque la première partie a une durée de quarante-deux brèves et la seconde de
trente-cinq brèves – soit respectivement treize et six brèves de plus que la moyenne du
recueil. Le discours est en outre très faiblement articulé, les cadences se suivant avec
beaucoup moins de fréquence que dans le reste du livre 661 et l’enchaînement des
différentes phrases musicales faisant souvent appel aux tuilages 662 . Cette impression de
flux continu est encore renforcée par le caractère des sujets, rythmiquement très étalés,
composés majoritairement en notes blanches et utilisant les fuses déclamées avec
parcimonie. Seule l’évocation de la guerre et des tempêtes au début de la seconde partie
(Sì che, s’io vissi in guerra et in tempesta) provoque une réelle animation du discours.
Les schémas d’homophonie rythmique sont évidemment bannis de cette intonation, de
même que toute tentative d’homophonie parfaitement synchronisée. Macque se concentre
au contraire sur les techniques imitatives, n’utilisant les passages homophones qu’à des
fins rhétoriques, par exemple pour mettre en valeur l’invocation au « Roi du ciel » (« Re
del ciel »).
Le compositeur conjugue ici le ton poétique grave et recueilli des vers pétrarquéens à une
intonation portant tous les signes extérieurs d’une écriture à l’ancienne, presque dans un
style motet : fluidité et continuité du débit, textures majoritairement contrapuntiques,
valeurs rythmiques étalées, etc.
661
662
Une cadence toutes les 3,6 brèves contre une toutes les 1,9 brèves dans les textes pastoraux.
Les articulations en tuilage représentent 45% des transitions, contre 20% dans le reste du recueil.
369
Macque se place ainsi dans la continuité de la lignée de compositeurs qui musiquèrent le
texte avant lui – notamment Roland de Lassus 663 – mais reste relativement imperméable
aux solutions plus modernes proposées deux ans auparavant par Alfonso Fontanelli dans
son Primo libro de madrigali a cinque voci, comme le souligne Anthony Newcomb dans
l’introduction son édition de ce recueil 664 .
Ce cadre extrêmement traditionnel n’empêche cependant pas le compositeur d’intégrer
quelques dissonances savoureuses ne respectant pas toujours au pied de la lettre les
normes de résolution des retards. Dans le passage suivant, Macque accumule les
dissonances, enchaînant une septième à un triton, puis à un retard de quarte 665 :
exemple musical 103 : Sì ché s’io vissi in guerra et in tempesta (III.5, n. 21, brèves 1921)
Comme le remarque Shindle, on retrouve cette même tendance dans l’intonation du sonnet
spirituel bipartite du Quarto libro, Padre del ciel dopo i perduti giorni – Or volge Signor
663
L’intonation de Macque présente en effet de nombreux points de convergence avec celle de Lassus,
notamment dans l’exorde, en note blanche avec une tierce mineure ascendante et descendante, et dans les
passages déclamatifs sur les vers Tu, che vedi i miei mali indegni et empi/Re del cielo invisibile e immortale.
664
Voir FONTANELLI Alfonso, Primo libro di madrigali a cinque voci (Ferrara, 1595), op. cit., p. xiv-xv. À
mon sens, on peut cependant trouver quelques points de convergences entre les deux versions, notamment
dans l’exorde à deux sujets en notes blanches, dans l’utilisation de certains rythmes (voir par exemple
l’intonation des vers Re del cielo invisibile e immortale/soccorri a l’alma disviata e frale), ou dans certaines
juxtapositions de textures contrastantes (voir l’intonation des deux premiers vers de la seconde partie Sì che
s’io vissi in guerra et in tempesta/mora in pace et in porto). Ces similitudes sont cependant totalement
anecdotiques, et montre simplement que Macque connaissait probablement l’intonation de Fontanelli.
665
Voir aussi à la brève 8 de la seconde partie, la septième mineure entre quinto et canto résolue directement
sur une quinte.
370
mio l'undecimo anno, qui offre une intonation d’apparence très classique, ponctuée
cependant de passages harmoniquement corsés 666 .
Dans son intonation du chapitre du Trionfo della morte de Pétrarque, Macque se montre
bien plus ambigu et juxtapose des styles très différents en réponse au contraste exprimé
dans le texte poétique. Le capitolo de Pétrarque est en effet une réflexion sur l’attitude que
l’homme doit adopter face à la mort et oppose l’« ennui » (« la noia ») à la « joie » (« la
gioia »). La pièce s’ouvre par un exorde sur un sujet en notes blanches dans un style
motet, fuyant la cadence au moyen d’un motif déviant systématiquement la sensible :
exemple musical 104 : La morte è fin d’une prigione oscura (III.5, n. 13, brèves 3-4)
Cette première section est enchaînée sans transition ni cadence sur l’une des rares
imitations biaccordales du recueil (la/Mi) sur le rythme animé , contrastant
singulièrement avec le style motet et la complexité harmonique des premières mesures.
Cette clarté harmonique, probablement destinée à dépeindre les « âmes nobles » (« animi
gentili »), tourne court au moyen d’une cadence évitée (brève 10), à peine sont évoqués les
« autres » (« gli altri ») et leurs préoccupations tombées « dans la boue » (« nel fango »).
Cette première partie se conclut à la brève 13 par la première articulation cadentielle nette
du madrigal.
666
À propos de ce madrigal spirituel, Shindle remarque : « En regardant superficiellement ce madrigal
bipartite, on est frappé par son apparence de motet. … Mais en allant au-delà de ce regard superficiel,
beaucoup d’aspects typiquement napolitains commencent à se manifester » (« Looking superficially through
this bipartite madrigal, one is struck by its motet-like appearance. … But going beyond this superficial
glance, many peculiarly Neapolitan aspects begin to manifest themselves. », in SHINDLE Richard, The
Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 202).
371
La suite de la pièce n’est pas moins ambiguë. Macque utilise une deuxième fois un
passage en alternance harmonique autour de la finale dans le vers suivant (« Et maintenant
ma mort, qui t’ennuies », « Et ora il morir mio, che sì t’annoia »), mais c’est cette fois-ci
en faisant appel à l’accord de si majeur, dont les deux altérations ré dièse et fa dièse
donnent au passage une couleur particulièrement dure, tout à fait éloignée de l’effet
euphonique généralement obtenu par les imitations biaccordales. Le madrigal se conclut
par une longue péroraison animée, entièrement construite sur des sujets en fuses
déclamées et en vocalises, assez proche de l’intonation des canzonette spirituali, qui fait
écho à l’allégresse avec laquelle se clôt le capitolo.
Macque propose une juxtaposition de style tout à fait étonnante dans cette pièce, oscillant
tour à tour entre le langage grave et austère propre aux intonations des rimes
pétrarquéennes et le ton enjoué du répertoire léger, brouillant les frontières entre les
différents registres, frontières que le compositeur avait d’ailleurs maintes fois contribué à
édifier ou à confirmer dans le reste de sa production madrigalesque.
Dans l’intonation des canzonette spirituali, Macque retourne en revanche à une synthèse
stylistique relativement proche des solutions adoptées dans les madrigaux pastoraux.
Macque parsème en effet les pièces de marqueurs du style hybride sans pour autant
négliger le raffinement de l’écriture contrapuntique. Ami chi vuol amare – La bellezza
superna, madrigal en deux parties, est un parfait exemple de cette fusion.
Au niveau de la forme globale, ce madrigal en deux parties reprend les principes
caractéristiques des genres légers. Macque ne décide pas de se focaliser sur la nature
strophique du texte (en reprenant par exemple une partie du matériau motivique dans la
seconde partie), mais structure l’ensemble selon le schéma formel AAB-CDD qui rappelle
les modèles les plus courants de la canzonetta par la répétition de la première et de la
dernière section. Les parties répétées (A et D) sont de dimensions assez amples
(respectivement cinq et dix mesures) et sont assez nettement délimitées pour que la forme
apparaisse clairement à l’écoute.
La pièce s’ouvre par une section homophone sur un schéma rythmique trochaïque 
, suivie par une courte section imitative sur deux sujets portant des textes
372
différents, le premier présentant des affinités avec le style hybride par sa simplicité
mélodique et son modèle rythmique basé sur la cellule  :
exemple musical 105: Ami chi vuol amare, (III.5, n. 17, canto, brève 2-3)
le second construit au contraire une ligne mélodique tortueuse engendrant des
chromatismes indirects, rendant absolument impossible la réalisation d’un soubassement
harmonique simplifié :
exemple musical 106 : Ami chi vuol amare, (III.5, n. 17, quinto, brève 4-5)
Ce sujet est en outre probablement conçu comme une diminution de la ligne du quinto
exposée de manière homophone et diatonique dans les premières mesures :
exemple musical 107 : Ami chi vuol amare, (III.5, n. 17, brève 1-2)
Le reste de l’intonation est à l’avenant. Les passages imitatifs en fuses déclamées sont
légions, généralement construits en combinaison motivique, et jonchées de dissonances de
373
couleur 667 . Les passages homophones servent de point de départ à des élaborations
contrapuntiques assez éloignées du côté immédiat et direct du répertoire léger 668 . Macque
propose donc pour ces petites poésies strophiques spirituelles des intonations aux faux airs
de canzonette spirituali, gardant un œil rivé sur la légèreté sans jamais céder en réalité à la
simplicité et l’immédiateté propre à ce genre.
Avec le Terzo libro, Macque arrive à un point d’équilibre, que l’on peut lire comme le
résultat des recherches réalisées durant les vingt années précédentes. Cette parfaite fusion
du léger et du savant, cette artificiosa ariosità, qui caractérise la quasi totalité des pièces
du recueil à l’exception des intonations des vers pétrarquéens, représente une forme
aboutie que le madrigaliste ne cherchera plus véritablement à modifier dans ses recueils
successifs. Non que Macque se soit figé stylistiquement dans ses dernières publications.
Au contraire, les quinze dernières années du compositeurs seront marquées par
d’importantes innovations. Cependant, celles-ci concerneront essentiellement le pôle
opposé de l’éventail affectif du langage madrigalesque, ce que l’on pourrait appeler le
style expressif, ou même expressionniste, pour reprendre l’expression utilisée par Anthony
Newcomb dans son article du New Grove sur le madrigal 669 .
Les intonations de textes pastoraux des derniers recueils ne présentent quant à elles pas de
transformations majeures. On y retrouve le même vocabulaire rythmique, les mêmes
soggetti rapides en fuses déclamées, le même goût pour les élaborations contrapuntiques
raffinées, les mêmes dissonances de couleur. La seule différence notable réside dans
l’utilisation d’ornements rythmiquement beaucoup complexes et libres 670 , mais cet aspect,
on le verra, était déjà en germe dans le Terzo libro 671 .
667
Voir notamment les premières mesures de La bellezza superna qui offrent un exemple particulièrement
significatif de ce type de procédé.
668
Voir notamment l’intonation de ch’a me distrugge dolcemente il cor (brèves 10-15), dont la ligne de
basse est reprise dans la suite de la phrase, en combinaison avec un autre sujet. Ce type de procédé sera
repris de manière magistrale dans le madrigal spirituel O gran stupor du Sesto libro de madrigali a cinque
voci de 1613, le dernier recueil du compositeur (transcription in SHINDLE Richard, The Madrigals of
Giovanni de Macque, op. cit., p. 722-734).
669
Voir NEWCOMB Anthony, « Madrigal, §II, 9: Italy: 16th century: Expressionistic and recitational styles;
the
late
1580s
»,
Grove
Music
Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.40075.2.9, page consultée le 5 juin
2007.
670
À ce propos, voir SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 266
671
Voir infra, p. 382.
374
Même si Macque n’abandonna jamais ce versant léger de l’écriture madrigalesque, on
peut dire que le recueil de 1597 marque la fin d’une époque. Ses madrigaux postérieurs se
fixeront en effet des enjeux et des défis totalement différents : la recherche d’une
déclamation très expressive et affettuosa, l’élaboration d’une palette harmonique toujours
plus tendue, l’apprivoisement contrapuntique des échelles chromatiques, autant
d’éléments relativement étrangers cette ariosità que le madrigaliste avait poursuivie sans
relâche jusqu’alors.
Du lecteur à l’auditeur : vers un nouveau
rapport au texte
Concepts et affects
Si le Terzo libro reste encore globalement tourné vers la légèreté caractéristique du style
hybride, tout en revisitant profondément ses principes, Macque inaugure dans ce recueil
un type de rapport au texte poétique d’un genre nouveau, qui s’achemine plus vers la
dernière manière du compositeur qu’il ne rappelle ses madrigaux précédents.
Macque, on l’a vu, poussa très loin les jeux analogiques et symboliques dans ses premiers
recueils napolitains. Il répondait en cela parfaitement aux tendances du madrigal de
l’époque qui, malgré les vitupérations de Galilei, continua à se délecter de ces
enfantillages pendant un certain temps. Il est vrai cependant que le Franco-flamand ne se
plaçait manifestement pas dans la perspective de transporter émotionnellement un
auditoire, mais plutôt d’explorer tous les liens possibles entre la parole et le signe musical.
Cependant, en 1597, les temps avaient déjà commencé à changer. Cause ou conséquence
des prémisses de cette nouvelle ère, la camerata fiorentina, dans sa recherche sans doute
chimérique de ressusciter la musique des anciens, avait réussi à placer ou replacer
l’émotion auditive au cœur du débat musical. Mesurer l’impact exact des discussions des
florentins sur les madrigalistes est une entreprise difficile, mais il est certain que les
compositeurs que l’on considère généralement comme les principaux représentants de la
seconda pratica, Marenzio, Gesualdo, Luzzaschi, Monteverdi et Fontanelli, sans
375
abandonner le langage polyphonique, se mirent eux aussi à envisager les rapports textemusique dans une perspective bien plus émotionnelle qu’intellectuelle. Même si des
figuralismes continuent à apparaître dans les pièces de ces auteurs, leur rôle semble
désormais secondaire 672 . Ce changement est particulièrement notable dans la musique de
Marenzio, qui fut probablement l’un des artisans les plus imaginatifs et brillants en terme
de vocabulaire madrigalesque pendant les années 1580 mais qui, comme l’ont noté Alfred
Einstein et James Chater 673 , se mit en recherche d’un autre type d’expression du texte
poétique à partir de son Sesto libro de madrigali a cinque voci de 1594. Les réflexions de
Chater sur les raisons de cette nouvelle orientation sont particulièrement intéressantes et
peuvent aussi s’appliquer à un compositeur tel que Macque. Celui-ci remarque à juste titre
que l’attention au mot isolé, principe fondateur de la poétique du madrigal, entre en conflit
avec d’autres niveaux d’expression lorsqu’elle est poussée à un niveau trop élevé, et que
cette spirale d’individualisation toujours plus précise du concept poétique était destinée à
se tarir d’elle-même 674 .
Pietro della Valle semble tout à fait conscient des nouveaux enjeux de cette génération de
madrigalistes lorsqu’il écrit que « le Prince de Venosa … montra peut-être le chemin à
tous les autres en terme de chant affettuoso » (« il Principe di Venosa … diede forse luce
a tutti gli altri nel cantare affettuoso » 675 ). Le discours de Pietro della Valle, qui remonte à
1640 676 , offre une perspective différente de celle de Galilei ou même de Giustiniani, en ce
qu’il bénéficie d’une distance critique qui manquait forcément à ces derniers (Pietro della
Valle se définit comme un homme de son temps en opposition à ceux du temps passé
comme il ressort clairement du titre de son discours). Pour Pietro della Valle, il va de soi
que le vrai fondement de la musique, pour reprendre son expression (i veri fondamenti
della musica), réside dans sa capacité à toucher l’auditeur, « dans les affects, dans les
grâces et dans l’expression vive du sens de ce que l’on chante, qui est vraiment ce qui
672
Dans son article du New Grove, Tim Carter met en garde contre la vision un peu simpliste soutenant que
les figuralismes disparurent dans la musique des compositeurs de la seconda pratica
(voir CARTER Tim, « Word painting », Grove Music Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/articl
e.html?section=music.30568, page consultée le 21 juin 2007).
673
Voir CHATER James, Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., p. 125-126 et EINSTEIN Alfred,
The Italian Madrigal, op. cit., p. 642.
674
Voir CHATER James, Luca Marenzio and the Italian Madrigal, op. cit., p. 125.
675
DELLA VALLE Pietro, Della musica dell’età nostra che non è punto inferiore, anzi è migliore di quella
dell’età passata, op. cit., in SOLERTI Angelo, Le origini del melodramma, op. cit., p. 153.
676
Sur la genèse du discours de Pietro della Valle, voir supra, note 46.
376
ravit et fait aller véritablement en extase » (« negli affetti, nelle grazie e nella viva
espressione de’ sensi di quello che si canta ; che è quello che veramente rapisce e fa da
dovero andare in estasi ») 677 . Une musique moins intellectuelle et plus sensuelle en
somme, comme le confesse Pietro della Valle 678 , qui trouve assurément ses premières
manifestations dans le canto affettuoso de la dernière génération de madrigaliste.
La locution canto affettuoso utilisée par della Valle pour définir la musique de Gesualdo
est particulièrement significative et nous ramène à la catégorisation des madrigalismes
proposée par Nicola Vicentino dans son traité L’antica musica ridotta alla moderna
prattica (1555). Vicentino distingue en effet trois types de notions poétiques pouvant être
exprimées par l’harmonie : les concepts, les passions et les affects679 .
… perché la musica fatta
… car la musique composée
sopra parole, non è fatta per altro se
sur les mots n’est faite pour rien
non per esprimere il concetto, e le
d’autre que pour exprimer les
passioni e gli effetti di quelle con
concepts, les passions et les affects
l'armonia; 680
de ceux-ci au moyen de l’harmonie.
Vicentino ne s’étend pas sur la définition de ces trois termes, mais l’on peut conjecturer
que les concetti désignent les idées et objets neutres émotionnellement (haut, bas, blanc,
montagne, yeux, etc.), alors que les affetti renvoient à toute forme de sentiment, qui dans
une forme plus violente et moins contrôlée passent dans la catégorie des passioni. D’une
manière peut-être un peu caricaturale, on pourrait dire que les compositeurs de la seconda
pratica se sont concentrés sur les passions et les affects au détriment des concepts, dont la
description musicale s’adaptait mieux à l’attirail rhétorique madrigalesque des décennies
précédentes.
677
DELLA VALLE Pietro, Della musica dell’età nostra, op. cit., in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 153.
678
Ibid., p. 175-176.
679
Sur ce passage, voir CARTER Tim « Word-painting », Grove Music Online, op. cit.
680
VICENTINO Nicola, L’antica musica ridotta alla moderna prattica, op. cit., quatrième livre, chp. XXIX,
p. 85v-86r.
377
Selon toute vraisemblance, Macque eut connaissance de cette nouvelle orientation du
langage lorsqu’il composa les madrigaux du Terzo libro. Malgré un contenu poétique
extrêmement descriptif et très fourni en occasions de figuralismes, le recueil se ressent de
ce changement profond de l’esthétique madrigalesque et ouvre la voie à un nouveau type
de rapport au texte, plus direct, moins conceptuel et plus émotionnel, fait d’évocations et
d’émotions, plus que de raisonnements abstraits et de symbolismes.
Cette évolution rend par conséquent complètement caduc le type de méthodologie
analytique mise en place précédemment pour les deux premiers recueils napolitains. La
description de ce nouveau rapport au texte est d’ailleurs bien plus délicate. En effet, alors
que l’exposition des procédés très abstraits présents dans les madrigaux précédents du
compositeur est un exercice tout à fait approprié à l’analyse, l’explication de l’émotion
purement musicale se heurte à toute tentative de systématisation, voire même de
description.
Univers pastoral, peinture des mots et évocation sonore
Il serait en réalité un peu simplificateur de prétendre que Macque abandonna
définitivement les jeux symboliques dans ce nouveau recueil. Tout comme son
contemporain Marenzio et même dans une certaine mesure son cadet Monterverdi, il ne
renonça jamais complètement à cette partie de la rhétorique madrigalesque dans sa
musique.
La toute première pièce du recueil, Sparge la bella Aurora, est un exemple
particulièrement brillant de mélange des genres, à cheval entre la particularisation très
précise des concepts du texte poétique et le tableau sonore extrêmement évocateur. Dans
la première partie du poème, toute concentrée sur la description de l’aurore, Macque n’a
recours à aucun truc de madrigaliste mais parvient à dépeindre l’atmosphère matinale au
moyen d’une musique qu’on pourrait être tenté de décrire en reprenant les termes de
Giustiniani « aria e grazia della musica » 681 . Plus concrètement, les techniques utilisées
ici peuvent se résumer à quelques principes que l’on retrouve dans la plupart des
descriptions pastorales du recueil : fraîcheur mélodique, contrepoint souvent bien aéré,
681
Voir supra, p. 17.
378
souplesse rythmique résultant des fuses déclamées et harmonie suggestive ponctuée de
dissonance bien choisies.
Dans la seconde partie du texte, qui redescend vers des préoccupations plus terrestres et
plus humaines, Macque réussit au contraire un véritable feu d’artifice de figures et topoi
madrigalesques concentré en une quinzaine de brèves. L’invitation au chant (« cantiam
noi pur », « chantons donc ») est exprimée par le traditionnel passage en ternaire, le verbe
« suivre » (« e i lor dolci concenti/seguendo », « et en suivant leurs doux concerts »), par
une imitation très serrée entre deux paires de voix, et par la reprise d’une partie du motif
mélodique à la fin de la phrase sur les mots seguendo :
exemple musical 108 : Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1, canto, brèves 26-29)
les « hauts accents » (« alti accenti ») par une anabasis :
exemple musical 109 : Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1, canto, brèves 29-31)
les résonances (« facciamo risonar », « faisons résonner ») par un jeu d’écho à l’intérieur
du motif, lui-même éparpillé entre les voix :
exemple musical 110 : Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1, canto, brèves 32-33)
pour finir par les vallées et les monts, dessinés au moyen de procédés purement visuels :
exemple musical 111: Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1, quinto, brèves 34)
379
exemple musical 112 : Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1, tenore, brèves 35-39)
Macque ne pouvait donner de meilleure preuve de son talent de peintre des mots que dans
la péroraison de cette première pièce, qui n’ouvre sans doute pas le recueil par hasard.
Cependant, on peine à retrouver l’équivalent de cette démonstration de virtuosité
madrigalesque dans le reste du recueil, qui penche très sensiblement vers un type
d’expression plus diffuse du contenu poétique. Et, même si sont disposées ici et là
certaines figures visuelles ou conceptuelles 682 , le résultat sonore et sensuel semble
toujours primer, comme dans cette délicieuse évocation de l’ondulation des champs
(« dolcemente ondeggiare da tutti i lati », « doucement onduler de tout côté »), dont le
dessin sinusoïdal de la ligne mélodique paraît accessoire au regard du doux balancement
qui se dégage du passage, évitant toute monotonie grâce à un parcours harmonique en
tierces descendantes :
exemple musical 113 : Il matutino vento (III.5, n. 4, brèves 17-19)
682
Voir notamment le passage en notes noires dans Quel rossignol che plora, brève 15, sur les mots
« l’oscura note il mondo discolora » (« la nuit obscure décolore le monde »).
380
Nombre d’occasions de figuralismes sont évitées dans ce recueil. Il est fort probable que
dix ans plus tôt, Macque aurait musiqué de manière totalement différente les évocations de
la nature qui peuplent les textes poétiques, les fleurs, les fleuves, les couronnes, le vent,
etc., en ayant constamment recours à des petits tours de voix ponctuels et relativement
standardisés. Macque évite la plupart du temps ce type de topos dans le Terzo libro,
préférant passer rapidement sur le mot pour privilégier le tableau général 683 . Dans l’extrait
suivant, par exemple, Macque ne s’attarde pas sur les « petites herbes vertes et les fleurs
nouvelles » (« verdi erbette e i fior novelli »), mais dépeint le tout grâce à un motif en
fuses déclamées suivant un parcours harmonique parsemé de dissonances de couleurs et
conclu par une cadenza fuggita. La touche lumineuse est assurée par la succession
d’accords majeurs de la deuxième brève (Mi, La, Ré) qui déstabilise sensiblement le cadre
modal dorien de la pièce.
exemple musical 114 : Giovanni de Macque, Corron d’argento i fiumi (III.5, n. 10,
brèves 8-9)
Et, même si Macque fait parfois appel aux vocalises comme figuralismes, c’est en
cherchant manifestement à sortir des formules stéréotypées, dont on ne trouve que peu
d’exemples. Le compositeur préfère développer des motifs aux contours mélodiques et
683
Il existe tout de même quelques passages dans lesquels Macque ne résiste pas à illustrer le texte en se
concentrant sur les mots isolés. Voir par exemple l’exorde de Uscia dai monti fuora, imitation combinant
deux sujets sur des textes différents, le premier illustrant par une vocalise ascendante les montagne sur les
mots « Uscia dai monti fuora » (« Il jaillissait d’une montagne »), le second représentant la chute de l’eau
sortant de la source par un motif en fuses déclamées descendantes sur les mots « un cristalino gielo » (« une
glace cristalline »).
381
rythmiques plus libres (et pas forcément identiques entre les voix) dont se dégage parfois
une légère sensation d’improvisation 684 :
exemple musical 115 : E s’alor non si coglie (III.5, n. 6, tenore, brèves 7-8)
Les péroraisons pathétiques
Redistribution des proportions du texte poétique
Macque ne s’attachant plus à retranscrire chacun des objets décrits dans le texte poétique,
l’éventail
des
concepts
exprimés
musicalement
s’en
trouve
par
conséquent
considérablement réduit. Le compositeur avait probablement conscience du risque de
monotonie qu’il courait en se focalisant uniquement sur les évocations de paysages
arcadiens idylliques, si suggestives et poétiques qu’elles puissent être, et il apparaît que le
nombre de pièces entièrement centrées sur les atmosphères pastorales est finalement
relativement limité 685 .
Macque cherche en effet à remplacer la variété de concetti par une opposition franche et
nette entre affetti pour reprendre la catégorisation de Vicentino, exploitant au maximum
les occasions de contrastes offertes par les textes poétiques. En effet, même si la grande
majorité des madrigaux penche vers une évidente grâce et légèreté, le compositeur se
réserve aussi un certain espace pour la recherche d’une palette expressive plus tendue,
profitant des quelques passages plus sombres des textes poétiques pour juxtaposer des
techniques opposées, et se donner l’occasion de réaliser des expériences harmoniques
intéressantes.
684
Voir aussi les dernières mesures de Sparge la bella Aurora, sur les mots « e i monti », ou encore
l’intonation du vers « e i fiumi onde d’argento » dans Il matutino vento.
685
Seuls les madrigaux Il matutino vento, Di questi fiori ond’io 1p-Sian le rose rubini 2p et Al mormorar
de l’onde (n. 4, 8,9 et 16) se concentrent du début à la fin sur une atmosphère pastorale. Dans le reste des
pièces, comparaît toujours un moment un peu plus tendu, même si parfois celui-ci n’arrive qu’à la fin de la
seconda parte des madrigaux bipartites (voir notamment A l’apparir de la novella Aurora 1p-Ogni pianta,
ogni fera 2p).
382
La moitié des rimes pastorales, on l’a évoqué, sont construites sur cette variété d’affetti, et
presque tous concentrent les sentiments plus sombres dans le, ou les derniers vers 686 .
Macque renverse cependant souvent complètement les proportions du texte poétique,
réservant une part beaucoup plus importante à l’intonation de ces moments plus
pathétiques qu’au reste du poème. Le madrigal Or che ridente e bella est à ce propos tout
à fait significatif.
Les six premiers vers de ce texte, une description de la nature, de ses fleurs et de ses
parfums, sont musiqués en une quinzaine de brèves alors que le dernier vers, e Filomena
alterna i suoi dolori (et Philomène lui répond avec sa douleur), est prétexte à une longue
péroraison dissonante de treize mesures, soit presque autant que le reste du madrigal. Ce
qui n’était qu’un septième du poème couvre presque la moitié de l’intonation.
Longueur en brève
Or che ridente e bella,
Alors de riantes et belles,
2,5
di liete erbette adorna
ornées de joyeuses petites
3
herbes
e di purpurei fiori,
et de fleurs pourpres
spira ogni piaggia intorno
toutes
arabi odori,
alentours
les
soufflent
terres
aux
3,5
d’orientales
odeurs
la vaga rondinella
l’hirondelle gracieuse
garrendo al nido torna
retourne à son nid en
6
gazouillant
e Filomena alterna i suoi
dolori.
et Philomène lui répond
13
avec sa douleur.
Il vezzoso Narciso inverse le principe : le moment le plus tendu du poème se trouve au
début du texte, sur le deuxième vers, « per la sua crudeltate in varie tempre » (« pour sa
686
Voir supra, p. 329.
383
cruauté de diverses façons »). Celui-ci est musiqué en sept brèves, soit presque autant que
la péroraison. L’accent est très clairement mis sur les mots les plus sombres du texte :
Longueur en brève
Il vezzoso Narciso,
Le gracieux Narcisse,
3
per la sua crudeltate in
en étant cruel de diverses
7, 5
varie tempre,
façons,
visse in se stesso e per se
stesso sempre.
vécut toujours en lui-même
2
et pour lui-même.
Io, sconsolato Alessi,
moi, Alessi inconsolable,
2
fra verdi allori e pallidi
entre les verts lauriers et
3
cipressi,
les pâles cyprès
vivo, mercé d’Amore,
je vis, grâce à Amour,
3
non in me, ma in un fiore e
non en moi, mais en une
8
per un fiore.
fleur et pour une fleur.
Macque déborde parfois complètement le sens du texte pour développer ces longues
sections dissonantes. C’est le cas notamment dans la péroraison de Uscia dai monti fuora,
dont les rimes ne penchent pas réellement vers un affect pathétique. Seul le mot pianger
(pleurer) dans le dernier vers est porteur d’une évocation un peu plus triste, mais replacé
dans son contexte poétique, il s’agit plutôt d’un sentiment positif puisque ce sont les
chênes et les myrtes qui pleurent d’amour et non un amant de désespoir. Macque s’empare
cependant de ces vers qu’il revêt d’une intonation extrêmement tendue d’une durée de
plus de dix brèves (contre seize pour le reste du poème), nous livrant l’un des passages les
plus expressifs du recueil 687 .
Longueur en br
Uscia dai monti fuora
Il jaillissait d’une montagne
un cristallino gielo
une glace cristalline
e la nascente Aurora
et l’Aurore naissance
3
revêtait le Ciel de perles
2,5
vestia
di
perle
Cielo,
687
Voir infra, p. 386.
384
il
7
quand’Aminta gentil
con dolci spirti
quand la charmante Aminta, avec de
doux soupirs
faisait pleurer d’Amour les chênes et
facea pianger d’Amor
le quercie e i
3
10,5
les myrtes
mirti.
Certes, les plaisirs d’amour sont souvent représentés comme une douce souffrance dans le
répertoire madrigalesque, lequel ne s’embarrasse d’ailleurs généralement pas du contexte
poétique général afin de mieux se concentrer sur le mot isolé, mais il y a tout de même
quelque chose d’un peu excessif dans les proportions de cette intonation, qui laisse penser
que Macque pouvait parfois se servir du texte poétique comme prétexte à laisser libre
cours à son imagination musicale 688 .
Vers une nouvelle palette expressive
C’est essentiellement lors ces passages expressifs que le compositeur se risque à explorer
des techniques plus expérimentales et pose les bases d’un certain nombre de traits
stylistiques qui deviendront caractéristiques de ses derniers recueils de madrigaux.
Malgré sa proximité avec Gesualdo, qui avait déjà publié son quatrième livre lors de
l’impression du Terzo libro, Macque ne montre pas d’attirance particulière pour les
échelles chromatiques et reste de ce point de vue là encore assez peu novateur 689 . Son
intérêt est plutôt focalisé sur les harmonies dissonantes et les frottements très concentrés
entre différentes parties de la polyphonie.
688
Le même principe vaut pour les madrigaux Non son questi sospir, Ogni pianta, ogni fera et dans une
moindre mesure pour Quel rossignol che plora et Corron d’argento i fiumi. Ce type de construction poéticomusicale, basée sur un fort contraste entre évocations pastorales et effusions sentimentales pathétiques, se
retrouve aussi dans le Quarto libro de madrigali a cinque voci de 1599 (voir par exemple la toute première
pièce du recueil, I liquidi cristali). À ce propos, voir SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de
Macque, op. cit., p. 212-213.
689
Il faudra attendre le Quarto libro de madrigali a cinque de 1599 pour que Macque se lance dans des
élaborations contrapuntiques faisant véritablement usage de chromatismes (voir notamment Poi che ’l camin
m’è chiuso di mercede, in SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 419-429).
Dans le Terzo libro, le compositeur se contente le plus souvent d’enchaînements chromatiques tout à fait
classiques, généralement avec saut de tierce à la basse.
385
Macque continue à explorer les procédés mis en œuvre dans ses recueils précédents, mais
en les accentuant davantage. Certains retards, notamment, sont résolus de manière tout à
fait intéressante. Le passage suivant est un exemple d’accumulation de dissonances,
enchaînées l’une à l’autre de façon peu orthodoxe. La septième se résout en effet sur une
seconde, qui elle-même est suivie par un triton généré par la note de passage du quinto. Si
ma proposition pour la voix manquante est correcte, il faut rajouter encore à ces
dissonances l’intervalle de seconde entre alto et quinto :
exemple musical 116 : Or che ridente e bella (III.5, n. 2, brèves 16-17)
C’est cependant dans le traitement des notes de passage que Macque se montre le plus
expérimental. Les petits frottements qui passaient avant rapidement sont désormais plus
qu’assumés, ils sont mis en valeur et étirés afin de créer des couleurs harmoniques tout à
fait particulières.
L’intonation du dernier vers de Uscia dai monti fuora présente peut-être l’exemple le plus
abouti de ce type de procédés. Macque réitère trois fois le passage, amplifiant à chaque
répétition l’effet harmonique dissonant. À la première occurrence, seules deux voix sont
concernées, à la deuxième, Macque accumule les notes de passage dans l’ensemble des
parties,
à
386
la
troisième,
le
motif
initial
   
est
traité
en
augmentation , avec des effets cluster sur la deuxième partie des semibrèves (mi-fa-sol-la et ré-mi-fa-sol) 690 :
exemple musical 117 : Uscia dai monti fuora (III.5, n. 3, brèves 21-23)
Ce type de faux-bourdon alterné générateur de dissonances deviendra l’un des traits
caractéristiques du dernier Macque 691 et, comme l’a noté Lorenzo Bianconi dans son
article du New Grove sur Gesualdo, ce procédé fait aussi partie des techniques récurrentes
dans les madrigaux du prince de Venosa 692 . Dans le même ordre d’idées, les
enchaînements parallèles rapides d’accord de tierce et sixte mais aussi de quarte et sixte,
reprenant des soggetti développés en imitation dans le reste de la pièce, font désormais
partie intégrante du style de Macque.
Dans cet extrait du madrigal spirituel Ami chi vuol amare, traité selon le principe de
dilatation du dernier vers en une longue péroraison dissonante tel qu’on le trouve dans les
textes pastoraux, Macque introduit par exemple de manière tout à fait étonnante les deux
690
Voir aussi l’intonation de « piango i miei danni » dans le madrigal Quel rossignol che plora pour ce
même type de doubles notes de passage très dissonantes.
691
Voir notamment dans le Terzo libro de madrigali a quattro voci de 1610, la péroraison de S’è ver ch’io
t’ami, ah cruda ou l’intonation du vers I miei duri lamenti du madrigal Vaghi augelletti, che per valli e
monti (in SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 614 et 654-655).
692
Voir BIANCONI Lorenzo, « Gesualdo, Carlo, Prince of Venosa, Count of Conza, §2: Literary
and stylistic sources », Grove Music Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=
music.10994.2, page consultée le 18 août 2007. Pour des exemples de ce type de procédés chez Gesualdo –
qui opère cependant toujours ne manière beaucoup moins systématique – voir par exemple les premières
mesures de Questa crudele e pia ou de la seconde partie de Or, che in gioia creadea viver contento, O
sempre crudo Amore dans le Quarto libro (voir GESUALDO DI VENOSA, Viertes Buch, op. cit., p. 30 et 35).
387
sujets du passage imitatif qui clôt la prima parte, avant de les redistribuer de manière
totalement différente dans les brèves suivantes :
exemple musical 118: Giovanni de Macque, Ami chi vuol amare (III.5, n. 17, brèves
16-17)
Ce procédé se rencontre aussi très fréquemment chez Gesualdo, dans des formes tout à fait
comparables :
exemple musical 119: Carlo Gesualdo, Meraviglia d’Amore (Il terzo libro de madrigali
a cinque voci, Ferrara, Baldini, 1594, mesures 18-19) 693
Luzzaschi, qui pourtant n’hésite pas à utiliser parfois des quintes parallèles (probablement
en imitation des textures de villanelles 694 ), n’a à ma connaissance que très peu recours à ce
type de technique 695 qui, il est vrai, possède des résonances résolument archaïques.
693
D’après GESUALDO DI VENOSA, Drittes Buch, op. cit., p. 47.
388
Même si Macque se tourne le plus souvent vers les tensions harmoniques pour exprimer
les passages les plus pathétiques, celui-ci fait occasionnellement appel à d’autres procédés
pour dramatiser le discours. L’un d’entre eux s’inspire très probablement d’un célèbre
madrigal du Terzo libro de Gesualdo, Sospirava il mio core, qui commence avec un
sospiratio tout à fait évocateur, scindant le mot sospirava (soupirait) en deux parties
séparées par un silence :
exemple musical 120 : Gesualdo, Sospirava il mio core (Il terzo libro de madrigali a
cinque voci, op. cit., mesures 1-2) 696
Même si Gesualdo ne fut pas le premier à pousser aussi loin cette technique 697 , la plupart
des compositeurs, comme l’a noté Glenn Watkins 698 , se contentait d’interrompre la phrase
avant le mot soupir et non en son milieu 699 . Il est fort probable que Luzzaschi dans son
Quinto libro de 1595, puis Macque dans son Terzo libro avaient à l’esprit la pièce de
694
Tout à fait étonnante, l’intonation du vers « del pianto mio, de la mia morte ride » (« de mes pleurs, de
ma mort, elle rit » dans le madrigal Ahi cruda sorte mia du Quinto libro de Luzzaschi, qui au milieu d’un
passage déclamatif extrêmement expressif, introduit des vocalises en tierces et quintes parallèles aux trois
voix graves sur le mot ride (rit) (voir DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, Le due « scelte » napoletane di
Luzzasco Luzzaschi, op. cit., p. 52).
695
Alors que de nombreux passages pourraient très bien se prêter à ce procédé, je n’ai trouvé qu’un seul
exemple de ce type de parallélisme chez Luzzaschi, dans l’intonation du vers « Deh, dillo Amore » du
madrigal Come viva il mio core du Quinto libro (voir DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, Le due « scelte »
napoletane di Luzzasco Luzzaschi, op. cit., p. 67).
696
D’après GESUALDO DI VENOSA, Drittes Buch, op. cit., p. 35.
697
Orazio Tigrini prend en exemple Palestrina dans son traité Il compendio della musica (Venezia,
Amadino, 1588, p. 125), pour avoir scindé en deux parties le mot sospiri (sospi-ri) dans le madrigal Queste
saranno ben lacrime de son Primo libro de madrigali a quattro voci de 1554, (extrait cité in FABBRI Paolo,
Il madrigale tra Cinque e Seicento, op. cit., p. 25).
698
Voir WATKINS Glenn, Gesualdo. The Man and His Music, op cit., p. 171.
699
Pour un exemple plus normal de sospiratio chez Macque, voir par exemple l’intonation du vers « i miei
sospiri » (« mes soupirs ») de la seconde partie de la sextine de Pétrarque Temprar potess’io in sí soavi note
(I.4, n. 2).
389
Gesualdo lorsqu’ils firent appel eux aussi au même procédé pour dépeindre les soupirs
amoureux 700 :
exemple musical 121: Luzzasco Luzzaschi, Ecco o dolce o gradita (Il quinto libro de
madrigali a cinque voci, op. cit., brèves 8-9) 701
exemple musical 122 : Giovanni de Macque, Ogni pianta ogni fera 2p (III.5, n. 15,
brèves 24-25)
Peut-être plus intéressants quant au développement futur du style madrigalesque de
Macque sont les quelques passages de déclamation homophone très emphatique, tirant
tout leur potentiel expressif du morcellement du vers en petites unités répétées et surtout
de l’utilisation très dramatique des silences, parfaite antithèse du débit fluide qui
caractérisait les premiers madrigaux du compositeur :
700
Cette figure attirera par la suite les critiques de Giovan Battista Doni, qui regrettera que le prince de
Venosa se soit prêté à ce type de procédé (in DONI Giovan Battista, Trattato della musica scenica, in Lyra
Barberina, vol. 2, Firenze, Typis Caesareis, 1763, chp. XXV, p. 73, cité en anglais in WATKINS Glenn,
Gesualdo. The Man and His Music, op cit., p. 171).
701
D’après DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, Le due « scelte » napoletane di Luzzasco Luzzaschi,
op. cit., p. 85.
390
exemple musical 123 : Giovanni de Macque Non son, non son questi sospiri ardenti
(III.5, n. 12, brèves 1-4)
Macque n’utilise encore que très parcimonieusement cette technique qui, comme l’a
souligné Anthony Newcomb, fait partie des traits stylistiques les plus caractéristiques de
Luzzaschi 702 , mais aussi de Gesualdo, et ce dès son premier recueil 703 . Macque, qui
n’avait jusqu’à là jamais véritablement perçu toute l’éloquence potentielle du silence 704 ,
fut probablement marqué par les madrigaux de ces derniers, tout comme le fut
probablement aussi Fontanelli 705 . Dans ses derniers recueils, Macque se souviendra de ce
702
« Le placement judicieux d’un silence à toutes les voix est caractéristique de Luzzaschi, qui est le maître
du silence général plein de tension. Celui-ci lui permet d’articuler clairement les sections, de mettre en
évidence la division syntaxique du poème, ou de mettre en musique une exclamation dramatique. » (« The
careful placement of a rest for all five voices is typical of Luzzaschi: he is the master of the tension-filled
general pause. It permits him to articulate his sections clearly, to point up the syntactical divisions of the
poem, or to set off a dramatic exclamation. », in NEWCOMB Anthony, The Madrigal at Ferrara, op. cit.,
p. 122). Le Quinto libro de Luzzaschi offre en effet d’innombrables exemples de ce type de déclamation
interrompue. Voir par exemple Se parti i’ moro ou les premières mesures de Come viva il mio core (voir
DURANTE Elio, MARTELLOTTI Anna, Le due « scelte » napoletane di Luzzasco Luzzaschi, op. cit., p. 54-56
et 67).
703
Voir par exemple les premières mesures de Come esser può ch’io viva dans le Primo libro de Gesualdo
(voir GESUALDO DI VENOSA, Erstes Buch, op. cit., p. 24). Non è questa la mano du Secondo libro offre un
exemple tout à fait similaire à l’intonation de Non son, non son questi sospiri ardenti de Macque (voir
GESUALDO DI VENOSA, Drittes Buch, op. cit., p. 41). À ce propos, voir WATKINS Glenn, Gesualdo. The Man
and His Music, op cit., au sous-chapitre « Text and Music: Disruption and Contrast », p. 170-179.
704
Un madrigal comme Chi prima il cor mi tolse, du Primo libro a quattro voci de Macque ne tire par
exemple pas du tout partie de l’interruption simultanée et brutale des voix malgré sa recherche
d’expressivité. Macque peut utiliser parfois le silence pour diviser les sections, mais non pour son potentiel
dramatique.
705
L’intonation I’ vo piangendo i miei passati tempi du Primo libro de Fontanelli présente de nombreux
passages en déclamation interrompue par des silences (voir par exemple les premières mesures de la seconde
partie, in FONTANELLI Alfonso, Primo libro di madrigali a cinque voci (Ferrara, 1595), op. cit., p. 19-20).
391
procédé, réalisant parfois de façon magnifiquement orchestrée certaines interruptions très
théâtrales du discours 706 .
Le Terzo libro, par bien des aspects, marque une rupture dans la conception des rapports
texte-musique du compositeur, ouvrant la voix à ce qui deviendra son dernier style (peutêtre serait-il plus juste de parler de ses derniers styles). Macque ne reviendra en effet pas
en arrière mais, bien au contraire, poussera toujours plus loin le potentiel émotionnel du
langage madrigalesque. D’une part, l’abandon des figuralismes et des symbolismes ne fera
que se confirmer dans ses publications postérieures 707 . D’autre part, une attention accrue
pour le versant le plus sombre du spectre poétique madrigalesque, probablement le plus à
même de muovere gli affetti, conjuguée à des outils musicaux de plus en plus riches,
porteront Macque à des sommets d’expressivité, sans jamais toutefois que soient
abandonnés le langage polyphonique et ses artifices contrapuntiques.
Même si le Terzo libro baigne encore dans une certaine douceur, on commence cependant
à y entrevoir les prémisses d’une l’écriture plus dense et plus dramatique, ainsi qu’à
reconnaître par endroit « ce fruit très mûr et juteux » (« quel frutto stramaturo e
succoso ») – pour reprendre l’expression forgée par Emilio Carapezza 708 – que fut le
madrigal polyphonique napolitain à l’aube du Seicento.
706
L’un des exemples les plus impressionnants est peut-être le début de O gran stupore dans le Sesto libro
qui conclut par un silence à toutes les voix l’enchaînement harmonique si bémol majeur, do majeur, avec un
saut de septième à la basse (voir SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 722).
De nombreux exemples comparaissent aussi dans le Terzo libro a quattro voci de 1610 (voir par exemple
l’intonation des vers « e tu no ’l sai/dunque o sei pietra » dans le madrigal S’è ver ch’io t’ami, ah cruda, in
SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 653-654).
707
Shindle a noté aussi la moindre importante que Macque donna aux figuralismes dans ses derniers
recueils. À propos du Quarto libro de madrigali a cinque de 1599, celui-ci remarque en effet : « Bien
qu’effectivement utilisée à plusieurs occasions, la représentation graphique du texte n’assume pas une
position aussi prédominante que dans les derniers madrigaux romains. » (« Although effectively used on
several occasions, the graphic representation of the text does not hold so prominent a position as it did in
the later Roman madrigals. », in SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 229230.)
708
Voir CARAPEZZA Paolo Emilio, « ‘Quel frutto stramaturo e succoso’: il madrigale napoletano del primo
Seicento », op. cit.
392
De tous les éléments du corpus, le Terzo libro de madrigali a cinque voci est
probablement le recueil qui connut la réception la plus confidentielle. L’unique exemplaire
existant, qui passa directement de la bibliothèque ducale à la Biblioteca estense de
Modène, témoigne de la faible circulation dont bénéficia le livre et rappelle le sort du
Sesto libro de madrigali a cinque voci de Luzzaschi, conservé lui aussi de manière
extrêmement lacunaire dans une unique bibliothèque 709 . Notons aussi que, contrairement
aux deux premiers recueils napolitains de 1586-1587, aucune pièce du Terzo libro ne fut
rééditée dans des anthologies, ce qui fait soupçonner que ces madrigaux furent peut-être
touchés par l’auréole de mystère et de secret qui caractérisait la vie musicale de la cour de
Ferrare. Plus qu’aucun autre livre de Macque, le Terzo libro se ressent du rapport très
étroit avec son dédicataire et semble avoir été conçu comme un objet destiné à satisfaire
l’appétence musicale du duc.
La décennie qui sépare la publication du Secondo libro a sei voci du Terzo libro a cinque
voci aurait pu conduire Macque à imprimer des compositions de diverses époques, à
glaner quelques madrigaux parmi sa production plus ancienne. Tel n’est pas le cas. Le
Terzo libro présente au contraire une grande homogénéité stylistique, tant au niveau
poétique que musical, qui laisse penser que la grande majorité des pièces – mis à part
peut-être certains madrigaux spirituels – ait été composée dans un laps de temps
relativement court, en tenant à l’esprit les attentes et les exigences du duc de Ferrare. Le
contenu du recueil renvoie en effet constamment à leur commanditaire, tant par ses choix
poétiques, peut-être en partie imposés par le dédicataire, que dans son écriture musicale,
qui partage avec les madrigaux ferrarais de Gesualdo, Fontanelli et Luzzaschi un certain
nombre de procédés d’écriture.
Le Terzo libro présente cependant aussi une certaine logique dans le parcours stylistique
du compositeur, et peut être vu comme un point de transition dans sa production
madrigalesque. Celui-ci est encore en effet très imprégné de cette recherche de grâce et
d’ariosità qui caractérise ses recueils précédents, mais préfigure aussi le style de ses
derniers recueils, non seulement dans les quelques passages déployant une palette
709
Seule la partie de quinto du Sesto libro de madrigali a cinque voci de Luzzaschi a été conservée, à la
Biblioteca Marucelliana de Florence.
393
musicale plus dense et plus expressive, mais encore et surtout par cette évidente attention
au raffinement de l’écriture contrapuntique.
Les recueils successifs du compositeur, et tout particulièrement son Sesto libro de
madrigali a sei voci de 1613 composé un an avant sa mort, donneront toute la mesure de
l’attachement de Macque au langage madrigalesque polyphonique et de son goût pour la
virtuosité contrapuntique. Ceux-ci participent de manière particulièrement brillante à cet
automne de la Renaissance que fut le madrigal napolitain dans les premières années du
Seicento, ignorant les nouveaux chemins empruntés par la « musique moderne » pour se
réfugier dans un style extrêmement sophistiqué, mais peut-être déjà légèrement
anachronique. Macque passera en quelque sorte d’une artificiosa ariosità à un
expressionnisme artificioso, développant un style très exigeant mais peut-être aussi moins
facilement accessible que les pièces du corpus pris en considération dans cette thèse 710 .
Conclusion
Arrivés au terme de cette étude, revenons dans un premier temps sur les deux notions qui
ont guidé l’analyse et la lecture des madrigaux pris en considération.
L’ariosità avait été envisagée dans l’introduction comme un concept multiple, renvoyant
tant à des questions formelles et de genre qu’à une sensation moins précise et plus
subjective ressentie – ou non – à l’écoute d’une pièce. L’ariosità des madrigaux de
Macque répond parfaitement à la nature plurielle de cette notion, déclinée de différente
manière par le madrigaliste.
Dans les deux recueils de Madrigaletti et napolitane, le compositeur fait appel à un certain
nombre de paramètres techniques – forme poétique et musicale, texture, organisation
710
Larson a noté lui aussi que ceux qu’il définit comme les « madrigalistes napolitains fortement influencés
par Gesualdo » (« Neapolitan madrigalists strongly influenced by Gesualdo », dont fait partie Macque),
écrivirent « des madrigaux dont l’écoute, sinon l’interprétation, constituaient de véritable challenge, plus
adaptés au salon qu’à Posillipo, et requérant une audience écoutant avec vigilanza. De tels connaisseurs de
finesses contrapuntiques allaient devenir de plus en rares au cours du XVIIe siècle. » (« madrigals usually
rather challenging to listen to, if not to perform, more appropriate for the chamber than for Posillipo, and
requiring an audience listening with vigilanza. Such connoisseurs of intricate counterpoint would become
increasingly rare in the course of the seventeenth century. », in LARSON Keith, The Unaccompanied
Madrigal in Naples, op. cit., p. 785).
394
rythmique, prosodique et harmonique – qui renvoient bien souvent à l’aria en tant que
genre. Les deux premiers recueils napolitains reprennent dans une moindre mesure ces
éléments d’écriture très connotés (homophonie, schémas prosodiques stéréotypés,
clarification harmonique, animation rythmique) qui fonctionnent, à mon sens, comme des
« marqueurs » de genre. Le Terzo libro répond en revanche à un autre type d’ariosità, qui
rappelle davantage la définition très vague et subjective qu’en donne Giustiniani qu’elle
ne s’inscrit dans des questions de genre. Les « marqueurs » de style disparaissent ou sont
complètement revisités, le vocabulaire rythmique est renouvelé, la clarté harmonique
sacrifiée au profit de l’élaboration contrapuntique. Le compositeur ne perd cependant pas
de vue le plaisir de l’écoute, l’élégance, la douceur et la fluidité du discours. Il s’agit là en
quelque sorte d’une ariosità plus extérieure qu’intérieure.
Le rapport du compositeur à l’artificio varie aussi considérablement au fil des deux
décennies prises en considération. Les madrigaletti et napolitane et une grande partie des
pièces des deux premiers recueils napolitains se situent très clairement du côté du
compromis et constituent un exemple évident de la polarité entre la légèreté et le savant,
Macque penchant tantôt vers l’une, tantôt vers l’autre.
Dans le Terzo libro, le madrigaliste envisage de manière totalement différente les termes
de cette fusion. Libérée d’un certain nombre de traits stylistique du style hybride, la
complexité contrapuntique reprend ses droits d’une manière qui semble presque
« démonstrative » ou « représentative ». L’écriture artificiosa de Macque n’a en effet pas
du tout le même visage que le style savant de Lassus ou de Monte, par exemple.
L’attention du compositeur paraît se focaliser sur le respect de l’imitation stricte, la
transformation et la combinaison des soggetti, autant d’éléments utilisés jusque-là par
l’auteur dans des proportions bien moindres, même si on les voit parfois poindre dans
certains passages du Secondo libro a cinque. Ces techniques d’écriture très contraignantes
sont moins centrales et prépondérantes dans le madrigal classique qui dilue fréquemment
les contours des soggetti dans un contrepoint plus libre 711 .
711
À ce propos, voir COEURDEVEY Annie, Roland de Lassus, Paris, Fayard, 2003, p. 417.
395
On peut envisager ce phénomène comme une rencontre entre les techniques
contrapuntiques et les soggetti-motifs très dessinés du style hybride, moins aisément
modelables et déformables, mais très adaptés aux jeux de superpositions motiviques.
D’autre part, cette approche à la fois stricte et combinatoire de l’écriture imitative semble
parfois avoir été perçue en cette fin de Renaissance comme la véritable preuve de
l’habileté, de l’excellence du compositeur, et c’est en ceci qu’elle peut paraître quelquefois
un peu démonstrative ou représentative. Giustiniani insiste notamment sur le fait que les
élaborations contrapuntiques de Gesualdo – dont la description de l’auteur, on l’a évoqué,
se rapproche sensiblement du style artificioso de Macque – sont « difficiles » et « pas du
premier compositeur venu ». Quelques années plus tard, Pietro della Valle semble
considérer ces raffinements comme franchement ostentatoires lorsqu’il affirme : « Les
maître de notre temps ne font pas ainsi mais, avec plus de jugement, ils n’ont cure d’étaler
en tout lieu des artifici, même s’ils les maîtrisent » 712 . Les paroles de Giustiniani
paraissent faire écho à ce que l’on a pu parfois reprocher aux premiers madrigaux du
prince de Venosa.
Macque était peut-être mû par ce même désir de démonstration contrapuntique, mais il n’y
a rien de scolaire dans son artificiosità, rien de sec, de rigide ou d’aride, de même que son
ariosità est rarement plate ou banale dans sa simplicité. Le compositeur se montre
parfaitement à l’aise dans ce langage polyphonique et réussit toujours à répondre à cet
esprit d’intimité et de plaisir qui caractérise le répertoire madrigalesque des dernières
décennies du XVIe siècle, musique de chambre par excellence. Il est d’ailleurs tout à fait
vraisemblable que Macque ait parfaitement connu ce type de « joies madrigalesques »,
pour reprendre le titre de la seconde anthologie des musiciens romains, Le Gioie de 1589.
Le compositeur eut en effet sans aucun doute l’occasion de participer à de nombreuses
journées musicales dans les salons de Gesualdo, au cours desquelles il interpréta très
probablement ses propres madrigaux ainsi que les premières compositions du prince 713 .
712
« I maestri dell’età nostra non fanno così, ma con più giudizio, non si curano di ostentare in ogni luogo
gli artifizi che pure sanno », in DELLA VALLE Pietro, Della musica dell’età nostra che non è punto inferiore,
anzi è migliore di quella dell’età passata, in SOLERTI Angelo, Le origini del melodramma, op. cit., p. 152.
713
Qu’avait chanté Macque toute la journée sinon des madrigaux lorsqu’il écrit à Norimberghi : « je n’ai
donc aujourd’hui rien fait d’autre que chanter et jouer » ? (« onde non ho fatto altro tutto hoggi che cantare
et sonare », lettre du 12 juillet 1587, voir annexes …).
396
L’un des objectifs de cette thèse était également de compléter les recherches de Shindle
sur les madrigaux de Macque, en s’intéressant à une période survolée très rapidement par
ce musicologue. À l’issue de ce travail, plusieurs points peuvent peut-être être ajoutés aux
conclusions de Shindle.
L’un des aspects du style de Macque qui fut à mon sens le plus sous-estimé est la
sensibilité et grande imagination dont fait preuve le compositeur dans la représentation
musicale du texte poétique. Cette composante a échappé à Shindle, ainsi qu’à Ruth
DeFord, car ceux-ci n’avaient à l’esprit que les premiers et les derniers recueils de
Macque. Les observations de DeFord ont déjà été évoquées à la fin de la deuxième
partie 714 ; Shindle, tout en relevant certains madrigalismes, considère que Macque « ne
poussa pas cette technique aussi loin que Marenzio » 715 . Marenzio fut peut-être
effectivement encore plus inventif en la matière, mais il ne fait aucun doute que les deux
premiers recueils napolitains de Macque contiennent de nombreux exemples de lectures
musicales riches et foisonnantes des textes poétiques. Le compositeur s’y montre non
seulement attentif à l’élément sémantique des poésies, mais aussi à leur construction
syntaxique, et plus généralement à leur registre stylistique.
Ces réflexions nous amènent aussi à repenser les rapports du Franco-flamand avec
Marenzio. Einstein, on l’a déjà évoqué, voyait plus en Macque un élève de Monte qu’un
contemporain de Marenzio 716 . Shindle a réévalué en partie cette opinion dans son PhD et,
plus récemment, dans son article du New Grove 717 , mais sans toutefois mesurer selon moi
l’importance de la relation qui lia les deux madrigalistes, qui va au-delà de la « brève
714
Voir supra, p. 291.
« He does not carry this technique to extent found in the early madrigals in Marenzio », in SHINDLE
Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 280. Shindle signale en passant que le Terzo
libro de 1597 semble être riche en madrigalismes mais celui-ci se basait probablement sur la transcription de
la toute première pièces qui, on l’a vu, n’est pas véritablement représentative du reste du recueil (ibid., p.
281).
716
Voir EINSTEIN Alfred, The Italian Madrigal, op. cit., p. 698.
717
« Les madrigaux sérieux du début des années 1580 sont adoucis par son association avec Marenzio, qui
était de dix ans son cadet » (« The serious madrigals of the early 1580s are tempered by his association with
Marenzio, who was some ten years younger. » SHINDLE Richard, « Macque, Giovanni de, §2: Works »,
Grove Music Online, http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section= music.17378.2, page
consultée le 29 mai 2006).
715
397
influence » évoquée par le musicologue 718 . Dans les années 1580, les langages
madrigalesques de Macque et Marenzio partagent en effet plus d’un trait stylistique. On y
retrouve le même goût pour l’expression du texte, pour les jeux polyphoniques, pour la
redistribution de la texture entre différents groupes de voix, la même clarté harmonique
ainsi que cette recherche de légèreté qui confine parfois à l’humour (ces traits stylistiques
ne furent d’ailleurs pas cultivés que par ces deux auteurs, mais caractérise toute une
période de l’histoire du madrigal).
Les convergences très nettes entre les intonations des mêmes textes par les deux
madrigalistes (notamment Posso, cor mio, partire et Quando sorge l’aurora 719 ) ne font
que confirmer l’existence d’un intérêt réciproque entre ces auteurs.
Macque fut peut-être un peu moins élégant, plus « terre-à-terre », moins « sensuel et
rêveur » comme le remarque Shindle 720 . Cependant, le Terzo libro de 1597 est tout entier
empreint de cette sensualité rêveuse et poétique qui manque peut-être parfois aux premiers
recueils du compositeur 721 .
Cependant, comme l’a noté Shindle, les chemins de Macque et Marenzio divergent
complètement dans les années 1590 722 . L’analyse du Terzo libro ne fait que confirmer les
observations de Shindle : Macque fut totalement imperméable au style déclamatif
affettuoso qui caractérise les derniers recueils de Marenzio, même si celui-ci retourna lui
aussi à un type de contrepoint plus strict dans son tout dernier livre.
718
« On sent une brève influence de Marenzio dans les œuvres de Macque du début des années 1580 »
(« Marenzio’s influence is briefly felt in the works of the early 1580’s. », in SHINDLE Richard, The
Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 279.
719
Voir supra, p. 229. Shindle discute dans sa conclusion les intonations de Quando sorge l’aurora par
Macque et Marenzio et constate un fossé entre les deux pièces. Shindle s’est cependant focalisé sur la
dernière version du compositeur (qui date de 1599) et non sur ses versions antérieures qui sont au contraire
très proches de celle de Marenzio (ibid., p. 280).
720
« If we compare the two men, Marenio is a sensualist, a dreamer …, whereas Macque is more
practical, more down-to-earth … », ibid., p. 280.
721
Les origines franco-flamandes du compositeur, son manque de « latinité », semble parfois à l’origine de
ce jugement un peu sec sur son œuvre. Ceci est particulièrement frappant chez Ruth DeFord, qui range
Macque complètement à part des autres compositeurs romains, italiens de naissance. Voir DEFORD Ruth,
Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 181.
722
« Le dernier style de Marenzio semble n’avoir eu aucun effet sur Macque » (« The later style of Marenzio
seems to have little effect, if any, on Macque. », in SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de
Macque, op. cit., p. 280).
398
Les recueils pris en examen dans cette thèse permettent également d’interroger à nouveau
le couple Macque-Gesualdo. Shindle a noté, comme la plupart des musicologues qui se
sont intéressés à la question, l’influence du prince de Venosa sur le Franco-flamand dans
ses dernières publications, notamment dans son Terzo libro de madrigali a quattro voci de
1610 723 . Shindle, qui conclut son PhD avant la découverte de la correspondance du
compositeur par Lippmann et ignorait donc l’existence des trois ricercari du prince
insérés dans les Ricercate et canzoni francese de Macque, ne se pencha pas sur
l’hypothèse d’une tendance inverse 724 .
On aurait espéré pouvoir découvrir dans les deux premiers recueils napolitains de Macque,
composés chez Gesualdo, les traces de la relation de maître à élève qui unit
vraisemblablement les deux musiciens dans la seconde moitié des années 1580. La
question est cependant délicate. D’un côté, certaines pièces des recueils présentent bien
cette alternance entre animation rythmique, sujets en fuses déclamées, et passage
homophones plus sereins, caractéristiques de Gesualdo. Ce type d’écriture n’est cependant
pas propre aux deux hommes, mais commune à plusieurs autres auteurs de la période. On
rencontre aussi dans quelques passages du Secondo libro a cinque voci les prémisses de
procédés harmoniques qui deviendront caractéristiques du style de Gesualdo, notamment
les « faux-bourdons » dissonants. D’autre part, le prince musiqua dans son premier livre
deux textes du Secondo libro de madrigali a cinque voci de Macque, Mentre, mia stella
miri, et Gelo ha Madonna il seno, que l’on voudrait lire comme une sorte d’hommage à
son ancien maître. Les intonations des deux madrigalistes ne sont pas sans points
communs 725 , mais l’aspect euphonique qui caractérise souvent le style de Macque dans les
années 1580 est totalement étranger à Gesualdo. L’écriture très dense et presque touffue
du contrepoint gesualdien n’a pas ses racines dans la première production madrigalesque
du Franco-flamand qui, on l’a déjà évoqué à maintes reprises, n’avait cure de faire
démonstration d’artificiosità dans ses premières années napolitaines. Il est possible,
723
Shindle parle même, à propos du Terzo libro a quattro voci de 1610, d’un moment de crise et de remise
en question de la part de Macque, dû selon lui à la confrontation musicale du compositeur avec la musique
de Gesualdo. Voir SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 280-281.
724
Voir supra, p. 155.
725
À ce propos, voir notamment DEUTSCH Catherine, « Un exemple de “triple filiation” madrigalesque :
Philippe de Monte, Giovanni de Macque, Carlo Gesualdo », La musique représentative, actes des Premières
Rencontres Interartistiques de l’Observatoire Musical Français, Paris, 2004, p. 35-45. Série Conférence et
Séminaire n° 18.
399
comme l’affirme Larson, que la postérité de ces deux premiers recueils napolitains de
Macque soit plus à rechercher dans la production de Montella, de Dentice et des autres
« compositeurs modérés » de la dernière génération de madrigalistes napolitains, que dans
les premières œuvres de Gesualdo 726 .
Curieusement, le Terzo libro a cinque de 1597 rappelle bien plus la première manière de
Gesualdo que les recueils de 1586-1587, même si celui-ci fut imprimé bien après les
premiers recueils du prince. L’usage immodéré de fuses déclamées, les soggetti très
stricts, traités par mouvement contraire, doublés, combinés, le recours à certains topoi
d’écriture très caractérisés, comme l’imitation alternée et les faux-bourdons enfouis dans
la polyphonie 727 , l’abandon des parcours harmoniques simplifiés au profit d’une logique
plus linéaire sont autant d’éléments qui renvoient aux deux premiers livres de Gesualdo et
furent repris ensuite par certains madrigalistes parthénopéens à la fin du Cinquecento et au
début du Seicento 728 .
Il est possible que la relation Macque-Gesualdo se soit jouée dans un premier temps sur un
plan plus instrumental que madrigalesque (il n’est peut-être pas anodin que Macque ait
« adopté » trois ricercari du prince dans son recueil de Ricercate et canzoni francese et
non quelques madrigaux dans l’un de ses recueils). La question reste cependant ouverte et
mériterait peut-être d’être envisagée de façon plus approfondie et systématique.
La production sacrée du compositeur constitue un autre objet d’étude qu’il pourrait être
intéressant d’explorer plus amplement. À ma connaissance, celle-ci n’a pas en effet
bénéficié jusqu’à aujourd’hui de recherches aussi exhaustives que ses pièces
instrumentales ou ses madrigaux, même si Shindle évoque brièvement le contenu du
726
« Les caractéristiques stylistiques qui pour la première fois ont été mis ensemble d’une manière
convaincante dans le II.5 de Macque réapparaissent dans les œuvres de ces composeurs modérés avec
quelques légères modifications dans le sens d’une plus grande complexité et subtilité. » (« Stylistic features
which had first come together in an effective way in Macque’s 2.5 reappear in the works of these moderate
composers whith only a few slight modifications, usually toward greater complexity or subtlety. » in LARSON
Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit., p. 551). Voir aussi supra, p. 291.
727
Sur ces aspects de l’écriture, voir supra, p. 239.
728
Larson a vu le même goût pour l’animation rythmique, la démonstration contrapuntique et l’écriture
artificiosa basée sur les combinaisons motiviques chez la dernière génération de madrigalistes
parthénopéens, et notamment dans les recueils de Dentice Lacorcia, Agresta et Nenna, ainsi que dans les
premières publications de Montella (voir LARSON Keith, The Unaccompanied Madrigal in Naples, op. cit.,
p. 567, 588, 684 et 785).
400
recueil de motets de 1596 et les quelques motets polychorals dans son article du New
Grove 729 .
Une étude de la musique sacrée de Macque permettrait en outre d'explorer ses rapports
avec les diverses congrégations religieuses, à Rome et à Naples. Les travaux de Noel
O’Regan ont déjà permis de mettre en lumière les liens du compositeur avec la Santissima
Trinità dei Pellegrini, pour qui Macque composa apparemment plusieurs motets 730 . La
participation de Macque aux anthologies de laudes à partir des années 1580 indique aussi
que ses pièces faisaient partie du répertoire oratoriens dans les deux dernières décennies
du siècle. Les relations du Franco-flamand avec les filippini ne firent apparemment que se
renforcer après son arrivée à Naples, en témoigne son recueil de motets, dédicacé, on le
rappelle, à l’un des fondateurs de l’Oratorio napolitain, ainsi que les quelques anecdotes
relatées par Carlo Lombardo dans son récit de la vie de Giovenale Ancina 731 . Je ne
connais aucune transcription accessible de ce recueil de motets, dont il serait peut-être
envisageable de reconstruire les parties manquantes, au moins dans les pièces à cinq et six
voix 732 .
La réouverture prochaine des archives musicales de la Biblioteca del Monumento
nazionale dell’Oratorio dei Girolamini de Naples 733 , fermée depuis une vingtaine
d’années, ouvrira en outre de nouvelles perspectives de recherche sur la collaboration
entre Macque et l’Oratorio napolitain qui, très probablement, ne se limita pas au recueil de
motets de 1596 et aux quelques laudes publiées dans les anthologies. Un séjour aux
archives de la congrégation permettra sans doute d’apporter de nouveaux éléments à notre
connaissance sur le compositeur.
729
Voir SHINDLE Richard, « Macque, Giovanni de, §2: Works », Grove Music Online, op. cit.
Le manuscrit MSS.MUS.77-88 de la Biblioteca nazionale de Rome, qui fut selon O’Regan compilé par
Zoilo pour la Santissima Trinità, contient plusieurs pièces de Macque (Salve Regina, Ave Regina, Ecce
nunc, In convertendo). Voir O’REGAN Noel, Institutional Patronage in Post-Tridentine Rome: Music at
Santissima Trinità dei Pelegrini, 1580–1650, op. cit., p. 68-71.
731
Voir supra, p. 307.
732
MACQUE Giovanni de, Johannis Macque, Valentinatis Belgae, Motectorum quinque, sex, et octo vocum,
Liber primus, Mutium, Roma, 1596. De cet imprimé, ont été conservées les parties de superius, altus, bassus
et quintus. Il manque les voix de tenor, sextus, septimus, octavus.
733
Les archives musicales de la Biblioteca del Monumento nazionale dell’Oratorio dei Girolamini viennent
de rentrer dans une phase de restructuration. La réouverture est prévue courant 2008.
730
401
Saluons pour finir l’initiative de Giuseppina Lo Coco qui, en publiant chez Olschki le
Primo libro de madrigali a quattro voci de 1586, contribuera à diffuser de manière plus
large la musique de Giovanni de Macque auprès des musiciens et des musicologues et, on
l’espère, les incitera à faire sortir ses madrigaux du long silence dans lesquels ils reposent
depuis des siècles. L’édition partielle ou complète des madrigaux de Macque avait été
ambitionnée par plusieurs musicologues, sans jamais se réaliser 734 . Souhaitons que la
publication du Primo libro de madrigali a quattro voci puisse redonner départ à d’autres
projets d’éditions de la musique de ce compositeur.
734
La publication du Quarto et du Sesto libro de madrigali a cinque voci (1599 et 1613) chez l’éditeur
florentin Olschki avait été projetée dans les années 1980 par Lorenzo Bianconi et Renato Di Benedetto,
(celle-ci est d’ailleurs annoncée comme imminente par Emilio Carapezza dans son article « ‘Quel frutto
stramaturo e succoso’: il madrigale napoletano del primo Seicento », op. cit., p. 20, note 11). Anthony
Newcomb parle aussi de son intention de publier les deux premiers recueils napolitains de Macque dans son
édition des madrigaux de Luzzaschi. Voir LUZZASCHI Luzzasco, Quinto libro de' madrigali a cinque voci
(Ferrara, 1595) ; Sesto libro de' madrigali a cinque voci (Ferrara, 1596) ; Settimo libro de' madrigali a
cinque voci (Ferrara, 1604), éd. Anthony Newcomb, Middleton, A-R Editions, 2003, p. l. Complete
unaccompanied madrigals, vol. 1/ Recent researches in the music of the Renaissance, vol. 136.
402
Sintesi in italiano
Ariosità e artificiosità nei madrigali di Giovanni de
Macque (1581-1597)
La tesi verte sul periodo centrale della produzione madrigalistica del compositore franco
fiammingo Giovanni de Macque. Sono state prese in considerazione nell’analisi cinque
stampe, pubblicate tra il 1581 e il 1597, ovvero i due libri di Madrigaletti et napolitane a
sei voci del 1581-1582, il Primo libro de madrigali a quattro voci del 1586, il Secondo
libro de madrigali a cinque voci del 1587 e infine il Terzo libro de madrigali a cinque
voci del 1597 (un’opera stampata nel 1589 è stata tralasciata perché la sola parte dell’alto
si è conservata sino ad oggi).
Dal momento che il periodo preso in esame non è stato oggetto di un’analisi approfondita
da parte della ricerca musicologica, i confini cronologici del corpus sono stati circoscritti,
con lo scopo di colmare una tale lacuna. La tesi si propone di completare la principale
monografia dedicata ai madrigali di Macque che, per diverse ragioni, sorvola molto
rapidamente sul periodo centrale della produzione dell’autore. Sono state effettuate due
trascrizioni – a mia conoscenza, mai realizzate sino ad oggi –: quella del Secondo libro de
madrigali a cinque voci del 1587 e quella del Terzo libro de madrigali a cinque voci. Per
quest’ultimo libro ho inoltre provveduto a ricostruire la voce mancante dell’alto.
La problematica analitica che emerge dal confronto dei singoli elementi del corpus merita
inoltre un’attenzione particolare. Essa apre, in effetti, una prospettiva rilevante su un
aspetto dello sviluppo stilistico dell’autore, specifica del periodo preso in esame e meno
presente nella sua produzione anteriore e posteriore. Questi libri, composti in tre momenti
successivi della carriera del madrigalista, e per tre ambienti musicali determinati, possono
essere considerati come diverse manifestazioni di un fenomeno che riguarda una parte
cospicua del repertorio vocale profano italiano degli ultimi decenni del Cinquecento:
403
l’avvicinamento della scrittura sapiente alla leggerezza, della complessità alla semplicità,
nonché la mescolanza di generi e di registri stilistici.
Tale fenomeno è stato valutato nella presente tesi attraverso due nozioni in uso sia nella
letteratura e nella trattistica musicale coeva, che da Macque stesso in una sua lettera
dedicatoria: l’ariosità e l’artificiosità. Una ricerca filologico-storica, basata su scritti della
fine del Cinquecento e dell’inizio del Seicento, ha consentito di definire e tracciare i
contorni semantici di questi due concetti. L’ariosità si riferisce 1. al genere aria, che
designa ulteriormente due tipi di pezzi, a./ gli schemi stereotipati usati per la declamazione
di versi epici o lirici, b./ una varietà di genere minore, caratterizzata da una certa
semplicità compositiva così come dal ricorso frequente alle forme strofiche 2. ad una
qualità soggettiva sentita – o non sentita – all’ascolto di una composizione, fondata su una
sensazione di piacere, di dolcezza, di orecchiabilità e di facilità di ricezione uditiva. In un
contesto musicale, l’artificiosità è sinonimo di virtuosità stilistica come di padronanza
delle tecniche contrappuntistiche.
L’artificiosità e l’ariosità sono state sovente presentate come due nozioni antitetiche alla
fine del Rinascimento, legate insieme in una specie di “relazione polare”, in cui la ricerca
dell’una implica una riduzione dell’altra e vice-versa. Esse corrispondono, infatti, a
registri stilistici contrastanti: l’artificio viene riservato ai generi più aulici, in particolare il
mottetto – ma anche, secondo certi autori, il madrigale – mentre l’ariosità caratterizza i
così detti “generi leggeri”, canzonetta, canzone, napoletana, villanesca, villanella e,
ovviamente, aria. Per giunta, tali concetti sembrano intrinsecamente opporsi, dal momento
che l’artificiosità mira ad un bersaglio tecnico e intellettuale, ad un approccio analitico
della musica, laddove l’ariosità risponde ad una ricerca di piacere, ad una ricezione più
sensuale dell’opera.
Il madrigale, talora considerato come l’equivalente profano del mottetto, talora relegato al
rango di repertorio minore, contemporaneamente vetrina dell’eccellenza del compositore e
oggetto di piacere per il cantante, è probabilmente il genere che cristallizzò in modo più
tangibile la “polarità” fra questi due concetti. Quest’ultima segnò in modo particolarmente
rilevante il periodo qui preso in considerazione, che vide la nascita e la diffusione del così
detto stile ibrido. Questo tipo di scrittura, che caratterizzò la musica vocale profana
404
italiana della fine del Cinquecento, mischia diversi tratti dei generi leggeri e del madrigale,
offuscando così i confini fra questi due repertori, rimasti relativamente impermeabili fino
ad allora.
Macque fu particolarmente sensibile a tali trasformazioni durante il periodo preso in
esame, e seppe rispondere a questi mutamenti stilistici col variare e rinnovare
costantemente il suo linguaggio madrigalistico. Il presente studio ha per oggetto l’analisi
di questa evoluzione attraverso il prisma della dinamica di scambio fra ariosità e
artificiosità che caratterizzò lo stile ibrido negli ultimi due decenni del Cinquecento.
La tesi segue un percorso cronologico che divide il corpus in tre parti, individuando le fasi
successive dello sviluppo stilistico di Macque durante il periodo preso in considerazione.
Ognuna di queste fasi corrisponde ad una tappa ben definita della sua carriera ed è
strettamente legata all’ambiente artistico di una città determinata: la Roma dei primi anni
del 1580 con i due libri di Madrigaletti et napolitane (prima parte), la Napoli della
seconda metà del 1580 col Primo libro de madrigali a quattro voci e il Secondo libro de
madrigalia cinque voci del 1586-87 (seconda parte) e, infine, la Ferrara degli anni 1590
col Terzo libro de madrigali a cinque voci del 1597 (terza parte).
Un’introduzione apre ogni singola parte con lo scopo di contestualizzare l’opera. L’analisi
si concentra poi su tre parametri fondamentali della scrittura madrigalistica: le scelte
poetiche, il ricorso a determinate tecniche compositive, ed infine la rappresentazione
musicale del testo poetico.
Prima parte – le due raccolte di Madrigaletti et
napolitane (1581-1582): lo stile ibrido
Inizialmente vengono esaminati gli stretti rapporti che il compositore manteneva con i
maggiori esponenti della vita musicale romana all’epoca della pubblicazione dei libri e lo
sviluppo del madrigale romano negli anni 1580. Le figure dei committenti, Ventura
Maffetti e Camillo Caetani, sono altresì prese in esame.
L’attenzione si focalizza in seguito sull’ambiguità che si sprigiona dal titolo e
dall’organizzazione delle due raccolte; l’autore mantiene, infatti, una certa elusività quanto
405
al genere preciso di ogni singolo componimento. La denominazione Madrigaletti et
napolitane fa riferimento a due tipi di pezzi, senza che siano mai differenziati i
madrigaletti dalle napolitane (il primo termine si riferisce a madrigali più semplici e più
brevi, il secondo, ad una varietà di genere leggero). Il madrigalista pare voler accennare
che i componimenti si trovano a metà strada fra questi due generi.
L’analisi delle scelte poetiche e delle forme musicali permette quindi di esplicitare tale
ambiguità generica. Le varie origini delle rime e degli schemi metrici e formali,
proveniente talora del repertorio leggero, talora da quello madrigalistico, e talvolta a
cavallo tra i due, evidenzia la natura eminentemente ibrida di questi libri.
L’attenzione viene richiamata in seguito su un estratto della lettera dedicatoria del Primo
libro de madrigaletti et napolitane, in cui il compositore si scusa, presso il committente
dell’opera,
della lacuna di artificiosità del suo “debole parto”, che spera poter
controbilanciare per mezzo della loro ariosità.
Attraverso l’analisi delle tecniche musicali si cerca poi di individuare per quali ragioni
questi pezzi possono essere valutati ariosi e poco artificiosi. A questo riguardo, sono presi
in considerazione vari aspetti della scrittura: la mancanza di complessità della tessitura
polifonica – per lo più tendente verso le tecniche omofoniche –, la chiarezza delle
articolazioni e delle cadenze, la vivacità del lessico ritmico, il ricorso frequente a crome
declamate, la standardizzazione degli schemi prosodici con numerosi richiami ai ritmi del
repertorio leggero, la semplificazione e la chiarificazione delle strutture armoniche –
capaci di generare un sentimento di eufonia così come di infondere una possente direzione
alle frasi. Questa fase dell’analisi permette inoltre di definire certe cifre, ovvero segni
stilistici, sui quali si appoggerà l’esame del corpus rimanente.
Lo studio della rappresentazione musicale del testo segue la stessa prospettiva. L’accento
è posto sulla sintesi realizzata tra l’attenzione alla parola, che è tipica del madrigale, e la
relativa neutralità che caratterizza il repertorio minore. Macque oscilla tra l’una e l’altra in
base alla materia poetica.
La prima parte si conclude col richiamo della buona accoglienza di cui hanno goduto le
stampe, in particolare nell’Europa del nord. Il successo delle raccolte, ristampate ad
406
Anversa nel 1600, è riconducibile alla particolare sintesi presente in questi libri, alla loro
ariosità, e allo spirito di leggerezza che predomina nei componimenti. Si tratta, infatti, di
elementi particolarmente apprezzati dal pubblico franco fiammingo della fine del
Cinquecento.
Seconda parte – Il primo libro de madrigali a quattro
voci e Il secondo libro de madrigali a cinque voci
(1586-1587): il ritorno al madrigale
Dopo avere tracciato un breve ritratto del madrigale partenopeo all’arrivo di Macque a
Napoli, viene esaminato il rapporto del compositore con la famiglia Gesualdo, nella cui
casa furono composti i due libri studiati in questa parte. L’accento è posto sulla figura di
Carlo Gesualdo e sul ruolo che il franco fiammingo rivestì probabilmente nell’educazione
musicale del Principe. L’attenzione si sposta poi sui committenti delle stampe, Scipione
Pignatelli e Cesare d’Avalos. Questo quadro di contestualizzazione, ampiamente basato su
informazioni tratte dalla corrispondenza di Macque, traccia infine le tappe successive della
stampa delle opere, che fu motivo di un intenso scambio epistolare tra il compositore e il
suo amico romano Camillo Norimberga.
Sono state poi prese in considerazione le scelte poetiche. A tale riguardo è stata esaminata
la gradazione di registri poetici dei testi musicati, che vanno dalle forme fisse
petrarchesche (sonetti, canzoni), alle composizioni poetiche affini al repertorio leggero.
Una categoria intermedia, fatta di piccoli madrigali epigrammatici senza pretese letterarie,
caratteristici dei gusti poetici italiani nella fine del Cinquecento, è stata oggetto di una
riflessione più approfondita.
Un approccio parallelo è stato adottato nell’analisi musicale dei pezzi. Dopo qualche
considerazione generica relativa alle tecniche contrappuntistiche, alle scelte modali e al
lessico ritmico, tendente per lo più verso una maggiore leggerezza, una semplicità ed una
vivacità tipiche del madrigale ibrido, viene presa in esame la varietà delle soluzioni
impiegate dal compositore nelle sue intonazioni, chiaramente modellate sul registro
stilistico dei testi poetici. Lo studio svolto si propone di evidenziare come il registro
poetico aulico e la scrittura artificiosa siano strettamente collegate, mentre le intonazioni
407
di testi più modesti si distinguono per il frequente ricorso ai segni stilistici individuati nei
Madrigaletti et napolitane. L’attenzione è anche richiamata sul fatto che questi segni
possono talvolta essere rivisitati, nel senso di una maggiore complessità, quando sono
usati nelle intonazioni di versi petrarcheschi.
Dall’esame emerge inoltre un ulteriore aspetto significativo di questi pezzi, ovvero il
ricorso a numerosi topoi compositivi peculiari dello stile ibrido. L’analisi si sofferma poi a
rintracciare la circolazione di questi procedimenti di scrittura nel madrigale coevo,
attraverso il richiamo alla musica di Andrea Gabrieli, Luca Marenzio e Ruggiero
Giovannelli, tre attori rilevanti dello sviluppo e della diffusione del madrigale ibrido.
Una prospettiva del tutto diversa è adottata nell’esame della rappresentazione musicale del
testo poetico. Essa mira a sottolineare l’ampia varietà e la ricchezza operata da Macque in
queste due raccolte. A tal fine, la metodologia analitica impiegata divide i madrigalismi in
tre categorie di analogie, equivalenti ad un livello crescente di astrazione. Sono esaminate
in primo luogo le figure da sentire, in seguito, le figure da vedere, e infine, le figure da
pensare. Questa gradazione vuole evidenziare la complessità e la sottigliezza della
rappresentazione musicale del testo poetico, e propone di considerarla come un’ulteriore
manifestazione di artificiosità, allargando i confini di questo concetto. Dopo aver
analizzato il versante semantico dell’intonazione, viene presa in considerazione
l’espressione musicale di aspetti logico-sintattici dei versi poetici. Con tale esame si
vogliono infine rivalutare le osservazioni di certi scritti musicologici relativi alla
mancanza di fantasia retorica del compositore, giudicato talvolta del tutto privo di
sensibilità verso concetti e contenuti poetici.
La seconda parte si conclude valutando il ruolo di queste due raccolte nell’evoluzione del
madrigale partenopeo, considerate come una specie di “ponte stilistico” tra le vite musicali
romane e napoletane.
Terza parte – Il terzo libro de madrigali a cinque voci
(1597) o l’artificiosa ariosità
408
Il terzo libro de madrigali a cinque voci, ultima raccolta dedicata al duca di Ferrara e
ultima opera musicale uscita dalle stampe ducali di Baldini, è, in un primo tempo,
collocato nel contesto delle intense relazioni politiche e culturali che avvicinarono la città
ferrarese e quella partenopea sul finire del Cinquecento. Si accenna poi alla nuova
situazione professionale di Macque, che comprende i legami intercorsi con i filippini
napoletani, che sembrano riflettersi nella presenza di qualche madrigale spirituale alla fine
della raccolta.
Dopo aver sottolineato la forte impronta ferrarese di una parte notevole dei testi del Terzo
libro tramite un esame delle fonti poetiche, l’attenzione è richiamata sul carattere pastorale
e melico delle rime musicate. I testi spirituali sono poi presi in considerazione, mettendo
in rilievo la distanza che separa il registro stilistico delle rime petrarchesche a vocazione
meditativa, dalle brevi strofe di canzonette spirituali. Sono, infine, state valutate le origini
filippine di questi ultimi testi.
L’esame della musica si focalizza su un aspetto peculiare di questi pezzi, qui considerato
in termine di “artificiosa ariosità” o “sapiente leggerezza”. Dall’analisi della musica si
ricava come Macque rivisitò certe cifre dello stile ibrido, integrandole in un discorso
decisamente artificioso. A tale riguardo, sono stati presi in esame diversi punti: il rinnovo
del lessico ritmico che, pur spingendo al massimo l’uso delle crome declamate, sembra
evitare coscientemente i richiami troppo ovvi al repertorio leggero; l’abbandono
dell’eufonia per un discorso cosparso di dissonanze coloristiche; il netto aumento di
combinazioni di soggetti e di passaggi in contrappunto rigoroso; il ricorso alla virtuosità
contrappuntistica pure nei momenti omofoni apparentemente semplici; l’interpunzione
frequente e chiara del discorso, controbilanciata da un uso molto libero delle cadenze.
L’intonazione del sonetto spirituale di Petrarca, ultimo madrigale della raccolta, è oggetto
di un’attenzione particolare. Il contrasto fra la scrittura “all’antica” che caratterizza questo
madrigale, e il resto del volume è valutato come un’ulteriore dimostrazione della capacità
dell’autore di rispondere musicalmente al registro stilistico dei testi poetici.
Il rapporto testo-musica è esaminato in seguito sotto una nuova luce. L’artificiosità
retorica delle due prime raccolte napoletane viene opposta ad una lettura musicale dei
concetti poetici meno intellettuale e più immediata e sensuale, concentrata più
409
sull’evocazione sonora che sulla pittura analogica delle parole. Si è cercato poi di
ricondurre questo “stile affettuoso”, rivolto probabilmente più all’uditore che al lettorecantante, all’emergenza della “seconda pratica”, che rinnovò profondamente il rapporto
con il testo dell’ultima generazione di madrigalisti. Il particolare spazio musicale lasciato
ai rari concetti negativi, che incupiscono talvolta i paesaggi idillici che popolano le rime, è
considerato come un mezzo efficace per colpire le emozioni dell’uditore, così come un
contrappeso all’atmosfera leggera e pastorale che distingue, nel complesso, la quasi
totalità del libro.
La terza parte si chiude con una riflessione sulla posizione del Terzo libro nella
produzione madrigalistica di Macque. Esso è pensato come un punto di transizione verso
la sua ultima maniera, marcata sì da una ricerca di artificiosità contrappuntistica, ma anche
da un relativo abbandono dell’ariosità a favore di un linguaggio patetico, se non
addirittura espressionista.
Le conclusioni propongono in primo luogo una riflessione di sintesi sui termini della
problematica, che vuole evidenziare l’evoluzione del compositore nel suo rapporto con
l’artificio e l’ariosità. L’attenzione è richiamata sul passaggio da un’ariosità “generica” ad
un’ariosità “soggettiva”, e sul peso crescente della virtuosità contrappuntistica nello stile
del madrigalista, apparentemente sempre meno disposto a sacrificare l’artificiosità del suo
linguaggio ad una certa facilità di ascolto o di interpretazione. Questa osservazione ci
porta a ripensare il ruolo della virtuosità contrappuntistica nel madrigale polifonico
dell’ultimo Cinquecento e del primo Seicento. Per spiegare questo fenomeno, peculiare ad
una parte cospicua del madrigale partenopeo post-gesualdiano – che sembra prendere in
contropiede l’evoluzione complessiva del linguaggio musicale all’alba del Barocco – è
proposta una lettura “rappresentativa” o “dimostrativa” dell’artificiosità.
Ritornando infine a considerazioni più generiche sull’autore, sono stati esaminati i
precedenti studi compiuti dalla dottrina su Giovanni de Macque cercando di compararli
con i risultati della presente ricerca. La tesi si conclude suggerendo nuovi percorsi
d’indagine sul compositore.
410
I testi poetici e la loro traduzione in francese, la trascrizione del Secondo libro de
madrigali a cinque voci e del Terzo libro de madrigali a cinque voci, e la corrispondenza
del compositore tradotta in francese sono riuniti in un volume di appendici.
411
Annexes
Critères de transcription
Nota bene
Les transcriptions des textes poétiques et des madrigaux ont été réalisées avec les
microfilms des imprimés suivants :





Madrigaletti et napolitane et Secondo libro de madrigaletti et napolitane :
exemplaires complets de la Biblioteca dell’Accademia filarmonica de Vérone
(Italie), confrontés avec la réédition de Phalèse (Madrigaletti et canzonetti sic
napolitane a sei voci) conservée intégralement à la Biblioteka Polskiej (Akademii
Nauk) de Dantzig (Pologne)
Primo libro de madrigali a quattro voci : exemplaire complet de la Biblioteka
Jagiellonska de Cracovie (Pologne)
Secondo libro de madrigali a cinque voci : exemplaire complet de la Biblioteka
Jagiellonska de Cracovie (Pologne)
Secondo libro de madrigali a sei voci : Quinto de la British Library de Londres
(Royaume-Uni)
Terzo libro de madrigali a cinque voci : Canto, Tenore, Quinto, Basso de la
Biblioteca Estense de Modène (Italie)
Critères d’édition des textes poétiques
L’édition des textes poétiques des recueils est organisée en trois textes parallèles, disposés
sur trois colonnes. À gauche, la transcription semi-diplomatique de la source musicale ; au
milieu, sa transcription interprétative ; à droite, la traduction en français 735 . Pour ne pas
alourdir la lecture, seul le nom de l’auteur a été indiqué en haut à gauche de la
735
Sur la question de la transcription des textes poétiques du Cinquecento, et particulièrement ceux des
imprimés musicaux, voir notamment : STUSSI Alfredo, Introduzione agli studi di filologia italiana, Bologna,
Il Mulino, 1994 ; LA FACE BIANCONI Giuseppina, « Filologia dei testi poetici nella musica vocale italiana »,
Acta Musicologica, LXVI, 1994, p. 1-21 ; MIGLIORINI Bruno, « Note sulla grafia italiana nel rinascimento »,
Studi di filologia italiana, XIII, 1955, p. 259-296, et LUZZI Cecilia, Archivio musicale Petrarca in musica.
Criteri di edizione dei testi poetici, http://www.unisi.it/tdtc/petrarca/pim.htm. Ces travaux ont guidé la
grande majorité de mes choix éditoriaux.
412
transcription interprétative. Pour plus d’information sur les sources, le lecteur pourra se
référer aux tables contenues dans le premier volume de la thèse.
Transcription semi-diplomatique
La transcription semi-diplomatique rétablit le texte de la source musicale en restant fidèle
à ses particularités graphiques : orthographe, majuscules en début de vers, erreurs, absence
quasi totale de ponctuation, abréviations, utilisation du &, etc.
Les différentes voix ne présentant cependant pas toujours la même version du texte, la
leçon la plus proche de l’usage moderne a toujours été préférée. Les petites variantes entre
les voix ont été indiquées si elles semblaient significatives. Pour réduire l’appareil de
notes, un certain nombre de divergences n’ont pas été signalées, notamment lorsqu’elles
concernaient les élisions, l’accentuation, les majuscules, les abréviations, les apostrophes,
la ponctuation, les différentes graphies de et (e, et, &) et l’usage variable du v et du u.
La seule intervention majeure sur le texte concerne sa présentation en vers et la
reconstruction de sa forme métrique, impliquant l’élimination des répétitions de
l’intonation musicale. Lorsque les majuscules – qui indiquent les débuts de vers dans
l’intonation musicale – étaient erronées ou au contraire manquaient, celles-ci ont été
supprimées ou rétablies avec une note en bas du texte. Les éventuelles taches ou parties
manquantes de l’imprimé ont été indiquées dans l’appareil de note. Toute adjonction au
texte a été encadrée entre crochets (même les indications Prima parte, Seconda parte,
lorsqu’elles manquaient).
La transcription du Primo et Secondo libro de madrigaletti et napolitane, seuls recueils du
corpus à avoir connu une réédition, se base sur la première édition de Gardano. L’édition
de Phalèse se démarque très peu de celle de Gardano, même dans le choix des
abréviations, des élisions et des variantes orthographiques. La seule différence notable
réside dans l’utilisation du v en début de mot (alors que Gardano utilise toujours le u). J’ai
indiqué les quelques erreurs, qui généralement sont reprises de la première édition.
Transcription interprétative
413
La transcription interprétative, retenue pour l’édition musicale, propose une lecture
légèrement modernisée du texte poétique dans le but d’en faciliter la compréhension. Les
majuscules de début de vers ont été supprimées ; l’accentuation et la ponctuation (réalisées
selon les normes italiennes) ont été entièrement refaites. La graphie de certains mots a été
modernisée selon les critères suivants :





utilisation du u et v selon l’usage moderne (vivo pour viuo)
suppression du h étymologique (ora pour hora)
substitution du ti par zi devant les voyelles (graziosi pour gratiosi)
substitution du j par i (sii pour sij)
résolution des abréviations et du &
La division des mots a été modernisée dans la plupart des cas (degli pour de gli, allor pour
all’hor, talor pour tal’hor). Les articles contractés tels que de lo ou a le, n’ont en revanche
pas subi de modernisation dans la mesure où celle-ci aurait nécessité le redoublement de la
consonne et eu une incidence sur la prononciation.
Les apostrophes utilisées pour indiquer les très nombreuses élisions ont le plus souvent été
supprimées et la voyelle manquante rétablie en italique, notamment pour les verbes,
adjectifs et substantifs (le fiamme pour le fiamm’). L’apostrophe a été en revanche rétablie
dans le cas d’apocopes (ver’ pour ver, apocope de verso).
Certaines particularités graphiques ou orthographiques de la source ont cependant été
conservées, notamment l’usage :

du et devant les voyelles (remplacé par e devant les consonnes ou en cas
d’hypermétrie)
 de la majuscule pour les personnifications (Amor, Donna, Ciel, Ninfe)
 de certaines variantes orthographiques concernant le redoublement des consonnes
(avezzo pour avvezzo, rafrenar pour raffrenar, baccio pour bacio)
 de l’orthographie archaïsante des sons ge et sce (gielo pour gelo, treccie pour
trecce)
Lorsque la source musicale était incomplète (particulièrement dans le cas du Secondo
libro de madrigali a sei voci), les parties de texte manquantes ont été rétablies entre
crochets, en indiquant en note la source consultée.
414
Les notes disposées en bas de chaque texte indiquent les variantes significatives résultant
de la confrontation avec les sources de référence, lorsqu’elles existent, ainsi que les
éventuelles corrections effectuées sur le texte poétique.
Traduction
Lorsque je l’ai pu, j’ai préféré faire appel à des traductions préexistantes en indiquant les
références sous ces dernières. Cependant, la grande majorité des poésies étant d’auteurs
anonymes ou mineurs, aucune traduction n’était souvent disponible. Dans ces cas, mes
traductions se veulent une simple aide à la compréhension du lecteur francophone. Cellesci restent relativement proches du texte tant au niveau syntaxique que lexical.
L’équivalence vers italien = vers français a généralement été conservée afin de faciliter la
comparaison avec le texte original. Dans le cas d’hyperbates intraduisibles en français et
obligeant à déranger l’ordre des mots, le déplacement d’un syntagme d’un vers à l’autre a
été indiqué entre crochets (< >). Lorsque le texte italien ne permettait pas de déterminer le
genre du poète et/ou de son interlocuteur, le sexe masculin a toujours été préféré pour le
premier, et le féminin pour le second, ce cas de figure étant le plus fréquent dans la
littérature pétrarquiste. Pour conserver une certaine homogénéité avec la pratique
italienne, l’usage des minuscules en début de vers a été préféré 736 .
Nota bene
Les notes ont été placées à la fin de chaque texte en respectant l’ordre suivant :
numéro de vers (v. 1), voix (C., A., T., B., Q.) ou source (Canzoniere) présentant la
variante, partie du texte : variante.
Afin d’alléger l’appareil de notes, les abréviations suivantes ont été utilisées pour les
références bibliographiques :
Phalèse : MACQUE Giovanni de, Madrigaletti et canzonetti sic napolitane a sei voci,
Anversa, Phalèse, 1600.
736
C’est aussi l’option choisie par Pierre Blanc dans sa traduction du Canzoniere (voir PETRARQUE, Le
chansonnier, éd. bilingue, trad. Pierre Blanc, Paris, Bordas, 1989).
415
Canzoniere : PETRARCA Francesco, Canzoniere, éd. Roberto Antonelli, Gianfranco
Contini, Daniele Ponchiroli, Torino, Einaudi, 1982.
Chansonnier : PETRARQUE, Le chansonnier, éd. bilingue, trad. Pierre Blanc, Paris, Bordas,
1989.
Trionfi : PETRARCA Francesco, Rime, Trionfi, e poesie latine, éd. F. Neri, Milano-Napoli,
Ricciardi, 1951.
Rime : TASSO Torquato, Opere, vol. 1, Rime, éd. Bruno Meier, Milano, Rizzoli, 19631964.
Gli Asolani e le rime : BEMBO Pietro, Gli Asolani e le rime,éd. Carlo Dionisotti-Casalone,
Torino, UTET, 1932.
Pastor fido : GUARINI Battista, Pastor fido, Venezia, Ciotti, 1602.
Rime piacevoli : CAPORALI Cesare, Rime piacevoli di Cesare Caporali …, Ferrara,
Baldini, 1586.
Critères de transcription des madrigaux
Le travail de transcription a consisté à mettre en partition les différentes parties séparées
des madrigaux et à en moderniser la notation. Les signes anciens ont été transformés en
respectant l’usage moderne, selon les équivalences suivantes :
Longue
Brève
Semi-brève

Minime

Semi-minime

416
Fuse

Semi-fuse

Les clés d’ut1, ut2, ut3, ut4 et fa3 ont été remplacées par les clés de sol et de fa4 afin de
rendre la transcription aisément accessible par tout type de lecteur (les clés d’origine sont
indiquées en début de pièce). L’usage des clés modernes a cependant des inconvénients
car ces dernières obligent à noter l’alto et le tenore avec de nombreuses lignes
supplémentaires, que celles-ci soient octaviées ou non. Sauf cas particulier, la clé de sol
octaviée a été préférée pour le tenor, et celle de sol non octaviée pour l’alto.
Les parties de quinto des madrigaux de Macque doublent presque systématiquement la
tessiture du canto, de l’alto ou du tenore sans jamais occuper une position intermédiaire.
Le quinto a pour cette raison toujours été placé en dessous de la voix dont il partage la
tessiture. La lecture peut cependant être troublée par la présence durable du quinto audessus de sa voix jumelle.
Notation rythmique
Les parties séparées ne présentent aucune barre de mesure. Celles-ci ont été rajoutées dans
la transcription, comme il était coutume de le faire dans les notations en partition de
l’époque (notamment dans l’édition complète des madrigaux à cinq voix de Gesualdo par
Molinaro 737 ). Au lieu de l’alternance entre mesures d’une semi-brève et mesure d’une
brève que l’on trouve dans les éditions anciennes, toutes les mesures sont ici de la durée
d’une brève (sauf dans les passages en ternaire). Les indications de tempus
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conservées. Ces signes sont à entendre plus comme des indications de tempo (
rapide que
et
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ont été
étant plus
) que comme notifiant un tactus alla semibreve ou alla breve 738 . Dans les
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deux cas, les notions rythmiques originelles ont été gardées.
737
Voir notamment GESUALDO Carlo, Partitura delli sei libri de’ madrigali a cinque voci, Genova, Pavoni,
1613.
738
À ce propos voir COLETTE Marie-Noëlle, POPIN Marielle, VENDRIX Philippe, Histoire de la notation du
Moyen Age à la Renaissance, Paris, Minerve, 2003, p. 191.
417
Les signes proportionnels ont été conservés, de même que les valeurs d’origine.
L’équivalence rythmique est suggérée au-dessus de la portée. Il n’y a que deux exemples
de signe proportionnel dans les madrigaux transcrits. Ceux-ci utilisent tous deux le
passage de
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à
. Si l’on s’en tient au tableau du Syntagma musicum de Preatorius, il
s’agirait là d’une proportion sesquialtera avec l’équivalence « brève = semi-brève
pointée » 739 . Le tempo très lent qui résulte de cette proportion contraste cependant
singulièrement avec le contenu poétique du texte, deux invitations joyeuses au chant, c’est
pourquoi j’ai suggéré qu’elle soit plutôt comprise comme proportion tripla « semi-brève =
semi-brève pointée », équivalent à un passage de
l’équivalence entre
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à
, irrégularité probablement due à
et .
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La color a été maintenue car celle-ci correspond souvent à un madrigalisme. La transcrire
en notation moderne risquerait d’ôter toute sa signification au passage concerné.
L’équivalence rythmique est indiquée en haut de la portée.
Plusieurs particularités graphiques sont en outre à signaler :
Les fuses consécutives, détachées dans l’original, ont été reliées dans les vocalises, mais
non en cas de déclamation :
- Les ligatures sont résolues et indiquées entre crochets :
739
Idem, p. 182.
418
- Les longues qui concluent presque systématiquement les pièces sont conservées, même
si celles-ci ne correspondent pas à la durée de la mesure. Celles-ci sont à interpréter
comme des points d’orgue.
Altérations
Toutes les altérations du texte original ont été maintenues, sauf celles de précaution sur mi
et si, qui sont indiquées dans l’appareil critique. Le signe
a été remplacé par # et §,
selon les cas. Les altérations ne valent que pour la note concernée et pour ses éventuelles
répétitions immédiates, si celles-ci ne sont pas interrompues par un silence.
Les altérations ajoutées ont été placées au-dessus de la portée dans plusieurs cas de figure.
La plupart d’entre elles sont des altérations de précaution, lorsque la hauteur altérée se
représente dans la même mesure ou lors de fausses relations740 .
Préférant pécher par omission que par excès d’interventionnisme, les cas de musica ficta
ont été traités avec extrême prudence 741 . Ceux-ci concernent essentiellement les formules
cadentielles sans sensible et les entrées en imitation. Quelques relations horizontales ou
verticales ont été modifiées pour éviter des rencontres incongrues, en tenant cependant
toujours à l’esprit que l’écriture madrigalesque de Macque utilise de nombreux intervalles
« interdits », harmoniquement ou mélodiquement, et que sa musique est par nature pleine
de « bizarreries ».
Placement du texte
740
Sur les fausses relations au XVIe siècle, voir HAAR James, « False Relations and Chromaticism in
Sixteenth-Century Music », Journal of American Musicological Society, XXX, 1977, p. 391-418.
741
Je me suis référée notamment à BERGER Karol, Musica ficta. Theories of Accidental Inflections in Vocale
Polyphony from Marchetto da Padova to Gioseffo Zarlino, Cambridge, Cambridge Universtity Press, 1987
et TOFT Robert, Aural Images of Lost Traditions. Sharps and Flats in the Sixteenth Century, Toronto,
University of Toronto Press, 1992.
419
Le texte poétique a été redistribué selon l’usage moderne, en plaçant chaque syllabe sous
la note qui la porte. Les majuscules de début de vers ont été maintenues, à la première
énonciation du texte comme aux répétitions. Les répétitions textuelles ont été séparées par
des virgules. Les signes ij ou ii, qui indiquent dans l’imprimé les répétitions textuelles ont
été supprimées. Le texte a alors été répété entre crochets.
Reconstruction de la partie d’alto du Terzo libro de
madrigali a cinque voci
Je fais appel dans mon travail à deux ouvrages de référence sur le contrepoint
Renaissance, La tecnica del contrappunto vocale nel Cinquecento de Renato Dionisi et
Bruno Zanolini 742 et l’Aide-mémoire du contrepoint du XVIe siècle d’Olivier Trachier 743 .
Le seul manuel d’écriture que j’ai cependant réellement suivi à la lettre est la production
madrigalesque de Macque qui a répondu à la grande majorité des interrogations qui se
sont présentées à moi durant le travail.
Règles générales
Sans rentrer dans les détails et tous les cas particuliers, les principes suivants, déduits de la
production du compositeur, ont prévalu dans mon travail :
1.
Intervalles parallèles

742
Les quintes et octaves parallèles par mouvement contraire sont autorisées
(voir Sian le rose rubini, III.5, n. 9, brève 13, canto-tenore et Quel
rossignol che plora, III.5, n. 11, brèves 12-13, tenore-basso)
DIONISI Renato ZANOLINI Bruno, La tecnica del contrappunto vocale nel Cinquecento, Milano, Edizioni
Suvini Zerboni, rééd. 2001
743
TRACHIER Olivier, Aide-mémoire du contrepoint du XVIe siècle, Paris, Durand, 1995.
420

2.
Une simple note de passage suffit à autoriser deux quintes ou deux octaves
parallèles (voir par exemple Sian le rose rubini, III.5, n. 9, brève 17,
quinto-basso et Quel rossignol che plora, III.5, n. 11, brèves 13, cantobasso)
 Les enchaînements de sixtes et tierces ou de sixtes et quartes de type fauxbourdon peuvent être utilisés de façon isolés, mais aussi au milieu de la
polyphonie (voir par exemple Ami chi vuol’amare, III.5, n. 17, brève 16-17
et Io son di neve al Sol, II.5, n. 13, brève 22)
Dissonances






3.
Doublure, équilibre, croisement de voix




4.
744
Tous les retards sont préparés, mais peuvent se résoudre avec un mouvement
simultané des deux voix concernées (voir par exemple Sì che s’io vissi in guerra,
III.5, n. 21, brèves 7-8, canto-quinto)
Les retards peuvent être cumulés et résolus sur des dissonances aux autres voix
(voir par exemple Or che ridente e bella, III.5, n. 2, brèves 16-17)
Les retards peuvent tomber sur n’importe quelle partie du tactus, mais la résolution
doit s’opérer sur une partie rythmiquement moins accentuée.
Les notes de passages dissonantes en fuses sur la première partie de la semiminime, en semi-minime sur la première partie de la minime mais aussi en minime
sur la première partie de la semi-brève sont autorisées (voir La bellezza superna,
III.5, n. 18, brève 1-4, Quel rossignol che plora, III.5, n. 11, brèves 23-26 et Uscia
dai monti fuora, III.5, n. 3, brèves 22-23)
Les doubles et triples notes de passage sont autorisées (voir « intervalles
parallèles »)
Les sixtes et quartes cadentielles peuvent se faire sans doublure de la basse (voir
Quando dal mio bel Sole, II.5, n. 21, brève 11)
Dans les passages homophones, la doublure de la basse est préférable mais pas
obligatoire
La tierce à vide est toujours préférée à la quinte à vide
Macque peut faire occasionnellement appel à des unissons, même entre des parties
éloignées (voir Sparge la bella Aurora, III.5, n. 1, brève 3, canto-tenore)
Les croisements de voix sont autorisés de manière ponctuelle ou prolongée (voir
par exemple le croisement de voix alto-tenore, prolongé jusqu’au dernier accord in
Tant’è dolce il pensiero, IV.5, n. 6 744 )
Texte poétique et prosodie
Voir SHINDLE Richard, The Madrigals of Giovanni de Macque, op. cit., p. 448.
421


Même si Macque préfère en général faire apparaître le texte au complet à chacune
des voix, il arrive qu’une partie ne porte pas l’intégralité d’un vers (voir par
exemple Il vezzoso Narciso, III.5, n. 7, brève 1-8, basso)
L’accent tonique est toujours placé sur la partie plus accentuée du temps, sauf de
très rares exceptions, notamment dans les passages en valeurs lentes qui diluent la
prosodie (voir I’ vo piangendo, III.5, n. 20, brève 27-28, quinto)
Reconstruction du contrepoint
Macque, dans le Terzo libro de madrigali a cinque voci, fait généralement appel à un
contrepoint strict, permettant par l’analyse de reconstruire de manière relativement fiable
une grande partie de la partie d’alto. Bien souvent, l’entrée des différentes voix dans la
polyphonie se fait de manière régulière, selon une logique rythmique prévisible, suggérant
fortement les contours de la partie manquante. Dans l’extrait suivant, par exemple, le
balancement rythmique à la minime ne laisse que peu de possibilités à l’entrée de l’alto :
exemple musical 11 : Il matutino vento (III.5, n. 4, brèves 17-18)
L’irrégularité rythmique à deuxième minime de la deuxième brève indique presque
obligatoirement l’emplacement de l’alto. La quinte à vide fa-la impose un ré sur la
deuxième minime, et le reste du motif est suggéré par l’alternance ascendant/descendant
du passage :
exemple musical 12 : suite
422
On pourrait s’en tenir là, mais le long silence précédant l’entrée de l’alto fait suspecter que
celui-ci, comme le canto le tenore et le basso, pourrait également répéter deux fois le petit
soggetto. Une fois encore, il n’y a guère qu’une solution possible, l’alto ne pouvant
qu’entrer avant la première apparition du quinto :
exemple musical 13 : suite et fin
Dans d’autres cas, c’est le jeu des doublures qui indique l’emplacement et la hauteur de la
voix d’alto, comme dans l’exemple suivant :
exemple musical 14 : Sparge la bella Aurora (III.5, n. 1, brèves 4-8)
423
Ce type d’écriture alternée fonctionne souvent par paire de voix chez Macque. Encore une
fois, il n’y a qu’une solution possible : doubler le quinto à la tierce inférieure, et le basso à
la tierce supérieure :
exemple musical 15 : suite
C’est sur la base de ce type de raisonnement que j’ai reconstruit une grande partie des
passages contrapuntiques. La reconstruction est moins fiable lorsque l’imitation se fait
plus souple et plus libre, notamment dans les deux parties de l’intonation du sonnet de
Pétrarque I’ vo piangendo.
Les passages homophones sont généralement plus faciles à reconstruire. Dès lors que
quelques accords sont incomplets, comme c’est généralement le cas, le jeu des quintes et
des octaves parallèles oblige bien souvent les mouvements mélodiques intermédiaires. De
plus, Macque a bien souvent une pensée contrapuntique dans les passages homophones du
Terzo libro. On entrevoit par exemple, dans l’extrait suivant, que Macque construit le
424
passage en contrepoint renversable par mouvement contraire puisque, à la répétition la
basse reprend la ligne de tenore, et le tenore celle du quinto :
exemple musical 16 : Al subito apparir del primo raggio (III.5, n. 5, brèves 1-4)
Il suffit alors de renverser la voix de canto pour trouver celle d’alto puis d’ajuster la
hauteur en fonction des besoins de l’harmonie :
exemple musical 17 : suite
Il s’agit là bien sûr des exemples les plus évidents, mais les quelques raisonnements
énoncés précédemment permettent de résoudre bien des cas de figures. Dans les cas plus
ardus, un principe de discrétion et de récupération du matériau motivique environnant a
toujours prévalu.
La voix d’alto est notée sur une portée de dimension réduite afin que le lecteur tienne
toujours à l’esprit qu’il ne s’agit là que d’une reconstruction.
425
Textes poétiques
Primo libro de madrigaletti et napolitane (Venezia,
Gardano, 1581)
1.
Mai non uo pianger piu come
soleua
Je
Mai non vo’ pianger più come
faisais
soleva
Vn tempo quand’ardeua
un tempo quand’ardeva.
autr
Mo ch’io non moro amando
Mo ch’io non moro amando
Ma
aimant,
Vo andar sempre cantando
vo' andar sempre cantando,
je v
sciolto è lo laccio e rotta è la
Sciolt’e lo laccio et rott’e la
catena
la
catena,
rompue,
Libero son & non pato piu pena.
libero son e non pato più pena.
je s
2.
3.
426
Per pianto lo mio core
Per pianto lo mio core
De
Si strugge a tutte l’hore
si strugge a tutte l’ore,
se d
Et uoi crudel’et fella
e voi crudel e fella
et v
Sete d’Amor rubella.
sete d’Amor rubella.
vou
Tanti martir mi date
Tanti martir mi date
Vou
Quant’hauete beltate
quant'avete beltate,
que
Et uoi che ben sapete
e voi che ben sapete
et v
Quante bellezze hauete
quante bellezze avete,
com
Pensate quanti guai
pensate quanti guai
pen
Pato senza trouar pieta giamai.
pato senza trovar pietà giamai.
je s
Mentre al mio chiaro e vivo sol
Alo
Phalèse, v. 1, C., Tanti : Trnti
4.
Mentr’al mio chiar’e uiuo sol
miraua
mirava
je c
Come Cigno cantaua
come Cigno cantava,
mai
Et hor che ne son priuo
et or che ne son privo
com
come palustre augel piangendo pleurant.
Come palustr’augel piangendo
vivo.
uiuo.
5.
Dico spess’al mio core
Dico spesso al mio core:
Je d
Solo fuggendo puo uincer’Amore
solo fuggendo può vincer Amore,
on n
Et chi non sa fuggire
e chi non sa fuggire
et q
Resti sicuro di sua man perire.
resti sicuro di sua man perire.
peu
Una fiammella viva
Une
v. 1, C., B. : fugendo alterne avec
fuggendo
Phalèse v. 1, C., A., T. : idem
6.
Vna fiammella uiua
427
7.
D’ogni mio ben mi priua
d'ogni mio ben mi priva,
me
Et quanto piu la miro
e quanto più la miro,
et p
Ahi lasso ogn’hor sospiro
ahi lasso, ognor sospiro.
héla
O sfortunato amante
O sfortunato amante,
Ôa
Che ual esser costante.
che val esser costante?
à qu
Vola uola pensier fuor del mio
Vola, vola, pensier, fuor del mio
Vol
petto
petto,
va-t
Vanne ueloce a quella faccia
bella
vanne veloce a quella faccia
qui
bella
Ch’e la mia chiara stella
ch’è la mia chiara stella,
Dilli cortesemente & con amore
dilli cortesemente e con amore:
Eccoti lo mio core.
eccoti lo mio core!
disvoi
Phalèse, C. : la dernière ligne manque.
8.
Fuggi pur quanto sai
Fuggi pur quanto sai,
Fui
Donna crudel perch’io
donna crudel, perch’io
fem
Sent’ogn’hor piu tormenti &
sento ognor più tormenti e
je r
maggior guai
428
maggior guai,
et de plus g
Che pur ti uo seguire
che pur ti vo’ seguire,
et v
Se ben n’ho da morire.
se ben n’ho da morire.
mêm
9.
Se tu uuoi pur ch’io muoia
Se tu vuoi pur ch’io muoia,
Si t
Non mi dar piu dolore
non mi dar più dolore,
ces
Che di tormenti si pasce il mio
che di tormenti si pasce il mio
car
core
core,
mai
Ma stringimi al tuo seno
ma stringimi al tuo seno,
je
che verrò presto di dolcezza douceur.
Che uerro presto di dolcezza
meno.
meno.
10.
O begli occhi sereni
O begli occhi sereni
Ôb
Et d’ogni gratia pieni
e d’ogni grazia pieni,
et p
Perche col uostro sguardo si
perché col vostro sguardo sì
pou
possente
possente
ince
Abbruciate
il
mio
cor
in
fiamm’ardente.
abbruciate il mio cor in fiamma ardentes ?
ardente?
v. 4, toutes les voix : abbrucciate alterne avec
abbruciate.
Phalèse, v. 2, C. : piena alterne avec pieni
429
11.
ch’io moro
ch’io moro,
meure,
Ma la mia Ninfa bella
ma la mia Ninfa bella,
ma
Per forz’oime di stella
per forza oimè di stella,
à ca
Vuol ch’io celi la fiamma e ’l mio
vuol ch’io celi la fiamma e ’l mio
veu
martire
martire.
martyre.
Tacerò dunque o pur vorrò
Je m
Vorria saper da uoi occhi mortali
Vorria saper da voi occhi mortali
Je
Se uoi fiammelle sete o strali
Se voi fiammelle sete o strali,
Tacero dunque o pur uorro
morire.
morire.
12.
Je
Scoprirò l’ardor mio con dir
Scopriro l’ardor mio con dir
mortels,
si v
Perche quando girate
perché quando girate
Ferite i cori e i petti fulminate.
ferite i cori e i petti fulminate.
car
vou
v.2, toutes les voix sauf B., fiammelle: fiamelle
poitrines.
Phalèse, toutes les voix (y compris B.), fiammelle :
fiamelle
v. 4, toutes les voix Ferite : ferite
Phalèse : idem
13.
430
S’io potessi cantando
S’io potessi cantando
Si j
Rafrenare l’ardente mio desire
rafrenare l’ardente mio desire,
réfr
Felice lo mio core
felice lo mio core,
mo
Che fuor d’ogni martire
che, fuor d’ogni martire,
car
vivrebbe lieto senza mai languire.
il v
Questi leggiadri fiori
Questi leggiadri fiori
Ces
Et questa ghirlandetta
e questa ghirlandetta
et c
Tirsi a te manda o Clori
Tirsi a te manda, o Clori,
Tir
Perche le chiome te n’adorni e ’l
perché le chiome te n’adorni e ’l
afin
Viurebbe
lieto
senza
mai
languire.
v. 3, toutes les voix, Felice : felice
Phalèse : idem
14.
visage
volto,
uolto
Che liberta gl’ha tolto.
che libertà gl’ha tolto.
car
431
15.
Se del mio mal non curi
Se del mio mal non curi,
Almen’habbi pietade
almen abbi pietade
Di te che tua beltade
di te, che tua beltade
Fugge uia piu che uento
fugge via più che vento
E i capei d’oro gia si fan
e i capei d’oro già si fan
d’argento.
16.
d’argento.
Altro non uoglio altro non
cerco et bramo
Altro non voglio, altro non
cerco e bramo
Se non uoi che tant’amo
se non voi che tant’amo,
Et faccia quanto uuol fortuna
e faccia quanto vuol fortuna
ria
ria,
Che uoi sarete & sete l’alma
Pompilio
che voi sarete e sete l’alma
mia.
mia.
17.
ne bram
Quel si cocente foco
Quel sì cocente foco,
Ch’al mio misero pett’in ogni
ch'al mio misero petto in ogni
Venturi ?
loco
loco
Daua pena & tormento
dava pena e tormento,
Sdegno per mia uentura hoggi
sdegno per mia ventura oggi éteint.
l’ha spento.
432
l’ha spento.
18.
19.
Cercai fuggir’Amore
Cercai fuggir Amore
Per non sentir dolore
per non sentir dolore,
Hor tal’e la mia sorte
or tal è la mia sorte
Ch’ogn’hor bramo la morte.
ch’ognor bramo la morte.
La Salamandra se nel foco
La Salamandra se nel foco
dura,
dura
miracolo non è che ’l fa
Miracolo non e che ’l fa natura
natura,
Ma che uoi nel mio core
ma che voi nel mio core,
Ch’e tutto fiamm’& foco
ch’è tutto fiamme e foco,
Essendo
ghiaccio
ritrouiate
essendo
loco
ghiaccio
ritroviate
loco,
Questo
d’Amore.
si
ch’e
miracolo
questo
sì
ch’è
miracolo
d’Amore.
433
20.
Non sentiro mai pena
Non sentirò mai pena
Je n
Mentre con dolce ardore
mentre, con dolce ardore,
qua
Questa Ninfa si uaga e si serena
questa Ninfa sì vaga e sì serena
cett
Infiammera ’l mio core
infiammerà ’l mio core.
enf
O che lieto gioire
O che lieto gioire,
O, q
Arder
amando
senza
mai
languire.
21.
arder
amando
senza
que
mai
languire!
Poiche non posso dire
Poiché non posso dire,
Pui
Amor il mio gioire
Amore, il mio gioire,
Am
Di tu ch’al mormorar delle
di’ tu ch’al mormorar delle
dis-
chiar’onde
chiare onde,
su quest’erbette e sotto queste
Su quest’herbett’& sotto queste
fronde
claires,
sur
fronde
je tr
Trouo grata mercede il mio
trovo grata mercede il mio servir
et m
seruir
e mia candida fede.
& mia candida fede.
Secondo libro de madrigaletti et napolitane (Venezia,
Gardano, 1582)
434
1.
Non uegg’hoggi ’l mio sole
Non veggio oggi ’l mio sole
Je n
Splender nel loco usato
splender nel loco usato,
rayo
Ne sento le dolcissime parole
né sento le dolcissime parole
et n
Che mi pon far beato
che mi pon far beato.
qui
Come uiuer poss’io senz’alma &
Come viver posso io senz’alma e
Com
core
2.
cœur ?
core?
Porgimi aita Amore.
Porgimi aita, Amore!
Vie
Preso son io nelle piu belle
Preso son io nelle più belle
Je s
braccia
braccia
que
Che fece mai natura
che fece mai natura.
Ah,
Deh dolce mia uentura
Deh, dolce mia ventura!
Je n
Non so che far mi deggia
Non so che far mi deggia,
le m
Il meglio e ch’io mi mora amando
e taccia.
il meglio è ch’io mi mora me taise.
amando, e taccia.
435
3.
Luigi
Cassola
Amor, io sento un respirar sì
Amor io sent’un respirar si
dolce
A
dolce
de
Di Laura mia in questa piaggia
aprica
4.
5.
436
di Laura mia in questa piaggia
qu
aprica,
re
Ch’ancor la fiamm’antica
ch’ancor la fiamma antica
Nel cor si rinouella
nel cor si rinovella,
Et si leggiadr’e bella
e sì leggiadra e bella
Tu me la mostri Amore
tu me la mostri, Amore,
Che di dolcezza l’anima si more.
che di dolcezza l’anima si more.
Vorrei morire
Vorrei morire
Je
Per prest’uscire
per presto uscire
po
D’affann’& pene
d’affanni e pene,
de
Dolce mio bene
dolce mio bene.
o
Ma se uita non ho
Ma se vita non ho,
M
Crudel come faro.
crudel, come farò?
cr
S’io non t’adoro
S’io non t’adoro,
Si
O mio thesoro
o mio tesoro,
ô
et
tu
qu
6.
Se questo core
se questo core
si
Per te non more
per te non more,
de
Non regni mai pieta
non regni mai pietà
qu
Nella tua gran belta.
nella tua gran beltà!
da
Bacciami uita mia
Bacciami, vita mia,
E
bacciami ancor, ch’Amor a’
em
Bacciami
ancor
ch’Amor
a
bacci inuita
bacci invita!
V
Ecco ti baccio et ti ribaccio &
poi
Ecco ti baccio, e ti ribaccio, e encore, e
poi
je
Ti lascio l’alma fra bei labbri
tuoi.
tuoi.
7.
ti lascio l’alma fra bei labbri
Vaga bellezza e bionde treccie
Vaga bellezza & bionde treccie
d’oro
C
d’oro,
vo
Vedi per te ch’io moro
vedi per te ch’io moro,
hé
Oime non piu martoro.
oimè, non più martoro!
437
8.
Deh, non più strali, Amor, deh, non
Deh non piu stral’Amor deh
non piu foco
Ah
più foco!
Vo
Ecco, son tutto vive fiamme e foco,
Ecco son tutto uiue fiamm’e
feu,
foco
ché giova saettar le fiamme e ’l
àq
Che gioua saettar le fiamme e ’l foco?
Qu
foco
In Clori aventa e strali e fiamme e flammes e
In Clori auenta e strali e foco!
fiamme e foco.
v. 1, toutes les voix, deh : Deh
9.
Vorrei nel chiaro lume
Vorrei nel chiaro lume
Je v
Talhor fermar quest’occhi
talor fermar quest’occhi,
par
Ma quel c’ha per costume
ma quel c’ha per costume
ma
D’abbagliar com’il Sol ch’il
d’abbagliar com’il Sol ch’il mira
d’é
mira fisso
Fa ch’in abisso e ’n tenebre
trabocchi.
10.
438
fixement
fisso,
fa ch’in abisso e ’n tenebre
trabocchi.
fait
me précipi
Se nel leggiadro uiso
Se nel leggiadro viso
Si d
Et ne begli occhi stai
e ne begli occhi stai
et d
De la mia donn’Amore
de la mia donna, Amore,
<tu
Dimmi perche non uai
dimmi perché non vai
dis
Talhor a star nel core
talor a star nel core
par
Et non lo rendi del tuo ardor
e non lo rendi del tuo ardor
et t
conquiso
conquisto,
pui
Poiche tanti n’accende col bel
poiché tanti n’accende col bel viso.
visage.
uiso.
v. 1, A., Q., S., viso : riso
11.
Se quel uital humore
Se quel vital umore,
Ce
Ch’e tra le fresche rose
ch'è tra le fresche rose
ent
Ou’il suo albergo pose
ov’il suo albergo pose
où
Il mio nemico Amore
il mio nemico Amore,
mo
Succhiar potessi qual maggior
succhiare potessi, qual maggior
si
piacere
Potrei al mond’hauere.
plaisir
piacere
potrei al mondo avere?
au
v. 5, toutes les voix, qual : Qual
Phalèse : idem
439
12.
A che piu tender l’arco
A che più tender l’arco
Pou
Iniquo e crudo Amore
iniquo e crudo Amore,
ini
Non e questo mio petto tutto
non è questo mio petto tutto carco
ma
d’idardi e del tuo ardore?
de
Voltati a quella che ti fugge e
Re
carco
D’idardi & del tuo ardore
Voltati a quella che ti fugge e sprezza,
et d
sprezza
e scocca in lei la frezza!
E scocca in lei la frezza.
Phalèse, C. : tout le quart de la page en bas à
droite manque.
Phalèse, v. 5, T., sprezza : spezza
13.
Clori dunque mi lasci ahi non
fuggire
Clori, dunque mi lasci! Ahi, non
Clo
fuggire,
eh,
Deh uedimi morire
deh, vedimi morire!
Vo
Eccomi l’alma uscire, eccomi il
Eccomi l’alm’uscire eccomi il
core
Che per seguirti al fin mi salta
fuore
che per seguirti al fin mi salta
fuore.
Se pur crudel aime non uuoi
ch’io uiua
E l’alm’e ’l cor nel tuo bel seno
440
qui
core,
Si,
rav
Se pur crudel, aimè, non vuoi ch’io
viva,
e l’alma e ’l cor nel tuo bel seno
âme, et mo
avviva!
auuiua.
v. 3, toutes les voix, eccomi : Eccomi
Phalèse : idem
Phalèse, v. 4, C., T., salta : solta
14.
Quando sorge l’aurora
Quando sorge l’aurora,
Qu
Ridon l’herbett’e i fiori
ridon l’erbette e i fiori
les
E i pargoletti amori
e i pargoletti amori
et l
Van con le Ninfe intorno
van con le Ninfe intorno
se
Al mio bel sol adorno
al mio bel sol adorno,
aup
Scherzand’ad hor’ad hora
scherzando ad or ad ora
en
Onde la terr’e ’l ciel se
onde
terra
e
’l
ciel
se
là o
n’innamora.
n’innamora.
15.
la
Donna leggiadr’e bella
Donna leggiadra e bella,
Fem
Voi sete la mia stella
voi sete la mia stella
vou
A cui si uolg’il core
a cui si volge il core
à la
nelle tempeste del crudel Amore.
dan
Nelle
tempeste
del
crudel
Amore.
441
16.
Talhor mi s’auicina
Talor mi s’avicina,
Par
Lei a fuggirmi auezza
lei a fuggirmi avezza,
elle
Ond’io corro a ueder la sua
ond’io corro a veder la sua
je c
bellezza
bellezza,
cro
Credendo hauer respiro
credendo aver respiro,
ma
Ma piu tosto m’adiro
ma più tosto m’adiro,
car
Perche si ratto uien si ratto
perché sì ratto vien, sì ratto fugge,
et v
fugge
che col venir e col fuggir mi
Che col uenir & col fuggir mi strugge.
strugge.
17.
18.
Tu ridi sempre mai
Tu ridi sempre mai,
Tu
Per darmi affanni & guai
per darmi affanni e guai,
pou
Fingi uolermi bene
fingi volermi bene,
tu f
Crudel per darmi pene.
crudel, per darmi pene.
cru
Fammi pur guerr’ogn’hor o
Fammi pur guerra ognor, o mia
Fai
mia guerriera
guerriera,
ma
Ma sij crudel e fera
ma sii crudel e fera
car
Che piaga di tua man o di tuo
442
ché piaga di tua man o di tuo strale
strale
uccidendo mi fia dolce e vitale.
en
Amor scorse dagl’occhi di mia
Am
Vccidendo mi fia dolce e uitale.
19.
Amor scorse da gl’occhi di mia
diua
diva,
des
Liquide perle uscir & fiamma
liquide perle uscir e fiamma viva,
vives
uiua
et
e disse : «Quinci è ’l foco e le
flèches
Et disse quinci e ’l foco et le quadrella
quadrella
per mille amanti e farmi ogn’alma
Per
mill’amanti
&
pou
âmes mes
farmi ancella.»
ogn’alma ancella
443
20.
Amar donna ch’e bella
Amar donna ch’è bella,
Aim
Per forza oime di stella
per forza, oimè, di stella,
àc
Per quel ch’io prou’& sento
per quel ch’io provo e sento
pou
E troppo gran tormento
è troppo gran tormento.
est
O misero e meschino
O misero e meschino
Ôm
Chi ama per destino.
chi ama per destino!
qui
Tre gratiosi Amanti
Tre graziosi Amanti
Tro
A la sua donna auanti
a la sua donna avanti:
se
Se tu mori cor mio disser
«Se tu mori, cor mio, disser
«S
Phalèse, v. 1, toutes les voix et l’index, Amar :
Amor
21.
d’accordo
Et che ne lascierai per tuo
ricordo
ensemble,
d’accordo,
e
che
ne
lascierai
per
tuo
que
ricordo?»
Av
Con le labbra di rose
Con le labbra di rose
au
al primo ella rispose:
Al prim’ella rispose
«T
La mia corona haurai perche tu
possa
444
«La mia corona avrai perché tu
possa
imp
impetrar pace a l’alma e requie a
Impetrar pace a l’alm’& requie
a l’ossa
l’ossa.»
Pu
ave
Poi soggionse al secondo,
Poi soggions’al secondo
«J
Con sembiante giocondo
con sembiante giocondo:
pou
Il mio horologio tuo uoglio che
«Il mio orologio tuo voglio che sia,
vie. »
sia
per rimembrar talor la vita mia.»
Per rimembrar talhor la uita
En
mia
Al fin le luci affisse
Al fin le luci affisse
sur
nel vero amante e disse,
en
mon cœur,
sospirando: «Ben mio, ti lascio il
Nel uero amante e disse
qui
core,
Sospirando Ben mio ti lascio il
che specchio ti sarà d’eterno
core
amore.»
Che specchio ti sara d’eterno
amore.
v. 15, toutes les voix, Sospirando ben :
sospirando Ben
Primo libro de madrigali a quattro voci (Venezia,
Vincenti, 1586)
445
1.
Francesco
Prima parte
Prima parte
Pr
Petrarca
La ver l’aurora che sì dolce
Là ver’ l’aurora, che sì dolce
De
l’aura
l’aura
à
Al tempo nouo suol mouer’i
al tempo novo suol movere i fiori,
fleurs,
fiori
et
e gli augeletti incominciar lor
E gli augeletti incominciar lor versi,
chants,
versi
sì dolcemente i pensier dentro a
si
Sì dolcemente i pensier dentr’a l’alma
je
l’alma
mover mi sento a chi gli ha tutti in
qu
Mouer mi sento a chi gli ha forza
tutt’in forza
Cha
che ritornar convienmmi a le mie
Che ritornar conuiemm’a le note.
mie note.
v. 3, Canzoniere, augeletti : augelletti
v. 5, Canzoniere, gli ha : li à
2.
Francesco
Seconda parte
Seconda parte
De
Petrarca
Temprar potess’io in sì soaui
Temprar potess’io in sì soavi note
Pu
i
me
note
miei
sospiri
ch’addolciscen
I miei sospiri ch’addolciscen Laura
l’a
Laura
facendo a lei ragion ch’a me fa
M
Facend’a lei ragion ch’a me fa forza!
fleurs
forza
Ma pria fia ’l verno la stagion de’
Ma pria fia ’l verno la stagion fiori,
446
qu
ch’amor fiorisca in quella nobil
de’ fiori
qu
alma,
Cha
Ch’amor fiorisca in quella
che non curò giamai rime né
nobil alma
versi.
Che non curò giamai rime nè
v. 3, Canzoniere, facendo : faccendo
versi.
v. 3, toutes les voix, Facend’a : facend'a
3.
Francesco
Terza parte
Terza parte
Tr
Petrarca
Quante lagrime lasso quanti
Quante lagrime, lasso, quanti
Qu
versi
versi
aiho già sparti al mio tempo, e ’n notes
Ho già spart’al mio temp’e ’n
quante note
quante note
aiHo
riprouat’humiliar
ho riprovato umiliar quell’alma!
El
quell’alma
Elle si sta pur com’aspr’alpe a
do
Ella si stà pur com’aspr’alp’a l’aura
fleurs,
l’aura
dolce, la qual ben move frondi e
ma
Dolce la qual ben moue frond’e fiori,
fiori
ma nulla pò se ’ncontra ha
Ma nulla po se ’ncontr’ha maggior forza.
maggior forza.
v. 1, Canzoniere, quanti : e quanti
v. 6, Canzoniere, se ’ncontra ha : se ’ncontra
447
Cha
4.
Francesco
Quarta parte
Quarta parte
Qu
Petrarca
Huomini e Dei solea vincer per
Uomini e Dei solea vincer per
De
forza
pouvoir,
forza
Amor come si legge in prosa e
’n versi
je
et io ’l provai su ’l primo aprir dei
fleurs ;
fiori.
Hora nè ’l mio Signor nè le sue
note
chants :
versi:
Et io ’l prouai su ’l prim’aprir
de i fiori
co
Amor, come si legge in prosa e ’n
Ora né ’l mio Signor né le sue
or
note,
ni
né ’l pianger mio né i preghi pon Laure
Nè ’l pianger mio nè i preghi
pon far Laura
far Laura
de
Trarre ò di vita ò di martir
quest’alma.
trarre o di vita o di martir
quest’alma.
Ch
v. 1, Canzoniere, Uomini : Homini
v. 2, Canzoniere, prosa : prose
v. 3, Canzoniere, su ’l : in su ’l ; dei fiori : de’ fiori
5.
Francesco
Quinta parte
Quinta parte
Ci
Petrarca
A l’vltimo bisogno ò misera
A l’ultimo bisogno, o misera
En
alma
alma,
tou
Accamp’ogni tuo ingegno ogni
tua forza
448
accampa ogni tuo ingegno, ogni pouvoir,
tua forza,
Mentre fra noi di vita alberga
Laura
mentre fra noi di vita alberga
tan
Laura.
Il
Null’al
mond’è
che
Nulla al mondo è che non possano chants,
non
i versi:
possan’i versi
et
e gli aspidi incantar sanno in lor notes
E gli aspidi incantar sanno in
lor note
note,
no
nonché ’l gielo adornar di novi fleurs.
Non che ’l gielo adornar di
fiori.
noui fiori.
Ch
v. 3, Canzoniere, Laura : l’aura
v. 5, Canzoniere, e gli : e li
6.
Francesco
Sesta & ultima parte
Petrarca
Ridon’hor
per
le
piagge
herbett’e fiori
Sesta parte
Si
Ridon or per le piagge erbette e
Ri
fleurs :
fiori:
Esser
non
po
esser non pò che quella angelica
che
quell’angelic’alma
il
alma
n’
Non senta il suon de l’amorose
note
non senta il suon de l’amorose
si
note.
forza
pl
Se nostra ria fortuna è di più
Se nostra ria fortun’è di più
forza,
Lagrimando e cantando i nostri
versi
no
lagrimando e cantando i nostri
versi
E
col
bue
cacciando l’aura.
zoppo
andrem
l’aure.
Ch
e
col
bue
zoppo
andrem
cacciando l’aura.
449
v. 4, T., fortun’ : fottun’
7.
Quando sorge l’Aurora
Quando sorge l’Aurora,
Qu
Ridon l’herbett’e i fiori
ridon l’erbette e i fiori
les
E i pargolett’amori
e i pargoletti amori
et
Van con le Ninfe intorno
van con le Ninfe intorno
se
Al mio bel Sol’adorno
al mio bel Sole adorno,
au
Scherzand’ad hor ad hora
scherzando ad or ad ora
en
Onde la terr’e ’l ciel se
onde la terra e ’l ciel se
là
n’inamora
v. 7, toutes les voix, se : Se ; T., n’inamora :
n’iamora.
450
n’inamora.
8.
Nel morir si diparte
Nel morir si diparte
En mo
L’anima dal suo velo
l'anima dal suo velo.
de son
Gran dolor pena graue
Gran dolor, pena grave,
Grand
Ma via maggior quando l’amante
ma vi ha maggior quando l’amante
mais i
parte
parte
de la d
Da la vista soaue
da la vista soave,
qui l’e
che l’arde a un tempo e fa divenir
Che l’ard’a vn tempo & fa diuenir
gielo
l’âme
Perche lassa partendo
perché lassa, partendo,
L’anim’e ’l cor doppio dolor
l’anima e ’l cor doppio dolor
sentendo.
9.
car il l
gielo,
sentendo.
Quel dolce nodo che mi strinse il
Quel dolce nodo che mi strins’il
core
Ce dou
core
ne se d
Non si sciorrà per tempo nè per
morte
non si sciorrà per tempo né per
et l’o
morte,
ardeur
Nè mai spenger vedrassi il dolce
ardore
né mai spenger vedrassi il dolce
qui orn
ardore
ch’orna e rischiara la mia oscura
Ch’orn’& rischiara la mia oscura
sorte
sorte.
A l’hor la piaga mia sarà minore
Alors
car le
Alor la piaga mia sarà minore,
451
ch’il dì le stelle e ’Sol la notte
Ch’il dì le stelle e ’l Sol la
nott’apporte
tant so
apporte,
avec
tanto son dolci e nodo e foco e m’assaille.
Tanto son dolci & nodo & foc’et
strale
strale,
Onde mi leg’amor ard’et assale.
452
onde mi lega amor, arde et assale.
10.
Donna quando volgete
Donna, quando volgete
D
I vostri chiari lumi
i vostri chiari lumi
vo
per mirar gli occhi miei rivolti in
po
Per
mirar
gli
occhi
miei
riuolt’in fiumi
Lasso che m’ancidete
lasso, che m’ancidete?
hé
Che dentro l’alma penetrar mi
Ché dentro l’alma penetrar mi
Po
sento
âme ?
sento?
E s’altroue talhor li riuolgete
E s’altrove talor li rivolgete,
Et
E maggior il tormento
è maggior il tormento.
m
Dura legge d’Amore
Dura legge d’Amore
Du
Ch’in ogn’euento è trauagliat’il
ch’in ogni evento è travagliato il
si
Crudel se m’vccidete
Crudel, se m’uccidete,
Cr
Pur voi stess’offendete
pur voi stessa offendete,
vo
Ch’in mezzo del mio core
ch’in mezzo del mio core
ca
Vi scolpi viu’Amore
vi scolpì viva Amore,
Am
Tal che voi non potrete
tal che voi non potrete
de
Ferirmi con begli occhi
ferirmi con begli occhi,
m
core.
core.
11.
fleuves,
fiumi,
453
Che parte de la piaga a voi non
tocchi
sa
che parte de la piaga a voi non
touche vo
tocchi.
Ma se tanto crudel esser vi
Ma se tanto crudel esser vi piace,
M
adoperate almen solo la face,
ne
che contento sarò morir di foco,
ca
perch’ancor voi restiate accesa un
af
piace
Adoperat’almen solo la face
Che contento sarò morir di foco
Perch’ancor
peu.
voi poco.
restiat’acces’vn poco.
v. 6, toutes les voix Ferirmi : ferirmi
12.
Francesco
Prima parte
Prima parte
Pr
Petrarca
I’ piansi hor canto che ’l celeste
I’ piansi, or canto, che ’l celeste
J’
quel vivo Sole agli occhi miei non
Quel viuo Sol’a gli occhi miei
non cela
révèle
costume;
do
larmes,
fiume,
Per accorciar del mio viuer la
manière ;
onde suol trar di lagrime tal
Onde suol trar di lagrime tal
fiume
sa
sua dolce forza e suo santo
Sua dolce forza & suo santo
costume
da
nel qual onesto Amor chiaro
rivela
riuela
ne
vivant,
cela,
Nel qual honest’Amor chiaro
454
éclat
lume
lume
per accorciar del mio viver la tela
po
che non pur ponte o guado o remi
tela
qu
rames, ou
o vela
Che non pur pont’o guad’o
ma scampar non potiemmi ale né
rem’o vela
m
sauver.
piume.
Ma scampar non potiemm’ale
Ch
v. 3, Canzoniere, rivela : revela
ne piume.
v. 5, Canzoniere, onde : onde è
v. 8, Canzoniere, potiemmi : potienmi
13.
Francesco
Seconda parte
Seconda parte
D
Petrarca
Sì profond’era & di sì larga
Sì profondo era e di sì larga vena
Si
il pianger mio e sì lungi la riva,
m
ch’i’ v’aggiungeva col pensier a
qu
vena
Il pianger mio & sì lungi la riua
Ch’i v’aggiungeua col pensier a pena.
arriver.
pena
Non lauro o palma, ma tranquilla
Non
lauro
o
palma
ma oliva
N
olive
tranquill’oliua
Pietà mi manda, e ’l tempo
m
Pietà mi manda e ’l tempo rasserena,
et
rasserena
e ’ pianto asciuga, e vuol ancor je vive.
E ’l piant’asciuga et vuol ancor ch’io viva.
Ch
ch’io viua.
v. 2, Canzoniere, lungi : lunge
v. 3, Canzoniere, pensier : penser
14.
O famm’Amor gioire
O fammi Amor gioire,
Ô
455
15.
O tu mi fa morire
o tu mi fa’ morire,
ô
Però che senza gioia
però che senza gioia
pu
Il meglio è ch’io mi muoia
il meglio è ch’io mi muoia:
le
Che quel ch’a morte mena
ché quel ch’a morte mena
ca
Traramm’almen di pena.
trarammi almen di pena.
m
Francesco
Prima parte
Prima parte
Pr
Petrarca
Del mar Thirreno a la sinistra
Del mar Tirreno a la sinistra riva,
D
gauche,
riua
dove rotte dal vento piangon
où
Doue rotte dal vento piangon l’onde,
l’onde
Subito vidi quell’altera fronde
subito vidi quella altera fronde,
so
di cui convien che ’n tante carte
do
d’écrire.
Di cui conuien che ’n tante scriva.
carte scriua
Amor, che dentro a l’anima
Am
Amor che dentto a l’anima bolliva,
bolliua
per rimembranza de le treccie
m
Per rimembranza de le treccie bionde
bionde
sous l’her
mi spinse, onde in un rio che
Mi spinse ond’in vn rio che l’erba asconde
l’herb’asconde
Cadi non già come persona
456
au
je
vive.
cadi, non già come persona viva.
Ch
v. 4, Canzoniere, convien : conven
viua.
v. 5, C. a l’anima : l’anima
16.
Francesco
Seconda parte
Seconda parte
D
Petrarca
Solo ou’io era tra boschetti e
Solo ov’io era tra boschetti e colli
Se
monts,
colli
vergogna ebbi di me, ch’al cor
Vergogn’hebbi di me ch’al cor gentile
ho
gentile
pa
basta ben tanto, et altro spron
Basta ben tanto & altro spron non volli.
n’eus bes
non volli
Piacemi almen d’aver cangiato
Piacem’almen d’hauer cangiato stile
Je
style,
stile
pa
dagli occhi a’ piè, se de lor esser
Da gli occhi a pie se de lor molli
ruissellem
esser molli
gli altri asciugasse un più cortese
de
avril !
Gli altri asciugasse vn più Aprile.
cortes’Aprile.
Ch
v. 5, toutes les voix, se : Se
17.
Non
veggio
oime
quei
leggiadretti lumi
Non
veggio,
oimè,
quei
Je
leggiadretti lumi,
co
Come
dauan vita
solea
ch’ogn’hor
mi
come solea, ch’ogno mi davan ils me don
vita.
Vi
457
Amor porgim’aita
Amor, porgimi aita
et
Et d’vna stessa fiamma
e d’una stessa fiamma
so
Il suo come ’l mio core ard’et
il suo, come ’l mio core, arda et
enflamme
infiamma.
18.
infiamma!
Al Sol le chiom’hauea
Al Sol le chiome avea
Au
Sciolte la Donna mia
sciolte la Donna mia,
dé
A l’hor che pien d’inuidia e
alor che pien d’invidia e gelosia
al
egli cosi dicea:
ain
«Perch’ei ne meni il giorno,
«
forse Giove ha creato
pe
quest’altro novo Sol, di me più
ce
gelosia
Egli cosi dicea
Pech’ei ne meni il giorno
Forse Giou’ha creato
Quest’altro nouo Sol di me più adorno.»
moi. »
adorno
E così, tutt’irato,
Et
fra le nubi s’ascose pien di
il
E cosi tutt’irato
honte.
Fra le nubi s’ascose pien di scorno.
scorno.
v. 6, toutes les voix, Forse : forse
v. 9, toutes les voix, Fra : fra
19.
458
Donna se per amarui
Donna, se per amarvi
D
Con vera & salda fede
con vera e salda fede,
d'u
Grand’odio
ne
riporto
per
mercede
grand’odio
ne
riporto
je
per
haine,
mercede,
Cominciar vò ad odiarui
cominciar vo’ ad odiarvi,
je
Forse che m’amerete
forse che m’amerete
pe
Et al lungo seruir premio darete
et al lungo servir premio darete.
et
servitude.
Lasso Amor nol consente
Lasso, Amor nol consente,
H
Ma vol ch’in amar voi sia
ogn’hor più ardente.
ma vuol ch’in amar voi sia ognor
m
più ardente.
dans mon
v.5, toutes les voix, Forse : forse
459
20.
O d’Amor opre rare
O d’Amor opre rare,
Ô œuv
Col torme da me stesso mi
col torme da me stesso mi trasforma
qui,
trasforma
transforme
in voi, donna divina.
In voi donna diuina
en vou
Come sarà mia forma?
Come sarà mia forma
Comm
Terrena non, ma qual voi pellegrina.
Terrena
non
ma
qual
voi
pellegrina
Non p
Tal è ’l poter d’amore
Tel es
Tal’è ’l poter d’amore
Che, rubandomi il cor, mi può beare
qui en
Che rubandom’il cor mi può beare
In forme nove e care.
en des
In forme nou’e care.
21.
Chi prima il cor mi tolse
Chi prima il cor mi tolse
Qui m
Ancor per se lo tiene
ancor per sé lo tiene.
se le ti
Con sì stretto ligame allhor
Con sì stretto ligame allor l’accolse,
Avec d
onde, lasso, ogni spene
que j’a
ch’altra amar possa, e ’ndarno il
de pou
l’accolse
Onde lass’ogni spene
Ch’altr’amar poss’e ’n darn’il tenti, Amore
emploies, Am
tent’Amore
ch’accender tu non puoi chi non ha
Ch’accender tu non puoi chi non core.
ha core.
v. 5, B. spene : speme
460
car tu
Secondo libro de madrigali a cinque voci (Venezia,
Vincenti, 1587)
1.
Fuggend’il troppo lume
Fuggendo il troppo lume,
Fuyan
Abbassai gli occh’in quell’intatta
abbasai gli occhi in quell’intatta
je bais
neue
neve;
Ce gra
Il gran piacer far breue
il gran piacer far breve
pensa
Lo spietato costume
lo spietato costume
de cett
Pensò di quella man che ricoperse
pensò di quella man che ricoperse
le bie
Il
ben
che
fors’Amor
pietos’offerse
il ben che forse Amor pietoso offert.
offerse.
Mais
Ma ’l crebb’alhor in vn pietosa e
cruda
Ma ’l crebbe alor, in un pietosa e cruelle,
cruda,
s'offra
Offerendo
se
stess’a
offerendo sé stessa agl’occhi ignuda.
gl’occh’ignuda.
v. 5, toutes les voix, Pensò di : pensò Di
2.
Posso cor mio partire
Posso, cor mio, partire
Puis-je
Senza farui morire
senza farvi morire?
sans v
Ch’Amor giusto Signore
Ch’amor, giusto Signore,
Puisqu
461
Vuol che se meco port’il vostro
core
vuol che se meco porto il vostro
veut q
core,
qu’ave
Con voi ne rest’il mio
con voi ne resti il mio,
nous n
Onde non morirem ne voi ned io
onde non morirem né voi ned io.
Je peu
Posso dunque partire
Posso dunque partire
sans v
Senza farui morire.
v. 6, C., morirem : moriren
462
Senza farvi morire.
3.
Felice mio ritorno
Felice mio ritorno,
He
Che mi fara veder quel viuo
che mi farà veder quel vivo Sole
qu
di vago lume adorno,
orn
e le soavi angeliche parole,
et <
quali scolpite ne la mente porto,
<le
udir per mio conforto.
<q
Onde ringrazio Amore
C’
che, se mi diede nel partir dolore,
qu
nel ritorno di gioia abonda il core.
dan
Gelo ha Madonna il seno e fiamme
Ma
Sole
Di vago lum’adorno
& le soaui angeliche parole
Quali scolpite ne la mente porto
Vdir per mio conforto
Onde ringratio Amore
Che se mi diede nel partir
dolore
Nel ritorno di gioia abond’il
core.
v. 2, A., quel : que
v. 3, A., adorno : adoruo
4.
Torquato
Gelo ha Madonna il seno &
fiamme il volto
il volto;
Tasso
mo
Io son ghiaccio di fore
io son ghiaccio di fore
ma
E ’l foc’ho dentr’accolto
e ’l foco ho dentro accolto.
Ce
Quest’auien perch’Amore
Quest’avien perch’Amore
463
Nè la sua front’alberga & nel
mio petto
ne la sua fronte alberga e nel mio
sur
petto,
et n
né mai cangia ricetto
Nè mai cangia ricetto
afi
sì ch’io l’abbia negl’occhi, ella nel cœur.
Si ch’io l’habbia ne gl’occhi
ella nel core.
v. 4, A., Amore : Amnre
core.
v. 1, Rime, fiamme : fiamma
v. 2, Rime, fore : fuore
v. 4, Rime, avien : avvien
5.
Quel ben ch’aura pietosa
Quel ben, ch’aura pietosa
Ce
A gl’auidi occh’aperse
agl'avidi occhi aperse,
ava
Ahi lasso inuida man tosto
ahi
coperse
lasso,
invida
man
tosto
hél
coperse,
ma
Ma non si ratto che non
fuss’impressa
ma
non
sì
ratto
non
fuss’impressa
Nel mezzo del mio core
nel mezzo del mio core
Quella neue auiuata in bel
quella neve avivata in bel colore.
colore
O miracol d’Amore,
O miracol d’Amore
ch’in una parte istessa
Ch’in vna part’istessa
or neve e foco posa!
Hor neue & foco posa.
464
che
au
cet
Ôm
qu
peu
6.
Dolci sdegni & dolc’ire
Dolci sdegni e dolci ire,
Doux
Nate da vn dolce errore
nate da un dolce errore,
nés d’
Cessat’homai di penetrarm’il core
cessate omai di penetrarmi il core
cessez
& di dami martire
e di darmi martir!
et de m
Ch’io son qual esser soglio
Ch’io son qual esser soglio,
Que je
Qual torre a i venti & qual
qual torre ai venti e qual all’onde
tel une
all’onde scoglio.
7.
scoglio!
les vagues.
Di piant’e di lamento
Di pianto e di lamento,
De ple
Gran temp’e senza speme i pasco
gran tempo e senza speme, i’ pasco il
longte
il core
core
cœur
Sott’il tuo giog’Amore
sott’il tuo giogo, Amore,
sous to
Et a fuggirt’ancor son tard’è lento
et a fuggirti ancor son tardo e lento,
et je su
Perche l’alta bellezza
perché l’alta bellezza
car la
Ond’ho piagat’il petto
ond’ho piagato il petto
à laqu
Si l’alma ammira & prezza
sì l’alma ammira e prezza,
mon â
Che fass’in me sour’ogn’human
che fass’in me, sovra ogn’uman
qu’elle
efetto
efetto,
L’amaro dolce & la pena diletto.
humain,
l’amaro dolce e la pena diletto.
l’amer
465
v. 4, toutes les voix, son : Son
v. 7, toutes les voix sauf Q., ammira : amira
v. 8, toutes les voix sour’: Sour’
v. 8, A., Che : Cht
8.
Tra bei dorati crini
Tra bei dorati crini
Entre
Negletti ad arte cosi vago apparse
negletti ad arte, così vago apparse
néglig
Il viuo raggio del mio chiaro Sole
il vivo raggio del mio chiaro Sole,
le vif r
& vsciron parole
et usciron parole,
et sort
Fra le perle e i rubini
fra le perle e i rubini,
entre l
Si dolci che di subito il cor arse
sì dolci, che di subito il cor arse,
si dou
Di si soau’ardore
di sì soave ardore
d’une
Ch’ardendo godo & ne ringratio
ch’ardendo godo e ne ringrazio
qu’en
amore.
amore.
v. 5, toutes les voix, Fra : fra
v. 6, toutes les voix, subito : Subito
v. 7, toutes les voix, soau’ : Soau’
466
9.
Quando Madonna il guardo
Quando Madonna il guardo
Alors
Ver me pietoso moue
ver’ me pietoso move,
apitoy
Si dolce e ’l foco ond’ardo
sì dolce è ’l foco ond’ardo,
le feu
Che non inuidio il ciel al Sommo
che non invidio il ciel al sommo
que je
Gioue
Giove;
et cett
Et questo stato mio
e questo stato mio,
bien q
Ancor che di poc’hore
ancor che di poc’ore,
pourra
Auanza d’ogn’amant’ogni desio
avanza d’ogn’amante ogni desio.
Mais q
Hor che saria s’Amore
Or che saria s’Amore
m’en c
Me n’affidasse per piu tempo il
Me n’affidasse per più tempo il core?
core.
v. 8, T., che : cche
10.
Prendi Signor vendetta
Prendi, Signor, vendetta
Venge
Di quest’empia è superba
di quest’empia e superba
de cett
Che tutt’odia & disprezza
che tutt’odia e disprezza,
qui ha
& sol se mira & prezza
e sol sé mira e prezza,
et ne s
Questa che legge & fede vnque
questa che legge e fede unque non
celle-l
non serba
serba!
Ah, <
Ahi che dubbio del fin più ti
467
diletta
Ahi, che, dubbio del fin, più ti diletta
préfères vivre
plutôt
viver in pace, amore,
Viuer in pace amore
armes !
Che con l’armi cercar d’hauerne
honore.
v. 7, toutes les voix, Viver : viuer
v. 5, A., Q., vnque : vnqua
468
che con l’armi cercar d’averne
onore?
11.
Torquato
Mentre mia stella miri
Mentre, mia stella, miri
Alo
Tasso
I bei celesti giri
i bei celesti giri,
les
Il ciel esser vorrei
il ciel esser vorrei,
je v
Perche tu riuolgessi
perché tu rivolgessi
pou
Fiso ne’ lumi miei
fiso ne’ lumi miei
fix
Le tue dolci fauille
le tue dolci faville,
tes
Io vagheggiar potessi
io vagheggiar potessi
et q
Mille bellezze tue con occhi
mille bellezze tue con occhi mille.
tes
Le Ninfe del mar d’Adria in sin’al
Le
mille.
v. 5, toutes les voix, Fiso : fiso
12.
Le Ninfe del mar d’Adria in
sin’al petto
A cosi dolce suon s’alzan da
l’onda
la poitrine
petto,
a così dolce suon, s’alzan da
àu
l’onda,
et,
& volt’il viso alla propinqua
sponda
e volto il viso alla propinqua
elle
sponda,
Con tali note aprir questo
concetto
Città felice al cui diuin’aspetto
con
tali
note
aprir
questo
concetto:
« Città
«V
fai
felice,
al
cui
divino
aspetto,
Chiaro si scorge che d’eccelse
469
le b
chiaro si scorge che d’eccelse e
& rare
qu
rare
s’in
Alme sei nido tale
alme sei nido tale,
Ch’a le tue riue chiare
ch’a le tue rive chiare
S’inchina ogni mortale.
s’inchina ogni mortale! »
v. 2, C., T., onda : onde
470
13.
Io son di neue al Sol di cera al
Io son di neve al Sol, di cera al foco,
Je suis
che
et si l’
foco
se
l’un
mi
disfa,
l’altro
Che se l’un mi disfa l’altro m’accende,
je vais
m’accende
onde vo consumando a poco a poco,
car Am
Onde vo consumando a poco à
ch’armor in fredde e calde umor mi
poco
Si toi
rende.
temps, ni le m
Ch’amor in fredd’e cald’humor
Se tu, ben mio, non mi dai tempo e
mi rende
de gué
loco
Se tu ben mio non mi dai temp’è
saldar la piaga ond’il mio duol
loco
depende,
pour c
tu perd
Saldar la piag’ond’il mio duol
per sì gravosa pena et infinita
depende
tu perderai l’amante et io la vita.
Per si grauosa pena & infinita
Tu perderai l’amante & io la vita.
v. 2, A, T, Q. : acende puis accende
v. 4, C., Ch’amor : Ch’mor
14.
Al
fiammegiar
de
lucenti
begl’occhi
Al
fiammegiar
de’
begl’occhi
Au fla
lucenti,
que do
Che dolcemente gira
che dolcemente gira
celle q
Chi m’ha rapito il core
chi m’ha rapito il core,
tous re
471
Stan tutti per mirarla fiss’e intenti
stan tutti per mirarla, fissi e intenti,
et sa s
Et tant’è ’l suo splendore
e tant’è ’l suo splendore,
que qu
Che resta cieco ogn’un che la
che resta cieco ognun che la remira.
Ben pote fede à pieno
Ben poté fede a pieno
La foi
Farui perche da me fuggend’il
farvi, perché, da me fuggendo, il
vous c
remira.
15.
core
core
s’en e
A voi sen viene ò mio celeste foco
a voi sen vien, o mio celeste foco,
ciel be
Dei vostri chiari Sol’il bel sereno
dei vostri chiari Soli il bel sereno.
Mais c
Ma com’in me senza di lui ha
Ma com’in me senza di lui ha loco
la vie,
loco
la vita, il dica amore,
lui pou
La vita il dica amore
per cui si vive in altri e ’n sé si more! en soi-même.
Per cui si viue in atri e ’n se si
more.
v. 2, toutes les voix, Farui : farui
v. 3, toutes les voix, sen : Sen
v. 5, toutes les voix, senza : Senza
16.
Così soaue e ’l foco et dolce il
Così soave è ’l foco e dolce il nodo
Si sua
con che m’incendi, Amor, con che
avec l
nodo
Con che m’incend’Amor con che mi leghi,
mi leghi
472
tu me lies,
Ch’arso è preso mi godo
ch’arso e preso mi godo,
qu’ard
Nè cercherò giamai s’estingu’o
né cercherò giamai s’estingua o
et ne
sleghi,
sleghi
dénouer,
Anzi desio che sempre
anzi desio che sempre
au con
Si strugg’il cor in si soaui tempre.
si strugga il cor in sì soavi tempre.
mon c
473
17.
Chiara fontana intorno
Chiara fontana intorno
Un
Al bel seggio d’Amore
al bel seggio d’Amore
du
Mormorando sorgea da vn lato
mormorando sorgea da un lato
en
fore,
fore
d’u
in guisa tal ch’adorno
In guisa tal ch’adorno
le
Lagrimò ’l ciel bagnoss’in terra
lagrimò ’l ciel, bagnoss’in terra poi
mo
poi
l’ardente foco mio,
bie
L’ardente foco mio
anzi
lascionne
un
sempiterno
Anzi lascionne vn sempiterno oblio.
oblio.
v. 3, toutes les voix, sorgea : Sorgea
v. 6, A., Lagrimò : Lahimò
v. 6, B., bagnoss’ : bagnos’in
18.
Torquato
Questa vostra pietate
Questa vostra pietate
Vo
Tasso
Non refrigerio al core
non refrigerio al core,
ne
Ma giunge esca a l’ardore
ma giunge esca a l’ardore:
ma
Dunque d’esser pietos’homai
dunque
cessate
d’esser
pietosa
omai
ce
cessate
d’u
474
In cosi strana guisa
in così strana guisa
qu
Che ne sia l’alma vccisa
che ne sia l’alma uccisa:
ca
Perch’ella vi desia
perch’ella vi desia
ou
O in estremo crudel o in tutto
o in estremo crudel o in tutto pia.
pitié.
pia.
v. 3, Rime, giunge esca : da forza
v. 4, Q., cessate : cessatu
19.
Quando l’amante parte
Quando l’amante parte
Qu
Da l’vnico suo bene
da l’unico suo bene,
de
Di se la miglior parte
di sé la miglior parte
la
Lassa portando sol seco la spene
lassa, portando sol seco la spene
il
Del subito ritorno
del subito ritorno.
l’espoir
du
Ma se troppo soggiorno
Ma se troppo soggiorno
Fa lontano da lui dura partita
fa lontano da lui dura partita,
Con la speranza perd’ancor la
con la speranza perde ancor la vita.
M
loi
douloureu
vita.
av
v. 7, toutes les voix, Fa : fa
475
20.
21.
Non può l’alma sforzarsi
Non può l’alma sforzarsi
L’âme
Se voi la possedete
se voi la possedete,
si vou
Dunque di che temete
dunque di che temete?
que cr
Ardo qual già prim’arsi
Ardo qual già prima arsi,
Je brû
Nè può dal vostr’amore
né può dal vostr’amore
et <au
Distormi qual si sia forz’o timore.
distormi, qual si sia forza o timore.
<ne pe
Quando dal mio bel Sole
Quando dal mio bel Sole
Quand
M’è forza di partire
m’è forza di partire,
il me f
Si m’assale il martire
sì m’assale il martire,
le mar
Ch’il cor ne langue & manca à
ch’il cor ne langue e manca a poco a
que m
poco à poco
poco;
Mais i
Ma pur auien che l’alma si
ma pur avien che l’alma si console
puis q
console
poi ch’il duol frena e stringe a darli force à laisser
Poi ch’il duol frena & stringe à loco
au reto
darli loco
di ritornar la spene
et cell
Di ritornar la spene
e questa sol in vita mi mantiene.
Et questa sol in vita mi mantiene.
476
Secondo libro de madrigali a sei voci (Venezia,
Gardano, 1589)
1.
Torquato
Come si m’accendete
Come sì m’accendete,
Co
Tasso
Se tutto ghiaccio sete
se tutto ghiaccio sete?
si v
E al foco che mi date
E al foco che mi date,
Et
Voi ghiaccio come voi non
voi
dileguate
ghiaccio,
come
voi
vou
non
pas ?
dileguate?
Anz’a sue fiamme ahi lasso
Anzi a sue fiamme, ahi lasso,
Au
Di ghiaccio diuentat’un duro
di ghiaccio diventate un duro
de
sasso
sasso.
Ôm
O miracol d’Amor fuor di
O miracol d’Amor fuor di natura,
qu'
natura
che un ghiaccio altri arda, et egli au feu.
Ch’un ghiaccio altr’arda & egli al foco indura.
al foco indura.
2.
Chi vol veder vn sole
Chi vol veder un sole
Qu
In negro vel’auolto
in negro velo avolto,
env
Miri la donna mia che ’l cor
miri la donna mia che ’l cor m’ha
mir
m’hà tolto
tolto,
et q
Che s’à l’habito altrui mostra
che s’a l’abito altrui mostra douleur,
477
dolore
ad
dolore,
ses beaux
Nel
vis’hà
gioia
&
ne
amore.
begl’occhi amore.
3.
nel viso ha gioia e nei begl’occhi
i
Prima parte
Prima parte
Pre
In quei bei crini d’oro
In quei bei crini d’oro
Da
C’hauea la mia nemica al vento
ch’avea la mia nemica al vento
qu'
sparsi,
sparsi
rap
ratto volò ’l mio core,
Ratto volò ’l mio core
Et
fè
qual
vag’augel
et
verd’alloro
ramo.
478
e fé qual vago augel fra verde verts laurie
fra
alloro,
qui
Che brama di celarsi
che brama di celarsi
Et scherzando sen và di ram’in
e scherzando sen va di ramo in
et v
ramo.
4.
Seconda parte
Seconda parte
De
Et hor se ben il chiamo
Et or se ben il chiamo,
Et
Tornar non cura & di me
tornar non cura e di me ride
il n
rid’amore
amore.
ma
Ma tempr’il mio dolore
Ma tempra il mio dolore
qu
Che se n’auien che senza lui mi
muoia
che se n’avien che senza lui mi
il v
muoia,
joie.
Viurà nel nuou’albergo in dolce
gioia.
gioia.
5.
vivrà nel nuovo albergo in dolce
Torquato
Amatemi ben mio
Amatemi, ben mio,
Aim
Tasso
Perche sdeg’il mio core
perché sdegna il mio core
car
Ogn’altro cibo & viue sol
ogni
d’Amore
altro
cibo
e
vive
un
sol
d’Amour.
d’Amore.
V’amerò se m’amate
V’amerò, se m’amate,
Je
Ne men de la mia vita
né men de la mia vita
pas
L’amor fia lungo e fia con lui
l’amor fia lungo e fia con lui
l’a
finita
finita.
lui.
Ma s’amarmi negate
Ma s’amarmi negate,
Ma
Morirò disperato
morirò disperato
je m
479
Per non amarui non essendo
per non amarvi, non essendo
pou
Pur che la dolce vista
Pur che la dolce vista,
Ta
Amor non mi si toglia
Amor, non mi si toglia,
Am
Aprasi il petto e alle saette al
aprasi il petto e alle saette al foco,
qu
amato.
amato.
6.
foco
au feu,
ch’escono da begl’occhi egli dia
Ch’escono da begl’occh’egli loco,
qu
place,
dia loco
che se d’acerba doglia
Che se d’acerba doglia
car
spesso la gioia è mista,
Spesso la gioia è mista
sou
mi rende pago e lieto un guardo
Mi rende pago et lieto vn solo
un
guardo solo
ch’ad or ad or n’involo.
Ch’ad hor ad hor n’inuolo.
480
<m
7.
Pallidette viole
Pallidette viole,
Pâ
Che del mio viuo sole
che del mio vivo sole
qu
Con tanta leggiadria le gote
con tanta leggiadria le gote ornate,
les
così volesse Amore
si
ch’io baciar vi potessi a tutte
qu
ornate
Cosi voless’Amore
Ch’io baciar vi potessi à tutte l’ore!
l’hore
ca
Come voi di vaghezza e di beltate
Come voi di vaghezza e di
beltate
tou
ogni famoso fiore
et
Ogni famoso fiore
e le rose avanzate!
Et le rose auanzate.
8.
Per diuina bellezza indarno
Francesco
Per divina bellezza indarno mira
En
chi gl’occhi di costei giamai non
qu
mira
Petrarca
Chi gl’occhi di costei giamai vide
alo
non vide
come soavemente ella gli gira;
Come soauemente ella gli gira
et
non sa come Amor sana, e come
qu
Non sa com’Amor sana & ancide,
soupirs,
com’ancide
chi non sa come dolce ella sospira,
Chi non sa come dolc’ella
481
sospira
E come dolce parla & dolce
ride.
v. 2 giamai : Giamai
482
e come dolce parla, e dolce ride.
la
v. 2, Canzoniere, di : de
Cha
9.
Battista
Occhi miei che vedeste
Occhi miei che vedeste
Ôm
Guarini
Il bel idolo vostro in pred’altrui
il bel idolo vostro in preda altrui,
vot
Come
come
vedendo
ciò
non
vi
ciò
non
vi
com
vous pas ?
chiudeste?
chiudeste
E tu alma che viui sempr’in lui
E tu, alma che vivi sempre in lui,
Et t
Com’à pensarlo solo
come a pensarlo solo
com
Non ten fuggisti à volo
non ten fuggisti a volo?
ne t
Lasso posso ben dire
Lasso, posso ben dire
Hél
Che ’l souerchio dolor non fa
che ’l soverchio dolor non fa
qu'u
Prima parte
Pre
morire.
morire.
10.
vedendo
Pietro
Prima parte
Bembo
La
mia
La
leggiadr’e
candid’angioletta
mia
leggiadra
e
candida
Mo
angioletta,
cha
Cantand’à
par
de
cantando a par de le Sirene
le
Siren’antiche
Con altre d’honestate e preggio
amiche
ave
antiche,
con altre d’onestate e preggio
petites herb
amiche
Seders’à l’ombra in grembo de
l’herbetta
<je
sedersi a l’ombra in grembo de
tou
dans le cie
l’erbetta
483
Vidd’io pien di spauento
quel
tan
perch'esser mi parea pur su nel
ava
cielo,
Tal di dolcezza velo
Auolt’hauea
vidd’io pien di spavento:
tal di dolcezza velo
pont’à
gl’occhi miei.
avolto avea quel ponto agli occhi
miei.
v. 3, Gli Asolani e le rime, onestate e preggio :
onestade e pregio
v. 5, Gli Asolani e le rime, vidd’io : vid’io
v. 6 : vers manquant dans la voix d’A.
v. 8, Gli Asolani e le rime, ponto : punto
484
11.
Pietro
Seconda parte
Seconda parte
De
Bembo
Et già diceu’io meco ò stelle ò
E già dicev’io meco: o stelle, o
Et
ô dieux,
dei,
Dei
O soaue concento
o soave concento!
ôd
Quand’io m’accorsi
Quand’io m’accorsi ch'ell'eran
Qu
demoiselle
donzelle,
Amor io non mi pento
D’esser ferito de la tua saetta
S’un tuo si picciol ben tanto
diletta.
liete, secure e belle.
heu
Amor, io non mi pento
Am
d’esser ferito de la tua saetta,
d'a
s’un tuo sì picciol ben tanto
si u
diletta.
v. 4, Gli Asolani e le rime, io : i’
v. 4-5 : partie manquante dans la voix d’A.
12.
Torquato
Stauasi il mio bel sole al sol
assiso
Stavasi il mio bel sole al sol
Mo
assiso,
Tasso
lui
che pari altri non trova.
Che par’altri non trova
Dé
Sciolto il biondo crin d’or del
Sciolt’il biondo crin d’or del
Paradiso
Si specchiaua nel viso del mio
sole
se
Paradiso
si specchiava nel viso del mio
sole,
485
et d
sole.
486
Et in quel Specchio e ’n quello
e in quel specchio e ’n quello
il s
Si riuedea si bello
si rivedea sì bello
qu
Ch’al mio sole parea d’esser il
ch’al mio sole parea d’esser il
sole.
13.
Torquato
Al tuo vago pallore
Al tuo vago pallore
À
Tasso
La rosa il pregio cede
la rosa il pregio cede,
la
Che per lo scorno hor piu
che per lo scorno or più arrossir
et,
arrossir si vede
encore plu
si vede.
Quest’è ’l color ch’amore
Quest’è ’l color ch’amore
Ce
Di sua man ting’et segna
di sua man tinge e segna,
de
Ne
né vanno i suoi guerrier sotto
et
vann’i
suoi
guerrier
sott’altr’insegna
emblème.
altra insegna.
Che piu l’alba homai sdegna
Che più? L’alba omai sdegna
Qu
L’ostro e ’nuaghisce il ciel di
l'ostro e ’nvaghisce il ciel di tue
le
tue viole
viole
et
14.
E teco brama impallidirs’il sole.
e teco brama impallidirsi il sole.
Torquato
Già fu mia dolce speme
Già fu mia dolce speme
Au
Tasso
Assai debile e lenta
assai debile e lenta,
trè
Hor cresce si ch’ella piacer
or cresce sì ch’ella piacer diventa.
ma
plaisir.
diuenta
Ma, perch’io speri insieme
M
Ma perch’io sper’insieme
e insieme abbia diletto,
et
E’insiem’habbia diletto
mai non adempie Amor ogni
Mai non ademp’Amor ognì mio
487
affetto
Am
difetto;
ma
e sempre il mio piacere
Et sempr’il mio piacere
plaisir
temprando va, perché maggior lo
Temprando và perche maggior
lo spere.
afi
spere.
v. 8, Rime, perché : perché io
15.
Prima parte
Prima parte
Pr
Luci vagh’e serene
Luci vaghe e serene,
Ye
In quel ponto ch’al cor à mill’à
in quel ponto ch’al cor, a mille a
àl
mille,
mille
spene.
488
arr
Giunser vostre fauille
giunser vostre faville,
S’accese in me ’l desir cadde la
s’accese in me ’l desir, cadde la disparut.
s’a
spene.
16.
17.
Seconda parte
Seconda parte
De
Amor di speme priuo
Amor di speme privo
Ce
Deuria nato morire
devria nato morire,
dev
Ma in me si fa piu viuo
ma in me si fa più vivo,
ma
Tanto poter hauete
tanto poter avete,
tan
Luci beate e liete.
luci beate e liete.
yeu
All’hor ch’à bei coralli
Allor ch’a bei coralli
Alo
E alle vermiglie rose
e alle vermiglie rose
et a
S’unir
insieme
queste
labr’ardenti
s’unir
insieme
queste
labra
s’u
ardenti,
ôd
O dolcezz’amorose
o dolcezze amorose
qui
Ch’all’hor fosti presenti
ch’allor fosti presenti,
Ah
Deh perch’in tal gioire
deh, perch’in tal gioire
ave
Con voi mia vita non potei
con voi mia vita non potei finire?
Pietro
Prima parte
Prima parte
Pre
Bembo
Son questi quei begl’occhi in
Son questi quei begli occhi, in cui
Ce
finire.
18.
489
mirando
cui mirando
Senza difesa far perdei me
senza difesa far perdei me stesso?
stesso
en regarda
san
même ?
E questo quel bel ciglio, a cui sì
E questo quel bel ciglio à cui si spesso
Ce
souvent,
spesso
invan del mio languir mercè
In van del mio languir merce dimando?
je
langueur ?
dimando.
Son queste quelle chiome, che
Son queste quelle chiome che legando
C’e
legando
vanno il mio cor, sì ch’ei ne more
Vann’il mio cor
O
volto
espresso?
che
mi
stai
nell’alm’impresso
Perch’io
O volto, che mi stai nell’alma
impresso,
viua
di
me
suffoqué ?
Ôv
pou
perché io viva di me sempre in moi-même
mai
sempr’in bando.
mo
bando?
v. 7, Gli Asolani e le rime, nell’ : ne l’
19.
Pietro
Seconda parte
Bembo
Parmi
veder
ne
la
tua
Seconda parte
De
Parmi veder ne la tua fronte amore
Il m
tener suo maggior seggio, e d’una
ten
front’amore
Tener suo maggior seggio e parte
se
d’una parte
volar speme, piacer, tema e douleur ;
Volar speme piacer
490
dolore;
Da l’altra quasi stell’in ciel
éparses,
consparte,
consparte
de
da l’altra, quasi stelle in ciel
quinci e quindi apparir senno,
Quinci e quind’apparir senno
ici
valore,
valore
bea
Bellezza
leggiadria
bellezza, leggiadria, natura et arte.
natur’&
arte.
20.
S’inuidia no ’l consente
S’invidia no ’l consente,
Si
Hor com’il fer le stelle
or com’il fer le stelle
alo
Formar qua giù cose di lor piu
formar qua giù cose di lor più
à f
belle
qu’elles ?
belle?
Credo che fur s’intente
A
la
grand’opra
al
dilettos’affanno
Credo che fur s’intente
Je
a la grand’opra, al dilettoso
au
affanno,
qu
che non s’accorser del lor proprio dommages
Che non s’accorser del lor
proprio danno.
21
Lisabetta
danno.
Or nel candido seno
Or nel candido seno
Tan
Bianco ligustro hor vermiglietta
bianco ligustro, or vermiglietta
un
Aiutami Cristo
rosa
rosa
Tra le vermiglie labra portar
vermeilles
à
tra le vermiglie labra portar suole
suole
porter
491
La mia Ninfa amorosa
la mia Ninfa amorosa,
ma
Non per crescer à se freggi et
non per crescer a sé freggi et onori
non
honori
distinction
che non ponn’illustrar le stelle il
Che non ponn’illustrar le stell’il sole,
don
étoiles
sole
ma perch’il mondo veda
ma
Ma perch’il mondo vede
ogni vago color s’inchina e ceda.
Ogni vago color s’inchina &
tou
v. 8, veda : vede
ceda.
céder.
v. 2 : vermiglieta puis vermiglietta
Terzo libro de madrigali a cinque voci (Ferrara,
Baldini, 1597)
1.
Sparge la bell’Aurora
Sparge la bella Aurora
Le bel
Dal lucid’Oriente
dal lucido Oriente
depuis
La sua fronte di ros’espunta fuora
la sua fronte di rosa e spunta fuora;
son fro
Gia salutar si sente
già salutar si sente
déjà o
Da vagh’augell’il giorno
da vaghi augelli il giorno,
par les
Che s’apr’a noi di chiari raggi
che s’apre a noi di chiari raggi
qui s’o
adorno
adorno.
Chant
Cantiã noi pur, e i lor dolci
492
Cantiam noi pur, e i lor dolci
concenti
suivan
concenti
monts !
Seguendo e ’n alti accenti
seguendo, e ’n alti accenti
Facciamo risonar le valli è i
facciamo risonar le valli e i monti!
monti.
v. 3, Q., fuora : e fuora
v. 5, C., T. : vagh’ puis vagg’
v. 7, B., e i lor : i lor ; B., concenti : contenti
v. 9, toutes les voix, Facciamo : facciamo
2.
Hor che ridente e bella
Or che ridente e belle,
Alors
Di liete herbett’adorna
di liete erbette adorna
ornées
E di purpurei fiori
e di purpurei fiori,
et de f
spira ogni piaggia intorno arabi
toutes
Spir’ogni
piagg’intorno
arab’odori
d’orientales o
odori,
La vaga rondinella
la vaga rondinella
l’hiron
Garrend’al nido torna
garrendo al nido torna
retour
E Filomena altern’i suoi dolori.
e Filomena alterna i suoi dolori.
et Phil
493
3.
Maffío
Vscia da i monti fuora
Uscia dai monti fuora
Il
Vn cristallino gielo
un cristallino gielo
u
E la nascent’Aurora
e la nascente Aurora,
et
Vestia di perl’il Cielo
vestia di perle il Cielo,
re
Quand’Aminta gentil con dolci
quand’Aminta genti con dolci
qu
Venier
spirti
soupirs,
spirti
Facea
pianger
d’Amor
le
quercie e i mirti.
fa
facea pianger d’Amor le quercie e
myrtes.
i mirti.
v. 5, Rime piacevoli, quand’Aminta genti con dolci
v. 6, toutes les voix, Facea : facea
spirti : quando con dolci spirti
4.
lati.
Il matutino vento
Il matutino vento
L
Tremolar fa le fronde
tremolar fa le fronde,
fa
E i fium’onde d’argento
e i fiumi onde d’argento
et
Mandar alle lor sponde
mandar alle lor sponde,
en
E i verdeggianti prati
e i verdeggianti prati
et
Dolcement’ondeggiar da tutti i
dolcemente ondeggiar da tutti i
d
lati.
Rime piacevoli : Al matutino vento/ tremolavan le
frondi/il fiume onde d’argento/mandava a la lor sponde/e si
vedeano i pratti/dolcemente ondeggiar da tutti i lati.
494
5.
Battista
Prima parte
Prima parte
P
Guarini
Al subito apparir del primo
Al subito apparir del primo raggio
À
che spunti in Oriente,
qu
Rosa gentil si desta e si risente
la
raggio
Che spunti in Oriente
elle,
Rosa gentil si desta e si risente
e scopre al sol, che la vagheggia e
et
E scopr’al sol che la vagheggia e mira
mire,
mira
il suo vermiglio et odorato seno
Il suo vermiglio, & odorato seno
où
Dou’Ape sussurando
nei matutini albori
d
Ne i matutin’albori
Vola
suggendo
so
dov’Ape, sussurando,
vola suggendo i rugiadosi umori.
i
rugiados’humori.
v
v. 3, Pastor fido : si desta e si risente (le sujet de la
phrase, Rosa gentil, est tiré du vers 858, soit quelques vers
avant le début du madrigal)
v. 3, toutes les voix, si : Si
v. 8, C., T. Q., rugiados’ : ruggiados’
6.
Battista
Seconda parte
Seconda parte
D
Guarini
E s’alhor non si coglie
E s’alor non si coglie,
E
Si che del mezzo di senta le
sì che del mezzodì senta le
d
midi,
fiamme,
fiamme
Cad’al cader del Sole
cade al cader del Sole
Si scolorit’in su la siep’ombrosa
sì
scolorita
in
su
el
la
siepe
si
ombrosa,
qu
Ch’appena si può dir questa fu
495
ch’appena si può dir: «Questa fu rose. »
rosa.
rosa.»
v. 5, C., B. : a pena alterne avec appena ; A., Q.
: a pena
7.
v. 1, Pastor fido, E s’alor : Ma s’alhor
Il vezzoso Narciso
Il vezzoso Narciso,
L
Per la sua crudeltate in varie
per la sua crudeltate in varie
en
tempre,
tempre
vé
visse in se stesso e per se stesso même.
Viss’in se stesso e per se stesso
sempre.
sempre
M
Io, sconsolato Alessi,
Io sconsolat’Alessi
en
fra verdi allori e pallidi cipressi,
Fra verd’allori e pallidi cipressi
je
vivo, mercè d’Amore,
Viuo mercè d’Amore
n
non in me, ma in fiore e per un fleur.
Non in me ma in vn fiore e per
vn fiore.
fiore.
v. 4, T., sconsolat’ : scohsolat’
v. 7, toutes les voix, Non : non
8.
Filippo
Prima parte
Prima parte
P
Di questi fior’ond’io
Di questi fiori ond’io
D
Hò pien’il gremb’e ’l seno Iride
ho pieno il grembo e ’ seno, Iride
m
Alberti
bella,
bella
496
et
E che lungo quel rio
e che lungo quel rio
Colsi per te da questa pianta e
colsi per te da questa pianta e
j’
quella
9.
Filippo
p
quella,
d
Smalta il finissim’oro
smalta il finissimo oro
De le tue chiom’illustri.
de le tue chiome illustri!
Seconda parte
Seconda parte
D
Sian le rose i rubini perle i
Sian le rose rubini, perle i
Q
Alberti
ligustri
troènes, d
lugustri
E con gentil lauoro
e con gentil lavoro,
et
Al soaue spirar d’aura beata
al soave spirar d’aura beata,
au
fanne ricca ghirlanda et odorata.
fa
Fanne
ricca
ghirlanda
&
odorata.
v. 1 : est reportée ici la leçon des Rime piacevoli,
v. 4, toutes les voix, Fanne : fanne
10.
Cristoforo
car la variante musiquée par Macque (Sian le rose i rubini) n’a
pas de sens.
Corron d’argent’i fiumi
Corron d’argento i fiumi,
L
Zefiro dolce e grato
Zefiro dolce e grato
Z
Spira soaue fiato
spira soave fiato,
so
Desta le verd’herbett’e i fior
desta le verdi erbette e i fior
et
Castelletti
nouelli
fleurs no
novelli.
Cantat’o vagh’augelli
Cantate, o vaghi augelli,
C
Poi c’hogg’Amor in gioia e ’n
poich’oggi Amor in gioia e ’n riso
ca
riso gira
et en joie
gira
497
Il longo pianto e l’ira.
il longo pianto e l’ira!
v. 4, B., Q. : novelli puis nonelli
v. 1, L’Amarilli pastorale, Corran : Corron
v. 6, L’Amarilli pastorale, ’n riso : in pace
v. 7, L’Amarilli pastorale, longo : lungo
498
le
11.
Quel rossignol che plora
Quel rossignol che plora
Ce
Si dolcemente e tra le verdi
sì dolcemente, e tra le verdi
si
fronde
fronde
se
Scompagnato s’asconde
scompagnato s’asconde,
m
Hor che fuggendo il Sole
or che, fuggendo il Sole,
la
L’oscura
nott’il
mondo
l’oscura notte il mondo discolora,
s’i
discolora
s’avesse le parole,
il
S’hauesse le parole
diria: «Piango i miei danni,
m
Diria piango i miei danni
le mie fiere fortune e i lunghi
Le mie fiere fortune e i affanni.»
lungh’affanni.
12.
Battista
Non
son
non
son
questi
sospir’ardenti
Non son, non son questi sospiri
No
ardenti
Guarini
au
Refrigerio del core
refrigerio del core;
m
Ma son più tost’impetuosi venti
ma son più tosto impetuosi venti
Che spiran ne l’incendio e ’l
che spiran ne l’incendio e ’fan
fan maggiore
maggiore
Con turbini d’Amore
Ch’apportan
sempr’a
impétueux
qu
croître
con turbini d’Amore,
av
ch’apportan sempre a miserelli
qu
499
amanti
miserell’amanti
Foschi nembi di duol pioggie di
pianti.
amants
foschi nembi di duol, pioggie di
de
pluies de
pianti.
v. 1, Pastor fido : Non son, come a te pare
v. 7, toutes les voix, Foschi : foschi
v. 7, Pastor fido, pioggie : piogge
13.
La
Francesco
mort’è
fin
La morte è fin d’una prigione
d’vna
prigion’oscura
La
d’une pris
oscura
Petrarca
pour les a
A gl’animi gentili a gl’altr’è
agl'animi gentili; agl’altri è noia,
la fange te
noia
ch’hanno posto nel fango ogni lor
Ch’hanno posto nel fango ogni cura.
tant, te c
lor cura
sentir la m
Et ora il morir mio, che sì
Et hor’il morir mio che si t’annoia,
t’annoia
ti farebbe allegrar se tu sentissi
Ti farebb’allegrar se tu sentissi
la millesima parte di mia gioia.
La millesima parte di mia gioia.
v. 1, Trionfi, prigione : pregione
v. 2, Trionfi, agl’animi gentili ; alg’altri : a l’anime
gentili; a l’altre
500
Et
Les
14.
Prima parte
Prima parte
Premi
A l’apparir de la nouell’Aurora
A l’apparir de la novella Aurora,
À l’ap
Che di vermiglie rose e vaghi fiori
che di vermiglie rose e vaghi fiori
qui de
Contest’ha
contesto ha ’l crin e tutt’il mondo
a la ch
’l
crin’e
tutt’il
indora,
mond’indora
on ent
S’odon’al suon de’ liquidi ruscelli
s’odono al suon de’ liquidi ruscelli,
Cantand’a
cantando a schiera, rinovar gl’amori
schiera
une nu
rinouar
<renou
gl’amori
i vezzosetti augelli.
I vezzosett’augelli.
15.
Seconda parte
Seconda parte
Deuxi
Ogni piant’ogni fera si sent’il
Ogni pianta, ogni fera, si sente il
Toute
petto
petto
rempli
Ripieno d’amoroso e dolce affetto
ripieno d’amoroso e dolce affetto;
Mais
Ma lasso a me la bell’e chiara
Ma, lasso, a me la bella e chiara luce
moi,
luce
raddoppia il pianto e a sospirar
redoub
Raddoppia il pianto e a sospirar m’induce.
m’induce.
16.
Al mormorar de l’onde
Al mormorar de l’onde
Au mu
501
De limpidi ruscelli
de' limpidi ruscelli,
de ruis
S’odon soaue tremolar le fronde
s’odon soave tremolar le fronde
on ent
Che dolc’aura percote,
che dolce aura percote,
que la
E i vezzosett’augelli
e i vezzosetti augelli
et les g
Temprar si dolci note,
temprar sì dolci note,
forme
Che ben ferin’e ’l core
che ben ferino è ’l core
que le
se non destano in lui spirto d’Amore.
s’ils n
Prima parte
Prima parte
Premi
Ami chi vuol’amare
Ami chi vuol amare,
Aime
Beltà che fa penare
beltà che fa penare,
beauté
Ch’a me distrugge dolcement’il
ch’a me distrugge dolcemente il
car mo
Se
non
destan’in
lui
spirto
d’Amore.
17.
core,
core
beauté
Beltà celeste e non mi da dolore.
502
beltà celeste, e non mi dà dolore!
18.
Seconda parte
Seconda parte
Deu
La bellezza superna
La bellezza superna
La
Spira letitia eterna
spira letizia eterna,
insp
e di quest’è più dolce l’amarezza,
et l
che di quell’altra ogni maggior
que
E
di
quest’e
più
dolce
l’amarezza
Che di quell'altra ogni maggior dolcezza.
dolcezza
19.
Il ver’Amor’e viuo
De
l’alm’è
l’alma
poich’ogn’altr’oggetto
Il vero Amore e vivo
Le
de l’alma è l’alma, poich’ogni
de l
altro oggetto,
étan
d’amar essendo privo,
D’amar essendo priuo
est
Degno
non
è
de
degno non è de l’amoroso affetto.
L’â
l’amoros’affetto
L’anima, perché sola è riamante,
retour,
L’anima perche sola è riamante
sol’è
Sol’e
degna
d’amor
degna
d’amor,
degna
seu
degna d’amante.
d’amante.
20.
Francesco
Prima parte
Prima parte
Pre
Petrarca
I vò piangendo i miei passati
I’ vo piangendo i miei passati
Je v
tempi
tempi
503
I quai pos’in amar cosa mortale
i quai posi in amar cosa mortale,
que
Senza leuarm’a volo hauend’io
senza levarmi a volo, avend’io
san
l’ale
ailes,
l’ale,
Per dar forse di me non
bass’essempi
essempi.
Tu che vedi i miei mali
indegn’& empi
Re
exemple.
Tu che vedi i miei mali indegni et
Ciel’inuisibil’è
immortale
Toi
impies,
empi,
del
pou
per far forse di me non bassi
Re
del
Cielo
invisibile
e
Roi
immortale,
sec
Soccorr’a l’alma disuiata e frale
soccorri a l’alma disviata e frale,
et c
E i suoi difetti di tua gratia
adempi.
e i suoi difetti di tua grazia
adempi.
v. 4, T., Forsi : forsi
Chan
v. 3, Canzoniere, avend’io : abbiend’io
v. 4, Canzoniere, essepi : exempi
v. 6, Canzoniere, e immortale : immortale
v. 8, Canzoniere, e i suoi difetti : e ’l suo defecto
21
Francesco
Seconda parte
Seconda parte
Deu
Petrarca
Si che s’io viss’in guerra & in
Sì che, s’io vissi in guerra et in
pou
tempesta
tempesta
je m
Mora in pace & in porto e se la
stanza
504
mora in pace et in porto; e se la
stanza
fut
Fu
vana
almen
sia
la
partit’honesta
fu vana, almen sia la partita départ.
onesta.
Pou
A quel poco di viuer che
m’auanza
A
quel
poco
di
viver
che
et
m’avanza
secourir :
Et al morir degn’esser tua man
presta
et al morir, degni esser tua man
Tu
presta:
espérance.
Tu sai ben ch’in altrui non ho
speranza
v. 2, toutes les voix, e : E
tu sai ben ch’in altrui non ho
Chan
speranza.
v. 6, Canzoniere, ch’in : che ’n
v. 3, toutes les voix, fu : Fu
505
Musique
Il secondo libro de madrigali a cinque voci (Venezia,
Vincenti, 1587)
I. Fuggendo il troppo lume
71
II. Posso, cor mio, partire
75
III. Felice mio ritorno
78
IV. Gelo ha Madonna il seno
82
V. Quel ben ch’aura pietosa
86
VI. Dolci sdegni e dolci ire
90
VII. Di pianto e di lamento
94
VIII. Tra bei dorati crini
99
IX. Quando Madonna il guardo
102
X. Prendi, Signor, vendetta
107
XI. Mentre, mia stella, miri
111
XII. Le Ninfe del mar d’Adria
116
XIII. Io son di neve al Sol
121
XIV. Al fiammegiar de’ begl’occhi lucenti
126
XV. Ben poté fede a pieno
130
XVI. Così soave è ‘l foco
134
XVII. Chiara fontana intorno
138
XVIII. Questa vostra pietate
142
XIX. Quando l’amante parte
145
XX. Non può l’alma forzarsi
149
XXI. Quando dal mio bel Sole
152
Il terzo libro de madrigali a cinque voci (Ferrara,
Baldini, 1597)
506
I. Sparge la bella Aurora
161
II. Or che ridente e bella
165
III. Uscia dai monti fuora
168
IV. Il matutino vento
171
V. Al subito apparir del primo raggio (prima parte)
174
VI. E s’alor non si coglie (seconda parte)
177
VII. Il vezzoso Narciso
180
VIII. Di questi fiori ond’io (prima parte)
183
IX. Sian le rose rubini (seconda parte)
186
X. Corron d’argento i fiumi
189
XI. Quel rossignol che plora
192
XII. Non son, non son questi sospiri ardenti
195
XIII. La morte è fin d’una prigione oscura
198
XIV. A l’apparir de la novella Aurora (prima parte)
202
XV. Ogni pianta, ogni fera, si sente il petto (seconda
205
XVI. Al mormorar de l’onde
208
XVII. Ami chi vuol’amare (prima parte)
212
XVIII. La bellezza superna (seconda parte)
215
XIX. Il vero Amore e vivo
218
XX. I’ vo piangendo i miei passati tempi (prima parte)
221
XXI. Sì che, s’io vissi in guerra et in tempesta (seconda
225
parte)
parte)
Pièces adjointes
Giovanni de Macque, Madrigaletti et napolitane
Mai non vo’ pianger più come solea (MN1, n. 1)
233
Vorria saper da voi (MN1, n. 12)
238
507
Cercai fuggire Amore (MN1, n. 18)
244
Bacciami vita mia (MN2, n. 6)
248
Vorrei nel chiaro lume (MN2, n. 9)
252
Quando sorge l’aurora (MN2, n. 14)
256
Tre graziosi amanti (MN2, n. 21)
260
Giovanni de Macque, Primo libro de madrigali a quattro voci
Quando sorge l’aurora (I.4, n. 7)
267
O fammi, Amor, gioire (I.4, n. 14)
271
Chi prima il cor mi tolse (I.4, n. 21)
274
Giovanni Croce, Primo libro delle Canzonette a tre voci
Tu ridi sempre mai
276
Rinaldo del Mel, Secondo libro delli madrigaletti a tre voci
Tre graziosi amanti
277
Pietro Vinci, Quarto libro de madrigali a cinque voci
Mentre, mia stella, miri
508
282
509
510
511
512
513
514
515
516
517
518
519
520
521
522
523
524
525
526
527
528
529
530
531
532
533
534
535
536
537
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Appareils critiques
Secondo libro de madrigali a cinque voci
I. Fuggendo il troppo lume
Basso : le signe de tactus est •.
III. Felice mio ritorno
Canto : le signe de tactus est •.
IV. Gelo ha Madonna il seno
Basso : le signe de tactus est •.
V. Quel ben ch’aura pietosa
Alto, brèves 20-25 : les syllabes ne sont pas placées correctement.
Alto, brèves 23-24 : le la minime n’est pas pointé.
VI. Dolci sdegni e dolce ire
Basso, brève 5 : le ré semi-brève est pointé.
Basso, brève 17 : erreur de texte, & penetrarm’il core au lieu de E di darmi martire.
VII. Di pianto e di lamento
Canto, brève 26 : ligature cum opposita proprietate.
VIII. Tra bei dorati crini
Tenore, brève 5 : le ré est un mi.
565
IX. Quando Madonna il guardo
Tenore, brève 2 : le troisième la est une minime.
Tenore, brève 28 : le do semi-minime n’est pas pointé.
XI. Mentre, mia stella, miri
Canto, brève 11 : le fa fuse est une semi-minime.
Tenore, brève 22 : le premier sol dièse est une semi-minime.
Alto, brève 30 : silence de minime superflu après le silence de semi-brève.
Tenore, brèves 32-33 : la dernière note est une longue.
XII. Le Ninfe del mar d’Adria
Quinto, brève 17 : le ré minime est pointé.
XIII. Io son di neve al Sol
Quinto, brèves 32-33 : la dernière note est une longue.
Basso, brèves 31-32 : la dernière note est précédée d’un ré breve au lieu d’un ré longue.
XV. Ben pote fede a pieno
Canto, brève 10 : le la minime n’est pas pointé.
Quinto, brève 13 : le fa semi-minime est pointé.
Brèves 26-27 : toutes les parties ont un silence de brève.
XVI. Così soave é ‘l foco
Tenore, brèves 6-7 : ligature cum opposita proprietate.
566
Tenore, brève 13 : le premier la est un sol.
XVII. Chiara fontana intorno
Alto : il manque le signe de tactus.
XX. Non può l’alma forzarsi
Quinto, brève 24 : il manque la pause de semi-brève.
XXI. Quando dal mio bel Sole
Quinto, Basso : le signe de tactus est •.
Tenore : il manque le signe de tactus.
Alto, brèves 37-38 : ligature cum opposita proprietate terminée en minor color.
Tenore, brève 21 : le sol n’est pas pointé.
Terzo Libro de Madrigali a Cinque Voci
I. Sparge la bella Aurora
Tenore, brèves 4 : dièse (=bécard) de précaution avant le mi.
IV. Or che ridente e bella
Tenore, brève 4 and 12 : dièse (=bécard) de précaution avant le mi.
V. Uscia dai monti fuora
Canto, brève 11 : dièse (=bécard) de précaution avant le mi.
XI. Sian le rose rubini
Canto, brèves 2 et 8, quinto brève 24 : dièse (=bécard) de précaution avant le mi.
567
XII. Corron d’argento i fiumi
Quinto, brève 15 : la brève n’est pas pointée.
Quinto, brève 17 : le si est un do.
XIII. Quel rossignol che plora
Quinto, brève 29 : ligature cum opposita proprietate.
XIV. Non son questi sospir
Quinto brève 10 : dièse (=bécard) de précaution avant le si.
Basso, brève 23 : dièse (=bécard) de précaution avant le si.
Basso, brève 24 : dièse (=bécard) de précaution avant le si.
XV. La morte è fin d’una prigione oscura
Basso, brève 32 : le mi est une semi-brève pointé au lieu d’un brève pointée.
XVIII. Al mormorar de l’onde
Quinto, brève 20 : dièse (=bécard) de précaution avant le si.
Pièces adjointes
Giovanni de Macque, Madrigaletti et napolitane
Cercai fuggire Amore
Canto, brèves 14 et 17, Phalèse : le mi n’est pas bémol.
Giovanni de Macque, Primo libro de madrigali a quattro voci
568
Quando sorge l’aurora
Tenore, brève 10 : ligature cum opposita proprietate.
Canto, brève 15 : dièse (=bécard) de précaution avant le mi.
O fammi, Amor, gioire
Basso, brève 23 : il manque le premier do.
Chi prima il cor mi tolse
Tenore, brève 3 : dièse (=bécard) de précaution avant le si.
Rinaldo del Mel, Secondo libro delli madrigaletti a tre voci
Tre graziosi amanti. Seconda parte
Tenore, brèves 29-30 : ligature cum opposita proprietate terminée en minor color.
Basso, brèves 29-30 : ligature cum opposita proprietate pointée.
Canto, brève 32 : ligature cum opposita proprietate.
Basso, brève 31-32 : ligature cum opposita proprietate terminée en minor color.
Pietro Vinci, Quarto libro de madrigali a cinque voci
Mentre, mia stella, miri
Basso, brève 17 : Io vagheggiare potessi, au lieu de Le tue dolci faville.
Brèves 17-19 et 22-23 : potesti alterne avec potessi
569
Correspondance de Macque
Présentation, principes de transcription et traduction
Dans les années 1570, Friedrich Lippmann retrouva à l’Archivio Caetani de Rome une
quinzaine de lettres de Giovanni de Macque ainsi que deux versions de la dédicace de ses
Ricercate et Canzoni francese a quattro voci (Roma, Gardano, 1586), recueil aujourd’hui
disparu. Ces lettres sont adressées à Camillo Norimberga, écuyer (scalco) entre 1583/84 et
1589 de la famille Caetano, anciens protecteurs romains de Macque, et envoyées chez ces
derniers avec l’indication « In casa dell’Illustrissimo Signore Honorato Caetano », ou « In
casa di Monsegnor Illustrissimo Caetano » sur le verso du feuillet.
Ces lettres, écrites entre le 31 janvier et le 28 avril 1589, ne représentent qu’un fragment
de la correspondance entre les deux hommes. Macque y fait preuve d’une grande maîtrise
de la langue toscane qui confirme sa longue expérience des cours italiennes. La graphie
trahit peut-être un léger accent francophone (par sa forte tendance à négliger les doubles
consonnes 745 ) mâtiné d’inflexions romaines ou méridionales (notamment par l’usage du sce pour le -ce et parfois du -r pour -rr 746 ) et, très rarement, de traces dialectales 747 . De ce
mélange résultent parfois des graphies tout à fait particulières (le mot sfacciato devient par
exemple dans la bouche de Macque faciato, prononcé avec un accent romain fasciato).
L’aisance de Macque à l’écrit s’explique sans doute par les nombreux échanges
épistolaires qu’il tenait et évoque dans ses lettres (avec Prospero Santini et son cousin
d’Espagne, notamment) et confirme le fait que le compositeur arriva probablement assez
jeune en Italie.
La seule transcription complète de cette correspondance a été réalisée par Ruth DeFord
dans son PhD sur Giovannelli 748 . Lippmann en propose de larges extraits mais laisse
745
Lorsque Macque recopie un extrait de la dédicace de Peranda dans sa lettre du 30 juillet 1586, il change
par exemple eccellenza en eccelenza.
746
Par exemple, dans la graphie constante d’arivare pour arrivare. Il s’agit cependant peut-être là d’un
archaïsme.
747
En particulier « pigliare basca », dans la lettre du 13 novembre 1586 (voir infra, p. 604).
748
DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 277-294.
570
parfois de côté des paragraphes entiers 749 . L’écriture de Macque étant extrêmement claire
et lisible, les divergences entre les deux lectures restent tout à fait marginales.
Je me suis basée ici sur la transcription de Ruth DeFord, opérant cependant quelques
modifications toujours indiquées en note de bas de page (lectures différentes, nouvelles
suggestions pour les mots illisibles coupés par les trous du papier, encadrés ici entre
crochets). Celles-ci ont été réalisées à partir des quelques lettres que j’ai pu consulter à
l’Archivio Caetani (sept sur dix-sept, les autres étant malheureusement trop abîmées pour
que l’archiviste accepte de me les laisser consulter, voir infra, table), et dans les autres cas
à partir des extraits livrés par Lippmann, qui propose parfois une lecture légèrement
différente de celle de DeFord 750 .
Pour respecter les particularités de l’écriture du compositeur, j’ai opté ici pour une
transcription diplomatique, modernisant l’accentuation et rationalisant légèrement la
ponctuation – toutes deux placées de manière relativement aléatoire par Macque. Les
abréviations ont été résolues en caractère normal (DeFord propose elle une transcription
respectant fidèlement l’original, mis à part la résolution de la plupart des abréviations). Le
contenu des lettres a été réorganisé en paragraphes thématiques et les parties abîmées,
indiquées entre crochets.
Je propose en face du texte italien une traduction en français, dont beaucoup de principes
sont inspirés du travail d’Annonciade Russo sur la correspondance de Monteverdi 751 . J’ai
cherché à y trouver un juste compromis entre la fluidité de lecture du texte en français et le
respect des caractéristiques lexicales et syntaxiques du style de Macque. La traduction se
veut cependant plus une aide à la compréhension du texte italien qu’un texte littéraire
autonome. J’ai préféré en effet rester proche de la langue de départ plutôt que de favoriser
la langue d’arrivée, quitte à employer des tournures qui, en français, peuvent sembler peu
élégantes ou lourdes (notamment les répétitions très rapprochées de certains mots,
749
LIPPMANN Friedrich « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi documenti », op. cit.
Afin de ne pas alourdir l’appareil de note, je n’ai indiqué que les divergences significatives entre les
lectures de Lippmann et DeFord.
751
MONTEVERDI Claudio, Correspondance, préfaces, épîtres dédicatoires. Trad. Annonciade Russo.
A.M.I.C.U.S. Renaissance et période préclassique, Domaine italien, vol. 3, Liège, Mardaga, 2001.
750
571
utilisées parfois de façon humoristique 752 , et les accumulations de relatives dont résultent
souvent des phrases de dimensions proustiennes).
L’alternance entre le lei et le « Vostra Signoria » a été rendue par un mélange de
vouvoiement et de troisième personne du singulier pour les éléments de phrase voisins de
la locution « Votre Seigneurie », comme cela se faisait couramment dans le français de
l’époque. Les titres ont presque toujours été traduits littéralement (Signor = Sieur ou
Seigneur, messer = messer, Illustrissimo = Illustrissime, etc.), sauf lorsque la langue
français n’en possédait pas d’équivalent (Signora = Madame ou Dame).
La table suivante donne les références de toutes les lettres à l’Archivio Caetani, et indique
par une croix celles dont j’ai pu consulter l’original.
Date
Numéro
d’archive
Lettre 1
31 janvier 1586
Original
consulté
Archivio Caetani
n. 4301
Lettre 2
7 mars 1586
Archivio Caetani
x
n. 49315
Lettre 3
29 mars 1586
Archivio Caetani
x
n. 4312
Lettre 4
7 juin 1586
Archivio Caetani
x
n. 4311
Lettre 5
14 juin 1586
Archivio Caetani
x
n. 4898
Lettre 6
28 juin 1586
Archivio Caetani
x
n. 4909
Lettre 7
12 juillet 1586
Archivio Caetani
n. 4305
Dédicace de Macque
752
20 juin 1586
Voir notamment le premier paragraphe de la lettre 14 du 7 avril 1589.
572
Archivio Caetani
x
n. 69415
Lettre 8 et dédicace
30 juillet 1586
de Peranda
n. 4303
Lettre 9
4
septembre
1586
Lettre 10
Archivio Caetani
n. 28927
13
novembre
1586
Lettre 11
Archivio Caetani
Archivio Caetani
n. 28365
10 juillet 1587
x
Archivio Caetani
n. 128637
Lettre 12
10 octobre 1587
Archivio Caetani
n. 128637
Lettre 13
2 juillet 1588
Archivio Caetani
n. 28368
Lettre 14
7 avril 1589
Archivio Caetani
n. 18694
Lettre 15
28 avril 1589
Archivio Caetani
n. 58194
Lettre 1 : 31 janvier 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Poi che Vostra Signoria m’assicura per l’amorevolissima Sua di 24 del presente
che a torto havevo preso ombra de fatti suoi, et congietturando del suo scrivere che il tutto
è proceduto più tosto da negligenza che da disamorevolezza alcuna, con mio grandissimo
piacer ho sgombrato della mente mia un velo che offuscava al quanto il bel sereno della
mia fraterna amicitia, la quale dal canto mio è et sara sempre quale è stata per il passato.
Ben prego Vostra Signoria a non essere così scarsa delle sue tanto da me desiate lettere,
che se pur non ha tempo di scrivermi ogni quindeci dì, almeno me scriva una volta il
mese, che a dirle il vero io dubito che quel che dice di quella lettera scrittami di 2 fogli
innanzi Natali, e poi un’altra dopoi le feste, sia più tosto scusa che altro poi che se una
573
fusse capitata male, gran cosa saria che l’altra havesse preso questa medesma strada, pur
io voglio più tosto credere quanto mi vien detto da Vostra Signoria che metterlo in dubbio.
Circa il rallegrarmi con lettere con l’Illustrissimo Cardinale nostro et col Signor
Camillo suo fratello come lei mi persuade di fare, l’havrei fato s’io havesse creduto di non
esserne fallato di presontione, Ma dubitandone molto, son restato di farlo, tanto più che
Vostra Signoria potra farmi gratia di far questo offitio a bocca con un humilissimo
baciamano da parte mia a lor Signori Illustrissimi, pur se le parera ch’io debbi farlo in
ogni modo, faro quanto mi comandera.
Hieri fui a disnare col Signor Roi come l’Organista del vice Re, il quale mi disse
che Carnovale il castrato che già fu cantor del Papa, passò de qui li giorni a dietro per
andarne in Sicilia, et che non havendomi potuto trovare, lo pregò che mi dicesse ch’io era
aspettato in Spagna con gran devotione et che quelli cantori fiamenghi della capella di Sua
Maiestà non volevano altro Organista di me, et che il mio salario saria stato un scudo il dì,
et che a Roma era già stato scritto ch’io fusse inviato in quella corte, cosa che mi fa
stravedere, essendo più di un anno et mezzo 753 ch’io non ho havuto lettere di mio cugino
né nuova alcuna di questo negotio.
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Puisque Votre Seigneurie m’assure dans sa très aimable lettre du 24 de ce mois que
j’avais tort d’avoir pris ombrage de son comportement et que vos paroles me laissent
maintenant croire que tout est arrivé par négligence plutôt que par manque d’amitié, c’est
avec un immense plaisir que j’ai débarrassé mon esprit d’un voile qui offusquait quelque
peu le beau ciel bleu de mon amitié fraternelle, laquelle de mon côté est et sera toujours ce
qu’elle a été par le passé. Je prie Votre Seigneurie de ne pas être aussi avare de ses lettres
que je désire tant et, si vous n’avez pas le temps de m’écrire tous les quinze jours, écrivezmoi au moins une fois par mois car, à dire la vérité, je doute fort de ce que vous dites à
propos de cette lettre de deux pages que vous m’auriez écrite avant Noël, et de cette autre
datant d’après les fêtes. J’y vois plus une excuse qu’autre chose, car si l’une avait mal fini,
753
mezzo : Lippmann lit metà.
574
il serait très étonnant que l’autre ait pris le même chemin ; je préfère cependant croire les
dires de Votre Seigneurie plutôt que de les mettre en doute.
À propos des compliments que vous essayer de me persuader d’adresser par lettre
au très Illustre Cardinal et au Seigneur Camillo son frère 754 , je les aurais déjà faits si je
n’avais cru en pécher par présomption. Mais, comme j’étais très indécis, j’ai m’en suis
abstenu, d’autant plus que Votre Seigneurie pourra me faire la grâce de réaliser cet office
oralement de ma part, avec un très humble baisemain à leurs Illustrissimes Seigneurs ; si
cependant il vous semble qu’il me faut le faire à tout prix, je ferai comme vous me le
commandez.
Hier, je suis allé déjeuner avec le Sieur Roi755 et l’organiste du vice-roi, qui m’a dit
que Carnovale, le castrat qui fut autrefois chanteur du Pape, est passé par ici il y a
quelques jours pour s’en aller en Sicile ; ne m’ayant pas trouvé, il le pria de me dire que
j’étais attendu en Espagne avec grande dévotion et que les chanteurs flamands de la
chapelle de Sa Majesté ne voulait un autre organiste que moi, que mon salaire serait d’un
écu par jour, et qu’on avait déjà écrit à Rome que je sois envoyé à cette cour. Cela me
laisse perplexe, car je n’ai reçu aucune lettre de mon cousin depuis plus d’un an et demi,
ni aucune nouvelle de cette affaire.
Onde Vostra Signoria mi farà gratia di vedere un poco se fra le lettere vecchie della posta
di Spagna vene fussero qualcheduno dirette a me, o, a lei o, pur se al Palestrina è stato
scritto cosa alcuna di questo negotio o, a Monsignor Brisengha 756 , et se questi non ne
sanno niente, Vostra Signoria per gratia ne domandi al Secretario de l’Imbasciatore di Sua
Altezza 757 se questi mesi passati è stato scritto a Sua Eccelenza cosa alcuna di mandare un
Organista fiamengo in Spagna. Et se lei per alcuna di queste vie, ne può investigare cosa
alcuna, basterà solo, che s’informi se è venuto ordine per li denari del viagio – però come
da se, senza parere ch’io gline habbi scritto cosa alcuna perché se ben la cosa fusse chiara,
stando io qui comodissimamente non so s’io lasciassi questo servitio per quello. Et se per
754
Le cardinal Enrico Caetano (1550-1599) et Camillo Caetano (1552-1602), à qui Macque dédicaça le
Secondo libro de madrigaletti et napolitane, sont très fréquemment cités dans la correspondance. Le
destinataire des lettres, Camillo Norimbergha, était à leur service. Sur les Caetani, voir le premier tome de la
thèse.
755
Bartolomeo Roy était maestro di cappella du vice-roi. L’organiste était Cristobal Obregòn.
756
Brisengha : Lippmann lit Orisengha ou Crisengha.
757
Altezza : Lippmann lit Maestà.
575
sorte Vostra Signoria non ne può haver nova alcuna, essendo stato detto Carnovale
ultimamente alcuni mesi a Roma, informisi di gratia da coloro con chi solea praticare, se
ci ha mai detto cosa alcuna di questa cosa et a chi ne è stato scritto a Roma, et non saria
gran cosa che il Signor Sotto ne sapesse qualche cosa. Et per cortesia Vostra Signoria mi
perdoni il fastidio, poi che gline resterò obligatissimo in eterno. Che sarà fine di questa
baciando le mani di Vostra Signoria augurandole dal Signor Iddio ogni desiato contento.
Di Napoli alli 31 Gennaio 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et fratello
Giovanni de Macque
Votre Seigneurie me rendrait donc un grand service en allant voir un peu si parmi les
vieilles lettres de la poste d’Espagne, il n’y en aurait pas une adressée à moi, ou à vous, ou
s’il a été écrit quelque chose à ce sujet à Palestrina, ou à Monseigneur Brinsengha 758 ; et si
ceux-ci n’en savent rien, que Votre Seigneurie, de grâce, demande au Secrétaire de
l’Ambassadeur de Son Altesse si l’on a écrit ces mois-ci à Son Excellence quelque chose à
propos d’un organiste flamand à envoyer en Espagne. Et si par aucun de ces moyens vous
ne réussissez à en savoir plus sur cette affaire, il suffira simplement que vous vous
informiez s’il est arrivé un ordre pour les frais de voyage – mais cela, sans avoir l’air que
je ne vous en aie rien suggéré car, même si la chose était assurée, me trouvant très bien ici,
je ne sais si je lâcherais mon poste pour celui-là. Et si jamais Votre Seigneurie ne
parvenait à avoir de nouvelles, étant donné que ledit Carnovale a passé récemment
quelques mois à Rome, de grâce, informez-vous auprès de ceux qu’il fréquentait
d’habitude s’il leur a dit quelque chose à ce sujet et quel est le nom de la personne à qui
l’on a écrit à ce propos ; il me semble difficile que le Sieur Sotto 759 n’en sache rien.
758
DeFord a identifié ce personnage comme étant l’abbé Brisengha, le directeur de l’ambassade espagnole à
Rome (voir DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the Madrigal in Rome, op. cit., p. 278).
759
Francisco Soto ou Sotto, compositeur et chanteur espagnol établi à Rome, était membre de l’Oratorio. Il
fut en rapport avec la Compagnia dei musici di Roma. À ce propos, voir notamment MORELLI Arnaldo, Il
tempio Armonico. Musica nell’oratorio dei Filippini in Roma (1575-1705), op. cit., p. 13 et 110.
576
Que Votre Seigneurie m’excuse pour la gêne occasionnée, dont je vous resterai
éternellement obligé. Pour finir, je baise la main de Votre Seigneurie, lui souhaitant de
Seigneur Dieu tout désir contenté. De Naples, le 31 Janvier 1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et frère
Giovanni de Macque
Lettre 2 : 7 mars 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
La lettera di Spagna che Vostra Signoria mi ha mandata mi è stata molto cara per [più]
rispetti, sia per haver inteso la conclusione di quel negotio, come ancora per essermi
chiarito che conforme a quanto ho sempre dubitato il Capitan Petit non essersi adoperato
in questa cosa conforme a l’amicitia che sempre ha mostr[ato di portarmi 760 . Ma manco
male è che mai mene sono fi[dato] troppo, et meno mene fiderò all 761 ’avenire, et
essendomi referi]to 762 che sono più mesi 763 che è partito di Spagna, et non essendo qui
ancora comparso mi persuado che forsi passerà per Roma, Onde Vostra Signoria per
cortesia stia avertito se ne potrà haver nova, Et se per sorte lo vedesse, Di gratia informisi
un poco da lui, dissimulando però il rimanente, se quel Organista fiamengo è mai arivato
in quella corte, et se è stato accettato, poi che il scrivermi mio cugino che dificilmente
saria stato accettato, et essendo poi sopragionto il dire del Carnovale, mi fa quasi credere
che la cosa stia ancora in piede. Ma sia come si voglia, poco fastidio son per pigliarmene,
et quel che desidero di sapere è più presto per curiosita che per altro.
Ringratio Vostra Signoria per infinite volte de la reverenza 764 che a nome mio ha fatto al
Signor Cardinale et al Signor Camillo et se ben persiste tuttavia in persuadermi che scrivi
760
mostrato portarmi : DeFord lit mostrato portarmi ; Lippmann lit mostato nel parlarmi.
DeFord, all’ : al’.
762
Cette suggestion est la mienne.
763
DeFord, mesi : mese.
764
reverenza : DeFord lit riverenza ; Lippmann reverenza.
761
577
a loro Signori Illustrissimi Nondimeno non mi son risoluto ancora a farlo, si per parermi
ch’io potrei essere fasciato, se non in altro almeno di haver tardato troppo a farlo come
ancora per parermi che questo offitio che Vostra Signoria ha fatto a nome mio basti, ma se
pur le pare ch’io debba farlo in ogni modo, il farò senza haver riguardo a quello che ne
possa avenire.
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
La lettre d’Espagne que Votre Seigneurie m’a envoyée m’a été très précieuse pour
plusieurs raisons : d’une part, elle m’a appris la conclusion de cette affaire, d’autre part
elle m’a démontré que, comme je m’en étais toujours douté, le Capitaine Petit 765 ne s’est
pas comporté dans cette histoire conformément à l’amitié qu’il m’a toujours démontré 766 .
Heureusement que je n’ai jamais eu tellement confiance en lui ! Je m’y fierai encore
moins à l’avenir. J’ai appris qu’il est parti pour l’Espagne il y a déjà plusieurs mois, mais
il ne s’est pas encore fait voir ici : je suis donc persuadé qu’il passera par Rome. Par
conséquent, que Votre Seigneurie, de grâce, soit attentive aux informations qu’elle
pourrait se procurer à ce sujet. Et si jamais vous le voyez, de grâce, informez-vous un peu
auprès de lui (dissimulant cependant tout le reste) si cet organiste flamand est bien arrivé à
cette cour, et s’il y a été accepté, puisque d’après ce que m’a écrit mon cousin, il aurait été
difficilement accepté ; et si on ajoute à cela les dires de Carnovale, j’ai tout lieu de croire
que la chose tient encore sur pied. Mais quoi qu’il en soit, tout cela a trop peu
d’importance pour que je m’en préoccupe, et mon désir de savoir ce qu’il en est vient
plutôt de ma curiosité que d’autre chose.
Je remercie infiniment Votre Seigneurie de la révérence qu’elle a faite en mon nom au
Cardinal et au Seigneur Camillo, et bien que vous persistiez à essayer de me convaincre
d’écrire à leurs Illustrissimes Seigneurs, je ne me suis pas encore résolu à le faire. Il me
semble en effet que je risquerai d’être insolent, ou qu’au moins j’ai trop tardé à le faire, et
765
Lippmann indique qu’un « Capitaine Petit » figure dans la liste d’organistes réputés à Naples d’un
manuscrit conservé à la Biblioteca dei Gerolamini de Naples (L’Esercitio De Nicolò Taglia Ferro De la
Città d’Alatro. Cantore de la Regia Cappella di Sua Maestà cattolica nel Regno de Napoli, manuscrit S.M.
XXVIII.1.66, f. 81) Voir LIPPMANN Friedrich « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi documenti »,
op. cit., p. 255.
766
Macque fait référence à un poste en Espagne, dont il est déjà question dans la première lettre.
578
encore que cet office que Votre Seigneurie a réalisé en mon nom suffit ; mais s’il vous
semble que je doive le faire à tout prix, je le ferai sans égard à ce qui pourrait advenir.
Nel resto per il dubio ch’io hebbi una volta di esser [scancelato de] 767 la amicitia di Vostra
Signoria per la contumacia nella quale pensai di essere incolso 768 per non haverli
mandato certe canzoni francese che desiderava 769 mi risolvo al presente di compiacerla di
un motetto a 3 chori che desidera però con conditione che non lo dia fuori come mio, ma
di messer Prospero nostro 770 poi che lo faro solo per compiacerla, et non per propria
elettione, atteso che [se] uscisse fuori sotto nome mio, potria essere se ben’io son servitore
de tutti, che non fusse accetto a qualcheduno che forsi mi porta qualche odio interno, onde
per evitare questo inconveniente, sarà meglio che esca sotto nome di detto messer
Prospero nostro, al quale Vostra Signoria potrà darlo, [a]ciò lo faci cantare come suo, et
s’io mene fussi trovato uno [fatto l’avrei 771 mandato con questo procaccio, ma 772
havendo a farlo lo manderò con quest’altro procaccio. Fra tanto [Vostra Signoria] mi
[farà] gratia di risalutare messer Prospero da parte mia, et dirli che se mi vuol bene, che ne
è contracambiato da me intieramente. Che sarà fine di questa pregando Iddio che conceda
a Vostra Signoria quanto saprei desiderare per me stesso. Di Napoli, alli 7 di Marzo 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
D’autre part, en ce qui concerne le doute que j’avais eu autrefois d’être déchu de l’amitié
de Votre Seigneurie à cause de l’isolement dans lequel je pensais être tombé pour ne
vous avoir pas envoyé ces chansons françaises que vous désiriez, je me décide maintenant
à vous complaire en composant pour vous le motet à trois chœurs que vous désirez, mais à
la condition que vous ne le présentiez pas comme étant le mien, mais comme celui de
767
Cette suggestion est la mienne.
Cette suggestion est la mienne.
769
desiderava : DeFord lit desiderave.
770
Cette suggestion est la mienne.
771
Cette suggestion est la mienne.
772
ma : DeFord lit me.
768
579
notre messer Prospero 773 , puisque je le fais seulement pour vous satisfaire et non de ma
propre volonté, attendu que s’il sortait sous mon nom, il se pourrait, bien que je sois le
serviteur de tous, qu’il ne fût pas bien accueilli par quelque personne qui me pourrait
porter une profonde haine. Pour éviter cet inconvénient, il sera donc mieux qu’il sorte sous
le nom dudit messer Prospero, auquel Votre Seigneurie pourra le donner afin qu’il le fasse
chanter comme étant le sien, et si j’en avais trouvé un déjà composé, je l’aurais envoyé
avec ce courrier, mais comme il me faut encore le faire, je l’enverrai par le prochain
courrier ; entre-temps Votre Seigneurie me fera la grâce de saluer de nouveau messer
Prospero de ma part, et de lui dire que s’il m’aime beaucoup, je le lui rends entièrement.
Pour finir, je prie Dieu qu’il concède à Votre Seigneurie tout ce que je saurais désirer pour
moi-même. De Naples, le 7 mars 1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
Lettre 3, 29 mars 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Non accade che Vostra Signoria mi ringratij del motetto mandatoli, poi che tengo per
obligo il servirla in tutto quello che si estendano le mie debole forze. Ben me sarà caro di
esser avisato de la riusciuta che havra fatto aciò che possi pigliar animo di farne
qualch’altro quest’altro anno.
Mi piace che messer Prospero sij riusciuto in tutta perfettione in queste compositioni di
concerti, et per che Vostra Signoria dice che ha trovato inventioni nove in questo genere di
773
Prospero Santini, compositeur et organiste, rentra dans l’Oratorio en 1592 (voir MORELLI Arnaldo, Il
tempio Armonico. Musica nell’oratorio dei Filippini in Roma (1575-1705), op. cit., p. 14-15. Summers le
range parmi les musiciens qui, tout en ne participant pas aux anthologies de la Compagnia dei musici di
Roma, firent très probablement partie de la congrégation (voir SUMMERS William J., « The compagnia dei
Musici di Roma 1584-1604: a Preliminary Repot », p. 13.
580
componere, io gli ho pregato per una mia che mi favorisca di avisarmi in che consistino 774
queste inventioni, aciò io me ne possi valere nelle occasioni che mi potessero occorrere
all’avenire. Ma se in questo 775 per modestia sua non mi volesse compiacere, di gratia
supplisca 776 Vostra Signoria al difetto suo.
Il Signor Petit gionse qua come le scrissi per l’ultima mia al quale havendo spiato in che
termine stava quel negotio di Spagna, m’ha detto che quel Organista fiamengo non era
ancora arivato in quella corte, et quasi che mi fa sospettare che dicendo lui di voler tornar
in Spagna quest’Autunno, massime per esser777 morta la sua consorte che non aspiri a quel
loco.
Ma sia come si voglia l’havermi scritto mio cugino che lui non ha fatto per me quelli boni
offitij che havria potuto fare, mi fa credere che ciò habbi fatto, forsi dubitando che andasse
a star in Spagna un che sapesse sonar meglio di lui. Et che questo sia il vero, è cosa troppo
manifesta che ovunque si siamo ritrovati 778 insieme, esso sempre ha ceduto, con dire che
non attende più alla musica, mercè del gran studio ch’io ho fatto doppoi ch’io son partito
di 779 Roma, sì come Vostra Signoria potrà vedere 780 se viene a Napoli come m’ha
accennato 781 che sperava di fare, che piacia 782 a Dio, segua presto, et che per fine 783 di
questa conceda a Vostra Signoria quanto desia. Di Napoli alli 29 di Marzo 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
774
consistino : DeFord lit consistono ; Lippmann lit consistino.
questo : Lippmann lit questa.
776
supplisca : DeFord lit supplica ; Lippmann lit supplisca.
777
esser : DeFord lit essere ; Lippmann lit esser.
778
siamo ritrovati : DeFord lit siano retrovati.
779
di : DeFord lit da.
780
vedere : DeFord lit veder ; Lippmann lit vedere.
781
accennato : DeFord lit accenato.
782
piacia : DeFord lit piaccia.
783
et che per fine : DeFord lit et per fine.
775
581
Il n’est pas nécessaire que Votre Seigneurie me remercie pour le motet que je lui ai
envoyé, car je considère comme une obligation le fait de vous servir autant que me le
permettent mes faibles forces. Il me serait bien cher d’être informé du succès qu’il aura
afin que je puisse prendre courage pour en faire quelque autre cette année.
Je suis heureux d’apprendre que messer Prospero a parfaitement réussi ces compositions
concertantes 784 et, puisque Votre Seigneurie me dit qu’il a trouvé de nouvelles inventions
pour ce genre de composition, je lui ai demandé dans une lettre de me faire la grâce de
m’informer en quoi consistent ces inventions, afin que je puisse m’en servir dans les
occasions qui pourraient se présenter à l’avenir. Mais si celui-ci, par modestie, ne voulait
me satisfaire, de grâce, que Votre Seigneurie y supplée à sa place.
Le Sieur Petit est venu ici, comme je vous l’ai écrit dans ma dernière lettre et, ayant
cherché à m’informer auprès de lui où en était l’affaire d’Espagne, il m’a dit que
l’organiste flamand n’était pas encore arrivé à cette cour, ce qui me fait presque
soupçonner que, comme il dit vouloir revenir en Espagne cet automne, et surtout comme
sa femme vient de mourir, il n’est pas véritablement intéressé par ce poste.
Mais quoi qu’il en soit, comme mon cousin m’a écrit qu’il ne m’a pas rendu les bons
offices qu’il aurait pu me rendre, je commence à croire qu’il ait pu agir ainsi dans la peur
qu’aille vivre en Espagne quelqu’un qui sache mieux jouer que lui. Que cela soit la vérité
est une chose par trop évidente car, partout où nous nous sommes retrouvés ensemble, il
s’est toujours retiré 785 en disant qu’il ne se consacrait plus beaucoup à la musique ; cela
est la récompense du grand travail que j’ai réalisé depuis que je suis parti de Rome,
comme Votre Seigneurie pourra le constater si elle vient à Naples. Puisque vous m’avez
fait allusion à votre espoir de le faire, qu’il plaise à Dieu que cela s’ensuive bientôt et, que,
pour finir, il vous concède tout ce que vous désirez. De Naples, le 29 Mars 1586
De Votre Seigneurie
784
Dans la lettre précédente, Macque promet à Norimberga de lui envoyer un motet à trois chœurs. Le terme
« compositioni di concerti » désigne ici le type de motet polychoral pratiqué à Rome. Plusieurs motets
polychorals de Macque sont conservés à Rome sous forme manuscrite, à la Biblioteca Santa Cecilia (GMss-792-795) et à la Biblioteca Nazionale (MSS-Musicali 117-121).
785
J’ai traduit « esso sempre ha ceduto » par « il s’est toujours retiré », ce qui sous-entend que le Capitaine
Petit a toujours refusé la confrontation musicale avec Macque. Il est possible que le compositeur voulait dire
« il s’est toujours montré inférieur ».
582
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
583
Lettre 4 : 7 juin 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Col procaccio passato hebbi la letterina di Vostra Signoria per la quale intesi il suo salvo
arivo costì, che mio Signor ne sia laudato,
et poiché hormai sarà sfacendata che sarano finite le visite del Signor Camillo et sì ancora
per essere fuora de l’offitio della Santissima Trinita, spererò che mi scriverà più a longo
del suo solito, sì come gliene prego con ogni caldezza, però con sua 786 comodita.
Fra tanto mi farà gratia di emendare quell’errore ch’io le dissi alle sua787 partenza alli miei
libri a 4 cioè alla sestina nel principio, et ove dice prima stanza et seconda stanza per fare
che dichi prima parte et seconda parte, et così tutte le altre sino alla sesta et ultima parte,
perdonandomi il fastidio del quale le resterò obligatissimo in eterno.
Non ho potuto ancora mandare le lettere 788 dedicatorie però spero mandarle con
quest’altro procaccio, et alhora Vostra Signoria mi farà gratia di farle scrivere sì come
gliene pregai già et perché ho risoluto di far stampare costì li Ricercari dal fratello del
Gardano Vostra Signoria potrà darli al Signor Prospero nostro ad’ogni sua 789 requisitione
poi che lui ha già fatto il patto con detto Gardano, et a questo efetto ho mandato con
questo procaccio una lettera di Cambio a detto Signor Prospero di vinticinque scudi d’oro
in oro che li sarano 790 pagati da Battista d’Arcangelo Cavalcanti, che sta com’io credo in
casa di Bernardo Olgiati 791 . Onde alla ricevuta di questa, Vostra Signoria mi farà favore di
informarsi da esso se ha ricevuto detta lettera acioché se per disgratia si fusse smarrita
come già sene sono smarrite parechie di Vostra Signoria per il passato, possi avisare
subito detto mercante che non paghi deti 792 denari a nissuno, et se per sorte 793 con detti
786
sua : DeFord lit sue.
Macque a corrigé sue en sua , sans cependant corriger alle en alla.
788
lettere : Lippmann lit tre.
789
sua : DeFord lit sue.
790
sarano : DeFord lit saranno.
791
Olgiati : DeFord lit Giato , Lippmann Olgiati.
792
deti : DeFord lit detti.
787
584
denari mancasse qualche mezzo 794 scudo d’oro per complimento del pagamento di quella
stampa di Roma et di quella di Venetia, mi 795 farà gratia di pagarlo al detto Signor
Prospero, et reimborzarsene poi da quello che caverà di quella mia guarnitione di spada e
pugnale.
Che sarà fine di questa con le duplicate racommandationi del Signor Hettore nostro il
quale essendo tornato hieri da Bozuolo non se siamo 796 visto ancora se non alla sfugita.
Però domani saremo insieme et forsi che anderemo dalla parente, la quale bacierò una
volta per amor di Vostra Signoria, si come mi sarà caro che lei baci una volta per amor
mio la Signora Bella
797
. Di Napoli allo 7 di giugno 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et fratello
Giovanni de Macque
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Dans le courrier précédent, j’ai eu la petite lettre de Votre Seigneurie, grâce à laquelle j’ai
compris que vous étiez arrivé à Rome sain et sauf. Que notre Seigneur en soit loué ! Et
comme vous serez désormais libre, puisque les visites du Seigneur Camillo vont finir et
aussi parce que vous allez être hors de l’office de la Santissima Trinità 798 , j’espère que
vous m’écrirez plus longuement que d’habitude, ce dont je vous prie avec grande chaleur,
mais selon vos possibilités.
Entre autres choses, me feriez-vous la grâce de corriger les erreurs dont je vous parlais à
votre départ à propos de mon livre à quatre voix, en remplaçant, dans la sextine du début,
« première strophe » et « deuxième strophe », par « première partie » et « deuxième
793
sorte : DeFord lit sorta.
mezzo : DeFord lit pezzo.
795
mi : DeFord lit me.
796
se siamo : DeFord lit abiamo.
797
Le nom de la dame est remplacé par ce signe.
798
Voir note 885.
794
585
partie », et ainsi de suite jusqu’à la sixième et dernière partie, en m’excusant pour ce
dérangement dont je vous serai éternellement reconnaissant 799 .
Je n’ai pas encore pu envoyer les lettres dédicatoires, mais j’espère le faire avec le
prochain courrier ; Votre Seigneurie me rendrait alors un grand service en les faisant écrire
comme je vous l’ai déjà demandé. Comme j’ai résolu de faire imprimer à Rome les
ricercares par le frère de Gardano 800 , Votre Seigneurie pourra alors les donner à notre
Sieur Prospero dès qu’il vous le demandera car il a déjà conclu le contrat avec ledit
Gardano. C’est à cet effet que j’ai envoyé avec ce courrier une lettre de change de vingtcinq écus d’or au Sieur Prospero, qui lui seront payés par Battista d’Arcangelo Cavalcanti
qui, je crois, vit chez Bernardo Olgiati. En recevant la présente, de grâce, que Votre
Seigneurie lui demande s’il a déjà reçu cette lettre afin que si, par malchance, elle s’était
perdue comme se sont déjà perdues plusieurs des vôtres par le passé 801 , je puisse avertir
tout de suite ce marchand qu’il ne paie cet argent à personne d’autre. Et si jamais il devait
manquer à cette somme quelques demi-écus d’or en complément du payement de ces
imprimés de Rome et de Venise, de grâce, payez les au Sieur Prospero, et remboursezvous ensuite de ce vous obtiendrez de mon équipement d’épées et de poignards.
Je mets fin à la présente avec les doubles recommandations de notre Sieur Hettore 802 , que
nous n’avons vu encore qu’à la va-vite car il vient à peine de rentrer hier de Bozuolo.
Mais demain nous serons ensemble et peut-être irons-nous chez la parente, que
j’embrasserai une fois par amour de Votre Seigneurie, comme il me serait cher que vous
embrassiez une fois la Belle Dame
par amour de moi 803 . De Naples, le 7 juin 1586
De Votre Seigneurie
799
Il s’agit évidemment de la sextine Là ver’ l’aurora de Pétrarque, qui ouvre le Primo libro de madrigali a
quattro voci de 1586. L’erreur signalée par Macque a été corrigée.
800
Alessandro Gardano, qui tint un atelier d’imprimerie à Rome de 1583 à 1591.
801
Ces pertes ont déjà été évoquées dans la lettre du 31 janvier.
802
Hettore Gisorieri, dont le nom complet apparaît dans les lettres successives, s’occupera du courrier de
Macque lorsque ce dernier partira pour les terres de Gesualdo.
803
Macque reste plutôt elliptique lorsqu’il évoque des figures féminines. Le signe
semble ici employé
pour éviter d’écrire en toutes lettres le nom de cette « belle dame ». On peut peut-être déduire du contexte
que « la parente » du début de la phrase, dont il sera de nouveau question dans les deux lettres suivantes, fait
partie de la famille de Hettore Chesorieri. Le ton plutôt frivole qu’emploie le compositeur dans la lettre du
28 juin 1586 laisse cependant penser qu’il s’agirait plutôt là d’une courtisane.
586
Serviteur et frère
Giovanni de Macque
Lettre 5 : 14 juin 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Poi che Vostra Signoria si va servendo della licenza ch’io li diedi intorno al scrivere,
almeno si ricordi della promessa che mi fece, che mi scriverebbe sempre il foglio intiero,
al che mancando, rivocarò il tutto, giudicando esser meglio haver lettere sue spesso,
benché succinte, che haverne sì di raro et così brevi, pur facia lei ch’io non desidero altro
che la sua comodita.
Ho ricevuto la lettera di Spagna et visto quanto mi scrive mio cugino, et poi che, sì come
dice Vostra Signoria, io mi ritrovo 804 al presente a tale, ch’io non ho bisogno di quel
partito, si può tolerare il tutto facilmente, et a ponto ci ho risposto con questa medesma
clausula.
Mando qui incluse le due lettere dedicatorie per mettere nelli miei libri di Madrigali ché
quella 805 delle Ricercate l’ho mandata 806 al Signor Prospero nostro. Onde Vostra Signoria
mi farà gratia di farle scrivere cioè quella per diretta all’Illustrissimo Signor Don Cesare
D’Avalos a un libro di quelli a cinque voci et l’altra diretta al Signor Marchese di Lauro
a un libro di quelli a quattro voci. Ma per cortesia che sieno scritte politamente, et ogni
cosa disteso come sta nelle copie mie con tutti li medesmi ponti senza far niuna sorte di
abbreviationi, perché così vogliono esser in stampa et quando detto Signor Prospero
vorrà detti libri per mandarli in Venetia, Di gratia Vostra Signoria cegli dij sì come le ho
scritto per l’ultima mia, alla quale referendomi farò fine baciando le mani di Vostra
Signoria alla quale mi raccomando con tutto il cuore. Di Napoli alli 14 di Giugno 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
804
ritrovo : DeFord lit ritorno ; Lippmann lit ritrovo
quella : DeFord lit quello
806
mandata : DeFord lit mandato
805
587
Giovanni de Macque
en bas de la page
Per cortesia Vostra Signoria avertisca che non si facia alcuno errore nel scrivere dette
lettere et particolarmente nell’intitulatione loro; et in somma che sieno scritte a punto a
punto come le mie, perché questa gente è tanto sofistica, che fa caso di una minima lettera
o ponto.
à gauche de la page
Hettore Gisorieri 807 servitore affetionatissimo di Vostra Signoria le bascia le mani, et in
memoria de la sua venuta in Casa della parente di lui, sempre che la va a visitare,
l’abbraccia et bascia teneramente.
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Puisque Votre Seigneurie use de la liberté que je lui ai donnée à propos de notre
correspondance, souvenez-vous au moins de la promesse que vous me fîtes de m’écrire
toujours une feuille entière ; mais comme vous manquez à celle-ci, je retire tout ce que j’ai
dit, jugeant qu’il vaut mieux avoir de vos lettres souvent, même si elles sont succinctes,
qu’en avoir aussi rarement, et d’aussi courtes ; je ne souhaite cependant que ce qui vous
convient.
J’ai bien reçu la lettre d’Espagne et, vu ce que m’écrit mon cousin, et puisque, comme le
dit Votre Seigneurie, je me trouve au jour présent dans une situation telle que je n’ai pas
besoin de ce poste, il est facile de supporter tout cela, et c’est précisément ainsi que j’ai
répondu 808 .
807
DeFord lit Gisoriere, Lippmann Chesorieri.
Dans la lettre du 31 janvier 1585, Macque avait demandé à Norimberghi de s’enquérir de cette lettre
venue d’Espagne.
808
588
Je joins ici les deux lettres dédicatoires des livres de madrigaux. J’ai envoyé celle des
Ricercate à notre Sieur Prospero. De grâce, que Votre Seigneurie les fasse écrire ainsi :
celle adressée à l’Illustrissime Don Cesare D’Avalos est pour un de ces livres à cinq voix
et celle adressée au Seigneur Marquis de Lauro pour un de ces livres à quatre voix. Mais,
je vous en prie, qu’elles soient écrites élégamment, et rédigées comme dans ma version,
avec tous les mêmes points sans faire aucune sorte d’abréviation, car elles doivent être
imprimées ainsi. Et quand ledit Sieur Prospero voudra lesdits livres pour les envoyer à
Venise, de grâce, que Votre Seigneurie les lui donne, comme je vous l’ai écrit dans ma
dernière lettre, à laquelle, pour finir, je me réfère et baise les mains de Votre Seigneurie, à
qui je me recommande de tout mon cœur. De Naples, le 14 juin 1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
en bas de la page
S’il vous plaît, que Votre Seigneurie veille à ce que ne soit faite aucune erreur en écrivant
lesdites lettres, et particulièrement dans leur intitulé ; en somme, qu’elles soient écrites
point à point comme les miennes, car ces gens-là sont si sophistiqués qu’ils font attention
à la moindre lettre ou au moindre point.
à gauche de la page
Hettore Gisorieri, le serviteur très affectionné de Votre Seigneurie, vous baise les mains
et, en souvenir de sa visite à la parente, qu’il va voir très souvent, il vous embrasse et vous
baise tendrement.
Lettre 6 : 28 juin 1586
589
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Vostra Signoria mi ha fatto il magior piacer del mondo a scrivermi così alla libera il parer
suo intorno alla lettera dedicatoria delle mie Ricercate, et gline ho obligo infinito, benché
mi saria stato caro oltra modo d’intendere se lei l’ha mostrata a persone intelligenti 809 nel
scrivere, o pur se questo è stato solo il parer suo et del Signor Prospero nostro al quale ho
risposto a longo sopra 810 questo particolare, et questo solamente per il dubio ch’io ho che
Vostra Signoria sia fuor di Roma, essendo solito di quando in quando andare alla Cisterna
o a Sermonetta con quelli Signori Illustrissimi. Onde lei potrà farsi mostrare la lettera che
li scrivo, per la quale in conclusione lo prego et Vostra Signoria insieme insieme che mi
favorischino di mostrarla al Signor Peranda et al Signor Giulio Cesare secretari di
Monsignor Illustrissimo Gaetano o, a qualche altra persona intelligente in questa
professione, aciò che se non gli pare che possi stare a martello, Vostra Signoria, o detto
Signor Prospero melo possino avisare, aciò io possi farne fare un’altra. Benché se lei mi
havesse favorito di mandarmi quelle doe che mi scrive di dovermi mandare, mi sariano
state più che carissime, et certo ch’io mi sono maravigliato che lei non meli ha mandato, et
più me ne maravigliarei s’io non pensassi che non le ha forsi potuto haver a tempo et che
mele mandera con quest’altro procaccio. Ma se per sorte non mele ha ancora mandate alla
ricevuta di questa, et che quelli Signori Secretatij sieno di parere che la mia non possi stare
a botta di martello, per cortersia Vostra Signoria mi favorisca di mandarmi queste doe che
mi ha promesse aciò ch’io possi elegermene una, et tanto più ch’io spero che detto Signor
Prospero nostro farà in modo che il stampatore si contenterà di soprasedere la stampa del
primo foglio sin che ritorni detta lettera a Roma. Il che è quanto mi 811 occorre di scrivere a
Vostra Signoria intorno a questo particolare.
809
intelligenti : DeFord lit intelligente
longo sopra : DeFord lit longo. Sopra
811
mi : DeFord lit me
810
590
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Votre Seigneurie m’a rendu le plus grand service du monde en m’écrivant aussi librement
son avis sur la dédicace de mes ricercares et je vous en suis infiniment obligé 812 .
Cependant, il m’eût été extrêmement précieux de savoir si vous l’avez montrée à des
personnes qui s’y connaissent en écriture, ou bien si cela n’était que votre avis et celui de
notre Sieur Prospero, à qui j’ai répondu longuement à ce propos, mais seulement car que
je craignais que Votre Seigneurie ne soit partie de Rome, comme vous avez l’habitude
d’aller de temps en temps à Cisterna ou à Sermonetta avec ces Illustrissimes Seigneurs 813 .
Vous pourrez donc lui demander de vous montrer la lettre que je lui ai écrite, dans laquelle
je lui demande en conclusion, ainsi qu’à Votre Seigneurie, de me faire ensemble la grâce
de la montrer au Sieur Peranda 814 et au Sieur Giulio Cesare, secrétaires de l’Illustrissime
Monseigneur Gaetano ou à quelque autre personne qui s’y connaît en la matière, afin que
s’il leur semble qu’elle ne peut passer ainsi sous presse, que Votre Seigneurie, ou bien
ledit Sieur Prospero, m’en avise afin que je puisse en faire faire une autre. Cependant, si
vous m’aviez fait la grâce de m’envoyer ces deux lettres que vous dîtes devoir m’envoyer
dans votre courrier, celles-ci m’auraient été fort précieuses. J’étais évidemment étonné de
ne point les y trouver, et j’en serais encore plus étonné si je n’avais pensé que vous n’avez
peut-être pas réussi à les avoir à temps et que vous me les enverrez par le prochain
courrier. Mais si jamais vous ne les avez pas encore envoyées à la réception de la présente
et que ces Seigneurs Secrétaires considèrent que la mienne ne peut passer ainsi sous
presse, de grâce, que Votre Seigneurie m’envoie les deux lettres que vous m’avez
promises afin que je puisse en choisir une, d’autant plus qu’il me faut espérer que ledit
Sieur Prospero réussira à faire en sorte que l’imprimeur consente à surseoir à l’impression
812
La lettre de dédicace rédigée par Macque (ou par un tiers) a été conservée. Voir infra, p. 629.
Sermoneta, fief des Caetano et duché à partir de 1586, se trouve à une cinquantaine de kilomètres au sudest de Rome. Le château des Caetani y existe encore. Cisterna di Latina est à mi-chemin entre Rome et
Sermonetta.
814
Francesco Peranda fut le secrétaire de la famille Caetani de 1566 à sa mort. Voir CAETANI Gelasio,
Domus Caietana. Storia documentata della famiglia Caetani, vol. 2, op. cit., p. 102.
813
591
de la première page jusqu’à ce que ladite lettre s’en retourne à Rome. Cela est tout ce dont
j’avais besoin d’écrire à Votre Seigneurie sur ce détail.
592
La ringratio delli denari che ha dato a detto Signor Prospero nostro a compimento di
quanto li mancava per pagamento di detta stampa, delli quali potrà reimborzarsene da
quello che si caverà del fornimento di spada et pugnale et se lei haverà fatica a smaltirlo
per via di spadari, se potesse far nascere occasione di farlo rifare da quelli gentilhomini 815
di casa, non saria se non bene però mi rimetto in tutto a quello che li parerà più espediente.
Che sarà fine di questa con le reduplicate racomandationi del Signor Hettorre nostro et
della Signora parente la quale è piu bella che mai, et di tal sorte che potria essere ch’io
m’apparentasse un giorno con lei da dovero, però per una volta sola perciò ch’io ne ho
delle altre assai più belle di lei per continuar l’amicitia sin tanto che il Signor Iddio
m’inspirerà di acasarmi al quale prego che conceda a Vostra Signoria quanto desidera. Di
Napoli alli 28 di Giugno 1586.
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
en bas à gauche de la page
avertisca Vostra Signoria se mi manda quelle doe lettere che mi ha promesse che è
necessario che in quelle si faccia qualche mentione delle tre ricercate di quel Signore che
sono stampate con le mie, per che altrimente non mi pare che haveriano gratia.
815
gentilhomini : DeFord lit gentilhuomini ; Lippmann lit gentilhomini
593
Je vous remercie de l’argent que vous avez donné audit Sieur Prospero pour compléter ce
qui manquait au payement de ladite impression, duquel vous pourrez vous rembourser de
ce qui l’on tirera de mon équipement d’épées et de poignards 816 . Si vous avez du mal à
l’écouler par la voie des armuriers, essayez de le faire faire par les gentilshommes de la
maison ; l’idée ne me semble pas du tout mauvaise, mais je m’en remets complètement à
vous pour trouver la solution la plus efficace.
Je mets fin à la présente avec les doubles recommandations de notre Sieur Hettore et de
Madame la parente, qui est plus belle que jamais, de telle sorte qu’il se pourrait bien que
je me lie vraiment un jour avec elle, mais seulement pour une fois, car j’en connais des
bien plus belles encore avec qui j’aimerais continuer l’amitié jusqu’au moment où le
Seigneur Dieu m’inspirera de me marier. Je prie qu’il concède à Votre Seigneurie tout ce
qu’elle désire. De Naples, le 28 juin 1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
en bas de la page
Que Votre Seigneurie se rappelle bien, si vous m’envoyez les deux lettres que vous
m’avez promises, qu’il est nécessaire d’y faire mention des trois ricercares de ce Seigneur
imprimés avec les miens sans quoi il me semble qu’elles ne trouveront point grâce.
816
Macque fait référence à ce payement dans la lettre du 7 juin 1586.
594
Lettre 7 : 12 juillet 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Già che per disgratia Vostra Signoria non mi ha potuto sin hora mandare quella lettera
dedicatoria fatta dal Signor Peranda, spererò pur che l’haverò quest’altra settimana
infallibilmente, et mi sarà carissimo oltra misura aciò io possi resolvermi quale si debba
stampare, benché credo al sicuro che sarà questa di detto Signor Peranda, poi che venendo
da perzona 817 tale, non ci sarà ponto che dire. Mi meraviglio assai de l’ombra che Vostra
Signoria ha preso ch’io non habbi accettato in bona parte il parer suo della lettera mia, poi
che se lei si ricorda, troverà ch’io gliene ho ringratiato infinitamente con dire che in ciò mi
ha fatto il magior piacer del mondo, et così gli affermo di novo per il che non accade dire
altro.
Signor mio caro, il Principe mio Signor partirà 818 fra 3 o 4 giorni per andare al suo stato et
io con lui, onde le lettere che Vostra Signoria mi favorirà 819 di scrivermi all’avenire mi
farà gratia di inviarle a Napoli dirette con una coperta al Signor Gioseppe Piloni, che per
essere mio amicissimo, procurerà di riceverle et invarmele ovunque mi ritrovero.
Circa poi la stampa delli miei libri ne scrivo a longo al Signor Prospero nostro, dal quale
se Vostra Signoria sarà ricercata di qualche denari per il porto di essi, o, altre cose, mi farà
favore di darglieli reimborzandosi poi da quello che caverà del fornimento della mia spada
et pugnale, et se questo non bastasse, le farò subito pagare il restante.
Nel resto Signor mio dolcissimo Vostra Signoria mi perdoni se scrivo tanto il fretta, et sia
certo che l’ho indovinato a scrivere questa matina al detto Signor Prospero nostro poi che
s’io havessi indugiato sin’hora non saria stato possibile, perciò che sono passate già doe
hore di notte, mercè di questo bell’humore del Duca di Traietta, il quale è venuto a casa
nostra subito subito dopoi disnare et vi è stato sino alla sera, onde non ho fatto altro tutto
817
perzona : Lippmann lit persona.
Lippmann lit partira ; DeFord lit partiva.
819
favorirà : DeFord lit favorisca ; Lippmann lit favorirà.
818
595
hoggi che cantare et sonare, sì che per gratia Vostra Signoria mi perdoni et mi vogli bene
come ne voglio a lei. Di Napoli alli 12 di luglio 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
en bas de la page
Scrivo al Signor Prospero nostro che mi mandi questi libri miei per mare diretti al Signor
Hettore nostro, et per che Vostra Signoria sa già come si ha da fare per il cimbalo che mi
mandò, di gratia Vostra Signoria l’agiuti un poco, et l’avisi come ha da fare.
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Puisque Votre Seigneurie n’a malheureusement pas pu encore m’envoyer la lettre
dédicatoire du Sieur Peranda, j’espère tout de même l’avoir sans faute cette semaine.
Celle-ci me sera extrêmement précieuse pour pouvoir décider quelle lettre imprimer, bien
qu’il ne fasse aucun doute qu’il s’agira de celle dudit Sieur Peranda. Venant d’une
personne telle, il ne saurait en effet rien y avoir à redire. Je m’étonne beaucoup que Votre
Seigneurie ait pris ombrage de ce que je n’aie pas accepté de bonne grâce son avis sur ma
lettre. Souvenez-vous, je vous en ai remercié infiniment en disant que vous m’aviez rendu
là le plus grand service du monde, ce que j’affirme de nouveau car je ne puis dire autre
chose.
Mon cher Seigneur, mon Seigneur Prince 820 partira dans trois ou quatre jours pour ses
terres, et moi avec lui ; par conséquent, les lettres que Votre Seigneurie me fera l’honneur
de m’écrire à l’avenir, de grâce, envoyez-les à Naples en les adressant au Sieur Gioseppe
820
Carlo Gesualdo, dont il sera question dans les lettres successives.
596
Piloni 821 qui, étant un très bon ami à moi, s’occupera de les recevoir et de me les envoyer
où que je me trouve.
J’ai écrit longuement à notre Sieur Prospero à propos de l’impression de mes livres. S’il
vous demande quelque argent pour le port ou pour autre chose, merci de le lui rembourser
avec ce que vous tirerez de la vente de mon équipement d’épées et de poignards et, si cela
ne devait suffire, je vous ferai payer immédiatement le reste.
D’autre part, mon très doux Seigneur, que Votre Seigneurie me pardonne si je vous écris
si rapidement, et soyez sûr que j’ai bien fait d’écrire ce matin audit Sieur Prospero, car si
j’avais tardé jusqu’à maintenant, cela m’aurait été alors impossible. Il est en effet déjà plus
de deux heures du matin en raison de la bonne humeur du Duc de Traietta 822 , qui est venu
chez nous juste après le déjeuner et est resté jusqu’au soir ; je n’ai donc aujourd’hui rien
fait d’autre que chanter et jouer, de sorte que Votre Seigneurie me pardonne et m’aime
autant que je l’aime. De Naples, le 12 juillet 1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
en bas de la page
J’écris au Sieur Prospero qu’il m’envoie les livres par la mer 823 , adressés au Sieur Hettore,
et, puisque Votre Seigneurie sait déjà comment il faut faire, grâce au clavecin que vous
m’envoyâtes, de grâce, aidez-le un peu, et informez-le sur la manière de procéder.
821
Gioseppe Pilonij signa la première impression du Secondo libro de madrigali a cinque voci de Gesualdo,
qui sortit sous un faux nom.
822
Sur le duc de Traetto, voir le premier volume de la thèse.
823
Les exemplaire des Ricercate et canzoni francese a quattro voci, imprimées à Rome chez Gardano.
597
Lettre 8 : 30 juillet 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Ho finalmente ricevuto la tanta desiata 824 lettera dedicatoria dal Signor Peranda, la quale a
giuditio mio è bellissima, et ho scritto al Signor Prospero nostro che si stampi, se pur non
è stampata a quest’hora. Ma per parlar libero con Vostra Signoria se per sorte non fusse
ancora stampata, havei sic molto caro per satisfation mia, che detto Signor Peranda ci
mutasse una cosa che non molto mi aggrada, per che ove dice che, «non già perch’io non
sia certo, che ella non desidera laude da cose simili con tutto che essa apparisca
l’eccelenza del suo ingegno», parmi ch’io voglia inferire che detto Signor Don Carlo
disprezzi la Musica et che non sia per compiacersi che quest’opere sue sieno laudate, il
che è molto alieno da questo signore, poi che oltra che è gran amatore di questa scienza, è
riuscito tanto perfetto in essa, che nel sonare di liuto et nel componere ha pochi pari per il
che mi saria di sommo contento che a contemplatione di Vostra Signoria detto Signor
Peranda cambiasse queste parole, et che laudasse un poco più queste tre ricercate di detto
signore et similmente la perfetta cognitione che ha di questa virtù. Ma sia il tutto detto con
sopportatione 825 , che se al detto Signor Peranda pare che stia bene così, et che il non
desiderare il Signor Don Carlo Gesualdo laude di queste sue compositioni si possa
attribuire alla Sua modestia, di gratia non muti cosa alcuna, et sia come si voglia, o, in
questo modo o nell’altro che restasse servito di accomodarla, facia Vostra Signoria per
cortesie con nostro 826 Signor Prospero che si stampi quanto prima, aciò che il stampatore
non perda tempo.
Nel resto Signor mio dolcissimo io me ne sto qua fuora alegramente spendendo la magior
parte del tempo a studiare sonando, componendo et legendo, siché li giorni passono ch’io
non me ne n’aveggo, et tanto più per le solite amorevolezze ch’io ricevo giornalmente dal
Signor Principe mio padrone.
824
desiata : DeFord lit desiderata ; Lippmann lit desiata
sopportatione : Lippmann lit sopportitione
826
Lippmann lit nostro Signor Prospero. DeFord lit Signor Prospero.
825
598
Vostra Signoria non manchi per gratia di farmi degno talhora delle sue lettere,
indirizzandole a Napoli al Signor Gioseppe Piloni, o, pur al Signor Hettore nostro, dal
quale mi saranno poi mandate sicuramente. Che sarà fine di questa baciando le mani di
Vostra Signoria pregandola da Dio ogni desiato contento. Di Napoli alli 30 di luglio 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
599
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
J’ai finalement reçu la lettre dédicatoire du Sieur Peranda que j’attendais tant, laquelle, à
mon sens, est très belle et j’ai écrit à notre Sieur Prospero qu’on l’imprime, si jamais elle
n’était pas encore imprimée à cette heure827 . Mais pour parler librement avec Votre
Seigneurie, si jamais elle n’était pas encore imprimée, il me serait précieux que, pour me
satisfaire complètement, ledit Sieur Peranda y changeât une chose qui ne me plaît pas
beaucoup. En effet, lorsqu’il est dit « non parce que je pense que vous désirez être loué
pour de semblables choses, même si celles-ci démontrent clairement l’excellence de votre
talent » 828 , il me semble que cela insinue que ledit Seigneur Don Carlo Gesualdo méprise
la Musique et qu’il lui déplaise que ces œuvres soient louées, ce qui est complètement
étranger à ce seigneur qui, en plus d’être un grand amateur de cette science, la maîtrise si
parfaitement qu’il a peu d’égaux, tant pour jouer du luth que pour composer. C’est
pourquoi je serais extrêmement content, si Votre Seigneurie le juge nécessaire, que ledit
Peranda y changeât ces quelques mots, et qu’il louât un peu plus les trois ricercares de ce
Seigneur, ainsi que la parfaite connaissance qu’il a de cette vertu 829 . Mais je dis tout cela
en m’en excusant d’avance, et s’il semble au Sieur Peranda que tout va très bien ainsi, et
que la modestie du Seigneur Don Carlo Gesualdo puisse expliquer qu’il ne désire pas de
louanges de ces compositions, de grâce, ne changez rien. Et quoi qu’il en soit, dans cette
version ou dans l’autre – qu’il reste libre d’arranger à sa convenance –faites en sorte, avec
le Sieur Peranda, que le tout soit imprimé au plus vite afin que l’imprimeur ne perde pas
de temps.
D’autre part, mon très doux Seigneur, je me trouve très bien ici hors de Naples, car je
passe la plus grande partie de mon temps à étudier, jouant de la musique, composant et
lisant, si bien que les jours passent sans que je ne m’en rende compte, et ceci d’autant plus
827
La lettre de dédicace de Peranda a été conservée (voir infra, p. 629).
Macque fait référence à trois ricercares de Gesualdo imprimés dans ses Ricercate et Canzoni Francese a
quattro voci (Roma, Alessandro Guardano, 1586) et cite les mots de la dédicace de Peranda.
829
J’ai conservé ici le terme vertu, qui était encore synonyme d’art dans l’Italie de la fin du XVIe siècle.
828
600
grâce aux bontés quotidiennes que j’ai l’habitude de recevoir du Seigneur Prince, mon
maître 830 .
De grâce, que Votre Seigneurie ne manque pas de me m’honorer de temps en temps de ses
lettres, en les adressant au Sieur Gioseppe Piloni, ou bien à notre Sieur Hettore, qui me les
enverra sans faute. Pour finir, je baise les mains de Votre Seigneurie, en priant Dieu qu’il
contente tous vos désirs. De Naples 831 , le 30 juillet 1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
830
Carlo Gesualdo.
Macque ne peut se trouver à Naples (il dit en effet être hors de cette ville dans l’avant-dernier
paragraphe), mais probablement à Gesualdo, d’où est signée la lettre suivante.
831
601
Lettre 9 : 4 septembre 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Credo certo che le occupationi di Vostra Signoria sieno grande, ma credo ancora che
l’affetione che mi porta è grandissima, onde dovria star di sopra, et se pur non ha tempo di
scrivermi ogni procaccio, almeno una volta il mese dovria consolarmi, sì come spero che
farà, partito che sarà Monsignor Illustrissimo per Bologna 832 et il Signor Honorato per
Spagna et il Signor Pietro 833 per fiandra, et così gliene prego quanto pregar posso, poi che
rimanendo il Signor Camillo solo, credo che farà una vita conforme alla natura sua,
quietissima, onde spero che Vostra Signoria havrà quanto tempo vorrà per compiacermi,
et starò aspettando con desiderio ne segua l’efetto conforme al desiderio mio.
Ho ricevuto la settimana passata una lettera di spagna di mio cugino, mandatami dal
Signor Hettore nostro al quale è stata indirizzata, per la quale mi scrive che è risurto di
novo quello negotio che Vostra Signoria sa per haver ricusato di venire colui ch’era stato
chiamato di fiandra per quel servitio. Onde gli ho risposto liberamente che vegga di non
imbarcarsi in modo che non possi poi sbarcarsi con honore suo, et che se pure vuole
trattare di novo questo negotio lo faci come da sé, senza che paia che ne sappi l’animo mio
aciò che sucedendo 834 in questo mentre, qualche cosa, come facilmente potria avenire, per
la quale io ricusassi di andar a quel servitio, esso habbi largo campo di potersi scusare.
Nel resto Signor mio Caro io mene sto qua al solito allegramente 835 con le solite
amorevolezze del Signor Principe mio Signor, et vo perseverando tuttavia in bonissima
832
Lippmann lit Bologna ; DeFord lit Cologna.
Le cardinal Enrico Caetani (1550-1599) était légat à Bologne (voir DE CARO G., « Caetani, Enrico »,
Dizionazio biografico degli italiani, op. cit., vol. XVI, p. 149). Onorato Caetani (1542-1592) fut fait duc par
le pape Sixte V en le 23 octobre 1586. Macque fait probablement référence au séjour à Madrid qu’il réalisa
juste après, en janvier 1587, pour renforcer ses relations avec Philippe II (voir DE CARO Gaspare, « Caetani,
Onorato», Dizionazio biografico degli italiani, op. cit., vol. XVI, p. 207). Pietro Caetani (1552-1614), le fils
d’Onorato Caetani, fit son service militaire en Flandre, d’où il ne rentra qu’en 1592 (voir RAFFAELI
CAMMAROTA Marina, « Caetani, Pietro», Dizionazio biografico degli italiani, op. cit., vol. XVI, p. 217).
834
sucedendo : Lippmann lit succedendo.
835
allegramente : Lippmann lit allegrissimamente.
833
602
prosperità, che dio ne sia lodato, al quale per fine di questo prego 836 che conceda a Vostra
Signoria quanto saprei desiderare per me stesso. Di Gesualdo alli 4 di settembre 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
en bas de la page
mi farà gratia di farmi intendere se ha fatto ancora essito di quelli guarnimenti di spada et
pugnale
Très Magnifique Seigneur et Frère très respecté
Je suis absolument convaincu que les occupations de Votre Seigneurie sont grandes, mais
je crois aussi que l’affection que vous me portez est très grande et devrait donc primer et,
même si vous n’avez pas le temps de m’écrire à tous les courriers, une lettre par mois
devrait me consoler. J’espère bien que vous le ferez, maintenant que sont partis
Monseigneur Illustrissime pour Bologne, le Seigneur Honorato pour l’Espagne et le
Seigneur Pietro pour les Flandres. Je vous en prie autant que je le puis et, comme il ne
reste avec vous que le Seigneur Camillo, je crois que Votre Seigneurie mènera une vie très
calme conforme à sa nature, c’est pourquoi j’espère que Votre Seigneurie aura tout le
temps qu’elle voudra pour me satisfaire, et j’attendrai impatiemment que mon désir soit
réalisé.
J’ai reçu la semaine dernière une lettre d’Espagne de mon cousin, envoyée par notre Sieur
Hettore à qui elle avait été adressée, dans laquelle il m’écrit qu’est réapparue de nouveau
l’affaire que Votre Seigneurie sait 837 , car celui qui avait été appelé des Flandres pour ce
poste s’est refusé à venir. Ce à quoi je lui ai répondu librement qu’il veille à ne pas
836
837
questo : peut-être questa.
Macque fait allusion au poste en Espagne dont il a été question dans les premières lettres.
603
s’embarquer dans cette affaire au point de ne plus pouvoir s’en sortir honorablement, et
que s’il veut tout de même essayer de renégocier, qu’il le fasse comme si cela venait de
lui, sans sembler connaître mon avis sur la question, afin que s’il arrivait quelque chose
entre temps, comme cela pourrait facilement se produire, qui me fasse refuser ce poste, il
ait le champ libre de s’excuser.
D’autre part, mon cher Seigneur, je me trouve, comme d’habitude, très bien ici, grâce aux
attentions quotidiennes du Seigneur Prince mon Seigneur, et je continue à jouir d’une
grande prospérité. Que Dieu en soit loué, à qui, pour finir, je prie de concéder à Votre
Seigneurie tout ce que je saurais désirer pour moi-même. De Gesualdo, le 4 septembre
1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
en bas de la page
De grâce, si vous avez déjà réussi à écouler mon équipement d’épées et de poignards,
tenez-en moi au courant.
Lettre 10 : 13 novembre 1586
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Con infinito dispiacere ho inteso la indispositione di Vostra Signoria, essendomi la Sua
salute cara al par della mia istessa, ma poi che era già convalescente, spero in Dio che
haverà già del tutto riaquistato la pristina sanità, il che mi sarà di grandissima consolatione
di poter intendere, et piacia a Dio segua presto.
604
Ho ricevuto dal 838 Signor Prospero nostro il compimento delle mie ricercate et per gratia
Vostra Signoria non si pigli più basca alcuna per quella lettera dedicatoria, poi che quanto
piu la leggo et rileggo, tanto più mi par bella, et priva di ogni afettatione.
Ho inteso con mio gran dispiacer la morte del Pervue, che sia in gloria, et con piacer che il
Soriano habbi havuto il loco suo et se qualche altre novità seguirà fra quelli virtuosi,
Vostra Signoria mi farà sommo piacer di farmela intendere, et per essere mancato al
Signor Locatello nostro, il Cardinale San Sisto suo padrone, per gratia avisami con chi si
tratiene al presente.
Circa quelli guarnimenti, già che quelli spadari fanno al presente si poche facende,
converrà a spettare qualche occasione per smeltirli 839 la quale presentandosi so che lei non
la lascierà perdere.
Nel resto Signor mio io mene sto qui tuttavia allegramente 840 sano et gagliardo per gratia
de Dio, et attendo a avanzare quanto più posso, per potermi finalmente ritirare a godere
quell’Alma città di Roma, che piaccia a sua 841 divina Maiestà far nascere qualche
occasione, acciò segua quanto prima, et che fìa questo mezzo 842 et per sempre conceda a
Vostra Signoria quanto desia. Di Caletri alli 13 di Novembre 1586
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
838
dal : DeFord lit del ; Lippmann lit dal.
DeFord lit smeltire, mais sans doute faut-il lire smaltire (écouler), que l’on retrouve orthographié ainsi
dans la lettre du 10 juillet 1587.
840
allegramente : Lippmann lit ralegrissimamente.
841
sua : DeFord lit suo.
842
DeFord lit mezzo mais peut-être faut-il lire sezzo (dernier, final).
839
605
J’ai appris avec un infini déplaisir l’indisposition de Votre Seigneurie, votre santé m’étant
aussi chère que la mienne. Mais puisque vous étiez déjà convalescent, je prie Dieu que
vous ayez déjà retrouvé complètement la santé, cela me réconfortera grandement de
l’apprendre, qu’il plaise à Dieu que cela s’ensuive bientôt !
J’ai reçu aujourd’hui de notre Seigneur Prospero le complément de mes ricercares et, de
grâce, que Votre Seigneurie ne se fasse plus de bile 843 pour cette lettre dédicatoire, car
plus je la lis et relis, plus elle me semble belle, et privée de toute affectation.
J’ai appris avec un grand déplaisir la mort de Pervue844 , paix à son âme, et avec plaisir que
Soriano lui succèdera, et s’il arrive quelque autre nouvelle de ces virtuoses, Votre
Seigneurie me fera un immense plaisir en m’en tenant informé, et puisque notre Seigneur
Locatello 845 se retrouve désormais privé de son maître le cardinal San Sistro 846 , de grâce,
avisez-moi auprès de qui il demeure présentement.
À propos de mon équipement, puisque ces armuriers en font en ce moment si peu de cas, il
conviendra d’attendre une meilleure occasion pour l’écouler, mais je suis convaincu que
vous ne la laisserez pas passer lorsque celle-ci se présentera.
D’autre part, mon Seigneur, je me trouve toujours aussi bien ici, en bonne santé,
vigoureux et, par la grâce de Dieu, et je m’applique à économiser le plus possible afin de
pouvoir enfin me retirer à Rome pour jouir de cette noble ville. Qu’il plaise à sa divine
Majesté de faire naître quelque circonstance favorable afin que cela se produise le plus tôt
843
Basca est un terme napolitain, qui signifie angoisse, mal-être (voir CORTELAZZO Manlio, MARCATO
Carla, I dialetti italiani, Torino, UTET, 1998, p. 67). J’ai traduit l’expression pigliare basca par une locution
légèrement familière afin de rendre le registre dialectal.
844
Nicolas Peruve (Peruue, Pervue, ou Perue) succède à Orazio Caccini à Santa Maria Maggiore vers 1581.
Soriano reprend son poste en 1586 (voir O’REGAN Noel, « Soriano, Francesco », Grove Music Online,
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section=music.26258, accès le 5 septembre 2007).
Pervue mourut le 26 septembre 1586, c’est-à-dire seulement 18 jours avant que Macque ne rédige cette
lettre. Sur la mort de Pervue voir notamment MORELLI Arnaldo, Il tempio Armonico, musica nell’oratorio
dei Filippini in Roma (1575-1705), op. cit., p. 11.
845
Giovanni Battista Locatello faisait partie, comme Macque, de la Compagnia dei musici di Roma (il
composa en effet un madrigal dans les deux anthologies de madrigaux de la congrégation). Il fut aussi
organiste à Saint Pierre de Rome dans les années 1580, ainsi qu’à Santo Spirito in Saxia de 1579 à 1595
Noel,
« Locatello,
Giovanni
Battista »,
Grove
Music
Online,
(voir
O’REGAN
http://www.grovemusic.com/shared/views/article.html?section= music.16842.)
846
Le cardinal Filippo Boncompagni, neveu du Pape Grégoire XIII, mourut 7 juin 1586 et fut enterré à Santa
Maria Maggiore. Paolo Bellasio lui dédicaça son Secondo libro de madrigali a cinque voci en 1582. Voir
COLDAGELLI Umberto, « Boncompagni Filippo », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., vol. 11, p.
687
606
possible ! Pour finir, je prie qu’elle concède toujours à Votre Seigneurie tout ce que vous
désirez. De Caletri 847 , le 13 novembre 1586
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
847
Calitri, qui appartenait aux Gesualdo depuis 1304, se situe à une centaine de kilomètres à l’est de Naples.
607
Lettre 11 : 10 juillet 1587
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Scrivendomi il Signor Prospero nostro che Vostra Signoria gli ha detto di dubitare ch’io
sia scoruciato 848 seco per non haverli risposto a l’ultima sua non posso assai
maravigliarmi di questo suo sospetto, non havendomene dato occasione alcuna. Onde
parmi di haver magior occasione di lamentarmi di lei, poi che s’io non le diedi risposta, fu
per mancamento di occasioni, ove per il contrario,non scrivendomi lei stessa questo suo
dubio si può attribuire a mancamento di affettione, oltra che se lei mi vuole bene, et che 849
sia certa come dovria essere, per l’esperienza di tanti anni che si conosciamo, che questo
bene sia reciproco, non dovria mai per qualsivogli accidente di tempo o di fortuna intrare
in diffidenza alcuna, che dà più tosto inditio di poco amore, che di stabile amicitia. Ma sia
come si voglia, io sono et sarò sempre qual fui, servitore, amico, et bon fratello del mio
Signor Norimberghi; et di questo gliene fo ampia fede con questa, la quale non havendo a
servire per altro farò fine, augurandole del Signor Iddio quanto posso desiderare per me
stesso. Di Napoli alli 10 di luglio 1587
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
en bas à gauche de la page
Di novo non ci è cosa degna di relatione se non che qua si sono fatti 4000 fanti che vanno
per quanto si dice in francia in soccorso del Duca di Ghisa, et havendo inteso che pur a
roma sene fanno delli altri, onde si troveranno a smaltire ogni sorte d’armi, se Vostra
848
849
scoruciato : DeFord lit scorverato.
et che sia : DeFord lit et sia.
608
Signoria potrà far fare essito di quelli guarnimenti di spada et pugnali miei, mene farà 850
somma gratia, della 851 quale le resterò obligatissimo.
850
851
farà : DeFord lit sarà.
della : DeFord lit delle.
609
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Notre Sieur Prospero m’écrit que Votre Seigneurie lui a dit se demander si j’étais fâché
contre vous car je n’ai pas répondu à votre dernière lettre. Je ne pourrais trop m’étonner de
vos doutes car vous ne m’en avez jamais rien montré. Il me semble donc que j’ai moi bien
plus de raisons de me plaindre de vous, car si je ne vous ai pas répondu, ce fut par manque
d’occasion, alors qu’au contraire on peut penser que, si vous ne m’ayez pas écrit à propos
de vos doutes, cela était par manque d’affection de votre part. De plus, si vous m’aimez
vraiment – et soyez sûr, comme vous devriez l’être du fait de ce lien qui nous unit depuis
tant d’années que nous nous connaissons, que cette amitié est réciproque – en aucun cas
vous ne devriez, pour un quelconque contretemps ou incident de fortune, devenir défiant
envers moi, ce qui est plutôt signe d’un manque d’amour que d’une amitié stable. Mais
quoi qu’il en soit, je suis et serai toujours tel que je fus, serviteur et ami et bon frère de
mon Sieur Norimberghi : cette présente vous en témoigne amplement. Et comme celle-ci
n’avait d’autres fins, je finis en vous souhaitant de Seigneur Dieu tout ce que je peux
désirer pour moi-même. De Naples, le 10 juillet 1587
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
en bas de la page
De nouveau, la seule chose qui soit digne d’être relatée est qu’il a été fait ici quatre mille
fantassins qui vont, à ce que l’on dit, en France au secours du Duc de Guise ; ayant appris
qu’on en faisait d’autres à Rome et qu’on y trouvera donc à vendre toute sorte d’armes, si
Votre Seigneurie peut faire faire écouler mon équipement d’épées et de poignards, elle me
rendra un immense service dont je lui resterai très obligé.
Lettre 12 : 10 octobre 1587
610
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Ho d’haver grandissimo obligo al Signor Hettore nostro, poi che subito gionto a Roma, ha
mosso 852 Vostra Signoria a consolarmi con l’amorevolissima sua di 3 del presente, cosa da
me tanto desiata, mercè de l’amore fraterno che sempre le ho portato, et portero in eterno,
onde la prego di non essere sì negligente a l’avenire come è stata per il passato ma di
favorirmi almeno una volta il mese con darmi nova della salute sua, a me cara quanto la
istessa 853 sì come dal canto mio esseguirò, certissimo che pur a lei deve essere carissimo
l’intendere nova de l’essere mio, del quale ne havera havuto ampia relatione dal detto
Signor Hettore, sì come al suo ritorno spero haver di quello di Vostra Signoria
Et fra tanto mi ralegro infinitamente della buona speranza che lei ha di accrescimento di
fortuna, mediante il favore delli suoi Signori Illustrissimi, et piacia a Dio segua presto aciò
Vostra Signoria possi dar un calcio alla povertà, et potere finalmente vivere da sé senza
haver bisogno d’altri, che questo è pur quanto io vo’ procurando per me stesso, et essendo
già a bon termine, spero presto, con l’agiuto di Dio arivare 854 al desiato porto.
Che la musica sia come bandita di 855 Roma non mi è cosa nova poi che da ch’io ci era,
andava tuttavia declinando, ma mi piace bene che quella della Serenissima 856 Madona de
l’Orso 857 si continui tuttavia, come spero che sempre si continuerà, et tanto ch’io spero di
intervenirci ancora io qualche giorno, che sarà 858 forsi più presto di quello che Vostra
Signoria s’imagina.
Nel resto Vostra Signoria mi farà gratia di far havere al Signor Hettore la qui inclusa
quanto prima, et per che gli prego che voglia da parte mia andare a fare reverenza a
Monsignor Serafino mio padrone, se Vostra Signoria potesse favorirmi di andar in
852
mosso : DeFord lit mosto ; Lippmann lit mosso.
Peut-être mia istessa.
854
arivare : DeFord lit arrivare ; Lippmann lit arivare.
855
di : DeFord lit da.
856
Serenissima : DeFord lit Signora ; Lippmann lit Serenissima.
857
Orso : DeFord lit Orto, Lippmann lit Orso.
858
sarà : DeFord lit farà ; Lippmann lit sarà.
853
611
compania sua, se ben non fusse per altro che per farlo introdurre 859 dal detto Signor
conoscendo lei tutti quelli di casa, mene farà gratia singolarissima, che sara fine di questa
pregando Nostro Signore che conceda a Vostra Signoria quanto desia. Di Napoli alli 10 di
ottobre 1587
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
859
introdurre : DeFord lit introduire ; Lippmann introdurre.
612
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Je me dois d’être très obligé envers notre Sieur Hettore, puisque, à peine arrivé à Rome, il
a incité Votre Seigneurie à me consoler par sa très aimable lettre du 3 de ce mois, que je
désirais tant en raison de l’amour fraternel que j’ai toujours éprouvé pour vous, et que
j’éprouverai éternellement. Je vous prie donc d’être moins négligent à l’avenir que vous
ne l’avez été par le passé, mais de me faire l’honneur de me donner au moins une fois par
mois des nouvelles de votre santé, qui m’est aussi chère que la mienne, de même que de
mon côté je m’y engage également. Je suis en effet absolument certain qu’il vous est aussi
précieux d’avoir des nouvelles de mon état, dont ledit Sieur Hettore vous aura
certainement fait un ample récit, de même qu’à son retour j’espère en avoir un sur celui de
Votre Seigneurie.
Je me réjouis entre-temps infiniment des bonnes espérances que vous avez d’améliorer
votre situation grâce aux faveurs de vos Seigneurs Illustrissimes, et plaise à Dieu que cela
s’ensuive bientôt afin que Votre Seigneurie puisse donner un coup de pied à la pauvreté et
que vous puissiez enfin vivre indépendamment, sans avoir besoin des autres. Cela est
d’ailleurs tout ce que je souhaite me procurer pour moi-même, et comme j’en suis déjà à
bon point, j’espère bientôt, avec l’aide de Dieu, arriver au port désiré.
Que la musique soit comme bannie de Rome, cela ne m’est pas étranger, puisque quand
que j’y étais, elle ne faisait déjà que décliner, mais je suis bien content que continue quand
même celle de la Serenissima Madona de l’Orso 860 . J’espère qu’elle continuera toujours,
d’autant plus que j’envisage d’y prendre encore part moi-même un jour, et ce sera même
peut-être plus tôt que Votre Seigneurie ne se l’imagine.
860
Lippmann identifie la Madona del Orso, comme l’église attenante au palais habité par la famille Caetani
dans la seconde moitié du XVIe siècle, situé dans le quartier de l’Orso à l’emplacement de l’actuelle piazza
di Ponte Umberto I. Le palais et l’église, connue aussi sous le nom de Santa Maria in Posterula, furent
détruits à la fin du XIXe siècle. Voir LIPPMANN Friedrich, « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi
documenti », op. cit., p. 252 et 272. Pour DeFord, il pourrait s’agir de l’église et de l’oratorio de Santa
Maria dell’Orto, située encore aujourd’hui à Trastevere. (DEFORD Ruth, Ruggiero Giovannelli and the
Madrigal in Rome, op. cit., p. 288). La première hypothèse me semble cependant plus convaincante.
613
D’autre part, que Votre Seigneurie, de grâce, transmette au Sieur Hettore la lettre ici
présente au plus vite dans laquelle je le prie de bien vouloir aller faire de ma part la
révérence à Monseigneur Serafino 861 , mon maître. Si Votre Seigneurie pouvait me faire la
faveur d’y aller en sa compagnie, ne serait-ce que pour l’introduire audit Seigneur,
puisque vous connaissez tout le monde dans cette maison, vous me rendriez là un service
extraordinaire. Pour finir, je prie Notre Seigneur qu’il concède à Votre Seigneurie tout ce
qu’elle désire. De Naples, le 10 octobre 1587
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
861
Il s’agit sans aucun doute de Serafino Razzali, le dédicataire du premier recueil de Macque, Il primo libro
de madrigali a sei voci de 1576.
614
Lettre 13 : 2 juillet 1588
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Non diedi risposta a l’ultima che Vostra Signoria mi scrisse percioché [ ] mi scriveva che
saria stata presto di partenza con l’Illustrissimo Signor Camillo per la sua Abbatia, et hora
havendo inteso per l’amorevolissima sua di 15 del passato che era già ritornata [questa]
servirà per risposta de l’una e de l’altra, dicendole [ ] et non poco mi è spiaciuto che detto
Signor si sia risoluto di non toccar Napoli per questa volta, benché questo dispiacer viene
quasi affatto a mitigarsi con la speranza che Vostra Signoria mi ha fatto 862 che sua
Signoria Illustrissima sia per venirci in ogno modo questo settembre, onde prego Nostro
Signore che segua l’efetto aciò ch’io possi goderla com’io desidero, benché spero che
forsi la prevenirò, poi che havend’io grandissimo desiderio di andare a stare a Roma
almeno 15, o vinti giorni per fare riverenza alli patroni miei, et insieme per visitare
[gl’ami]ci miei, forsi che mi risolverò di andarci questo settembre. Che se così seguirà io
spero che almeno per doi sabbati si faremo [musica] 863 alla Madona Santissima de
l’Orso 864 , et oltra li gusti [che] 865 spero di haverci, io credo certo che questo sarà un delli
[ma]giori, il poter godere per alcuni giorni la dolcissima conversatione del mio carissimo
Signor Camillo, dal quale desiderarsi sic di saper il nome] 866 di quel Signor di Casa
Caraciolo che li ha dato a l’Abbatio [buona] 867 relatione delli fatti miei, aciò ch’io sappia a
chi [devo] 868 haver quest’obligo.
Nel resto la ringratio delle nuove che mi ha dato, et la prego a continuare con la sua bona
comodità già che il Signor Prospero nostro di rado mene scrive, che sarà fine di questa
pregando il Signor Iddio le conceda il colmo di ogni felicità. Di Napoli alli 2 di Luglio
1588 869
862
fatto : DeFord lit detto : Lippmann lit fatto.
Suggestion de Lippmann.
864
Orso : DeFord lit Orto ; Lippmann lit Orso.
865
suggestion de Lippmann.
866
Les trois dernières suggestions (il nome, buona et devo) sont les miennes.
867
Idem.
868
Idem.
869
DeFord date cette lettre du 12 juillet 1588, Lippmann du 2 juillet. Etant donné que Macque dit répondre à
une lettre du 15 mai, la seconde hypothèse semble plus probable.
863
615
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
616
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Je n’ai pas répondu à la dernière lettre que Votre Seigneurie m’a écrite car vous m’y disiez
que vous étiez sur le point de partir avec l’Illustrissime Seigneur Camillo pour son
abbaye 870 . Ayant maintenant appris grâce à votre très aimable lettre du 15 du mois dernier
que vous étiez déjà revenu, la présente servira de réponse à l’une et l’autre lettre, en vous
disant [
] et il ne m’a pas peu déplu que ledit Seigneur ne se soit résolu à passer par
Naples cette fois ci, bien que ce déplaisir s’adoucisse presque complètement à l’espoir que
sa Seigneurie Illustrissime y vienne à coup sûr en septembre, comme Votre Seigneurie me
l’a écrit ; je prie donc Notre Seigneur que cela s’ensuive afin que je puisse jouir de votre
compagnie autant que je le désire, bien que j’espère peut-être vous précéder car j’ai moimême grand désir d’aller passer à Rome au moins quinze ou vingt jours pour faire la
révérence à mes maîtres et pour visiter mes amis. Je me résoudrai peut-être à y aller en
septembre. Si cela s’ensuit, j’espère que nous ferons de la musique au moins deux samedis
à la Madona Santissima de l’Orso 871 . Plus encore que tous les plaisirs que j’espère y
trouver, je suis certain que l’un des plus grands sera de pouvoir jouir pendant quelques
jours de la très douce conversation de mon très cher Seigneur Camillo. J’aimerais
d’ailleurs qu’il m’apprenne le nom de ce Seigneur de la Casa Caraciolo qui, à l’abbaye,
lui a fait un si bon récit me regardant, afin que je sache à qui je dois cette obligation.
D’autre part, je vous remercie des nouvelles que vous m’avez données, et je vous prie de
continuer ainsi, mais selon vos possibilités, étant donné que notre Sieur Prospero ne m’en
écrit que rarement. Pour finir, je prie le Seigneur Dieu de vous concéder le comble de
toute félicité. De Naples, le 2 juillet 1588
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
870
Camillo Caetani était abbé de l’abbaye de San Vincenzo Martire al Volturno et prieur de l’abbaye de San
Pietro e Stefano di Valvisciolo, situé à quelques kilomètres au nord de Sermoneta. Voir LUTZ Georg,
« Caetano, Camillo », in Dizionazio biografico degli italiani, op. cit., vol. XVI, op. cit., p. 137.
871
Voir note 860.
617
Lettre 14 : 7 avril 1589
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
Mi ralegro infinitamente che Vostra Signoria sia viva, et talmente viva che tuttavia vive in
lei la memoria del suo carissimo Macque, onde prego il Signor Iddio che questa vita non
s’estingua prima de l’altra, che per sua divina gratia cela conceda longa et felicissima,
poiché io vivrei di vita molto infelice se vivendo restasse priva di vita l’incredibile
affettione ch’io porto al mio Signor Norimberghi.
Io scrissi li giorni passati al Signor Prospero nostro ch’io era per venirmene a Roma per
fare riverenza alli patroni miei et visitar li amici, et hora per accendermi magiormente, et
forsi per il desiderio che ha 872 ch’io mici fermi, mi scrive che è vacato l’Organo di Santo
Giovanni Laterano, et che oltra questo, Vostra Signoria gli ha detto che [haverà] 873 trattato
di farmi haver stanza in casa delli Illustrissimi Signori suoi padroni con honorata
provisione. Onde se ben non posso scrivere a Vostra Signoria affermativamente 874 di
andarci per li rispetti che intenderà, nondimeno mi farà gratia di avisarmi la provisione che
pensa che mi dariano, et s’io potrei haver da loro la parte, o, la spesa per me et per un
servitore oltre la provisione, poi che havendo qua 875 sempre tenuto servitore, parmi che
non ci saria l’honor mio a starne senza.
Ma aciò Vostra Signoria sappia il perché ch’io non le posso scrivere affermativamente, ha
da saper ch’io mi ritrovo al presente molto irresoluto nel terminare il corso de la vita mia,
poi che se venisse in Sicilia la resoluzione 876 di Spagna di un benefitio che aspetta il
Maestro di Capella di quel Vice Re, io sarei subito chiamato in quel loco con 25 scudi il
mese di provisione, et oltra questo io son’adesso in stretta pratica per congiongermi in
matrimonio con una giovane ben nata che ha più di doi millia ducati di dote, sì che Vostra
Signoria può facilmente congietturar in che laberinto io mi ritrovo al presente. Ma per che
872
ha : DeFord lit ho ; Lippmann lit ha.
haverà : d’après Lippmann.
874
affermativamente : Lippmann lit affermatione.
875
avendo qua sempre : DeFord lit avendo sempre ; Lippmann lit avendo qua sempre.
876
resoluzione : DeFord lit resolusione ; Lippmann lit resoluzione.
873
618
sono cose che presto si risolveranno, di gratia non resti Vostra Signoria per questo] 877 di
favorirmi di avisarmi quanto di sopra, aciò che se per sorte non si effetuassero le
sopradette cose, io possa risolvermi di fare una [gita] 878 sino a Roma. Con che
assicurandola ch’io le son piu servitor che mai, farò fine di questa bacciando le mani i.e.
con tutto il cuore. Di Napoli alli 7 di aprile 89
Di Vostra Signoria
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
877
878
questo : d’après Lippmann.
gita : d’après Lippmann.
619
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
Je me réjouis infiniment que Votre Seigneurie soit en vie, et tellement en vie que vit
encore en elle le souvenir de son très cher Macque. Je prie donc le Seigneur Dieu que cette
vie ne s’éteigne pas avant la mienne, et que, par sa grâce divine, il nous l’accorde longue
et très heureuse, car je vivrais une vie très malheureuse si, tout en vivant, l’incroyable
affection que je porte à mon Sieur Norimberghi devait rester sans vie.
J’ai écrit ces jours-ci à notre Sieur Prospero que j’étais sur le point de m’en venir à Rome
pour faire la révérence à mes maîtres et visiter mes amis. Pour m’enflammer encore plus,
et peut-être par désir de me voir m’y arrêter, celui-ci m’écrit maintenant que l’orgue de
Saint Jean de Latran est vacant. En outre, Votre Seigneurie lui a dit que vous essayez de
me faire avoir un poste chez les Illustrissimes Seigneurs, vos maîtres, avec un honorable
salaire. Bien que je ne puisse écrire affirmativement à Votre Seigneurie que je m’y rendrai
dans les conditions qu’elle entendra, de grâce, informez-moi quand même du salaire que
vous pensez qu’ils me donneraient, et si je pourrais bénéficier d’un payement en nature
pour moi et pour un serviteur en plus de mon salaire car, ayant toujours eu ici avec moi un
serviteur, il me semble que ce ne serait pas de mon rang d’en être privé.
Mais afin que Votre Seigneurie sache pourquoi je ne peux lui répondre affirmativement, il
faut que vous sachiez que je suis en ce moment très irrésolu quant à la manière de finir le
cours de ma vie, car s’il arrivait en Sicile un ordre d’Espagne concernant un bénéfice
qu’attend le maître de chapelle du vice-roi, je serais immédiatement appelé à ce poste avec
vingt-cinq écus de salaire par mois. De plus, je suis en ce moment en tractation étroite
pour m’unir en mariage avec une jeune fille bien née qui a plus de deux mille ducats de
dot 879 . Votre Seigneurie peut donc facilement conjecturer dans quel labyrinthe je me
trouve au jour présent. Mais comme ce sont des choses qui se résoudront bientôt, de grâce,
que cela n’empêche pas Votre Seigneurie de m’aviser de tout, afin que, si jamais les
879
Il s’agit probablement d’Isabella Tonto, que le compositeur épouse en 1592 puisque le montant de la dot
est le même.
620
choses susdites n’aboutissaient pas, je puisse me résoudre à faire un voyage à Rome. En
vous assurant que je suis plus que jamais votre serviteur, je finis en vous baisant les mains
de tout cœur. De Naples, le 7 avril 89
De Votre Seigneurie
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
621
Lettre 15 : 28 avril 1589
Molto Magnifico Signor Fratello osservandissimo
L’amorevolissima di Vostra Signoria di 14 del presente mi è stata più che carissima
scorgendo in essa il gran desiderio che ha ch’io torni a Roma, per il che dice che havria
fatto nascere occasione per trattare di farmi havere qualche honorato apoggio con
l’Illustrissimi Signori suoi patroni, il che sarà seguito mi farà gratia di avisarmene ogni
particolarità aciò che conforme alla risposta ch’io havrò da Vostra Signoria intorno a
questo particolare, et dal Signor Prospero nostro circa l’organo, io possi risolvermi di
andare o di restare, già che il primo disegno ch’io havea fatto di andare per far riverenza
alli padroni et visitare li amici, et poi tornarmene, è hormai svanito, poi che
sopragiongendo li caldi, per andar per tornar, sarebbe per ponere manifestamente la sanità
in compromesso. Et di questo ne è veramente stata causa, quel partito di Sicilia, et poi il
matrimonio che si è trattato, et pur queste doe cose stanno ancora vive, benché quella di
Sicilia è per tardar ancora un pezzo per li rispetti ch’io scrissi già a Vostra Signoria, onde
l’altra è per concludersi o, escludersi fra 8 o dieci giorni, et di quello che seguirà la farò
avisata.
In tanto, se per sorte il partito che questi Signori Illustrissimi m’offerissero, fusse tale ch’io
mi risolvesse 880 di lasciare questa per quella stanza, di gratia, favoriscami di farmi
intendere quale suggettione et qual obligo saria il mio nel servitio di questi Signori, aciò
che prima di risolvermi io sia instrutto di ogni cosa, che a dirgli il vero, io che quasi posso
dire di essere stato tutto il tempo della vita mia libero, parmi che saria quasi da trattare
dell’impossibile di ridurmi al presente in una servitù troppo soggetta, come sogliono
essere quelle delli Cardinali con tanta assiduità in far continue guardie, et altre cose simili,
delle quali vorrei se non in tutto, almeno nella magior parte essere essente, senza
riconoscere altri supperiori, né essere comandato da altri che dalli patroni. Che a dire il
vero a Votra Signoria, s’io non stesse più che commodo, parmi che farei una gran pazzia
di lasciar Napoli, ove io son ben voluto, et molto accarezzato da questi Signori, per andar
880
risolvesse : DeFord lit risolveresse ; Lippmann lit risolvesse.
622
a stentar altrove. Che per altra occasione non mi partirei già di qua che per la realità del
conversare di Roma, et per li molti amici che ci ho, ove qua posso dire di non haver in
tanti anni ancora acquistato un vero amico, che io pur 881 ne ho infiniti, non però mene
posso fidare come farei d’uno Norimberghi d’un Giovanelli et d’un Santino et di tant’altri,
mercè della poca benevolenza che regna in questo regno fra li amici, per il che non
bisogna fidarsi di nissuno, et questo è a ponto quanto mi occorre di scrivere a Vostra
Signoria circa l’animo mio.
881
Suggestion de Lippmann.
623
Très Magnifique Seigneur, Frère très respecté
La très aimable lettre de Votre Seigneurie du 14 de ce mois m’a été plus que précieuse car
j’y ai découvert le grand désir que vous avez que je retourne à Rome, puisque vous dites
essayer de trouver le moyen de me faire gagner le respectable appui des Illustrissimes
Seigneurs vos maîtres. De grâce, informez-moi de tous les détails qui s’ensuivront afin
que, selon la réponse que j’aurai de Votre Seigneurie à ce sujet, ainsi que du Sieur
Prospero à propos du poste d’organiste 882 , je puisse me décider à partir ou à rester, vu que
mon premier projet d’aller présenter mes respects à mes maîtres et visiter mes amis, puis
de m’en retourner, est désormais compromis car, la chaleur étant survenue, un aller-retour
mettrait à coup sûr ma santé en péril. Mais la vraie cause de tout cela a été ce poste en
Sicile ainsi que le mariage qui a été négocié, et ces deux affaires sont elles aussi encore
d’actualité et, même si celle de Sicile va encore tarder un peu pour les raisons dont j’ai
déjà parlé à Votre Seigneurie, l’autre est sur le point de se conclure ou d’être écartée d’ici
huit ou dix jours ; je vous tiendrai avisé de ce qui s’en suivra.
Entre-temps, si jamais le parti que m’offrent ces Illustrissimes Seigneurs était tel que je
me résolusse à laisser ce poste-ci pour celui-là, de grâce, informez-moi des
assujettissements et des obligations qui seraient les miens au service de ces Seigneurs, afin
qu’avant de me décider, je sois instruit de toute chose. À vous dire la vérité, il me semble,
à moi qui peux presque dire avoir été libre toute ma vie, qu’il serait peine perdue de
vouloir me réduire au jour présent à une servitude trop assujettie, comme le sont
d’ordinaire celles des cardinaux, que l’on doit, entre autre, aider en permanence et avec
grande d’assiduité. Je voudrais en être exempté, sinon complètement, au moins de la
majeure partie, et ne devoir reconnaître aucun supérieur, ni être commandé par un autre
que mes maîtres. À vrai dire, si je ne devais y vivre plus que confortablement, il me
semble que je ferais une grande folie de quitter Naples où je suis apprécié et très bien
traité par ces Seigneurs pour aller souffrir ailleurs. Si ce n’était cela, je m’en irais déjà
882
Macque fait référence au poste d’organiste à Saint Jean de Latran dont il a été question dans la lettre
précédente.
624
d’ici pour retrouver la qualité de la conversation à Rome, et pour tous les amis que j’y ai,
car je peux dire qu’ici je n’ai pas trouvé un seul vrai ami, moi qui pourtant en ai une
infinité. Je ne peux cependant m’y fier comme je le ferais d’un Norimberghi ou d’un
Giovannelli ou d’un Santino ou de tant d’autres encore, à cause du peu de bienveillance
qui règne entre les amis dans ce royaume, où l’on ne peut se fier à personne. Cela est tout
ce que j’ai à écrire à Votre Seigneurie à propos de mes sentiments.
625
Sono molti anni ch’io non ho scritto né havuto lettere di casa mia et questo per non haver
havuto comodità di indirizzare le mie, et sapendo che li Signori Pietro et Ruggiero Gaetani
si ritrovano tuttavia in fiandra, per cortesia Vostra Signoria mi scriva in qual terra sogliono
stare, et perché non può essere che qualche lor servitore non sene sia ritornato, di gratia
domandi a questo tale, se non vi saria nissuna sorte di comodità di poter indrizzare lettere
a Valencene che è la città ove son nato, perché se si potesse sperare qualche bono recapito,
io mi servirei in questo del favor di Vostra Signori, et in qualche progresso di tempo potrei
per questa medesma via tentare di ricevere li denari che li miei parenti mi sono debitori da
molti anni in qua, il che di quanto giovamento mi saria, credo che facilmente selo potrà
imaginare, onde la prego per farmi gratia di pigliarne diligente informatione, con farmi
intendere il tutto.
Mi è piaciuto infinitamente l’intendere che li Signori Musici della Santissima Trinità si
habbino al solito fatto honore, et tanto più per esserne, com’io credo, stato capo il Signor
Rugiero tanto amico nostro commune. Il che mi fa credere che Vostra Signoria l’haverà
favorito spesse volte, sì come all’incontro credo che lei ne haverà ricevuto il contracambio
alla Madona de l’Orso 883 , ove credo che pur si seguiti la musica già continuata tanti anni
sono, a instanza dell’Illustrissimi Signori Suoi.
La ringratio delle nove dattemi et la prego a continuare et di farmi intendere se il
Caveliero del liuto et messer Bartolomeo si sono retirati alli servitij del Cardinale
Mont’alto come si è detto qua. Il che sarà fine di questa baciando le mani di Vostra
Signoria pregandole da Nostra Signore ogni vero contento. Di Napoli alli 28 di April 1589
Di Vostra Signoria Magnifico Illustrissimo
Servitore et Fratello
Giovanni de Macque
Il y a de nombreuses années que je n’ai ni écrit ni eu de lettres de mon pays, car je n’avais
trouvé aucun moyen de les adresser. Sachant que les Seigneurs Pietro et Ruggiero
883
Orso : DeFord lit Orto ; Lippmann lit Orso.
626
Caetani 884 se trouvent en ce moment en Flandre, s’il vous plaît, que Votre Seigneurie
m’écrive en quelle terre ils ont l’habitude d’aller, et comme il est impossible qu’aucun de
leurs serviteurs ne soit pas encore revenu, demandez à l’un d’entre eux s’il y aurait pas un
moyen d’adresser mes lettres à Valenciennes, la ville où je suis né. Car si je pouvais
espérer obtenir une adresse fiable, je profiterais des faveurs de Votre Seigneurie, et en peu
de temps je pourrais par ce moyen tenter de recevoir l’argent que me doit ma famille
depuis déjà tant d’années. Je suis convaincu que vous pourrez facilement vous imaginer à
quel point cela me serait utile. Je vous prie donc de me faire la grâce de vous en informer
diligemment et de me tenir au courant.
J’ai été infiniment heureux d’apprendre que les Seigneurs Musiciens de la Santissima
Trinità 885 se sont distingués comme toujours, d’autant plus que le chef en a été, il me
semble, le Seigneur Rugiero 886 , notre si bon ami commun. Cela me fait croire que vous
l’aurez honoré de nombreuses visites, et que de votre côté, vous l’aurez certainement reçu
aussi à la Madona del Orso 887 , où je crois que l’on poursuit cette musique qui continue
déjà depuis tant d’années, à l’instance de vos Illustrissimes Seigneurs.
Je vous remercie des nouvelles que vous m’avez données, et je vous prie de me faire
savoir si le Chevalier du Luth et messer Bartholomeo sont entrés au service du Cardinal
Montalto 888 , comme on le dit ici. Pour finir, je baise les mains de Votre Seigneurie et en
priant Notre Seigneur pour le contentement de tous vos désirs. De Naples, le 28 avril 1589
884
Macque a déjà évoqué le service militaire de Pietro Caetani en Flandre dans la lettre du 4 septembre
1586. Son frère, Ruggero Caetano, l’accompagna pendant un certain temps (voir CAETANI Gelasio, Domus
Caietana. Storia documentata della famiglia Caetani, vol. 2, op. cit., p. 251-254 et RAFFAELI CAMMAROTA
Marina, « Caetani, Pietro», Dizionazio biografico degli italiani, op. cit., vol. XVI, p. 217).
885
Pour Lippmann, il s’agirait là de la Santissima Trinità degli Scozzesi, qui connut une riche activité
musicale dans les années 1580 (voir LIPPMANN Friedrich « Giovanni de Macque tra Roma e Napoli: nuovi
documenti », op. cit., p. 273). Il me semble cependant plus probable que Macque se réfère à la Santissima
Trinità dei Pellegrini, qui comptait le cardinal Enrico Caetani parmi ses protecteurs, pour qui Macque
composa plusieurs motets polychorals (voir Voir O’REGAN Noel, Institutional Patronage in Post-Tridentine
Rome: Music at Santissima Trinità dei Pellegrini, 1580–1650, op. cit., p. 69-71 et 78).
886
Ruggiero Giovannelli participa activement à la vie musicale de la Santissima Trinità dei Pellegrini (idem,
p. 64-65 et 74-75).
887
Voir note 860.
888
Le cardinal Montalto, Alessandro Peretti Damasceni, fait partie des grandes figures du mécénat de la fin
de la Renaissance. Vincenzo Giustiniani évoque son goût pour la musique dans son Discorso sopra la
musica, et fait allusion au Cavaliere del Leuto parmi les musiciens qui furent à son service (voir
GIUSTINIANI Vincenzo, Discorso sopra la musica de' suoi tempi, in SOLERTI Angelo, Le origini del
melodramma, op. cit., p. 100). Sur le cardinal Montalto, voir en particulier Cametti Alberto, « Chi era
627
De Votre Seigneurie Magnifique et Illustrissime
Serviteur et Frère
Giovanni de Macque
l’« Hippolita », cantatrice del cardinal di
Musikgesellschaft », XV, 1913-1914, p. 111-123.
628
Montalto ? »,
Sammelbände
der
Internationalen
Lettres de dédicace des Ricercate et Canzoni francese de
Macque
Version de Macque (document non autographe)
au recto
Lettera dedicatoria per le mie Ricercate et Canzoni francese a quattro voci
au verso
All’Illustrissimo Signor mio, et Patrone osservandissimo
Il Signor Don Carlo Gesualdo
In questo mio libro di Ricercate et Canzoni francesi, frutto delle mie fatiche, prodotto in
casa di Vostra Signoria Illustrissima, che ultimamente io ho deliberato di dar alla stampa,
si vederanno impresse tre Ricercate composte da lei: per le quali conoscerà a pieno il
mondo, quanto ella habbia perfetta cognitione della Musica, et con quanto studio vi si sia
bene impegnata. Il che io ho fatto ad arte per rendermi sicuro, che mentre elle saranno
riconosciute, ammirate, et riverite, come degne figliole di Vostra Signoria Illustrissima, in
conseguenza, le opere mie habbiano la parte del lor respetto 889 , se 890 non per merito
loro, almeno come serve collocate appresso di tre sorelle tanto Illustri, nate d’un Padre sì
celebre, non pure per lo splendor del suo sangue, ma anco per l’Eccenlenza di tante sue
virtù singolari. E sì come, sotto la sua protettione, io mi reputo di viver fortunato, così
m’assicuro, che elle viveranno felicissime. Le dedico, et presento dunque a Vostra
Signoria Illustrissima con la maggior humilità, et devotione, che posso, et la supplico, che
si degni di favorirle in modo tale, ch’io possa andarmi animando di consecrarle altre cose
per l’avenire, che paiono degne di lei, alla quale bascio riverentemente le mani. Di Napoli
a 20 di Giugno 1586
Di Vostra Signoria Illustrissima
889
890
D’après Lippmann
se : Lippmann et DeFord lisent e
629
Affettionatissimo Servitore
Giovanni de Macque
630
au recto
Lettre de dédicace pour mes ricercares et chansons française à quatre voix
au verso
À mon Illustrissime Seigneur et maître très respecté
Le Seigneur Don Carlo Gesualdo
Dans ce livre de ricercares et chansons françaises, fruit de mon travail réalisé chez Votre
Seigneurie Illustrissime, que je me suis finalement résolu à faire imprimer, on pourra voir
trois ricercares composés par vous, grâce auxquels le monde entier pourra connaître
pleinement la parfaite connaissance que vous avez de la Musique ainsi que les études
approfondies vous avez réalisées. Je l’ai fait afin de m’assurer que, alors que ceux-ci
seront reconnus, admirés, et révérés comme digne progéniture de Votre Seigneurie
Illustrissime, mes œuvres puissent jouir par conséquent d’une partie de ce respect, si ce
n’est pour leur mérite, au moins en tant qu’esclaves placées aux côtés de trois sœurs si
illustres, nées d’un père si célèbre, non seulement par la splendeur de son sang, mais aussi
par l’excellence de toutes ses vertus extraordinaires. Et comme je me considère fortuné de
vivre sous votre protection, je m’assure ainsi qu’elles vivront elles aussi très heureuses. Je
les dédie et présente donc à Votre Seigneurie Illustrissime avec l’humilité et la dévotion la
plus grande que je puis, et je vous supplie de daigner les protéger de façon à ce que puisse
continuer à espérer vous consacrer à l’avenir d’autres choses dignes de vous, à qui je
baisse les mains avec révérence. De Naples, le 20 juin 1586
De Votre Seigneurie Illustrissime
Serviteur très affectionné
631
Giovanni de Macque
632
Version de Peranda
All’Illustrissimo Signor mio, et Patrone osservandissimo
Il Signor Don Carlo Gesualdo
In questo libro di Ricercate, et Canzoni Francesi, opera uscita da me nei servitij di Vostra
Signoria Illustrissima, tengono principal luogo tre Ricercate composte da lei, le quali,
presupposta la sua licenza, mando con altre mie alla stampa, non già perch’io non sia
certo, ch’ella non desidera laude da cose simili, con tutta ch’in essa apparisca l’Eccellenza
del suo ingegno: ma perché conosca, che alli compagni ne venirà quella luce et
quell’ornamento, che non hanno potuto ricevere dalla mia imperfettione. Conosco ancora,
che, dovendo io per la stessa causa, oltre all’obligo della servitù, dedicare a Vostra
Signoria Illustrissima le mie fatiche, il rispetto della virtù, e del nome suo potrà renderne
più benigno il giuditio d’altri, et salvarmi da qual si voglia maligna, o, troppo severa
censura. Supplico riverentemente Vostra Signoria Illustrissima a concedermi in ciò la
volontà con l’autorità sua, accettando da me l’affetto della mia sincera devotione, et
persuadendosi, che dal libro, che io le dedico, non cerco altro honore, che di far manifesto
al mondo, che ogni mia attione et studio ha per fine il servirla. Con che le bascio
humilmente le mani. Di Napoli alli 30 di luglio 1586
Di Vostra Signoria Illustrissima
Affettionatissimo Servitore
Giovanni de Macque
633
À mon Illustrissime Seigneur et maître très respecté
Le Seigneur Don Carlo Gesualdo
Dans ce livre de ricercares et chansons françaises, œuvre que j’ai produite pendant mon
service auprès de Votre Seigneurie Illustrissime, le rôle principal est tenu par les trois
ricercares composés par vous, que, avec votre permission, je fais imprimer avec les miens,
non parce que je pense que vous désirez être loué pour de semblables choses, même si
celles-ci démontrent clairement l’excellence de votre talent, mais afin que ses compagnons
connaissent cette lumière et cet ornement qu’ils n’auraient pas pu recevoir de ma seule
imperfection. Je sais aussi que, devant pour les mêmes raisons, outre les obligations de ma
servitude, dédicacer à Votre Seigneurie Illustrissime mon travail, le respect de la vertu et
de votre nom pourra me rendre plus bienveillant le jugement d’autrui, et me sauver de
quelque censure méchante ou trop sévère. Je supplie avec révérence Votre Seigneurie
Illustrissime de satisfaire ainsi mon désir grâce à son autorité, en acceptant de moi le
sentiment de ma dévotion sincère, et en étant persuadé qu’en lui dédicaçant ce livre, je ne
cherche d’autre honneur que de manifester au monde entier que toutes mes actions et tout
mon travail ont pour fin de vous servir. Je vous baise humblement les mains. De Naples le
30 juin 1586
De Votre Seigneurie Illustrissime
Serviteur très affectionné
Giovanni de Macque
634
Ill. 6 : lettre du 7 juin 1586 (Archivio Caetani n. 4311)
635
Bibliographie
Sources manuscrites
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n. 4898 (lettre du 14 juin 1586)

n. 69415 (lettre du 20 juin 1586)

n. 4909 (lettre du 28 juin 1586)

n. 4303 (lettre du 30 juillet 1586)

n. 7352 (idem)
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n. 28927 (lettre du 4 septembre 1586)

n. 28365 (lettre du 13 novembre 1586)

n. 128637 (lettre du 10 juillet 1587)
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n. 181240 (lettre du 10 octobre 1587)
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n. 28368 (lettre du 2 juillet 1588)
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n. 18694 (lettre du 7 avril 1589)
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n. 58194 (lettre du 28 avril 1589)
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