L`O S S E RVATOR E ROMANO
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L`O S S E RVATOR E ROMANO
1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’OSSERVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE EN LANGUE FRANÇAISE Unicuique suum e Non praevalebunt Cité du Vatican LXVIII année, numéro 9 (3.470) jeudi 2 mars 2017 Mercredi des Cendres et début du Carême Non à l’asphyxie de l’esprit Dans l’après-midi du 1er mars, Mercredi des Cendres, début du Carême, le Pape François a célébré la Messe dans la basilique Sainte-Sabine au cours de laquelle il a béni et imposé les cendres. Dans son homélie il a rappelé que «le Carême est le temps pour dire non. Non à l’asphyxie de l’esprit par la pollution causée par l’indifférence, par la négligence à penser que la vie de l’autre ne me regarde pas, par toute tentative de banaliser la vie, spécialement celle de ceux qui portent dans leur chair le poids de tant de superficialité. Le Carême veut dire non à la pollution intoxicante des paroles vides et qui n’ont pas de sens, de la critique grossière et rapide, des analyses simplistes qui ne réussissent pas à embrasser la complexité des problèmes humains, spécialement les problèmes de tous ceux qui souffrent le plus. Le Carême est le temps pour recommencer à respirer, c’est le temps pour ouvrir le cœur au souffle de l’Unique capable de transformer notre poussière en humanité». Vers une guerre mondiale pour l’eau Le monde se dirige-t-il «vers une grande guerre mondiale pour l’eau»? C’est ce que s’est demandé François en intervenant, le 24 février, au séminaire sur le droit humain à l’eau, organisé par l’Académie pontificale des sciences. «Le droit à l’eau est déterminant pour la survie des personnes et décide de l’avenir de l’humanité. Il est prioritaire d’éduquer les prochaines générations sur la gravité de cette réalité». PAGE 5 Contre le trafic d’êtres humains PAGE 2 Procession pénitentielle de Saint-Anselme à Sainte-Sabine Visite à l’église anglicane de All Saints Le dialogue œcuménique se fait en chemin François étudie actuellement la possibilité de se rendre au Soudan du Sud avec l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, pour apporter un témoignage œcuménique de paix à ce pays africain martyrisé. C’est le Pape lui-même qui l’a révélé au cours de la visite accomplie dans l’après-midi du dimanche 26 février, à l’église anglicane de All Saints, à Rome. En répondant aux questions adressées par trois fidèles au terme de la liturgie œcuménique, le Pape a raconté qu’il avait reçu l’invitation de trois évêques du Soudan du Sud, un anglican, un presbytérien et un catholique. «C’est d’elles, des Eglises jeunes, qu’est venue cette créativité» a-t-il souligné, en ajoutant: «Et nous réfléchissons pour savoir si cela peut se faire, si la situation le permet là-bas. Mais — at-il assuré — nous devons le faire parce qu’eux, tous les trois ensemble veulent la paix, et ils travaillent ensemble pour la paix». Au cours de l’entretien, le Pape a également réaffirmé la nécessité du «dialogue théologique» entre catholiques et anglicans pour affronter des thèmes «sur lesquels nous ne sommes pas encore d’accord». Mais, a-t-il précisé, «on ne peut pas faire cela en laboratoire: on doit le faire en marchant, le long du chemin». «Nous sommes en chemin — a-t- il confirmé — et en chemin également nous discutons». Ainsi, en chemin, «nous nous aidons, les uns les autres, dans nos nécessités, dans notre vie». En substance, a-t-il souligné, «on ne peut pas faire le dialogue théologique en étant immobiles. Le dialogue œcuménique se fait en marchant, parce que le dialogue œcuménique est un chemin, et les choses théologiques se discutent en chemin». Ainsi prend toute sa signification le jumelage entre l’église anglicane et la paroisse catholique de Ognissanti sur l’Appia nuova, officialisé devant le Pape précisément au cours de sa visite. Pour François, cela est également un signe qu’entre les catholiques et les anglicans, «les relations se sont encore davantage améliorées». Et «cela me plaît, cela est bon», a-t-il affirmé en invitant les fidèles à suivre l’exemple des Eglises jeunes qui SUITE À LA PAGE 12 «Le début de ce troisième millénaire est caractérisé par des mouvements migratoires qui, en termes d’origine, de transit et de destination, concernent pratiquement toutes les régions de la terre. Malheureusement, dans une grande partie des cas, il s’agit de déplacements forcés, causés par des conflits, des catastrophes naturelles, des persécutions, des changements climatiques, des violences, une pauvreté extrême et des conditions de vie indignes. Face à ce scénario complexe, je sens le devoir d’exprimer une préoccupation particulière pour la nature forcée de nombreux flux migratoires contemporains, qui augmente les défis à la communauté politique, à la société civile et à l’Eglise et qui exige que l’on réponde de façon encore plus urgente à ces défis de manière coordonnée et efficace. Notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes: accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. Les migrations favorisent la rencontre des peuples et la naissance de nouvelles civilisations»: telles sont les paroles que le Pape François a prononcées devant les participants au forum international Migrations et paix, reçus en audience le 21 février. PAGES 6 ET 7 DANS CE NUMÉRO Page 2: Audience générale du 1er mars. Page 3: Angelus du 26 février. Conclusion de la rencontre d’Al-Azhar. Page 4: Audience à la délégation catholique pour la coopération. Décès du cardinal Desmond Connell. Page 8: Paroles aux athlètes des Special Olympics d’hiver. Page 9: Messes à SainteMarthe. Page 10: Ur, un voyage manqué de Jean-Paul II, par Giovanni Battista Re. Page 11: Informations. L’OSSERVATORE ROMANO page 2 jeudi 2 mars 2017, numéro 9 Homélie lors du Mercredi des Cendres Non à l’asphyxie de l’esprit Dans l’après-midi du mercredi 1er mars, Mercredi des Cendres, début du Carême, le Pape François s’est rendu dans l’église Saint-Anselme sur l’Aventin, à Rome, où a eu lieu un temps de prière, suivi d’une procession pénitentielle vers la basilique Sainte-Sabine. Au terme de la procession, le Pape a présidé la célébration eucharistique avec le rite de bénédiction et d’imposition des cendres. Nous publions ci-dessous l’homélie prononcée par le Saint-Père. «Revenez à moi de tout votre cœur, [...] revenez au Seigneur votre Dieu» (Jl 2, 12.13): c’est le cri par lequel le prophète Joël s’adresse au peuple au nom du Seigneur; personne ne pouvait se sentir exclu: «Rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons; [...] le jeune époux [...] et la jeune mariée» (v. 16). Tout le peuple fidèle est convoqué pour se mettre en chemin et adorer son Dieu, «car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour» (v. 13). Nous voulons nous aussi nous faire l’écho de cet appel, nous voulons revenir au cœur miséricordieux du Père. En ce temps de grâce que nous commençons aujourd’hui, fixons une fois encore notre regard sur sa misé- ricorde. La Carême est un chemin: il nous conduit à la victoire de la miséricorde sur tout ce qui cherche à nous écraser ou à nous réduire à quelque chose qui ne convient pas à la dignité des fils de Dieu. Le Carême est la route de l’esclavage à la liberté, de la souffrance à la joie, de la mort à la vie. Le geste des cendres par lequel nous nous mettons en chemin nous rappelle notre condition d’origine: nous avons été tirés de la terre, nous sommes faits de poussière. Oui, mais poussière dans les mains amoureuses de Dieu qui souffle son Esprit de vie sur chacun de nous et veut continuer à le faire; il veut continuer à nous donner ce souffle de vie qui nous sauve des autres types de souffle: l’asphyxie étouffante provoquée par nos égoïsmes, asphyxie étouffante générée par des ambitions mesquines et des indifférences silencieuses; asphyxie qui étouffe l’esprit, réduit l’horizon et anesthésie les battements du cœur. Le souffle de la vie de Dieu nous sauve de cette asphyxie qui éteint notre foi, refroidit notre charité et détruit notre espérance. Vivre le Carême c’est désirer ardemment ce souffle de vie que notre Père ne cesse de nous offrir dans la fange de notre histoire. Le souffle de la vie de Dieu nous libère de cette asphyxie dont, souvent nous ne sommes pas conscients, et que nous sommes même habitués à «normaliser», même si ses effets se font sentir; cela nous semble «normal» car nous sommes habitués à Audience générale du 1er mars De l’esclavage à la liberté Chers frères et sœurs, bonjour! Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous entrons dans le temps liturgique du Carême. Et étant donné que nous accomplissons le cycle de catéchèses sur l’espérance chrétienne, je voudrais vous présenter aujourd’hui le Carême comme chemin d’espérance. En effet, cette perspective est immédiatement évidente si nous pensons que le Carême a été institué dans l’Eglise comme temps de préparation à Pâques, et donc tout le sens de cette période de quarante jours prend sa lumière du mystère pascal vers lequel il est orienté. Nous pouvons imaginer le Seigneur Ressuscité qui nous appelle à sortir de nos ténèbres, et nous nous mettons en chemin vers Lui, qui est la Lumière. Et le Carême est un chemin vers Jésus Ressuscité, c’est un temps de pénitence, et également de mortification, qui n’est pas une fin en soi, mais qui vise à nous faire ressusciter avec le Christ, à renouveler notre identité baptismale, c’est-à-dire à renaître à nouveau «d’en haut», de l’amour de Dieu (cf. Jn 3, 3). Voilà pourquoi le Carême est, de par sa nature, un temps d’espérance. Pour mieux comprendre ce que cela signifie, nous devons nous référer à l’expérience fondamentale de l’exode des Israélites de l’Egypte, rapportée par la Bible dans le livre qui porte ce nom: Exode. Le point de départ est la condition d’esclavage en Egypte, l’oppression, les travaux forcés. Mais le Seigneur n’a pas oublié son peuple et sa promesse: il appelle Moïse et, d’un bras puissant, fait sortir les Israélites de l’Egypte et les guide à travers le désert vers la Terre de la liberté. Au cours de ce chemin de l’esclavage à la liberté, le Seigneur donne aux Israélites la loi, pour les éduquer à l’aimer Lui, unique Seigneur, et à s’aimer entre eux comme des frères. L’Ecriture montre que l’exode est long et tourmenté: il dure symboliquement 40 ans, c’est-à-dire le temps de vie d’une génération. Une génération qui, face aux épreuves du chemin, est toujours tentée de regretter l’Egypte et de revenir en arrière. Nous aussi connaissons tous la tentation de revenir en arrière, tous. Mais le Seigneur demeure fidèle et ces pauvres gens, guidés par Moïse, arrivent à la Terre promise. Tout ce chemin est accompli dans l’espérance: l’espérance de rejoindre la Terre, et précisément dans ce sens, il s’agit d’un «exode», une sortie de l’esclavage vers la liberté. Et ces 40 jours sont également pour nous tous une sortie de l’esclavage, du péché, vers la liberté, vers la rencontre avec le Christ Ressuscité. Chaque pas, chaque difficulté, chaque épreuve, chaque chute et chaque reprise, tout n’a de sens qu’au sein du dessein de salut de Dieu qui pour son peuple veut la vie et non la mort, la joie et non la douleur. La Pâque de Jésus est son exode, par lequel Il nous a ouvert la voie pour parvenir à la vie pleine, éternelle et bienheureuse. Pour ouvrir cette voie, ce passage, Jésus a dû se dépouiller de sa gloire, s’humilier, se faire obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix. Nous ouvrir la voie à la vie éternelle lui a coûté tout son sang, et grâce à Lui, nous sommes sauvés de l’esclavage du péché. Mais cela ne veut pas dire qu’il a tout fait et que nous ne devons rien faire, qu’Il est passé à travers la croix et que nous «allons au paradis dans un carrosse». Il SUITE À LA PAGE 4 respirer un air où l’espérance est raréfiée, un air de tristesse et de résignation, un air étouffant de panique et d’hostilité. Le Carême est le temps pour dire non. Non à l’asphyxie de l’esprit par la pollution causée par l’indifférence, par la négligence à penser que la vie de l’autre ne me regarde pas, par toute tentative de banaliser la vie, spécialement celle de ceux qui portent dans leur chair le poids de tant de superficialité. Le Carême veut dire non à la pollution intoxicante des paroles vides et qui n’ont pas de sens, de la critique grossière et rapide, des analyses simplistes qui ne réussissent pas à embrasser la complexité des problèmes humains, spécialement les problèmes de tous ceux qui souffrent le plus. Le Carême est le temps pour dire non; non à l’asphyxie d’une prière qui nous tranquillise la conscience, d’une aumône qui nous rend satisfaits, d’un jeûne qui nous fait nous sentir bien. Le Carême est le temps pour dire non à l’asphyxie qui nait des intimismes qui excluent, qui veulent arriver à Dieu en esquivant les plaies du Christ présentes dans les plaies des frères: ces spiritualités qui réduisent la foi à une culture de ghetto et d’exclusion. Le Carême est le temps de la mémoire, c’est le temps pour penser et nous demander: qu’en serait-il de nous si Dieu nous avait fermé la porte. Qu’en serait-il de nous sans sa miséricorde qui ne s’est pas lassée de pardonner et qui nous a toujours donné l’occasion de recommencer à nouveau? Le Carême est le temps pour nous demander: où serionsnous sans l’aide de tant de visages silencieux qui, de mille manières, nous ont tendu la main et qui, par des gestes très concrets, nous ont redonné l’espérance et nous ont aidé à recommencer? Le Carême est le temps pour recommencer à respirer, c’est le temps pour ouvrir le cœur au souffle de l’Unique capable de transformer notre poussière en humanité. Il n’est pas le temps pour déchirer nos vêtements face au mal qui nous entoure, mais plutôt pour faire de la place dans notre vie à tout le bien que nous pouvons faire, nous dépouillant de tout ce qui nous isole, nous ferme et nous paralyse. Le Carême est le temps de la compassion pour dire avec le psalmiste: «Rends-moi la joie d’être sauvé, que l’esprit généreux me soutienne», pour que par notre vie nous proclamions ta louange (cf. Ps 51, 14), et pour que notre poussière — par la force de ton souffle de vie — se transforme en «poussière aimée». L’OSSERVATORE ROMANO numéro 9, jeudi 2 mars 2017 page 3 Angelus du 26 février Le courage d’avoir confiance Chers frères et sœurs, bonjour! La page évangélique d’aujourd’hui (cf. Mt 6, 24-34) est un puissant rappel à faire confiance à Dieu — ne pas oublier: faire confiance à Dieu — qui prend soin des êtres vivants dans la création. Il nourrit tous les animaux, se préoccupe des lys et de l’herbe des champs (cf. vv. 26-28); son regard bénéfique et attentionné veille quotidiennement sur notre vie. Celle-ci s’écoule assaillie par de nombreuses préoccupations, qui risquent d’ôter sérénité et équilibre; mais cette angoisse est souvent inutile, parce qu’elle ne parvient pas à changer le cours des événements. Jésus nous exhorte avec insistance à ne pas nous préoccuper du lendemain (cf. vv. 25.28.31), en rappelant qu’au-dessus de tout, il y a un Père aimant qui n’oublie jamais ses enfants: lui faire confiance ne résout pas par magie les problèmes, mais permet de les affronter avec l’esprit juste, courageusement, je suis courageux parce que j’ai confiance en mon Père qui prend soin de tout et qui m’aime tant. Dieu n’est pas un être lointain et anonyme: il est notre refuge, la source de notre sérénité et de notre paix. Il est le roc de notre salut, auquel nous pouvons nous agripper dans la certitude de ne pas tomber; celui qui s’agrippe à Dieu ne tombe jamais! Il est notre défense contre le mal toujours aux aguets. Dieu est pour nous le grand ami, l’allié, le père, mais nous ne nous en rendons pas toujours compte. Nous ne nous rendons pas compte que nous avons un ami, un allié, un père qui nous aime. Et nous préférons nous appuyer sur des biens immédiats, que nous pouvons toucher, sur des biens contingents, en oubliant, et parfois en refusant, le bien suprême, c’est-à-dire l’amour paternel de Dieu. Le sentir Père, en cette époque où il y a tant d’orphelins est si important! Dans ce monde orphelin, le sentir comme Père. Nous nous éloignons de l’amour de Dieu quand nous allons à la recherche obsessive des biens terrestres et des richesses, en faisant ainsi preuve d’un amour exagéré envers ces réalités. Jésus nous dit que cette recherche fébrile est illusoire et motif de tristesse. Et il donne à ses disciples une règle de vie fondamentale: «Cherchez d’abord le royaume de Dieu» (v. 33). Il s’agit de réaliser le projet que Jésus a annoncé dans le Discours sur la montagne, en se fiant à Dieu qui ne déçoit pas — tant d’amis ou tant de personnes que nous pensions être nos amis nous ont déçus; Dieu ne déçoit jamais! —; se prodiguer en tant qu’administrateurs fidèles des biens qu’Il nous a donnés, y compris les biens terrestres, mais sans «en faire trop» comme si tout, y compris notre salut, dépendait seulement de nous. Cette attitude évangélique exige un choix clair, que le passage du jour indique avec précision: «Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent» (v. 24). Soit le Seigneur, soit les idoles Conclusion de la rencontre entre catholiques et musulmans à Al-Azhar Des valeurs communes Rejeter toute forme de fanatisme, d’extrémisme et de violence au nom de la religion; promouvoir la connaissance réciproque, les valeurs communes et la tolérance. C’est ce que souhaitent le Centre pour le dialogue d’Al-Azhar et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux dans le communiqué conjoint publié au terme du symposium qui s’est déroulé au Caire, en Egypte, les 22 et 23 février. Une rencontre qui «s’est déroulée de façon très positive» et qui a «satisfait» le cardinal président du dicastère Jean-Louis Tauran, à la tête de la délégation catholique. Les travaux ont été inaugurés par les interventions du cardinal, du vice-grand Imam d’AlAzhar, le sheikh Abbas Shouman, et du directeur du Centre pour le dialogue de l’institution académique sunnite, Mahmoud Hamdi Zakzouk. Au cours des deux journées, les participants ont présenté six recherches, en arabe et en anglais, sur les causes du fanatisme, de l’extrémisme et de la violence religieuses, et sur les modalités de lutte contre ces phénomènes, dont l’Egypte elle-même est victime en ces heures. Au terme de la rencontre, les participants ont publié une déclaration commune contenant une douzaine de recommandations. La première souligne l’importance du dialogue entre la plus haute autorité d’Al-Azhar, le sheikh Ahmad Muhammad al-Tayyib, et le conseil pontifical; la deuxième réitère la nécessité du respect de la diversité religieuse. En outre, la pauvreté, l’ignorance, l’abus politique de la religion et l’interprétation erronée des textes sacrés ont été identifiés parmi les causes du fanatisme et de l’extrémisme. A ce propos, il a été suggéré de prêter une attention particulière aux jeunes, en ouvrant des canaux de dialogue, en les formant et en les éduquant de façon correcte aux «valeurs communes» partagées, telles que la miséricorde, l’amour et le respect. Le deuxième bloc de recommandations se rapporte à ce que les deux institutions concernées peuvent faire ensemble pour promouvoir les relations entre les peuples, les personnes, les civilisations et les religions, afin de garantir la paix, la sécurité et la stabilité. Dans la conscience que des rencontres comme celle qui s’est déroulée dans la capitale égyptienne peuvent également servir à clarifier toute conviction erronée et à confirmer la valeur de la tolérance parmi les fidèles des religions, les participants ont enfin exhorté tous les gouvernements, les organisations et les autorités internationales à coopérer entre elles pour faire obstacle aux groupes extrémistes et violents. A ce propos, les dernières recommandations concernent des actions concrètes pour combattre de façon réaliste les organisations terroristes, par exemple en asséchant leurs ressources, et en arrêtant ceux qui les fournissent en argent et en armes, afin de protéger les jeunes de leurs idéologies dévastatrices. fascinantes, mais illusoires. Ce choix que nous sommes appelés à accomplir se répercute ensuite sur nombre de nos actes, programmes et engagements. C’est un choix à faire de façon nette et à renouveler constamment, parce que les tentations de tout réduire à l’argent, au plaisir et au pouvoir, sont menaçantes. Il y a tant de tentations à ce sujet. Tandis qu’honorer ces idoles conduit à des résultats tangibles, bien que fugaces, faire des choix pour Dieu et son Royaume ne donne pas toujours des fruits immédiats. C’est une décision qui se prend dans l’espérance et qui laisse à Dieu la pleine réalisation. L’espérance chrétienne vise à l’accomplissement futur de la promesse de Dieu et ne s’arrête devant aucune difficulté, parce qu’elle est fondée sur la fidélité de Dieu, qui ne faillit jamais. Il est fidèle, c’est un père fidèle, c’est un ami fidèle, c’est un allié fidèle. Que la Vierge Marie nous aide à nous confier à l’amour et à la bonté du Père céleste, à vivre en Lui et avec Lui. C’est le présupposé pour surmonter les tourments et les adversités de la vie, ainsi que les persécutions, comme nous le montre le témoignage d’un grand nombre de nos frères et sœurs. A l’issue de l’Angelus, le Saint-Père a prononcé les paroles suivantes: Chers frères et sœurs, je vous salue tous, pèlerins de Rome, d’Italie et de divers pays. Je salue le groupe venu à l’occasion de la «journée des maladies rares» — merci, merci à vous pour ce que vous faites — et je souhaite que les patients et leurs familles soient soutenus de façon adéquate dans leur parcours difficile, tant au niveau médical que législatif. Je souhaite à tous un bon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et au revoir! L’OSSERVATORE ROMANO page 4 jeudi 2 mars 2017, numéro 9 Discours à une délégation de l’épiscopat français engagée dans la coopération entre les peuples Non à un monde qui élève des murs Un nouvel appel à construire des ponts «dans un monde où s’élèvent encore tant de murs par peur des autres» a été lancé par le Pape au cours de l’audience — qui s’est déroulée dans la matinée du samedi 25 février dans la salle des Papes — à la délégation catholique pour la coopération, de la Conférence épiscopale française. Chers amis, C’est avec joie que je vous accueille dans le cadre du pèlerinage que vous accomplissez à Rome pour le cinquantième anniversaire de la Délégation catholique pour la coopération. A travers vous, j’adresse mon cordial salut à tous les volontaires envoyés dans plus de cinquante pays, ainsi qu’à toutes les personnes qui, aujourd’hui comme hier, bénéficient de leur présence et de leurs compétences. Comme l’a écrit le bienheureux Paul VI dans l’encyclique Populorum progressio, «le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme […] La solidarité mondiale, toujours plus efficiente, doit permettre à tous les peuples de devenir eux-mêmes les artisans de leur destin» (nn. 14 et 65). Ces convictions ont conduit l’Eglise en France à créer, il y a cinquante ans, la Délégation catholique pour la coopération, en fidélité au grand élan missionnaire auquel elle a su apporter sa généreuse contribution au cours des siècles. Avec vous, je rends grâce au Seigneur pour l’œuvre de son Esprit manifestée dans le cheminement humain et spirituel des volontaires et dans le travail d’accompagnement des projets de développement que votre organisation a permis. Ainsi vous servez Audience générale du 1er mars SUITE DE LA PAGE 2 n’en est rien. Notre salut est certainement un don de sa part, mais, étant donné qu’il s’agit d’une histoire d’amour, il exige notre «oui» et notre participation à son amour, comme nous le démontre notre Mère Marie et après elle tous les saints. Le Carême vit de cette dynamique: le Christ nous précède avec son exode, et nous traversons le désert grâce à Lui et derrière Lui. Il est tenté pour nous, et a vaincu le Tentateur pour nous, mais nous aussi devons affronter avec Lui les tentations et les surmonter. Il nous donne l’eau vive de son Esprit, et c’est à nous qu’il revient de puiser à sa source et de boire, dans les sacrements, dans la prière, dans l’adoration; Il est la lumière qui vainc les ténèbres et il nous est demandé d’alimenter la petite flamme qui nous a été confiée le jour de notre baptême. Dans ce sens, le Carême est «le signe sacramentel de notre conversion» (Missel romain, prière de la collecte, 1er dimanche de Carême); qui accomplit le chemin du Carême est toujours sur le chemin de la conversion. Le Carême est le signe sacramentel de notre chemin de l’esclavage à la liberté, toujours à renouveler. Un chemin certes exigeant, mais un chemin plein d’espérance. Je dirais même plus: l’exode de Carême est le chemin sur lequel l’espérance elle-même se forme. La difficulté de traverser le désert — toutes les épreuves, les tentations, les illusions, les mirages... — tout cela sert à forger une espérance forte, solide, sur le modèle de celle de la Vierge Marie, qui au milieu des ténèbres de la passion et de la mort de son Fils, continua à croire et à espérer dans sa résurrection, dans la victoire de l’amour de Dieu. Avec le cœur ouvert à cet horizon, entrons aujourd’hui dans le Carême. En nous sentant partie du peuple saint de Dieu, commençons avec joie ce chemin d’espérance. Parmi les pèlerins qui assistaient à l’audience générale du 1er mars, se trouvaient les groupes francophones suivants: De France: Lycée Blomet, de Paris; collège Saint-Charles, de Pignan; collège Saint-Joseph, de Saint-Cloud. De Suisse: Groupe de jeunes de Val d’Illiez. De Belgique: Paroisse SainteJulienne; communauté de l’Emmanuel. Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes de Paris, Pignan, Saint-Cloud et de Suisse ainsi que les fidèles venant de Belgique. Que le Carême soit pour nous un chemin de joie et d’espérance, grâce à la force de l’amour miséricordieux du Seigneur et l’aide de la Vierge Marie, afin que nous puissions ressusciter avec le Christ. Que Dieu vous bénisse! une véritable coopération entre sortie qui se fait proche des perles Eglises locales et entre les sonnes en situation de souffrance, peuples, refusant la misère et de précarité, de marginalisation, agissant pour un monde plus jus- d’exclusion. Soyez les serviteurs d’une Eglise qui permet à chacun te et plus fraternel. «Le mot “solidarité” est un peu de reconnaitre l’étonnante proxiusé et, parfois, on l’interprète mité de Dieu, sa tendresse et son mal, mais il désigne beaucoup amour et d’accueillir la force qu’il plus que quelques actes sporadi- nous donne en Jésus Christ, sa ques de générosité. Il demande Parole vivante, pour déployer nos de créer une nouvelle mentalité talents en vue du bien de tous et qui pense en termes de commu- de la sauvegarde de notre maison nauté, de priorité de la vie de commune. En demandant au Seigneur de tous sur l’appropriation des biens par quelques-uns» (Exhort. ap. vous aider à servir la culture de la Evangelii gaudium, n. 188). C’est rencontre au sein de l’unique fabien dans cette dynamique que la mille humaine, je vous donne la Délégation catholique pour la co- Bénédiction apostolique, ainsi opération a voulu inscrire son ac- qu’à tous les membres de la Délétion, en mettant en place un véri- gation catholique pour la coopératable partenariat avec les Eglises tion. Merci. et les acteurs locaux des pays où les volontaires sont envoyés, et en travaillant de concert avec les autorités civiles et toutes les bonnes volontés. Elle contribue ainsi à une authentique conversion écologique qui reLe cardinal irlandais Desmond Connell, connaît l’éminente digniarchevêque émérite de Dublin (Irlande) est mort té de chaque personne, dans la nuit du 20 au 21 février. Né dans la sa valeur propre, sa créacapitale irlandaise le 24 mars 1926, il avait été tivité et sa capacité à reordonné prêtre le 19 mai 1951. Il avait été chercher et à promouvoir nommé archevêque de Dublin le 21 janvier le bien commun (cf. Enc. 1988 et avait reçu l’ordination épiscopale le 6 Laudato si’, nn. 216-221). mars suivant; puis il avait été créé cardinal lors J’encourage donc tous du consistoire du 21 février 2001, avec le titre les membres de la Déléde San Silvestro in Capite. Le 26 avril 2004, gation catholique pour la il avait renoncé à la charge pastorale de coopération à «faire granl’archidiocèse. Ayant appris la nouvelle, le Pape dir une culture de la miFrançois a envoyé un télégramme de séricorde, fondée sur la condoléances à S.Exc. Mgr Diarmuid Martin, redécouverte de la renarchevêque de Dublin. contre des autres: une culture dans laquelle perProfondément attristé par la mort du cardisonne ne regarde l’autre nal Desmond Connell, je vous présente mes avec indifférence ni ne sincères condoléances, ainsi qu’au clergé, aux détourne le regard quand religieux et aux fidèles laïcs de l’archidiocèse. il voit la souffrance des En rappelant avec gratitude les années de géfrères» (Lett. ap. Miserinéreux ministère sacerdotal et épiscopal dans cordia et misera, n. 20). l’archidiocèse de Dublin du cardinal ConN’ayez pas peur de parnell, et ses nombreuses contributions à l’Eglicourir les routes de la se en Irlande, en particulier dans le domaine fraternité et de construire des études philosophiques, je m’unis à vous des ponts entre les hompour confier son âme à l’amour miséricormes et entre les peuples, dieux de Dieu tout-puissant. Dans l’espérandans un monde où s’élèce certaine de la Résurrection, je donne de vent encore tant de murs tout cœur ma Bénédiction apostolique à par peur des autres. A ceux qui pleurent le défunt cardinal, en gage travers vos initiatives, vos de réconfort et de paix dans le Seigneur projets et vos actions, Jésus. vous rendez visible une Eglise pauvre avec et pour FRANÇOIS les pauvres, une Eglise en Décès du cardinal Desmond Connell numéro 9, jeudi 2 mars 2017 L’OSSERVATORE ROMANO page 5 Clôture du séminaire sur un droit humain vital Vers une guerre mondiale pour l’eau Le monde se dirige-t-il «vers une grande guerre mondiale pour l’eau»? C’est ce que s’est demandé le Pape François en intervenant, dans l’aprèsmidi du vendredi 24 février, à la session de clôture du séminaire sur le droit humain à l’eau, organisé par l’Académie pontificale des sciences et qui avait commencé la veille à la Casina Pio IV, au Vatican. Après une brève introduction du cardinal brésilien Cláudio Hummes, le Pape a prononcé le discours suivant. Chers frères et sœurs, bon après-midi. et vos instruments afin de donner une réponse à ce besoin et à cette Je vous salue tous, ici présents, et problématique que vit l’homme je vous remercie pour votre parti- d’aujourd’hui. Comme on le lit dans le livre cipation à cette rencontre qui soulève la problématique du droit de la Genèse, l’eau est à l’origine humain à l’eau et l’exigence de de toutes les choses (cf. Gn 1, 2); politiques publiques qui puissent elle est une «créature utile, pure faire face à cette réalité. Il est si- et humble», source de la vie et de gnificatif que vous vous unissiez la fécondité (cf. Saint François pour apporter vos connaissances d’Assise, Cantique des Créatures). C’est pourquoi la question que vous traitez n’est pas marginale, mais fondamentale et très urgente. Fondamentale parce que là où il y a l’eau, il y a la vie, et la société peut naître et progresser. Et cela est urgent, parce La déclaration sur le droit humain à l’eau, que notre maison comdocument de conclusion du séminaire qui mune a besoin de protecs’est déroulé au Vatican, part de la tion et également que constatation qu’un grand nombre des l’on comprenne que tousystèmes économiques et productifs, ainsi te eau n’est pas vie: unique les styles de vie actuels dégradent quement l’eau sûre et de l’environnement. Le premier signataire qualité — en continuant a été précisément le Pape François, au cours avec la figure de saint de la session de clôture des travaux au siège François: l’eau «qui sert de l’Académie pontificale des sciences, qui a avec humilité», l’eau organisé le rendez-vous en collaboration «pure», non contaminée. avec «La Cátedra del dialogo y la cultura Toute personne a droit del encuentro». à l’accès à l’eau potable «Nous avons besoin — lit-on dans le et sûre; c’est un droit hudocument — d’une éducation qui contribue à main essentiel et une des un changement culturel autour de la questions cruciales dans reconnaissance de l’autre et de la défense de le monde actuel (cf. Enl’eau et des écosystèmes». Cela exige une nouvelle mentalité, grâce à laquelle la science et la technologie pourront apporter des contributions fondamentales dans la préservation de l’eau et de son usage universel. Pour protéger les biens communs, poursuit la déclaration finale, il est nécessaire de «compter sur des instruments juridiques plus efficaces». C’est pourquoi «la perspective des droits humains peut faire la différence; éviter que la fourniture d’eau et de services d’hygiène ne tombent dans le pouvoir discrétionnaire de groupes d’influence, mais constituent au contraire une obligation juridiquement contraignante». Pour atteindre cet objectif, il cyclique Laudato si’, faut des gouvernements «dotés de volonté et n. 30; Encyclique Caritas de force politique et qui puissent mettre en in veritate, n. 27). Cela œuvre les changements nécessaires en suivant est douloureux quand la l’impératif moral des Objectifs de législation d’un pays ou développement durable approuvés après le d’un groupe de pays ne discours du Pape François à la communauté considère pas l’eau cominternationale». Cela exige un engagement me un droit humain. Et encore plus douloureux collectif en vue de l’élaboration de politiques quand on revient sur ce publiques au niveau mondial, au niveau des qui a été écrit et que l’on Etats et au niveau local, qui incluent des nie ce droit humain. «mécanismes de participation réels et C’est un problème qui effectifs en vue du plein exercice de la nous concerne tous, et citoyenneté et de la sauvegarde des biens qui fait que notre maison communs». commune endure tant de Un changement culturel est nécessaire Des femmes en route pour chercher de l’eau en Somalie (Reuters) misère et réclame des solutions effectives, véritablement capables de dépasser les égoïsmes qui empêchent la mise en œuvre de ce droit vital pour tous les êtres humains. Il est nécessaire de donner à l’eau la place centrale qu’elle mérite dans le cadre des politiques publiques. Notre droit à l’eau est aussi un devoir à l’égard de l’eau. Du droit que nous en avons, dérive une obligation qui lui est liée et qui ne peut s’en distinguer. Il est indispensable d’annoncer ce droit humain essentiel et de le défendre — comme on le fait actuellement —, mais aussi d’agir de façon concrète; en assurant un engagement politique et juridique à l’égard de l’eau. En ce sens, tout Etat est appelé à concrétiser, y compris par des instruments juridiques, ce qui est indiqué dans les résolutions approuvées par l’assemblée générale des Nations unies en 2010 sur le droit humain à l’eau potable et à l’hygiène. D’autre part, tout acteur non étatique doit assumer ses responsabilités envers ce droit. Le droit à l’eau est déterminant pour la survie des personnes (cf. ibid., n. 30) et décide de l’avenir de l’humanité. Il est prioritaire également d’éduquer les prochaines générations à la gravité de cette réalité. La formation de la conscience est un devoir difficile; il exige conviction et dévouement. Je me demande si au milieu de cette «troisième guerre mondiale combattue par morceaux» que nous sommes en train de vivre, nous ne nous dirigeons pas vers la grande guerre mondiale pour l’eau. Les statistiques dont les Nations unies font état sont bouleversantes et ne peuvent nous laisser indifférents: mille enfants meurent chaque jour à cause de maladies liées à l’eau; des millions de personnes consomment de l’eau polluée. Il s’agit de données très graves; il faut freiner et inverser cette situation. Il n’est pas trop tard, mais il est urgent de prendre conscience du besoin d’eau et de sa valeur essentielle pour le bien de l’humanité. Le respect de l’eau est une condition pour l’exercice des autres droits humains (cf. ibid., n. 30). Si nous respectons ce droit comme fondamental, nous poserons les bases pour protéger les autres droits. Mais si nous violons ce droit essentiel, comment pourrons-nous veiller sur les autres et lutter pour eux! Dans cet engagement de donner à l’eau la place qui lui revient, une culture de protection est nécessaire (cf. ibid., n. 231) — on dirait une chose poétique, et d’ailleurs, la création est une «poiesis», cette culture de la protection qui est créative — et en outre promouvoir une culture de la rencontre, où s’unissent dans une cause commune toutes les forces nécessaires de scientifiques et d’entrepreneurs, de gouvernants et d’hommes politiques. Il faut unir toutes nos voix dans une même cause; ce ne seront plus des voix individuelles ou isolées, mais le cri du frère qui s’élève par notre intermédiaire est le cri de la terre qui demande le respect et le partage responsable d’un bien, qui est à tous. Dans cette culture de la rencontre, l’action de chaque Etat, en tant que garant de l’accès universel à l’eau sûre et de qualité, est indispensable. Dieu Créateur ne nous abandonne pas dans ce travail pour donner à tous et à chacun un accès à l’eau potable et sûre. Mais le travail est le nôtre, la responsabilité est la nôtre. Je souhaite que ce séminaire soit une occasion propice pour que vos convictions soient renforcées et que vous sortiez d’ici avec la certitude que votre travail est nécessaire et prioritaire pour que d’autres personnes puissent vivre. C’est un idéal pour lequel il vaut la peine de lutter et de travailler. Avec notre «peu» nous contribuerons à rendre notre maison commune plus habitable et plus solidaire, plus soignée, une maison où personne n’est rejeté ni exclu, où nous jouissons tous des biens nécessaires pour vivre et grandir dans la dignité. Et n’oublions pas les données, les statistiques des Nations unies. N’oublions pas que chaque jour mille enfants — chaque jour! — meurent de maladies liées à l’eau. Merci. L’OSSERVATORE ROMANO numéro 9, jeudi 2 mars 2017 Audience au Forum international Migrations et paix Lutter contre les trafiquants de chair humaine «Accueillir», «protéger», «promouvoir» et «intégrer»: tels sont les quatre verbes que le Pape François a soumis à l’attention des participants au forum international Migrations et paix, reçus en audience le mardi 21 février dans la salle Clémentine. «Conjuger ces quatre verbes» à l’égard de «frères et sœurs qui, pour des raisons diverses, sont forcés de quitter leur lieu d’origine», a rappelé le Pape, est «un devoir de justice, de civilisation et de solidarité». Mesdames et Messieurs, J’adresse à chacun de vous mes salutations cordiales, ainsi qu’une sincère gratitude pour votre précieux travail. Je remercie Mgr Tomasi pour ses aimables paroles et M. Pöttering pour son intervention; je suis également reconnaissant pour les trois témoignages qui représentent concrètement le thème de ce forum: «Intégration et développement: de la réaction à l’action». En effet, il n’est pas possible de lire les défis actuels des mouvements migratoires contemporains et de la construction de la paix sans in- clure le binôme «développement et intégration»: c’est dans ce but que j’ai voulu instituer le Dicastère pour le service du développement humain intégral, à l’intérieur duquel une section s’occupe spécifiquement de ce qui concerne les migrants, les réfugiés et les victimes de la traite. Les migrations, dans leurs différentes formes, ne représentent certes pas un phénomène nouveau dans l’histoire de l’humanité. Elles ont profondément marqué chaque époque, favorisant la rencontre des peuples et la naissance de nouvelles civilisations. Dans son essence, migrer est l’expression du désir intrinsèque de bonheur propre à tout être humain, un bonheur qui doit être recherché et poursuivi. Pour nous, chrétiens, toute la vie terrestre est un itinéraire vers notre patrie céleste. Le début de ce troisième millénaire est fortement caractérisé par des mouvements migratoires qui, en termes d’origine, de transit et de destination, concernent pratiquement toutes les régions de la terre. Malheureusement, dans une grande partie des cas, il s’agit de déplacements forcés, causés par des conflits, des catastrophes naturelles, des persécutions, des changements climatiques, des violences, une pauvreté extrême et des conditions de vie indignes: «Le nombre de personnes qui émigrent d’un continent à l’autre, de même que celui de ceux qui se déplacent à l’intérieur de leurs propres pays et de leurs propres aires géographiques, est impressionnant. Les flux migratoires contemporains constituent le plus vaste mouvement de personnes, sinon de peuples, de tous les temps»1. Face à ce scénario complexe, je sens le devoir d’exprimer une préoccupation particulière pour la nature forcée de nombreux flux migratoires contemporains, qui augmente les défis à la communauté politique, à la société civile et à l’Eglise et qui exige que l’on réponde de façon encore plus urgente à ces défis de manière coordonnée et efficace. Notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes: accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. Accueillir: «Il y a un caractère de refus qui nous rapproche, qui nous conduit à ne pas regarder le prochain comme un frère à accueillir, mais à le laisser hors de notre horizon personnel de vie, à le transformer plutôt en un concurrent, en un sujet à dominer»2. Devant ce caractère de refus, enraciné, en ultime analyse, dans l’égoïsme et amplifié par des démagogies populistes, un changement d’attitude est urgent, pour surmonter l’indifférence et préférer aux craintes une attitude généreuse d’accueil envers ceux qui frappent à nos portes. Pour ceux qui fuient les guerres et de terribles persécutions, souvent pris au pièges dans les filets d’organisations criminelles sans scrupules, il faut ouvrir des canaux humanitaires accessibles et sûrs. Un accueil responsable et digne de nos frères et sœurs commence en leur donnant un premier hébergement dans des espaces adéquats et décents. Les grands rassemblements de demandeurs d’asile et de réfugiés n’ont pas donné de résultats positifs, mais ont plutôt donné lieu à de nouvelles situations de vulnérabilité et de malaise. Les programmes d’accueil diffus, déjà lancés dans différentes localités, semblent au contraire faciliter la rencontre personnelle, permettre une meilleure qualité des services et offrir de plus grandes garanties de succès. Protéger. Mon prédécesseur, le Pape Benoît, a souligné que l’expérience migratoire rend souvent les personnes plus vulnérables à l’exploitation, à l’abus et à la violence3. Nous parlons de millions de travailleurs, hommes et femmes, migrants — et parmi ceux-ci, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière — de réfugiés et de demandeurs d’asile, de victimes de la traite. La défense de leurs droits inaliénables, la garantie des libertés fondamentales et le respect de leur dignité sont des devoirs dont personne ne peut se dispenser. Protéger ces frères et sœurs est un impératif moral à traduire en adoptant des instruments juridiques, internationaux et nationaux, clairs et pertinents; en effectuant des choix politiques justes et clairvoyants, en préférant les processus constructifs, sans doute plus lents, aux retours de consensus immédiats; en mettant en œuvre des programmes opportuns et humanisants dans la lutte contre les «trafiquants de chair humaine» qui font du profit sur les malheurs d’autrui; en coordonnant les efforts de tous les acteurs, parmi lesquels, vous pouvez en être certains, il y aura toujours l’Eglise. Promouvoir. Protéger ne suffit pas, il faut promouvoir le développement humain intégral des migrants, des déplacés et des réfugiés, qui «se réalise à travers le soin que l’on porte aux biens incommensurables de la justice, de la paix et de la sauvegarde de la création»4. Le développement, selon la doctrine sociale de l’Eglise5, est un droit indéniable de tout être humain. En tant que tel, il doit être garanti en assurant les conditions nécessaires pour son exercice, aussi bien dans le domaine individuel que dans le domaine social, en donnant à tous un accès égal aux biens fondamentaux et en offrant des possibilités de choix et de croissance. Là aussi, une action coordonnée et prévoyante de toutes les forces en jeu est nécessaire: de la communauté politique à la société civile, des organisations internationales aux institutions religieuses. La promotion humaine des migrants et de leurs familles commence par les communautés d’origine, là où doit être garanti, avec le droit de pouvoir émigrer, également le droit de ne pas devoir émigrer6, c’est-à-dire le droit de trouver dans sa patrie des conditions qui permettent une réalisation digne de l’existence. A cette fin, il faut encourager les efforts qui conduisent à la mise en œuvre de programmes de coopération internationale, détachés de tout intérêt partisan, et de développement transnational dans lequels les migrants sont impliqués comme protagonistes. Intégrer. L’intégration, qui n’est ni assimilation ni incorporation, est un processus bidirectionnel, qui se fonde essentiellement sur la reconnaissance mutuelle de la richesse culturelle de l’autre: ce n’est pas l’aplatissement d’une culture sur l’autre, ni un isolement réciproque, avec le risque de «ghettoïsations» aussi néfastes que dangereuses. En ce qui concerne celui qui arrive et qui est tenu de ne pas se fermer à la culture et aux traditions du pays d’accueil, en respectant avant tout ses lois, il ne faut absolument pas négliger la dimension familiale du processus d’intégration: c’est pourquoi je me sens le devoir de redire la nécessité, plusieurs fois soulignée par le Magistère7, de politiques visant à favoriser et à privilégier les regroupements familiaux. En ce qui concerne les populations autochtones, il faut les aider en les sensibilisant de façon adéquate et en les disposant de façon positive aux processus d’intégration, pas toujours simples et immédiats, mais toujours essentiels et incontournables pour l’avenir. Il faut aussi pour cela des programmes spécifiques qui favorisent la rencontre significative avec l’autre. Pour la communauté chrétienne, ensuite, l’intégration pacifique de personnes de cultures différentes est, en quelque sorte, également un reflet de sa catholicité, étant donné que l’unité, qui n’annule pas les différences ethniques et culturelles, constitue une dimension de la vie de l’Eglise qui, dans l’Esprit de la Pentecôte, est ouverte à tous et désire embrasser chacun8. Je crois que conjuguer ces quatre verbes, à la première personne du singulier et à la première personne du pluriel, représente aujourd’hui un devoir, un devoir à l’égard de frères et sœurs qui, pour des raisons diverses, sont forcés de quitter leur lieu d’origi- ne: un devoir de justice, de civilisation et de solidarité. Avant tout, un devoir de justice. Les inégalités économiques inacceptables, qui empêchent de mettre en pratique le principe de la destination universelle des biens de la terre, ne sont plus durables. Nous sommes tous appelés à entreprendre des processus de partage respectueux, responsable et inspiré par les préceptes de la justice distributive. «Il est donc nécessaire de trouver les moyens pour que tous puissent bénéficier des fruits de la terre, non seulement pour éviter que s’élargisse l’écart entre celui qui a plus et celui qui doit se contenter des miettes, mais aussi et surtout en raison d’une exigence de justice, d’équité et de respect envers tout être humain»9. Un petit groupe d’individus ne peut contrôler les ressources de la moitié du monde. Des personnes et des peuples entiers ne peuvent n’avoir le droit que de ramasser les miettes. Et personne ne peut se sentir tranquille et dispensé des impératifs moraux qui découlent de la coresponsabilité dans la gestion de la planète, une coresponsabilité plusieurs fois rappelée par la communauté politique internationale, ainsi que par le Magistère10. Cette coresponsabilité doit être interprétée en accord avec le principe de subsidiarité «qui donne la liberté au développement des capacités présentes à tous les niveaux, mais qui exige en même temps plus de responsabilité pour le bien commun de la part de celui qui détient plus de pouvoir»11. Faire justice signifie également réconcilier l’histoire avec le présent mondialisé, sans perpétuer les logiques d’exploitation de personnes et de territoires, qui répondent à l’usage le plus cynique du pages 6/7 abus, violence, mort — ne peuvent qu’apparaître des sentiments spontanés d’empathie et de compassion. «Où est ton frère?» (cf. Gn 4, 9): cette question, que Dieu pose à l’homme depuis les origines, nous concerne, en particulier, aujourd’hui, à l’égard de nos frères et sœurs qui migrent: «Ce n’est pas une question adressée aux autres, c’est une question adressée à moi, à toi, à chacun de nous»17. La solidarité naît précisément de la capacité à comprendre les besoins de notre frère et de notre sœur en difficulté et de s’en charger. C’est sur cela, en substance, que se fonde la valeur sacrée de l’hospitalité présente dans les traditions religieuses. Pour nous, chrétiens, l’hospitalité offerte à l’étranger qui a besoin d’un refuge est offerte à Jésus Christ lui-même, qui s’est identifié avec l’étranger: «J’étais étranger et vous m’avez accueilli» (Mt 25, 35). C’est un devoir de solidarité de s’opposer à la culture du rejet et de réserver toute notre attention envers les plus faibles, pauvres et vulnérables. C’est pourquoi «un changement d’attitude envers les migrants et les réfugiés est nécessaire de la part de tous; le passage d’une attitude de défense et de peur, de désintérêt ou de marginalisation — qui, en fin de compte, correspond à la “culture du rejet” — à une attitude qui ait comme base la plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci. 1 Message pour la 100e journée mondiale du migrant et du réfugié, 5 août 2013. 2 Discours au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 12 janvier 2015. 3 Cf. Benoît XVI, Message pour la 92e journée mondiale du migrant et du réfugié, 18 octobre 2005. 4 Lett. ap. sous forme de Motu proprio Humanam progressionem, 17 août 2016. 5 Cf. Conseil pontifical justice et paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, nn. 373-374. 6 Cf. Benoît XVI, Message pour la 99e journée mondiale du migrant et du réfugié, 12 octobre 2012. 7 Cf. Jean-Paul II, Message pour la journée mondiale des migrations, 15 août 1986. 8 Cf. Jean-Paul II, Message pour la journée mondiale des migrations, 5 août 1987. 9 Message pour la 47e journée mondiale de la paix, 8 décembre 2013, n. 9. 10 Cf. Conseil pontifical justice et paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, nn. 9;163;189;406. 11 Lett. enc. Laudato si’, n. 196. marché, pour augmenter le bien-être d’un petit nombre. Comme l’a affirmé le Pape Benoît, le processus de décolonisation a été retardé «aussi bien à cause de nouvelles formes de colonialisme et de dépendance à l’égard d’anciens comme de nouveaux pays dominants, qu’en raison de graves irresponsabilités internes aux pays devenus indépendants»12. Il faut remédier à tout cela. En second lieu, il y a un devoir de civilisation. Notre engagement en faveur des migrants, des déplacés et des réfugiés est une application de ces principes et valeurs d’accueil et de fraternité qui constituent un patrimoine commun d’humanité et de sagesse auquel puiser. Ces principes et ces valeurs ont été codifiés au cours de l’histoire dans la Déclaration universelToujours plus de paroisses et d’institutions ecclésiales en Allemagne accueillent les réfule des droits de l’homme, giés, en les protégeant du rapatriement forcé. Et cela précisément tandis que fait rage dans dans de nombreuses convenle pays le débat sur la nécessité des «expulsions rapides» de migrants sans droits d’asile. tions et accords internatioPar rapport aux années précédentes, 2016 a vu une augmentation de ce que l’on appelle le naux. «Tout migrant est une Kirchenasyl, une sorte de droit d’asile dans les églises et les lieux de culte, qui en général, personne humaine qui, en est respecté par les forces de l’ordre allemandes. Les statistiques relatives à l’an dernier ne tant que telle, possède des sont pas encore officielles, mais on prévoit une augmentation supplémentaire pour 2017. Le droits fondamentaux inaliénagroupe de travail ecclésial en matière d’asile a observé qu’à la mi-janvier de cette années, bles qui doivent être respec323 refuges étaient déjà actifs pour un total de 547 personnes, dont 145 enfants. Il y a un tés par tous et en toute ciran, suite à une initiative de l’Eglise catholique et de la communauté évangélique, 277 abris Aujourd’hui constance»13. plus que jamais, il est nécesdans des bâtiments ecclésiaux accueillant 449 réfugiés avaient été enregistrés; en janvier saire de réaffirmer le caractère 2015, on comptait 200 refuges abritant 359 réfugiés. Les lieux servant aux initiatives de recentral de la personne humaifuge temporaire sont des églises, des monastères, des couvents et des bâtiments diocésains. ne, sans permettre que des Les sièges ecclésiaux accomplissent un rôle de «sanctuaire», sur le modèle du New Sancconditions contingentes et actuary Movement des Etats-Unis, dans l’œuvre de protection temporaire des réfugiés, pour cessoires, ainsi que le respect les protéger du risque d’expulsion, et pour leur permettre d’obtenir au moins le droit pronécessaire de conditions buvisoire de séjourner en Allemagne. Il s’agit, pour la la majorité, de personnes qui fuient et reaucratiques ou administratide demandeurs d’asile qui sont entrés dans l’Union européenne sur la base de la directive ves, n’en obscurcissent la di«Dublin» et qui auraient donc dû quitter l’Allemagne. gnité essentielle. Comme l’a déclaré saint Jean-Paul II, «la situation d'irrégularité juridique n’autorise pas à négliger la dignité du migrant, qui possède “culture de la rencontre”, seule capa- 12 Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in vedes droits inaliénables, qui ne peuvent ble de construire un monde plus juste ritate, n. 33. être ni violés ni ignorés»14. Par devoir et fraternel, un monde meilleur»18. 13 Ibid., n. 62. de civilisation, il faut également reEn conclusion de cette réflexion, 14 Jean-Paul II, Message pour la jourtrouver la valeur de la fraternité qui se permettez-moi d’attirer votre attention fonde sur la constitution relationnelle sur un groupe particulièrement vulné- née mondiale des migrations, 25 juillet native de l’être humain: «La vive rable parmi les migrants, les déplacés 1995, n. 2. conscience d’être en relation nous et les réfugiés que nous sommes appe- 15 Message pour la 47e journée mondiale amène à voir et à traiter chaque per- lés à accueillir, protéger, promouvoir de la paix, 8 décembre 2013, n. 1. sonne comme une vraie sœur et un et intégrer. Je veux parler des enfants 16 Cf. Benoît XVI, Discours aux particivrai frère; sans cela, la construction et des adolescents qui sont forcés de pants au congrès inter-académique d’une société juste, d’une paix solide vivre loin de leur terre d’origine et «L’identité changeante de l’individu», et durable devient impossible»15. La coupés de leurs liens familiaux. C’est 28 janvier 2008. fraternité est la manière la plus civile à eux que j’ai dédié le dernier messa- 17 Homélie sur le terrain de sport «Ared’entrer en relation avec la présence ge pour la journée mondiale du mide l’autre, qui ne menace pas mais in- grant et du réfugié, en soulignant na» à Salina, 8 juillet 2013. terroge, réaffirme et enrichit notre qu’«il faut viser la protection, l’inté- 18 Message pour la 100e journée mondiale du migrant et du réfugié, 5 août identité individuelle16. gration et des solutions durables»19. Il y a, enfin, un devoir de solidarité. Je suis certain que ces deux jour- 2013. Face aux tragédies qui «marquent au nées de travail apporteront des fruits 19 Message pour la 103e journée monfer rouge» la vie de tant de migrants abondants de bonnes œuvres. Je vous diale du migrant et du réfugié, 8 sepet de réfugiés — guerres, persécutions, assure de ma prière; et vous, s’il vous tembre 2016. En Allemagne 300 églises offrent un refuge aux migrants L’OSSERVATORE ROMANO page 8 jeudi 2 mars 2017, numéro 9 Paroles aux athlètes qui participent aux Special Olympics d’hiver Pour un monde sans exclusion «Ensemble, athlètes et assistants, vous nous montrez qu’il n’existe pas d’obstacles ni de barrières qui ne puissent être surmontés» en lançant un «message pour un monde sans frontières et sans exclusion». C’est ce qu’a dit le Pape François aux participants aux prochains jeux mondiaux d’hiver Special Olympics, reçus en audience dans la matinée du jeudi 16 février, dans la salle Clémentine. Chers amis, C’est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue et que je vous salue tous, ainsi que, à travers vous, tous ceux qui participeront aux Jeux mondiaux d’hiver Special Olympics, qui se dérouleront à Styrie, en Autriche, au mois de mars prochain. Je remercie l’évêque de Graz-Seckau et le président de Special Olympics Autriche pour leurs aimables paroles. Le sport est pour vous une passion, et vous vous êtes préparés avec beaucoup d’application aux compétitions, selon le serment de l’athlète Special Olympics: «J’essaierai de gagner, mais si je n’y arrive pas, je participerai avec courage et détermination». L’activité sportive fait du bien au corps et à l’esprit, et vous permet d’améliorer la qualité de votre vie. La préparation constante, qui exige également des efforts et des sacrifices, vous fait croître dans la patience et dans la persévérance, vous donne force et courage et vous fait acquérir des capacités qui autrement, demeureraient cachées. Je suis certain que vous avez tous fait cette expérience. Et ainsi, on se sent gratifiés et également reconnus, valorisés dans ses capacités. A la base de toute l’activité sportive il y a, dans un certain sens, la joie: la joie de bouger, la joie d’être ensemble, la joie pour la vie et les dons que le Créateur nous fait chaque jour. En voyant un beau sourire sur vos visages et le grand bonheur dans vos yeux quand vous avez remporté de bons résultats dans une compétition — et la victoire la plus belle est précisément celle de se dépasser soimême — on se rend compte ce que signifie une joie sincère et bien méritée! Et nous pouvons apprendre de vous à nous réjouir des petites choses simples, et à nous réjouir ensemble. En outre, le sport nous aide à diffuser la culture de la rencontre et de la solidarité. Ensemble, athlètes et assistants, vous nous montrez qu’il n’existe pas d’obstacles ni de barrières qui ne puissent être surmontés. Vous êtes un signe d’espérance pour ceux qui s’engagent en vue d’une société plus inclusive. Chaque vie est précieuse, chaque personne est un don et l’inclusion enrichit toutes les communautés et sociétés. Tel est votre message pour le monde, pour un monde sans frontières et sans exclusions! Chers amis! Les jeux mondiaux d’hiver Special Olympics seront un beau moment dans votre vie. Vous serez, comme le dit la devise de cette édition, «Heartbeat for the world» (un cœur qui bat pour le monde»). Je vous souhaite de passer ensemble des journées joyeuses et de rencontrer des amis du monde entier. Je vous confie à la protection de la Très Sainte Vierge Marie et j’invoque sur vous, sur vos familles et sur tous les participants la bénédiction divine. Et s’il vous plaît, priez aussi pour moi. Merci! Entretien avec le prédicateur des exercices spirituels à Ariccia Entre saint Matthieu et Kafka NICOLA GORI Non seulement l’évangéliste Matthieu, mais également Franz Kafka, Amos Oz et Emmanuel Carrère, et aussi les familles, les pauvres et les personnes qui souffrent, trouveront une place dans les méditations des exercices spirituels prêchés pour le Pape et la Curie romaine du 5 au 10 mars. Le cours, qui se tiendra dans la Maison du Divin Maître à Ariccia, sera tenu par le franciscain Giulio Michelini, des frères mineurs, professeur d’exégèse néotestamentaire à l’institut de théologie d’Assise et assistant du Mouvement ecclésial d’engagement culturel (MEIC). «Passion, mort et résurrection de Jésus selon Matthieu» est le thème choisi. Le père Michelini est également engagé dans le domaine de la pastorale biblique, des couples, et est responsable dans le diocèse de Pérouse - Città della Pieve de la formation des candidats au diaconat permanent. Mais c’est avant tout un spécialiste de Matthieu, ayant à son actif un commentaire de son Evangile et une étude de la Passion. Dans cet entretien avec L’Osservatore Romano, il anticipe certains thèmes du cours d’exercices spirituels qu’il tiendra devant le Pape. Pourquoi avoir choisi ce thème? Le début du Carême nous projette déjà vers la Semaine sainte, au cours de la laquelle nous célébrons le cœur du mystère chrétien, c’est-à-dire la Passion, la mort et la résurrection de Jésus. Cela est un premier motif. D’autre part, j’ai été formé, j’ai travaillé et j’ai approfondi les études sur la Passion selon Matthieu. J’ai donc considéré que j’étais en mesure d’affronter le texte sur lequel j’ai beaucoup concentré mon attention et sur lequel je peux dire quelque chose d’utile. D’où naît votre prédilection l’Evangile de Matthieu? pour La première raison est que j’ai consacré mon doctorat à Matthieu. De plus, cette année, l’année liturgique propose la lecture de son Evangile, qui est celui de Pierre et de l’Eglise. C’est le seul qui connaisse le terme ecclesìa. En outre, quand je parlerai, j’aurai devant moi les pasteurs de l’Eglise et j’ai donc pensé choisir un contexte qui permette d’écouter précisément Pierre. Considérant également que l’introduction à tout le cours d’exercices se déroulera dimanche et portera sur deux points: demeurer avec Jésus et demeurer avec Pierre. Comment avez-vous accueilli la demande du Pape? Qu’y aura-t-il d’actuel dans vos méditations? Je l’ai accueillie avec un sens de responsabilité, de joie, et aussi avec un peu de préoccupation. J’ai compris qu’il s’agissait de quelque chose d’important et j’avoue qu’avant d’accepter, j’ai consulté mon directeur spirituel. Beaucoup de choses. Je pense à la méditation que je ferai sur l’épouse de Pilate. Un couple d’époux avec lequel je collabore depuis de nombreuses années m’a aidé à la préparer: les époux Gillini-Zattoni. Cela pour dire que dans les réflexions en- treront également en jeu le thème de la famille. Puis celui des pauvres, parce qu’au début de la Passion, dans la page de l’onction de Béthanie, Jésus dit: «Vous aurez toujours les pauvres avec vous». Puis aussi les personnes qui souffrent, James Tissot, «Le message de la femme de Pilate» comme Jésus au Gethsémani: nous pouvons dire qu’en ce lieu, se trouvent tous ceux ques et archéologiques de Terre qui vivent une épreuve aujourd’hui Sainte, dont nous franciscains somet qui, comme le Christ, ont parfois mes les gardiens. Pour cela, j’espère des difficultés à suivre la volonté de apporter un peu de simplicité. Je vis Dieu. Les thèmes choisis pour les dans la province de Pérouse, dans méditations sont eux aussi représen- un couvent que le Pape François aptatifs, ils ne se limiteront pas aux pellerait «de périphérie». Nous, thèmes évangéliques: je parlerai, en- franciscains, avons également cette tre autres, d’œuvres comme Le dimension de contact avec les gens Royaume d’Emmanuel Carrère, Judas et avec le peuple de Dieu. Je voud’Amos Oz et La métamorphose de drais précisément faciliter cette Franz Kafka, que j’utiliserai dans la proximité à travers mes méditations. dernière méditation sur la résurrection, dans laquelle je parlerai du ré- Quel effet cela vous a-t-il fait que, veil de Jésus. Le choix de Sophie de pour la première fois dans l’histoire de William Styron — dont Alan Pakula l’Eglise, un Pape ait choisi le nom de a tiré son film avec Meryl Streep — François? est un livre très important qui me servira pour parler de Jésus et BaJ’ai immédiatement compris qu’il rabbas. s’agissait d’un signe pour marcher derrière Pierre, qui a choisi ainsi Dans quelle mesure le fait d’être fran- d’annoncer le Christ non seulement ciscain influence-t-il les méditations? à travers le magistère, mais égaleJe crois que cela a une grande in- ment à travers les gestes et un style fluence, parce ce que je me suis pré- de vie proche de celui de François paré à Capharnaüm. Mes frères d’Assise. Nous, franciscains, avons m’ont accueilli dans la ville de Jésus, tous été honorés de ce choix, et comme on le lit dans l’Evangile se- nous avons compris qu’il s’agit lon Matthieu. Dans ces méditations, d’une opportunité pour l’Eglise C’est-à-dire qu’il je ferai constamment référence à la d’aujourd’hui. vie de Jésus en Galilée, aux événe- s’agit d’annoncer l’Evangile comme ments qui sont encore visibles égale- Jésus le faisait et comme François le ment à travers les mémoires histori- fait: c’est-à-dire au milieu des gens. numéro 9, jeudi 2 mars 2017 Mardi 14 février Des agneaux ou des loups En la fête liturgique des saints Cyrille et Méthode, «hérauts courageux de l’Evangile» qui «ont tout risqué» et «rendue l’Europe plus forte», le Pape a réfléchi sur «le caractère missionnaire de l’Eglise» et sur les caractéristiques que doit avoir celui qui est «envoyé proclamer la parole de Dieu». La méditation du Pape s’est inspirée de la prière de la collecte du jour, dans laquelle on demande «que tous les peuples — tous les hommes! — accueillent la parole de Dieu et forment le saint peuple fidèle de Dieu». Et si pour «former le peuple», il faut «accueillir la parole», alors «il y a besoin de semeurs de parole, de missionnaires, de véritables hérauts». Comme les saints Cyrille et Méthode. Dans les lectures proposées par la liturgie, on parle également de missionnarité, avec Jésus qui envoie les disciples (Luc 10, 1-9) et avec Paul et Barnabé qui sont envoyés (Actes des apôtres 13, 4649). Mais quelle doit être «la personnalité d’un envoyé, de celui qui est envoyé pour proclamer la parole de Dieu?». Trois caractéristiques sont apparues. Tout d’abord, «on dit à propos de Paul et Barnabé qu’ils parlaient avec franchise». Donc, on doit apporter la Parole de Dieu «avec franchise, c’est-à-dire ouvertement; également avec force, avec courage». Il arrive en effet que «la personne qui n’a pas de courage sera incapable de former le peuple de Dieu», car «seule la Parole de Dieu proclamée avec cette franchise, avec ce courage, est capable de former le peuple de Dieu». La deuxième caractéristique de l’envoyé ressort du passage évangélique. Dans celui-ci, Jésus dit: «La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez le Maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson». «La Parole de Dieu doit être proclamée par la prière» et cela doit «toujours» être fait. Enfin, dans l’Evangile apparaît «une troisième caractéristique qui est intéressante». On lit: «Voilà, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups». Qu’est-ce que cela signifie? «Le véritable prédicateur est celui qui se sait faible, qui sait qu’il ne peut pas se défendre de lui-même». L’envoyé «au milieu des loups» pourrait objecter: «Mais, Seigneur, pour qu’ils me mangent?». La réponse est: «Va! C’est là le chemin». A cet égard, François a rappelé une «réflexion très profonde» de Jean Chrystostome: «Mais si tu ne vas pas comme un agneau, mais que tu vas comme un loup parmi les loups, le Seigneur ne te protège pas: défends-toi seul». «Quand celui qui doit apporter la Parole de Dieu le fait comme quelqu’un sûr de lui-même et non comme un agneau, il finit mal». Si, en revanche, il le fait «comme un agneau, ce sera le Seigneur qui défendra les agneaux. «Ainsi, les grands hérauts qui ont semé et qui ont aidé à faire grandir l’Eglise dans le monde, ont été des hommes courageux, de prière et humble». Du reste, l’invitation est L’OSSERVATORE ROMANO page 9 Messes à Sainte-Marthe donc celle de prier les saints Cyrille et Méthode, «patrons d’Europe, hérauts de l’Evangile, pour qu’ils nous aident à proclamer la Parole de Dieu avec courage, en prière et avec humilité». Jeudi 16 février Gardiens de la paix «La guerre est finie»: le cri joyeux de la voisine à Buenos Aires, qui prend sa mère Regina dans ses bras a marqué et ému si profondément le petit Jorge Mario que le souvenir en est encore très vivant dans sa mémoire. Le cri «la guerre est finie» devrait être répété précisément aujourd’hui par toutes les personnes pour connaître enfin la paix dans le cœur, mais également dans sa famille, dans son quartier, sur le lieu de travail, et petit à petit, jusqu’au monde entier. Parce que les conflits commencent par les petites choses et débouchent sur «le trafic d’armes», sur les «bombardements d’écoles et d’hôpitaux» pour le pouvoir et «un morceau de terre en plus». La paix est donc un travail artisanal que chacun de nous est appelé à édifier chaque jour et également à invoquer par la prière qui n’est jamais «une formalité». Dans la première lecture, le passage tiré du livre de la Genèse (9, 1-3) et également dans le passage de Marc (8, 27-33), «il y a trois mots, trois figures, trois images qui nous aideront à réfléchir, à penser et à mieux comprendre ce que Jésus explique dans l’Evangile à ses disciples: l’image de la colombe, de l’arcen-ciel et de l’alliance ». En effet, «après le déluge, la première image est celle de la colombe qui, après avoir tournoyé plusieurs fois, revient à la fin avec une jeune branche d’olivier dans le bec». La colombe, avec la branche d’olivier dans le bec, est un signe de paix, c’est le message de Dieu à l’humanité». La «deuxième figure» est «l’arc-en-ciel». «C’est le signe de l’alliance que je place — dit le Seigneur — entre vous et moi pour toutes les générations futures. Je place mon arc sur les nuages», afin qu’il soit «le signe, le souvenir de cette paix qui sera alliance». «Le troisième mot est l’alliance». «Dieu promet: “Je ne détruirai jamais, jamais, je veux la paix, je fais cette alliance avec vous”, l’alliance de la paix». «La colombe et l’arc-en-ciel sont fragiles». « L’arc-en-ciel est beau après la tempête, mais ensuite vient un nuage, il disparaît: c’est un signe éphémère». Même «la colombe est fragile parce qu’il suffit que passe un rapace affamé». En revanche, «l’alliance que Dieu fait est forte, mais nous la recevons, nous l’acceptons avec faiblesse». Ainsi, «Dieu fait la paix avec nous, mais il n’est pas facile de sauvegarder la paix: c’est un travail de tous les jours». «Il y a une chose de l’alliance, un mot qui se répète, le “sang”». Nous sommes gardiens de nos frères et lorsqu’il y a effusion de sang, il y a péché, et Dieu nous demandera des comptes». Aujourd’hui, «dans le monde, il y a effusion de sang, aujourd’hui, le monde est en guerre: de nombreux frères et sœurs meurent, même des innocents, parce que les grands et les puissants veulent un morceau de terre en plus, veulent un peu de pouvoir ou veulent gagner un peu plus avec le trafic d’armes». Mais «la parole du Seigneur est claire: De votre sang, c’est-à-dire de votre vie, je demanderai compte; j’en demanderai compte à tout être vivant». A ce propos, le Pape a suggéré la ligne à suivre pour un examen de conscience: «La question que je poserais aujourd’hui est: comment est-ce que je protège la colombe? Que fais-je afin que l’arc-en-ciel soit toujours un guide ? Que fais-je afin que le sang ne soit plus versé dans le monde?». Une question cruciale, parce que «la guerre commence et finit là». Oui, «nous voyons les nouvelles dans les journaux ou à la télévision: aujourd’hui, tant de gens meurent et cette semence de guerre qui crée l’envie, la jalousie, la cupidité dans mon cœur, est la même — qui a grandi, est devenu un arbre — que la bombe qui tombe sur un hôpital, sur une école et qui tue des enfants, c’est la même!». Parce que véritablement, «la déclaration de guerre commence là, en chacun de nous». D’où l’importance de se poser la question: «Comment est-ce que je préserve la paix dans mon cœur, au plus profond de moi, dans ma famille?». Parce qu’il s’agit «non seulement de sauvegarder la paix», mais aussi de «l’édifier avec les mains, de façon artisanale, tous les jours. Ainsi, nous réussirons à la faire dans le monde entier». « La colombe, l’arc-en-ciel, le sang». Il n’y a qu’un sang qui ait été versé une fois pour toutes. C’est précisément «le sang du Christ qui est celui qui fait la paix». En conclusion, le Pape a prié pour «que le Seigneur nous donne la grâce de pouvoir dire: “la guerre est finie” en pleurant». Mardi 21 février Mondanité et honte L’effort quotidien de tous les chrétiens en cherchant à vaincre la «tentation de la mondanité», de «se sentir plus grands que les autres», a été au cœur de la méditation du Pape. Une tentation inévitable, a expliqué le Pape, en s’inspirant de la liturgie de la parole. Tout d’abord de la lecture tirée du livre du Siracide (2, 113), où il est écrit: «Mon fils, si tu prétends servir le Seigneur, préparetoi à l’épreuve». La confirmation se trouve dans l’Evangile de Marc (9, 30-37), dans lequel on parle de Jésus qui «allait avec les disciples de manière décidée, résolument vers Jérusalem pour accomplir sa mission», c’est-à-dire celle «de faire la volonté du Père». Jésus anticipait aux disciples ce qui lui serait arrivé à Jérusalem: «Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes et ils le tue- ront». Et aussi: «Quand il aura été tué, après trois jours il ressuscitera». Pourtant les disciples «ne comprenaient pas ces paroles et avaient crainte de l’interroger, d’aller au-delà, dans les explications», au point qu’ils disaient: «Arrêtons-nous ici, cela vaut mieux». Les difficultés à comprendre des disciples s’éclaircissent encore mieux en avançant dans la lecture. En effet, «quand ils arrivèrent à Capharnaüm, Jésus leur demanda: “De quoi discutiez-vous en chemin?”». Et ici aussi, ces derniers «se taisaient». Mais cette fois-ci, ils se taisaient «à cause de la honte». En effet, «ils avaient discuté entre eux de qui était le plus grand». Ils avaient «la tentation de la mondanité». Mais, ce n’était pas une tentation qui appartenait à eux seuls: «Depuis le moment où l’Eglise est Eglise jusqu’à aujourd’hui, cela s’est produit, se produit et se produira». Cela arrive, par exemple, «dans les paroisses» où il y a toujours des «luttes». La tentation de la mondanité à partir de laquelle commence «la chaîne des péchés», comme «parler mal de son prochain» ou les commérages. «Parmi nous aussi, les évêques, il arrive la même chose: la mondanité vient comme une tentation». Et ainsi, il arrive qu’un évêque dise: «Je suis dans ce diocèse, mais je regarde celui qui est plus important», et il agit pour faire des pressions, pour chercher des influences. En résumé, «la mission est servir le Seigneur, mais ensuite le désir véritable, très souvent, nous pousse vers la route de la mondanité pour être plus importants». Il peut ensuite y avoir la déception, comme cela a été le cas pour les disciples de Jésus qui «se taisaient tout d’abord par crainte, puis qui se taisaient par honte». Le Pape l’a définie comme la «sainte honte!». Le critère de choix pour nos actions, face à certaines tentations, est expliqué par Jésus: «S’étant assis, il leur dit: «Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous» et, ayant pris un enfant, il ajouta: «Devenez comme lui». Le Christ «inverse tout. La gloire et la croix, la grandeur et l’enfant...». Ce passage de l’Evangile «nous conduit à prier pour l’Eglise, à prier pour nous tous, afin que le Seigneur nous défende des ambitions, du sentiment mondain de se sentir plus grands que les autres». Que le Seigneur «nous donne la grâce de la honte». Mais également, «qu’il nous donne la grâce de la simplicité d’un enfant», de comprendre l’importance de la «route du service» et, à la fin d’une vie de service, de savoir dire: «Je suis un serviteur inutile». page 10 L’OSSERVATORE ROMANO jeudi 2 mars 2017, numéro 9 L’étendard d’Ur retrouvé dans une tombe du site (2600-2400 av. J.-C.) GIOVANNI BATTISTA RE ans la perspective du grand jubilé de l’an 2000, JeanPaul II désirait ardemment aller prier sur les lieux les plus liés à l’histoire de notre salut, qui atteint son sommet dans l’incarnation du Verbe de Dieu. Il aspirait en particulier à se rendre à Ur des Chaldéens, patrie d’Abraham, sur le Sinaï, où Dieu donna les commandements à Moïse et établit son alliance avec l’humanité, sur le mont Nebo, d’où Moïse lui-même vit la terre promise, et en Terre Sainte: Nazareth, Bethléem et Jérusalem. Le Pape eut la joie de visiter, lors de deux voyages accomplis respectivement en février et en mars 2000, tous les lieux venant d’être rappelés, à l’exception du premier, c’est-à-dire Ur des Chaldéens, qui, dans le projet papal, représentait précisément le point de départ, à effectuer en 1999, séparément des autres. Comme on le sait, Ur des Chaldéens, située au sud de l’Irak à quinze kilomètres de Nassiriya, dans une zone presque déserte proche du delta de l’Euphrate, est le lieu d’où, selon le récit biblique, Abraham partit, accueillant la voix de Dieu. Il n’existe aujourd’hui de l’antique Ur que des vestiges archéologiques, que j’ai visités en 1969. Je me rappelle que dans la partie sud de cette localité — le reste du palais royal et des temples sont au centre et dans la partie nord — se trouvent les traces d’un quartier habité et, parmi ces ruines, me furent indiquées les fondations d’une maison que l’archéologue anglais Leonard Wooley, directeur des fouilles à Ur entre 1922 et 1930, avait identifiée comme la «maison d’Abraham». A l’époque du patriarche biblique, Ur était le centre de l’antique civilisation sumérienne, l’une des premières véritables ville du monde. Abraham, avec sa femme Sarah et son fils Isaac, obéissant à l’appel de Dieu, partit de cette ville vers la «terre promise» pour marquer le début d’un nouveau peuple: «Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction!» (Genèse, 12, 1-2), lui avait dit cette voix intérieure. Et Abraham quitta sa maison et partit, comme le Seigneur le lui avait ordonné, accompagné par la promesse d’une grande descendance: «Lève les yeux au ciel et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer. Telle sera ta postérité» (15, 5). Abraham a cru avec confiance — «avec espérance contre toute espérance» (Rm, 4, 18) écrit l’apôtre Paul — et il est devenu le prototype du croyant, en raison de sa foi inébranlable dans la parole de Dieu. C’est précisément en raison de ce que le patriarche Abraham représente pour nous chrétiens, que JeanPaul II tenait beaucoup à visiter Ur, afin de prier en ce lieu riche de souvenirs historiques et pour pouvoir réfléchir sur cette terre sur les événements et sur l’extraordinaire témoignage de foi en Dieu de ce grand personnage biblique, également très vénéré par les juifs et les musulmans. D Un voyage manqué de Jean-Paul II Sur la terre d’Abraham Cette première étape, rêvée et désirée, se présentait cependant très difficile en ces années-là. En 1990, en effet, l’Irak avait militairement envahi le Koweït en l’annexant à son propre territoire. En réaction, se forma immédiatement une grande coalition internationale, agissant sur mandat des Nations unies et guidée par les Etats-Unis, qui libéra le Koweït, en obligeant Saddam Hussein à rentrer dans les frontières de son Etat. Mais cette intervention des troupes irakiennes avait suscité préoccupation et méfiance dans le monde à l’égard de Saddam Hussein. On craignait en outre que l’Irak n’ait un programme nucléaire secret et qu’il ne possède des armes chimiques. Etant donné que le leader irakien n’avait pas voulu accepter un contrôle international en vue d’une vérification de la part d’inspecteurs, l’Organisation des Nations unies (ONU) décréta un embargo sur l’Irak qui interdisait l’atterrissage à Bagdad de tout avion. Rejoindre Ur des Chaldéens semblait donc un rêve irréalisable. Mais en raison de la grande signification religieuse de ce lieu, Jean-Paul II voulut que l’on approfondisse la question. Comme premier pas, il chargea le cardinal Roger Etchegaray d’aller directement vérifier l’état des choses avec les autorités irakiennes. Le 8 juin 1998, le représentant papal vola jusqu’à Amman, en Jordanie, et de là, il rejoignit Bagdad en voiture, où il rencontra le vicepremier ministre Tareq Aziz, puis le ministre des affaires étrangères Mohammed Said al-Sajaf et le ministre pour les affaires religieuses. Il fut dit au cardinal que l’on ne voyait pas de difficultés pour la visite et que le président Saddam Hussein aurait volontiers salué le Pape en terre irakienne. A son tour, le cardinal Etchegaray avait expliqué le sens que le Pape entendait donner au pèlerinage à Ur des Chaldéens, qui aurait eu un caractère religieux et de prière, sans la présence d’autorités civiles. Quelques jours plus tard, le cardinal Sodano, secrétaire d’Etat, se trouvant à New York pour une rencontre prévue depuis longtemps, en profita pour parler des difficultés de l’embargo et de la no-fly-zone avec le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Plus tard, la se- crétairerie d’Etat prit également contact avec Peter van Walsum, président du Comité pour les sanctions contre l’Irak. La conclusion fut que, le moment venu, il aurait été suffisant de communiquer officiellement à cet organisme le programme du voyage papal, exclusivement à caractère religieux, en précisant le jour, les horaires, les vols et l’aéroport (celui de Bagdad). L’embargo aurait été levé le temps du pèlerinage du Pape et de sa suite. Après ces réponses favorables, Jean-Paul II décida d’informer les Etats-Unis du projet, en illustrant bien la finalité strictement religieuse du voyage. En réponse, Madeleine Albaright, secrétaire d’Etat américain, envoya à Rome une délégation de trois personnes (Bruce Reidel, conseiller du président Clinton pour les questions de sécurité, Ann Korky, du département d’Etat, et Bruce Bork, du Service national de renseignements) pour «informer le SaintSiège sur la situation en Irak» et présenter les difficultés que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entrevoyaient pour le projet du Pape. La délégation fut reçue le 4 juin 1999 par Mgr Celestino Migliore, sous-secrétaire pour les relations avec les Etats, qui écouta leur vision du problème et souligna qu’il s’agissait d’un voyage à caractère exclusivement religieux, dans un lieu riche de signification religieuse. Le prélat précisa en outre qu’au cours de ce voyage, la rencontre du Pape avec Saddam Hussein était inévitable, mais que cela n’aurait en rien signifié l’appui de sa politique, mais au contraire, aurait pu être une occasion pour parler et éclaircir certaines questions avec le président. Quelques semaines plus tard se présenta également à la secrétairerie d’Etat Thomas Pickering, sous-secrétaire du département d’Etat, et le thème principal de la visite du diplomate américain fut le pèlerinage papal en Irak, et ce dernier exprima la crainte que ce voyage ne renforce Saddam Hussein. Jean-Paul II, qui avait déjà prévu cette contrariété des Etats-Unis, décida quand même d’aller de l’avant, son voyage étant motivé par de sérieuses raisons religieuses en préparation au jubilé de l’an 2000. Jusqu’au mois de mai 1999, tout semblait procéder de manière favorable à la visite en Irak. Le ministre des affaires étrangères, en rencontrant le nonce, lui avait dit entre autres qu’on l’on aurait eu plaisir à accueillir le Pape dans la Guest House présidentielle destinée aux chefs d’Etats et aux hôtes illustres. Ce à quoi le nonce répondit que la tradition était qu’au cours de ses voyages, le Pape loge dans la résidence de la nonciature et que l’on n’admettait pas d’exceptions. Le 29 juin 1999, le Pape publia en préparation au grand jubilé, une lettre pour illustrer la signification du pèlerinage qu’il entendait faire dans les principaux lieux liés à l’histoire du salut et il consacrait deux pages entières à Ur des Chaldéens. Un groupe de sept intellectuels irakiens critiqua le document pontifical dans une lettre ouverte, en soulignant l’importance d’Abraham pour l’islam et en soulignant que la vision d’Abraham dans le Coran, où il est nommé 69 fois, est différente de celle du Pape. Le texte irakien ne suscita pas de surprise, parce que tout le monde savait que les deux conceptions, chrétiennes et musulmanes, se fondent sur des points de vue différents. De même qu’il était évident que la perspective du Pape était la perspective biblique et pas celle du Coran. La lettre ne sembla pas troubler le climat d’attente: il s’agissait de l’initiative privée de certains intellectuels qui exprimaient leur pensée sur Abraham. Mais au moment de définir les points concrets du programme, le gouvernement commença à renvoyer le choix de la date à laquelle l’organisateur des voyages papaux, le jésuite Roberto Tucci, et ses collaborateurs auraient pu se rendre à Bagdad pour décider les divers points du déroulement de la visite. Ce retard ne manqua pas de surprendre, car le pèlerinage était prévu du 1er au 3 décembre 1999. Finalement, le 21 novembre, le père Tucci et ses collaborateurs furent reçus au ministère des affaires étrangères par le sous-secrétaire, accompagné par le chef du protocole et par un directeur général du ministère. Le haut fonctionnaire, au terme d’un long entretien, communiqua SUITE À LA PAGE 11 L’OSSERVATORE ROMANO numéro 9, jeudi 2 mars 2017 page 11 Collège épiscopal Le Saint-Père a nommé: 8 février le père TIMOTHY HARRIS, du clergé de l’archidiocèse de Brisbane (Australie), jusqu’à présent curé de «Surfer’s Paradise» et doyen de la zone de la côte sud du même archidiocèse: évêque de Townsville (Australie). Né à Brisbane (Australie) le 29 octobre 1962, il a étudié au Saint Joseph’s College di Nudgee. Avant d’entrer au séminaire régional Pie XII en 1985, il a travaillé dans une banque comme responsable du personnel et des relations avec les clients. Ordonné prêtre le 18 novembre 1992, il a exercé son ministère comme assistant dans les paroisses de Grovely et Caboolture, puis il est devenu curé de Graceville et s’est occupé de l’union de sa paroisse avec la proche paroisse de Corinda. Il a également été membre du conseil presbytéral et du «clergy appointments advisory panel». En 2010, il a été transféré comme curé à «Surfer’s Paradise» et il était jusqu’à présent doyen de la zone de la côte sud de l’archidiocèse de Brisbane. nait alors le territoire correspondant. Il a ensuite été vicaire à Wittenburg et Neubrandenburg, avant de devenir curé de Sankt Norbert à Friedland en 1985. En 1990, il a été transféré à la paroisse de Sankt Elisabeth à Hagenow puis, en 1996, à la Christusgemeinde de Rostock. Depuis 2009, il était prévôt de Sankt Anna à Schwerin. En 2015, il a également été nommé chanoine non-résident du chapitre métropolitain de Hambourg. 10 février le père GIOVANNI SALONIA, O.F.M. CAP., jusqu’à présent responsable de la formation permanente pour la province capucine de Syracuse (Italie): évêque auxiliaire de Palerme (Italie), lui assignant le siège titulaire de Butrinto. Né à Raguse (Italie) le 27 juillet 1947, il est entré chez les frères capucins de la province de Syracuse le 29 septembre 1962. Il a suivi ses études dans les instituts internes de l’ordre. Il a émis ses vœux temporaires le 4 octobre 1963 et ses vœux perpétuels le 1er novembre 1968. Il a été ordonné prêtre le 3 juillet 1971. Il a obtenu une licence en théologie, appliquée à la spiritualité, à l’Antonianum de Rome; une licence en sciences de l’éducation à l’université pontificale salésienne; un spécialisation en psychothérapie de la Gestalt au Gestalt Training Center de San Diego en Californie. Au sein de son ordre, il a été directeur des étudiants capucins à Raguse (1978-1981); définiteur provincial (1980-1986); vicaire provincial (1989-1991); ministre provincial (1992-2001); supérieur et maître des post-novices à Modica (2001-2007); de nouveau ministre provincial (2007-2010). Il était jusqu’à présent responsable de la formation permanente pour la province capucine de Syracuse. Il a également été professeur d’assistance pastorale dans divers séminaires; professeur de psychologie et de Pastoral Counseling à la faculté pontificale de théologie de Sicile (Palerme); co-directeur de l’école post-universitaire de spécialisation en psychothérapie de la Gestalt Human Center Communication Italy (Raguse-Rome-Venise); professeur à l’université pontificale Antonianum; collaborateur du cours sur la pastorale familiale à l’université pontificale grégorienne; professeur à l’institut de théologie San Paolo de Catane; professeur de psychologie sociale à la LUMSA de Palerme; directeur du planning familial Oasi Cana de Palermo; directeur la revue internationale en ligne GTK; directeur des masters universitaires de second niveau en Pastoral Counseling. 13 février le père YUNAN TOMBE TRILLE KUKU ANDALI, du clergé de El Obeid (Soudan), recteur du grand séminaire Saint-Paul à Juba: évêque d’El Obeid (Soudan). Né le 1er janvier 1964 à Tojoro, dans la région de Nuba Mountains, diocèse d’El Obeid (Soudan), il a accompli ses études secondaires à la Comboni Junior School à El Obeid, puis a suivi des études de philosophie à Juba et de théologie à Khartoum, où il a obtenu le baccalauréat. Ordonné prêtre le 7 avril 1991, il a été collaborateur paroissial à El Nahud, Nayala, El Fasher et Kadaguli (1991-1995); recteur du petit séminaire d’El Obeid (1995-2002); vicaire général du diocèse (1997-2002). Après des études de licence et de doctorat en droit canonique à l’université catholique de Nairobi, au Kenya (2002-2009), il a été curé de la All Saints Parish à Saraf Jamus (2009-2012). Depuis 2012, il était recteur du séminaire interdiocésain Saint-Paul à Juba. 9 février Mgr HORST EBERLEIN, du clergé de l’archidiocèse de Hambourg (République fédérale d’Allemagne), jusqu’à présent prévôt de Sankt Anna à Schwerin et chanoine non-résident du chapitre métropolitain: évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Hambourg (République fédérale d’Allemagne), lui assignant le siège titulaire épiscopal de Tisedi. Né le 25 octobre 1950 à Walsleben/Altmark, aujourd’hui appartenant à l’archidiocèse de Berlin (République fédérale d’Allemagne), il a suivi des études de philosophie et de théologie à Erfurt. Il a été ordonné prêtre le 16 avril 1977 à Waren/Müritz, dans le diocèse actuel de Hambourg, et a été incardiné dans le diocèse d’Osnabrück, auquel apparte- Envoyé spécial Le Saint-Père a nommé: 18 février S.Em. le cardinal GIUSEPPE BERTELLO, président du gouvernorat de l’Etat de la Cité du Vatican: envoyé spécial aux célébrations du 40e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la République du Ghana et le Saint-Siège, ainsi que du 60e anniversaire de l’indépendance de la même République, en programme à Accra du 3 au 6 mars 2017. L’OSSERVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt Un voyage manqué de Jean-Paul SUITE DE LA PAGE 10 qu’il aurait donné une réponse dans les deux jours, mais il informa ensuite que la question demandait une étude supplémentaire et que la décision aurait été ensuite communiquée à travers la nonciature. Ce retard renforça bien évidemment le soupçon que Saddam Hussein était en train de changer d’idée. Le 9 décembre 1999, l’ambassadeur d’Irak près le Saint-Siège rencontra le substitut de la secrétairerie d’Etat et communiqua verbalement que, dans la «situation anormale» dans laquelle se trouvait l’Irak, «le voyage du Pape devait être renvoyé jusqu’au au moment où les circonstances le permettraient». Pourquoi Saddam Hussein changea-t-il d’idée? Eut-il la crainte de ne pas réussir à contrôler la situation interne, à cause de la condition de souffrance de la population, en raison des difficultés économiques causées par l’embargo imposé par les Nations unies? Craignait-il que cette visite du Pape en terre irakienne ne le pousse ensuite à accepter l’humiliation du contrôle d’inspecteurs de l’Onu sur l’existence possible d’armes chimiques et de programmes nucléaires secrets? Fut-il dissuadé par quelque chef religieux musulman? Ce sont des questions auxquelles il n’est pas possible d’apporter une réponse, car l’am- GIOVANNI MARIA VIAN directeur Giuseppe Fiorentino vice-directeur Jean-Michel Coulet rédacteur en chef de l’édition Cité du Vatican [email protected] www.osservatoreromano.va Rédaction bassadeur se limita à dire que le président Saddam Hussein n’entendait pas annuler la visite, mais seulement la renvoyer dans le temps. La réponse, quelques semaines avant le début du jubilé de l’an 2000, ferma définitivement la porte à la réalisation du voyage. JeanPaul II en prit acte avec la sérénité qui le distinguait et il décida de consacrer à Abraham les audiences générales du 16 et du 23 février, pendant les premières semaines de l’année sainte, illustrant ce que le personnage biblique représente pour les chrétiens comme «père dans la foi», accomplissant ainsi idéalement le pèlerinage à Ur des Chaldéens. En considérant les graves et tristes événements qui depuis cette date, assez proche dans le temps, ont eu lieu au Moyen-Orient et dans les régions proches, on se demande spontanément si, après le voyage jamais réalisé, les Etats-Unis auraient encore décidé de lancer l’intervention militaire en Irak en 2003, soutenus par le Royaume-Uni, en renversant le régime de Saddam Hussein. L’intuition américaine que la visite programmée du Pape aurait d’une certaine manière renforcé Saddam et rendu plus difficile une intervention militaire contre l’Irak n’était pas en effet sans fondement. TIPO GRAFIA VATICANA EDITRICE L’OSSERVATORE ROMANO don Sergio Pellini S.D.B. directeur général Service photo: [email protected] Agence de publicité Il Sole 24 Ore S.p.A, System Comunicazione Pubblicitaria via del Pellegrino, 00120 Cité du Vatican Via Monte Rosa, 91, 20149 Milano téléphone + 39 06 698 99400 fax + 39 06 698 83675 [email protected] II Les échos qu’aurait eus le voyage papal en Irak, accompli avec la levée de l’embargo de la part de l’ONU, seraient allés dans le sens contraire à une guerre des EtatsUnis en Irak, visant à l’instauration d’un système démocratique. En réalité, la visite de Jean-Paul II en terre irakienne aurait probablement conduit à trouver une solution pacifique, d’autant plus qu’en réalité, ni le programme nucléaire soupçonné, ni les armes chimiques n’existaient, comme cela apparut ensuite. Un point semble certain: si cette guerre malheureuse n’avait pas eu lieu, n’auraient probablement pas eu lieu ce qu’on a appelé les printemps arabes, avec leurs conséquences, ni la guerre actuelle en Syrie qui dure désormais depuis six ans, ni le soi-disant Etat islamique, tout au moins en ce qui concerne les bases qu’il a réussi à établir en Irak et en Syrie. Et en conséquence, il n’y aurait pas eu non plus les très nombreux réfugiés qui fuient la guerre vers l’Europe pour échapper à la mort. Ni les migrants qui, poussés par la faim, cherchent une perspective d’avenir, alors que beaucoup d’entre eux, malheureusement, périssent tragiquement en mer, rendant encore plus grave une urgence qui ne semble pas avoir de fin. Voilà une page de l’histoire qui fait réfléchir. Abonnements: Italie, Vatican: 58,00 €; Europe: 100,00 € 148,00 $ U.S. 160,oo FS; Amérique latine, Afrique, Asie: 110,00 € 160,00 $ U.S. 180,00 FS; Amérique du Nord, Océanie: 162,00 € 240,00 $ U.S. 260,00 FS. Renseignements: téléphone + 39 06 698 99489; fax + 39 06 698 85164; courriel: [email protected] Belgique: Editions Jésuites 7, rue Blondeau 5000 Namur (IBAN: BE97 0688 9989 0649 BIC: GKCCBEBB); téléphone o81 22 15 51; fax 081 22 08 97; [email protected] France: Bayard-Ser 14, rue d’Assas, 75006 Paris; téléphone + 33 1 44 39 48 48; [email protected] - Editions de L’Homme Nouveau 10, rue de Rosenwald 75015 Paris (C.C.P. Paris 55 58 06T); téléphone + 33 1 53 68 99 77 [email protected]. Suisse: Editions Saint - Augustin, casepostale 51, CH - 1890 Saint-Maurice, téléphone + 41 24 486 05 04, fax + 41 24 486 05 23, [email protected] - Editions Parole et Silence, Le Muveran, 1880 Les Plans sur Bex (C.C.P. 17-336720-5); téléphone + 41 24 498 23 01; [email protected] Canada et Amérique du Nord: Editions de la CECC (Conférence des Evêques catholiques du Canada) 2500, promenade Don Reid, Ottawa (Ontario) K1H 2J2; téléphone 1 800 769 1147; [email protected] L’OSSERVATORE ROMANO page 12 Votre prédécesseur, le Pape Benoît XVI a mis en garde contre le risque, dans le dialogue œcuménique, de donner la priorité à la collaboration dans l’action sociale, au lieu de suivre le chemin plus exigeant de l’accord théologique. Il semble que vous préfériez le contraire, c’està-dire «marcher et travailler» ensemble pour atteindre l’objectif de l’unité des chrétiens. Est-ce vrai? Je ne connais pas le contexte dans lequel le Pape Benoît a dit cela, je ne le connais pas et c’est pourquoi je me trouve ici un peu en difficulté, cela me met dans l’embarras pour répondre... Il a voulu dire cela ou pas... Peut-être cela a-t-il été dit dans un dialogue avec les théologiens... Mais je n’en suis pas sûr. Les deux choses sont importantes. Cela est certain. Laquelle des deux a la priorité?... Et d’autre part, il y a la célèbre phrase d’Athénagoras — qui est vraie, parce que j’ai posé la question au patriache Bartholomée, qui m’a dit: «Cela est vrai» —, quand il a dit au bienheureux Pape Paul VI: «Faisons l’unité entre nous, et mettons tous les théologiens sur une île pour qu’ils réfléchissent!». C’était une plaisanterie, mais vraie, historiquement vraie; j’en doutais, mais le patriarche Bartholomée m’a dit que c’était vrai. Mais quel est le noyau de cela, parce que je crois que ce qu’a dit le Pape Benoît est vrai: on doit chercher le dialogue théolo- La possibilité d’un voyage avec l’archevêque de Canterbury L’œcuménisme de la paix pour le Soudan du Sud L’Eglise de All Saints commença par un groupe de fidèles britanniques, mais c’est désormais une Congrégation internationale, avec des personnes provenant de divers pays. Dans certaines régions de l’Afrique, de l’Asie ou du Pacifique, les relations œcuméniques entre les Eglises sont meilleures et plus créatives qu’ici en Europe. Que pouvons-nous apprendre de l’exemple des Eglises du Sud du monde? «Merci, c’est vrai. Les Eglises jeunes ont une vitalité différente, parce qu’elles sont jeunes. Et elles cherchent une manière de Au terme de la liturgie dans l’église de s’exprimer différemAll Saints, le Pape François a demandé que ment. Par exemple, l’on s’encourage les uns les autres à devenir des une liturgie ici à Rodisciples toujours plus fidèles de Jésus, plus me, ou bien à Londres libres à l’égard des préjugés du passé et plus ou encore à Paris, désireux de prier pour les autres et avec eux et, n’est pas la même avant l’échange des dons, il a répondu aux qu’une liturgie dans questions posées par des fidèles anglicans. ton pays, où la cérémonie liturgique, même celle catholique, gique pour chercher également les s’exprime à travers la joie, la danse racines..., sur les sacrements..., sur et tant de formes différentes qui sont tant de choses à propos desquelles propres à ces Eglises jeunes. Les nous ne sommes par encore d’ac- Eglises jeunes ont plus de créativité; cord... Mais on ne peut pas faire ce- et au début, ici aussi en Europe, la en laboratoire: on doit le faire en c’était la même chose: on cherchait... marchant, le long du chemin. Nous Quand tu lis, par exemple, dans la sommes en chemin et en chemin Didaché, comment on célébrait l’Euégalement nous discutons. Les théo- charistie, la rencontre entre les chrélogiens le font. Mais entre temps, tiens, on voit une grande créativité. nous nous aidons, nous, les uns les Ensuite, en grandissant, en grandisautres, dans nos besoins, dans notre sant, l’Eglise s’est bien consolidée, vie, nous nous aidons également spi- elle a grandi et est arrivée à un âge rituellement. Par exemple, dans le adulte. Mais les Eglises jeunes ont jumelage, il y avait le fait d’étudier plus de vitalité et elles ont égaleensemble l’Ecriture, et nous nous ai- ment esoin de collaborer, un besoin dons dans le service de la charité, fort. Par exemple je suis en train dans le service des pauvres, dans les d’étudier, mes collaborateurs sont en hôpitaux, dans les guerres... C’est train d’étudier la possibilité d’un très important, cela est très impor- voyage au Soudan du Sud. Pourtant. On ne peut pas faire le dialo- quoi? Parce que tous les évêques gue théologique en étant immobiles. sont venus, l’anglican, le presbytéNon. Le dialogue œcuménique se rien et le catholique, les trois ensemfait en marchant, parce que le dialo- ble, pour me dire: «S’il vous plaît, gue œcuménique est un chemin, et venez au Soudan du Sud, seulement les choses théologiques se discutent une journée, mais ne venez pas seul, en chemin. Je crois qu’avec cela, je venez avec Justin Welby», c’est-à-dine trahis pas l’esprit du Pape Benoît, re avec l’archevêque de Canterbury. ni même la réalité du dialogue œcu- C’est d’elles, des Eglises jeunes, ménique. C’est ainsi que je l’inter- qu’est venue cette créativité. Et nous prète. Si je connaissais le contexte réfléchissons pour savoir si cela peut dans lequel cette expression a été di- se faire, si la situation le permet làte, je dirais peut-être autre chose, bas… Mais nous devons le faire parce qu’eux, tous les trois ensemble mais c’est ce qui me vient à l’esprit. Le désir d’être ensemble veulent la paix, et ils travaillent ensemble pour la paix… Il y a une anecdote très intéressante. Quand le bienheureux Paul VI a célébré la béatification des martyrs de l’Eglise de l’Ouganda — une Eglise jeune —, parmi les martyrs — ils étaient tous catéchistes, jeunes — certains étaient catholiques et d’autres anglicans, et tous ont été martyrisés par le même roi, en haine de la foi et parce qu’ils n’avaient pas voulu accepter les sales propositions du roi. Et Paul VI s’est trouvé dans l’embarras, parce qu’il disait: «Je dois béatifier les uns et les autres, ce sont des martyrs les uns et les autres». Mais à ce moment, dans l’Eglise catholique, il n’était pas tellement possible de faire cette chose. Le Concile venait de se dérouler… Mais cette Eglise jeune célèbre aujourd’hui les uns et les autres ensemble; Paul VI lui aussi dans l’homélie, dans le discours, lors de la Messe de béatification, a voulu nommer les catéchistes anglicans martyrs de la foi au même niveau que les catéchistes catholiques. C’est ce que fait une Eglise jeune. Les Eglises jeunes ont du courage, parce qu’elles sont jeunes; comme tous les jeunes, elles ont plus de courage que nous… qui ne sommes pas très jeunes! Et ensuite mon expérience. J’étais très ami des anglicans à Buenos Aires, parce que l’arrière de la paroisse de la Merced communiquait avec la cathédrale anglicane. J’étais très ami de l’évêque Gregory Venables, très ami. Mais il y a une autre expérience: dans le nord de l’Argentine, il y a des missions anglicanes avec les aborigènes et des missions catholiques avec les aborigènes, et l’évêque anglican et l’évêque catholique de là-bas travaillent ensemble et enseignent. Et quand les gens ne peuvent pas aller le dimanche à la célébration catholique, ils vont à celle anglicane, et les anglicans vont à la catholique, parce qu’ils ne veulent pas passer le dimanche sans une célébration; et ils travaillent ensemble. Et ici, la Congrégation pour la doctrine de la foi le sait. Et ils font la charité ensemble. Et les deux évêques sont amis et les deux communautés sont amies. Je crois que c’est une richesse que nos Eglises jeunes peuvent apporter jeudi 2 mars 2017, numéro 9 à l’Europe et aux Eglises qui ont une grande tradition. Et ces dernières peuvent nous donner la solidité d’une tradition très, très soignée et profondément pensée. Il est vrai que l’œcuménisme dans les Eglises jeunes est plus facile. C’est vrai. Mais je crois que — et je reviens à la deuxième question —, dans la recherche théologique, l’œcuménisme est peutêtre plus solide dans une Eglise plus mûre, plus habituée à la recherche, à l’étude de l’histoire, de la théologie, de la liturgie, comme l’est l’Eglise en Europe. Et je crois que cela ferait du bien aux deux Eglises: d’ici, de l’Europe, d’envoyer plusieurs séminaristes pour faire des expériences pastorales dans les Eglises jeunes, où l’on apprend tant. Ils viennent des Eglises jeunes pour étudier à Rome, tout au moins les catholiques, nous le savons. Mais les envoyer voir, apprendre des Eglises jeunes serait une grande richesse dans le sens que vous avez dit. L’œcuménisme est plus facile là-bas, il est plus facile, ce qui ne veut pas dire plus superficiel, non, il n’est pas superficiel. Ils ne font pas de concession sur la foi et l’identité. Cet aborigène te dit, au nord de l’Argentine: «Je suis anglican». Mais il n’y a pas d’évêque, il n’y a pas de pasteur, il n’y a pas de révérend… «Je veux louer Dieu le dimanche et je vais à la cathédrale catholique», et vice versa. Ce sont des richesses des Eglises jeunes. Je ne sais pas, c’est ce que j’ai envie de te dire. Visite à l’église de All Saints SUITE DE LA PAGE 1 démontrent «plus de créativité» et «plus de courage» dans le domaine de l’œcuménisme. Dans l’homélie prononcée au cours de la liturgie, le Pape a également exhorté a remercier le Seigneur parce que «parmi les chrétiens a grandi le désir d’une plus grande proximité, qui se manifeste dans la prière commune et dans le témoignage commun à l’Evangile, surtout à travers différentes formes de service». Alors que par le passé, catholiques et anglicans «se regardaient avec soupçon et hostilité», à présent — a-t-il dit — «nous nous reconnaissons tels que nous sommes vraiment: frères et sœurs dans le Christ, à travers notre baptême commun». Assurément, a-t-il admis, «le progrès sur le chemin vers la pleine communion peut apparaître lent et incertain». Mais comme saint Paul — qui «ne se résigne pas aux divisions» dans la communauté de Corinthe —, les chrétiens sont appelés aujourd’hui à «parcourir ici-bas toutes les voies possibles d’un chemin chrétien fraternel et commun», en pratiquant l’humilité et en se reconnaissant comme des «mendiants de miséricorde»